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12272744272?profile=originalLa critique récente a fait justice des malentendus qui ont longtemps masqué la véritable portée de l'oeuvre de Giono : écrivain régionaliste, puis « collaborateur », il aurait ensuite totalement changé de manière en imitant Stendhal. On mesure mieux aussi maintenant la richesse de cette oeuvre : poèmes, contes et nouvelles (Solitude de la pitié , L'Eau vive ), essais, théâtre (huit pièces), traduction (surtout de Moby Dick ), cinéma, nombreuses préfaces, articles réguliers dans les journaux régionaux durant les années soixante, mais avant tout les quelque vingt-cinq romans qui en sont la meilleure part. L'édition critique de ses Oeuvres romanesques complètes dans La Pléiade, la publication des récits inachevés (du premier, Angélique , aux derniers : Cours, passions, caractères , Dragoon , Olympe ) et de la correspondance avec l'ami de toujours, Lucien Jacques, jettent un éclairage nouveau sur une oeuvre qui s'affirme comme l'une des premières de ce siècle.

Giono a d'abord tenté de définir les conditions du « mélange de l'homme et du monde », mais il aboutit au constat de plus en plus amer de son impossibilité. A ce premier échec s'est ajouté celui de son engagement très actif dans le pacifisme, qui se solda par son emprisonnement d'octobre à novembre 1939. Un second séjour en prison pour « collaboration » en 1944 achève de le marquer ; désormais, il n'essaiera plus d'infléchir le cours de l'histoire. Dans les Chroniques d'après guerre, l'accent se déplace sur les hommes, que leur séparation d'avec la nature condamne à un radical ennui, et dont les passions monstrueuses répondent à la démesure inhumaine du monde. Parallèlement, Giono abandonne de façon progressive le lyrisme rustique et parfois emphatique des romans « paniques », pour un ton nouveau et un style où la concision, l'ellipse et des combinaisons narratives très subtiles attestent sa virtuosité et doublent le prodigieux poète de la matière d'un fascinant conteur. C'est là sans doute ce qui assure l'originalité d'une oeuvre si étrangère aux modes, et sa modernité : l'ivresse froide et souveraine, sensuelle et rythmique d'une parole tendue vers l'expression vitale des impulsions d'un matérialisme mystique, pour séduire le désir, lui imposer cette préférence pour les formes .

Origines
Jean Giono est né à Manosque, le 30 mars 1895, d'un père cordonnier originaire du Piémont, dont la belle figure de guérisseur libertaire a marqué l'écrivain, et d'une mère repasseuse. Une aura mythologique entoure cette famille pauvre, dans Jean le Bleu ou dans Le Poète de la famille (1942), qui évoque sur le mode légendaire la famille de la tante Marguerite Fiorio ; quant au grand-père carbonaro, il est une des sources d'Angelo. La petite ville de Manosque devient un microcosme dont Giono se servira dans quantité de textes, directement (Manosque-des-Plateaux , 1930 ; Virgile , 1947) ou sous divers déguisements. Plus encore, la terre et les hommes de haute Provence le hanteront, quoiqu'il ait dit avoir peint un « Sud imaginaire ». En dehors des montagnes du Trièves, l'autre grand lieu de son inspiration, il ne quittera guère sa région que pour de rares voyages et plusieurs séjours en Italie, sur les traces de Machiavel et de Stendhal (Voyage en Italie , 1953), jusqu'à sa mort à Manosque, le 8 octobre 1970.
Pour venir en aide à ses parents, Giono doit quitter le collège en seconde et devient employé de banque. Sa culture, immense, aura donc été celle d'un autodidacte à la curiosité universelle. Le succès de Colline et de Un de Baumugnes , en 1929, l'engage à se risquer à vivre de sa plume. Entre-temps, il a fait la guerre de 1914, qui laissera une empreinte définitive dans sa sensibilité et son imaginaire. Il en donne une vision apocalyptique dans Le Grand Troupeau (1931). Ses premiers écrits sont le fruit d'influences multiples. Angélique est d'inspiration médiévale. Les proses poétiques d'Accompagnés de la flûte (1924) sont tirées de Platon et de Virgile. Le Noyau d'abricot est un conte orientalisant. Mais déjà L'Ermite de Saint-Pancrace et Rustique sont l'émanation de la terre provençale, tandis que la nouvelle Ivan Ivanovitch Kossiakoff , rédigée en 1925, est autobiographique. Durant ces années, Giono se cherche un style.

L'impossible mélange avec le monde
Naissance de l'Odyssée , achevé en 1927, est refusé par Grasset. C'est pourtant le roman fondateur qui contient en germe la plupart des thèmes à venir. Dès le naufrage initial se lit une hantise d'être dévoré par la mer, « la gueule aux dents d'écume », mais aussi bien par la terre (dont la mer est la constante métaphore chez Giono) et par la femme : autant de figures de la mère castratrice. D'emblée, donc, on est très loin de la terre idyllique dont on a voulu que Giono soit le chantre : Ulysse est terrifié par les grandes « forces » mouvantes du « magma panique ». Mais il y a dans l'homme un désir, force analogue à celles du monde ; prisonnière des « barrières de la peau », elle tend irrépressiblement à se fondre dans le monde maternel. Comment y parvenir sans être dévoré ? La réponse d'Ulysse va commander toute l'oeuvre à venir : par la parole mensongère (et elle l'est précisément en ce qu'elle substitue au réel un monde inventé), il institue un domaine imaginaire où il pourra, impunément, posséder les femmes, mais aussi capter et dire le « secret des dieux », comprenons les forces du monde. Par là, le roman inaugure chez Giono une poétique du mensonge, qui va s'avérer toutefois à double tranchant.
La Trilogie de Pan explore les possibilités qu'a l'homme de s'approprier la terre et la femme. Colline (1929) raconte la révolte de « la grande force » de la terre (symbolisée par le dieu Pan) contre le double crime (oedipien) des villageois : en labourant la terre, ils la font saigner ; le vieux Janet, « un homme qui voit plus loin que les autres », est coupable, lui, d'avoir percé les secrets de la mère nature et de les dire : il parle, et la fontaine nourricière de Lure, « la mère des eaux », se tarit. Il faut qu'il meure pour qu'elle recoule. Un de Baumugnes (1929) est l'histoire d'une vierge séduite par un proxénète beau parleur : « C'est ça qui a fait le mal ; sa langue. » Le pur Albin la rachète, et avec elle le monde entier, parce que le chant de son harmonica a su abolir le fossé tragique entre l'imaginaire et le réel : « Au lieu de mots, c'était les choses elles-mêmes qu'il vous jetait dessus. » On notera que ce texte inaugure la technique du récit indirect, le narrateur étant un personnage, Amédée. Regain (1930) clôt le cycle par la victoire (fragile) de Panturle, qui échappe avec son village d'Aubignane à l'effacement dans la nature sauvage ; il soumet la terre à la loi de la culture en même temps qu'il s'empare d'une femme et la féconde. Dans ce roman s'ébauche une prédication sociale (idéal autarcique d'une communauté fondée sur l'échange des richesses produites par un travail libre) que les livres suivants vont amplifier. Dans Le Serpent d'étoiles (1931), Giono donne une dimension cosmique à la situation de l'homme, partagé entre l'obéissance aux lois de l'Univers et sa propension à s'enfermer derrière la « grande barrière » de ses « reflets », c'est-à-dire de l'anthropomorphisme fatal de son désir.
Tandis qu'il écrit Le Grand Troupeau , en 1930, Giono entre dans une grave crise existentielle qui va durer quatre ans, et dont l'aspect principal est une douloureuse privation du réel (elle était donc latente dans les romans précédents). Il cherche alors une issue dans le théâtre (Le Bout de la route , 1931, Lanceurs de graines , 1932). En vain : les personnages succombent à la fatalité de la réclusion dans l'imaginaire, qui les exile de la femme et du monde.
Dans Jean le Bleu (1932), le désespoir suscite l'émergence de monstruosités et purifie le lyrisme. Dans ce récit d'enfance parfois halluciné, Giono tente de frayer la voie à un « chant », celui des formes où puissent s'exprimer les forces du bas , celles du désir mais aussi celles « des nôtres, des pauvres et des perdus », tel le déroulement d'un serpent - symbole récurrent du « fond des choses » - dans les libres formes de la musique : « La flûte s'élança et, comme un serpent qui, debout dans l'herbe, construit avec la joie ou la colère de sa chair les fugitives figures de son désir, elle dessina le corps de ce bonheur dédaigneux qui habite la tête libre des parias. » La parabole finale de la chute d'Icare dit la tentation et la vanité d'un envol solitaire dans de pures formes, également loin de la « roue du monde » et du bouillonnement social.
Le Chant du monde (1934), roman d'aventures, est le récit d'une quête initiatique dans les hauteurs du pays Rebeillard. On retiendra surtout la valeur symbolique de Clara, l'aveugle, car elle fait apparaître la continuité de la problématique de la parole. Ouverte aux sensations élémentaires, elle est le monde, l'originelle mère. Mais, aveugle, elle ignore quels noms correspondent aux choses ; elle est le monde en mal d'expression : le rôle d'Antonio sera d'inventer un langage capable de dire le foisonnement des choses en travail avec la vérité des odeurs, comme ces images qu'il crée pour nommer les étoiles.
Le projet d'« installation » de la joie de Que ma joie demeure (1935) échoue pour deux raisons : la peur de la femme dont l'amour engage à un dépassement total de l'individu, et le refus concomitant des « batailles » sociales qui interdit aux gens du plateau Grémone, vivant en autarcie, de s'accorder à la démesure du « paradis terrestre » (et perdu) de la nature. Car celle-ci a pour loi la roue sans fin des transformations, et donc des combats continuels, à l'image de celui, mortel mais conforme au désir, des écureuils et du renard. Et seules des batailles analogues permettraient aux hommes d'être à l'unisson d'un monde où rien ne demeure. Le refus des batailles les réduit, déjà, à l'ennui en les enfermant dans un imaginaire qui, décidément, est de trop dans le monde.

Giono et la politique
Malgré ces réticences, Giono s'est engagé à gauche dès 1934. Le retentissement considérable de Que ma joie demeure a deux conséquences. L'essai Les Vraies Richesses (1936) réaffirme l'idéal d'une communauté rurale autarcique, mais contient un appel à la révolte contre la société industrielle capitaliste qui asservit le travail et « détruit les vraies richesses ». D'autre part, en septembre 1935, a lieu, autour de Giono, le premier rassemblement sur le plateau du Contadour (il y en aura neuf jusqu'à la guerre) qui va devenir un foyer d'antifascisme et de pacifisme.
Le pacifisme intransigeant de Giono et son hostilité grandissante vis-à-vis du stalinisme entraînent sa rupture avec les communistes ; elle se marque par la publication en 1937 de Refus d'obéissance . La même année, Batailles dans la montagne , vaste roman épique aux nombreux personnages, conte l'engloutissement d'une vallée par un déluge d'eau et de boue. Saint-Jean (comme Giono) est partagé entre la tentation de s'évader, comme Icare, dans les hauteurs de la création, où « rien ne se bat », et la participation au commun combat. Le dénouement, de nouveau, est amer. Dans l'essai visionnaire Le Poids du ciel (1938), l'auteur définit une position politique qui ne changera plus guère. Il y récuse avec force non seulement le fascisme, mais aussi le communisme soviétique par lequel il avait été tenté comme beaucoup d'écrivains de son temps. Il émet en effet une réserve majeure vis-à-vis des tentatives de suppression révolutionnaire de l'aliénation capitaliste, d'ailleurs violemment dénoncée : parce qu'elles perpétuent la « civilisation industrielle » technicienne (génératrice de guerre), celles-ci tiennent les hommes éloignés de l'obéissance aux lois cosmiques qui suppose une réinsertion dans le devenir universel. Seul le travail individuel et sensuel de la matière - celui du petit agriculteur indépendant et de l'artisan - autorise la participation au mouvement de transformation continu qui est le monde. Inversement, noyé dans les masses que manoeuvre la volonté de puissance des « chefs », l'individu perd sa raison d'être et sa « beauté ».
Les « Messages » qui se succèdent jusqu'en 1939 (Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix , Précisions , Recherche de la pureté ) accentuent l'opposition de Giono aux totalitarismes en même temps que son refus d'une solution révolutionnaire. Le projet de roman des Fêtes de la mort , centré sur une insurrection paysanne contre la société industrielle, est abandonné en octobre 1938. Or ce renoncement à toute révolte active contre un ordre social qui dénature l'homme en le coupant de l'origine va avoir ees conséquences considérables dans la suite de l'oeuvre. Privée de débouché social, la force centrifuge individuelle aura tendance à se dépenser dans le jeu des passions , colorant du même coup la vision politique d'un scepticisme machiavélien : « On assouvit une passion égoïste dans les combats pour la liberté » (Voyage en Italie , 1953). Désormais, le théâtre cruel des passions remplacera ou doublera celui des opérations. Ainsi dans Deux Cavaliers de l'orage (écrit de 1938 à 1942, mais publié en 1965). Détournée de la révolution, la force du désir s'invente un débouché narcissique : Marceau Jason, dit « l'Entier » (comme le cheval, symbole de la force élémentaire), aime son jeune frère Ange, son reflet apollinien. Mais c'est se soustraire à l'impératif du mélange avec le Tout. Les deux frères s'entretuent : la force détruit l'être double qui voulait orgueilleusement la thésauriser.

Une période de transition
Mais déjà une mutation a commencé de s'opérer : « Entre 1938 et 1944 s'échelonnent une série d'oeuvres de transition, dont chacune, à sa manière propre, apporte du nouveau et nous met sur le chemin des Chroniques » (R. Ricatte). Pour saluer Melville (1941) est un autoportrait indirect, comme toutes les Préfaces de Giono. Écrit au sortir de prison, ce livre fait entendre un ton nouveau, où se marient ironie, pathétique et allégresse. Remplaçant la terre, la mer symbolise le monde désert pour l'homme, dès lors en proie à l'envie prométhéenne de s'égaler à cette démesure qui l'annule. Il n'est plus question pour Melville d'exprimer le monde (perdu), mais « le monde Melville » : l'invention poétique crée un monde personnel qui ne peut plus guère se communiquer qu'à l'âme soeur , cette Adelina White qui joue donc le même rôle qu'Ange Jason et que, bientôt, la Pauline d'Angelo : elle est l'exutoire narcissique du désir. Or les oeuvres composées pendant la guerre se caractérisent toutes par ce repli orgueilleux dans l'imaginaire. Deux pièces de théâtre, d'abord. Dans La Femme du boulanger (1941), le boulanger, d'être abandonné par sa femme, est initié malgré lui à la trouble jouissance d'un manque plus fondamental, et apprend à se réapproprier le réel par son invention. Le Voyage en calèche (1943) opère un triple retrait : dans le passé, dans l'Italie paternelle et sous l'égide de Stendhal. Julio résiste, certes, à l'occupant, mais s'oppose en même temps à ceux qui, comme le colonel, dissimulent des appétits très personnels sous leurs prétentions révolutionnaires à faire le bonheur des autres. Sa principale arme est d'ailleurs le mensonge poétique, la création d'un univers d'images.
Le retrait loin de la société s'accentue dans Fragments d'un paradis (1944), où une navigation à la Moby Dick vise à restituer les conditions d'une confrontation régénératrice avec la naturelle démesure d'un monde paradis que figurent les monstres sortis des grands fonds.
Giono sous l'Occupation ? Résumons les faits. On a pu lui reprocher surtout la publication de Deux Cavaliers de l'orage dans La Gerbe (de décembre 1942 à mars 1943), hebdomadaire où les articles sur Giono étaient très fréquents, la parution de « Description de Marseille le 16 octobre 1939 » dans la Nouvelle Revue française de Drieu La Rochelle (en décembre 1942 et janvier 1943), et un reportage photographique sur lui dans Signal en 1943. Sans parler de l'utilisation par le régime de Vichy de sa pensée réduite à une caricature (« retour à la terre » et à l'artisanat). Mais il est avéré d'autre part que Giono a caché et entretenu à partir de 1940 des réfractaires, des juifs, des communistes. Son oeuvre porte des traces de cette « résistance » à l'hitlérisme : outre Le Voyage en calèche , interdit par l'occupant en décembre 1943, et dont le personnage de Julio se prolonge dans celui d'Angelo, résistant italien à l'occupant autrichien en 1848 (Le Bonheur fou ), il faut mentionner Angelo III, traqué par les troupes allemandes, dans le début inédit de Mort d'un personnage , et la mort de Clef-des-Cours dans le maquis (Ennemonde ). Voilà qui devrait mettre un terme à la légende d'un Giono « collaborateur ».

Le cycle du « Hussard »
En 1945, Giono conçoit le projet d'une décalogie contant alternativement l'histoire d'Angelo Pardi, jeune colonel de hussards piémontais, exilé politique en France, et celle de son petit-fils, Angelo III, vivant en France en 1945. Le projet est abandonné en 1947, mais quatre des livres prévus voient néanmoins le jour. Dans Angelo (écrit en 1945), les désillusions politiques engendrent une très individualiste « poursuite du bonheur » sur le modèle de Stendhal, grâce à la « création personnelle » d'un climat passionné qui permette à la générosité du héros de s'épancher, et à l'invention d'une âme soeur (Pauline) où il puisse à la fois projeter et recueillir son désir, comme dans un miroir.
Le problème s'aggrave dans Le Hussard sur le toit (écrit de 1946 à 1951). Le choléra qui ravage la Provence appelle une lecture plurielle. Il est d'abord l'insoutenable incandescence d'un monde qui dévore les formes. Mais comme il est aussi la peur, l'égoïste repli sur soi que cette violence provoque chez les hommes, il devient, à l'échelle sociale, la barbarie dans l'histoire. Celle-ci suscite trois types de réactions : lâcheté et cruauté du plus grand nombre ; « résistance » de Giuseppe, le frère de lait d'Angelo, et de son organisation (les communistes), dont la volonté de puissance prend pour alibi « la liberté » et « le bonheur du peuple » ; Angelo enfin. Sa conduite chevaleresque, sa fidélité à un idéal de grandeur qu'il retrempe sans cesse, pour s'y égaler, au spectacle de la grandeur du monde réalisent un équilibre supérieur entre les deux autres tendances, dans la mesure où lui aussi combat le choléra sans toutefois être guidé par des motifs égoïstes (il agira de même dans Le Bonheur fou , dernier roman du cycle), et où, parallèlement, il se dévoue passionnément à Pauline de Théus sans céder à l'appel vertigineux et mortel du monde et de la femme (cette femme qui porte le prénom de la mère de l'écrivain, et dont il ne devient pas l'amant). Il aime et il se bat, mais jamais en pure perte . Pour ces deux raisons, il échappe à la troisième forme du choléra : la maladie morale qui punit tous ceux qui, en « avares », économisaient leur désir et se recroquevillaient dans leur peur. Cette maladie les obligera à laisser s'exprimer d'un seul coup, dans une liquéfaction-explosion libératrice, l'océan et le feu intérieurs, double métaphore de la force intérieure retenue . Le cholérique est calciné par la fièvre, il se vide et devient bleu comme la mer. C'est à cette fascination de la perte que cédait Pauline vieillie dans Mort d'un personnage (achevé en 1946) parce que son désir était radicalement privé des formes habitables dont la perte d'Angelo symbolisait le manque atroce. L'amour d'un absent la conduisait à n'aimer plus que l'absence.

Les « Chroniques »
« Avarice », « perte » : telles sont les deux grandes tendances qui vont structurer l'univers des Chroniques . Cette partie capitale de l'oeuvre est d'abord sortie du projet formé par Giono après la guerre, alors qu'il était inscrit sur la liste noire du Comité national des écrivains et interdit de publication en France, d'écrire de courts récits alimentaires destinés à être publiés aux États-Unis. La deuxième de ces Chroniques , Noé (1948), définit l'avarice et la perte comme deux modes, opposés mais complémentaires, de gestion de la force interne. L'avare, amassant avidement l'or et surtout le sang de ceux dont il trame la perte, procède à une accumulation de la force et crée ainsi un monstrueux contre-monde, par refus orgueilleux et méprisant de la laisser se perdre, tandis que les hommes de la perte, saisis d'une irrésistible tentation, dilapident cette force pour se fondre avec elle dans le monde convoité. Comment jouir, sans se perdre, de l'apaisement mystique que procure la perte ? Les Chroniques explorent toutes les combinaisons possibles pour atteindre ce but. Noé élabore une solution au niveau du signifiant narratif en faisant proliférer des formes romanesques ouvertes , où le désir puisse se dilater sans y être enfermé, mais sans s'y perdre non plus : circulant dans le monde qu'il invente, il se conserve en soi. En outre, l'écrivain se ménage un nécessaire vertige. En effet, roman du romancier, cette fiction est faite du démontage des mécanismes qui l'instituent ; c'est exposer à tout instant à la ruine la création qui le sauve. Ainsi fera, dans Les Grands Chemins (1951), le personnage de « l'Artiste », joueur de cartes qui triche au ralenti pour éprouver le vertige de perdre - jusqu'à sa vie. Un roi sans divertissement (1947) présente les principaux thèmes et caractères stylistiques des Chroniques . Dans la montagne du Trièves, l'hiver ferme le monde au désir humain, provoquant un insupportable ennui (c'est aussi le cadre et le thème des nouvelles de Faust au village ). Monsieur V... cherche un remède en faisant couler le sang de ses victimes sur la neige, comme l'écrivain, paradigme de l'avare, recrée sur la page blanche « un monde aux couleurs du paon ». Par victime interposée, il jouit ainsi de l'épanchement désiré. Tel est le cruel théâtre du sang. Langlois, limier lancé sur ses traces, a trop bien compris le sacrificateur et n'a de ressource que dans le suicide qui lui fait prendre, « enfin, les dimensions de l'univers ». La forme narrative se caractérise par un nombre plus restreint d'adjectifs et d'images, un style oral dû à la présence de récitants, laquelle détermine un récit lacunaire, où abondent ambiguïtés et ellipses, et qui convient à une métaphysique du vide. Langlois reparaît dans Les Récits de la demi-brigade (1972), où il croise Laurent et Pauline de Théus, de sorte qu'un pont est jeté entre les Chroniques et le cycle du Hussard.
Dans Les Ames fortes (1950), les trois versions contradictoires des rapports entre Thérèse et Mme Numance consacrent le primat de l'imaginaire tout en raffinant sa fonction : Thérèse projette sur sa très généreuse protectrice son propre penchant à la dilapidation passionnelle, et ce « sang » qu'elle perd indirectement, elle le « dévore » inexorablement, s'arrogeant ainsi le pouvoir d'anéantissement qui est d'ordinaire le propre du monde. Une révolte analogue contre l'ordre des choses anime la Julie du Moulin de Pologne (1952), héritière du destin des Coste, lesquels aspirent secrètement à leur propre perte. Repoussée par la bonne société qui jalouse sa démesure sublime, Julie est réduite à substituer à la réalité son propre univers héroïque et tendre. Mais, dépossédée du réel, elle éprouve la séduction du néant, comme, à sa suite, son fils Léonce, en dépit de l'empire protecteur que M. Joseph construit autour d'eux. Ces monstruosités psychologiques qu'enfante l'hypertrophie du désir chez les « âmes fortes », Giono aime à les retrouver dans les faits divers (Notes sur l'affaire Dominici ) et dans l'histoire (Domitien , Le Désastre de Pavie ). Il n'y survit lui-même que par son art, comme en témoigne, après Noé , l'admirable Déserteur (1966) : à l'instar du peintre de Nendaz, l'artiste est celui qui déserte l'« en bas » dévorant du monde et d'une société qui aliène la force des « misérables ». Il se réfugie dans les hauteurs, parmi les autres travailleurs, lui qui aide à vaincre l'ennui en travaillant la pâte du monde afin que naissent les formes où s'exprimeront les forces du désir. Il s'égale alors au Père en devenant à son tour un guérisseur. Est-ce à dire qu'il échappera au « destin » ? L'énormité triomphante de l'ogresse d'Ennemonde (1965) défie une morale et un monde inhabitables ; mais, vieillie, elle finit par perdre ses formes pour mieux disparaître dans le cycle des métamorphoses terrestres. De même, le Tringlot de L'Iris de Suse (1970) trouve la vérité de sa quête d'absolu en renonçant à l'or accumulé pour aimer « l'Absente », incarnation du « zéro » : ultime combinaison qui autorise enfin à jouir, sans en mourir, de la « pure perte ».
Ainsi se boucle une oeuvre au romantisme tragique et allègre, où la passion, privée d'objet, s'est sublimée en passion de l'absence : du zéro.

Giono et le cinéma
Plusieurs cinéastes ont porté à l'écran des oeuvres de Giono, avec un bonheur inégal. Marcel Pagnol est l'auteur de films de qualité, mais fort éloignés de l'esprit des textes (Jofroi , Angèle , Regain , La Femme du boulanger ). Il en va de même du Chant du monde de Marcel Camus (1965) et des Cavaliers de l'orage de Gérard Vergez (1984). D'autres ont franchement maltraité leur modèle (Émile Couzinet, Le Bout de la route , 1949 ; Christian Marquand, Les Grands Chemins , 1963). L'intérêt de Giono lui-même pour le septième art est ancien et vif, quoique balancé par sa méfiance vis-à-vis de l'industrie cinématographique. Des commandes l'ont poussé à écrire de plus en plus pour le cinéma. Il rédige dès 1942 un « découpage technique » du Chant du monde , jamais tourné, compose en 1956 le scénario de L'Eau vive qui présente sous une forme romancée les conséquences de l'édification du barrage de Serre-Ponçon. Avec l'équipe du film (le réalisateur François Villiers, le scénariste Alain Allioux), il décide de porter à l'écran Le Hussard sur le toit , dont il écrira un scénario complet. Des difficultés de production empêcheront le projet d'aboutir, mais il en sortira un court métrage très original, Le Foulard de Smyrne (1958), conçu comme le banc d'essai du Hussard ; la description de l'invasion du choléra y est faite selon le procédé de la caméra subjective auquel Giono était fort attaché. La même technique inspire un autre court métrage : La Duchesse (1959), axé sur le brigandage légitimiste en Provence qu'on retrouvera bientôt dans les Récits de la demi-brigade . En 1959, Giono adapte Platero et moi de Juan Ramon Jiménez, mais le film ne se fera pas. La même année, il crée la Société des films Jean Giono, destinée à lui garantir la maîtrise de l'exploitation cinématographique de son oeuvre. C'est elle qui produit Crésus , scénario original dont Giono assure la mise en scène. Un berger (dont le rôle est tenu par Fernandel) découvre les vertus d'une « civilisation du peu » après qu'une fortune démesurée a livré son désir au vertige du vide : « la misère, c'est le désir ». C'est surtout dans l'adaptation qu'il écrit d'Un roi sans divertissement (tournée par François Leterrier en 1963) que Giono se montre habile à manier le langage propre au cinéma, par la concentration du récit et le travail sur les couleurs. Il compose encore des commentaires pour des courts métrages (L'Art de vivre , 1961 ; La Chevelure d'Atalante , 1966 ; 04 , 1968). Au total, le cinéma aura offert à Giono la possibilité d'imprimer des formes narratives nouvelles aux thèmes obsédants qu'exprime toute son oeuvre.

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Solitude de la pitié

12272744500?profile=original"Solitude de la pitié" est un recueil de nouvelles de Jean Giono (1895-1970), publiées à Paris dans l'Intransigeant de 1928 à 1932, et en volume chez Gallimard en 1932.

 

L'ordre d'apparition des vingt textes dans le recueil correspond à peu près à celui de leur rédaction. Ils figurent parmi les premières productions de Giono, qui les écrit, pour certains, parallèlement à Naissance de l'Odyssée et les considère comme des «récréations d'Ulysse», tant en raison de leur forme brève - deux à trois pages le plus souvent - que de leurs sujets, plus proches que l'Antiquité à laquelle l'écrivain consacre son premier long récit.

 

Dans «Solitude de la pitié», un curé n'offre que «dix sous» de récompense à un vagabond qui, au péril de sa vie et pour nourrir son compagnon malade, est descendu dans le puits du presbytère pour le réparer. Les villageois de «Prélude de Pan», sous l'influence d'un mystérieux individu, entrent soudain dans un état de transe qui dure toute une nuit. Dans «Champs», un paysan raconte comment un beau Piémontais lui a ravi l'amour de sa femme et tout son bonheur. «Ivan Ivanovitch Kossiakoff» relate une amitié intense mais brève durant la guerre de 1914. «La Main» est le récit des amours d'un aveugle. Annette, dans «Annette ou Une affaire de famille», a été placée à l'orphelinat car personne, dans sa famille, n'a voulu s'occuper de l'enfant. Le narrateur d'«Au bord des routes» rend visite à Gonzalès, son ami aubergiste, et tous deux causent de leur vie. Le vieux Jofroi («Jofroi de la Maussan») meurt peu après avoir vendu son verger dont il n'a pu supporter que les arbres soient abattus. Dans «Philémon», on est contraint d'égorger un cochon malade le jour même de la noce de la fille de la ferme. Le vieil homme de «Joselet» explique au narrateur sa conception de l'existence. Dans «Sylvie», le narrateur aime en secret la fille de ferme, revenue au pays après avoir fui la ville avec un amant. La bergère de «Babeau» conte le suicide de Fabre, dont elle a été le témoin passif. «Le Mouton» décrit un paysage à travers l'image d'un animal vivant que l'homme domine et torture. «Au pays des coupeurs d'arbres» évoque la vie passée d'une ferme désormais en ruine. Le narrateur de «la Grande Barrière» veut réconforter une hase qui agonise, mais il s'aperçoit que sa présence cause à l'animal une horreur plus terrible que la mort. «Destruction de Paris» offre une vision à la fois satirique et compatissante de la vie du Parisien, alors que «Magnétisme» montre que les habitués du café d'un petit village connaissent le vrai sens de la vie. «Peur de la terre» évoque la terreur de l'homme face à la nature et «Radeaux perdus» l'expérience de la mort dans les villages reculés. Enfin, dans «le Chant du monde», le narrateur songe à un livre qu'il souhaite écrire et qui porterait ce titre.

 

En dépit de la diversité des nouvelles qui le composent, le recueil comporte certains traits récurrents qui fondent son unité. Ainsi, tous les récits, à l'exception du premier, émanent d'un narrateur qui parle à la première personne et que bien des aspects invitent à confondre avec l'auteur: il s'appelle Giono dans «Ivan Ivanovitch Kossiakoff» et, dans plusieurs nouvelles, il répond au prénom de Jean. Certes, les deux instances demeurent distinctes, mais Giono se plaît à les rapprocher, comme pour lester de réalité les fictions qu'il relate et pour matérialiser dans les textes la genèse de l'acte créateur. Le «je», disponible, sait accueillir les multiples histoires qui viennent à lui et trouver la voix (le ton des récits est en effet plutôt celui de l'oralité) propice à leur restitution. Le cadre rural des nouvelles est également un facteur d'unité et annonce le climat de nombre d'oeuvres futures.

 

Le titre du recueil allie deux notions d'une manière a priori énigmatique. La nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage et l'inaugure présente la solitude de celui qui connaît la pitié comme une conséquence de la cruauté du monde. Rares en effet sont ceux qui ont d'autres motivations que leur propre égoïsme, et le curé lui-même, censé, par sa fonction, pratiquer la charité, est incapable d'apercevoir autre chose que son intérêt et son confort. Cette postulation constitue le fondement du recueil: «Celui qui s'abstrait de l'égoïsme de la masse est seul capable de pitié», explique Giono (entretien avec P. Citron, avril 1969), mais chaque nouvelle propose une mise en rapport singulière des deux notions du titre.

 

La tonalité d'ensemble de l'oeuvre est pessimiste, dans la mesure où la pitié est peu souvent présentée comme positive et efficace. Le syntagme «solitude de la pitié» signifie alors que sujet et objet de la pitié ne sauraient se rejoindre: celui qui éprouve la pitié et celui qui l'inspire demeurent le plus souvent radicalement seuls. Ainsi, dans «la Main», la pitié est inutile parce qu'elle est le fruit d'un malentendu; l'aveugle Fidélin conclut sa poignante histoire par une étrange formule qui semble lui retirer sa crédibilité: «Il faut bien dire quelque chose pour rire.» Dans «Jofroi de la Maussan» et dans «Sylvie», l'être qui inspire la pitié est incapable de s'en apercevoir car il est coupé du reste du monde, muré dans une idée fixe ou des illusions: Jofroi, qui ne pense qu'aux arbres qu'il a plantés et qu'on veut détruire, ne voit pas la patience et les efforts dont les autres font preuve à son égard; Sylvie, perdue dans des souvenirs idéalisés, ignore l'amour vrai et profond qu'elle inspire à son confident de tous les jours. «La Grande Barrière» montre que la pitié peut être une torture et non un réconfort: «La bête mourait de peur sous ma pitié incomprise; ma main qui caressait était plus cruelle que le bec du freux.»

 

Dans ce recueil, bien des existences se croisent sans parvenir à se rencontrer, bien des personnages sont voués à une destinée qui demeure énigmatique, du fait notamment que les nouvelles n'en captent que des instantanés et ne dévoilent ni leur passé ni leur avenir. L'incommunicabilité qui, dans bien des récits, sépare les personnages est d'autant plus poignante pour le lecteur que lui-même, faute d'informations suffisantes, est confronté à des êtres qui restent opaques, qui le touchent au vif sans qu'il puisse totalement les déchiffrer. C'est alors à sa propre solitude qu'est renvoyé le lecteur, invité à méditer sur son appartenance à l'universel égoïsme et sur les limites de sa propre faculté de compassion.

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journal de bord, dimanche 3 juillet 2011

J'ignorais que les hêtres pouvaient pousser aussi haut ... rien qu'au bout de sept ans.

 

J'ignorais, y a pas longtemps, qu'il ne faut pas semer des choux les uns trop à côté des autres.

 

Je retiens une expression d'un ami, hier, quand on a parlé de Lacan, le célèbre psychanalyste : "Je me demande si, à propos de lui, ce qu'on retient surtout, ce n'est pas ... la sacralisation de ce qu'on ne comprend pas"

 

On s'est baladés dans la région de Durbuy, Barvaux. Hier. Septon, Borlon, Palenge, ça vous dit ? Un vrai paradis.

 

Certains anciens champs de vache, par là, sont de véritables réserves naturelles. Même si les orties prennent parfois trop de place. Mais bon : y a des pruneliers, des noyers. Et des chien(ne)s efficaces ... pour avaler les taupes.

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Guillaume Bodinier (1795-1872)

"La demande en mariage", 1825
"La demande en mariage", 1825
"Village italien", première moitié du 19e siècle
"Village italien", première moitié du 19e siècle
"Femmes à la fontaine, Route de Rome à Naples", 1857
"Femmes à la fontaine, Route de Rome à Naples", 1857 

Cet été, le peintre angevin Guillaume Bodinier (1795-1872) est à l’honneur au musée des Beaux-Arts d’Angers. Cette première rétrospective présente plus de 200 œuvres, principalement des études de paysages et personnages ainsi qu’une trentaine de tableaux.

Guillaume Bodinier naît à Angers en 1795. Formé dans l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin (atelier par lequel sont passés Géricault et Delacroix), il démarre sa carrière de peintre assez tardivement.

En 1822, il accompagne Guérin, nommé directeur de la Villa Médicis à Rome. Ce séjour italien inaugure une période d’aller-retour entre la France et l’Italie qui s’étendra sur plus de 25 ans. L’œuvre de Bodinier s’inspire des paysages italiens, des scènes pittoresques observées lors de ses excursions dans les campagnes romaine et napolitaine. Les études (esquisses peintes ou dessinées) expriment particulièrement la sensibilité de l’artiste qui retranscrit la nature comme il la voit. Une certaine spontanéité s’en dégage.

L’Italie est un passage obligé dans le processus de formation des artistes à cette époque. Bodinier y fréquentera un certain nombre de ses contemporains, artistes et écrivains, comme Stendhal, Ingres et Corot notamment. Il nouera également une relation quasi-filiale avec Guérin, qu’il veillera d’ailleurs sur son lit de mort.

Le parcours chronologique de l’exposition commencera avec une séquence introductive sur les années d’études et de formation. Le cœur de l’exposition sera consacré aux séjours principaux en Italie, tandis que la dernière séquence insistera sur la période angevine après 1848.
Enfin, une cinquantaine de portraits dessinés et peints sont présentés depuis le 25 juin dans le cabinet d'arts graphiques

L’exposition survole un demi-siècle et met en exergue la difficulté d’un artiste à créer, à se renouveler dans un siècle de bouleversements artistiques, entre classicisme, académisme, romantisme et impressionisme. Elle s’inscrit aussi dans une volonté depuis la réouverture du musée, de valoriser ses principaux donateurs (David d’Angers, Turpin de Crissé), grands artistes et personnalités locales de première importance.

 

Catalogue

Guillaume Bodinier, un peintre angevin en Italie, sous la direction de Patrick Le Nouëne, textes de Patrizia Rosazza Ferraris, conservateur du Museo Praz à Rome, Vincent Pomarède, conservateur général responsable du département des peintures au musée du Louvre, Patrick Le Nouëne, conservateur en chef des musées d'Angers, édition Expressions contemporaines, 320 pages, 39 €


Guillaume Bodinier portraitiste

"Etude pour le portrait d’Anna-Angélique Lemotheux et de son fils Jules-Guillaume", 1838
"Etude pour le portrait d’Anna-Angélique Lemotheux et de son fils Jules-Guillaume", 1838

Du 25 juin au 18 septembre

Cabinet d'arts graphiques 

En parallèle à l’exposition Guillaume Bodinier, un peintre angevin en Italie, présentée dans la salle d’exposition temporaire du musées des Beaux-Arts, une présentation du travail de l’artiste en tant que portraitiste est proposée au cabinet d’arts graphiques.
Si Guillaume Bodinier est davantage connu en tant que peintre de scènes de la vie italienne et de paysage, il n’a cessé de s’adonner au portrait, depuis sa première année de formation dans l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin en 1817. 
Avant 1822 et son départ pour Rome, Guillaume Bodinier réalise les portraits des membres de sa famille et de ses proches, modèles qu’il retrouvera entre 1827 et 1830 lors de ses séjours à Angers. En Italie il peint des portraits d’aristocrates français qui séjournent à Rome et de ses amis artistes, plusieurs de ces tableaux seront présentés au Salon entre 1827 et 1857.
 Les portraits peints sont présentés dans l’exposition temporaire et le cabinet d’arts graphiques propose une sélection d’esquisses pour la réalisation de portraits, certains exposés au Salon, d’autres ne sont pas localisés. Ces travaux préparatoires laissent apparaître une grande dextérité, un goût pour les décors variés, un soin pour trouver des attitudes inédites, des poses originales qui prouvent que Bodinier connaissait bien les portraits d’Ingres, artiste qu’il a côtoyé en Italie. 

 

 
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Face à un tort exorbitant

Respectueusement à Madame Anne Sinclair

 

Face à un tort exorbitant,

Indigné, on ne doit se taire.

Si l’on est armé pour le faire,

S’impliquer devient important.

 

On ne sait certainement pas

Ce qu’entraînera la parole.

Elle a un pouvoir et un rôle.

En justice, dans tous les cas.

 

Quand un droit devient bafoué,

Souvent, je ne peux me défaire

D’un fâcheux assaut de colère,

J’essaie vainement d’être en paix.

 

Je réagis spontanément,

M’adressant à mon entourage,

Je dis ce qui me met en rage,

Or je surprends visiblement.

 

Par écrit, souvent autrefois,

J’ai dénoncé, ouvertement,

D’inacceptables agissements.

C’était nécessaire, je crois.

 

J’ai récidivé cette année,

Ne pouvant demeurer muette,

Conserver ma fureur secrète

Alors que j’étais indignée.

 

J’ai rédigé plusieurs écrits,

Je les ai lancés sur les ondes,

Afin de révéler au monde

Ma vérité, sans parti pris.

 

                                                                                               2 juillet 2011

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Disent les imbéciles

12272744063?profile=original« Disent les imbéciles" » est un roman de Nathalie Sarraute (née en 1902, décédée en 1999), publié à Paris chez Gallimard en 1976.

 

L'adorable "tableau de famille" que forment une grand-mère "mignonne à croquer" entourée de ses petits-enfants qui la câlinent "se craquèle", sous le poids précisément de cette expression entre guillemets qui, en définissant, en qualifiant, fige, emprisonne, réduit, délimite. Le roman passe ainsi en revue un certain nombre de phrases ou d'expressions, voire de mots, qu'il décortique, pour montrer quels sont leur pouvoir et leur sens véritable: "jaloux", "il aura un menton en galoche", "il nous montre", "c'est vous que ça juge" et surtout "c'est ce que disent les imbéciles". Cette phrase recouvre à elle seule toute la diversité des mouvements qui s'agitent à l'intérieur des personnages anonymes, ou qui les portent vers et contre les autres. C'est cette phrase qui permet aux deux thèmes structurels de l'oeuvre de se rejoindre: celui de l'identité (chacun pouvant s'éprouver comme vide, infini, sans limites, mais se sachant aussi défini par autrui au moyen d'un jeu de qualifications) et celui de la nature des idées (que l'on peut imaginer à l'état pur, isoler d'une quelconque paternité, ou au contraire qui sont possédées par leur "père" autant qu'elles le possèdent). Deux personnages s'affrontent, s'opposent, fusionnent jusqu'à se confondre, pour se séparer de nouveau, etc.; deux maîtres, dont l'un est estimé parce qu'il a rejeté une idée quelconque avec mépris ("C'est ce que disent les imbéciles") et l'autre parce qu'il a fini, après avoir dissocié les "imbéciles" et l'idée en question, par s'en voir attribuer la paternité.

 

Ce roman de Nathalie Sarraute est peut-être le plus achevé de ses livres, le plus rigoureux, qui illustre de la façon la plus pure ses préoccupations littéraires. Elle avance dans l'abstraction avec une logique, une précision toutes mathématiques, formant de véritables équations à partir de formules, organisant des démonstrations jusqu'aux "leçons" finales, exigeant de son lecteur la plus grande attention pour suivre les étapes de ses raisonnements méthodiques. L'abstraction tient au fait que les véritables acteurs du roman sont les mots, d'une part, et les idées, d'autre part, qui sont associés parce qu'ils forment l'échelle des valeurs: la métaphore de l'escalier, qui revient à plusieurs reprises dans le roman - "Escaliers qui s'étirent, ondulent, redescendent, remontent, redescendent et enfin se dressent abrupts jusqu'au ciel... jusque-là où il se tient [...] d'où ils observent celui qui maintenant vers lui rampe, grimpe..." -, est à cet égard significative. Sur cette échelle de valeurs, les personnages, anonymes, parfois difficiles à identifier, désignés par des pronoms qui, au sein de la même phrase peuvent varier, viennent se placer suivant une hiérarchie qui va des "imbéciles" aux "maîtres".

 

L'auteur explore le langage pour lui-même: certains mots, certaines expressions ou phrases sont mis entre guillemets, isolés au sein du texte et étudiés, parfois sous deux angles différents. On rencontre ainsi, tout au long du roman, de micro-analyses stylistiques qui soulignent les différentes connotations d'un possessif, d'un verbe, d'un adjectif, d'un pronom, etc. Et le mot acquiert le pouvoir d'une arme ("La voici, l'arme la plus facile à manier [...]. Rien n'est plus étonnant que la rapidité, la force avec laquelle ce mot frappe"), d'un outil rassurant, d'un mur ("Vite, endiguons [...], amenons les mots fabriqués tout exprès"), d'un objet que l'on peut "se passer" et qui emprisonne l'informe, lui donne des limites et une définition. La phrase clé du texte, "disent les imbéciles", est par exemple tour à tour une prière, un exorcisme ("Prononcez les paroles qui vont vous délivrer... Répétez après nous: cela, c'est ce que disent les imbéciles"), le piège qui se retourne contre celui qui la prononce, la formule magique qui inverse à elle seule une situation. Et le texte rebondit sur ces expressions qui toujours impliquent un ou plusieurs interlocuteurs, progressant donc essentiellement par dialogues (ou monologues dont le sujet se dédouble) selon une véritable maïeutique.

 

Cette exploration du langage a pour enjeu essentiel la question de l'identité: existe-t-on dans, par les mots, ou hors d'eux, en deçà ou en delà? N'est-on que cela, ce puzzle constitué plus ou moins subtilement par les qualifications d'autrui: "Avare [...]. Égoïste. Rancunier. Modeste. Franc. Amoral. [...] Je suis paresseux. Je suis coléreux. Je suis un grand timide. [...] Lui, c'est un compliqué." La tentation est grande d'échapper au mot qui "juge", qui fait "loi", qui définit: "Je ne suis rien... un vide... un trou d'air... Infini. Sans confins... Et tous autour... comme moi." A maintes reprises, le texte capte ces moments où l'identité des personnages oscille entre le rien et le quelque chose, qu'un pronom personnel suffit soudain à figer: "Il est lui. Je suis moi. Nous sommes nous [...] Vous êtes vous. Ils sont eux". L'auteur use de la litanie, de la répétition (les formules sont nombreuses qui réapparaissent intactes au gré de la progression du roman, comme "tel qu'il est", "tous tels qu'ils sont", "chacun sa place", etc.); il fait référence à des contes (le Prince et le Pauvre, Gulliver) qui mettent en scène des confusions ou des recherches d'identité; il organise des "combats" d'identité au sein de dialogues (les interlocuteurs y parlent de leurs places respectives, mais se rejoignent, se fondent par la parole, pour s'éloigner sur un geste, tenter de se confondre dans une idée, etc.); il joue de la confusion pour mieux la mettre en scène, sans décider pour finir si les mots piègent ou libèrent, si une idée caractérise celui qui l'émet, ou est au contraire contaminée par celui qui s'en empare, s'il existe une identité personnelle rassurante, fixée une fois pour toutes à l'intérieur d'une hiérarchie qui distingue clairement les "imbéciles" des autres, de ceux qui sont enfin "quelqu'un".

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L'Etat culturel

12272743282?profile=original"L'Etat culturel" est un essai de Marc Fumaroli, paru en 1992.

Que peut-on attendre d'une "politique culturelle"? Qu'advient-il des arts et des lettres dans un pays comme le nôtre lorsque l' Etat entreprend de diriger la diffusion, voire la production, de la "Culture", et qu'il fait de cette "mission" l'une de ses priorités? Rien de bon, si l'on en croit Marc Fumaroli, auteur de "L' Etat culturel". Jusqu'à Malraux en effet, l' Etat se contentait de diriger les affaires politiques ou sociales, laissant créateurs et amateurs cultivés à leur destin. Depuis, et notamment avec Jack Lang, l'Etat a rassemblé entre ses mains tous les moyens qui lui permettent d'exercer un véritable "pouvoir culturel", qu'il utilise surtout comme un instrument d'autopropagande ou d'organisation des loisirs de masse. La Culture est ainsi devenue une sorte de religion d'Etat; ce qu'illustre bien le sous-titre de l'ouvrage: "Essai sur une religion moderne".

Une idéologie monstrueuse.
Grâce à une évocation détaillée des origines de l' Etat culturel, Marc Fumaroli nous permet de comprendre comment celui-ci résulte paradoxalement des courants idéologiques antagonistes de la première moitié du XXe siècle. Le "Kulturkampf" (combat pour la culture allemande) hérité de Bismarck; les conceptions marxistes de l' art, âprement défendues par nos "intellectuels de gauche"; le mouvement "Jeune France" qui, sous Vichy, prétendait susciter le renouveau culturel de la Nation; les rêves messianiques de Malraux, qui faisait de la culture une sorte de tissu organique du peuple français: tout cela s'est retrouvé réconcilié, mélangé dans une sorte de "parti culturel", qui n'allait pas tarder à prendre le pouvoir.
Ainsi, en 1959, André Malraux se voit doté d'un ministère d'Etat qui a pour mission de faire accéder tous les Français à la culture et de promouvoir la culture française dans le monde. Ce voeu pieux masque une sinistre réalité: les arts et les lettres français se trouvent confisqués par une poignée de gens chargés de décider souverainement de ce qui est ou non "culturel". Cette tendance s'amplifie encore sous les ministères Lang, où l'on assiste à ce spectacle caricatural d'un clergé culturel parisien dictant au pays sa frénésie moderniste "branchée", à grands coups de manifestations spectaculaires qu'aucun pays totalitaire n'aurait désavouées.
Parallèlement, le "pouvoir culturel" délivre le discours démagogique du "tout-culturel", qui consiste à parler d'une "culture jeune" ou d'une "culture d'entreprise", présentées sur le même plan que la culture artistique. Ces propos cautionnent l'apparition d'un véritable désert culturel: car l' Etat, mué en Grand Animateur, survalorise toutes sortes d'activités sympathiques au demeurant, mais gomme ce qui distingue création authentique et bricolage d' amateur. "Un énorme bonnet d'âne bureaucratique nous stérilise et paralyse, loin d'être notre émanation et notre manifestation."

Instruire les masses ou les amuser?
Or les gens qui ont "fait" l'Etat culturel sont souvent issus du théâtre. Est-ce pour cela qu'une des grandes préoccupations du "pouvoir culturel" est de se mettre en scène? Ainsi, pour la plupart des candidats à la notoriété dans notre République du spectacle, passer dans certaines émissions de télévision tient lieu de messe d'investiture: "Il y a donc une sacralité télévisuelle en France."
Les grands perdants de ce show permanent sont bien sûr les livres (Fumaroli rappelle que les Maisons de la Culture de Malraux ne comportaient déjà pas de bibliothèques!) et l' Université. Par exemple, à la nouvelle Bibliothèque Nationale de Bercy, les livres se retrouvent perdus parmi tant d'autres gadgets distribués dans ce "supermarché de la Culture".
L' Université, lieu de travail obstiné, de respect des oeuvres, de culture individuelle, était naguère le passage obligé et sélectif pour accéder à la vraie connaissance. Elle se voit remplacée par des espaces de "tourisme culturel", comme le Futuroscope, où l' Etat se charge, à coup de grosses opérations d'auto-promotion, de cultiver en les distrayant des citoyens mués en nouveaux dévots de la culture pour tous. Voici d'ailleurs la dimension la plus préoccupante du problème: l' Etat culturel ne se consacre plus qu'à "l'économie politique des loisirs collectifs". Notre espace culturel est ainsi transformé en une sorte de Las Vegas, oasis de loisirs pour oisifs assoiffés.

Où est passé l'esprit?
Tout au long de son livre, Fumaroli ne cesse d'évoquer ce qu'était, par contraste, la situation des arts et des lettres sous la Troisième République. Cette époque aurait, à en croire l'auteur, réalisé l'équilibre fécond entre une politique sagace de l'Instruction publique, des mécènes encouragés par le libéralisme ambiant, des artistes venus du monde entier vers la Capitale des Beaux-Arts, et une culture populaire authentique.
A cette époque où les ministres chargés de l'Education des Arts avaient du talent, on ne parlait pas de Culture, mais d' "esprit français". C'est à cette notion, aujourd'hui désuète, que Fumaroli, pour envisager la possibilité d'un renouveau de notre paysage intellectuel et artistique. Pour la définir, il évoque aussi bien les Arts libéraux de l' Antiquité, chers à Montaigne, que certaines pages de Valéry ou de Gide sur l'exigence intellectuelle. A son avis, seul un retour aux valeurs de la culture individuelle peut redonner cet élan vital qui refera de la France le pays de la grande culture et de Paris la capitale de l'esprit européen.

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journal de bord, samedi 2 juillet 2011

On diffuse une émission en l'honneur de Charles Trenet, sur la radio, deux heures par jour (ou par semaine, je ne sais pas).

 

Khadafi menace l'Otan, Dominique Strauss-Kahn est plus ou moins libéré. Ou ... mariage princier à Monaco.

Je m'en fous.

 

Les travaux domestiques sont difficiles, pour moi. A tout moment, je ne sais où je dois me trouver. Même si la tache à laquelle je suis assigné est simple, archisimple.

 

Prendre une raclette, déposer la raclette en un lieu sûr, prendre une brosse, la mettre dans une bassine sans que la chaise (nettoyée la veille) en pâtisse, passer l'ustensile à la personne qui déblaie les sal'tés sur le toit de la véranda ...

Là, je sue.

Non pas que je renâcle à la tâche, mais je suis mal à l'aise, mal dans mon corps, par rapport à ce que je suis sensé faire.

J'entends tell'ment mes parents gueuler (quand j'étais p'tit).

 

"Tu m'as bien aidé !", ai-je entendu (dans la réalité).

 

En quelque sorte, je me suis dépassé.

Je peux être fier de moi. Même si je m'écroul'rais bien, tant j'ai pris sur moi, dans le laps de temps (court, dans l'absolu) où il a fallu râcler (un peu) le toit de la véranda.

 

La journée continuera sur la lancée.

 

 

 

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administrateur théâtres

LE PREMIER FESTIVAL MUSIQ’3 (Flagey)

BRUXELLES inaugure LE PREMIER FESTIVAL MUSIQ’3, une nouvelle branche du festival de Wallonie, aujourd’hui quadragénaire : C’est la grande  fête  les  01- 02 et 03/ 07-2011

 

Une Surprise  d’abord:

A 19 heures,  sur la terrasse, on est accueilli par la Pologne. Le passage de relais symbolique entre la présidence hongroise du Conseil de l'Union Européenne et celle de la Pologne se fait musicalement. Sur  la place Sainte-Croix, au pied du bâtiment de Flagey, et donc du Service culturel de l’Ambassade de Pologne. Et c'est au son de l'accordéon que le relais historique se fête dans une ambiance estivale. Ce sont les meilleurs  d’Europe ! Deux groupes qui portent bien leur nom, Flying Hands, venu de Hongrie, et Motion Trio, formation polonaise surnommée aussi « trio furioso » jouent l'un après l'autre avant de partager la scène dans une ambiance de fête fort éclectique.

L’ Ouverture du festival Musiq’3 : 


« Les Quatre Saisons/Le Quattro Stagioni » sous la direction de la pétulante  Amandine Beyer, violoniste, avec l'ensemble Gli Incogniti nous plongent dans l’esprit d’une Europe attachée aux valeurs classiques.  Quatre concertos pour autant de saisons, l’allégresse du printemps, la langueur de l’été, l’abondance de l’automne, la préparation du renouveau dans les entrailles de l’hiver. Un cycle qui ne parle que de renaissance, d’invention, de création féconde et continue. Quoi de plus parlant et de plus stimulant pour une Europe qui bouillonne dans son creuset …. ? Les jeunes interprètes de l’ensemble « Gli Incogniti » d’Amandine Beyer étaient là pour en témoigner artistiquement avec fougue, conviction et décontraction.  Clamons avec Tzvetan Todorov : « la civilisation n’est pas le passé de l’Europe mais son futur. »

 

Ce premier concert est l’un des cinquante concerts occupant 200 musiciens que ces trois jours de liesse  et de convivialité réuniront les 01, 02 et 03 juillet.
Des concerts d'une durée de 45 minutes environ sauf pour les magnifiques prestations de Fanny Ardant, la mystérieuse comédienne française et Louis Lortie qui se partagent diction et musique tout au long des années de pèlerinage de Franz Liszt. Le bicentenaire de sa naissance  (1811) oblige. En deux parties: vendredi et samedi soir, au studio 4 à 20 heures. Ceci constitue l'évènement du Festival de Wallonie 2011. Connu pour son interprétation magistrale de Franz Liszt, Louis Lortie, « est l’un des 5 ou 6 pianistes qu’il vaut la peine d’aller entendre toutes affaires cessantes  » (Daily Telegraph, Londres).
Années de pèlerinages est « une œuvre romantique par excellence, révolutionnaire aussi tant par les textes qui l'ont inspirée que par l'invention musicale qu'elle développe».

 

Piqués par le talent et la jouvence de l’ensemble « Gli Incogniti » d’Amandine Beyer  nous sommes retournés boire à la musique au concert de 22 heures qui présentait de succulentes œuvres au clavecin de Bach et Vivaldi. Demain nous irons nous frotter à l’orchestre du festival, un orchestre à cordes bourré de talent… lui qui n’attend pas le nombre des années. Ils sont issus de notre Conservatoire de Bruxelles, réunis autour de Shirly Laub, violon,  leur chef et professeur et Jean-Bernard Pommier  pianiste d’exception.

Ensuite à 16 heures, il y a ce récital majeur où le public sera heureux de revoir le merveilleux pianiste Denis Kozhukhin qui gagna haut la main le Concours Reine Elisabeth en 2010, remportant également le prix du public. Rendez-vous de musicalité, de générosité et de sincérité pour interpréter des œuvres de Schumann, Wagner et Liszt.  

Ceci n’est qu’un avant goût d’un programme totalement dédicacé à la jeunesse  sous toutes ses formes: jeunes interprètes, jeunes compositeurs, œuvres de jeunesses, jeune public… « Pierre et le loup » est  en effet au rendez-vous le dimanche à midi, dans le magnifique studio 4. Et qui de mieux, pour guider cette saison, que le jeune violoniste Lorenzo Gatto  (25 ans !) en invité d’honneur?

C’est Lorenzo Gatto  et  Graf Murja  au violon et Denis  Kozhukhin et Milos Popovic au piano, la jeunesse virtuose, qui clôtureront ce festival qui ouvre les portes du rêve, par un concert surprise le dimanche soir à 20 heures, dans un dernier hommage à l’esprit de Liszt.   

 « L’éternelle jeunesse…

Enfin, il existe au travers de l’histoire de la musique des chefs-d’œuvre impérissables, doués d’une éternelle jeunesse. Ces œuvres traversent le temps et les générations, elles semblent intemporelles, elles résistent aux événements. Elles agissent comme de réels bienfaits thérapeutiques, scientifiquement prouvés, et plongent ainsi l’auditeur dans une perpétuelle cure de jouvence… » Claire Ringlet, secrétaire artistique 

 

Consultez le programme qui se déroule d’heures en heures dans de nombreuses salles du bâtiment Flagey! Des rendez-vous de pur bonheur.

http://www.festivaldewallonie.be/2011/fr/Bruxelles/programme/

 

Et après ces brillantes journées d’ouverture, le festival de Wallonie continue, jusqu’au 16

octobre: Namur, cité du chant choral, fait résonner les voûtes de l’église Saint-Loup de l’écho des voix baroques. Le Festival de Saint-Hubert fera découvrir, au fil de ses concerts, quelques-uns des plus beaux villages de nos Ardennes. En août, Stavelot est, sans conteste, un des chefs-lieux européens de la musique de chambre. En automne, les concerts se bousculent et laissent au public l’embarras du choix: une étape à Liège pour écouter les plus grands noms de la musique ancienne ; quelques détours dans le Hainaut où, de Tournai à Soignies, le public est attendu pour faire la fête à des artistes de haut niveau ; ou alors le Brabant wallon, qui propose toujours son lot de découvertes et d’originalité.

Hommage complet à nos richesses architecturales et musicales.

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Original et candide

  Original et candide

     Antonia Iliescu

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            Il y a chez nous, à l'institut un monsieur qui ressemble terriblement à monsieur Hullot, mais il est même plus excentrique et drôle. Il est du genre qui peut t'enchanter avec une conversation érudite sur le dernier disque qu'il a acheté – « quelle aubaine »! - juste sur la Voie de la Victoire ! "-Écoute mon cher, j'ai trouvé Dvorak et Mahler, tous les deux dans la même boutique." Il discute avec beaucoup de compétence des films des années '90, ayant toujours sous la main un dictionnaire cinéphile, pour d'éventuelles démonstrations. Il est donc l'homme fin, cultivé, raffiné, mais qui peut te traiter d' idiot avec la plus naturelle des candeurs.
            Il est venu sur la planète Terre voici 60 ans, avec une mission précise, en rapport avec les pigeons voyageurs. Il avait été envoyé par le conseil de l'étoile beta-Columba [1] pour résoudre une vieille énigme. Son coeur de lumière bleuâtre fonctionne à l’aide de la vibration de haute fréquence de l’ancestral pigeon libéré par Noé de son arche. Le pigeon avait alors continué sa mission de guide des argonautes vers la Mer Noire, à la recherche de la toison d’or. Et, à ce qu’il paraît, il est resté lié pour toujours au bord de cette mer, grâce aux nombreuses réincarnations inscrites dans son programme d’évolution à l’échelle énergétique. La dernière, l’avait fixé dans la peau de monsieur Brãiloïu, un homme de haute taille qui tient sur ses épaules, telle une coupe olympique de couleur gri-pigeon, une tête oblongue aux yeux bruns, qui te regardent de travers derrière ses lunettes aux châssis argentés. Monsieur Brãiloïu a des terminaisons corporelles tout à fait particulières. Les ongles de ses mains (mais je peux jurer que de ses pieds aussi) ressemblent à des balles de ping pong. Pendant la conversation il fait plein usage de ses mains, assez éloquentes d’ailleurs, et, pour mieux t'expliquer comment vont les choses, il les agite d’une manière démonstrative dans l'air, suivant des circonférences imaginaires de plus en plus grandes. Visiblement il est désireux d’élargir le cercle de son auditoire jusqu’à des espaces interplanétaires.

            Un jour il vient dans notre salle de labo et nous dit:
            - Les filles, n’avez-vous pas par hasard, un poinçonneur? Je ne trouve plus le mien; je crois que je l'ai prêté à quelqu'un… Je ne me souviens plus à qui… C’est à vous peut-être...
            Nous, aimables comme d'habitude, et sensibles aux charmes de monsieur Brãiloïu, nous précipitons pour le servir, en lui offrant notre poinçonneur ("le jeune marié" comme il avait été baptisé par un collègue); et il est assez robuste ce jeune marié.
            Dès qu'il l'aperçoit, monsieur Brailoïu écarquille ses yeux ronds et, en balançant la tête d'une manière candide, il éclate:
            - Mais c'est justement le poinçonneur que je ne trouvais pas!
            - Eh, vous ne pouvez pas dire cela! - disons-nous en colère - C'est bien madame Lili qui nous l'a laissé lorsqu'elle a pris sa retraite.
            Enfin il nous quitte sans conviction. Le lendemain il revient. Il entre en balançant son corps sur ses grands pieds, portant des souliers usés méthodiquement, jusqu'à la corde:
            - Les filles, voilà ce que j'ai trouvé dans mon labo!
            Et il sort de sa poche un pauvre poinçonneur tout ratatiné, qui n'était ni le quart de notre jeune marié.
            Une autre bizarrerie du monsieur Brailoiu est la manière de s'habiller. En hiver il porte de gros pantalons (qui ressemblent à une vieille écorce d'arbre), beaucoup plus courts que ses immenses jambes. Mais en été sa tenue est encore plus excentrique, son habillement habituel de laboratoire étant le pyjama. Il en a deux, pour se changer: l'un est blanc aux raies roses et l'autre est rose aux raies bleues. Le fait est qu'il porte seulement les pantalons de pyjamas, car par-dessus il porte le vêtement de protection avec l'écusson qui te montre clairement qui est ce monsieur original: Ms. Brailoïu Ion, chercheur scientifique principal, Institut X.
            Il y a trois semaines il a fêté son anniversaire. Nous lui avons offert comme cadeau un stylo. Nous l’avons emballé dans une vieille boîte remise à neuf à l'aide d'un papier d'emballage aux petits oiseaux. On n’a pas choisi par hasard ce papier. Monsieur Brailoïu aime à la folie les oiseaux de n'importe quelle sorte, mais surtout les pigeons voyageurs. Dès qu'il arrive au labo le matin, il nourrit les pigeons qui ne se méfient pas d'entrer par la fenêtre et de venir manger dans la paume du maître, imbibée de l'odeur de pyridoxine ou d'autres poisons chimiques. Les oiseaux sur le papier étaient des moineaux assis deux par deux sur un rameau d'érable. Monsieur Brailoiu fut vraiment fasciné par l'aspect de la boîte, de sorte qu'il ne pût se décider, heure après heure, à défaire le petit noeud du ruban doré. Il branlait la boîte près de son oreille droite et souriait... Il s'émerveillait déjà en essayant de deviner quelle chose merveilleuse se cachait dedans. Sur le tard il nous confie qu'il ne voulait pas briser le noeud du ruban, qui "passait exactement parmi les deux moineaux, comme un rayon de soleil. »
              - Et… mes filles, la boîte avait aussi des moineaux à l'intérieur. Vous ne pouvez pas vous imaginer quel plaisir vous m'avez fait!

              Mais la mésaventure qui fit de monsieur Brailoïu un célèbre distrait s'est passée voici une vingtaine d’années. Un groupe de chercheurs roumains, composé de trois dames huppées et un monsieur - monsieur Brailoïu -  fut envoyé à l'Université de Paris pour se spécialiser en chimie organique de synthèse.
            Les quatre collègues fixèrent le rendez-vous à la Gare du Nord, à 15 H 30, car à 16H 08 le train devait partir. Les trois dames arrivées en premier, attendirent patiemment jusqu'à 16h 00 et, en voyant que leur compagnon n'apparaissait pas, décidèrent de monter seules dans le train.
            A 16H 05, juste au moment où le chef de train faisait sa dernière inspection sur le perron, à l'horizon on vit monsieur Brailoïu qui, en courant désespéré, faisait des signes étranges avec ses mains. Et tiens! Il a quelque chose bizarre sur l'épaule droite... Au fur et à mesure qu'il s'approche on peut voir qu'il tient sur l'épaule un balluchon de toute beauté, fait d'un drap, où il avait amassé en vitesse ses habits.
            Les trois dames se regardèrent perplexes: "- Que faire maintenant ? Comment apparaître dans cet état lamentable dans la grande France? S’ils le verront avec son balluchon à l’épaule ils nous tourneront le dos, à juste titre ! Ils nous diront que l’élevage des moutons se fait dans les montagnes et non pas à Paris, à l’Université. Eh, mes chères, qu’est-ce qu’on fait ?! "
            Elles s’envoyèrent encore une fois un long et significatif regard. Sans un mot de plus, elles foncèrent sur les bagages et descendirent les valises.
            Monsieur Brailoïu fonça, essoufflé, vers la porte de la voiture, le baluchon sur l'épaule. Les trois dames saisirent l'odieux objet, le défirent et le violèrent au milieu du compartiment de première classe, sous les regards ébahis de leur collègue : « Qu’est-ce qu’il vous a pris, mes chères ? » Le butin fut partagé en quelques secondes : Doina prit deux paires de pantalons, Nina prit quatre chemises et le pyjama, Anca mit la main sur la lingerie. Dès que le train fut nettoyé des vieux chiffons et que tout le monde était à sa place, les dames commencèrent à chuchoter entre elles:
            - Quelle honte, ma chère, cela ridiculise la science roumaine! Figures-toi ce qu'il se serait passé si sur le perron de Paris était apparu notre berger! Il aurait ressemblé en quelque sorte à l'un des premiers chercheurs d'or qui avaient mis le pied sur la Terre Promise et qui en ont tiré profit après.
            Monsieur Brailoïu s'est enrichi lui aussi, mais non pas avec de l'or (les chaussures usées en sont la preuve). Il a conquis une autre terre promise: la science et nos coeurs. Mais surtout il a conquis l'unicité.


[1] Beta-Columba fait partie de la Constellation Columba (Le pigeon) (n.a.)


(traduction d’un extrait du volume « Curcubeul cu oameni » - Antonia Iliescu, Ed. Libra Vox, Bucuresti 2002)

 

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journal de bord, vendredi 1er juillet 2011

Début des grandes vacances.

 

J'ai levé la séance plus tôt que prévu, hier soir, là où j'avais été invité.

 

Je suis parti discrèt'ment. En m'arrangeant pour que personne ne me voie. Je ne voulais déranger personne. Je ne voulais pas troubler une ambiance.

 

Je leur écrirai un p'tit mot tantôt. Ils se sont sûr'ment demandé ce qui m'arrivait.

 

Il était neuf heures et demie (du soir). Je me suis retrouvé sur la route, entre Le Roeulx et Soignies. A pied, oui. J'avais encore une heure devant moi pour attraper le dernier train (à Soignies), qui remontait sur Bruxelles.

 

Je me plaisais bien à la fête. J'y ai revu des gens que j'appréciais. Rencontré d'autres.

 

Mais le coup d'fatigue était là. J'appréhendais les heures qui allaient passer, là où je me trouvais, où j'allais tourner de l'oeil.

 

Y a parfois des choix à faire. Au bon moment. Même si c'est dur.

 

Faut pas croire : sur le ch'min, à pied, qui me menait du Roeulx jusque Soignies, j'étais triste.

Je l'avais quand même attendue, cette soirée.

Je ne m'étais pas décarcassé pour rien ... en vue d'y arriver.

Et ... les moments qui s'y sont déroulés, pour les deux heures que j'y suis resté, n'ont pas été vains. J'en garde des images précieuses.

 

J'avais aussi fait un mauvais calcul, avant d'arriver à cette fête qui, elle, démarrait vers les 18 heures.

 

Je reviens en arrière.

 

Le matin, vers 10/11 heures, j'étais à Couvin, en Belgique. Le stop, depuis Rocroi, n'avait pas mal fonctionné. J'étais allé à la gare (de Couvin), m'étais renseigné sur les horaires de train jusque Soignies.

Avec les chang'ments de train (à Charleroi, à Mons), je pouvais déjà être à Soignies ... vers treize/quatorze heures. Les bus vers Le Roeulx (à 9 km), y en a ... toutes les heures (je suis déjà allé là-bas).

Tout se goupillait bien.

Et ... la fête ne démarrait pas, au Roeulx, avant dix-huit heures.

 

Je dirais même plus : je me voyais mal glander trois heures à Soignies.

Je dirais même plus : je me voyais mal arriver, là où on m'attendait, trois heures à l'avance.

Je dirais même plus : j'avais encore le temps matériel, sitôt arrivé à la gare de Charleroi, de faire un saut jusqu'à mon flat, à Bruxelles.

Je dirais même plus : je pouvais, à Bruxelles, décharger mes fringues de ma guitare, prendre un bain, faire une sieste d'une demi-heure, consulter les mails qui me sont parvenus durant les trois jours où j'ai fait Compostelle, consulter les horaires de train entre Bruxelles-Central et Soignies, me changer, prendre encore un train vers seize/dix-sept heures à la Gare Centrale (Bruxelles) en direction de Soignies, trouver (à Soignies) un bus en direction du Roeulx (tout en arrivant soit dans les temps ou ... rien qu'une demi-heure en r'tard).

 

Et ... chose due chose faite, je suis rentré chez moi, me suis changé, me suis lavé. J'ai géré le temps nécessaire. Sans faux pli, si je puis m'exprimer ainsi.

 

Mais ... autre chose est arrivé. Un superbe coup d'barre. J'en ai trop fait.

J'ai beau aimer ma maison, j'ai eu le sentiment, quand je suis "rentré", que je piquais dans un trou. Que je recevais le scalpel.

Je me s'rais écroulé. Et ... je commençais à avoir un pressentiment lourd, avant de me remettre en marche vers le lieu où j'étais invité.

Bien sûr, j'aurais pu me décommander. C'aurait été plus sage.

Mais je n'étais pas convaincu qu'ailleurs, mon mal-être (du moment) allait s'améliorer. Faut se connaître !

 

Et je suis reparti, vaillant.

 

Je suis quand même arrivé à la fête. Une invitée m'a même chargée au bord de la route.

 

Sur place ...

 

J'ai dégusté des sandwichs. J'ai conversé avec Mumu et sa maman. J'ai accompagné, à la guitare, une chanteuse sur un morceau de Renaud. J'ai chanté aussi. J'ai rencontré un type chouette qui aimait la moto.

 

Bien sûr, bien sûr ...

 

 

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journal de bord, jeudi 30 juin 2011

Dans la chambre d'hôtel, à ROcroi, où je préparais mes bagages, ce matin, de bonne heure, avant de prendre le p'tit déjeuner ...

 

Je créais ma dernière chanson en date.

 

La serveuse de l'hôtel de la petite ville

Va d'une porte à l'autre, elle s'active, elle turbine

 

Dix heures du mat, elle entame son service, elle s'affaire

A-t-elle fait l'amour ou teint ses ch'veux la nuit dernière ?

Au plafond, cinq lustres anciens créent leur ambiance

Sur les murs, des animaux empaillés donnent le change

 

La serveuse de l'hôtel de la petite ville

Va d'une porte à l'autre, elle s'active, elle turbine

 

Dans la pièce voisine, on rit, on braille, on baratine

Une grande télé rediffuse un magazine

Elle rassemble des bouteilles de vin dans un panier

Elle passe un coup d'loque sur une table à l'entrée

 

La serveuse de l'hôtel de la petite ville

Va d'une porte à l'autre, elle s'active, elle turbine

 

Coup d'feu ou non, quand elle part dans son mouv'ment

Faut viser juste pour obtenir un renseign'ment

Ou une carafe d'eau pour accompagner l'repas

Les aut's clients ont quand même plus de chance ... que moi

 

La serveuse de l'hôtel de la petite ville

Va d'une porte à l'autre, elle s'active, elle turbine

 

J'ai eu l'occasion de l'observer un peu, sur deux jours, cette jeune serveuse ... blonde.

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Il avait le regard perçant...

Il avait le regard perçant

De ceux qui regardent vraiment

Il avait pourtant occulté...

L'horreur par ses yeux imprimés!

 

La guerre, la perte d'un ami

Le désespoir l'avait surpris!

Il avait sauté sur un char

Etait en vie grâce au hasard

 

Alors quand il apprit que sa femme

Le trompait avec un quidam

S'était contenté de grommeler...

Absent, ça devait arriver!

 

La guerre ça finit bien un jour

Et sur le chemin du retour

Il a croisé un beau regard

Encore un geste du hasard!

 

Alors ce fut vite décidé

Tout pouvait bien recommencer

Le temps de mettre à plat sa vie

Chez lui il fit venir sa mie!

 

Il y avait le plein de soleil

Aussi les sens qui se réveillent

Tout semblait être pour un mieux

Ils pouvaient faire des envieux!

 

Mais il était psychanalyste...

Des maux il pouvait faire la liste!

Dans les méandres de tous les coeurs

Il ne fallait pas faire d'erreur!

 

Il avait le regard perçant

De ceux qui regardent vraiment

Et il ne pouvait s'empêcher

Certains soirs de désespérer!

 

Il ne voulait pas faire d'enfant

Pour qu'un jour il devienne grand

Il s'enfermait dans son bien-être

A côté de sa vie peut-être?

 

Et puis, un jour c'est reparti

La guerre encore...Il en vomit!

Et il est retourné batailler

Dans l'espoir de tout arranger!

 

Quand presque mort il est revenu

Avec son âme mise à nu

Il a regardé son bonheur

Comme si c'était une simple erreur!

 

Alors, la vie qui continue...

Mais parfois se brouille la vue!

On prend un verre, un peu d'alcool

Et voilà que l'envie décolle!

 

Cela devient une habitude

Pour retrouver ses certitudes...

On a besoin d'un petit remontant

Mais, ivre on n'est jamais vraiment

 

L'aider, elle a bien essayé

Ses efforts se sont effrités

Il n'y avait plus rien à faire

Pour l'empêcher de se défaire!

 

Et le temps alors s'est enfui

Après les jours, y avait les nuits

Il n'y avait plus de bonheur

Juste des relents de langueur!

 

Et puis, le pire est arrivé

Le processus s"est déclanché

Ne voulait pas se voir partir...

Mais n'avait plus peur de mourir!

 

Il avait le regard perçant

De ceux qui regardent vraiment

Et ce qui nous est arrivé...

C'est que ses yeux vont nous manquer!

J.G.

 

 

 

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journal de bord, mercredi 29 juin 2011 (2)

Sur les chemins de Compostelle ...

 

Entre Rocroi et Bourg-Fidèle ...

 

J'ai appris (comme j'aurais pu l'apprendre ailleurs) que ...

Peter Falk, le célèbre inspecteur "Columbo", qui a ensoleillé nos soirées télé, avec son éternel imper beige, son éternelle Peugeot 403, son éternelle "femme" qu'on ne voyait jamais, était parti rejoindre les anges.

J'ai appris (comme j'aurais pu l'apprendre ailleurs) que ...

La Grèce allait adopter un plan d'austérité.

J'ai appris (comme j'aurais pu l'apprendre ailleurs) que ...

La France avait vach'ment subi, dans le Nord, les effets de la pluie ... torrentielle. Charleville-Mézières en est un exemple.

 

En passant chez le pharmacien, là-bas, à Rocroi ...

Eh bien, le gars m'a donné un remède simple, efficace contre les ampoules aux pieds. Suffit de décoller les emballages et d'appliquer le plastique en caoutchouc sur les traces des blessures. Oui, oui. Au bout d'une demi-heure (même pas), je ne sentais plus rien aux endroits fragiles.

 

En (re)passant à l'Office du Tourisme, le matin ...

J'en ai su un peu plus sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, entre Rocroi et Reims. On m'a remis de la documentation. "Randonneurs et Pélerins", j'irai visiter votre site.

Ainsi, ceux qui se sentent plus randonneurs que pélerins peuvent opter pour un autre chemin, plus court. Tiens, donc. Le pélerin raccourcit son itinéraire de 40 km, entre Rocroi et Reims.

A voir.

 

J'ai tenu ma promesse. Je me suis mis en route vers Bourg-Fidèle, comme promis.

 

Ca me faisait du bien, quand je marchais dans l'herbe, de sentir les restes d'eau de pluie dans mes doigts de pied.

 

Une escale intéressante, sur la route : la ferme du Couvent. Un lieu occupé naguère par des religieux qui soignaient des malades et avaient établi quelque chose pour faire fondre le fer. Aujourd'hui, c'est un lieu qui se dégrade.

 

Encore un château d'eau sur la route. A Bourg-Fidèle. Décidément, ces bâtisses prennent un abonn'ment dans la région.

 

Entre temps ...

Il a encore fallu, sur le coup d'une heure, que mon GSM sonne. Il a encore fallu que le légendaire "numéro privé" se fasse remarquer.

Malheureus'ment pour moi, j'étais en pleine marche, je n'avais pas le cran de m'en fouttre, j'ai pas pu m'empêcher d'app'ler' en Belgique. J'ai eu un collègue de la poste. Je voulais voir si le message ne venait pas de là.

Heureus'ment, c'était ... une fausse alerte.

 

Après Bourg-Fidèle, le lac des Vieilles Forges s'annonçait ... pour la suite.

Je me suis dit : OK, pour la prochaine fois.

 

Je ne suis pas rentré sur ROcroi par le même chemin. Non, j'ai emprunté la grand'route. Bien sûr, les sentiers, les bois, c'est plus pittoresque. Mais ça me donnait l'occasion de découvrir encore un nouveau chemin.

Deux belles vaches, face à face, dans leur mangeoire, m'ont salué, à un moment donné, en remuant leur queue.

 

C'est pas tout, non. J'aurais pu souffler au retour, oui. Une rencontre amicale n'aurait pas été de refus. Mais voilà : les évén'ments ne s'obstiennent pas en claquant des doigts. D'accord, d'accord, j'ai repris un café à l'hôtel. La jeune serveuse du début restait au fond de la pièce, en entassant des bouteilles de vin dans des espèces de paniers qui r'ssemblaient à ceux dans lesquels on range des boules de pétanque. La jeune serveuse feuill'tait un magazine. J'ai r'péré ... des jonquilles sur un appui de fenêtre.

 

Je me suis remis en route le soir. Cette fois, je voulais tester le début de l'autre parcours, plus court. Ne fut-ce que ... les cinq premiers kilomètres. Pour me faire une idée. Pour m'avancer, quelque part. Et j'ai du (encore) me dépatouiller avec le manque de clarté des indications ... dans la documentation qu'on m'avait remise, le matin, à l'office du tourisme.

 

Ainsi ...

Il était écrit : "de Rocroi à Sévigny-la-Forêt, 5 kms". Jusque là, ça va.

 Ensuite, il était écrit, textuell'ment :

"depuis la place centrale, sortir de Rocroi par la rue de France, en passant par la rue de France ... à la patte d'oie (D877 et D22d), poursuivre la D877 sur la gauche ... passer par la Gendarmerie et la piscine ... au deuxième rond-point, poursuivre vers Rimogne ... environ 300 mètres après, prendre à droite le "Chemin du Curé", voie goudronnée que l'on suit tout droit jusque Sévigny-la-Forêt ..."

Bon. OK. Je poursuis la D877 sur la gauche. J'aperçois un rond-point (le premier, j'imagine). Tiens, il va vers Rimogne ! Mais bon, ce n'est sûr'ment pas le bon. Surtout que, sur la route, en face, sur la gauche, je lis : gendarmerie. Je vais voir par là. Je passe "devant" la gendarmerie, conformément à ce qui est écrit sur le papier. Un tournant. Deux tournants. Un second rond-point, j'imagine, ne va pas tarder à se présenter. Il y a sans doute plus d'un chemin, plus d'une direction qui mène à Rimogne (ça se vérifie dans tant de villes). Je marche, je marche. Toujours pas de ... second rond-point. Je marche, je marche encore.

Et je finis par retomber sur l'av'nue que j'avais emprunté, le matin, quand j'avais décidé de me rendre à ... Bourg-Fidèle.

 

Où se trouve le "second rond-point" en direction de Rimogne ?

N'était-ce pas celui que j'avais vu, sur lequel j'étais tombé (le premier, dans ma logique) ?

Allons voir. Y a p'têt une chance sur deux de tomber juste.

Et, en ref'sant le ch'min en sens inverse, en râlant une fois de plus contre ceux qui manquent de clarté en indiquant les ch'mins, je crois comprendre ...

 

Le "premier" rond-point, non mentionné dans le dépliant, c'était ... la "patte d'oie" (mentionnée, elle), où la D877 et la D22 se rencontraient. D'accord, un mot de plus s'intègre dans mon vocabulaire (mais ... à quel prix ?)

Quant au "second" rond-point, mentionné, lui, direction Rimogne, c'était le bon.

Mais, dans le dépliant, y avait quand même une erreur : le "passer devant la gendarmerie".

Enfin : je savais.

J'ai emprunté la grand'route. Je suis bel et bien tombé sur un p'tit chemin goudronné, en direction de Sévigny-la-Forêt. On se trouvait, comme de bien entendu, sur le "chemin du Curé". J'ai avancé, avancé. En pensant beaucoup à ... mon frère. En revivant quelques souv'nirs de vacances d'il y a deux, trois ans.

Je n'ai pas eu la force de pousser mes pas jusque Sévigny. Fatigue oblige ! Et ... mon estomac commençait à crier.

 

J'ai soupé (non, dîné) à l'hôtel. Mais je savais déjà que ... je réintégrerais le lit, sitôt fini.

 

Désormais, j'en sais un peu plus, sur le trajet officiel et l'autre (un peu court), concernant les hébergements possibles :

Un peu partout, on trouve des gîtes municipaux, des chaînes hospitalières ...

Suffit parfois de téléphoner, au plus tard, la veille au soir.

Il est souvent indispensable de ret'nir ... 48 heures.

Dans certains endroits (gratuits), y a pas de douche, ni de lit.

 

Quand on débarque à Reims, il y a un accueil des pélerins à la cathédrale, tous les jours, de mars à septembre, de 14 à 17 heures.

 

Demain, je replie bagage. Je rentre en Belgique.

Faut que je me trouve au Roeulx, près de Soignies, pour une soirée, à laquelle j'ai été invité.

 

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journal de bord, mercredi 29 juin 2011

Presque dix heures ... du matin.

 

Il fait gris sur Rocroi. Mais il ne pleut plus. Y a des gars, en tea shirt sans manche (comme moi), sur le trottoir.

 

Je boîte légèr'ment du pied gauche. Les cloches vont toujours bon train. Je fil'rai à la pharmacie avant de démarrer.

 

Mais je prends le temps. Je regarde le p'tit chien de l'hôtel, sag'ment assis sur un appui de fenêtre. La famille anglaise, qui avait mangé dans le même périmètre que moi, hier, s'en est allée. Une grande télé rectangulaire diffuse "Vingt mille lieues sous les mers"

 

Je ne démarrerai pas avant quatorze heures.

 

A Rocroi, sur les lieux des fortifications, on y trouve : Ecuries du Gouverneur, Demi-Lune des Ecossais, Esplanade Vauban, Bastion de Montmorency ...

Moi qui croyais que ces lieux avaient un rapport avec la guerre de 14 (ou de 40) ...

Eh non, ces fortifications datent, pour la plupart, du dix-septième siècle.

On y trouve, aussi, à proximité, le Musée de la Bataille de Rocroi et de la Guerre de Trente Ans.

 

Le plateau, ai-je appris, est de 300 mètres environ.

 

Un marché a lieu tous les mardis matin. Je le sais pour la prochaine fois.

D'ici quinze jours, démarrent, à nouveau, pour moi, quatre semaines de congé.

Je compte rev'nir ici, à Rocroi, et m'enfoncer ensuite, à petits pas, sur le sol français : Signy-l'Abbaye, Reims, Vitry-le-François, Brienne, AUxerre, Clamecy, Vézelay ...

Sur le marché, un mardi, ici, à Rocroi, rien ne m'empêche de sortir ma guitare et de chanter.

 

Et si, rentré à la maison, je lançais une annonce, sur "facebook", où j'annonc'rais clair'ment mon périple, où je dirais clair'ment que ... je suis disponible si l'un ou l'autre désire, dans un coin où j'atterris, entendre de la chanson française ...

 

Et si ...

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journal de bord, mercredi 29 juin 2011

Presque dix heures ... du matin.

 

Il fait gris sur Rocroi. Mais il ne pleut plus. Y a des gars, en tea shirt sans manche (comme moi), sur le trottoir.

 

Je boîte légèr'ment du pied gauche. Les cloches vont toujours bon train. Je fil'rai à la pharmacie avant de démarrer.

 

Mais je prends le temps. Je regarde le p'tit chien de l'hôtel, sag'ment assis sur un appui de fenêtre. La famille anglaise, qui avait mangé dans le même périmètre que moi, hier, s'en est allée. Une grande télé rectangulaire diffuse "Vingt mille lieues sous les mers"

 

Je ne démarrerai pas avant quatorze heures.

 

A Rocroi, sur les lieux des fortifications, on y trouve : Ecuries du Gouverneur, Demi-Lune des Ecossais, Esplanade Vauban, Bastion de Montmorency ...

Moi qui croyais que ces lieux avaient un rapport avec la guerre de 14 (ou de 40) ...

Eh non, ces fortifications datent, pour la plupart, du dix-septième siècle.

On y trouve, aussi, à proximité, le Musée de la Bataille de Rocroi et de la Guerre de Trente Ans.

 

Le plateau, ai-je appris, est de 300 mètres environ.

 

Un marché a lieu tous les mardis matin. Je le sais pour la prochaine fois.

D'ici quinze jours, démarrent, à nouveau, pour moi, quatre semaines de congé.

Je compte rev'nir ici, à Rocroi, et m'enfoncer ensuite, à petits pas, sur le sol français : Signy-l'Abbaye, Reims, Vitry-le-François, Brienne, AUxerre, Clamecy, Vézelay ...

Sur le marché, un mardi, ici, à Rocroi, rien ne m'empêche de sortir ma guitare et de chanter.

 

Et si, rentré à la maison, je lançais une annonce, sur "facebook", où j'annonc'rais clair'ment mon périple, où je dirais clair'ment que ... je suis disponible si l'un ou l'autre désire, dans un coin où j'atterris, entendre de la chanson française ...

 

Et si ...

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journal de bord, mardi 28 juin 2011 (3)

Rocroi, le soir, par temps d'orage, ça ne manque pas de charme.

 

Les lampes oranges s'accrochent aux façades de maison.

 

Le tonnerre s'accroche. Le clocher de l'église, en face, aussi.

 

Et si la jeune serveuse blonde de l'hôtel, en bas, au rez de chaussée, qui fait les cent pas, m'inspirait une chanson !

 

Il fait chaud dans la chambre. Le contraire m'eût étonné. On m'a donné, en bas, une télécommande pour le mini poste de télé, dans la chambre où je dormirai deux nuits consécutives. Une fois de plus, quand j'essaie de faire fonctionner l'appareil, j'ai pas de chance. Ah, j'ai une baignoire dans la pièce à côté !

 

Cette ville m'a plu. J'ai eu envie de m'y poser, un peu plus que le temps d'une escale. Marcher, j'aime, oui. Mais ... m'arrêter, flâner en chemin, aussi.

 

Rocroi, c'est la ville en étoile. Avec des fortifications autour du centre. J'ai essayé, déjà, de me rendre sur les lieux, mais la pluie qui s'agite m'a fait changer d'avis. Demain, je retourne sur ces lieux symboliques qui me font penser, par moments, aux dunes sur la côte belge.

 

Je ne peux dire si le guide qui me renseigne le cours de la marche manque de justesse ou de précision. Mais ... en le suivant, une case m'a encore manqué.

Il était écrit, texto : "continuer par la rue au Bois jusqu'au château d'eau d'Hiraumont ... prendre la DI à droite et franchir la rocade autoroutière ... à la N51, aller en direction du Centre Ville ... au rond-point, suivre la rue A.Maine à droite et entrer dans Rocroi par la porte de Bourgogne (musée de la bataille de Rocroi)"

J'ai bien repéré le château d'eau d'Hiraumont. J'ai, ensuite, pris à droite plutôt qu'à gauche (je me suis dit : en repérant le ch'min, à gauche, je sais où on doit rev'nir pour continuer, demain). J'ai franchi un pont au dessus de l'autoroute. Je suis arrivé à un rond-point. J'ai regardé les panneaux ; j'ai bien vu, sur un de ceux de droite, la mention "ROCROI-centre". J'ai suivi. Final'ment, je tombe sur un panneau, sur la route, m'indiquant ... la fin de la commune de Rocroi.

Je reviens sur mes pas.

Je reviens sur le rond-point.

Je regarde une nouvelle fois les panneaux directionnels. En effet, y en avait un, dans la direction que j'avais prise ... mais il était prévu pour les camions. Dans l'autre sens, y en a une qui m'indique aussi ... le centre de Rocroi.

Ca va, j'ai fini par arriver.

Quand à la fameuse "rue A.-MAine", elle reste ... une énigme.

 

Tiens ! A Rocroi, on mange de la tarte aux fromages. On y met du lard dedans, apparemment. Elle est ... délicieuse. Sa préparation est différente de sa soeur jumelle, qui a son succès, en Belgique, dans la région de Wavre.

Tiens ! De l'autre côté de la place, presque face à l'hôtel où je loge, une halle abrite les flaques d'eau ... et plus d'un prom'neur.

Tiens ! Des Anglais sont de passage.

Tiens ! Des clients, qui prennent leur repas en même temps que moi, râlent contre les bières traitées industriell'ment.

Tiens ! Dans la région, les relais prévus pour les pélerins de Saint-Jacques ne manquent pas.

 

Demain, je compte me rendre à Bourg-Fidèle, l'étape suivante. Ca me vaudra juste ... six kilomètres. En f'sant le ch'min en sens inverse, j'arriv'rai à douze. OK.

J'aurai toute la matinée pour capter la température de la ville.

 

Tiens ! J'ai rêvé, la nuit dernière, que je pendais du linge, sur une hauteur qui me vaudrait la mort si je tombais, avec un collègue néerlandophone, qui me répondait en français.

 

Tiens ! Mes deux cloches aux pieds ne vont pas en s'améliorant.

 

Tiens ! La sangle de ma guitare se porte à merveille.

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journal de bord, mardi 28 juin 2011 (2)

Treize heures quarante.

 

Tiens ! En me remettant en route, depuis Oignies, j'ai reconnu, en sens inverse, un pan de la route que j'avais découvert, y a quinze jours, quand j'étais passé.

Tiens ! Le grand bâtiment, en pierres grises, sur la gauche, juste avant la rue de Rocroi (qui monte et que j'ai du emprunter), n'est-ce pas une ancienne gare ?

Tiens ! Les deux bistro du village étaient fermés, ce matin. Comme la dernière fois que j'étais passé à Oignies.

Tiens ! L'ombre de Monsieur Périquet, ex bourgmestre (sa maison est conservée), se fait toujours sentir.

Tiens ! Les bus se font toujours aussi rares.

Tiens ! Y avait un atelier de pot'rie, sur la route.

Tiens ! Je ne suis pas retombé sur le gamin qui s'amusait derrière une grille, y a quinze jours.

Tiens ! Qu'est dev'nue la demoiselle en chaise roulante, qui habitait à côté du "Courthéoux", à deux pas de l'église ?

 

Y a quinze jours, quand j'avais débarqué sur Oignies, je n'avais pu m'empêcher de faire un crochet par Le Mesnil, le village voisin.

Cette fois, je ne l'ai pas senti. Pas question de détour. Feeling ?

 

Et dans la forêt, sur le chemin ...

 

J'ai vu des pneus rassemblés.

 

Une première embûche. Classique. Gérable. Mais ... embûche, quand même :

Sur le chemin que je suis sensé suivre ...

Voilà, soudain, deux sentiers filant dans deux directions différentes : l'un continue tout droit, l'autre va vers la droite.

Entre les deux, un arbre.

Clouée sur l'arbre, une balise de Compostelle indique, grâce à la flèche jaune, la direction qu'il faut suivre.

Clouée sur l'arbre, la flèche jaune de la balise de Compostelle indique : tout droit.

Mmm. Y a pas de sentier juste derrière l'arbre. Reste(nt) deux solutions : poursuivre le "tout droit" originel (légèr'ment vers la gauche de l'arbre) ou essayer celui à droite. Ils auraient quand même pu être plus clairs, les poseurs de balises. Ils auraient pu veiller à diriger la flèche, soit à gauche, soit à droite. A moins que leur démarche soit voulue, pour que le pélerin se décarcasse un minimum pour trouver (ça ne m'étonn'rait pas).

Premier essai : le chemin vers la droite. Faut dire : on y aperçoit, sur deux troncs d'arbre, des traces de marquage (en rouge et blanc) de chemins de grande randonnée (qui suivent systématiqu'ment ceux de Saint-Jacques). Marchons, marchons.

Et je finis par tomber sur ... un cul de sac.

Et je réintègre le point de départ.

Essayons le "tout droit originel", la suite logique du sentier que j'avais pris dès l'départ. Faut dire : les traces de marquage, en rouge et blanc, digne des sentiers de GR, sur les arbres du chemin de droite emprunté à tort, étaient presque effacées. Faut décoder. Et voilà que ... je poursuis sur l'autre route. Je marche, je marche. A nouveau : point de balise. Et pourtant, les piquets, les clôtures, à gauche et à droite, protégeant les prés et les vaches, ne manquent pas. Un pas, encore un pas, encore un pas. Toujours pas de balises.

Je doute. Je retourne (encore) au point de départ. Et je reprends le début du premier sentier. Mais, en tournant un peu plus loin, je repère une nouvelle espèce de sentier. Et d'autres traces de balises, vertes et bleues cette fois (je ne sais à quoi elles se rapportent, j'en ai déjà vu quelques-unes) ... que je suis. Et le sentier finit par se refermer sur lui-même. Je n'y vois plus ... que de l'herbe, que de l'herbe.

Perdu pour perdu ...

Je décide de reprendre, encore, le "tout originel", celui où y a des clôtures (sans balises). De toute façon, même si je me trompe, j'arriv'rai bien quelque part.

Cinq cents mètres.

Un nouveau carr'four de sentiers (y en a ... deux).

Et là, j'aperçois ... une balise de Compostelle. J'en suis à moitié étonné. Mais je râle sec. Les poseurs de balises auraient franch'ment pu en placer sur une ou deux clôtures, entre temps. Certains poseurs de balises bossent franch'ment à l'économie.

 

Et la route est champêtre.

 

Je franchis le hameau de Censes Séverin. Quelques maisons. Je suis étonné d'y voir des plaques de voitures belges (mon GSM m'a indiqué, peu de temps avant, que je me trouvais sur le réseau français).

Je franchis le hameau de ... Moulin-Manteau. Tiens, nous sommes encore en Belgique. COntrair'ment à ce que j'avais imaginé.

Sur la gauche, la frontière. Le macadam sur la route en est témoin.

Et ... une route en ligne droite. Qui n'en finit pas. Qui est pleine de trous. Qu'il faut poursuivre. J'imagine le Sahara. J'imagine les chameaux marchant indéfiniment. Mes mirages, mes hallucinations carburent. Mes premières cloches aux pieds, aussi.

 

Encore une route de cinq kilomètres avant d'atteindre le point suivant : Hiraumont.

Non, je dois prendre un break. D'au moins ... une heure ou deux.

Faut que je trouve un endroit pour boire.

 

Je regarde à droite. Je reconnais une ancienne douane.

 Faut dire : je marche, en territoire français, dans le village de Gué d'Hossus.

 On y est souvent passés, en voiture, quand j'étais p'tit.

A cette ancienne douane, je revis un souv'nir. D'enfance. Un jour où j'avais été un peu remuant, mes parents, au moment de franchir le poste frontière, avaient trouvé (avec la complicité de ma bonne maman) un moyen de me neutraliser : signaler à l'agent des douanes que j'étais méchant. Jusqu'où va-t-on, parfois, pour faire peur aux enfants ? L'agent des douanes (un ... pas rigolo, comme par hasard) avait embrayé dans le sens de mes parents. En me disant : "attention, y a déjà un p'tit garçon ici !". J'avais regardé vers le bureau. J'y avais effectiv'ment r'péré un gamin de mon âge.

 

Revenons au présent.

 

Près de la douane (construite en 1960), j'ai repéré deux établiss'ments.

J'ai été très bien accueilli dans celui où je suis entré.

La dame du lieu m'a carrément tendu le plateau, avec des sandwichs, au jambon et au fromage.

Je m'y trouve toujours, dans cette escale bénie ... où deux routards de la région liégeoise refaisaient le monde, sur une table, au loin, y a ... une demi-heure.

 

Il est treize heures.

Je me donne encore au moins "une heure" avant de continuer.

Les pélerins de Compostelle peuvent rire de mon manque de vitesse, je m'en fous. Tiens ! J'ai appris que certains d'entre eux se mariaient carrément à Saint-Jacques.

 

Treize heures trente.

 

Mon GSM a sonné. Comme hier, à la même heure. C'était un "numéro privé". J'ai bien pris soin de ne pas répondre. Comme par hasard, la personne (qui tentait de m'app'ler) n'a laissé aucun message écrit, aucun message vocal.

Et si on m'app'lait ... du boulot, pour me dire que je dois reprendre du service, parce que mon 4/5ème n'est plus valable ...

Et si c'étaient les gérants de l'immobilière qui gère mon immeuble, pour me dire (comme ils l'ont déjà dit, hier) qu'il faut à tout prix entrer dans mon flat, parce que les tuyaux du voisin sont pourris et que ça se répercute chez moi ...

Et si c'était ... Geneviève ...

Et si c'était une erreur d'appel ...

Et si c'était une offre commerciale ...

Et si c'était ...

J'envisage tout. Même si ça ne tient pas la route. S'il y avait urgence, on me l'aurait communiqué verbal'ment.

 

Des camions stationnent.

 

Y a un p'tit coin, à trois kilomètres, qui s'appelle ... Petite-Chapelle.

 

Treize heures trente, quatorze heures, quatorze heures trente.

 

D'ici vingt minutes, je reprends la route.

D'ici vingt minutes, je reprends le large.

 

 

 

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