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Le fascinant mystère

 


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De notre boule hospitalière,

Nous avons vue sur le mystère

Des astres scintillant la nuit.

Nous les contemplons, éblouis.

Tous les trésors de la Nature

Se renouvellent, tels qu'ils furent.

Quand nous découvrons leur splendeur,

Nous ressentons un coup de coeur.

Ces rencontres ne sont pas rares,

Le hasard n'en est pas avare.

La présence du merveilleux

Nous rend attendris et joyeux.

La beauté n'est pas un besoin

Et la splendeur encore moins,

Elle paraît luxe suprême.

La Nature les offre quand même.

Le sublime exalte, fascine.

Il est d'une essence divine.

D'où surgirent les enchanteurs?

L'énergie n'était qu'un moteur.

4 février 2014

 

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Pierre Jourde, La première pierre

                                                  
"Dans ces terres reculées, dans ces pays perdus, on vit toujours plus ou moins dans une légende, dans l'image d'un chapiteau roman historié de scènes naïves et cruelles..."
 
Pierre Jourde revient sur des événements qui en 2005 ont défrayé la chronique. Lors de la parution d'un de ses livres, Pays perdu, une partie des habitants du village d'Auvergne dont il était question dans le récit s'est livrée à une tentative de lynchage de l'auteur et de sa famille.
 
Pierre Jourde y décrivait la rudesse de la vie dans ce hameau lointain dont il est originaire, mais aussi une fraternité archaïque, solide, des relations humaines à la fois brutales et profondes, tout cela raconté à l'occasion de la mort d'un enfant. Célébration du village aimé, le livre y a été reçu par certains comme une offense. La première pierre retrace les événements violents qui ont suivi la parution de Pays perdu, et propose aussi une magnifique démonstration des puissances de la littérature, en même temps qu'un récit vibrant d'émotion et d'admiration pour ces contrées et ces gens qui vivent dans un temps différent de celui des villes."
 

 


"Un soir de février, une voiture se dirige lentement vers un hameau isolé, au bout de l'autoroute, au-delà des collines, des friches et des bois. Dans le véhicule, deux frères. L'un d'eux vient toucher l'héritage du cousin joseph, un ermite qui vivait dans une vieille masure. Un secret espoir les anime. ce sauvage a forcément dû laisser derrière lui un magot, des bijoux, quelques pièces d'or... Pour ces citadins revenus sur les lieux de leur enfance, cette chasse au trésor va inaugurer la plus surprenante des aventures intérieures. Comme dans les anciennes tragédies, l'action e déroule sur deux journées d'un hiver qui semble ne jamais vouloir finir. Les dieux qui régissent cette terre où il n'y a rien à faire sont grotesques et terrifiants. On les nomme Alcool, Hiver, Solitude... Ce " pays perdu " où l'on n'arrive qu'en s'égarant, ne se dérobe-t-il pas depuis toujours ?"


Est-ce dire la vérité que de présenter les choses telles qu’elles sont (ou telles qu’on les voit) sans se préoccuper de la façon dont l’autre entendra ce qu’on dit ?  N'est-ce peut-être qu'une vérité jésuitique, et la réelle sincérité ne consiste-t-elle pas plutôt à tenir compte de la personne de l'autre et à lui fournir un titrage fidèle de son propre savoir ?
 
Je ne veux pas jeter une pierre de plus à Pierre Jourde. Pays perdu, c’était sa part de vérité et comme chacun d’entre nous, il n’a pas pensé que les mots qui le soulageaient lui, qui le faisaient exister un peu plus, pouvaient en blesser d’autres. Ou peut-être y a-t-il pensé, mais sans s’y attarder.
 
Plus de huit ans après la tentative de lynchage, Jourde avoue avec une lucidité bouleversante que c'est sans doute lui qui a jeté la première pierre : "Dire le handicap, c'est désigner celui qui en est affecté. Le désigner, c'est le dénoncer. Il n'y a pas de neutralité de la parole envisagée ainsi. Elle est positive ou négative, elle choisit le bien ou le mal. Par conséquent, dire une chose qui n'est pas belle, ou pas tout à fait normale, vouloir que cela se fixe dans l'écrit, c'est la vouloir en tant qu'elle est mauvaise, c'est vouloir le mal. Tintin se voyait dénoncé. Il n'imaginait pas d'autre motivation que la malignité. Il se voyait lié par les mots à son cadavre de handicapé. Il ne voyait pas pourquoi." (La première pierre, p. 131)
 
Il était Inévitable qu'en cherchant la vérité sur son père, fruit d'une union illégitime, Jourde touche à d'autres secrets dans lesquels certains se sont reconnus, parfois à tort, sous les pseudonymes. Dans ce "pays perdu" où chacun vit sous le regard de tous, il ne faut pas dire ce que tout le monde sait quand le seul protection contre cette aveuglante lumière qui est et qui n'est pas la vérité, la vérité intime, la vérité profonde des êtres, est le silence. Inévitable dans ces conditions qu'une déclaration d'amour se mue en déclaration de guerre.

C’est l’éternelle histoire d’Œdipe et du destin : Jouve ne pouvait pas ne pas quitter le pays perdu pour devenir écrivain à Paris, Jouve ne pouvait pas ne pas écrire un jour Le Pays perdu et parler de Tintin et des autres. Jourde ne pouvait pas ne pas retourner au pays perdu, puisqu’il y a sa maison et Tintin et les autres ne pouvaient pas ne pas se sentir blessés et lui jeter des pierres à lui et à ses enfants…
 
Le temps guérit les blessures du corps, mais aggrave les blessures de l’âme. Pierre Jourde n’en finit pas de courir après le pays perdu qui est aussi celui de l'enfance, un pays qui ne peut que lui échapper : "Le pays perdu est cet oubli, cette absence violemment parfumée. C'est l'usure. Ici la terre montre la trame, le paysage est une violence en voie d'effacement. C'est au moment où il va s'évanouir que l'être nous saisit dans son évidence et son mystère. Voilà ce qui retient, sur ces grands plateaux entaillés de gorges profondes, où le vent ne cesse d'énoncer cet appel incompréhensible." (p. 172)
 
Oui, il y a, là-haut, pour qui sait écouter et sentir, au cœur de la matérialité la plus brutale, au cœur de ce qui paraît le plus éloigné de ce que nous sommes convenus d'appeler le beau, un noyau de spiritualité d'autant plus déchirante qu'elle est à la fois familière et hors d'atteinte..." (La première pierre, page 101)

 Familière, déchirante et hors d’atteinte, comme la beauté, comme la vérité... La seule chose que l'on   cherche à dire à travers les mots : la souffrance d'amour.


 
"Dans ces terres reculées, dans ces pays perdus, on vit toujours plus ou moins dans une légende, dans une image d'un chapiteau roman historié de scènes naïves ou cruelles. On y est comme dans l'Orient des vieux livres illustrés, un Orient froid et venteux. Les rois mages ne sont pas loin, ils arrivent, ils ont peiné dans la nuit étoilé, et traîné leurs brocarts dans la bouse. jamais leur arrivée ne m'a paru aussi imminente que dans ces étables crasseuses. Tout ce poids de nuit, cette densité des pierres patientes, ce silence des églises mortes se recueille sur une promesse ancienne, presque inaudible, presque oubliée au fond de la mémoire. Quelque chose va venir, du fond de ces paysages austères, où l'on attend depuis l'origine. Quoi ? Le monde. Le monde n'est pas encore arrivé. On l'attend. Il va naître.
 
Oui, il y a, là-haut, pour qui sait écouter et sentir, au cœur de la matérialité la plus brutale, au cœur de ce qui paraît le plus éloigné de ce que nous sommes convenus d'appeler le beau, un noyau de spiritualité d'autant plus déchirante qu'elle est à la fois familière et hors d'atteinte..." (La première pierre, page 101)
 



 
Pierre Jourde est professeur à l'université de Grenoble III. Il a publié une quarantaine d'ouvrages, dont La Littérature sans estomac (2002, prix de la critique de l'Académie française), Festins secrets (2005, Prix Renaudot des lycéens), Le Maréchal Absolu (2012) et La Première Pierre (2013) qui raconte la manière dont Pays perdu a été accueilli par les personnages décrits dans ce livre, et a reçu le prix Giono.
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administrateur théâtres

12272995464?profile=originalMercredi 29.01.2014 > Dimanche 25.05.2014

Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles vient d’ouvrir ses portes à un génie du siècle d’or espagnol surnommé « le Caravage espagnol ». L’exposition durera quatre mois. C’est la première fois en Belgique que l’on consacre une monographie à Zurbaran. A part une toile présentée lors de Europalia 1985 consacrée à l’Espagne, on ne possède aucune œuvre de ce grand maître sur notre territoire.

Zurbaran est né en 1598 dans le village de Fuente de Cantos en Estrémadure, une région située entre Madrid et Lisbonne. Son père est marchand de tissus, boutiquier aisé d’origine basque. Très jeune il s’installe à Séville, capitale andalouse où il forge sa carrière et son style. Il reçoit de nombreuses commandes des ordres monastiques.

C’est l’artiste qui a le mieux représenté la religiosité de la Contre-Réforme de l’église espagnole du 17ème siècle, suite au concile de Trente. Elle est imprégnée de l’esprit des écrits mystiques de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de la Croix. En effet, l’œuvre du peintre qui comme Velázquez et Murillo représente l’âge d’or de la peinture espagnole est un outil spirituel, un moyen de rechercher la grâce divine, de transcender le réel et d’accéder à la sérénité. L’acte pictural est un moment privilégié de création et rencontre une émotion de type divin. La création artistique est un instrument de connaissance et d’émotivité qui relie le peintre au Créateur. Le dépouillement est la caractéristique principale de ces œuvres. Tout le décorum et la mise en scène médiévale ont été gommés, on revient à l’essentiel dans le plus pur esprit du renouveau religieux. Cela passe par la simplicité, le naturalisme et la création de formes transcendées et pures comme si elles étaient dictées par la révélation d’un art poétique pictural. L’écrivain néerlandais Cees Nooteboom (Zurbarán. œuvres choisies 1625-1664) décrit l’œuvre de Zurbarán comme « un essai sur les rapports entre la lumière, la couleur et la matière comme on n’en reverra plus avant Cézanne » (Le Labyrinthe du pèlerin. Mes chemins de Compostelle).

L’approche coloriste de l’artiste est très innovante. Elle est faite de contrastes délicats, d’éclairages subtils, de cadrages précis, et de grande sobriété qui range cette production artistique auprès de nos peintres modernes. Le rendu des textures et des tissus, lins, draps brocards, drapés, peaux de mouton, chevelures ont une plastique presque tactile mais divine aussi car c’est Dieu qui semble s’immiscer dans la matière. Une des marques de son originalité est son intérêt pour la vie quotidienne et des objets qui semblent posséder une âme. En effet dans ses tableaux on retrouve souvent des petits ensembles de natures mortes qui ont une puissance symbolique évidente. La tasse remplie d’eau pure qui s’imprègne de lumière, l’assiette d’étain – une image de la planète qui reflète la lumière, encore vue comme un plateau dans l’univers ? – la rose qui renvoie à la virginité de la vierge et à la nativité, des fruits et des flacons…isolés ou regroupés pour suggérer le dénuement humain, l’humilité et la ferveur. Le tout, loin des canons de l’époque qui célèbrent la munificence, la richesse et l’esprit de conquêtes.

Les tableaux de cet artiste mettent en lumière la vie des saints, de martyrs et de moines qu’églises et convents lui ont commandés. Contemporain de Rubens, il ne montre aucun intérêt pour les portraits mondains ou les nus voluptueux inspirés de la mythologie.

12272994271?profile=originalLe spectateur moderne est touché par la modernité de l’approche et son intemporalité. La frontière entre le sacré et le profane est mince et la lumière joue un rôle crucial dans le dialogue entre les deux dimensions. L’homme est à l’image de Dieu ou dieu fait à l’image de l’homme par le regard humain semble nous dire la toile du « Christ en croix contemplé par saint Luc, ca 1655, Madrid Museo Nacional del Prado ». Il semble que c’est le peintre lui-même qui s’est glissé dans le vêtement intemporel du saint. Le visage du saint en extase est inondé de lumière, une lumière intérieure faite du miracle de sa spiritualité intense, sa palette et ses pinceaux offerts en hommage. L’espace est vide et découpe la forme sculpturale du Christ dont le visage humain est presque plongé dans les ténèbres alors que son corps semble illuminé par une lumière venue d’ailleurs. Le fond neutre du Golgotha souligne la solitude de l’homme et le caractère austère et humble du dialogue.

12272994090?profile=originalL’exposition est divisée en 12 sections, chacune consacrée à un contexte spécifique suivant un cheminement à la fois chronologique et thématique. Dans la première salle, on peut admirer Saint Grégoire, vêtu richement certes car il est pape, mais bombardé sur un fond neutre. Il tient dans ses mains gantées le livre sacré dont la tranche est du même rouge presque fluorescent que les gants, un message explicite dont on ne peut détourner le regard. Au bas de son étole, on retrouve Saint Pierre, en hommage à la filiation avec le fondateur de l’Eglise catholique romaine. Le visage naturaliste du lecteur est illuminé par l’intensité de la rencontre spirituelle. Dans la même salle on est tout de suite confronté à l’extrême vitalité et au caractère humain très dynamique des personnages. Supplément d’âme ou supplément de vie ? Les deux. Le rendu des mouvements est extraordinaire, que ce soit pour « La guérison miraculeuse du bienheureux Réginald d’Orléans » guéri par la Vierge grâce à l’intervention de saint Dominique ou pour le « Saint Dominique à Soriano », une peinture illustrant le moment où la Vierge accompagnée de deux saintes apparaît à un moine pour lui remettre une image de saint Dominique. Un miracle très particulier dans lequel une peinture participe même à l’acte fondateur d’un ordre religieux. La légende raconte qu’en 1510, inspiré par saint Dominique, le frère Vicente de Cantazano arriva à Soriano pour y fonder un couvent. Dans la nuit du 15 septembre Frère Lorenzo da Grotteria, le sacristain reçut l’apparition de la Vierge accompagnée de Marie-Madeleine et Catherine et reçut d’elle une toile montrant l’image de saint Dominique qu’il fut chargé d’accrocher au-dessus de l’autel pour remplacer l’image fruste peinte au mur. Cette salle est en effet consacrée aux nombreuses commandes des Dominicains, cet ordre de prédicateurs hélas liés à l’Inquisition.

Dans la deuxième salle les commandes émanent de l’ordre des Mercédaires (couvent de la Merci Chaussée) où l’artiste et tout son atelier se sont installés pendant la réalisation de leurs commandes. Ces œuvres illustrent des scènes de vie de saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre. La composition soignée des œuvres, en formes triangulaires ou pyramidales, visent toujours à l’essentiel. Elles sont de véritables mises en scène où le céleste et le terrestre se retrouvent côte à côte dans un souci de proximité du religieux pour l’homme. La maîtrise picturale des tissus est à nouveau très subtile, particulièrement les vêtements blancs et contribue à donner l’impression d’illumination divine.

La salle 3 présente « Saint François » (ca 1635), une œuvre de grand format prêtée par le Milwaukee Art Museum. Le saint apparaît en pied, se détachant sur un fond indéfini plongé dans la pénombre. La lumière sur l’habit franciscain produit un effet sculptural comme si la figure était une projection tridimensionnelle impressionnante. Le visage bistré, barbu, plongé dans l’ombre de la cagoule franciscaine, contraste avec les mains et les pieds nus fortement éclairés. Le message mystique est évident. Le poids et la texture du vêtement de bure brunâtre et le crâne tenu dans les mains engagent à une méditation sur la mort. La vie contemplative, la solitude monastique, l’austérité, le mysticisme et l’importance de la prière sont présentes dans ce tableau et justifient le succès du peintre auprès des ordres monastiques.

12272994072?profile=originalDans la salle 4 on rencontre les natures mortes. Mais le sont-elles vraiment ? Fortes et expressives, ces œuvres sont des objets de méditation pour mettre le spectateur en relation avec Dieu. On est au cœur de l’intime et des questions métaphysiques. Les « bodegones » désignent les scènes de genre et les natures mortes des maîtres espagnols. Deux œuvres du maître illustrent la simplicité, l’ascétisme et la rigueur sans pour autant y mettre de la sévérité. On retrouve la tasse remplie d’eau, l’assiette d’étain, la rose … Deux autres natures mortes, moins dépouillées sont attribuées à son fils, Juan, peintre également.

12272994081?profile=originalLa salle 5 est centrée sur la passion et la mort du Christ. Un « Agnus Dei » est représenté, isolé sur fond sombre et neutre, pattes entravées, symbole d’innocence, d’humilité et de compassion. Au-dessus de sa tête prête à être immolée, flotte une délicate auréole. Ce symbolisme qui préfigure la passion du Christ est annoncé dans Isaïe (Is 53,7).

12272994868?profile=originalSalle 6. Année 1634 : grand tournant : Zubaran est appelé à la cour pour une campagne de décoration du salon des royaumes au palais Buen Retiro à Madrid, siège du pouvoir royal de Philippe IV. Il est appelé à peindre des scènes des travaux d’Hercule, le héros de la mythologie considéré comme fondateur mythique de la monarchie espagnole. On retient deux œuvres très fortes, (visionnaires?), celle d’Hercule affrontant le lion de Némée et celle de La mort d’Hercule, le corps prisonnier d’un manteau de flammes.

12272994881?profile=originalLa salle 7 rassemble des scènes de la vie quotidienne de l’Enfant Jésus très touchantes et pleines de symboles prémonitoires de la passion du Christ. Le quotidien de la vie commune à tous les hommes et les femmes de toute époque se voit ici sacralisé dans les scènes de l’enfant à Nazareth. Marie, grande figure pyramidale, est représentée comme l’image même de la mélancolie : elle a interrompu son ouvrage de broderie et, main appuyée sur sa joue avec une larme qui coule, elle semble plongée dans une rêverie accablée : son fils de dix ans vient de se piquer le doigt à une épine. La Vierge enfant endormie (ca 1655-1660) est tout aussi émouvante. Le visage est inondé de lyrisme mystique, et invite à la réflexion intellectuelle. Le livre que la jeune enfant endormie sur sa chaise tient dans la main et le tiroir de la table entr’ouvert rappellent que l’histoire est en marche et que la vérité est écrite dans le livre.

On retrouve des images de La Vierge dans les salles 8 et 9 qui célèbrent le culte marial et l’Immaculée Conception. Zurbaran cultive la représentation d’une vierge très jeune, sans tache, animée de pureté et de candeur enfantine. On retrouve ici principalement une construction verticale, des vues de la ville de Séville, des fonds dorés comme dans les icônes, le bleu céleste, des allusions au Cantique des cantiques… le cyprès, le palmier, le puits, le jardin, etc. s’observent aisément dans les premières versions et se confondent plus tard avec le fond, avant de disparaître entièrement.

12272994853?profile=originalLa salle 10 emmène le spectateur vers le nouveau monde. Les commandes de monastères se sont taries et le peintre cible une clientèle plus lointaine. Il va exporter vers l’Amérique mais sera rarement payé pour sa peine car les pirates affluent et les œuvres atteindront rarement les commanditaires du Pérou ou de l’Argentine. C’est dans cette salle également que l’on peut admirer « Sainte Casilde » (ca 1635) une sainte vénérée pour avoir été rebelle à son père et avoir nourri secrètement des prisonniers. Ainsi ses doigts innocents transformèrent en fleurs  les pains qu’elle transportait. C’est la toile qui fait l’affiche de l’exposition et la couverture de son splendide catalogue. Le tissu de la robe d’une rare beauté et les bijoux resplendissants symbolisent l’élection divine.

La salle 11 présente des œuvres baignées de lumière, aux tonalités douces. Zubaran s’est installé définitivement à Madrid – la peste de Séville de 1649 a emporté son fils Juan – et il peint dans ses dernières années  en majorité des œuvres mettant en scène la Sainte famille (La Vierge à l’Enfant et le petit saint Jean ca 1658), saint Jean-Baptiste… et un fameux Saint François en extase (ca 1658-1660).

La salle 12 est dominée par ce splendide Christ en croix contemplé par Saint Luc (ca 1655) une œuvre de dévotion privée, qui nous vient du Prado et qui met en scène tout le mystère de la Création dans une réelle virtuosité de lumières et de palette. Un testament artistique et spirituel absolument poignant.


 Sous le Haut Patronage de Sa Majesté la Reine Paola

Commissaire: Ignacio Cano
Conseillé: Gabriele Finaldi

https://www.bozar.be/activity.php?id=13203

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Histoire d'une émigrée.

 

 

 

A proximité de la gare, les cafés ouvrent largement leurs rideaux. Les passants peuvent contempler la silhouette de celles qui viendront s'asseoir à leur table s'ils désirent leur tâter les cuisses. Ou s'ils désirent leur caresser les seins. Mais seulement s'ils le désirent. Et s'ils leur offrent à boire.

Les serveuses ne sont pas des putains. Ce sont des étrangères qui viennent à peine d'immigrer, qui ne parlent pas le français ou très mal et qui, autant que leur mari qui travaille au noir dans la construction, doivent contribuer à gagner l'argent nécessaire pour vivre. Il en faut un peu, même pour vivre un peu.

Il y avait là une fille qu'on appelait Nina, qui venait de débarquer, et dont un intermédiaire, peut-être son protecteur, prétendait qu'elle était slovaque. De ces filles dont la réputation était grande. Les slovaques, disaient les connaisseurs, étaient douées en matière sexuelle.

Il avait ajouté, à l’intention de Jean Clerbaut, le patron du café :

- Et figures toi qu'elle aime ça. Elle n'en a jamais assez.

- Jamais assez ?

- Tu verras par toi-même si tu veux.

Il avait essayé. Il ne pouvait pas affirmer qu'elle aimait ça mais elle était docile. C'était essentiel pour le travail.

Nina était une jolie fille un peu charnue, les hanches assez larges. Avec l'âge, c'est  sûr, elle prendra du poids. Les clients aimaient ça. On en a plein les mains, disaient-ils en riant. Dommage qu'elle affichât toujours l'air triste d'une vierge effarouchée comme si on s'attaquait à sa vertu à chaque fois qu'un client lui mettait la main sur la cuisse.

Le patron du café lui répétait souvent:

- Souris donc. Après tout, ta poitrine c'est ton gagne-pain.

Elle ne comprenait pas ou elle faisait semblant de ne pas comprendre. Elle avait constamment le visage triste.

- Tu comprends, on dirait qu'elle vient de perdre sa mère.

Jean l’avait dit à sa femme qu'il tenait au courant de la marche des affaires. Elle était de bon conseil.

- Et si on la prenait pour le ménage? Maria, je dois toujours passer derrière elle. Je ne dis pas qu'elle n'essuie pas, mais elle ne le fait pas à fond.

- Pourquoi pas.

Il ne le dit pas à sa femme, Louise n'aurait pas apprécié, mais Maria avec qui il couchait de temps en temps, ne l'excitait plus beaucoup.

Le lendemain, Nina entra par la porte particulière, celle qui menait aux escaliers, et monta à l'étage où les Clerbaut avaient leur appartement. Trois pièces en enfilade, et au deuxième étage la chambre à coucher, la salle de bain, et une seconde chambre un peu plus petite qui aurait pu servir de chambre d'enfant si le bon dieu l'avait voulu.

Elle gagnait moins d'argent  mais elle n'appréciait ni la bière ni la main des clients. Faire le ménage ne la rebutait pas d'autant plus qu'au bout de quelques jours Louise qui la trouvait sympathique faisait le ménage avec elle. Le temps gagné sur les tâches ménagères, Louise et Nina le consacrait à bavarder entre femmes.

Parce que son français était encore fort hésitant, quand Nina s'adressait à Louise, plutôt que de la vouvoyer, elle lui disait:

- Madame faire les choses très bien.

Et Louise, un instant, avait le sentiment d'être une personne de la haute société à une époque où, elle l'avait lu dans un magazine, on s'adressait aux maîtres à la troisième personne. C'était idiot mais cela avait son charme.

Jean n'était pas mécontent de cet arrangement. Désormais il avait deux femmes à domicile, et il profitait de Nina lorsque Louise faisait des courses en ville. Quelques caresses lorsqu’elle passait à sa portée. 

Au bout d'un mois, Louise s'était attachée à Nina comme à un membre de sa famille.

- C'est qui ce gentil grand petit garçon?

- Vaclav, Madame.

- Vaclav. Et il parle bien le français.

Nina avait emmené son fils. Le mercredi après-midi, il n'y avait pas école mais la voisine qui le gardait le mercredi jusqu'au retour de Nina avait dû s'absenter.

- Tu as bien fait.

Vaclav était un garçonnet de trois ans, aux cheveux noirs et aux yeux bleus qui la fixait avec ce qu'elle devinait être un peu d'inquiétude. Elle était profondément émue de penser que le fils d'un de ces terribles slovaques, des hommes frustes à en croire certains magazines, qui ouvraient leur couteau à la moindre remarque déplaisante, pouvait avoir de l'inquiétude devant elle. Ces hommes, de véritables brutes pour qui les femmes n'étaient que des…, elle n'osa pas poursuivre sa pensée. Elle se pencha.

- Je peux t'embrasser.

Elle se tourna vers Nina.

- Amène-le avec toi le mercredi. Ce n'est pas la peine de payer quelqu'un pour le garder.

Jean avait dit à sa femme qu'elle avait eu tort, Nina n'était que la femme de ménage mais Louise avait répondu:

- Rien qu'une femme de ménage?

Jean n'avait pas insisté. Louise le regarda se lever en s'appuyant sur les coudes et sortir le dos courbé. Son pas sur l'escalier était celui d'un homme qui descend les marches avec prudence. Il n'avait que cinquante huit ans cependant.

C'est étrange. Cet homme qu'elle avait épousé il y a vingt ans ne lui était plus rien. Un étranger qui ce soir se glisserait dans son lit en lui tournant le dos. Elle se demandait pourquoi elle l'avait épousé.

Elle se souvenait de leurs caresses, de leurs enlacements, mais les images qu'elle évoquait lui étaient devenues plus éloignées que celles qu'elle lisait dans ses magazines durant une heure tous les après-midi, avant d'ouvrir la télévision.

Tout l'amour qu'elle ressentait, elle était sentimentale comme une jeune fille, elle pleurait lorsque les scènes d'un film étaient tristes, elle s'aperçut qu'elle le portait sur le fils de Nina qui aurait pu être son petit fils si Nina avait été sa fille. En revanche, elle ne voyait pas le rôle de son mari dans ce tableau.

Elle fît venir Nina tous les jours de la semaine. Elle était fatiguée; disait-elle.

- Je ne sais pas si c'est ce que j'ai mangé mais j'ai l'estomac tout barbouillé.

Qu'elle vienne tous les jours, et plus encore, pensait Jean. Ce doit être la ménopause. Il n'avait pas envie de se disputer avec Louise. D'ailleurs, lui aussi, avait l'estomac barbouillé.

- Tu n'irais pas voir le médecin?

Il disait non en secouant la tête. Un peu de malox ferait l'affaire. Et puis il eut des crampes d'estomac.

- Monsieur pas bien.

- C'est la méchanceté qui remonte.

Un jour, après le repas, il était assis dans son fauteuil, il lisait son journal. Il eut un haut-le-cœur, le journal glissa sur ses genoux, il avait la bouche ouverte, il était mort. Un arrêt cardiaque.

Louise n'aurait pas imaginé que cela irait si vite. Elle en parla à Nina.

- Tu vas vivre ici. Je ne peux pas vivre seule. Il y a la petite chambre. Ce sera votre chambre au petit et à toi.

Au bout de quelques jours tout fût arrangé. Nina avait déménagé les quelques meubles qu'elle possédait, et Louise avait acheté ce qui d'après elle manquait à Nina et à son petit garçon. Le petit Vaclav appelait Louise: bouba.

- On dirait bonne maman.

Quant au café, ce fut Nina qui descendit pour servir les boissons. Elle apprit à sourire et, parfois, à rire lorsque le client faisait une plaisanterie. Pour des plaisirs plus masculins comme le disait Louise, elle engagea une jeune polonaise qui venait d'immigrer, et qui ne se fâchait pas quand un client qui lui offrait à boire lui tâtait la cuisse un peu au dessus du genoux.

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Louanges et conseils

 

Propos

Boileau trouvait indispensable

De s'entourer de vrais amis,

Rigoureux, sincères, fiables,

Auxquels critiquer fût permis.

Nombreux, depuis, ont éprouvé

Qu'un avis, voulu secourable,

Est très souvent désavoué,

Semblant partial, irrecevable.

La vanité, péché courant,

N'affecte pas que les débiles,

Même des gens intelligents

En souffrant deviennent fragiles.

Je l'ai appris, lors me dispense

D'une aide bien intentionnée.

Je ne dis plus je crois, je pense,

Je ne me sens plus concernée.

Je trouve certes regrettable

D'être rarement critiquée.

Une erreur devient évitable

Si quelqu'un nous l'a expliquée.

Un vers boiteux dans un poème

Fait que j'arrête de le lire;

Il ne se pourrait que je l'aime.

Serais mal venue de le dire.

3 février 2014

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Marche doucement car tu marches sur mes rêves.

William Butler Yeats


Écrire, c’est aussi interroger, embrasser le Monde, être disposé à se porter à son écoute, à être ébranlé par son bouillonnement qu’il soit fructueux ou dévastateur, c’est se mettre en état de réceptivité sensorielle, d’ouverture d’esprit et de cœur, afin de goûter, sentir, explorer, mesurer autant que faire se peut, le sens de la vie profonde…

 

Écrire, c’est en outre, proclamer ses admirations, gages d’inspiration, c’est émettre de perpétuels questionnements [1]soulevant moult problématiques, demeurant, non pas pourvus d’une seule et unique réponse, mais d’un éventail de « vérités »…

 

Écrire, c’est respecter les créatures peuplant cette planète bleue, notre Terre-Mère, Gaïa, en s’ingéniant à instaurer un dialogue passerelle avec une pléiade de Sages généreux une once responsables, dotés d’une essence visionnaire, rare, hors du commun !

 

Écrire, c’est se plonger dans les abîmes du temps …

Temps passé, temps présent éphémère, qui s’écoule sans que nous ne puissions jamais le retenir, temps angoissant d’un demain pétri d’incertitudes mais enluminé, néanmoins, d’espérances, de promesses !

 

Écrire, c’est ne pas avoir peur d’affronter ses propres houles épousant la cadence des vagues de la marée intérieure du souffle humain…

C’est se révéler à soi-même, oser une introspection au tréfonds de son âme, si ce n’est s’autoriser le doute, ce pas vers la liberté, vers nos fiançailles avec la métamorphose…

Or, il est aisé d’entrevoir les conséquences, si par malheur, en similitude de nombre d’unions de raison, vous vous efforcez de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Trop de compromis d’importance et vous voilà réduits en esclavage, pauvres pantins privés de décisions fondamentales relevant de « grands départs inassouvis », de la quête de l’existence :

 

« Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi.

Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer.[2] »

 

Écrire, c’est faire front au clair-obscur[3] caravagesque, à la matière gémellaire dont chacun d’entre-nous est composé à l’origine, pour mieux en savourer ensuite l’évolution, le dépouillement, la reviviscence et l’envol, après le bouleversement de la mue que génère tout cheminement…si l’on en croit l’illustre légende du Phénix renaissant de ses cendres !

 

Écrire, c’est accueillir en conscience l’inconnu, cet autre soi-même mystérieux qui s’invite au miroir de notre raison, fruit de notre vie ardente intrinsèque, dans le dessein de le laisser infuser longuement en nous, pour mieux jaillir ensuite, telle une source intarissable, onde pure désaltérante, Fontaine de jouvence intemporelle bienfaisante et révélatrice…

 

Car « Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit », nous préconise le démiurge des « Nourritures terrestres »[4]

 

Écrire, c’est accepter que parle l’intellect en tant que reflet des affects qui nous traversent, et ambitionner, sinon souffrir, de dévoiler des bribes de cet « étrange étranger », à autrui…

 

Écrire, c’est se soustraire à la morosité sclérosante du quotidien, c’est sortir de son enveloppe corporelle quelquefois ressentie comme basse et lourde, végétative, c’est s’évader de la geôle où la société[5] nous maintient fréquemment contre notre gré, emprisonnés[6], se plaisant à nous museler, à faire de nous des impuissants, en soutenant des arguments des plus prosaïques, ne serait-ce que celui qui consiste à subvenir à « l’ordinaire » !

 

Écrire, c’est aller à la rencontre des multiples facettes polychromes de notre personnage d’Arlequin en habit d’apparat rapiécé, c’est se délester parfois d’un déguisement encombrant superflu en mettant à bas quelques masques, et ce, en usant « d’humour, cette politesse du désespoir »[7]

 

Écrire, c’est s’émerveiller devant les fibres à tisser de l’étoffe concernée, qu’elles soient constituées de jute, de bure rugueuse ou de velours et laine de soie afin qu’inlassablement, chaque jour que Dame Nature, fasse, centimètre par centimètre carré, les fils de la tapisserie se nouent sous les mains amoureuses, savamment déliées, de l’artisan créateur[8] chérissant les nobles matières…

 

Écrire, c’est se faire passeur-ciseleur de verbes, de mots émaux sculptés sans maudire ni fuir la difficulté, au prix de maladresses avouées, à la manière du tailleur de pierre ou de l’orfèvre apprenant à marteler son ouvrage au burin, le modelant et remodelant sans cesse envers et contre tous, en dépit des « tendances » du moment et maints effets de mode mercantiles d’un commercialement correct, non équitable !!!

 

 

Écrire, c’est reconnaitre qu’une fois enfantée sa géniture, le parent n’en n’est plus « maitre » et que libéré d’une telle gestation conduisant à la naissance de son fragile enfançon, il se doit une fois ressourcé, à l’aube d’un jour nouveau, de s’adonner à faire fructifier d’autres graines en germination, méritant ô combien de s’émanciper de leur sort d’inertie, de pauvres plantes stériles ou menaçant de le devenir !

 

Enfin, puisque écrire, c’est assurément procréer, spirituellement s’entend, et se reconquérir, n’est-ce pas en conséquence, échanger avec ses « Frères humains » quelque idéal sain et saint, tout en cultivant le jardin de sa singularité, se découvrant tantôt des « Affinités électives » goethéennes, aux détours de sentes escarpées, semées d’embûches où croit une corolle à nulle autre pareille, nommée fleur d’humilité ?

 

Mais au fait, dites-moi, amis qui affectionnez cet univers, est-ce bien raisonnable tout ce remue méninges au sujet du duo fétiche écrivain-chuchoteur de lexique portant le sceau de la langue de Molière ? Oui, franchement, quelle fonction utilitaire, quel rôle vital peuvent jouer dans le parcours du commun des mortels, ces protagonistes, sinon de découvrir et de sonder la nature de la gente humaine, en allant à sa rencontre ?

 

Jeu inévitable de question-réponse touchant au superflu, à ce luxe continûment assimilé à la création artistique et pourtant indispensable à l’équilibre, à la dignité de notre condition,  suivant notre simple regard :

« À quoi ça sert de lire. À rien ou presque. C'est comme aimer, comme jouer. C'est comme prier.

 Les livres sont des chapelets d'encre noire, chaque grain roulant entre les doigts, mot après mot.

 Et c'est quoi, au juste, prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi dans le silence. »[9]

 

Et puis, « La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver » repartit Jean Guéhenno, à travers cette phrase clé du Carnets du vieil écrivain…Ce à quoi, Henry Miller rebondit en nous interpellant : « A quoi servent les livres s’ils ne ramènent pas vers la vie, s’ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d’avidité ? »

 

Puissent-ils seulement être exaucés, ces visionnaires !

Puissent-ils seulement nous inciter à creuser en nous un sillon opportun à faire éclore une moisson prospère afin de percevoir ce qui vaut la peine de l’être :

 

« Notre ciel du dedans nous parle sans cesse, mais nous ne l’entendons pas, absorbés par le vacarme du quotidien.

Berceau de la création, écrin de la pensée, le silence est aussi le terreau de la beauté du monde.  Il est cette larme qui perle après “Nantes” de Barbara.

Qu’il s’appelle émulation, inspiration, Il est riche et fécond,  jamais  vide.

Il faut oser le courage du silence. Face à soi-même, on ne trompe personne.

C’est à sa source qu’on puise la force et  la raison de notre folie douce. Son murmure imperceptible nous offre les signes de piste de notre propre boussole intérieure, celle qui nous montre le Nord quand on se croit perdu… »[10]

 

Valériane d’Alizée

Le 4 janvier 2014,

En ce jour de commémoration de la disparition tragique

d’Albert Camus, il y a 54 ans

©Tous droits de reproduction réservés

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Le Combat de Jacob avec l'ange de Gustave Doré

détail, d’après une scène de la Genèse, 1865

 



[1] : Propos appuyés ici de la devise suivante de Roland Barthes : « Écrire c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté.. »

[2] : Fragment de Christian Bobin trouvé au sein de « La plus que vive », coll. L'un et l'autre chez Gallimard

[3] : « Plus on s'approche de la lumière, plus on se connaît plein d'ombres » affirme une sentence de C.Bobin issue de La plus que vive (coll. L'un et l'autre Gallimard)

[4] : Emprunt à André Gide, Journal 1889-1939, Septembre 1894

 

[5] : « La vie en société c'est quand tout le monde est là et qu'il n'y a personne. La vie en société c'est quand tous obéissent à ce que personne ne veut. »Christian Bobin, L'inespérée, coll. folio

[6] : "J'ai conscience de vivre dans une jolie prison, de laquelle je ne peux m'échapper qu'en écrivant" certifiait Anaïs Nin…

 

[7] : Citation malaisée à attribuer mais probablement due à la plume de Georges Duhamel au sein de son œuvre la « Défense des Lettres »…

[8] : À propos de la création, Albert Camus disait : «Créer, c’est vivre deux fois. » (citation extraite  du « Mythe de Sisyphe »)

[9] : Citation due à Christian Bobin « Une petite robe de fête », coll. folio

 

[10] : Passage provenant du dernier ouvrage d’Yves Duteil, « La petite musique du silence » (Médiaspaul) 

 

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Introspection d’après le principe de l’anaphore, « écrire, c’est… »

 

 « Créer, voilà la grande délivrance de la souffrance,

voilà ce qui rend la vie légère.[1]»

Friedrich Nietzsche

 

 

Écrire, c’est exercer une mission de cœur, avec une ferveur comparable à celle du mystique entrant en religion, faisant de ses failles un atout majeur, sacerdoce qui parfois peut vous conduire jusqu’à éprouver un état d’exultation indescriptible, surtout si l’on est convaincu que la formule imaginée est judicieuse, embrassant l’idéal du père de la « Fabrique des mots » et de «La révolte des accents » :

« Le bonheur de l’écrivain, c’est le mot juste, l’adéquation miraculeuse entre la pensée encore vague et l’expression qui la fait venir au jour. Il s’agit d’une vraie naissance, avec la part de surprise, d’émerveillement et de découverte qu’implique toute naissance. »[2]

 

Écrire, c’est faire fi d’un savoir faire au profit d’un savoir être, c’est ôter les oripeaux préfabriqués encombrants de l’artifice en lieu et place de l’authentique, de la « substantifique moelle » chère à François Rabelais, s’efforçant d’adopter ce conseil éminent :

 « il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n'est pas pareil [...][3] »

 

Écrire, c’est consentir à un certain abandon, c’est être animé du trouble obsessionnel, compulsif que suppose sa genèse, en adéquation de toute œuvre créée avec ferveur et loyauté. Et ce n’est certes pas Jean Grenier, intime d’Albert Camus, qui me démentirait, lui, le géniteur de ce pertinent aphorisme : 

« Écrire, c’est mettre en ordre ses obsessions. »

Et c’est, faisant montre de semblable profession de foi, avouer sa vulnérabilité, son hyperesthésie, c’est s’autoriser à se laisser submerger par la griserie engendrée par cette action lorsqu’elle se révèle féconde et à l’opposé, c’est également admettre la tourmente délétère, les heures fades et creuses qui nous semblent stériles mais dont « les racines avides travaillent les déserts »[4]

 

Écrire, c’est répondre à un désir irrépressible de pérégrination, d’échappatoire de l’entendement, en adéquation de la devise colettienne suivante : « Le voyage n'est nécessaire qu'aux imaginations courtes » ; c’est méditer dans sa cellule de recueillement, loin de l’agitation factice, violente et vaine, à laquelle se prête notre multitude humaine ; c’est d’abord s’attacher à penser isolément, à fleur de chair, puis à fleur d’encre confidentielle, limpide ou chaotique[5], comme si les aiguilles de l’horloge étaient frappées d’arrêt, dégagé, dans l’idéal, du « commerce  de la séduction » que présume l’offrande à un hypothétique liseur, vœu un brin chimérique, concédons-le, assumant autant que faire se peut, notre propension aux musardises de l’esprit, riches d’enseignements, de vertus nutritives à nulle autre pareille, à l’instar d’une certaine « vagabonde[6] »

 

« Écrire ! Pouvoir écrire ! cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient ; les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu'à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé de papillon-fée […].

Écrire... C’est le regard accroché, hypnotisé par le reflet de la fenêtre dans l’encrier d’argent, la fièvre divine qui monte aux joues, au front, tandis qu’une bienheureuse mort glace sur le papier la main qui écrit. Cela veut dire aussi l’oubli de l’heure, la paresse aux creux du divan, la débauche d’invention d’où l’on sort courbatu, abêti, mais déjà récompensé, et porteur de trésors qu’on décharge lentement sur la feuille vierge, dans le petit cirque de lumière qui s’abrite sous la lampe...

Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide... et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d’or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée... »

 

Écrire, c’est faire « l’éloge du rien [7]» autant que de l’essentiel ; c’est encore s’épancher en confidences, revêtant, il est vrai, une forme d’impudeur, tant la subjectivité, l’engagement sous-jacent de l’auteur, y affleurent, le tout sans préméditation destinée à servir nos intérêts, sans songer en amont, qu’un lecteur pourrait un jour pénétrer le raisonnement énoncé, au risque de le déflorer par une interprétation erronée, et donc de trahir notre perception :

 

 

« Mais tu sais je suis pauvre, et mes rêves sont mes seuls biens

Sous tes pas, j'ai déroulé mes rêves

Marche doucement car tu marches sur mes rêves. »

 

nous adjure William Butler Yeats[8]

12272988683?profile=originalRéflexion d'Odilon Redon



[1] : Aphorisme tiré d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » 

[2] : Axiome signé Erik Orsenna

 

[3] : Conseil reçu de la plume de Christian Bobin provenant de « La plus que vive », coll. L'un et l'autre chez Gallimard

 

[4] : Libre adaptation de vers issus de « Palme » de Paul Valéry (recueil « Charmes », 1922) dont l’origine est : Ces jours qui te semblent vides/Et perdus pour l'univers/Ont des racines avides/Qui travaillent les déserts. Pour se reporter au texte entier : http://www.lesarbres.fr/index.php?page=texte-valery2.php

 

 

[5] : En référence à ce si évocateur adage de Christian Bobin : « Ecrire, c'est se découvrir hémophile, saigner de l'encre à la première écorchure, perdre ce qu'on est au profit de ce qu'on voit. »

[6] : Allusion au titre de l’ouvrage de Colette dont est issu l’extrait mentionné, roman datant de 1910, publié chez P. Ollendorff.

[7] : Allusion à un titre d’œuvre de Christian Bobin

[8] : Vers traduits du recueil « He Wishes For The Cloths Of Heaven ».

 

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Faire savoir que l'on existe

 

Il n'a pu résister à remonter sur scène,

Cet acteur qui pourtant avait fait ses adieux.

Il a la même ardeur que reflètent ses yeux,

Sa voix semble inchangée, plus grave mais à peine.

Les outrages du temps s’ajoutent et s’imposent.

On craint de s’exposer, ayant moins de talent.

Parfois les changements redoutés sont plus lents,

En s’en apercevant, on se reprend, on ose.

Pour ma part, je me dis: arrivée à mon âge,

Il est sage, je crois, de me désengager.

Il me faut accepter de ne plus partager

Le plaisir que je prends à user du langage.

J’écrirai c’est certain, jusqu'à l’instant ultime,

Mais ne confierai plus mes émois mis en vers,

De crainte que ceux-ci laissent un goût amer

Ou qu’ils soient dépourvus d’harmonieuses rimes.

4 novembre 2010

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Mon irrésistible besoin d'écrire

 

Je sais bien clairement pourquoi,

Je ne cesserai pas d'écrire.

Trouver des mots pour mes émois,

Est un plaisir que je désire.

 

Jeune, je ressentais l'envie

D'exprimer ce qui me troublait.

Étant enfant, l'on nous convie,

À écouter sans trop parler.

Lors me vint le besoin d'écrire,

Sensible, à la valeur des mots,

Sur la joie que j'avais à vivre,

Et quelques fois sur mes bobos

Plus tard, me sentant inspirée,

Je pris la plaisante habitude

De capter, en vers, la durée

Pour exprimer ma gratitude.

 

La compagne de mon enfance,

Une muse, non loin de moi,

Quand j'éprouvais une souffrance,

Venait m'apaiser chaque fois.

 

Me trouvant au bout de ma route,

J'ai plus que jamais le besoin,

De soliloquer sur mes doutes

Et mes émois, dont je prends soin.

 

Le temps me manque, c'est certain,

Pour tenter d'autres aventures.

Je paresse, refais le plein,

Et me distrais par l'écriture.

5/11/2013

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D'étranges retrouvailles.

 

Je voulais changer la moquette de la chambre à coucher. Bogdan à qui je faisais appel à chaque fois qu’il y avait une réparation à effectuer avait commencé à soulever la partie la plus usée.

- Vous devriez quitter l’appartement pour quelques jours. Je vais soulever des tonnes de poussière.

Bogdan exagère toujours. J’ai haussé les épaules :

- Tu exagères toujours. Je n’ai pas l’intention de partir.

Il voyait que mon attention était fixée sur un morceau de papier qui émergeait du tapis. Il a soulevé délicatement le tapis qui l’enserrait, il a retiré le morceau de papier et me l’a tendu après l’avoir frotté  contre son bras. Ce n’était pas du simple papier, c’était du papier bristol imprimé. Mon nom figurait en première ligne, tracé à la main, et à l’encre, à peine défraichi.

Le texte parfaitement lisible était le suivant.

Cher condisciple Marcel nous sommes tous sortis la même  année. Vingt cinq ans ont passé. Nous éprouvons le besoin de nous retrouver le vingt-cinq du mois prochain. Réunion au bar 25 pour l’apéro. Hop-la, disions-nous le dernier jour des cours.  Hop-la, disons nous aujourd’hui.

Nous étions le 24 du mois. J’ai dit à Bogdan qu’il avait raison. Je lui laissais l’appartement durant deux jours.

Après m’être renseigné quant à l’horaire des trains, j’ai appelé mon taxi habituel pour me conduire à la gare et j’ai préparé une petite valise. Je logerais, ais-je pensé, à l’hôtel de la Cathédrale. Pour le repas de ce soir je déciderais du restaurant sur place.  

Il y a très longtemps  que je n’avais été animé d’une telle vigueur. Ma femme, elle est morte depuis plus de vingt ans, se serait moquée de ma fébrilité.

- Un gamin, tu es resté un gamin. Ah, revoir ses petits copains.

La ville avait bien changé. Je n’imaginais pas qu’elle ait pu se transformer aussi rapidement, c’est ma mémoire sans doute qui me jouait des tours. En outre, il pleuvait. Le col relevé, les bords de mon chapeau rabattus, je n’y voyais rien. Et moins encore parce que les verres de mes lunettes retenaient la pluie qui tombait à verse. A chaque fois que je voulais les essuyer, je devais m’arrêter. Sans l’aide de mes verres, j’étais plongé dans le brouillard.

Il y avait un café un peu plus loin. J’y suis entré.

Le hasard , ou la chance,  avait bien fait les choses. Le café se trouvait sur le coin de la place Saint-Pierre : chez Nelly. C’est là que pour la première fois de ma vie, je m’étais enivré au point qu’il avait fallu qu’on vienne m’y chercher.

En face devait se trouver le café de la grosse  Nini, celui sur les marches duquel j’avais embrassé Thérèse pour la première fois.

Lorsque la pluie a cessé, je suis monté jusqu’au bar 25 qui se situait derrière la Grand Place à cent mètres des boulevards qui ceinturaient la ville. C’est là que, il y avait quelques temps sans doute, j’avais bu un verre d’Orval ambré dans lequel on avait déposé une tranche de citron. 

- Il n’existe plus depuis vingt ans.

Le propriétaire de la boutique qui avait remplacé le 25, une épicerie, se trouvait devant son étal.

Il me regardait avec curiosité. 

- Vous n’êtes pas de la région ?  Auparavant, peut être ?

- Oui, auparavant. Enfin, je pense.

Durant un moment, je me suis demandé si je ne m’étais pas trompé de ville. Mais je me suis éloigné sans me tromper pour revenir à la place Saint-Pierre. C’était bien la preuve que cette ville dans laquelle je me trouvais était bien la mienne.

Il avait cessé de pleuvoir. Le pavé était mouillé mais le soleil faisait briller le tout. Je suis entré chez Nelly et j’ai commandé une Orval à la couleur ambrée. La décoration avait changé. Le patron aussi.

- Nelly ?

Il souriait en déposant mon verre.

- Je l’avais dit à ma femme. Nous aurions du changer l’enseigne. Mais les clients y sont habitués. Vous savez, ce nom existe depuis toujours.

- En face c’est bien la grosse Nini ?

- La patronne est un peu forte c’est vrai mais son prénom c’est Georgette, je crois. Je vais demander à ma femme. Ce sont des amies.

J’ai levé la main.

- N’en faites rien. Je crois que je me suis trompé d’endroit.

Je fis semblant de plaisanter.

- A mon âge, cela arrive souvent. J’ai nonante ans…enfin presque.

Je voyais bien que ça lui était indifférent. Il souriait tout en faisant un salut à l’intention d’un client qui lui faisait signe.

Je commençais à m’inquiéter. J’ai déposé un billet de cent euros sur table. Je n’étais plus sûr du montant que j’avais à lui payer. Si je disais : combien vous dois-je ? De quoi aurais-je l’air ?

J’ai repris l’argent qu’il m’a remis et je suis sorti.

Il valait mieux que je rentre. J’ai repris le train.

J’ai vaguement reconnu mon immeuble. C’était la fatigue sans doute. Pour quelle autre raison, aurais-je hésité ? J’ai sonné. Un homme jeune m’a ouvert la porte. Son visage m’était familier mais je ne l’ai pas reconnu. Je devais probablement lui ressembler il y a longtemps, il y a très longtemps. Souvent, les jeunes gens se ressemblent. Je me suis excusé et je suis reparti.

J’ai lu un jour que le temps est étale. Il ne retient rien de ceux qui ne font que passer. Ont-ils seulement existés ?

 

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Sur la nature

12272992652?profile=original"Sur la nature" est un poème philosophique d'Empédocle, d'Agrigente, (483-423 av. JC.) qui nous est parvenu en fragments recueillis par Sextus Empiricus, Clément d' Alexandrie, Plutarque, Simplicius et d'autres écrivains.
Après la dédicace à son ami Pausanias, et une préface très obscure où l'auteur supplie la Muse de ne pas révéler aux mortels les vérités qui, selon une loi éternelle, doivent rester cachées, l'auteur expose son interprétation des phénomènes naturels perceptibles par les mortels, parce que fondés sur ce même univers des sensations d'où sont issues toutes leurs opinions: "Regarde de toutes tes forces les choses du côté où elles sont visibles, et ne prête plus de foi à ta vue qu'à ton ouïe, ni à l'ouïe sonore qu'au témoignage du goût; ne refuse de prêter foi à aucun de tes organes parce que chacun d'eux est une voie de la connaissance; mais essaie de penser à chaque chose selon la façon qu'elle a de se manifester".
Le monde est constitué par un mélange variable de quatre éléments -l'au, la terre, l'air, le feu, -poussés par les forces antagonistes de l' Amour et de la Haine. L' Amour mélange l'ensemble des éléments dans un Tout ou Sphère, la Haine force chaque parcelle à se séparer du Tout et à s'unir aux autres parcelles appartenant à son propre élément. Par conséquent la naissance et la mort ne sont qu'apparence. Il en est ainsi pour tous les mondes: ils naissent du Chaos sous l'action de la Haine, ils subsistent grâce à l'équilibre temporaire de deux forces antagonistes. Ils naissent et ils meurent dans un mouvement perpétuel.
Lorsqu'on a épuisé tous les mondes possibles, ces mêmes mondes réapparaissent dans le même ordre où ils se sont présentés la première fois. Empédocle présente également une théorie de la connaissance assez primitive. En nous, existent également les quatre éléments et les deux forces déjà décrites; nous connaissons le semblable grâce à son semblable: "Par la terre nous connaissons la terre, l'eau par l'eau, l'air par l'air divin, le feu par le feu destructeur, et l' Amour grâce à l' amour; la Haine nous fait connaître la Discorde".
Cette grandiose vision, écrite dans un style large et puissant, que les anciens comparaient au style épique d' Homère, constitue la première tentative de construire un système complet du devenir naturel, en suivant des principes naturalistes. La personnalité et la pensée d'Empédocle, avec celle de Démocrite, ont inspiré les grands naturalistes de la Renaissance, à l'aube de la nouvelle science.

 

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À la récréation, la joie de vivre

 

Réminiscence, à mon amie Josette

Sous l’arche formé de bras,

En se pressant à la file,

De petites filles habiles,

Passeront, passeront pas?

En ce pressant à la file,

Toutes riant aux éclats,

Passeront, passeront pas?

Se poussant, elles défilent.

Toutes riant aux éclats

Tentent l’exploit difficile.

Se poussant, elles défilent,

La dernière restera.

Tentent l’exploit difficile

Disant: trois fois passera,

La dernière restera!

Or celle-ci se faufile.

8 février 2007

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D’après l’ébauche de texte envoyé à Béatrice J. rédigé

en l’honneur du jour anniversaire de sa naissance datant de Novembre 2013

 

Et alors, j'ai pris feu dans ma solitude car écrire c'est se consumer...

 L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées

et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire

en braises crépitantes et en cendres retombantes.

Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse.

 Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres. »

Blaise Cendrars

 

 

I.

Préambule :

 

 

« Écrire, c'est avoir une très haute conscience de soi-même, et c'est avoir conscience que l'on n'est pas à la hauteur, que l'on n'y a jamais été[1] » déclare « l’Homme joie », le lumineux Christian Bobin, sorte de Merlin l’Enchanteur de notre chère langue française empreinte de beauté-bonté à la François Cheng[2], renforçant son propos par ce précepte « C'est même chose que d'aimer ou d'écrire. C'est toujours se soumettre à la claire nudité d'un silence. C'est toujours s'effacer», apportant ainsi, un autre éclairage à cette aspiration d’un devenir meilleur, l’espoir de toute conscience un peu haute, surenchérissant sur la pulsion et motivation initiale de telles confessions intimes délivrées à son prochain, cependant qu’elles pourraient demeurer éternellement silencieuses, dévoilant leurs secrets à l’aide de l’encrier virtuel, qu’en faveur de la page soudainement noircie, censée combler une insatisfaction… :

 

« On commence à écrire. Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit. C’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. C’est pour rejoindre le sauvage, l’écorché, le limpide. On écrit une langue simple. On ne fait aucune différence entre l'amour, la langue et le chant.

Le chant c'est l'amour. L'amour c'est un fleuve. Il disparaît parfois. Il s’enfonce dans la terre. Il poursuit son cours dans l'épaisseur d'une langue. Il réapparaît ici ou là, invincible, inaltérable. »[3]

 

La traduction de la pensée allouée par la graphie- « l’esprit cherche est c’est le cœur qui trouve », devisait en elle-même George Sand- n’est-ce pas là un procédé pour conjurer l’effroi du vertige provoqué par l’évocation du retour au néant qui précède à la germination de notre entité, au sein du cocon-giron maternel, le premier lieu de vie nous offrant l’hospitalité ?:

 

 « On écrit pour ne pas mourir entièrement, pour ne pas mourir tout de suite puisque tout dépérit. Et je crois que parmi toutes ces raisons, les deux raisons les plus fortes d'écrire sont bien celles-ci : Faire partager aux autres l'étonnement, l'éblouissement d'exister, le miracle du monde et faire entendre notre cri d'angoisse à Dieu et aux hommes, faire savoir que nous avons existé. »[4]

 

Oui, écrire, n’est-ce pas une figure de discrimination à fleur de mots, des plus florissantes, l’un des exutoires, antidotes des plus puissants participant à résister à la haine, afin de tenter d’évacuer ressentiments et frustrations de nos actes manqués ou susciter son versant opposé, l’amour, tout en congédiant la tiédeur, sans autre forme de procès, à l’instar du conseil d’Anton Tchekhov qui tend à nous instruire, en parlant à ce qui nous reste d’humanité, réitérant que : « l’indifférence est une paralysie de l’âme, une mort prématurée » ?

 

Pour ma part, et bien que souscrivant à ces allégations sagaces, il me tient à cœur de témoigner, en livrant mon parti pris des choses[5], brodant à loisir sur ce thème et variation de l’acte de l’écriture, activité qui, selon ma perception ne constitue pas nécessairement une vocation, ni encore moins un « métier » à proprement parler, dont il nous faut apprendre les rudiments, mais un credo jaillissant de son for intérieur, de sa psyché, geste de spiritualité, « feu sacré » inhérents à la vision d’un porte parole littéraire de valeur, notre géniale « Faunesse de Saint Sauveur en Puisaye », la sensitive Colette :

 

« Cette répugnance, que m'inspirait le geste d'écrire, n'était-elle pas un conseil providentiel ? Il est un peu tard pour que je m'interroge là-dessus. Ce qui est fait est fait. Mais dans ma jeunesse, je n'ai jamais, jamais, désiré écrire. Non, je ne me suis pas levée la nuit en cachette pour écrire des vers au crayon sur le couvercle d'une boîte à chaussures ! Non, je n'ai pas jeté au vent d'ouest et au clair de lune des paroles inspirées ! Non, je n'ai pas eu 19 ou 20 pour un devoir de style, entre douze et quinze ans ! Car je sentais, chaque jour mieux, je sentais que j'étais justement faite pour ne pas écrire. […] Quelle douceur j'ai pu goûter à une telle absence de vocation littéraire ! Mon enfance, ma libre et solitaire adolescence, toutes deux préservées du souci de m'exprimer, furent toutes deux occupées uniquement de diriger leurs subtiles antennes vers ce qui se contemple, s'écoute, se palpe et se respire… »[…][6]

 

 

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Détail de l'Énigme de Gustave Doré


[1] : Formule extraite de « Lettres d'or » de Christian Bobin coll. folio

[2] : Évocation de l’ouvrage de F. Cheng « Cinq Méditations sur la Beauté »…

[3] : Citation provenant de l’ouvrage La Part manquante de Christian Bobin

[4] : Devise d’Eugène Ionesco tirée de son ouvrage « « Antidotes »

[5] : Détournement d’un titre de recueil poétique de Francis Ponge

 [6] : Fragment issu du texte de « La chaufferette », Journal à rebours de Colette, Arthème Fayard, 1941

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La balance des souffrances

 

Soliloque

 

Enfant, je trouvais regrettable

D’être née fille et non garçon.

Toujours soumise et serviable,

J’agissais peu à ma façon.

De mes cousins, plutôt hardis,

Les audaces ne troublaient guère.

Ils rencontraient peu d’interdits

Et ne se forçaient pas pour plaire.

Lors, je les enviais sans cesse.

La vie des femmes m’attristait

Qu’elles soient humbles ou princesses,

Toutes, privées de liberté.

L'effroyable, l’imprévisible,

Se produisit en peu de temps,

Mes cousins, ô peine indicible,

Menés à la guerre en chantant.

Nous, les filles ayant le même âge,

Avions le droit d’être à l’abri,

Écartées de l’affreux carnage,

Loin de ceux mourant sans un cri.

Dans la société, où nous sommes,

Des avantages fort nombreux

Semblent favoriser les hommes.

Aux souffrances, ils échappent peu.

15 janvier 2007

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Max Elskamp Essai par Jean de Bosschère, 1914

Sur la vie de Max Elskamp

Sur sa vie et sur son œuvre

 

 

Sur la vie de Max Elskamp

 

 

Anvers, où Max Elskamp est né en 1862, exerça une influence sur le mode de penser du poète, mais fort peu sur la direction de sa vie. Son évolution se fit constemment dans « le réceptacle universel » des scolastiques. Au milieu, il emprunta le vêtement et le décor de la vie. Plus tard, pour ses chants, il se forgea une ville idéale. Ce fut un port flamand du Moyen Age. Et souvent, il reconstruit son bourg hors des temps bornés, au seuil de l’éternité.

Toutefois, dans sa jeunesse, il put connaître Anvers sous son manteau ancien, avant la prospérité allemande de la ville ; -avant la destruction systématique de tous les vestiges de la grosse noblesse, du quartier des marchands, descendants de pirates, ou peu s’en faut ;- avant l’anéantissement de la poésie des rues et, surtout, de la grandeur sauvage du fleuve. Or, c’est toujours, malgré les désastres et malgré la bassesse du milieu, c’est toujours cette cité gothique qu’il voit, et que son imagination veut vénérer seule. Et s’il continua longtemps de l’aimer, c’est qu’il usa religieusement les huit premières années de son enfance dans un quartier qui, par une étrantge fortune, est demeuré intact dans sa mélancolique beauté. Ses rues grises, et l’église Saint-Paul qui les commande sans emphase, maternellement, ont déposé dansl’âme de Max Elskamp le besoin de recueillement, de sincérité avec soi-même, et le dégoût de tout artifice.

Là, il ne perdit pas l’obscure prescience qui est en nous des dimensions du temps et de l’humilité de l’homme. L’atmosphère des maisons et des églises agit sur l’esprit de ce solitaire, non pas les mœurs et les coutumes des hommes.

L’église Saint-Paul est enclavée dans de petites maisons, à quelques centaines de pas d’une grande artère de la ville. Cependant, on n’y voit que rarement un « camion, longue terrasse presque à ras du sol sur quatre roues, celles de devant grandes comme des plats, celles de  derrière comme des meules » (Edm. De Bruyn, « Eloge de la Ville d’Anvers » (L’Occident, Mars et Avril 1908) ; et, au moment où la circulation est le plus intense, il ne s’y rencontre pas un demi cent de commis et de marins à la fois. Des rues étroites, bordées de maisons à deux ou trois étages, conduisent de cette voie à l’église Saint-Paul et au marché qui l’avoisine.

Ici, la solitude est plus accentuée : souvent, pendant de longues minutes, les rues sont désertes. Silencieuse, chaque maison clôt ses rideaux. Les portes ne semblent pas, ainsi que dans les grandes villes, s’ouvrir sur un poumon de vie, et être une cellule vivante de la rue. Au contraire, toutes sont fermées. Aussi bien, les façades de ce quartier sont pareilles aux murs borgnes. Un mince ruban de cile roux et gris, à peine bleu au printemps, découpe les pignons, se tend sur le marché désert et sur le puits profond des cours. Elskamp chante les icones qui, aux façades, dans des niches, rappelent en notre mémoire le culte d’Anvers pour Madame Marie.

Si une porte s’ouvre sur un vestibule noir, on découvre un lumignon couvant aux pieds d’une Vierge, et, souvent, un antique escalier sculpté dans du cœur de châne. Une modeste maison offre des bas-reliefs taillés dans la pierre de ses murs, ou une porte d’un style grave, et admirablement ordonnée. La plus majestueuse porte du voisinage défend le préau de l’église. Jusqu’à midi, un de ses lourds vantaux est ouvert. Une onscurité de crypte et une atmosphère glacée règnent au delà. Au fond du préau on cherche dans l’ombre la porte du bas-côté de l’église<.

Un Calvaire est à droite de l’édifice, en plein aire, entouré de hauts murs, caché aux caresses, presque impossibles du reste, du soleil. C’est une rangée de groupes sculptés, s’alignant sur un tertre couronné de la scène du Crucifiement. Dans une grotte : le Saint Sépulcre composé d’après celui de Jérusalem. Les sculptures sont médiocres, les draperies romantiques, taillées en coup de vent, de meême que les traits des figures. Ces statures sauvages impressionnent comme des prophéties de malheur. Les personnages sacrés sont tordus comme des flammes de l’enfer. Un esprit d’enfant se remplit d’angoisse en contemplant le noir sépulcre, où est couchée une hâve anatomie du Christ.

La nef de l’église est moins lugubrement décorée. Il y a là des tableaux peints par Van Dyck, Jordaens et par les élèves de Rubens, qui firent hurler la couleur parmi des ocres et des ombres calcinées. De Rubens, l’église possède une « Flagellation » célèbre. Les stalles de bois sombre et les confessionnaux lambrissent les murailles. De l’orgue excellent les chants mystiques descendent sur vingt ou trente dévots qui, les six matins de la semaine, assistent à la messe.

En sortant de l’église, la balanche clarté éblouit. Sur le seuil d’une porte, quelques bambins jouent ; mais Elskamp est élevé en « enfant de riches », et malgré ses désirs, il ne communiera jamais avec eux, dont, au surplus, il ignore la langue.

 

 

Quel est l’horizon de cet enfant, dans ce quartier silencieux, le quartier saint-Paul qui est d’abord toute sa ville ? La fenêtre, si attrayante pour d’autres enfants, ne le captivera que plus tard, quand elle pourra lui découvrir des visages secrets du monde. Il est chétif, et même efféminé ; son iimagination seule l’aliemente.

 

Il fait le rêve de sa ville en croyant la voir.

 

Les âmes sont bonnes, les coutumes fort simples. Le cœur est le maître de la vie. De lui, de cet enfant, on n’attend sans doute que de la bonté. Et il s’apprête à aimer les hommes ! Le mystère aussi occupe une large place dans la vie des hommes ; l’église est le centre où convergent toutes les pensées de la journée ; les images saintes, les ex-voto et l’encens font rayonner de la paix et du bonheur. Il aura donc pendant toute sa vie le respect et l’amour des décors du catholicisme. Il aimera les dogmes, sans en rien admettre, sans être séduit par les croyances du catholique.

 

 

Bien qu’il n’ait pu prévoir vers quelle conclusion il marchait, il eut dès l’enfance le dégoût de l’action, et la passion des délectations intérieures. C’est un esprit qui semble immobile, parce qu’il creuse surtout dans un seul sens, et que la pierre attaquée demeure dure. Sébastien Van Strock, le hollandais conçu par l’esprit anglo-saxon de  Walter Pater, me fit maintes fois songer à Elskamp. Il y a en lui, à la fois, de l’indifférence pour l’objet, et de la prodigieuse curiosité pour son sens caché et authentique. Collectionneur, il a toujours considéré les objets comme des signes.

 

De juin à octobre, chaque année, l’enfant vit de soleil et de parfums. Il quitte les rues étroites et les salles sombres pour aller chez ses grands-parents maternels, à Ecaussines d’Enghien, en pays wallon.

Son grand-p ère maternel, Adolphe Cousin, septième fils d’une nombreuse famille, -dont l’un des membres accompagna Considérant au Texas, vers 1852, -se maria avec une veuve d’un maître de carrières aux Ecaussines. Adolphe Cousin, qui fut artiste à Paris, n’abandonna jamais le dessin, qu’oiqu’il dût constamment s’occuper du sort de la carrière. C’était un artiste à l’âme exquise.

On pressent tout ce que l’âme du poète doit à Adolphe Cousin. C’est lui qui encouragea le père de Max Elskamp, lorsque ce fils de négociant, rompant les liens, osa faire quelques pas dans sa courte carrière de peintre>. Remarquons que voici un artiste dans chacune des deux branches ascendantes de la famille du poète. Louis Elskamp fut élève de De Winter, qui était son ami, comme le fut Henri Leys. Il voyagea avec lui sur les côtes de Bretagne et de Normandie, puis sur les côtes anglaises. C’est au cours de ces  pérégrinations qu’il rencontra Adolphe Cousin, et un peu plus tard sa fille, la mère de Max Elskamp. Le mariage eut lieu dix ans après cette rencontre, en 1861.

Le poète doit son éducation artistique à son père, qui fut un homme admirable. Il consacrait ses loisirs du dimanche, -dès cet instant jour de fête pour Elskamp, - à montrer les œuvres des musées à son enfant. Il lui faisait surtout aimer les primitifs ; les vers de Max Eslkamp reflètent cette admiration précoce. Jusque dans les derniers jours de sa vie, Louis Elskamp fut extraordinairement averti des choses qui touchent à la peinture et aux autres arts plastiques. Le père et le fils s’admiraient réciproquement, et leurs rapports étaient ceux d’une amitié très élevée et rare.

 

 

La mère du poète, douce et artiste comme Adolphe Cousin, eut autant d’influence sur lui que Louis Elskamp. Elle vint verser une nouvelle sève de mysticisme dans l’âme septentrionale  des Elskamp. Elle la rendit plus légère, sans lui enlever de sa profondeur. Au contraire, le poète nous apparaît comme la fleur suprême de ce conflit des races, où deux mysticismes viennent se confondre et croître à tel point qu’il reste en lui peu de forces pour l’action, et que la contemplation absorbe toutes les heures de son existence.

Cependant, sa mère ne pratiquait point  le religion catholique. Elle croyait avec simplicité à l’âme des choses. Elle entendait un peu la botanique à un point de vue très spécial, elle abhorrait les fleurs coupées. Elle croyait à la souffrance universelle, et envisageait comme le crime le plus affreux tout actee qui pouvait causer de la douleur. Elskamp fut nourri de cette idée que provoquer de la douleur, même en pensée, que détruire des objets ou des insectes sont des méfaits exécravles. Plusieurs parmi ses poèmes vibrent au souffle de cette idée.

 

Sa mère, transplantée des Ecaussines, pays sec, à Anvers, ville humide, ne fit que languir dans un milieu hostile, parmi un peuple dont la langue lui était inconnue. Son esprit rêveur, sa mysticité, sa superstition même l’empêchaient de nouers des relations d’amitié, qui eussent pu lui donner la quiétude. Elle s’est réfugiée en l’amour de son mari, comme en une solitude heureuse. Le milieu flamand la fit beaucoup souffrir ; elle le sentait grossier ; elle abominait Anvers.

Aussi, les mois passés à Ecaussines, dans la maison paternelle, étaient-ils, pour elle, comme pour son fils, pleins de profondes joies. Ecaussines est un pays de carrières, entouré de villages aux noms charmants et suaves comme le son des clochettes de roulier : Virginal, Familleureux, Manage.

Elskamp vécut là dans une solitude infinie, dans le parfum des sauges mêlé au vague relent vireux de la cigüe qui abonde là-bas. Comme à Anvers, il se créa un monde à lui, mais il y avait plus de soleil, plus d’amour. Son univers était limité par : « le grand peuplier », une statue de Pomone, « le grand rocher », et « la grande grenouille » ; ceci était un coin touffu où il y avait de l’eau et où il ne vit jamais qu’une seule grenouille, qu’il croyait immortelle. Il se souvient de Louise, la fille du jardinier, qui la première lui révéla son goût des complaintes populaires, en lui chantant « les enfants du méchant Bailli », le soir au crépuscule. C’est une légende semblable à une chanson sur le massacre des innocents, qui le ravissait et l’épouvantait.

Sauf les bains de sauvage liberté dans les verdures d’Ecaussines, la réalité méritait que l’enfant la remplacât par des rêves. Toutefois, la vue des objets enferme l’imagination des enfants dans des domaines ressortissant aux mêmes pays qu’eux, tandis que, s’ils avancent vers l’adolescence, les objets leurs ouvrent des perspectives nouvelles. Il est donc certain que, objectivement, le port d’Anvers dut d’une manière prodigieuse impressionner Elskamp. Ce port où il y avait des arbres et de l’eau verte, des voiles rousses et des marins de tous les pays, était comme une large porte ouverte d’abord sur le monde réel, plus tard sur le rêve.

Le grand-père paternel du poète, né à Anvers, homme d’action, esprit pratique de commerçant, fut d’abord armateur. Mais avant l’apparition de ce dernier, l’océan eut un grand rôle dans l’évolution de cette famille scandinave ou danoise, dont une branche émigra en Hollande, une autre en Wesphalie. C’est de ce dernier pays que le trisaïeul de Max Elskamp vint en Belgique, accompagnant un prince de Salm-Salm, dont il était l’écuyer.

L’armateur possédait deux navires, un brick « l’Ortélius », et un trois-ma^ts, baptisé du nom de Louis Elskamp. Ce dernier bateau avait été acheté en Californie, au moment du « rush » de l’or. Il fut ramené sans équipage, celui-ci ayant déserté pour courir aux mines d’or. Aventure réelle, bien ba^tie pour faire confondre le fabuleux avec le positif par le jeune enfant qui, dans les magasins entourant la maison du grand-père, écoutait le récit qu’en donnaient les capitaines, ces étranges capitaines coiffés de casquettes à la visière d’écaille. Dans ces magasins, il voyait la poudre d’or qui avait tenté les marins fuyards, et qui donnait chaque jour naissance à de nouvelles légendes. Il y flairait aussi du beurre de palme, des cocos et d’autres fruits des pays équatoriaux.

 

 

Dès ce moment, à son mysticisme se mêlent le goût du rare, une vive curiosité, une sorte d’exotisme, qui lui faisaient adorer les grands voiliers,

 

 

« Lors, et plus, j’aurais voulu dire

ces grâces que tant vous aviez,

Marie, au temps primesautier

des beauprés et de mes navires »

(Salutations dont d’angéliques, Pleine de grâces, p. 61.

 

 

et admirer, dans ce même quartier maritime, les prostituées en toilette de sultanes, et qu’il trouvait plus belles que les autres femmes. Ceux qui ont vécu dans un port, connaissent les émotions que produisent les heurts constants entre l’exotisme des rives du fleuve, et la paix de béguinage de certains quartiers peu éloignés des navires à l’ancre. Dans ces quartiers, un marin ivre, un œuf d’autruche ou un bateau enfermé dans une bouteille,, ou, roulant sur le pavé, un chariot odorant le café ou puant les peaux de buffles, disent le voisinage des voiliers revenus, après tris ans de voyage, des côtes d’Afrique, de la Guinée, du Chili, des Antilles… Comme à Paris, Anvers a son odeur, que Edmond de Bruyn a analysée : « Dans les brumes que le vent dilate, il renifle toute la marée, le sel, l’iode et les moules ; il flaire les fragrances confuses qui émanent des cargaisons, les effluves qui sourdent des stocks variés des hangars ou passent sous les cloisons de fer des entrepôts ; le brouillard tiède du malt des brassins, le ferment fade et moite des grains lénifie ses muqueuses comme une inhalation pharmaceutique ; la buée des mélasses, la saveur des cédrats mêlées à l’essence des planches de sapin, à l’extrait pouacre des vernis, ce bouquet composite le grise. » (« Eloge de la ville d’Anvers », L’Occident, Mars et Avril 1908).

Telle est cette odeur de fermentation et de marais, traversée des senteurs de bois rares, de clou de girofle, de poivre et d’orange. Tout un décor s’évoque cependant qu’on renifle ces parfums. Pour Elskamp, l’Escaut et son odeur de marée, ses navires et les contes des capitaines peignent la toile de fond, qu’il tend derrière les paisibles images de son enfance. Et plus tard il se souvient avec force :

 

 

« Mais je n’en puis, ce sont les miens

Qui m’ont parlé trop de navires.

Et ce n’est qu’eux que je sais dire.

(Salutations, p. 50)

 

 

Il les aime en image, mais aussi connaît les marins :

 

 

« Tacites sont ceux des voiles et des ailes ».

 

 

et de tout cela naît la tentation romantique du voyage :

 

 

« Mais feu ! les beaux châteaux de poupe

fument tels des autels de saints,

la Belle-Poule a des poussins,

mais feu ! les beaux châteaux de poupe ;

 

et les îles de paille brûlent

et les drapeaux de lin sautent,

et les mousses voient, toutes nues,

les méchantes îles qui brûlent. »

(Salutations dont d’angéliques, Etoile de la mer, V, p. 48)

 

 

C’est l’espoir, l’avenir. Plus tard, la toile de fond peinte par les capitaines crève, et il connaît d’abord le voyage imaginaire. Mais il n’en restera pas à ces promesses. Avec plus de passion, il r^ve de voyages.

 

 

« Tandis que se faisait la rumeur du quartier

En bas, seul et couché sur des pièces de toile

Ecrue et pressentant violemment la voile !... (Arthur Rimbaud, Oeuvrs de Arthur Rimbaud », Mercure de France, p. 66.)

 

 

J’habitais alors mon village natal, près de Bruxelles. Toutefois, chaque année je passais quelques jours de mes vacances chez mon grand-père paternel, Messin, fixé à Anvers. C’est chez lui que je vis Elskamp, âgé de dix-neuf ans environ. Au regard d’un enfant de trois ans, il était un homme.

Cependant, il était si mince et sa pâleur si grande si grande qu’il avait l’aspect d’un enfant de croissance hâtive. Je me souviens d’un après-midi d’automne for chaud, qu’il entrait dans une serre, où j’étais accroupi sous la main voluptueuse du soleil. Il accompagnait sa mère, jeune comme si elle eût été une sœur aînée, belle comme Adélaïde de Savoie, à qui elle ressemblait à tel point qu’un portrait de cette duchesse de Bourgogne, dessiné par Staal, est en même temps le meilleur « portrait » de feu la mère d’Elskamp. Ses cheveux blond clair, ses yeux bleu pâle, son masque étroit et assez long formaient une tache claire. Il tenait son chapeau de paille à la main, dans cette douce chaleur odorant les raisins mûrissants, et la moite odeur des géraniums brûlants comme des rayons de soleil. Je le revis plusieurs fois vers cette époque.

Mon grand-père étant mort, j’oubliai Anvers. J’y revins faire mon service militaire. Nous étions cinq ou six « soldats-universitaires ». L’un de nous avait la haine de l’art et de la noblesse. C’est lui qui, un matin, me désignaant Elskamp, que je ne reconnus pas, voulut me faire partager le mépris qu’il avait pour lui en le qualifiant de « poète décadent ». Max Elskamp venait de publier « La Louange » nous étions en décembre 1898, un peu plus tard, un peu plus tôt. A ce moment, comme aujourd’hui, on appelait décadent ou « Mallarmé » tous ceux qui cherchaient « leur style ». Or, à Anvers, Elskamp était le seul qui cherchât la forme précise où emprisonner ses émotions. Il fut le type du décadent, surtout après qu’il eut applelé dans la somnolente ville et Mallarmé et Verlaine.

Ce n’est que dix ans plus tard, époque à laquelle nous nous liâmes d’une profonde amitié traternelle, qu’il me raconta les épisodes qui entourèrent les conférences que les deux maîtres dirent à Anvers.

Le bruit et les cris, qui furent poussés pendant la conférence de Mallarmé, l’arrêtèrent plusieurs fois. L’opinion du public sur sa causerie est contenue en ces quelques mots, dits par un général retraité, grand joueur de billard, et qui du rste ne fit qu’une courte absence de la salle de jeu, pour écouter quelques phrases du poète. « Cet homme est ivre ou fou », dit-il fort haut, en quittant la salle, où son jugement fit lois. Anvers, malgré un léger masque de snobisme, qui pourrait tromper, n’a changé depuis. Mallarmé, même pour les « avertis », est toujours l’homme ivre ou fou.

Dans l’église Notre-Dame, où Max Elskamp fit entrer Verlaine, celui-ci eut un mot adorable. Le suisse du temple, homme sévère, lui défendit l’accès du chœur. Ver laine, pourtant, prétendait s’y introduire de force, afin de voir l’ « Assomption de la Vierge », tableau de Rubens. Le suisse frappe la dalle de sa masse à pommeau d’argent, Verlaine fait de même avec sa courte canne. Enfin, le poète sort l’argument décisif : « En outre, crie-t-il, je connais mieux Madame la Vierge que vous ! »

 

 

La pureté de cœur de Max Elskamp, sa jeunesse recueillie et entourée d’affections profondes, son grand amour filial, et, enfin, l’absence des trahisons que tous les autres hommes trouvent cachées aux plis de chauqe journée, lui avaient donné beaucoup de confiance dans les années qui accouraient en douceur former la trame de sa vie. Il continuait de croire à une vie seulement mystique et très grave, mais où le cœur sourit.

La menue philosophie des amis n’eut point d’influence sur la direction de ses pensées. Il n’avait aucune conception définitive du monde ; il lui vouait de la vénération, sentiment pris dans les heures contemplatives. Les brutales théoris des jeunes gens ne peuvent détruire les quelques fiers sentiments primordiaux, qui sont nés dans la solitude du cœur. Si l’on avait saccagé ses amours, son inlassable foi réfectionnait rapidement les lézardes de sa tour d’ivoire. D’ailleurs, où il y avait tant de naïfs sentiments de charité, les théories décevantes ne trouvaient point de méa propice. Sa pureté le défendait. Quand il entra à l’Athénée, en quatrième, il souffrit beaucoup de la grossièreté de ses compagnons ; quelques mois plus tard, connaissant leurs turpitudes et leur jargon stupide, il se libéra. L’année suivante, il trouva l’ami, le véritable ami selon les désirs de son cœur. Désormais il ne se quitteront plus. Henri Van de Velde, qui donna son nom à l’art décoratif moderne en Allemagne, et Elskamp devinrent amis, mieux que frères, et le restèrent toujours.

Il passa donc à travers la période périlleuse des études en commun, avec des camarades de hasard, en n’y prenant que des idées générales sur l’art et la littérature, un peu de gongorisme, et les éléments scolaires des sciences qui lui permirent d’acquérir plus tard les connaissances les plus variées, les plus rares. Mais rien de ce fatras ne descendit jusqu’à la blancheur de son a^me.

Il semble que l’évolution des rares jeunes hommes qui ressemblent à Elskamp soit retardée. Ils restent pleins de surprise, il questionnent là où ceux de leur âge passent en souriant. Ils sont encore des enfants, quand les autres sont des hommes, forts de leur assurance, de leur scepticisme insondablement puéril. A vingt ans, ces sceptiques ont cessé tous les postulats, ils sont tels que la mort les trouvera un demi-siècle plus tard. Ils sont des vieillards tombés en enfance, et que trois idées fixes dirigent. Elskamp ne prit pas en mains ce code de l’éthique spirituelle de la jeunesse.

Il ne refusa rien. Il entreprit sans artifice, sans préméditation, de parcourir la route ouverte devant l’homme qui doit vivre. Et, il ne devait pas rencontrer le stade de satisfaction où s’enlisent les autres. Dix ans après que ceux de sa génération y étaient parvenus., Elskamp avait encore les mains pleines de fleurs de l’espérance., il demeurait avec son âme à lui ; il n’avait accepté aucune livrée pour son esprit. Elskamp ne vieillit pas, tandis que d’autres n’ont pas eu le temps de fleurir, par conséquent, de mûrir. Son âme a pu grandir au milieu de la troupe qui le considérait comme un simple, un homme farci d’illusions. Or, c’est lui qui, au bout de la route, a découvert toutes les truffes et tous les champignons qui sont la farce de l’homme ; mais, les ayant découverts, il en a tiré des raisons de vivre. Il n’a pas voulu ni chanter, ni prier avec les mots des autres ; il faut « prier d’or » dit-il avec conviction :

 

 

« mais vieilles gens qui priez d’or »

 

Enluminures, Heures, p. 44.

 

 

Il a mis beaucoup d’années à connaître le monde,

 

 

« et de s’aller cœur au milieu

des choses, des gens et des bêtes »

 

Enluminures, Chansos, p. 70.

 

 

depuis, il sait comment tout est ordonnée, et l’apparence des choses ne le trompe plus. Dès qu’il cessa de chanter, il avait définitivement dépassé la fausse objectivité. Jusque-là, une ville était un rêve de bonheur ; il y avait des jardins, des cloches, des oiseaux. Les pleurs, le « dimanche ivre d’eau-de-vie », et les mélancolies ne font que planer un instant sur lui. Cependant, vers cette époque, il brûle un conte si véridique qu’il « eût pu décourager ceux qui l’auraient lu » (Charles-Louis Philippe, Max Elskamp ; Antée, mars 1907).

Auparavent, une strophe comme celle-ci, qui est certes le reflet de sombres méditations :

 

 

« J’ai triste d’être le perdu

d’une ombre et nue et mal en place,

-mais dont mon cœur trop sait la place

j’ai triste d’être le perdu

des places et froid et tout nu »

 

Dominical, d’Anciennement transposé, p. 27.

 

 

est étouffée par les multiples louanges contenues et profondes, bariolées de nuances flamandes, et pavoisées de foi. Je cite en entier, car ce n’est qu’à regret qu’au cours de ces pages, je détacherai quelques vers des poèmes si indivisibles de cette œuvre :

 

 

AUX YEUX

 

 

Et me voici vers vous, les hommes et les femmes,

avec mes plus beaux jours pour le cœur et pour l’âme,

 

et la bonne parole où tous les mots qui s’aiment,

semblent des enfants blancs en robes de baptême ;

 

car c’est en aujourd’hui, la belle Renaissance,

où ma douce sœur Joie et son frère Innocence

 

s’en sont allés cueillir, en se donnant la main,

sous des oiseaux chantants les fleurs de romarin,

 

pour fêter paix venue aux jardins de jouvence,

qu’ouvrent ici la foi et la bonne espérance.

 

Or, voici doux pays et lors, à mes couleurs,

la vie comme un bouquet de joies et de senteurs,

 

et dimanche, les yeux, dans le très bon royaume

des bêtes et des gens, des maisons et des chaumes,

 

et tout mon peuple heureux de sages et de fous

mais attentifs aux croix, du chœur jusqu’aux genoux ;

 

or, c’est fête, les yeux, et réjouissez-vous

ainsi que des enfants dans mes jours les plus doux.

 

Car c’est le temps venu après bien des prières,

et des villes ba^ties toits à toits, pierre à pierre,

 

de la maison promise et dont le seuil est prêt

à tous ceux de travail pour du bonheur après ;

 

et c’est voiles, au loin, dès mon pays sans leurre,

parlant à guidons bleus pour devancer d’une heure

 

ma paix haute déjà dans les meilleures âmes ;

mais réjouissez-vous lors, les hommes, les femmes,

 

et selon tout mon cœur en rêve de bonté,

pour un prêche aujourd’hui d’amour et charité.

 

 

Cependant, plus on avance dans l’œuvre poétique de Max Elskamp, plus on y découvre de mélancolie. Un chagrin d’amour, qui est exprimé dans une suite de poèmes que nous remarquerons plus loin, l’assombrit. Mais ce n’est là une douleur foncière que pour qui avec fierté s’y complaît. Elskamp fit une liasse secrète de ces fibres cruelles, et les aima comme des reliques vivantes. Mais l’autre souffrance, la vraie, viendra plus tard.

C’est à cette heure de déception que Max Elskamp s’embarque sur des navires marchands. Les capitaines simulent des engagements pour lui permettre de faire le voyage à bord de leurs voiliers. Il connaissait un peu l’Allemagne du sud, l’Italie, la Suisse, la France, l’Espagne. Les navires le conduisirent, entre les années 1884-1887, à Stamboul, aux îles grecques, en Asie Mineure, aux Baléares, en Algérie, aux Côtes Marocaines. D’abord, il y développe son goût de l’exotisme, puis il contracte cette passion, qui lui fut si chère plus tard, des choses du ciel. Il manie le sextant, les chronomètres de marine ; il voit d’admirables étoiles, qu’il adorait dans son enfance, il voit les navires de ses poèmes, navires à voiles beaux comme des femmes. Et, plus tard, dans le champ de sa vision, toujours il y aura une voile blanche comme un aile de mouette.

Peut-être, dans un milieu d’intellectuels, de dilettantes, de snobs, dans une ville vivante ou plus complète, c’est-à-dire moins exclusivement commerciale, Elskamp serait arrivé moins tardivement à conclure. Sa joie a duré simplement parce qu’elle n’était entourée par aucun réactif. Il était seul. Pour deux raisons il fut tacitement exclu de la morne société d’Anvers : il était artiste et original. En province, Balzac l’a dit, un original est un homme qui pense et qui voit, et qui dédaigne l’honnête conformisme. Comme artiste, il est surtout méprisé parce que sa fortune eût permis « d’entreprendre autre chose », et parce que, comblant ainsi la mesure du ridicule, étant docteur en droit et inscrit au barreau, il ne plaide jamais. Quant à ses vers, nul ne les lit, d’abord parce qu’on ne lit pas de vers dans cette bonne ville, puis, parce que, dès l’origine, il a porté l’étiquette de décadent.

Un décadent est un homme qui ignore les bons principes des finances et de l’agiotage. In ne faut rien de plus pour le condamner. Mais, en vérité, si l’on ne lut pas ses vers, on accepta en maugréant un peu, il est vrai, sa manie de poète ; ce n’est que plus tard que de mauvais politiciens tentèrent de le troubler. Rancœur du fantoche entouré d’adulations, qui enrage d’avoir deviné la joie de la grandeur et de la vraie douleur auprès de sa triste et immonde tribune, où l’Allemagne lui apportera le prix de sa patrie. En souriant, le flamingant sinistre désigne la victime : il se venge de sa propre bassesse.

Or, Elskamp vivait loin des fantoches, et selon son cœur. Il vivait en profondeur, avec lui-même et avec ses livres qu’il aima dès son enfance. Dans la bibliothèque de son grand-père paternel, il avait trouvé, -bizarre début, prophétique !- un Juan de la Cruz, en espagnol, qui lui fut cher et demeura avec lui jusques aujourd’hui ; les « Nuits » de Young ; une espèce de traité de démonologie, avec gravures, livres qu’il lut à quatorze ans, lui donna peut-être le goeût de la magie et des imaginations des thaumaturges de tous étages. Un peu plus tard, à quinza ans, sa première admiration fut pour de Vigny et les « Géorgiques » de « l’homme au divin café » ! Il aimait naïvement ces choses. Alors commencèrent ce qu’on appelle les mauvaises lectures : il se complut au « Namouna » et à « La Coupe et les lèvres » du nommé Musset. A l’Athénée on lui donnait du Hugo de temps en temps, mais il fut désillusionné. Sa passion, en rhétorique fut pour Longfellow, qu’il aime encore, m’a-t-il avoué. Il traduisit « Song of Hiawatots », qui fit ses délices. Flaubert fut le maître de sa vingtième année. S’il ne comprend ni la « Chartreuse de Parme », ni « Le Rouge et le Noir », il faut l’attrribuer, sans doute, à ce que, comme tant d’autres, il prit Stendhal au mot, sans aller au fond de cette âme jalouse et sentimentale. Le snob sceptique et dandy, qui se réclame de Beyle, fait la plus grande injure à l’âme secrète de son héros.

Après le voyage classique du jeune homme parmi les poètes parnassiens, il prit en lui avec ferveur et pour toujours les vers et la prose de Mallarmé. Il relut vigt fois son œuvre, qui représente l’absolu pour lui. Cependant, nous verrons dans les vers de Max Elskamp, un légère influence de Verlaine, qu’il aime moins, et presque aucune de Mallarmé. Tristant Corbière et Laforgue prennent une bonne place dans ses lectures, surtout les lettres d’Allemagne de Laforgue. Quant à Corbière, son amour savage de la mer devait le signalet à Elskamp, pour qui elle est le rêve éternel.

 

 

 

SUR SA VIE ET SUR SON ŒUVRE

 

 

Ici commence « La Louage de la Vie », selon l’Amour, l’Espérance et la Foi, porte la première page du recueil de vers de Max Elskamp, que le « Mercure de France » a publié en 1898. Est-ce le cri d’un apôtre qui va exalter les joies de l’abnégation, qui va chantant le rachat par la charité ? C’est un cri de candeur. D’emblée l’épigraphe du livre nous le dit : « Et c’était comme si le monde, secouant l’ancien cilice, se vêtait de la blanche robe des églises ». (Raoul Glaber, moine). Belle épigraphe, et après la lecture de « La Louange de la Vie », on comprend que ces trois lignes sont simplement une fleur de poésie devant ce livre, et non pas l’évocation d’une rédemption de l’horreur noire. Le poète, quand il y souffre, y souffre souvent… oserais-je dire, en spectateur ? La joie de chanter se dénonce partout en ses vers bien plus dans les poèmes de Verlaine. Pour être heureux, il n’est point forcé d’oublier et de vivre une minute d’illusion, ou d’additionner misérablement de petits bonheurs. Sa raison sans doute connaît les maux, mais ils ne sont point entrés dans sa chair.

Bien plus que Van Lerberghe, surtout par sa création de rythmes et de chants, il n’est pas allé, avant la quarantaine, dans l’enfer de Baudelaire ou dans celui de Villon, quoiqu’il dise à trente ans :

 

 

« Expiant son illusion,

Mon âme des bons jours enfuis.

 

(Domninical, p. 7).

 

 

Aussi, c’est le bonheur ou la joie qu’il magnifie d’abord.

La joie « dans la comédie bleue du rêve » a pris figure du dimanche. Pour Max Elskmap, dimanche est synonyme de joie ; tous ses poèmes évoquent le dimanche. Si la joie est bonne, il dira : « Vierge des dimanches solaires » (Domnincal, p. 33). Si elle est mauvaise, il dira dans un même recueil de poèmes (Dominical, p. 28) : « au dimanche des cœurs de bois », et « au dimanche ivre d’eau-de-vie. » Dans les quartiers silencieux, derrière les portes et les fenêtres closes, toute la semaine est mangée par le travail. Ce travail, c’est la peine, les dures heures des fatigues ; et pour leur opposer une figure au dimanche-joie, dans les vers suivants, il associe semaine et peine :

 

 

Or c’en est fini des semaines

où, dans l’eau, mains rouges, l’on peine

 

 

Toute la ville sourit, et ce seul jour elle prend rire. Aux fenêtres Elskamp attend les joies :

 

 

Ils sont venus, ils sont venus

naïvement nus et goulus

 

de raisins de verre et de cierges

sur les bras longs des saintes-vierges,

les dimanches…

 

 

Et sept poèmes murmurent de la joie dominicale, où le dimanche, même s’il y reprend son sens réel, garde une plus profonde signification ; il possède la vertu de faire s’agiter des oriflammes, de faire briller le soleil, le tablier des servantes, le cuivre des portes. Les « arbres chantent en chœur », les gens partent en voyage « avec trop de gestes » ; enfin, le dimanche est doux à tous :

 

 

 

Le dimanche très en décor

Pour les femmes de mes pensées.

 

 

Dans »Dominical » la forme est une peu plus apparente que dans les « Enluminures », dernière œuvre du poète. Je veux dire que certains vocables ou quelques association nous frappent hors du sens propre des poèmes, qu’ils nous étonnent, sans que notre étonnement se résolve en émotion favorable à l’expression. Ce sont des mots ou des formes parfois empruntées au symbolisme. C’est aussi dans « Dominical » qu’il y a des rythmes les plus curieux ; je cite cette strophe d’harmonie imitative :

 

 

Et s’ébrouant

rouets rouant,

les rouets au matin des vieilles,

leur font s’éjouir les oreilles

d’un bruit rouant

et s’ébrouant.

 

Dominical, de joie, p. 15.

 

 

Et cette image rare et inattendue, que R. de Gourmont signale comme une vision née de l’émerveillement devant l’art admirable de Jan Luiken :

 

 

Dans un beau château,

la Vierge, Jésus et l’âne

font des parties de campagne

à l’entour des pièces d’eau,

dans un beau château.

 

Dominical, de joie, IV, p. 17.

 

 

Cependant, la suavité des vers souffre peu, en somme, de la présence de quelques formes trop brillantes. Dès « Dominical », Elskamp chante ses mélodies à lui. Parmi ses premiers vers, je cite la douce strophe verlainienne :

 

 

Vierge des dimanches solaires,

est-il un dimanche à venir

pour une ville de plein-air,

une douce ville à bâtir,

où, dans la vie, on pourra rire ?

 

 

Le parfum de mélancolie qui a germé dans cette strophe s’est communiqué à quelques autres, et surtout au dernier poème de « Dominical » :

 

 

 

DE SOIR

 

 

Et lors, c’est la fin venue de mes fêtes,

et puis la vieillesse de ma tête ;

 

rentrez les drapeaux dans l’humidité

de la nuit, mes drapeaux de vanité ;

 

tout est fini, les dimanches sont morts,

mes pauvres petits dimanches sont morts.

 

Qu’importe d’adieux ; ce sont les semaines

à présent, et les mains rouges qui peinent,

 

et bien heureux sont ceux d’âme assez forte

que le travail attend, bon, à leur porte ;

 

les semaines sont et les mains sont reines,

et s’en vont du port blanches les carènes

 

des beaux vaisseaux de dimanche attardés.

Or c’est fini de très-loin regarder,

 

en des nonchaloirs, heureux de rien faire,

et déjà les commerçants reparlent d’affaires.

 

Et lors c’est la fin venue de mes fêtes,

et puis la vieillesse aussi de ma tête,

 

tout est fini, les dimanches sont morts.

Mes pauvres petits dimanches sont morts.

 

 

La cadence des vers du poète, directement inspiré par le mouvement des hommes, de la foule ou de la nature, fait songer à une musique de flûte dans le lointain. Dans « Enluminures » le poète a cessé de faire vibrer toute autre musique que celle-là. L’homme respire, il se presse à la joie qui durera le temps que brûle un cierge. Ce jour de joie, il ne laissera pas une miette du festin. Cette joie pressée se retrouve ici dans le bruit de la mer et de ses hommes :

 

 

Puis la mer monte

et vaisseaux, nefs, barques, bateaux

ohé ! ohé !

aux mâts les voiles, les drapeaux

car la mer monte

 

et bonne race

houlques, otters, botters, pinasses

ohé ! ohé !

le pilote a mis son chapeau

passez la passe

 

Enluminures, p. 28.

 

 

puis dans le travail des maçons et des charpentiers « pour des maisons et des églises, qu’en leur vieux pacte d’amitié, ils réalisent » :

 

 

Alors voici sur un autre air

encor les mains qui viennent, vont

et c’est ici bois, longerons

qui montent predre place en l’air.

 

Enluminures, p. 53.

 

 

C’est encore la joie idéalisée et grossie par l’imagination du poète sédentaire, qui provoque ces mouvements adorables :

 

 

Et c’est lui, comme un matelot

et c’est lui qu’on n’attendait plus

et c’est lui comme un matelot,

qui s’en revient les bras tendus.

 

Enluminures, p. 41.

 

 

Enfin, ces derniers vers du poème des travaux du jardinier :

 

 

et yeux alors, comme un dimanche

voici fête d’arbres et branches

de toute part

et la terre comme embellie

de tant de choses accomplies

par ses mains et selon son art.

 

Enluminures, p. 52.

 

 

Sur le bon fatalisme du marin :

 

 

et comme il rit, l’écoute aux mains

de s’en aller ainsi corps et biens

de cape en coupe.

 

Enluminures.

 

 

Si au début, Elskamp laisse choir quelques néologismes en ses vers évoquant la naïve ballade populaire et la forme succinte du dicton, un peu plus tard tout artifice aussi banal disparaît. Sa simplicité fait alors crier à l’affectation, et, chose bizarre, en Belgique, on ne comprend plus, et l’on s’étonne secrètement de l’accueil plein d’émerveillement que de bons artistes réservent à ses vers. Aussi, en Belgique, se sent-on obligé de le défendre ou de l’expliquer : « Pourtant, écrit M. Victor Kinon (« Portraits d’auteurs », p. 136), on ne conçoit pas que l’artiste puisse être sincère, sans être du même coup original ». « On a reproché à Elskamp, dit d’autre part, M. G. Tency (« Propos de littérature », p 204), le primitivisme voulu de son art. On a dit que ses vers étaient semblables à des balbutiements inarticulés. » Ces phrases sont dirigées contre l’éternel gand public. Ce dernier s’en moque bien, son jugement est une boutade sans importance, il l’oublie aussitôt proféré.

Quant aux poètes, le vrai public, voici ce qu’écrit M. Kinon : « On ne saurait en disconvenir, malgré sa parfaite naïveté, Max Elskamp, comme cet autre grand candide que fut Paul Verlaine, cède trop volontiers au péché des imagination décadentes, qui est de n’énoncer l’idée que par un mode retors et compliqué, de ne communiquer la sensation, en sa plénitude, qu’après lui avoir fait décrire dans les nefs de curieuses courbes préliminaires, au risque même de dénaturer ou de la supprimer. » Les vers que j’ai cités montrent ce qu’il faut entendre par décadent. Rien d’aussi visuellement direct que la poésie d’Elskamp. L’ellipse abonde, il est trsè vrai, mais le procédé est loin d’allonger la route ! Comme il sait en jouer, de  l’ellipse ! Et ne vaut-il pas qu’on en use, ce vol subtil, hors du poème, se fait en une seconde dans notre esprit ?

En général, le poète nous fait grâce de toute sensation connue. Les images stylistiques sont de très simples traductions de peintures réelles ; le symbole y est excessivement rare, si l’emblème parfois y paraît. M. V. Kinon reconnaît du reste la simplicité du poète : « Mais, en somme, les procédés expressifs de Max Elskmap relèvent moins de la littérature que de la miniature et de la musique. Il nous communique son émotion, non point directement à travers les trompettes phraséologiques, mais indirectement par de successives évocations de petites images, coupées de frêles musiques et de ritournelles délicieusement chantonnées ». Et il ajoute plus loin : « Ce souci des euphonies musicales n’est peut-être pas étranger aux obscurités où Max Elskam enchevêtre parfois ses poèmes et qui ne laissent pas que d’être fort déplaisantes. » (Portraits d’auteurs, p. 39.

Sans doute, il faut d’abord faire confiance à Elskamp, pour le comprendre totalement. Cette poésie ne recèle pas une seule « flaque nébuleuse », pour qui ouvre naïvement son cœur à ces vers tout instinctifs. « Dans les pages parfaites, dit R. de Gourmont, la pureté est délicieuse, nuancée comme un humide ciel flamand, transparente comme l’air du soir au-dessus des dunes et des canaux ; dans toutes, on a l’impression d’une constante recherche d’art ». (Le IIme Livre des masques, p. 139).

Le poète présuppose de certaines dispositions à notre âme, dès que nous prenons pour les lire ses poèmes. Il commence comme si nous n’avions jamais quitté les douces et tendres plages qu’habite son imagination. Ses poèmes sont parfois la conclusion de longues méditations, et sonnent comme une finale d’orgue ou un long Amen murmuré dans le prafum de l’encens. Voici le début de trois poèmes :

 

 

Or, c’est la mer, soyez louée,

Marie du ciel qui s’est fait chair

ineffablement sur la mer,

Marie qui m’avez pardonné

 

Salutation dont d’angéliques, Etoile de la mer, p. 30.

 

 

Mais voici le temps venu d’encor la souffrance

et madame la Vierge, faites vous sœur noire,

voici le temps venu de toute souffrance

 

Salutations dont d’angéliques, Consolatrice des affligés, p. 65.

 

 

Et celui-ci, qui est un soupir succédant à une longue rêverie angoissée. Ce début sonne incontestablement comme une conclusion :

 

 

Mais c’est trop redit, Madame la Vierge,

mon mal, car d’autres ont beaucoup souffert,

témoins les pauvres petits arbres verts

de dédicace à vos autels de cierges

 

Salutations, dont d’angéliques, Consolatrice des afffligés, p. 71.

 

 

Il est donc évident que pour le goûter et le comprendre, il faut entrer dans un état de grâce correspondant au sien, s’introduire dans le décor local que j’ai esquissé au début de cette étude, entendre la rumeur de la ville, avoir la vision de sa vie recluse, s’attendre à tous les parfums exotiques de là-bas, et aussi aux musiques ténues. Alors la surprise sera moins grande à la lecture, par exemple, dans « Salutations », des poèmes intitulés « Etoile de la Mer », où la Sainte Vierge semble être chantée par un marelot, ou, dans « Pleine de Grâces », par une béguine.

Il n’y a pas, du moins dans « En symbole vers l’Apostolat » et « Enluminures », de système ou de manière, et M. V. Kinon avoue : « à vrai dire, il est plus aisé d’affirmer le charme particulier de la langue d’Elskamp que d’en mettre à nu les procédés syntaxiques. » Et le même critique, -poète qui a le mieux compris Max Elskmap, et en a le mieux parlé, -dit avec enthousiasme : « Chez Max Elskamp tout est neuf. Nul que je sache, parmi les poètes de ce temps, ne s’est taillé une langue aussi strictement et indéniablement personnelle, nul n’a manié un système de rythmes aussi complet, varié et homogène. ». (Portraits d’auteurs ».

On n’imagine pas une démarche plus harmonieuse que celle du poème « Dominical », qui se nomme « De visitation ». Je veux le citer en entier ; plusieurs fois dans l’œuvre d’Elskamp ce rythme réapparaît. C’est l’oiseau qui passe et tangue en décrivant une spirale coulant vers son centre, il s’approche d’un beau lis éclairé de la flamme jaune de ses anthères. Ainsi va Elskamp progressivement vers de définitives paroles dites par les grands-parents, et ces paroles de même ne font qu’effleurer la fleur de l’âme. Chaque strophe est un lent cercle, un balancement furtif, qui revient presque à point de départ, et l’on songe aux conseils de Poë et à certains de ses poèmes.

 

 

 

DE VISITATION

 

Or, au dimanche froid, maritime et d’hiver,

aux lèvres amer,

d’une ville très port-de-mer,

dans un dimanche froid, maritime et d’hiver ;

 

aux quatre heures de soir longues d’après-dînée

de lampes allumées,

-et lasses et comme enfumées-

des quatre heures de soir longues d’après-dînée ;

 

de la famille nous est venue visiter

famille d’été,

et de soleil très endettée

dela famille nous est venue visiter,

 

Or, avec les mains bleues de leurs jours de navires,

plus debout qu’assis,

disant en anglais raccourci

le parler de leurs mains comme aux jours des navires,

 

les parents de retour des bonnes Australies

et riches trop tard,

-oncles d’Amérique et soudards-

les parents de retour des bonnes Australies,

 

les grands-parents sous la lampe jaune en allés,

pour prendre le thé,

graves et de solennité.

Les grands-parents sous la lampe jaune en allés,

 

-de mains m’on fait signe d’être à l’enfant très femme

-très femme et très-âme-

les parents de celle de l’âme,

de mains m’ont fait signe d’être à l’enfant-très-femme ;

 

et parlant de profil, comme à des yeux fermés,

ils ont dit très-dous :

nous sommes ceux venus vers vous

et d’annonciation vers la bien-aimée.

 

Dominical, de Visitation, p. 39.

 

 

Et cela fut, et Elskamp parla à la bien-aimée ; et trsè tôt après, murmura le déchirement de son cœur, plainte qui résonne jusqu’à la fin de « Dominical ». Ce fut une chose très triste, comme l’est toujours l’amour ; ce fut une illusion, mais il crut avoir manqué le bonheur, et il a donc manqué le bonheur.

Nous touchons à la première souffrance de cette âme mystique et, dès l’enfance, solitaire. Comme le font les cœurs prurs, il donne à cet amour les perles de son être, tout le « bien que je sais en moi » dit-il, mais il s’abîme devant la femme et s’excuse d’être si doux : « Moi qui veux tant que tu me pardonnes. »

Dans « De Soir », il exhale sa douleur d’amour, la « joie-dimanche » est malade, elle « a pris un mal de langueur ».

Elskamp n’aima plus. Il vécut dans la mélancolie hautaine d’être fidèle. L’amour est une petite plante qui un jour croît en nous, elle devient un arbre ou elle meurt. Villon le sait :

 

 

J’ai ung arbre de la plante d’amours

Enraciné en mon cueur proprement,

Qui ne porte fruits, sinon de dolours,

Feuilles d’ennuy et fleurs d’encombrement ;

Mais, puisqu’il fut planté premièrement,

Il est tan creu, de racine et de branche

Que son umbre, qui me porte nuysance,

Fait au dessoubs joye seichier,

Et si ne puis, pour toute ma puissance

Autre planter ni celuy arrachier.

 

 

Il n’y en a point d’autre, les nouvelles amours ont une origine dissemblable. Les saints ne peuvent aimer qu’une fois. D’ailleurs la chair sans l’amour est noir péché pour le poète, et il veut secouer les images qui l’assaillent :

 

 

Anges, la chair du soir m’envoûte

Et j’ai plus mal à ma migraine

Où la femme, en feu, de mes veines

Siffle dans les eaux de mes doutes ;

Anges, des ventres me saluent

Au chapitre vague des moelles.

 

 

puis il soupire dans l’obscurité de la défaillance :

 

 

Anges du ciel qui n’est plus mien

La reine de Saba me baise

Sur les yeux, anges très chrétiens,

Dans le noir des maisons mauvaises.

 

 

Elskamp, en vérité, est toujours entouré d’anges ; ce sont les vertus ou les grâces gratuites des théologiens. Mais il semble croire aux anges, ce à quoi l’autorise du reste le bizarre livre de Jean de Thessalonique, produit au deuxième Concile de Nicée, et dont l’obscur Sinistrati cite un passage qui doit convaincre : « Quamtam autem ex quatuor elementis, nemo tamen vel Angelos, vel Daemones, vel Animas dixerit incorporeas : multoties enim in proprio corporo visi sunt ab illis, quibus Domninus oculos apertuit. » (Daemonialitas, p. 78.

Le dégoût, la blême rancœur tuent les anges, « et la chair s’est éteinte ».

Une douleur humaine, celle de la chair, lui est donc soustraite. Il pleure un souvenir, mais il ne vivra dans ce feu temporel. Voilà cette âme, pleine de candide ardeur, désemparée et sans espoir terrestre. Sans avoir cependant le désir de marcher vers la sagesse, il se fait la route nette devant lui. Il tente de se créer des obstacles, car, à ce moment, pour lui, le néant est au bout du chemin.

Aucune passion ne peut tromper ce cœur avide. Le Folklore n’est pas pour Elskamp ce que l’on a cru. Comme poète il a scruté la vie des hommes. Il est allé à la source, où elle est la plus pure, la plus instinctive, la plus naturelle même dans ses artifices et ses superstitions, au berceau de la race, au peuple. C’est celui-ci qui détient la force en même temps que l’image exacte de l’âme d’un pays. Cependant, Elskamp n’a pas accordé à une seule espèce l’intérêt que vaut la complication du genre. Mais une espèce lui permit d’augurer de la nature de toutes les autres. Dans le peuple du petit Brabant il a cherché le sens strict de la vie de l’Homme.

Le folklore est l’accessoire, l’expression de la réalité essentielle et du rêve. L’ornithologiste sait qu’une variété à queue longue, à bec ouvert, aux mœurs cruelles et vives et qui niche dans les cimes, ne peut appartenir à une même espèce que celle qui offre un bec mince et effilé, une queue courte, des mœurs indolentes et qui niche au bord de l’eau, sur trois feuilles. Au fond de l’âme de ses concitoyens, Elskamp a cherché le secret des aspirations, et le pourquoi des tnénèbres ; il a pu conclure et généraliser comme le zoologiste qui bâtit avec des affirmations et des négations. Partout l’obscurité provient de l’impossibilité où est l’individu de sentir la grande et définitive synthèse ; partout la terreur de la mort fait naître les mêmes signes, fétiches ou philosophies ; partout les superstitions sont, ou des vérités qui doivent naître, ou qui ont déjà vieilli.

 

Du haut de la tour où le poète s’est retiré, et hors du temps, il voit une population idéale, mais plus ancienne que contemporaine. Les décors sont de chez lui, mais il ne les a pas choisis à profusion ou par prédilection comme un maniaque collectionneur ; il les a chantés parce qu’il a dût vêtir les hommes et les choses. La vie qu’il a vue est faite de petits détails, et, puisqu’il voit le passé en vie, ces détails appartiennent au folklore.

Souvent on pressent qu’il a contemplé sa ville dans les tableaux, dans la mélodie d’une vieille chanson, à travers la forme caractéristique d’un dicton. Le poème entier est du folklore, qui commence :

 

 

Et connais-tu Marco la Belle

et nonne, voulez-vous danser,

et c’est le Lys de la venelle

que l’on dit ici en été.

 

Enluminures, p. 63.

 

 

Chaque vers évoque un souvenir populaire, comme chaque phrase du « Curé des Ardennes » de Balzac était un proverbe, et chaque vers dans la « Ballade des proverbes » de Villon.

Toutefois, presque toutes les « Chansons » (Enluminures, p. 59) ressortissent au domaine du folklore. A leur propos, il semble juste que Georges Ramaeckers ait proposé l’épithète de poète « folklorique ». Ailleurs il l’est rarement plus que ne l’est Gérard de Nerval dans « Sylvie », et que la majorité de ceux qui décrivent une contrée et ses vraies racines poétiques. Les signes sont alors beaucoup plus humains que locaux. Toutefois, Elskamp ne fut jamais un idéaliste. Il n’a jamais séparé l’expression de la vie de ses formes, quoique la forme lui fût souvent inspirée par des scènes de tableaux anciens. (Enluminures, p. 43).

Ramaekers a, d’ailleurs étudié en Elskamp surtout le « poète folklorique ». ce qui l’y poussa un peu, sans doute, est que le poète fonda à Anvers, d’abord le « Conservatoire de la tradition populaire » dont Edmond de Bruyn est conservateur, puis le Musée du Folklore. (Max Elskmap a défini le but du Musée dans la revue « Wallonie »).

« Or, dans le musée flamand de tradition populaire, dit Ramaekers, ce n’est plus seulement le cher patriotisme poétique (ballades, légendes, fables et proverbes) qui sont réunis comme à Palerme, chants et légendes siciliennes dans la collection Pitré, ce sont aussi les mille objets : images, outils, instruments, amulettes, que l’art puéril, ironique et charmant à tarvers les siècles inventa. » (Max Elskamp, par Georges Ramaekers. (Société belge de librairie, Bruxelles-Paris).

Tous ces signes, ces vestiges de croyances, ces véritables morceaux de l’âme humaine, Elskamp les a réunis, sans songer qu’il arrachait le costume à son peuple, que sous lui il trouverait un corps sanglant, et que celui-ci parlerait un langage terrible et nu.

C’est quand le poète a senti ce que toutes ces amulettes, ces ex-voto, ces objets de magie représentent, quand il a pressenti l’épouvantable vérité, qu’il a déposé ses tablettes de poète, quitte à chercher ailleurs un aliment à sa soif d’oubli. Un jour vient où l’âme qui ne peut mentir entre dans la grande nuit obscure, pour accomplir le fabuleux et monstrueux voyage.

Mais, Elskamp, avant d’arriver en face de l’horreur, publie encore, en 1893, « Salutations, dont d’Angéliques » ; en 1895, « En Symbole vers l’Apostolat » ; en 1895, « Six chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre » ; en 1898, une réédition de tous ses poèmes, sous le titre de « La Louage de la Vie » ; la même année, « Enluminures ».

 

Le premier poème de « Salutations » nous montre Elskamp s’approchant de la Vierge, communiant avec elle. Après il présente sa ville et ses habitants à la Vierge consolatrice, à l’intermédiaire humain, puissant au ciel. Et l’on peut vérifier derechef que le folklore n’est que le registre aux signes. Partout dans « Salutations » il s’adresse manifestement aux naïves images de Marie, qui de leurs « robes isocèles » ornent les autels ou les rues, et qui portent d’une main la sphère bleue représentant le monde, et sur le bras Jésus blotti :

 

 

Et Jésus en rose,

et la Terre en bleu,

Marie des Grâces, c’est en vos mains rondes

ainsi que deux fruits : Jésus et le Monde,

et Jésus en rose,

et la Terre en bleu.

 

Salutations, dont d’Angéliques, pleine de grâce, III, p. 57.

 

 

Les poèmes d’Elskamp, je l’ai montré, commencent souvent par un soupir ou un cri qui semble clore une méditation. Tous les ppoèmes de « Salutations » sont une conclusion, mais le poète discute, il hésite, tout en s’avouant que ses « dimanches sont « morts en Flandre », il s’efforce à la quiétude :

 

 

tous et moi vous saluent, ô Marie,

dans la paix bonne d’un pays tendre 

 

Salutations, p. 5.

 

 

C’est alors qu’il s’abstrait le plus du monde, et le regarde cependant avec amour du haut de sa « Tour d’Ivoire » très haute, « si haut qu’on peut monter ! »

Une mauvaise habitude de l’esprit, contractée dans la fréquentation de la critique, nous pousse à chercher des analogies, des influences, ou, tout au moins, à mesurer la valeur d’un poète à celle d’un autre poète. C’est selon ce jeu, parfois profitable, il faut l’avouer, que j’arrive à prétendre que tous les poèmes de « Salutations » me semblent sur le même plan de beauté créatrice que les « Illuminations ». Ici, c’est le parfum des tubéreuses et des fruits de datura, là, celui du lis ; -Rimbaud a la force d’un jeune Jupiter en révolte, Elskamp n’abandonne pas le bosquet des anges. Les anges sont ses hêtes e tous les jours ; lui-même est trop pur, son corps perd de la vigueur à ce régime de paradis spirituel :

 

 

et plus enfant, celui de votre zèle

maladif d’avoir trop grandi des ailes

 

Salutations, p. 12.

 

 

Le frisson est aussi profond que celui que donne la prose renouvelée des « Illuminations », et davantage que la poésie de Laforgue, qui construit, à l’aide de documents vivants et morts que nous connaissons, ses neuves paradoxales boutades de spleen.

Elskmap reste dans un pauvre petit domaine, mais il y monte si haut que toutes les perspectives sentimentales qu’il y découvre nous peignent des sujets insolites. Il est difficile de choisir un poème type, parmi ces fleurs de mélancolie, où l’on devine un homme qui sombre et qui frappe durement des pieds le maigre fond de ses certitudes, fond qui d’ailleurs se lézarde.

Elskamp dans Arts et Lettres

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Aegri Somnia

12272992463?profile=original                                                                                               (Coll. Robert Paul)

Avec "Remembrances", publié la même année, "Aegri Somnia" (1924) de Max Elskamp (1862-1931) constitue le dernier témoignage poétique, publié en volume, de la vie conscient du poète anversois, qui sombra peu à peu dans la démence. Le titre latin, qui signifie littéralement "songes malades", Elskamp le doit plus que probablement à Verlaine (Robert Guiette avait déjà rappelé la coïncidence singulière avec les derniers mots du "Prologue" de "Jadis"). Comme l'a bien observé Paul Gorceix, c'est "tout un climat qui se condense dans l'adjectif "aigri" dont le pouvoir de suggestion est accru par le fait que le vocable évoque dans son usage habituel, l'altération, la décomposition, et par extension la décadence".

Recueil de confession personnelle, "Aegri Somnia" est aussi une tentative de revivre, par la parole, toutes les étapes d'une vie. Elskamp y tente, dans un continuel mouvement rétrospectif, de déchiffrer le sens de sa longue anabase spirituelle. Recherche souvent hagarde, qui se traduit surtout dans la nature "concentrique" du recueil, dans les répétitions, dans les faiblesses prosodiques. Le poète s'y livre à une infinie confidence à lui-même où le lecteur ne semble avoir nulle part. Comme les autres recueils "concentriques" d'Elskamp -parmi lesquels il faut compter, outre "Les délectations moroses" (1923) et "Remembrances" (1924) les recueils posthumes "Les fleurs vertes" (1934) et "Les joies blondes" (1934), ainsi que plusieurs manuscrits parfaitement structurés, mais restés inédits en volume, "Révisions", "Les heures jaunes", "Les limbes", "Effigies"- "Aegri somnia" emprunte les longs couloirs de la mémoire en se servant de deux ou trois fils d'Ariane. Il y a d'abord celui constitué par les objets familiers regroupés dans la section "Choses" (vases chinois, effigies du Bouddha, soieries, plats de Delft, écrans, gravures ou estampes diverses) dont la proximité enferme la potentialité de l'ailleurs. il y a ensuite celui des "Départs", d'inspiration baudelairienne, où le poète évoque des "Navigations" lointaines, qui semblent d'ailleurs se référer aussi bien à des voyages réels ou imaginaires qu'à des parcours spirituels. Enfin, autour d'un certain nombre de figures légendaires et mythiques ("Thulés", "Salomé", "Sahèle", "Khouan-Ynne", regroupées principalement dans la section "Fleurs vertes", se cristallisent autant les appétits sensuels que la nostalgie de la pureté. Les temps forts du recueil, comme c'est souvent le cas chez Elskamp, se situent au début et à la fin du livre. Celui-ci s'ouvre, "ainsi qu'une maison de thé" aux "Chines fermées" de la vie du poète et se clôt sur une émouvante évocation de la nuit au sein de laquelle rêve éternellement une âme "qui ne sait plus ce qu'elle croit" et qui sent peu à peu l'ombre entrer en elle.

Elskamp dans Arts et Lettres

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Des funérailles.

 

Pierre avait laissé sa voiture à cent mètres du cimetière pour remonter lentement l’allée principale, et il s’était dirigé vers un groupe d’hommes qui attendait au bord d’une tombe. La dernière fois qu’il avait assisté à des funérailles au Cimetière du Sud, c’était il y a quelques années.

- Le voilà !

La voiture mortuaire remontait l’allée suivie par un groupe d’hommes et de femmes qui avait attendu à l’entrée que la voiture pénètre dans le cimetière. D’autres groupes attendaient dans l’allée à mi chemin, hésitant à se mêler au gros des suiveurs au visage de circonstance ou à se diriger vers ceux qui au bord de la tombe apparaissaient comme des proches véritables. Ils avaient le visage contrarié de ceux qui s’inquiètent du temps  perdu.

Un jour, une femme  de plus de soixante ans lui avait dit que le premier des amoureux qu’elle avait eus, et qui venait de mourir, n’avait jamais aimé qu’elle de toute  sa vie.  Elle, en revanche, ne l’avait pas aimé assez pour se lier pour toute la vie et il en avait épousé une autre. Il s’était passé trente-cinq ans depuis qu’il lui avait proposé de l’épouser.

C’était cette autre qu’il avait épousée qui le lui avait confié. L’autre avait dit :

- Il n’a jamais aimé que vous.

Pierre était tenté de sourire.

A la fin de la cérémonie des funérailles, quelques assistants étaient partis sans attendre. Ils étaient restés à trois. Des amis d’enfance. De ces amis qu’on appelle des amis de toujours. Tous les trois, ils avaient rêvé d’une carrière musicale. Dans l’arrière-salle d’un café qu’ils avaient baptisé le Blue Note, la guitare à la main, ils tentaient d’imiter Django Reinhardt qui était le musicien à la mode chez les jeunes intellectuels. En jouant, ils imaginaient déjà la file de leurs futures admiratrices.

Comme la plupart des jeunes gens ils avaient achevé leurs études sans bouleverser quoi que ce soit à leur destin. Un destin tracé par des parents qui disaient : il faut que jeunesse se passe. Les révolutions sont souvent plus verbales que véritables.

Pierre  avait quitté la ville cinq ans auparavant mais pour tous ceux qui étaient venus aux funérailles rien ne s’était passé de particulier. Il y a toujours quelqu’un qui vient ou qui s’en va.

Pierre avait réservé une chambre à l’Hôtel de la Cathédrale puis il s’était promené au hasard. Il avait envie de retrouver cette ville qu’il connaissait cependant depuis toujours. Une ville qui ressemblait à une olive et que l’Escaut partageait en son milieu. Une ville qui ressemblait à de nombreuses villes et dont des sites très anciens constituaient l’attrait des touristes.

C’est la nuit souvent que les villes révèlent leur véritable visage lorsqu’on en fait le tour à pieds sans raison précise. Les arbres des parcs, on dirait qu’ils ne respirent que la nuit, à peine si on les regarde durant le jour. Le fleuve, c’est la nuit qu’on l’entend, le jour ce sont les chalands et le coup de trompe de ceux qui se croisent mais on y fait peu attention. Les villes ne sont pas des êtres humains mais comme eux ils ont un double visage, celui du jour et celui de la nuit.

Souvent, il en est de même avec des femmes qu’on croyait sans surprise. On associe souvent l’image d’une ville à celui d’une femme. Toutes les deux ont leur mystère et leur jardin secret.

Celui de Pierre se trouvait sur une des rives de l’Escaut. Celle où les jeunes garçons emmènent les jeunes filles pour y échanger maladroitement de premiers baisers mouillés. Ou le cinéma de la rue Saint-Brice, un ancien théâtre dont le projecteur tremblotait lorsque le projectionniste avait bu une bière de trop. Les sièges du fond étaient occupés en priorité par des garçons accompagnés. L’ouvreuse ne les balayait jamais de sa torche lumineuse.

D’autres souvenirs encore dont il ne savait plus s’ils étaient réels ou imaginaires le traversaient. Dieu seul sait quel passé, il voulait reconstituer. Un passé que les jeunes gens sont les seuls à connaitre mais dont plus tard ils ne se souviennent plus.

Assister à des funérailles, c’est se souvenir.

Et mourir pour la première fois.

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Restée en vie

 

Doux ami

Je ne te parle plus souvent,

Cependant, ponctuellement,

J'emploie un mot appris de toi,

J'entends le timbre de ta voix.

Tu savais toutes les paroles

Des chansons qui, à tour de rôle,

Avaient accompagné ta vie.

Je les reçus, certes ravie.

Elles conservent leur attrait

Aussi quelques aveux secrets.

J'accueille la mélancolie,

En écoutant leur mélodie.

Je ne guette plus désormais

Celui qui se sentait aimé

Quand il me confiait tes lettres.

Je l'attendais à ma fenêtre.

Demeurent intactes en tes missives,

Ta pensée colorée et vive,

Ta tendresse renouvelée.

Je ne me sens plus désolée.

1er février 2014

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Ballade dominicale,

 

Je chemine sur l'esplanade claire,

non loin d'un petit lac,

 je contemple tout l'alentour ;

cet urbanisme chic,

 dont l'infinité des massifs floraux,

multicolores et chauds,

sème dans mes yeux si esseulés sans vous,

un brin de joyeuseté !

Je chemine sur l'esplanade claire,

 partout des couples emmitouflés, de tout âge,

y déambulent, puis quelquefois s'envolent ;

le lac pour eux, prend des allures  de mer,

mais invariablement calme !

C'est une ville en hiver, au cœur de janvier,

qui vole des bouts d'été, avec ciel et nuages ensoleillés ;

 qui se remplit de roses,

 quand tant d'autres s'enneigent.

Je chemine sur l'esplanade claire,

c'est dimanche, le ciel peu-à-peu me rencontre,

 m'enveloppe de tout son bleu,

me parle juste de vous,

mon grand ami.

NINA

 

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Réciprocité



A s'asseoir, clore les yeux pour mieux méditer
Et faire le vide ou stopper l'image
Pour toucher la secourable félicité
Serait-ce le fruit d'un bonheur sans nuages ?

Non, les agités ne peuvent se concentrer
Martyrs passés, le futur les fait  s'alarmer ;
Quant aux dormeurs à la lymphe qui perdure,
Le sommeil étouffe toutes leurs tortures .

L'abus des sens ni la torpeur somnolente
Ne mène à une vie sereine et brillante.
"Esprit sain dans un corps sain " dit l'adage antique
Une réciproque bien mathématique !

Parvenir à l'un c'est comprendre l'autre
Et la lumière priée devient alors notre.
Le système n'est pas tellement compliqué,
Seuls quelques légers efforts sont à accorder .

Ni le brutaliser pour des motifs soudains
Ni le sublimer au plaisir de regards vains,
Tels ces désirs courus venant avec l'été
A vaincre la pauvre aiguille aux nerfs d'acier !

Machine à la précieuse destinée
A la noble attention dûment méritée,
Réclame bien haut mille soins particuliers.

Non pas à la douleur de te faire plier
Mais à l'écoute sans cesse attentive
D'une horloge oubliée toute aussi pensive !

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