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Le peintre TYTGAT et mon grand oncle


TYTGAT ET MON GRAND ONCLE


La curiosité est le plus beau cadeau que les fées penchées sur notre berceau puissent nous offrir, elle est une source intarissable de plaisirs et de découvertes.


J'ai trouvé dernièrement au marché aux puces un livre sur le peintre Tydgat. A ma grande surprise, je constate que l'auteur n'est autre que mon grand oncle, Jozef Muls.


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Et les souvenirs d’enfance d’affluer.

L’oncle Jozef, le seul de la famille lié au monde de l’art, qui racontait à la petite fille que j’étais, toujours en train de griffonner, les moments agréables qu’il passait chez Tytgat.

L’oncle Jozef, qui possédait une extraordinaire collection d’oeuvres d’art et de livres précieux dont il fit don à l’université de Louvain où il enseignait.

L’oncle Jozef qui s’était aménagé dans les combles de sa maison de Kapellenbos un extraordinaire espace de travail où l’on accédait par un escalier qui tenait plus de l’échelle et qui comme il me le confiait en souriant dans sa barbe, interdisait “aux femmes” l’accès à son sanctuaire.

Les femmes, c’étaient sa sœur, vieille fille grasse et bigote et une naine turque sauvée de la débâcle d’un orphelinat d’Istambul après la seconde guerre mondiale.

L’oncle Jozef qui probablement gardait aussi dans son grenier l’enfer de sa bibliothèque.

Mais je m’égare...


J’ouvre le livre de Tytgat et, seconde surprise, il est dédicacé par Tytgat à l’éditeur. Je ne suis pas bibliophile, ce qui m'importe est le contenu d'un livre, mais ce petit plus me ravit.


Et puis, l’année de l’édition,1943, les reproductions en couleurs et l’emploi d’un papier luxueux par ces temps de guerre où le papier était une denrée rare, peut étonner mais il s’explique par le fait que l’Oncle Jozef était directeur des Beaux Arts de Bruxelles, sa fonction lui permettant d’obtenir certains avantages dont il fit profiter des artistes aussi bien flamands que francophones. Il était lui-même parfait bilingue.


Un troisième plaisir c’est bien sûr la lecture du texte. J’y découvre à la fois le peintre que je connaissais mal et l’extraordinaire sensibilité de l’oncle Jozef en matière d’art.


Parfois il me semble que les générations loin de se succéder, se croisent et s’interpénètrent.

Merci monsieur Gutenberg.


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arme blanche ou larmes noires

Dans tous les cas le même constat, ce sentiment d'impuissance qui va finir par avoir raison de notre raison.

Par encore tout à fait prêt pour un cynisme à toute épreuve, je me fais mal..

Et faut-il mourir ou pourrir en prison pour une idée un idéal..?

Allons Gegout, concentre toi sur ta carrière nom de dieu..! et fais pas chier avec tes états d'âmes.

larme noire acry et marouflage sur toile 46 x38
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Et pour que la pluie cesse de tomber on prend toutes les couleurs et on les jette par la fenêtre de l'atelier , celles qui passent entre les gouttes ont gagné un séjour dans le Sahel.

Flo après sa crise de jalousie 150 x120 acry et marouflage sur toile

flo après la crse de jalousie

Cette bruine alourdit mon coeur et nos prairies si riches en fleur..


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ADMINISTRATEUR GENERAL

« Du Clair - obscur aux Couleurs de la vie »

Artistes : Monique Jansen (photographies), Chanon (peintures), Kristeen Van Ryswyck (peintures) et Sophie Raine (sculptures).

Vernissage le : 09/06/2010 de 18 h 30 à 21 h 30.

Exposition du 09/06 au 27/06/2010.

« Salon d’ensemble des artistes de la galerie »

Artistes : Une quarantaine d’artistes de la galerie (peintures, sculptures, céramiques, photographies,…) présentent leurs œuvres.

Vernissage le 30/06/2010 de 18 h 30 à 21 h 30.

Exposition du 30/06 au 31/07/2010.

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ADMINISTRATEUR GENERAL

Du Clair-obscur aux Couleurs de la vie

L’Espace Art Gallery a le plaisir de vous présenter du 09/06/2010 au 27/06/2010 l’exposition « Du Clair-obscur aux Couleurs de la vie ». Le VERNISSAGE a lieu le 09/06 de 18 h 30 à 21 h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11 h 30 à 18 h 30.

Monique Jansen (Be)

Monique Jansen a délibérément sélectionné un nombre limité de photos en vue d’obtenir un impact maximum.

Ce que l'observateur constatera c’est, l'interaction entre la lumière et l'ombre, les zones sombres dans les images. Elle demande donc au visiteur plus qu'un regard oblique sur les images, mais de poser des questions, faire réfléchir le spectateur. Cette omission délibérée de certains éléments crée une atmosphère mystérieuse.

La plupart des photos ont été prises lors de ses voyages en Asie, y compris des destinations telles que l'Inde, le Tibet, le Myanmar (anciennement Birmanie). Monique Jansen n'a pas seulement une fascination pour la culture de ces régions où elle a vécu des contacts chaleureux avec les populations locales. C'est aussi la principale force qui émane de ses tableaux: une histoire derrière chaque image.

Elle participe à de nombreux projets, comme par exemple une collaboration avec Globereports.be et la coopération pour un livre pour enfants. Malcolm Arnold, un artiste australien qui vit au Bangladesh est l'inspirateur de ce livre.

Chanon Lauffer (Nl)

Chanon est une autodidacte. Elle est née et a grandi à Amsterdam, le 1er avril 1979.

C’est une peinture du cœur, une artiste expressive. Ce que son cœur lui dit se reflète dans sa vision de la vie et son identité.

Elle crée un art personnel, sans règles ni restrictions. Chanon veut s’émanciper de toutes les restrictions techniques et créer un espace pour le sentiment. Son travail puise son inspiration dans sa propre vie.

Au cours des 6 dernières années Chanon a raconté son histoire, principalement en utilisant l'acrylique, sur différents supports : carton, papier, résine acrylique, papier de couleur à l'eau, etc…

Kristeen Van Ryswyck (Fr)

« Quelques mots sur mon œuvre . . . .

Je peins les couleurs de mon âme avec mon tempérament, mes émois, mes ressentis, ma passion ...

Je tiens à captiver votre regard afin que vous puissiez me rejoindre dans mon univers fait d'ambiances poétiques, énigmatiques, surprenantes, curieuses, troublantes...

Univers imprégné de passion, de vie, d'amour, de joie, d'énergie, de rires, de soleil, de lumières...

Je vous ouvre la porte de l'irréel afin que votre sensibilité puisse y enfanter les plus belles histoires, les plus beaux voyages de votre imagination ...

Que vous ressentiez par mes harmonies colorées, mieux que par des mots, les émotions, les sens, les perceptions, les troubles, les réactions, les émois qui me sont propres...

Je vous ouvre la porte de voyages ensorcelants au plus profond de votre âme...

Laissez-vous guider, oubliez les mots "comprendre" et "expliquer"...

Simplement, laissez-vous imprégner, y être sensible, réceptif, perméable ...

Si ces œuvres vous parlent, vous touchent, vous troublent, vous captivent et vous attirent....

Alors laissez votre âme s'imprégner...

Laissez-vous porter...

Rejoignez-moi dans mon imaginaire... »

Sophie Raine (Fr)

« Je désire créer des figures humaines qui dansent et vous entrainent, communiquer ma joie de vivre en saisissant, l'espace d'un instant, l' « arrêt-sur-image » du mouvement. Je découpe, tords, polis, soude l'acier inox à mon rêve d'éternité ».

Ses dernières expositions :

2005

Exposition personnelle - Bouchemaine -Angers (France)

Exposition « L'Art du Trot » Vincennes – Paris

Foire de Paris – (France)

Art Fair International - Shanghai – (Chine)

Exposition Art Libre - Toit de la Grande Arche- Paris (France)

2006

Exposition « La Galerie » - Tourgeville (France)

Exposition « Art Cité » - Paris (France)

La Sculpture en Liberté- Roquebrune/Argens – (France)

Exposition personnelle Abbaye de Bouchemaine – Angers (France)

2009

« La Galerie » - Tourgeville (France)

Exposition de sculptures – Cogolin – (France)

L'art Abordable – Paris (France)

2ème prix du Concours « Art monumental » château d'Aine (France)

Art Shopping – Carré du Louvres – Paris (France)

GMAC – Paris (France)

Galerie Référence – New-York (USA)

Réalisation de Trophées

Pour « l'Art en Direct « pour :

Danone, Peugeot, Renault, BNP, Spie Batignolles, Total, Skoda, BMS SNAAM, Capital Image......

A voir donc du 09/06/2010 au 27/06/2010 au 35 rue Lesbroussart à 1050 Ixelles.


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Les Poèmes saturniens constituent le premier recueil publié par Verlaine, qui avait tout d'abord songé à l'intituler Poèmes et Sonnets. Les traits dominants de l'esthétique verlainienne - qui culminera dans les Romances sans paroles avant le retour, avec Sagesse, à des formes poétiques plus conventionnelles - y sont déjà très affirmés.

Après un poème liminaire qui explique le titre, le recueil s'ouvre sur un long "Prologue" en alexandrins consacré au poète, à la permanence de son art et au caractère sacré de sa mission: "Le Poëte, l'amour du Beau, voilà sa foi, / L'Azur son étendard, et l'Idéal, sa loi!" Vient ensuite une première partie, intitulée "Melancholia", que Verlaine avait sans doute songé un moment à isoler pour la publier en plaquette. Elle comporte huit poèmes, dont sept sont des sonnets et figurent parmi les textes les plus fameux du poète, notamment "Nevermore", "Après trois ans", "Lassitude" et "Mon rêve familier". La deuxième section, "Eaux-fortes", comprend cinq poèmes aux formes variées, certains, comme "Cauchemar" (II) et "Marine" (III), mêlant divers types de mètres, souvent impairs, conformément à "l'Art poétique" que le poète énoncera plus tard (voir Jadis et Naguère). La troisième partie, intitulée "Paysages tristes" et formée de sept poèmes, privilégie, ainsi qu'en témoignent certains titres, les moments de déclin: celui du jour avec "Soleils couchants" (I), "Crépuscule du soir mystique" (II), "l'Heure du berger" (VI); ou bien celui de l'année avec "Chanson d'automne" (V). La quatrième section, "Caprice", contient cinq poèmes, dont le ton humoristique va de la badinerie galante ("Femme et Chatte", I) à la satire ("Jésuitisme", II, "Monsieur Prudhomme", V). Vient ensuite une série de douze poèmes dépourvus d'un titre commun et non numérotés, de formes et d'inspirations diverses, généralement en alexandrins. Le recueil se clôt sur un "Épilogue", constitué de trois poèmes, dans lequel Verlaine dévoile sa conception de la création poétique.

Le poème liminaire définit en ces termes l'"influence maligne" qui préside à la destinée du poète: "Or ceux-là qui sont nés sous le signe SATURNE, / Fauve planète, chère aux nécromanciens, / Ont entre tous, d'après les grimoires anciens, / Bonne part de malheurs et bonne part de bile. / L'Imagination, inquiète et débile, / Vient rendre nul en eux l'effort de la Raison." Rien de romantique, toutefois, dans cette fatalité. Verlaine souligne avec ironie la distance qui le sépare par exemple d'un Lamartine ("Épilogue", III), et semble plutôt en accord avec l'esthétique parnassienne: "Ce qu'il nous faut à nous, les Suprêmes Poëtes / [...] A nous qui ciselons les mots comme des coupes / Et qui faisons des vers émus très froidement, / [...] C'est l'Obstination et c'est la Volonté!" (ibid.). L'ironie latente de certains vers invite toutefois à considérer avec circonspection une telle allégeance. En réalité, cette poésie ne ressemble à aucune autre et, en dépit du caractère composite du recueil et de la facture encore conventionnelle de certains poèmes, les Poèmes saturniens témoignent de l'originalité et de la modernité de la voix verlainienne.

Cette voix, le poète la caractérise lui-même dans "Sérénade": "Ma voix aigre et fausse." Privilégiant le déhanchement et la rupture, le vers se modèle au rythme des sons plus qu'il ne se plie à la logique du sens et engendre ainsi des harmonies inhabituelles, de surprenants effets de claudication syntaxique. C'est sans doute "Chanson d'automne" ("Paysages tristes", V) qui va le plus loin dans cette voie. Assonances et allitérations se mêlent pour engendrer un flux lancinant et grinçant à la fois. La brièveté des vers scinde la lecture, de multiples pauses retardant l'avènement du sens et laissant le poème dans un constant suspens: "Les sanglots longs / Des violons / De l'automne / Blessent mon coeur / D'une langueur / Monotone." L'angoisse, jamais nommée mais manifestée à travers diverses expressions - "Tout suffocant", "Je pleure" - est ainsi d'autant plus efficacement communiquée.

Univers de la sensation, de l'impression et du rêve, les Poèmes saturniens procèdent par touches successives plutôt qu'ils n'obéissent à une continuité narrative ou à une logique descriptive, à l'exception de quelques pièces telles que "Nocturne parisien", "Marco", "César Borgia" ou "la Mort de Philippe II". Ainsi, dans "Après trois ans" ("Melancholia", III), le paysage d'un jardin se constitue peu à peu mais demeure morcelé, formé d'éléments autonomes que le poème se borne à mettre côte à côte: une "humble tonnelle", un "jet d'eau", un "vieux tremble", des "roses", de "grands lys", des "alouettes", une "Velléda". Aucune vision totalisante n'organise l'espace, de même que le texte, refusant l'anecdote et l'expansion sentimentale, demeure muet sur les motivations de cette promenade et l'émotion qu'elle suscite. La nostalgie, l'oeuvre destructrice du temps sont au coeur du poème mais suggérées seulement, dessinées en filigrane à travers le spectacle de l'immuabilité de la nature et grâce à de brèves notations temporelles - "Après trois ans", "Comme avant" - ou à de simples préfixes itératifs - "J'ai tout revu", "J'ai retrouvé".

L'un des traits dominants du "signe SATURNE" réside sans doute dans cette perception aiguë et inquiète de la fuite du temps. Les Poèmes saturniens se plaisent à évoquer le passé qui ne reviendra plus - des titres tels que "Melancholia" ou "Nevermore" (ce dernier est utilisé deux fois) sont éloquents à cet égard -, ou à traquer la fugacité du présent: "Et fais-moi des serments que tu rompras demain, / Et pleurons jusqu'au jour, ô petite fougueuse!" ("Lassitude", "Melancholia", V). La femme rêvée est moins promise que d'emblée vouée à la mort dont elle procède et dont elle ne parvient pas véritablement à s'extraire: "Son regard est pareil à celui des statues, / Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a / L'inflexion des voix chères qui se sont tues" ("Mon rêve familier", "Melancholia", VI).

Les Poèmes saturniens sont peuplés de souvenirs et de spectres. De discrets mouvements s'y esquissent, presque toujours sous l'image du roulis, d'un balancement typique de l'hésitation et de l'indécision saturniennes: "Balancés par un vent automnal et berceur, / Les rosiers du jardin s'inclinent en cadence" ("Épilogue", I). Les teintes sont estompées, ainsi que l'atteste la récurrence d'adjectifs tels que "blême", "blafard" ou "morne". La mort envahit le texte poétique et la détresse - "Mon âme pour d'affreux naufrages appareille" ("l'Angoisse", "Eaux-fortes", VIII) - se dit à travers l'évanescence et la déliquescence des choses: toute présence est saisie dans sa précaire ténuité et porte l'angoisse d'une disparition.

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Le plein est le comble du vide..

"Le plein est le comble du vide" sanspitre-se-prom-ne.jpg

Le sans-pitre se promène dans la vieille ville de Genèèèèève

photo de Layla Gegout

Une de mes phrases que j'aime, empreinte d'une grande vérité, alliée à une profondeur d'analyse, cette réflexion en dit long sur l'étendue du sujet..

De retour d'une visite de galerie à Genève , le trafic et les travaux dans cette ville m'ont confirmé dans cette absurdité. Une visite vite fait à la galerie Fallet qui expose encore pour qqs jours les peintures de sud-Américain

Francisco SEPULVEDA. (prix azart 2009)

Cette galerie et le peintre actuellement présent méritent le voyage, malgré le bordel pour circuler en ville.. Prenez le vélo nom de dieu..!

Et n'écrasez pas les pelleteuses..!

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La mémoire du corps

Un commentaire d'une amie m'a inspiré, je vous le livre:

Elle semble paisible, plongée dans un bonheur primaire, celui de l'animal.
Elle ne semble pas se poser de questions.

Il est tellement bon de traîner au lit, nue, dans des draps froissés.
Il est tellement bon de promener sa main sur les draps blancs pour sentir leur douceur.
Il est tellement bon de s'entortiller dans ces mêmes draps et de sortir juste un pied pour sentir la fraîcheur.

En voyant ce corps nu de femme, j'ai pensé à la mémoire du corps.
Lorsque l'on est amoureux de quelqu'un et que l'on fait l'amour pour la première fois, les sens n'ont aucun repère.
Ils ne connaissent pas encore les contours du corps de l'autre, ni son odeur, ni son goût, ni son gémissement.
Cela peut être très perturbant.
Et puis, petit à petit, les sens acceptent l'autre et ce qui les gênait s'efface.

Imaginez que l'autre disparaisse, séparation, puis revienne.
Eh bien, les sens n'ont rien oublié de l'autre.
C'est la mémoire du corps.


Anne-Marie Cerciello

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Les hommages de Norge, Marie Gevers, Robert Guiette, Jean Cocteau et Paul Neuhuys

Hommage de Norge

Elskamp de bois

« J’ai triste d’une ville en bois,
J’ai mal à mes sabots de bois »
(Max Elskamp)


Le petit bonhomme de bois
Dans sa chair taille un poème
Et sa chair est aux abois,
Cet arbre doux, ce bon chêne,
Ce lisse pommier, donneur
De rondes pommes amènes
Est une pulpe souffrante.
Ah, le bois taillé de main
Ferme saigne quand il chante !
Une sève de carmin
Colore toute l’image
Où le monde est engravé.
Et le savent à douleur
Ceux de dur et franc lignage,
Sans Pater et sans Ave,
Que rouge est couleur du cœur.
Et lors, grands âges qui vibrent :
Un petit homme benoît
Pénètre d’amour pour toi,
Pour moi,
Tant la rime que la fibre.
O petit homme de bois
De foi,
O petit homme de croix
De bois.

Norge (1962)


Hommage de Marie Gevers :

Max Elskamp
Naissance : 5 mai 1862. Mort : 10 décembre 1931 .
Centenaire : 5 Mai 1962.


Le jour de la naissance.

Max Elskamp pensait-il au jour de son centenaire en publiant l’un de ses principaux recueils de poèmes : « Enluminures » ? Il n’avait alors que trente-six ans… Les premiers vers sont émouvants à citer aujourd’hui :

Ici, c’est un vieil homme de cent ans
Qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :
Souvenez-vous en, souvenez-vous en,
En ouvrant son cœur de ses doigts tremblants.

Toujours, nous retrouverons son cœur dans ses poèmes à la fois tendres, discrets, intenses, réservés, douloureux et d’une valeur poétique et littéraire absolue.
S’il parle de ses cent ans dès 1898, i chantera sa naissance bien plus tard, en 1922, déjà touché alors par la maladie qui devait peu à peu l’étreindre, puis l’éteindre. Néanmoins, dans « La Chanson de la Rue Saint-Paul », il s’écrie qu’il est né à la marée haute, sur le ton joyeux dont on dirait : « Je suis né coiffé ! »

C’est ta rue Saint-Paul
Celle où tu es né
Un matin de mai
A la marée haute !

Pour pouvoir évoquer avec précision, aujourd’hui, en souvenir du poète, son jour de naissance, je me suis adressée au savant météorologue « Star », qui a bien voulu me donner les indications nécessaires :
La marée haute natale de Max Elskamp, le 5 mai 1862, eut lieu à 8.06h. Les gens qui n’ont jamais vécu au bord d’un fleuve soumis à la marée ignorent ce que signifient ces mots « Marée haute ! ». Certes, il y a de l’inquiétude, les jours de gros temps où la poussée de l’eau menace, mais que d’allégresse par les jours ensoleillés d’azur !. Le ciel se berce largement à fleur des rives, le clapotis anime les pierres des quais et une activité règne au port. A la marée haute, les sirènes mugissent ou sifflent, car les bateaux chargés se confient au courant qui les entraînera vers l’estuaire, tandis que les navires amenés par le flot attachent les amarres et jettent l’ancre.
Or, en 1862, le mois de mai fut l’un des plus beaux du siècle et, les 5 et 6 mai, les plus chauds du mois. Toute l’œuvre du poète sera sillonnée de navires, de matelots, de nostalgie maritime, et soulevée par le désir de la mer.
M. Louis, Jean, François Elskamp, propriétaire d’un brick nommé l’Ortélius et d’un trois-mâts carré baptisé « Le Louis », fut le père de Max et l’un des notables de la rue Saint-Paul. Nous aimons à croire que l’un de ses deux vaisseaux, quittant le quai, vogua vers sa destination maritime au moment om l’enfant commençait son voyage sur l’océan des jours.
Le voisinage apprit vite que la jeune dame Elskamp venait de mettre au monde un fils, mais nul ne se doutait que l’enfant serait poète. Cependant, Elskamp lui-même pensait que –peut-être- la poésie s’était emparée de lui dès avant sa naissance. Il nous suggère cette idée dans l’une de ses chansons :

Un pauvre homme est entré chez moi
Pour des chansons qu’il venait vendredi Comme Pâques chantait en Flandre
Et mille oiseaux doux à entendre,
Un pauvre homme a chanté chez moi.

Si humblement, que c’était moi
Pour les refrains et les paroles
A tous et toutes bénévoles,
Si humblement que c’était moi,
Selon mon cœur, comme ma foi.

Ainsi Elskamp s’identifiait-il à l’Homme aux Chansons, venu dès Pâques, célébré le 20 Avril de celle année-là. Son poème « A ma mère » confirme qu’il croit devoir sa plus intime sensibilité et ses dons poétiques à l’amour de sa mère :

O Claire, Suzanne, Adolphine,
Ma mère qui m’étiez divine

Comme les Maries et qu’enfant,
J’adorais dès le matin blanc…


C’est ta rue Saint-Paul
Blanche comme un pôle…

Le soleil reluisait à toutes les façades repeintes à neuf dès le début du printemps, comme il se devait dans une rue « Dévote, marchande –Trafiquante et gaie, Blanche de servantes- Dès le jour monté. » Cette rue, orientée du sud-est au nord-ouest, court droit sur le fleuve. Les matinées y sont donc triomphantes de lumière et nous devinons ce que fut le premier baiser de la jeune mère à son nouveau-né, en ce beau matin clair :

« O ma mère, avec vos yeux bleus,
Que je regardais comme cieux,
Penchés sur moi tout de tendresse… »

Le soleil monta, évoluant dans le plus merveilleux des azurs : celui du printemps, près d’une grande eau mouvante.
Ce jour-là, le vent venait du côté du fleuve. Il entrait librement et caressait d’une souple haleine les maisons de la rue Saint-Paul. Elskamp s’est toujours souvenu de l’air que l’on y respirait, aux temps de son enfance :
« Maritime en tout – L’air qu’on y boit – Sent avec la mer – Le poisson sauré… »
Ensuite, le soleil fléchit en direction des polders de la rive d’en face. Les transbordeurs allaient, venaient, sans cesse, battant des aubes pour faire passer le fleuve aux gens qui, journée finie, rentraient au logis. La nouvelle marée monta. Elle fut haute à 20.15 h. Ramenait-elle au port l’Ortélius ou Le Louis ? Qui le dira ? Mais nous savons que la première nuit du poète se glissa doucement dans « sa rue bien-aimée ». Il dormait, dans son berceau fanfreluché, près de sa mère. « O ma mère, dans mon enfance, - J’étais en vous et vous en moi ».
Dans son recueil : « Dominical » Max Elskamp se présente « avec les enfants du dimanche ». Sans doute eût-il préféré naître « un dimanche à midi », comme Mélisande ? Mais c’était un lundi –jour de la lune- et la lune est bonne aux poètes. Celle du 5 mai 1862 (premier quartier le 6) ne se couchera qu’après minuit. Elle entrera du côté du fleuve, comme le vent et le parfum de l’eau, elle aura eu tout le temps de baigner de rêve la maison de la rue Saint-Paul. C’est à elle sans doute que Max Elskamp doit d’avoir connu l’illusion, Maya :

Maya, l’illusion,
Vous ai-je assez aimée ?


La lettre à Van Bever

L’influence de la rue Saint-Paul occupe vraiment toute l’œuvre de Max Elskamp. Il le sait. Il l’écrit dans une lettre très importante pour lui, puisqu’elle est destinée à préciser son travail et son inspiration en vue de la fameuse Anthologie de Van Bever et Léautaud.

(Date de la poste : 20 juin 1907)
« Je crois que j’ai été très influencé par ces choses qui datent de ma petite enfance. Après la vie m’a pris, plus neutre, me semble-t-il, et à part la pratique des métiers, et ce qui touche à l’âme traditionnelle du peuple, peu de choses ont réagi sur moi. »
Sa mère tant aimée n’a pu lui donner l’âme traditionnelle du peuple de la rue Saint_paul, car elle venait d’ailleurs :
O Claire, Suzanne Adolphine – O ma mère des Ecaussines, mais il lui doit la sensibilité nécessaire à l’avoir ressentie, comprise, assimilée. Il a pu en nourrir sa poésie, au point d’être parvenu à lui donner une langue différente de celle que lui offrait la rue Saint-Paul. Je crois d’ailleurs qu’une telle métamorphose fut favorable à la magie si particulière à l’œuvre de Max Elskamp.
L’âme traditionnelle du peuple, le poète ne peut l’avoir reçue que des servantes. A cette époque, et dans toute la bourgeoisie, les enfants étaient, presque totalement, élevés par les servantes. Elskamp s’en souvient : « Bonne nuit, les hommes, les femmes -bras en croix sur le cœur ou l’âme - et rêve aux doigts en bleu et blanc – les servantes près des enfants ».
Retrouver comptines, proverbes, locutions originaires de la rue Saint-Paul, dans les poèmes d’Elskamp formerait l’élément d’une étude bien intéressante. De la nourrice de Juliette aux servantes, qui scandaient pour Max Elskamp l’histoire d’Anna-la-lune, en passant par celles dont Chateaubriand nous donne le souvenir dans les « Mémoires d’Outre-tombe », que de vigueur, que de poésie leur ont dû nombre de grands écrivains !
Elskamp a reçu du petit peuple de son enfance le goût du folklore, et sa magnifique collection d’objets patiemment rassemblés forme le fonds du Musée d’Anvers. Sa naissance ensoleillée ? Nous aimons à supposer qu’elle soit au départ de sa passion pour les cadrans solaires… Et là, sa sensibilité l’y portant, il fit don, en souvenir de sa mère des Ecaussines, des merveilles qu’il avait rassemblées, au Musée de la Vie Wallonne, à Liège.

Le Calvaire:

« Notre maison, écrit-il encore à Van Bever, se trouvait pour ainsi dire enclavée dans l’église Saint-Paul, et mon enfance s’est passée sous les cloches, au milieu des corneilles et tout contre un horrifique calvaire en grès et cendrée. » On voudrait citer ici tout le poème consacré au Calvaire

Mon Dieu qui mourez à Saint_paul,
Un peu autrement que les autres…
Mon Dieu qui savez les étoiles
Qui fixent à chacun son lot…

Elskamp m’a écrit un jour : « Je crois aux étoiles ». Il croyait aussi à la mer, et le bonheur avait pour lui, comme symbole, un matelot : « Et c’est Lui, comme un matelot – c’est lui qu’on n’attendait plus, - et c’est lui, comme un matelot – qui s’en revient les bras tendus… »
Un matelot ne reste jamais longtemps au logis, si chaud si doux qu’il y fasse. Pour Max Elskamp, il l’a quitté, peu après qu’il eût lui-même quitté la chère rue Saint-Paul. Une grande douleur, une grande déception d’amour l’a emporté :

Un jour où j’avais cru trouver
Celle qui eût orné ma vie,
A qui je m’étais tout donné,
Mais qui, las ! ne m’a pas suivi…

Le père du poète a tenté de le consoler en lui offrant les vastes espaces maritimes : Elskamp, alors, a navigué :

Va, mon fils, je suis avec toi
Tu ne seras seul sous les voiles,
Va, pars et surtout garde foi,
Dans la vie et dans ton étoile !

Elskamp s’est attaché à corps perdu à ses parents, à sa sœur Marie. La mort les lui a enlevées :

C’est vous, mon Père bien aimé,
Qui m’avez dit adieu tout bas,
Vos yeux dans les miens comme entrés
Qui êtes mort entre mes bras.

A sa mère, il a dit :

Et lorsque vous êtes partie,
J’ai su que j’avais tout perdu.

Alors, le poète est entré en maladie.
J’ai dit ailleurs les circonstances de la mort de Max Elskamp, comment je l’appris, et quelles étaient les personnes rassemblées à la table de François Franck ce 10 décembre 1931. On soupait là, après la représentation à Anvers de l’Œdipe d’André Gide : pour cette première, Gide était présent, les Pitoeff, et quelques écrivains d’Anvers. En remémorant, aujourd’hui encore, après tant d’années, l’instant où Willy Konincks, en retard, entra en disant : « Max Elskamp est mort », je puis mesurer la puissance d’émotion soulevée par ces mots. Cependant, le poète en lui se taisait depuis des années… et ses voisins l’entendaient souvent crier dans ses délires… L’émotion fut si profonde, ce soir là, chez Franck, que le regard de Gide fit lentement le tour de la table, en la cueillant à chaque visage comme s’il avait voulu rassembler un herbier du souvenir d’un poète qu’il savait grand.
Je veux citer ici quelques lignes d’un article nécrologique que je possède, auquel manque la signature, mais que je crois dû à André Salmon : « S’exténuant à combattre le désespoir, il passe des années avec Bouddha, mais cette culture de l’idée du néant ne pouvait combler un tel poète. Il traversa le monde d’un pas tremblant – il nous quittait- il s’avançait seul dans la nuit. »
Aux fleurs d’émotion cueillies lors de la mort du poète, par André Gide, et puisque Max Elskamp aimait le folklore, les saints et les fleurs, je veux, à l’occasion de ce centenaire, ajouter deux fleurs qui le concernent particulièrement, il les doit à deux folkloristes : le Baron de Rheinsberg, et Isidore Teirlinck.
La fleur-marraine, offerte par son saint-patron, Maxime, est la « primula véris » ou primevère du printemps, et les servantes de son enfance lui auront dit qu’elle est une clef du Paradis, et vient droit de Saint-Pierre, grâce à qui elle germa dans l’humus des polders… Le 10 décembre, par quelle étrange coïncidence est voué au cyprès. Il figure au jour où le poète sombra dans la mort.

Marie Gevers, Mai 1962, in « Le Thyrse » revue d’art et de littérature, numéro consacré au centenaire de Max Elskamp.



Hommage de Robert Guiette

La Ville en Ex-voto

Sa « petite ville », Max Elskamp la chante dès « Dominical, « la ville de mes mille âmes ». Cette ville en bois, douce ville à bâtir, la ville en rond comme une bague, les bonnes madones aux coins des ruelles. Ce port marchand, cette ville très port-de-mer, il y montre des barques et des grands vaisseaux, et les bâtiments à voiles, les chapelles et les tours et les cloches, c’est toute sa longue litanie qu’il faudrait redire. Poésie frêle, à la voix fêlée. « Mes dimanches morts en Flandre » et « dans la paix bonne d’un pays tendre », avec les petites gens des beaux métiers, la mer à l’horizon.
C’est plus qu’un décor, cette ville, c’est un personnage avec lequel on cause gentiment, à voix basse, retenue, comme pour soi.
Max Elskamp était demeuré très attaché à son vieux quartier de la rue Saint Paul bien qu’il n’y habitât plus. Ecolier, il y retournait passer ses jeudis après midi. Avec son ami, Henri van de Velde, il allait, près de la grande écluse du Kattendyk, à marée haute, voir entrer les bateaux. Les deux amis se mêlaient à une foule affairée d’employés de la douane, de commis, d’affréteurs, de curieux et de femmes aux toilettes extravagantes. C’était parfois « un voilier gigantesque, fatigué et souillé, dont l’équipage composé de nègres agités ou d’hindous lents, n’attendait que d’avoir accosté pour offrir en vente : perroquets, singes, plumes de couleurs éclatantes, peaux d’animaux inconnus, os d’albatros ; ou au départ de pitoyables émigrants polonais ou russes qu’on descendait à fond de cale sans ménagement, avec enfants et bagages ! Spectacles qui fouettaient nos imagination en entraînaient nos pensées si loin, si loin… »
Plus tard, les travaux de rectification des quais entamèrent le plus ancien quartier de la ville, cette « ville en rond » dont il ne reste qu’un morceau. L’ancien pittoresque ne demeurait plus que dans le cœur et la pensée du poète : l’ancien « werf », les quais plantés d’arbres, la population même de ces rues étroites, besogneuses et joyeuses.
Lorsque le lecteur d’aujourd’hui découvre cette image dans les petits poèmes de Max Elskamp, il la compare à ce qu’il voit : la rive droite, tracée au cordeau, les entrepôts et les construction aujourd’hui démodés qui attestaient, vers 1910, la grandeur récente des firmes allemandes fixées à Anvers. Le poète écrivait : « les Rietdijk, les Frascati, toutes les belles prostitution d’antan sont abolies… » ; et depuis, le joli village de Tête-de-Flandre rasé, surgirent les tours, les tunnels et les buildings. Le lecteur se demande alors si, dans les poèmes, ce n’est pas une petite ville ou un village de la Flandre zélandaise que le poète aurait chantée, et non Anvers, cette actuelle grande ville moderne où les anciens monuments et même la cathédrale se trouvent dépaysés. La beauté du spectacle –beauté très réelle encore- est différente de ce qu’a dit le poète. Le fleuve seul, malgré la métamorphose de ses rives, est resté sans doute semblable à lui-même.
Comment imaginer que le poète pourrait encore dans le bruit et le mouvement que nous connaissons, aller bavarder avec les bateliers et les artisans, vanniers et cordiers pour lesquels il avait tant de sympathie ? Les vieux quartiers le voyaient passer, chaque jour, par leurs rues souvent solitaires comme des rues de béguinages, des rues où ne se rencontraient de loin en loin que des vieilles femmes sous leur mante. Elskamp ne se lassait pas d’errer par les vieilles impasses, les cours intérieures, voyant aux murs les madones entourées de guirlandes… Son petit chapeau rond et son macfarlane ne détonnaient pas dans les ruelles grises et mornes. Le poète y poursuivait sa longue méditation.
Que de fois je l’ai vu, vieillard, aller vers les quartiers de son enfance, comme enveloppé de solitude ! Une femme discrète et qui avait dû être très belle, l’accompagnait. Ils ne se parlaient pas. Ils allaient côte à côte, d’un pas sans hâte. Etait-ce « sa » rue Saint-Paul qui l’attirait ? Pensait-il à son poème, à l’église et au calvaire, à ses morts et à son passé ? Voyait-il revivre ses chers fantômes ? Ou bien poursuivait-il sa longue recherche de la Voie ? Refaisait-il la longue route des saints naïfs et des processions, celles des philosophes qu’il avait étudiés, celle de la souffrance et de l’inconnaissable, de cette longue vie qui serait une vie manquée s’il n’y avait les poèmes. Par tout cela, il avançait dans la Voie de la perfection bouddhique, celle qu’il s’était choisie et qui lui était propre.
Le décor désormais n’importait peut-être plus. Le poète avait magnifié sa ville natale, et l’avait réduite en son cœur, en son œuvre, immuable. Comme les vieux marins, du temps des grands voiliers, construisaient des trois-mâts qu’ils enfermaient dans des bouteilles, tout gréés.. Le site, pour jamais à l’image de son cœur, demeurait comme une sorte d’ex-voto de reconnaissance à la vie, tandis que sa pensée plongeait dans d’autres contemplations, hors du temps.

Robert Guiette. (1962)


Hommage de Jean Cocteau:

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Il est de toute évidence que Guillaume Apollinaire, s’il doit aux « Serres chaudes » doit surtout à Max Elskamp. Il n’y a là rien qui le diminue, au contraire. Et si un grand poète fraternise avec un autre grand poète pour connaître ses œuvres, je m’en émerveille encore davantage. Mais il me semble que notre Apollinaire aimait Elskamp et que, de ces amours, naissent les monstres délicieux de la Poésie.
Ma découverte du poète anversois me laisse le souvenir d’un coup au cœur. Entre chaque page de l’herbier les belles plantes se mettaient à revivre et à embaumer ma chambre.
Je vous exprime toute ma reconnaissance de vous être adressé à moi, le presque belge.

Votre poète Jean Cocteau.



Hommage de Paul Neuhuys:

Je me souviens de Max Elskamp

Je me souviens de Max Elskamp comme d’un causeur charmant. Il me parlait de la Chine, de la poésie… Je l’ai connu pendant la guerre 1914-1918. J’allais le voir dans sa paisible maison du boulevard Léopold (aujourd’hui avenue de Belgique) dans la bonne maison qui, dit-il, l’attend sous les arbres « en la blanche façon d’un très gauche évêché ».
Max Elskamp était alors à l’apogée de son activité poétique. J’étais un écolier des lettres, et il y avait dans son accueil quelque chose d’ineffablement bon, mais aussi de cruellement désabusé.
Max Elskamp, né à Anvers en 1862, y est mort en 1931. Toute sa vie il est demeuré attaché à sa ville natale, la ville « très port de mer » où il reçut un jour, en 1893 exactement, Paul Verlaine.
« Il y a là une certitude pour moi, me disait-il, un point sur lequel j’attire votre attention, c’est que malgré toute liberté, le poème est « musique » par nature ». Et il me citait à ce propos le « Pantoum négligé » de « Jadis et naguère » :

Trois petits pâtés, ma chemise brûle.
Monsieur le curé n’aime pas les os.
Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
Que n’émigrons-nous vers les Palaiseaux ?

-Le sens en est exquis à cause du son.
Elskamp parlait volontiers de la rime diminuée par l’assonance, de sa bémolisation (âne et âme) et de sa diézation (Anne et lame). Il m’ouvrait toute grandes les portes de sa bibliothèque, me montrait des éditions rares de Mallarmé, une lettre de Suarès écrite avec des encres variées, rouge, bleue, verte. Il aura toujours été apprécié en France, soit par Apollinaire, soit par Salmon, Cocteau, Eluard, et la poésie est bien chez lui cette flamme invisible dont parle Pétrarque, d’autant plus douce à découvrir par quelques élus du hasard.

Mysticisme

Qu’est-ce que le mysticisme ? Mystique vient d’un mot grec « mustos » qui veut dire muet. Fermer la bouche, être muet d’amour. « Wo man am meisten fuhlt, weist man nicht viel zu zagen », disent les Allemands. Ce qui signifie qu’en voulant exprimer un sentiment profond on risque d’en diminuer l’intensité. Aussi le mystique s’adresse-t-il à Dieu, comme à tout ce qui vaut d’être aimé, qu’il soit porté à la mysticité par la tendresse de l’âme ou par l’enthousiasme des sens.
C’est dans le mysticisme que le Flamand puise son optimisme fondamental : Verhaeren lorsqu’il voit dans l’homme un Prométhée qui un jour « saisira les astres fous entre ses poings » ; Maeterlinck lorsqu’il voit dans les écrits des mystiques « le plus pur diamant du prodigieux trésor humain » et Elskamp (exact contemporain de Maeterlinck), lorsqu’il concentre ses aspirations mystiques dans le refrain de la vielle chanson de Malbrough :

Je vous salue ma vie
d’un peu d’éternité
aujourd’hui en vigie
si haut qu’on peut monter.

Le Folklore

Elskamp me parlait de la Chine en levant un index philosophique et las : Ah ! qu’il eut fait bon vivre en Chine loin d’une pseudo-civilisation qui conduisait l’Europe à sa ruine !... Je voyais les paons faire la roue au sommet des pagodes, des jonques glisser au gré des moussons chaudes, Mr Yang et Mme Yng vendre du thé… Puis il se ravisait doucement : Je ne sais pas vraiment pourquoi je vous dis ça… Cette Chine de porcelaine était du folklore chinois.
Qu’est-ce que le folklore, sinon la mystique populaire ? Elskamp avait fondé le musée du Folklore dans la petite rue du Saint-Esprit, à Anvers, musée où il s’attache à connaître le peuple dans ses plus naïves traditions : comptines, images religieuses, drapelets de pèlerinage. C’est dans ces humbles reliques qu’il a rêvé l’âme de son peuple. Ami des jardiniers et des matelots, il dédiera son « Histoire du jeu de Loto en Flandre » au batelier Hannes qui « sur le fleuve me fut un ami ».
Elskamp, ami du peuple, écrivait en français, faisait scandale à Anvers. Il irritait ses concitoyens. Les uns ne lui pardonnaient pas de vouloir restituer l’innocence d’un peuple dont ils ne connaissait qu’imparfaitement la langue ? Les autres n’admettaient pas qu’un fils de banquier s’intéressât aux billevesées, comme de rassembler, quoi ? des têtes de pipe, des pots à persil, des hochets, des toupies, des moutardiers, des crassets, des étouffoirs, ni d’avoir écrit une histoire du jeu de Loto où il assimilait ce jeu à une ancienne institution bancaire…

Le moyen âge

Toute l’œuvre d’Elskamp est centrée sur le moye âge.
Ses « Enluminures » en font un imagier. Ses « Chansons Reverdies » en font un ménestrel. Avec lui, nous remontons à l’enfance de la poésie. Enfance de la poésie et poésie de l’enfance : Un pauvre homme est entré chez moi pour des chansons qu’il venait vendre… comme Pâques chantait en Flandre… et mille oiseaux doux à entendre…
Dominical, En Symbole vers l’Apostolat, D’anciennement transposé, Salutations dont d’angéliques… C’est une poésie du temps que les cathédrales étaient blanches.
Le moyen âge symbolise pour Max Elskamp la paix du cœur et le contentement de l’esprit.
Il écrit dans un français « anordi », le français du nord et veut apporter dans ces chansons la ductilité rythmique des chansons populaires flamandes. Comme les matelots et les jardiniers il se défend de ne connaître que très peu de mots et met à profit cette infirmité verbale par des ritournelles délicieusement chantonnées :

Et Marie soyez bénévole
à ces syntaxes mal au clair
Et marie de mes beaux navires
Marie étoile de la mer
Marie qui savez que tacites
sont ceux des voiles et des ailes…

Poésie mystique ! Rien de mièvre dans Elskamp. sa mère était wallonne, son père était d’origine danoise. Elskamp veut dire en danois « Champ d’aulnes ».

Nous n’irons plus au ciel

La guerre était finie, Elskamp ne reconnut plus sa ville.
Elle était saoule.
C’était l’époque du jazz et des chansons militaires : « It’s a long way »…
Je l’ai encore revu deux ou trois fois. Il était devenu tout blanc. Il publia encore deux ou trois recueil luxueusement imprimés chez son imprimeur Buschmann à 75 exemplaires : « Musique verte », je crois, et « Joies Blondes »…
Après quoi, cet esprit qui s’était efforcé de monter « si haut qu’on peut monter », plafonna dans le ciel des abstractions et, comme jadis Icare, retomba lourdement sur le sol :

Nous n’irons plus au ciel
nos ailes sont coupées.

C’est la bonne parole

Ecolier des lettres et assez chercheur de nature, il m’est arrivé, comme d’autres forment une collection d’icônes, de collectionner les définitions de la poésie. En voici quelques unes parmi tant d’autres :
La poésie est une création d’un monde imaginaire, une élégance de l’esprit, la musique de l’âme, un défilé de féerie, une éthique non euclidienne, l’art d’exciter l’âme, de se délivrer par un cri, d’enclore son rêve dans un rythme, un breuvage agressif, la quintessence humaine, le souvenir d’une émotion dans le calme…
Mais une des plus belles définitions de la poésie demeure celle de Max Elskamp :

C’est la bonne parole où tous les mots qui s’aiment
semblent des enfants blancs en robe de baptême…

et à cet égard, les « Six chansons de Pauvre Homme pour célébrer la Semaine de Flandre » sont bien, je crois, ce que notre poésie aura produit de plus remarquablement pur.


Paul Neuheuys. (1962)

 

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C'est qu'il y avait une petite ville, et peu de gens dedans, contre laquelle est venu un grand roi, qui l'a investie, et qui a bâti degrends forts contre elle.

Ecclésiaste, IX, 14


Ici c’est un vieil homme de cent ans
qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :
souvenez-vous en, souvenez-vous en,
en ouvrant son cœur de ses doigts tremblants

pour montrer à tous sa vie comme un livre,
et, dans sa joie comme en des oraisons,
tout un genre humain occupé à vivre
en ses villes pies d’hommes et d’enfants.

Or à tous ici, ses pleurs et ses fêtes,
et, suivant le ciel peint à ses couleurs,
voici sa maison, ses fruits et ses fleurs,
en ses horizons d’hommes et de bêtes ;

et lors ses heures d’hiver et printemps
venues en musique ainsi qu’en prières,
sous des Christs en croix, des saints, des calvaires,
puis sa Foi aussi bonne en tous les temps,

pour la paix de sa vie trop à l’attache
dans les jours, les mois, des quatre saisons,
et le réconfort de ses mains qui tâchent
ici de leur mieux et très simplement.

PAYSAGES

I

Or pour commencer tout en foi


Or pour commencer tout en foi,
à la façon des gens des bois
qui sont les pauvres de chez moi,

avant de dire, en joies ou peines,
mon pays tout d’eaux et de plaines,
voici fait mon signe de croix

en l’amour des sots et des sages,
car aujourd’hui c’est la chanson
des fenêtres de ma maison,

d’où les villes et les villages
et le plus beau des paysages,
bêtes, gens, arbres et nuages,

passent, rient, vivent et s’en vont
avec leur geste et leur langage
pour l’ornement des horizons,

Or, c’est lors mon cœur en voyage,
et, prête à la bonne espérance,
mon âme avec sa confiance,

qui s’en va sur terre aux agneaux
et sur mer suivant les vaisseaux
au hasard du vent et des eaux,

puis par les bois et par les routes
où chante pour ceux qui l’écoutent
la simple Vie bonne entre toutes ;

et c’est ainsi que chez moi
quand c’est matin sur tous les toits
avec la rosée goutte à goutte,

et voici ce qu’on dit chez moi,
à la façon des gens des bois,
quand c’est Marie-des-primes-routes.


II

On dit :

Marie, épandez vos cheveux :
voici rire les anges bleus

et dans vos bras Jésus qui bouge,
avec ses pieds et ses mains rouges,

et puis encor les anges blonds
jouant de tous leurs violons.

Or c’est matin vert aux prairies
et, Marie, regardez la Vie :

Comme elle est douce infiniment
depuis les arbres, les étangs

jusqu’aux toits loin qui font des îles ;
et, Marie, regardez vos villes

heureuses comme des enfants
avec leurs cloches proclamant

les paix naïves comme des enfants
avec leurs cloches proclamant

les paix naïves d’évangile
du haut de tous les campaniles

dans l’aube en or aux horizons
que saluent, Marie-des-Maisons,

les miens des tâches coutumières
et dévouées tout à la terre.

Mais lors chantez, gais laboureurs
de mon pays où le meilleur

est Flandre douce aux alouettes
et dont les voix de joie concertent,

et passez au loin, les vaisseaux
sur la mer qui rit aux drapeaux,

car Jésus tend ses mains ouvertes,
Marie, pour embrasser la fête

que fait le ciel au prime jour
ici de soie et de velours.


III

Et Marie lit un Evangile

Et Marie lit un évangile
avec ses deux mains sur son cœur,
et Marie lit un évangile
dans la prairie qui chante-fleure,

et l’herbe, et toutes les couleurs
des fleurs autour épanouies
lui disent la joie de leur vie
avec des mots tout en douceur.

Or les anges dans les nuées
et les oiseaux chantent en chœur,
et les bêtes, t^tes baissées,
paissent les plantes de senteur ;

mais Marie lit un évangile,
oubliant les heures sonnées
avec le temps et les années,
car Marie lit un évangile ;

et les maçons qui font les villes
s’en vont leur tâche terminée,
et coqs d’or, sur les campaniles,
passent le vent et les nuées.


IV

Alors c’est un pays d’en haut

Alors c’est un pays d’en haut
tout aux oiseaux,
où chantent fête :
merles, pies, verdiers, étourneaux,
et passereaux, et loriots,
tous les oiseaux

montant au ciel leur voix de tête
et jusqu’au faîte :
ramiers, vanneaux,
émouchets, corneilles, corbeaux,
et plus haut encor alouettes,
mauves, mouettes.

Or c’est le doux concert des bêtes
au ciel, à l’eau,
disant son los,
en la joie toute bonne d’être
de la vie pour ne la connaître
que tout en beau
et tout d’en haut ;

et c’est alors un pays d’ailes
aux hirondelles,
Flandre des tours
et de naïf et bon séjour ;
et c’est alors un pays d’ailes
et tout d’amour.


V

Mais alors ici de ville en villages

Mais alors ici de ville en villages,
cloches sonnant haut pour ceux des métiers,
voici s’en aller mon cœur à l’ouvrage,
truelles aux mains et sabots aux pieds,

avec les rouliers disant litanies
à chansons de près et grelots de loin,
et les maçons marchant en compagnies
aux routes où c’est vie à tôt matin.

Or bonheur acquis dès bâton en mains,
puis si joyeux de rire et de ramage,
tailleurs et vanniers encensant leur saint,
vites de langue et dans tous les langages,

voici les cordiers en chemin aussi,
et dans leur moulin les meuniers qui chantent,
puis vous les soldats en si beaux habits,
éprises d’amour toutes les servantes,

et lors charpentiers sur vos plus hauts toits,
où c’est fête de marteaux à la ronde,
mon cœur avec vous aussi tout en joie,
et soleil à tous luisant sur le monde.


VI

Puis la mer monte

Puis la mer monte
et vaisseaux, nefs, barques, bateaux,
ohé ! ho !
aux mâts les voiles, les drapeaux,
car la mer monte ;

et bonne race,
houlques, otters, botters, pinasses,
ohé ! ho !
le pilote a mis son chapeau,
passez la passe.

Puis la mer monte,
et les femmes à leurs fuseaux,
ohé ! ho !
les maris reviendront tantôt,
feu ! les fourneaux ;

mais la mer monte,
et chalands au quai, bricks à l’eau,
ohé ! ho !
toutes les lumières en haut,
car le nuit tombe.


VII

Et lors en gris, et lors en noir

Et lors en gris, et lors en noir,
-araignée du soir, bon espoir,-

fumez les toits et, sur les tables,
les mets, aux bouches, délectables ;

et lors à tous, hommes et villes,
baisers donnés, garçons et filles,

bonne nuit ! car, à tricots chus,
voici déjà qu’on n’y voit plus

et que, fil aux doigts qui se lie,
c’est sommeil et tâche accomplie.

Or baume alors comme à mains pies,
ceux qui pleurent et ceux qui prient,

et paille aux bêtes, lits aux gens
de douceur et de pansement,

bonne nuit ! les hommes, les femmes,
bras en croix sur le cœur ou l’âme,

et rêve aux doigts en bleu et blanc
les servantes près des enfants ;

et paix alors toute la vie ;
arbres, moulins, toits et prairies,

et repos alors ceux qui peinent
au doux des draps, au chaud des laines,

et Christ au froid que l’on oublie,
et Madeleines repenties,

et Ciel aussi de large en long
aux quatre coins des horizons.


HEURES

I

Dormez-vous encor, paroissiens ?

Dormez-vous encor, paroissiens,
hier n’est plus, les anges causent
dans leurs jardins de fleurs de roses,

et c’est matin villes en bleu,
villes en blanc, villes en Dieu,
avec les clochers au milieu

des maisons, des toits, des bâtisses,
des chapelles, et des églises,
et des oiseaux, haut, plein les cieux.


Or, ici, et plus près la terre,
voici oraisons et prières,
et baptême, mauvais et bons ;

puis c’est le ciel vu de la mer,
et les vaisseaux par le travers,
et le soleil par le milieu,

et lors le monde à son grand vœu,
et lors, au loin, toujours la mer,
et puis, ici, sur les chemins,

mes bonnes villes familières,
où chacun a joie de sa pierre,
de sa maison et de ses saints,

Mais alors c’est vous tous les miens,
et dormez-vous ? car le temps passe
et le pêcheur est à ses nasses ;

mais alors c’est vous tous les miens,
et dormez-vous ? car le temps vient ;
or le boulanger cuit son pain,

et si sommeil vous est un bien,
voici passé le temps de grâce ;
dormez-vous encor, paroissiens ?


II

Mais revoici la vie

Mais revoici la vie
et dans son beau missel,
en marge, tout le ciel,
mais revoici la vie,

et qu’elle chante et crie
lors, pour sa gloire ici,
avec tous les oiseaux
et les enfants aussi.

Puis sonnez, cathédrales,
et haut, cloches d’en haut,
puis chantez, cathédrales,
et sortez vos drapeaux,

car revoici les heures,
comme un bouquet qui fleure,
car revoici les heures,
comme des sœurs unies,

pour la joie, yeux en larmes,
pour la paix, toutes âmes,
car revoici les femmes
et le Bonheur aussi.


III

Et c’est Lui, comme un matelot

Et c’est Lui, comme un matelot,
et c’est lui qu’on n’attendait plus,
et c’est lui, comme un matelot,
qui s’en revient les bras tendus

pour baiser ceux qu’ils a connus,
rire à ceux qu’il n’a jamais vus,
et c’est lui, comme un matelot,
qui s’en revient le sac au dos.

Or, bonnes heures, bonnes heures,
laissez alors choir vos tricots,
or, bonnes heures, bonnes heures,
endormez-vous jusqu’à tantôt :

il fait si chaud dans vos demeures
et c’est fête de si bon cœur !
Mais, partances aux mâts d’en haut,
voici s’agiter les vaisseaux,

et c’est Lui, comme un matelot,
qui, vides les pots, partira,
et c’est lui comme un matelot,
et Dieu sait quand il reviendra.


IV

Alors au loin, cheval au pas

Alors au loin, cheval au pas,
cheval en blanc, comme on les voit
aux joyeuses entrées des rois,
alors au loin, cheval au pas,

alors au loin, cheval au trot,
c’est le beau temps de nos soupirs
chez les autres qui s’en va rire,
alors au loin, cheval au trot.

Or, ici de si bon accueil,
alors nous voici tous en deuil,
et bonnes gens, de tous mes seuils,
la peine au cœur, le pleur à l’œil ;

mais vieilles gens qui priez d’or,
alors dans le livre où les morts
ont chacun leur croix et leur page,
mettez une nouvelle image,

pour le beau temps qui s’en est allé,
cheval au trot, cheval au pas,
vers ceux qu’il fallait consoler,
ainsi qu’un cavalier s’en va.


V

Moi je ne suis qu’un pauvre sacristain

Moi je ne suis qu’un pauvre sacristain
qui trouve déjà trop grand son village,
et, dans son clocher, vit ciel et nuages
à sonner sa cloche et regarder loin

l’hiver et l’été qu’ont les paysages,
passer les vaisseaux quand c’est le matin,
et s’en aller en foi, au long des chemins,
les gens de chez moi en pèlerinage.

Or aux horizons de toutes les vies,
mon cœur a trouvé celle à son souhait,
dans le monde ici si pur et si frais
qu’on dirait que Flandre au loin se marie ;

et les miens ici, les autres là-bas,
aux villes qui rient, aux villes qui pleurent,
paix vous soit du temps, paix vous soit des heures,
pour l’âme et le corps, les mains et les bras,

car, heures des miens, à tous en partage,
car, heures des miens, c’est un grand bonheur
de vivre en trêve, pour le vrai labeur,
ici de si bon et doux héritage.


Vies

I

A présent voici comme une prière

A présent voici comme une prière,
et c’est la vie d’ici qui dit son temps
selon le soleil, le jour et la mer,
et les villes où l’aller des passants

montre chacun oeuvrant à sa manière :
seigneur à cheval, à pied paysan,
et pour les fins de l’âme ou de la chair
moines, matelots, pêcheurs, tisserands,

Or bêtes, gens, et lors tous à l’ouvrage,
c’est la vie aussi qui veut son labeur ;
et voici qu’o naît, et voici qu’on meurt,
dans les chemins, les bois et les villages ;

mais voici qu’on rit après, et qu’on aime,
et qu’aux villes des sages et des fous
tournent les moulins, ainsi que des roues,
sous les cloches, haut, chantant les baptêmes,

car ici l’on plante, car ici l’on sème,
-et le temps nouant les jours bout à bout-
par la grâce des mains quotidiennes,
c’est alors la vie portant des fruits doux.

II

Et chacun faisant son métier

Et chacun faisant son métier,
voici planter le jardinier
selon la vie,
d’être aux plantes, avec ses mains,
doux comme à des humains,
sous le soleil et sous la pluie,

en son royaume des jardins,
des parterres et des chemins
où tout concerte :
tonnelles quinconces, berceaux,
et par ses soins, branches, rameaux,
pour faire, à tous, musique verte.

Or c’est ici ses harmonies
et voyez, lors, et tout en vie,
chanter les fleurs ;
puis, pour l’ornement du feuillage,
mûrir les fruits, sur les treillages,
en senteurs, parfums et couleurs ;

et yeux alors, comme un dimanche,
voici fête d’arbres et branches
de toute part,
et la terre comme embellie
de tant de choses accomplies
par ses mains et selon son art.


III

Alors voici sur un autre air

Alors voici sur un autre air
encor les mains qui viennent, vont,
et c’est ici bois, longerons
qui montent prendre place en l’air

pour des maisons et des églises,
qu’en leur vieux pacte d’amitié,
en prenant leur temps, réalisent
les maçons et les charpentiers.

Or aux villes, lors c’est la vie,
et montez clochers dans le vent,
et dans les cordes, leurs poulies,
haut, l’architecture, ouvrez vos plans,

et ceux d’en bas qui rêvez d’ailes
à cous tendus, venez aussi
regarder monter aux échelles,
drapeaux en mains, les apprentis,

car sur les tours voici les croix
toutes neuves dans la lumière,
et, bonnes gens, alors vs joies
suivant les briques et les pierres.


IV

Mais comme en image à présent

Mais comme en images à présent
voyez ici souffler le vent
et tout qui plie :
arbres, mâts, croix, roseaux, sapins,
et puis aussi la mer au loin
qui hurle et crie,

faisant écume, embruns et eaux,
pour la kermesse des bateaux,
les bleus, les verts,
vagues en bas, vagues en haut,
donnant du flanc, donnant du dos,
beauprés en l’air.

Mais lors, et tout à son métier,
voyez aussi le batelier
assis en poupe,
et comme il rit, l’écoute aux mains,
de s’aller ainsi corps et biens
de cap en coupe ;

car c’est la vie qu’il s’est choisie,
ainsi qu’elle parlait en lui
selon la chair,
de ceux de Flandre que l’on voit
depuis tous les temps, rame aux doigts,
à vau la mer.


V

Or dans les maisons

Or dans les maisons, et lors dans les villes,
où sont les jardins, les gens et la vie,
et, pour la couleur, le soleil aussi,
mais loin de la mer, et lors dans les villes.

voici la gent des servantes qui file
aux fenêtres des soirs et des matins,
et s’occupe dans la laine et le lin,
les yeux sur le monde au loin comme une île.

Mais voici leurs doigts aussi aux aiguilles,
et lors portement en long de leur croix,
écoutez leur cœur, car voici leurs voix
qui chantent leur pauvre et triste évangile ;

et le maître qui rentre de la ville,
et la maîtresse qui verse le vin,
aux mains rouges mais aux peines habiles,
dites alors paix et repos enfin,

car en tout ici, c’est leur tâche faite,
et leurs pauvres corps allés sous les toits,
implorant sommeil, après maison nette,
auprès des enfants couchés dans leurs bras.


Chansons

I

En rond les maisons

En rond les maisons
comme pour danser,
en rond les maisons
où, sur le marché,

l’homme qui dit là
des mots à chanter,
c’est moi pour la joie
des miens tout en paix.

Or, gai ! le fermier,
salut ! l’aubergiste,
et joie ! le berger,
que mai vous assiste,

c’est fête, à bras nus
cuisez boulangers,
et, papegai chu,
riez les archers ;

puis joie tout en rond
des toits, des bâtisses,
avec le printemps
ouvrez vos comices :

le joueur d’orgue est arrivé.

Mais l’heure sonne
avec sa voix
de toute douce et bonne foi,
et le soleil avec sa joie
met sa couronne ;

mais l’heure sonne,
et, gens de bien,
gagnez avec vos mains,
pour ceux de foi tous les chemins
mènent à Rome.

V

Or Saint Pierre et Marthe la bonne

Or saint Pierre et Marthe la bonne,
voici que le coq a chanté,
et que, Jésus ressuscité,
c’est grande fête chez les hommes

et que Pâques dit sa bonté
sur les villes et sur les toits,
et dans la chair, et dans la foi,
puisqu’il fait doux comme en été.

Mais Flandre alors déjà si bonne,
avec vos mains de charité,
et saint Pierre et Marthe la bonne,
que de beaux jours sont coptés

pour la joie simple d’être en fête
avec la bouche, avec les yeux
et de s’aller cœur au milieu
des choses, des gens et des bêtes,

car voici l’avare qui donne
et les prodigues amendés,
et saint Pierre et Marthe la bonne,
toutes mes villes en beauté.


VI

Mais lors ma joie étant Hollande

Mais lors ma joie étant Hollande,
j’ai bâti du côté du jour,
et dans les arbres tout d’atours,
ma maison qui est en Hollande
avec la mer autour,

et mon cœur y vit sa semaine
avec sa joie, avec sa peine,
si Jean qui rit, ou Madeleine
mon cœur y passe la semaine
avec le mer autour.

Or, en attendant son dimanche,
mon âme est là, comme un pêcheur
au bord de l’eau et sous les branches
à causer bas avec mon cœur
près de la mer autour,

d’une paix dont la bonté franche
serait de partager d’amour
toute ma vie dont c’est le tour
de mettre enfin sa robe blanche
avec la mer autour,

car tout est prêt, jusqu’à moi-même,
dans la maison de bon séjour
pour le bonheur qui vient quand même
quand on l’attend, celle qu’on aime,
avec la mer autour.


VII

Or c’est ma vie rêver ainsi

Or c’est ma vie rêver ainsi,
devant un peu trop d’espérance,
mains aux genoux comme l’on pense
à la mode de mon pays,

et cœur en foi, croyant de l’âme
que c’est déjà mon bien promis,
rien qu’à vous voir, hommes et femmes,
et toutes les choses d’ici.

Mais lors le ciel, la mer aussi,
et toute la vie bénévole,
mais lors le ciel, et plein aussi,
le monde de bonnes paroles,

musique, joie et bien acquis,
c’est mieux que d’attente et de gage,
mon cœur qui dit bonheur ici,
à drapeaux mis sur ses villages,

car c’est son lot s’aller ainsi
de joie aux hommes comme aux bêtes,
voulant en tout, dimanche et fêtes,
à la mode de son pays.


Grotesques

I

Et maintenant Voici que l’on boit et qu’on mange

Et maintenant voici que l’on boit et qu’on mange,
que les lèvres ont joie, que la bouche est aux anges,

et qu’à fruits d’ornements, figue, amande et raisins,
tout compte fait ici c’est mon livre à sa fin,

car à présent voici que l’on rit et l’on danse
à la mode d’Espagne, à la mode de France,

et que c’est vous et moi mes paroissiens
qui trouvons ainsi à nous tenir les mains

pour la douceur qu’on a d’être sœurs, d’être frères,
à s’entraîner ici en maisons, bois et terres.

Or Flandre dite alors de toutes les manières,
à façon des fils, à façon des pères,

c’est le roi qui boit et tout le monde qui rit,
hommes, femmes, enfants et les bêtes aussi,

puis dimanche avec vous, soldats et militaires,
et lundi menuisiers, et marchés maraîchères,

meuniers voici le vent, et printemps jardiniers,
et drapeaux mis aussi sur mes plus beaux clochers.

Mais lors douceur à tous, car tout est bien au monde,
quand c’est plaisir aux yeux, de jardins et verdures,

et midi des repas faisant les tables rondes,
voici rire la vie et mes mains en peinture

s’aller à vos souhaits enfin miens des villages
en rouge autour des toits et foi au raisin vert

et selon mon cœur d’ici qui sait vs usages,
prendre joie avec vous du ciel et de la mer,

car en toutes choses c’est simple le meilleur
et d’ornement au corps comme à l’âme santé,

et bonnes gens alors en musique à son heure
voici mon livre ouvert comme salle à danser.

II

Et vaisseau mon bon frère

Et vaisseau, mon bon frère,
et lors voile, ma sœur,
et tout autour la mer,
et la tulipe en fleur,

c’est Hollande avec nous ;

et mes bons camarades
d’abord les menuisiers,
donnez-nous l’accolade
et chantez les cordiers,

Hollande est avec Vous.

Puis baiser de nature
tout aussi de douceur,
riez les créatures,
bêtes et simples cœurs,

et bergers avec vous ;

et coqs d’or sur les villes
de profil, face ou dos,
et moulins en famille,
assis au bord de l’eau,

la paix soit avec vous ;

car maisons pour la pluie,
arbres contre le vent,
puis à chacun la vie
comme du sable blanc,

Hollande est bonne à tous.

III

Mais lors voici le grand concert

Mais lors voici le grand concert
des bêtes de toutes les peaux,
et comme sœurs et comme frères,
les loups au milieu des agneaux,

et fraternité sans amorces,
les forts à côté des plus doux,
et Foi des Fois, force des forces,
tous à chacun et tout à tous.

Or symphonie des symphonies,
lors sur le beau mode pitié,
voici vivre toute la vie,
à nu l’amour et cœur entier,

et Monsieur du Bœuf en sa chair,
Monsieur du Coq sur ses ergots,
et Messieurs aussi de la Mer
disant paix de face et de dos,

les objets de toutes manières
fidèles ineffablement.

Or foi mise ainsi dans les choses,
alors voici mon testament,
aux bois, à l’eau, aux fleurs de roses,
léguant mes joies d’homme et d’enfant,

car en arbres, toits et maisons,
à mains rouges mieux qu’en prières,
tout me fut doux, tout me fut bon
selon l’outil, selon la pierre,

et repos me soit à présent
en eux après labeur et peine,
et de mon blé, mauvais et bons,
à vous ici corbeille pleine.


Maintenant ici tirez le rideau
car voici matin et ma tâche est faite
comme je l’ai pu selon mes carreaux
et du mieux de mon cœur et de ma tête,

aux jours en long de ma peine et ma joie,
qui sont en couleurs jardins et verdures,
toutes les choses ainsi qu’on les voit
dans mon pays bien mieux qu’en mes peintures.

Or salut ici, tous ceux de chez moi,
car labeur fini de toutes manières,
et selon mon vœu à chacun son toit
en santé d’âme, de corps et de chair,

c’est le bien promis de mon temps qui vient,
maintenant qu’en moi deux bonnes personnes,
l’Amour et la Foi en chair à mes mains
sont pour qu’on les prenne et que je les donne,

avec mon baiser de saint sans couronne,
mais dont sait la paix mon cœur tout tremblant,
à présent qu’ici c’est un si vieil homme
qui l’a dite enfin toute sa chanson.

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C’est parti pour une nouvelle collection de mini livres d’artistes, numérotés et signés, qui vous seront présentés pour la première fois à la Randonnée d’Artistes de Rixensart, et plus précisément au 3, Rue Dyna Beumer à 1330 Rixensart !
Deux premiers livres signés respectivement Benoi Lacroix et Catho Hensmans



http://www.commeunweekendalamer.be/spip.php?rubrique85
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Mademoiselle

Quatre ans de passés, je ne vous rêvais plus. Vous avez été chair, pierre, envie, je vous ai multiplié, je vous ai fusionné et bien d’autres rêves vous ont vu posée sur la toile, le papier. Et puis, il y eu un rêve un peu plus fou qui changea la muse en femme, même en passion et il s’est terminé.

J’ai essayé de rêver d’autres Demoiselle, d’autres Dames mais sans succès. Je trouvais l’une trop sûre d’elle, trop imbue, une autre trop froide, une autre encore trop chaude, disons même, trop enthousiaste à vouloir faire de moi un homme dans les moments où je ne le suis plus, où seul l’artiste est présent.

Vous avez compris, vous qui avez si souvent partagé ces moments où seul mes rêves, parfois mélangés aux vôtres, avaient lieux d’être !

Nous ne nous perdions pas de vue, vous veniez parfois me rendre visite, partager un repas, une sortie et ce n’étais pas une gêne de vous avoir délaissée, je ne pensais simplement pas à vous demander de venir poser.

Plus beaucoup de rêves furent posés sur le papier, ni ne furent fait d’ailleurs !

Un jour, j’ai mis une grande toile sur le chevalet, vous êtes venue. Nous avons dîné, nous prenions le pousse café et vous vous êtes levée prendre je ne sais plus quoi, dans votre sac et le déclic :-

-J’ai besoin d’un beau dos !

Trente seconde plus tard, il était devant moi : -Comment dois-je me placer ?

-Vous étiez redevenue égérie !

Le silence se fit, couvert par un fond musical.

Ce fil rouge, je n’ai pas envie qu’il cesse, qu’il casse.

-Voilà la première toile, merci, Mademoiselle !

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lalla

De ta lointaine Afrique

Tes rêves sont prolifiques

Mais surtout, chimériques !

Tu offres ton amour

A tous les alentours

Espérant qu’il arrive un jour !

Rien n’a d’importance,

Même la différence !

Un exemple pour référence !

Tu imagines les avantages

En offrant ton jeune âge

Tu auras un semblant d’esclavage !

Il doit être peu scrupuleux,

Celui qui promet jours heureux,

Celui qui sera bientôt gâteux !

Tu te vois dans ses draps ?

Te promener à son bras ?

Il est peut-être laid et gras ?

Oseras-tu le regarder,

Lui donner un simple baiser

Quand il voudra te posséder !

Retombe les pieds sur terre

Même si tu fuis la guerre

Des avantages, il n’y en a guère !

L’Europe te fait rêver,

Tu risques de tomber

De haut et désenchanter !

Il n’y a même pas ce soleil

Car s’il brille, ne sera jamais pareil !

Et souffrir ici ou là, c’est pareil !

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le nu sous toutes ses coutures..!

Voici mes 2 pages dans ce beau livre qui pèse le poids de toute notre chair ou presque..plus de 2kgs la pièce. art du nu 2ème édition


Pas chair pour 2 sous (60 € les deux kgs, c'est le prix d'un bon morceau de filet de boeuf..!)

Plus de 420 pages traitant et maltraitant le nu sous toutes ses coutures, (encore un jeu de mot..!)

Ce livre sera disponible dans toutes les grandes librairies de France très bientôt. Je peux vous le commander contre un chèque de 60€..


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Depuis deux jours, lentement l'armée du prince Frédéric s'est rapprochée de Bruxelles. Le 21, le quartier général est à Malines, le lendemain à Vilvorde. Le prince y appelle les généraux de brigade et donne ses ordres pour l'entrée dans la capitale, fixée au matin du 23. Dix mille hommes environ participent aux opérations. Ce sont les meilleures troupes royales: les grerradiers et les chasseurs, deux régiments d'élite, comprenant des Suisses restés aux PaysBas après le licenciement de leurs unités, en 1828, des Hollandais et des Belges, spécialement choisis et recevant une solde particulière, le bataillon d'instruction, corps mixte aussi, mais de qualité. Les trois régiments d'infanterie n° 5, 9 et 10, qui participent à l'opération, sont entièrement composés de soldats des deux provinces de Hollande.
Le général en chef du corps d'armée mobile est le prince Frédéric, âgé de trente-trois ans. En 1825, il avait épousé sa cousine, Louise de Prusse, fille de Frédéric-Guillaume III. Il était très différent de son frère, le séduisant et fantasque prince d'Orange, favori des Belges par périodes. Ayant reçu son éducation en Prusse où il avait vécu de nombreuses années, il avait le culte de l'autorité Clausewitz et Scharnhorst avaicnt été ses maitres militaires, Delbruck, Niebuhr et Ancillon see professeurs civil. Il était conseillé par le lieutenant général baron de Conntant Rebecque, chef d'état-major. Remarquable officier, ce Genevois, d'une vieille famille française émigrée après la révocation de l'édit de Nantes, avait été au service du roi de France cn 1789 Ainsi s'était il trouvé à Paris au Champ de Mars, le 14 juillet et à Nancy, en août 89, lors des rébelliuons. Devenu officier au régiment des gardes suisses, il s'était battu aux Tuileries le 10 août. Officier de l'armée hollandaise, puis dc l'armée prussienne, ensuite gouverneur du jeune prince d'Orange en, en cette qualilé, attaché il l'état-major de Wellington en Espagne, quartier-maître général de l'armée des Pays-Bas à Waterloo, cet homme n'aimait pas « le peuple », et avait le goût de la discpline. Quant aux officiers généraux, Henri de Favauge, Schuurman et Post, ils avaient participé aux campagnes du début du siècle et ne manqnaient pas d'expérience. Le cadre des régiments d'élite était bon, mais celui des unités d'infanterie ne parvint jamais à galvaniser ses hommes.
Le plan d'attaque est simple : quatre colonnes par les porles de Flandre, de Laeken, de Schaerbeek et de Louvain, pénétreront dans la ville. Les forces de ces gronpemcnts sont proportionnées aux obstacles que l'on croit rencontrer et aux tâches ultérieures à remplir une fois les troupes à l'intérieur de la ville Le prince Frédéric suit de près la masse principale qui doit pénétrer par la porte de Schaerbeek, atteindre la place Royale, occuper les palais, dominer tout le haut de la ville. Les assaillants pénétrant par les portes de Flandre et de Laeken ont pour objectif final l'hôtel de ville, où les rejoindront les troupes descendues de la place Royale. On s'étonne que le plan n'ait pas prévu un large mouvement tournant pour occuper sans coup férir la porte de Hal par où arrivèrent tant de renforts. Mais dans l'esprit des militaires, renseignés par leurs agents, l'anarchie divisait les insurgés et il fallait laisser une issue à ceux qui se jugeaient irrémédiablement compromis. Les escarmouches de Dilbeek et de Zellick auraient pu inquiéter le haut commandement, mais comme les pertes se bornaient à quelques hommes et que la lutte n'avait pas eu un caractère très sérieux, l'état-major ne modifia pas ses plans. Des bourgeois avaient d'ailleurs fait savoir que les troupes seraient reçues à bras ouverts. Ainsi la confiance régnait. Elle disparut rapidement. A peine arrivés à la porte de Schaerbeek, les pièces mises en batterie pour bousculer les barricades, essuyent un feu assez nourri. Stieldorff et une cinquantaine d'insurgés retranchés derrière une barricade faite de pavés, de meubles et de sable, tiraillent. L'assaut est donné, la barricade emportée, et les grenadiers s'engagent dans la rue Royale. Embusqués dans les maisons, les rebelles font pleuvoir sur les soldats une grêle de plomb. Cependant, la troupe atteint le Parc. Les soldats se précipitent dans les bosquets et les vallonnements. Les officiers qui dirigeaient les divers détachements ont commis une erreur capitale. Ils ont voulu laisser souffler leurs troupes avant de pousser plus avant vers la place Royale. La barricade entre l'Hôlel de Belle Vue et le Palais n'était pas défendue à dix heures du matin, mais des insurgés étaient aux fenêtres des maisons de la place Royale, et ils tenaient la Montagne de la Cour. Si cette piètre défense avait été bousculée et si les troupes avaient dévalé vers la Madeleine et l'hôtel de ville, la résistance de la population aurait été ébranlée. La réflexion de Trotsky : « il n'y a pas de doute que le sort de toute révolution à un certain point est décidé par une rupture dans la disposition de l'armée », se justifie bien ici. Si les grenadiers et les chasseurs, troupes d'élite, avaient eu assez de cran, leurs officiers assez de clairvoyance et d'initiative, le 23 septembre en fin de matinée, le centre de Bruxelles eût été occupé et la résistance dans le bas de la ville dangereusement compromise.
Dans la ville basse, l'échec est plus net. L'avance des troupes a été plus rapidement brisée. La rue de Flandre, fort étroite, favorisait la défense. Des étages supérieurs tombaient sur les soldats les objets les plus hétéroclites, tandis que retranchés derrière les barricades, embusqués dans les encoignures des portes, protégés par les rebords des fenêtres, les habitants des quartiers populaires faisaient subir de lourdes pertes à l'assaillant. Les jeunes miliciens hollandais s'effrayèrent. Ils furent pris de panique lorsque leurs propres hussards, envoyés en renfort, se mirent à charger. Devant les barricades, les chevaux cabrés sont foudroyés à bout portant. Ce fut une mêlée affreuse et un échec total pour l'armée.
Rue de Laeken, l'insuccès est aussi grave. La manoeuvre du général Favauge est mal conçue. L'obstacle est le même que rue de Flandre; le déploiement des troupes est malaisé, voire impossible. Le combat de rue est tout de suite meurtrier et les troupes ne sont pas de qualité pour mener une lutte sévère qui exige d'ailleurs un entraînement spécial au combat rapproché. La situation à midi, le 23 septembre, est la suivante: l'armée occupe la rue Royale, le Parc, les portes de Iouvain et de Namur. Elle s'est heurtée à une défense désespérée des hommes résolus, qui, malgré les chances médiocres de succès, avaient décroché leur fusil et s'étaient embusqués un peu au hasard. Il y a cependant des chefs improvisés qui ont de l'ascendant sur leurs camarades: Pierre-Joseph Parent, Kessels, Stieldorff, par exemple. Ce sont souvent d'anciens soldats de Napoléon. Ils ont l'habitude du commandement et les petits groupes qui s'agglomèrent autour d'eux sont séduits par l'allure et le prestige de ces entraîneurs d'hommes. Les Liégeois sont parmi les plus hardis. Charlier à la Jambe de Bois est avec son canon au-dessus du Coudenberg d'où il ajuste son tir vers le Parc.
Mais la discipline est rare. Un général français, Valazé, au retour d'une mission diplomatique auprès de Guillaume 1er, et qui assistait aux combats, est choqué par l'état lamentable de ces pauvres hères qui se font trouer la peau. L'après-midi on tiraille sur la ligne de feu et le Parc devient le centre des combats. Le nombre des insurgés augmente, car la résistance a réussi aux portes de Flandre et de Laeken et dans le haut de la ville l'avance de l'armée a été contenue. Des bourgeois, désespérés aux premières heures du 23, ont repris confiance. Déjà on songe à appeler les gens du dehors. Des estafettes sont envoyées par la porte de Hal restée libre. Le bruit du canon, d'ailleurs, avertit les paysans de Saint-Gilles, d'Uccle, de Boitsfort et des communes voisines. La nouvelle des combats et de la résistance valeureuse et efficace se répand dans le Brabant wallon, gagne le pays de Charleroi. Des hommes partent pour la capitale et ceux des villages les plus proches y arriveront dès le 23. Ce sont des renforts appréciables surtout pour le moral des insurgés qui perdent peu à peu le sentimeut de leur isolement.
Le soir tombe sur Bruxelles, la fusillade se ralentit, cesse. Les hommes quittent le lieu des combats et cherchent le repos dans les cabarets ou les plus hâbleurs raconteut sans arrèt leurs exploits. Femmes, vieillards, appliquant l'ordre fameux du Comité de salut public, passent la nuit à faire des cartouches. On recueille, comme en l'an II, le salpètre dans les caves. Engelspach-Larivière, un personnage étonnant, s'est dévoué sans compter à approvisionner les combattants en munitions.
Les autorités militaires ne sont pas restées inertes devant l'échec initial. La fusillade en de nombreux endroits, la débâcle rue de Flandre, la piteuse attaque rue de Laeken ont révélé à l'état-major le côté tragique de l'opération. Ce n'est point la parade qui devait se faire sous les yeux des élégantes bruxelloises, mais un véritable siège de ville qui commence. Les plans sont bouleversés. Cependant le prince Frédéric s'obstine dans la voie de la conciliation. Il cherche à manroeuvrer. Il souhaite obtenir par des négociations ce que la force lui a refusé. Il envoie le lieutenant-colonel de Gumöens en émissaire chargé d'entrer en contact avec une autorité quelconque en vue de conclure une trève. Gumöens, parti de la porte de Schaerbeek, « muni d'un linge blanc en signe de parlementaire », accompagné d'un insurgé fait prisonnier et libéré à cette occasion est bousculé, traîné vers l'Amigo. Cette mission nous éclaire sur les intentions du prince, qui comprend bien le risque grave pour l'avenir d'une soumission de Bruxelles obteuue par un extraordinaire déploiement de forces et par des bombardements. La rupture définitive entre le Nord et le Sud serait consommée. Cependant, Constant Rebccque ne néglige pas de renforcer les effectifs et de donner des ordres sévères pour le lendemain.
La lutte repreud le 24, vers six heures du matin Le Parc est devenu le ceutre des combats. Les iusurgés, solidement installés dans certaines maisons qui le dominent, percent les murailles et gagnent de proche en proche. Des corps à corps s'engagent. D'autre part, les troupes qui sont à la porte de Namur tentent de descendre vers la place Royale. Elles sont repoussées Dans les deux camps, des coups de mains sont préparés, mais ils échouent dans la confusion.
Le 25, les rangs des insurgés se sont renforcés par l'arrivée des volontaires provinciaux. Des bourgeois de Bruxelles ont pris place aux barricades et dans les maisons. Une organisation centrale s'efforce de coordonner les efforts, mais les chefs ont plus d'ambition que de pouvoir réel sur les groupes de combattants qui se plient mal à la discipline et luttent à la diable. Depuis le 24 au soir, un chef militaire, don Juan van Halen, est choisi par une autorité qui s'est installée à l'bôtel de ville où la place était libre et qui a pris modestement le nom de « Commission administrative ». Van Halen, de la branche espagnole d'une noble famille limbourgeoise originaire de Weert, beau-frère du général patriote Quiroga, est un personnage romanesque. Il a connu les prisons de l'Inquisition et de la Réaction espagnole, puis il est allé se battre au service du tsar dans les campagnes du Caucase. Farouchement espagnol, il a pris part aux guerres civiles qui ont déchiré sa patrie et s'est distingué en 1822 et 1823 dans l'armée du célèbre Mina. Son nom est connu dans les milieux des révoltés. Charles Rogier a collaboré à la rédaction de ses Mémoires, publiés à Liège et à Bruxellcs en 1827.
La famille de Rogier a aidé l'exilé qui, en 1828, est venu se fixer à Bruxelles où il retrouve des parents appartenant à la bourgeoisie maestriechtoise. Ce béros des révolutions espagnoles, cet expert en combats de rues s'est distingué le 24 au matin dans une lutte acharnée pour la prise de maisons rue de Louvain. Convoqué à l'hôtel de ville, il s'y présenta le 24 au soir et se vit offrir le « Commandement eu chef des forees actives de la Belgique ».
L'ordre du jour par lequel Juan Vau Halen fil connaître le 25 septembre son acceptation nous éclaire sur les seutiments d'amour du peuple et d'attachement profond et sincère de ces insurgés à la cause de la liberté. « L'amour de la liberté, le devoir de défendre tant de familles dans la consternation, l'irritation dont mon âme est animée en voyaut assassnuer les habitants et brûler leur foyers, m'ont fait sortir de l'obscurité dans laquelle je m'étais placé. J'accepte avec l'orgueil d'un admirateur de la victoire du peuple contre des incendiaires et des dévastateurs, j'acepte, fier aujourd'hui du nom belge, allié à celui d'un Espagnol libre, un commandement dont je suis loin de me croire digne ". On croirait entendre un héros de Stendhal s'écrier « Jc suis un homme libre! ».
A la Commission, Rogier a imposé ce choix. C'est une habileté de sa part pour calmer le mécontentement des purs. Les bourgeois qui se sont installés dans les bureaux de l'hôtel de ville au grand courroux des radicaux ont à se faire pardonner leur découragement et leur éloignement de la capitale aux heures incertaines. Les étrangers sont aussi satisfaits, car Van Halen attache spécialement à sa personne deux amis espagnols Urculo et Verloe. Ernest Grégoire, chef de partisans, devient son aide de camp, tandis que Kessels, « montreur de baleine » dans les foires et ancien marin de l'Empire, est chargé du commandement de l'artillerie. Le chef d'état-major est un Belge: Pletinckx, ancien officier de l'armée des Indes, devenu propriétaire de l'Hôtel de la Paix, ce rendez-vous général des vrais révolutionnaires et le premier siège de la Réunion centrale.
C'est là d'ailleurs que Juan Van Halen se retire le 24 pour préparer ses plans de bataille. Mais il ne dispose que d'un « misérable petit avorton de plan de Bruxelles et des environs, arraché à un livre de deux sous, décrivant Manneken Pis et les autres beautés de la ville ». Il reste plusieurs heures à établir un plan d'opération pour chasser les Hollandais du Parc. Autour de lui règne le plus bel enthousiasme. Pletinckx verse à boire, les toasts succèdent aux toasts. Ces gens « qui avaient tous l'aspect de brigands », sont sûrs maintenant de la victoire. Vers minuit, Van Halen flanqué de son état-major, va sur la Grand'Place haranguer les « soldats-citoyens », mais ceux-ci déclarent qu'ils n'iront pas à la boucherie. Van Halen remet l'attaque au lendemain et visite différents postes qu'il trouve sérieusement dégarnis.
Cette attaque échouera. Soigneusement préparé, le plan d'assaut par trois colonnes qui devaient déboucher de la Place Royale, de la Montagne du Parc et de la Place de Louvain, était une idée irréalisable. La coordination des mouvements était impossible avec des éléments aussi divers, aussi turbulents, aussi indisciplinés, vaolontaires hardis, sans doute, mais médiocres soldats. Pletinckx ne réussit pas à s'emparer du Palais des Etats-Généraux (à l'emplacement de l'actuel Parlement), et la sortie de Kessels, s'élançant de la barricade du Calé de 1'Amitié, fut vite repoussée. Les soldats royaux cachés derrière les arbres et les artilleurs pointant leurs canons sur les issues principales avaient une énorme supériorité sur les assaillants.
Il était plus sage de s'emparer des hôtels en tourant le Parc. Les communications intérieures que les insurgés pratiquaient de maison à maison causaient de graves soucis à l'état-major royal. Le 25 au soir, le long de la rue Royale, face au Parc, la plupart des immeubles sont occupés par les patriotes. Seuls les escaliers de la Bibliothèque sont encore aux mains de l'armée. Le 26, celle-ci en sera chassée. Rue de Brabant, l'actuelle rue de la Loi, des Belges s'infiltrent aussi. L'hôtel de Galles est atteint au coin de la rue Royale.
Le général Van Halen a consacré la soirée du 25 à préparer un nouveau plan d'attaque. Installé dans une chambre de l'hôtel de Chimay, Montagne du Parc, il songeait à un assaut au débouché des mêmes endroits. Mais il se plaignait de l'insubordination de ses combattants « autant de généraux que de soldats ». Le 26, ce furent les troupes royales, qui prirent l'initiative des opérations. Les grenadiers s'élancèrent vers la Place Royale, mais le tir des canons de Mellinet et de Charlier à la Jambe de Bois, le feu nourri des hommes massés derrière les barricades, retranchés dans l'Hôtel de Belle-Vue et le Café de 1'Amitié, brisèrent l'ultime effort de ces troupes d'élite. Bien mieux, Kessels réussira avec une poignée de braves à s'emparer de deux caissons. Mais les tentatives de ce même Kessels et d'autres volontaires pour s'installer solidement dans le Parc échouèrent encore toutes, ce jour-là.
La nuit du 26 au 27 se passa à renforcer les barricades et à préparer un assaut mieux ordonné pour le lendemain. Mais il ne devait plus y avoir de combat autour du Parc: l'ennemi, entre minuit et trois heures du matin, dans un remarquable silence, avait vidé les lieux.

* * *

L'échec de la stratégie hollandaise est manifeste. Comment expliquer que dix mille hommes de troupe lancés sur Bruxelles aient si lamentablement conduit une opération dont le succès paraissait aisé? Dans la première moitié du XIX. siècle, les tentatives militaires pour briser la résistance d'insurgés n'ont pas toutes réussi. Les victorieuses journées de Bruxelles succèdent aux « Trois Glorieuses » de Paris. A Vienne, en 1848, à Berlin la même année, les révolutionnaires l'ont emporté, du moins initialement. Mais les journées de juin 1848 à Paris ont marqué un tournant. Sans doute, l'unité révolutionnaire était brisée avant que les troupes de Cavaignac entrent en action, mais c'est le recours à la répression brutale qui a écrasé les espoirs des rebelles. Par contre, à Varsovie, la force a toujours fini par mater les révoltes, en 1831 comme en 1863. En Italie aussi les armées de Metternich ont longtemps triomphé.
L'explication première de la victoire de l'autorité sur un soulèvement populaire est d'abord et avant tout dans le recours délibéré à la force brutale, employée sans considération humanitaire quelconque. En Europe occidentale, au cours de la première moitié du XIXe siècle, contre des insurgés comptant des bourgeois dans leurs rangs et des bourgeois que l'autorité répressive, avec plus ou moins d'illusions, considère comme appartenant au même groupe national, l'autorité a agi parfois avec prudence. Ces précautions ont épargné le sang, mais elles lui ont coûté le pouvoir. Ce souci de la vie humaine explique, en partie, la défaite du pouvoir établi dans cette lutte de forces qu'est d'abord une révolution. Une des causes de cette prudence est peut-être sentimentale. Le XVIIIe siècle sensible et aimable n'est pas loin et la fatjgue des guerres de la Révolution et de l'Empire pèse lourdement sur les épaules des hommes politiques responsables, des chefs d'Etats. Le prince Frédéric est un philanthrope. Grand-maître de la Franc-maçonnerie, il a toujours été considéré comme un homme foncièrement bon et il ne semble pas que son éducation Prussienne ait trop altéré ses qualités natives. Mais la prudence vient aussi de la réflexion et de la soumission aux faits. Les rois du temps savent que l'époque est révolue de la répression brutale. Le courant libéral est tout-puissant. Il ne sert à rien de vouloir le briser. Mieux vaut tenter de le dévier. La bourgeoisie aidée par le peuple, car les deux classes, si elles ne sont pas amies, sont sûrement alliées, est décidée coûte que coûte à faire triompher ses idéaux. C'est folie de vouloir refuser au peuple la souveraineté qu'il réclame. Les aspirations libérales et nationa]es de certains éléments des troupes lancées contre des insurgés obligent souvent le pouvoir à composer. Après 1848 l'atmosphère sera toute différente, le vent soufflera à la réaction, les classes alljées, bourgeoisie et peuple, seront devenues ennemies.
Dans l'esprit des chefs de l'expédition, le recours à des mesures d'exécution brutale est sans doute froidement envisagé. Mais, l'arrêté secret de Guillaume 1er du 17 septembre 1830 décidant la marche des troupes sur Bruxelles, prescrit de verser le moins possible de sang et de limiter les dégâts au minimum. Il va sans dire que la proclamation du prince Frédéric du 21 à la population bruxelloise insiste sur ce rôle pacificateur. « Les légions nationales vont entrer dans vos murs, au nom des lois, et à la demande des meilleurs citoyens, pour les soulager tous d'un service pénible et leur prêter aide et protection. Ces officiers, ces soldats, unis sous les drapeaux de l'honneur et de la patrie, sont vos concitoyens, vos amis, vos frères. Ils ne vous apportent point de réactions, ni de vengeances, mais l'ordre et le repos. Un généreux oubli s'étendra sur .les fautes et les démarches irrégulières que les circonstances ont produites. »
La résistance inattendue aux portes de la ville, le confinement dans le Parc obligent les chefs militaires à reconsidérer tout le problème. Le chef de l'état-major, Constant Rebecque, le 23 septembre, écrit dans son journal: « L'affaire était manquée. La réaction tant promise en notre faveur n'a pas eu lieu... Nous n'occupons les hauts de la ville que d'une manière imparfaite, et nos troupes sont trop peu nombreuses et trop inexpérimentées pour des opérations de vive force et pour se retrancher ». Un seul espoir subsiste: « lasser les assaillants par notre persévérance et obtenir par des négociations la cessation des hostilités et l'occupation du reste de la ville ». Ainsi on ne recourra pas à des armes destructives singulièrement efficaces, il n'y aura pas de bombardement de la « ville rebelle », mais des négociations.
Celles-ci ne pouvajent aboutir. Les insurgés voulaient le retrait des troupes. Le prince Frédéric, exigeait l'occupation pacifique de la ville par l'armée. Les points de vue étaient inconciliables. Mais ce désir de négocier éclaire singulièrement la psychologie des chefs militaires. La première mission du lieutenant-colonel de Gumöens, envoyé par le prince Frédéric dans l'après-midi du 23 septembre auprès d'une autorité révolutionnaire quelconque, aboutira à une proclamation très significative du prince Frédéric : « J'étais venu, par l'ordre du roi, vous apporter les nouvelles de paix et pour rendre à cette résidence l'ordre légal, qui seul peut arrêter le torrent des maux auxquels elle est en proie ». Et il affirme être prêt à l'oubli, pourvu que la garde urbaine, réorganisée, reprenne son service « de concert avec les troupes nationales », et que « les autorités légales ressaisissent le pouvoir nécessaire à l'exécution des lois ». Mais le président et les membres de la « Commission provisoire d'ordre public », réunis à l'hôtel de ville le soir du 23 à dix heures, fixèrent trois conditions à la cessation du combat, dont la première est décisive: « Les troupes se retireront immédiatement à six lieues de Bruxelles et cesseront toute hostilité tant avec cette dernière ville qu'avec les autres villes du Royaume ». Ils y ajoutèrent « l'oubli général du passé sans restriction aucune » et « la réunion ordinaire des Etats-Généraux dans une ville des provinces méridionales autre que Gand et Anvers ». Trois notables, le baron E. Vanderlinden d'Hooghvorst, le baron de Coppin, l'avocat Delfosse, accompagnés de deux aides de camp, allèrent porter cette réponse au Quartier Général du prince, chez le notaire Hermans à Schaerbeek. Le prince fut sur le point de céder. L'aide de camp Debremaker fut même envoyé à l'hôtel de ville par le baron d'Hooghvorst « pour faire connaître l'accueil favorable que le prince avait fait à la députation et la vive émotion qu'il avait paru ressentir au récit qui lui fut fait des événements de la journée ». Il apportait l'ordre verbal d'empêcher autant que possible un nouvel engagement, « dans la crainte de troubler la transaction qui paraissait s'entamer ». Mais après en avoir discuté pendant deux heures avec son conseil, le prince déclara qu'après avoir revu les instructions du roi, il ne pouvait céder aux exigences des « parlementaires ».
Une nouvelle démarche princière fut tentée le 24 dans l'après-midi. Le prince Frédéric envoya le curé de Laeken demander la fin des combats. Elle n'eut pas plus de succès que la précédente. Dans la nuit du 24 au 25, des négociations se nouèrent à nouveau. Emmanuel d'Hooghvorst, Delfosse, Pourbaix et deux autres bourgeois arrivèrent en députation au Quartier Général. Cette fois, le prince céda sur des points essentiels. Il accorda une amnistie pleine et entière, alors que la proclamation du 21 en excluait les « auteurs principaux d'actes trop criminels pour espérer d'échapper à la sévérité des lois » ainsi que les étrangers (ceux-ci, cependant, devaient quitter la ville). Il promettait d'employer toute son influence auprès de son père pour que la session ordinaire des Etats-Généraux se tienne à Bruxelles, il confiait aux chefs de section la mission d'organiser une Régence provisoire, enfin, il acceptait un échange immédiat des prisonniers et des otages. Ce recul du prince accusait son découragement dont témoignèrent les minutes d'un ordre de retraite pour le 25 au matin, ordre qui ne fut pas mis à exécution. Mais les négociateurs belges avaient dû accepter l'occupation par les troupes royales des positions qu'elles détenaient dans le haut de la ville et le renvoi des bandes liégeoises. Cela suffit à faire rejeter par les insurgés les engagements souscrits de cesser le combat.
Le prince, cependant, ne se découragea pas. Le 25 septembre, à deux reprises encore, il s'efforça d'obtenir la cessation des combats par des voies de conciliation. Il envoya le lieutenant en second du 10e lanciers, l'adjudant-major H. de Ravenne, inviter le baron d'Hooghvorst à se rendre auprès de lui, « afin d'aviser ensemble aux moyens de rétablir la paix et la tranquillité dans la ville». A la« Commission administrative», Rogier s'opposa au départ de l'ancien chef de la garde bourgeoise, et il fut répondu à la proposition princière par l'exigence du retrait immédiat des troupes « à un rayon de huit lieues. Telles seraient les premières bases de tout arrangement ultérieur ». Le prince Frédéric s'inclina. « Son Altesse Royale le Prince Frédéric des Pays-Bas consent à retirer les troupes hors de la ville, à condition que les hostilités cessent de suite et que l'on s'adresse à son Altesse Royale pour concerter avec elle sur les moyens àprendre pour rétablir l'ordre et la tranquillité ». Mais cette fois, ce furent les membres de la « Commission administrative» où Rogier joue un rôle prépondérant qui ne se satisfirent plus du seul éloignement des troupes et qui manifestèrent une superbe audace. La réponse est remarquable. Elle est de Rogier, croyons-nous, car elle sent son juriste de droit public, l'étudiant de Liège, l'élève de Destrivaux qui se souvient de Jean-Jacques. « Prince! le sang du peuple versé et l'incendie d'une partie de la ville ont rendu aujourd'hui tout traité bien difficile. L 'exaspéra tion de tous les esprits est telle en ce moment que nous ne pouvons répondre que ce qui serait convenu par nous, serait l'expression de la Volonté générale (c'est nous qui soulignons). Toutefois, l'éloignement immédiat des troupes parviendrait peut-être à arrêter le massacre des soldats et à sauver la dynastie ».

* * *

Ainsi, le prince, chef militaire sans doute, mais personnage royal d'abord, incline constamment au recours à la négociation et à des solutions pacifiques du conflit. Cependant, tous ne partageaient pas ses vues au Grand Quartier Général. Certains militaires étaient partisans d'une répression draconienne de l'insurrection. Le 26, il sembla pendant quelques heures que cette solution allait triompher. Constant Rebecque ne voulait à aucun prix « céder à cette canaille ». « Il faut l'écraser », déclare-t-il au major von Gagern qu'il envoyait à Gand auprès du général duc Bernard de Saxe-Weimar, dont la violence de caractère était connue, pour l'appeler au commandement de l'Infanterie. En même temps, il avait fait venir le général Cort-Heyligers qui tenait les communications entre Bruxelles et Liège, avec un solide renfort de sept bataillons d'infanterie, un régiment de dragons et une batterie de canon. Enfin, il avait chargé le colonel Van Balveren, oublié à Assche depuis l'affaire de la rue de Flandre, de couper la route de Bruxelles à Ath. Pour redresser le moral des troupes, il leur adressa un ordre du jour énergique.
Mais ce revirement ne plut pas à tout le monde. L'énergie de Constant Rebecque se heurta à la mollesse et au découragement de plusieurs officiers supérieurs. Le général d'infanterie Trip, le major Nepveu étaient partisans de traiter. Cette tendance l'emporta finalement. Le prince éloigna Constant Rebecque. La blessure que le général avait reçue le premier jour des combats fut le prétexte de son éloignement. Le major Nepveu qui le remplaça comme chef d'état-major du corps d'armée mobile était rallié àl'idée de la retraite... A deux heures de l'après-midi, au moment où le prince, les larmes aux yeux, embrassait Constant, envoyé à La Haye pour faire rapport au roi et soigner sa blessure, l'abandon de la ville par les troupes royales n'était plus une éventualité, c'était une certitude. Ainsi le pouvoir politique et même le pouvoir militaire n'ont pas voulu recourir à des procédés violents pour mater l'insurrection. Le bombardement de la ville de Bruxelles n'a pas été tenté. Les pièces d'artillerie dont le commandement disposait ne permettaient d'ailleurs pas une opération d'envergure. Lorsque dans le feu du combat et dans l'âpreté de la lutte, quelques-uns songèrent à des représailles que la rage commandait plus que la raison, des officiers belges au service du Roi manifestèrent clairement leur intention de déserter en cas de bombardement de leur capitale.
Les troupes choisies pour l'opération étaient sans doute les meilleures du roi des Pays-Bas, majs leur valeur était, dans l'ensemble, médiocre. Quelques unités étaient de qualité, toutefois la ljgne était composée d'hommes jeunes, inexpérimentés. Or les combats de rue, pleins de surprises, réclamaient précisément un courage et une adresse particulières. Derrière leurs barricades, les insurgés postés aux fenêtres, occupaient des positions quasi inexpugnables. Le fanatisme national qui excitait les rebelles n'animait pas ces unités. Sans doute, elles étaient composées en majeure partie de Hollandais; ceux-ci n'aimaient assurément pas les Belges, cependant ils n'éprouvaient pas encore à leur égard les sentiments profonds de haine qu'ils ressentiront à la suite d'une propagande nécessaire à la réalisation des desseins royaux ou simplement par le fait des combats, puis des luttes diplomatiques de toute une décade. Au surplus, la présence de quelques Belges dans le cadre de ces troupes en brisait l'unité. Les officiers belges s'émurent vite de l'âpreté de la lutte et souffrirent douloureusement de l'équivoque de leur situation. Entre le loyalisme monarchique et l'amour de la patrie, ils choisiront la patrie.
L'explication fondamentale de l'échec du prince Frédéric est donc dans la répulsion à recourir à des moyens radicaux pour briser le soulèvement populaire. Le siècle est passé où l'on écrase la « canaille », et le siècle n'est pas encore venu où la puissance des moyens de destruction annihile toute insurrection.
Des causes secondaires expliquent néanmoins le désastre. Même avec de telles préoccupations humanitaires, l'attaque de Bruxelles aurait pu réussir si des erreurs de tactique n'avaient pas été accumulées lors des premières heures de la lutte. Avec de la clairvoyance et de la décision, la place Royale pouvait être occupée et la rue Royale serait restée entièrement aux mains de la troupe. La cavalerie a été oubliée sur les boulevards alors qu'elle aurait pu gêner l'arrivée des renforts du pays wallon. On comprend que le 23 au matin, on n'ait point voulu intercepter ces routes, pour permettre précisément l'exode des étrangers. Mais, dès le 23 à midi, il fallait occuper ce qui était des voies d'accès et non plus les chemins de la fuite. L'utilisation plus rationnelle de l'artillerie aurait permis de détruire les barricades et d'ouvrir le passage à des hommes intrépides. Mais il n'yen avait guère parmi les assaillants...
Le 27 septembre, à quatre heures du matin, « hors la porte de Scarrebecke », le prince Frédéric envoyait à son frère une lettre découragée : « Hélas, je ne peux que vous donner de mauvaises nouvelles, car depuis le départ de Constant, notre situation s'est empirée au point que j'ai cru devoir donner l'ordre de retirer ce matin les troupes hors de Bruxelles pour prendre la position de Dieghem. Hier, vers le soir les révoltés se sont portés en masse vers le parc, et y ont fait un feu si terrible que les troupes ne pouvaient plus tenir à l'intérieur, en même temps ils ont mis le feu au palais du Roi, dans la partie que j'occupe, en jettant des petites balles enflammées depuis la maison d'accôté dont ils s'étaient rendus maître... »(R. Demoulin, Les Journées de Septembre, p. 275, Liège, 1934.) Une heure et demie plus tard, de son Quartier Général, Van Halen adressait aux membres du Gouvernement provisoire un grand bulletin de victoire. « Messieurs, l'ennemi dont sans doute la chaude journée d'hier a complété le déplorable état de démoralisation a senti l'impossibilitéd'une plus longue résistance et vient d'abandonner nos murs. L'héroïque Bruxelles est libre... »
Il y avait, en effet, depuis la veille, un Gouvernement provisoire de la Belgique.

Histoire de la révolution belge chapitre 1:

Histoire de la révolution belge de 1830: chapitre 2: Du côté de La Haye

Histoire de la révolution belge de 1830: chapitre3: Les divisions dans les camps des patriotes

Histoire de la révolution belge de 1830 -Chapitre 4: Le glas du régime

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 5: L'aube d'un Etat

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 6: Le soulèvement national

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 7: La Révolution et l'Europe

Histoire de la révolution blege Chapitre 8: Conculsion

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Chair flesch..

On relève la tête, regard en coin sur des fesses qui se déplacent au beau milieu d'un corps. C'est le soleil enfin qui exacerbe les sens.

Déhanchement chaloupé, le jean un peu tombant, tenue négligée, un mouchoir sort à moitié de sa poche, La journée s'annonce belle et je rêve seul dans mon jardin.

Pas de défilé, pas de ses passantes qui déambulent sans un regard sur mes yeux ou se lit le désir.

Chair flesch.

Un mur de mon atelier ou l'on peut voir 12 variations sur un genoo too moo

.SDC10161

Je crois entendre des pas qui résonnent sur le trottoir.

Allongé sur mon transat, je fixe la haie sombre de lierre. Une mouche passante, s'énerve entre deux feuilles qui ne bronchent pas

Moi stupidement installé, la jambe en l'air un sac de glace entoure mon genou

C'est la première mouche de l'année..



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COBALT INTERNATIONAL GALLERY Présente Myriam Akhaloui // Stephane Lejeune // Encarto

Exposition visible // du 30 mai - 13 juin

Vernissage // Le 29mai à 18 h

Ouverture de la galerie // le mercredi et le vendredi de 16 h à 19h

le samedi et le dimanche de 13h à 18h;


AKHALOUI MYRIAM

Sa démarche commence en 1998, année où elle précise son choix du média d’expression. Démarrent alors ses premiers essais photographiques.

En 2005, elle obtient un diplôme de l’Ecole de Photographie de la Ville de Bruxelles.

La recherche esthétique utilise à la fois le principe de la macrophotographie et du microscope pour conférer une force lyrique à des objets ou partie d’objet et en donner une personnalité détournée et abstraite.

Myriam Akhaloui.


STEPHANE LEJEUNE

La figuration se décompose dans une suggestion abstraite de la fuite, de l’errance, de la dépendance, de la course pour la vie !

Encres sur papier et sur toile.

Stephane Lejeune .


ENCARTO

Conscient de l’impact de l’homme sur l’environnement, Encarto, autodidacte designer, organise l’espace dans lequel il vit.

Ceci l’a conduit à réfléchir sur l’objet en lui-même, traduisant des matériaux de seconde main en un assemblage esthétique et utile.

Encarto


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l'homme c'est l'homme..

Un homme amoureux transi de "Flo".. se voit chaque matin dans son miroir.

Tête d'homme amoureux transi 55x46 acry et nombreux marouflages sur toile

tête 55x46

Chaque matin, il fait avant de se lever du bon pied, un peu de gym, et beaucoup d'abdominaux..Il sait que la femme dont il rêve chaque nuit déteste les hommes bedonnants. Il sait beaucoup sur cette Flo qui le hante..

Il sait aussi que la fin du monde est programmée en 2012.. Que comme la bise noire, la marée noire ne se finira jamais..

Mais il n'a pas d'idées noires ce matin, juste agacé parce que les messages d'amour qu'il envoie chaque jour tout en sachant qu'il exagère, restent lettres mortes.

Il sait qu'il lui faudra renoncer à cette passion, il sait qu'il doit renoncer à tellement de passions, que le renoncement et la résignation font partie de sa vie.


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endormissement


.

.

quand je ferme les yeux
s'apaisent les orages
et c'est une impression sans corps et sans visage
sans contact et sans mots de n'être plus tout seul
.
les angoisses du jour n'ont plus qu'à disparaître
une immense tendresse enveloppe mon être
généreuse et complice

apaisante

et si bleue
.
j’entre alors allégé dans un vide insondable
où je ne pèse rien où rien ne fait obstacle
et glisse dans ma nuit comme un vaisseau éteint
.
mes rêves ont pourtant des relents de débâcle

mais il n'en reste rien quand revient le matin

.

.

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