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Cinéma (15)

administrateur théâtres

 play_461_k57a1483.jpg"Vous désirez quelques notes biographiques sur moi et je me trouve extrêmement embarrassé pour vous les fournir ; cela, mon cher ami, pour la simple raison que j'ai oublié de vivre, oublié au point de ne pouvoir rien dire, mais exactement rien, sur ma vie, si ce n'est peut-être que je ne la vis pas, mais que je l'écris. De sorte que si vous voulez savoir quelque chose de moi, je pourrais vous répondre : Attendez un peu, mon cher Crémieux, que je pose la question à mes personnages. Peut-être seront-ils en mesure de me donner à moi-même quelques informations à mon sujet. Mais il n'y a pas grand-chose à attendre d'eux. Ce sont presque tous des gens insociables, qui n'ont eu que peu ou point à se louer de la vie."

La  Salle des Voûtes du théâtre le Public accueille un  portrait éclaté de Luigi Pirandello (1867-1936) à l’aide de  figures emblématiques  issues  des nouvelles  de l’écrivain sicilien : « Je rêve, mais peut-être pas », « Ce soir on improvise », « L’homme à la fleur à la bouche ».  Une petite suite de cauchemars interprétée avec  talent de rêve par un trio de  comédiens capables d'allumer et de  projeter à merveilles ces personnages de l’absurde : Axel de Booseré, Jean-Claude Berutti (mise en scène et adaptation ), Christian Crahay (en alternance avec Lotfi Yahya) et Nicole Oliver.

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Une fois donnés en pâture au public, les thèmes  iront se balancer librement dans son imaginaire,  lui qui devient, s’il se laisse faire,  créateur à son tour,  tout autant  que l’est le metteur en scène lorsque celui-ci  construit sa rencontre avec le texte. Le fil rouge c’est un outrecuidant chef de troupe à la Berlinoise nommé Hinkfuss.

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Théâtre dans le théâtre, que voit-on sur l’écran noir de nos nuits blanches ?  L’amour, la jalousie, la possession, la dispute.  Le mystère ou le rêve dans la voix de cette femme voilée comme dans les tableaux de Magritte ? L’inversion des rôles puisque c’est Luigi qui fut en butte à la jalousie morbide de sa femme ? Un credo : l’énergie de l’acteur libère les doutes, les mensonges, les tricheries, la cruauté. La tyrannie des conventions sociales.  La fourbe tyrannie du mâle : « Il voulait lui faire une surprise…» La robe de strass couleur rubis alanguie sur le tapis vert de la salle de jeu ou sur la méridienne verte  flanquée d’un pouf  répond mollement, absente de l’embrasement, tout à son désir d’un collier de perles et à ses rêves d’amants. Le drame couve. Soudain la comédienne  prend le pouvoir et explose les artifices…à la manière d’Alice.Lewis Carroll? Déchaînement!   

Dans la tentative d’une représentation impossible, il n’y a néanmoins  pas de couture apparente entre les pièces accolées du jeu de miroirs…comme chez  Picasso et les autres de la même époque.

Heureux qui communique : on suit sur l’écran noir et blanc  le visage, le regard de Mommina, devant une fenêtre ouverte sur un paysage, Magritte encore. Rico, Le mari qui la séquestre  referme la fenêtre. Il ne veut plus qu’elle pense ou pire, qu’elle rêve. Prisonnière, elle lui échappe même s’il la brutalise.   Ses sœurs, restées libres font scandale: elles chantent en public. Pendant qu’elle raconte à ses deux fillettes, l’histoire de cet opéra qu’elle chantait avec sa famille, des souvenirs heureux ressuscitent sous forme de marionnettes. Bonjour les géants de la Montagne !  Elle se met à chanter et meurt devant ses filles, sous l’émotion qui l’étouffe. Rico Veri la découvre morte  et  repousse le cadavre du bout du pied. Cruauté : Il l’a trompée en allant  seul à l’opéra voir  l’œuvre chantée par une de ses jeunes  sœurs, Totina restée libre. Paradoxe de la comédienne : elle n’a plus de souffle et n’arrive pas à mourir… Le cauchemar ! Poignant.

4130556538.jpgOn s’égare encore, l’ombre de  Delvaux  ou de Marceau se profile-telle ?  Chargé de cadeaux pour sa famille,  un  personnage  plein de certitudes a raté son train de trois minutes. Il rencontre ce  malade qui porte une fleur funeste à la bouche…dévorante comme le nénuphar dans  l’Ecume  des jours.    Il  a besoin de s’attacher à la vie de gens qu’il ne connaît pas, pour ne pas mourir. «  Moi Monsieur, je m’accroche à la vie par l’imagination. J’imagine la vie des gens que je ne connais pas et c’est bon pour moi ! La vie on l’oublie quand on la vit … mais la vie Monsieur  … la vie … surtout quand on sait que c’est une question de jours … »  Cauchemar. Edgar Poe es-tu là ? Non c’est Pirandello, Luigi de son prénom. Paradoxal de son surnom.

Freud enfin, es-tu là ? Ou Marcel? "Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent à elles, un certain rêve que nous ne savons pas toujours distinguer mais que nous poursuivons."Le temps retrouvé. Voilà la visite de la mère, morte, coiffée d’un large chapeau impressionniste voilé. Scène où  le  fils  pleure sa propre mort en elle. Désespoir de la solitude. Pour elle il ne sera plus jamais le fils ! Elle ne peut plus jamais le penser comme il la pense! Bouleversant.

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Très beau théâtre de réflexion sur l’incommunicabilité, vibrant de références, foisonnant  de vitalité scénique et esthétique… toutes choses qui ne peuvent laisser indifférent. Art is life. Dixit Kandinsky. 

https://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=461&type=1

          

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administrateur théâtres

12273097279?profile=originalSur la route de Paris-Bruxelles: Oyez bonnes gens, artistes et public de Quiévrain et d'Outre-Quievrain, frontaliers ou métropolitains, chaque année, 3 jours sont consacrés exclusivement

au piano sous toutes ses formes : concerts symphoniques, récitals, sessions jazz, piano et cinéma, masterclasses, improvisations, créations et happening musicaux, rencontres avec les artistes, conférences...

Venez donc à pied, à cheval ou en voiture, le TGV , pourquoi-pas? 

Nous festivalons avec Arts et Lettres!

Voici le concert d'ouverture:

KUN WOO PAIK
J.-C. CASADESUS

PIANO SOLO & CONCERTO

N°1

4379432_7_af47_la-salle-renovee-de-l-auditorium-grand_71b0e153d2ad108c66677d3090d65ff0.jpg?width=92NOUVEAU SIÈCLE • AUDITORIUM

VEN 12 JUIN 20:00 > 21:00

OUVERTURE DU FESTIVAL
ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE

LISZT VALSE DE L'OPÉRA FAUST DE GOUNOD,
POUR PIANO SEUL

BEETHOVEN CONCERTO POUR PIANO N°3

KUN WOO PAIK PIANO
JEAN-CLAUDE CASADESUS DIRECTION

Le grand pianiste Kun Woo Paik nous fera tout d'abord découvrir un genre très en vogue au XIXème siècle, celui de la paraphrase d'opéra, dont Liszt fut l'un des plus fameux représentants. Alors qu'il n'y a à l'époque ni radios ni disques, les transcriptions pour piano permettent aux mélomanes d'entendre chez eux leurs œuvres favorites ! Puis le pianiste coréen nous régalera avec Beethoven, dont le Troisième concerto adopte un langage novateur, le piano dialoguant d'égal à égal avec l'orchestre.

Concert diffusé en direct par France Musique et en différé sur Grand Lille TV

http://www.lillepianosfestival.fr/juin_2015/vendredi/

http://www.lillepianosfestival.fr/juin_2015/samedi/

http://www.lillepianosfestival.fr/juin_2015/dimanche/

Et de très beaux lieux à découvrir!

Nouveau Siècle

Place Mendès France - Lille

Métro ligne 1 > station Rihour
Parking Nouveau Siècle ou Grand Place
Station V'Lille Nouveau Siècle ou Rihour
onlille.com

 

Conservatoire

Place du concert - Lille

Parking Vieux Lille Peuple Belge
Station V'Lille Place du concert
http://conservatoire.lille.fr

 

Gare Saint Sauveur

Boulevard Jean-Baptiste Lebas - Lille

Métro ligne 2 > station Mairie de Lille
Station V'Lille Jean-Baptiste Lebas
lille3000.eu


Maison natale Charles de Gaulle

9 rue Princesse - Lille

Parking Avenue du Peuple Belge
Stations V'Lille Halle aux sucres et
St-Sébastien
lenord.fr

 

Palais des Beaux-Arts

Place de la République - Lille

Métro ligne 1 > station République - Beaux Arts
Parking République
Station V'Lille République - Beaux Arts
pba-lille.fr

Centre culturel de Lesquin

ville-lesquin.fr


Villa départementale Marguerite Yourcenar

Centre Départemental de résidence
d'écrivains européens
2266, route du Parc - Saint-Jans Cappel

lenord.fr

 Serez-vous du voyage?

..pour vous donner envie: C'était il y a un an! https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/retour-sur-le-lille-pianos-s-festival-dans-13-lieux-ces-13-14-et

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12273006687?profile=originalOmbres, lumières et quelques craquelures (Chercheur d'or, tintype, ca 1856/60)

Charlot et "La ruée vers l'or" continue de s'inscrire dans notre mémoire vive. Charlot, "Une forme blanche et noire imprimée dans les sels d'argent de l'orthochromatique", tel que le définissait André Bazin.

Une silhouette dont Chaplin lui-même voulait "que tout fût en contradiction : le pantalon exagérément large, l'habit étroit, le chapeau trop petit et les chaussures énormes."

"La ruée vers l'or" fut donc présentée en avant-première mondiale le 26 juin 1925, puis à New-York le 16 août. Et, comme pour la ruée de 98, la nouvelle fit le tour du monde, Londres, Paris, Berlin, partout le film triomphalement acclamé.

12273007462?profile=originalA la pelle du destin (jeunes chercheurs posant fièrement avec leurs outils, tintype, ca 1856-1860).

Mais tout dans le tournage ne fut pas tissé de lin et de fils d'or...

12273007657?profile=originalChacun cherche sa veine (tintype au format "carte-de-visite", ca 1865).

Outre la durée et les conditions de tournage (voir chapitres précédents), la réalisation fut compliquée par la relation ambigüe entre Chaplin et Lita Grey.

On le sait, Lita Grey devait avoir le principal rôle féminin et dut être remplacée par Georgia Hale.

Chaplin avait déjà engagé Lillita MacMurray en 1920 pour "The kid" (1921), après une première séance de photos, un petit rôle, celui de "l'ange de la Tentation", elle avait douze ans. On peut penser à Lewis Carroll photographe, ou à Lotta (Charlotte Crabtree), la gamine infernale de l'Ouest du temps de la ruée vers l'or en Californie, la protégée puis rivale de Lola Montès. Chaplin lui donna son nom de scène : Lita Grey. Lita au pays des merveilles.

12273008458?profile=originalUne vue fantaisie, fantasmée, d'une chercheuse d'or, une "Gibson girl",1905,

un certain idéal féminin véhiculé par un célèbre magazine du temps, prélude à la pin-up.

Suivit une petite figuration, avec maman Lillian, dans "Charlot et le masque de fer" (The Idle Class, 1922), puis le contrat signé pour un an fut clos.

Une audition pour le principal rôle féminin de "La ruée vers l'or", Lita se présenta pour un essai, joue sa carte et est engagée.

12273008290?profile=originalStrive to be happy (Chantal Roussel, huile sur toile, 2011).

Elle a quinze ans, mais est vieillie de quatre pour le communiqué de presse.

En septembre 1924, pendant le tournage, elle se retrouve malencontreusement enceinte. Le film est interrompu.

12273008878?profile=originalCrayonné pour un Charlot 'double-vision" (C. Roussel).

Chaplin, épouse Lita le 25 novembre (Chaplin s'était marié avec Mildred Harris en 1918, mais celle-ci avait demandé le divorce "pour cruauté mentale" en avril 1920, qu'elle obtint en novembre), la remplace par Georgia Hale et reprend le tournage, oubliant sa femme.

Charles Jr. nait le 9 mai 1925, moins d'une semaine avant la fin du tournage. Un petit embarras qui fut vite résolu puisque officiellement Junior fut mis au monde le 28 juin (le certificat de naissance fut falsifié).

Mais la situation perturbe Chaplin dans son travail, les époux se disputent et se rabibochent momentanément. Sydney Earl, leur second enfant, nait le 30 mars 1926. Lita quitte le domicile conjugal le 30 novembre avec leurs deux enfants et demande le divorce le 10 janvier 1927. Divorce qu'elle obtint le 19 août.

12273009094?profile=originalEbauche pour un tableau d'un Charlot double-vision (Chantal Roussel).

Un mariage bref et orageux... dont on dit qu'il inspira le "Lolita" de Nabokov...

Lola, Lotta, Lita, Lolita, troublante filiation.

12273009474?profile=originalDeux chercheurs d'or revenus des terrains pouilleux d'or, Gros-Jean comme devant

("Fossickers on the War Path", Australie, 1907).

Acteur, scénariste, réalisateur, producteur, compositeur, Chaplin, génie complet du 7e art, qui par "son rôle inestimable ]fit[ que le cinéma soit reconnu comme l'art de ce siècle" comme le proclamèrent ses pairs lors de la remise de son "Oscar d'honneur" en 1972.

Malgré toute l'admiration que j'ai pour Chaplin, je n'ai pas voulu faire de lui un portrait hagiographique, mais orthochromatique peut-être, en remontant aux sources de son inspiration, en décrivant les conditions de réalisation de son film le plus emblématique. Il n'en reste pas moins vrai que son oeuvre est monumentale et que son film "La ruée vers l'or", un des films majeurs du 7e art. Celui par lequel "je veux que l'on se souvienne de moi", aussi j'espère qu'il serait content de cet hommage.

Je remercie Chantal Roussel de m'avoir laissé puiser dans ses carnets, croquis et ébauches.

Même si je pourrais encore écrire beaucoup sur ce film qui à jamais m'a marqué, il faut savoir...

The End

Michel Lansardière

(texte, photos, documents, sauf mention contraire)

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12273004466?profile=originalProspectors returning to camp. 62 degrees below zero, Alaska (photo B. L. Singley, 1900).

"Le grand thème de la vie, c'est la lutte et aussi la souffrance. Instinctivement, toutes mes clowneries s'appuyaient là-dessus.",

Charles Chaplin.

12273004673?profile=originalLe dégel de la "boue payante" à l'eau chaude, Alaska  (photo Frank H. Nowell, 1903).

"Il fut si content, quand le film de Charlie Chaplin "La ruée vers l'or" fut tourné, de voir venir à lui les producteurs pour des photographies de cabanes en bois, de toute cette neige et cette glace, de congères et des gens, afin de pouvoir bâtir des décors authentiques.",

Dorothy Helling,

fille du grand photographe du Yukon et de l'Alaska Frank H. Nowell (1864-1950)*.

Car Chaplin, en perfectionniste qu'il était, tenait à ce que son film sonne vrai.

12273003684?profile=originalPorteurs dans l'ascension du col de Chilkoot (photo E. A. Hegg, 1898).

Les repérages à Truckee (Californie) eurent lieu du 20 au 24 février 1924 (Buster Keaton y avait déjà tourné "Malek l'esquimau" en 1922), puis le tournage lui-même avec plus de six cents figurants dans ce décor naturel, si semblable au col de Chilcoot, jusqu'au 26 avril 1924.

Le reste fut réalisé en studio avec notamment un cyclorama, une longue toile de fond sur roulettes pour simuler les scènes de tempêtes de neige, et la fameuse cabane, une maquette lorsqu'elle est suspendue dans le vide, et une autre, grandeur nature, actionnée par des câbles et des poulies. Et des effets spéciaux, une double exposition pour le poulet géant se substituant à Big Jim McKay (Mack Swain), le compagnon d'infortune de Charlot.

12273005296?profile=originalMort ou vif ? Prospecteur campant sur la piste de l'Alaska (photo Nowell & Rognon, ca 1900).

"... Rien que la neige et un idiot meurtri

Tranquille et endormi, il sera bientôt matin..."

Extrait de Lost  in Ballads of a Cheechako, Robert W. Service, 1909).

Les dernières prises eurent lieu les 14 et 15 mai 1925 avec la mort de Black Larsen (Tom Murray) sous une avalanche (la scène finale sur le bateau, celle de la version initiale, le fut elle en avril, sur "The Lark", un vrai navire).

Si l'on regarde le film image par image (ce que j'ai fait !), on peut lire sur une tombe "Here lies Jim Surdough", scène émouvante, rencontre spectrale dans le brouillard. Mais aussi jeu de mot. Le sourdough, littéralement "petit pain aigre", c'est le vétéran, le vieux de la vieille, le dur-à-cuire, capable de survivre dans le blizzard pour peu qu'il lui reste un bout de pain dans la poche. Il s'oppose au jeunot, au pied-tendre, au cheechako, un vrai charlot (ces deux termes sont spécifiques de l'argot des mineurs participant à la ruée du Klondike).

12273006084?profile=originalThe morgue, after the snowslide, april 3rd, 1898, Sheep camp, Alaska (photo B. L. Singley, 1898).

Dix-sept mois d'un tournage épique.

Une avant-première eut lieu au Forum Theatre le 28 mai 1925, suivie de la première mondiale le 26 juin au Grauman's  Egyptian Theatre à Hollywood.

Une sortie, un triomphe.

En 1942, Chaplin reprit le film, en changeant la fin. Dans la version d'origine, Charlot et Big Jim, fortune faite, retrouvent Georgia (Georgia Hale) sur le bateau et s'en retournent vers le monde civilisé et les lendemains qui chantent. Happy end.

La nouvelle version offre une fin plus équivoque avec les deux personnages qui s'éloignent...

Les sous-titres, trop datés, sont remplacés par une "voix off" et une musique composée par Chaplin. Le nouveau texte narré par Chaplin s'inspire de Robert W. Service (1875-1946), "le poète du Klondike" dont "La piste de 98" fut portée à l'écran en 1929 par Clarence Brown.

12273006668?profile=originalRobert W. Service devant sa cabane en rondins (1909).

Nouveaux effets, nouveau succès.

12273007100?profile=original"Il y a l'or, et il vous hante, vous hante,

Il me tourmente encor et encor ;

Encor n'est-ce pas tant l'or qui m'aimante

Que la découverte de l'or.

Les vastes horizons, au loin, tout là-bas,

Les forêts où le silence a droit de cité ;

La beauté qui m'emplit de ses appas,

La minéralité qui m'emplit de paix."

Robert W. Service

(traduction M. L., document ca 1910 avec de vraies paillettes d'or du Klondike).

"La ruée vers l'or", reste aujourd'hui encore une des plus belle pépite du cinéma mondial. Inoubliable.

A suivre...

Michel Lansardière (texte, photos et documents originaux).

* citation extraite de "Photographers of the Frontier West" de Ralph W. Andrews, 1965. Traduction L. M.

Note additionnelle:

12273002858?profile=originalCe billet, traduit en anglais (via google traduct, il s'agit donc d'une traduction machine)

Robert Paul

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"C'est le film par lequel je veux que l'on se souvienne de moi",

Charles Chaplin (1889-1977).

12273000053?profile=originalChercheurs d'or à l'assaut du col de Chilkoot, Alaska (photo B. L. Singley, 1898).

Quelques scènes-clés d'abord du film The gold rush (1925) :

http://youtu.be/4x8pXJx4uOI

"La ruée vers l'or" : un projet pharamineux qui s'avéra être la comédie la plus longue et la plus coûteuse de l'époque. Tournée dans la douleur, et à plus d'un titre. Conditions de tournage, coûts astronomiques, déboires sentimentaux, changements d'acteurs principaux... tout concourait pour aboutir à un fiasco.

L'histoire d'abord s'inspire de deux faits historiques dramatiques :


La Donner party en 1846, au tout début de la conquête de l'Ouest.

12272999899?profile=originalUn convoi d'émigrants en route pour l'Ouest (photo sur papier albuminé, ca 1860).

Un convoi parti d'Independance (Missouri), et même avant puisque les familles Reed et Donner firent leurs malles à Springfield (Illinois) pour se regrouper à Independance, pour arriver au Fort Sutter (actuelle Sacramento) en Californie au printemps 1847. Enfin, pour ceux qui survécurent...

Cinq familles, les Breen (Patrick et Margaret et leurs 7 enfants de 14 à 1 an), les Reed (James et Margaret, belle-maman Sarah Keyes, 70 ans, et 4 enfants de 12 à 4 ans), les Graves (Franklin et Elizabeth, 9 enfants de 21 à 1 an), les frères Donner, Jacob, sa femme Elizabeth, leurs 7 enfants (14 à 3 ans) et George, le chef du convoi, son épouse Tamsen et 5 enfants (13 à 3 ans), plus John Snyder, le fiancé de Mary Ann Graves. Auxquels s'agrégèrent quarante-trois autres émigrants au gré du périple et deux guides indiens Miwoks.

12273000699?profile=originalHommes, femmes, enfants : Go West !

Quoi qu'il en soit cinq sont déjà morts avant d'atteindre la Sierra Nevada, dont John Snyder abattu par James Reed qui sera lui banni, et trente-six périrent dans les neiges du côté de Truckee, au pied du mont Summit. Et ceux qui en réchappèrent le durent au fait d'avoir mangé leurs morts...

12273000485?profile=originalPlaque de projection pour lanterne magique (dessin, ca 1850).

La ruée vers l'or du Klondike ensuite, avec notamment le terrible col du Chilkoot, le passage quasi-obligé pour atteindre les champs d'or. Un col particulièrement difficile à franchir et à plusieurs reprises pour monter la lourde charge exigée par les autorités (soit une tonne par personne de vivres et de matériel !), cette mauvaise passe marquant la frontière entre l'Alaska et le Canada.  Et la police montée veillait ! Puis le Klondike, une région quasiment vierge et couverte d'or, au coeur de laquelle battait Dawson, la frénétique.

12273001263?profile=originalMineurs et porteurs grimpant la piste de "l'escalier doré"

(photo B. L. Singley, 1898).

L'idée du film vint à Chaplin lors d'une réunion avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford (United Artists) lorsqu'ils visionnèrent des photos stéréoscopiques de la ruée des "Klondikers", le nom que l'on donnait alors aux chercheurs d'or. Ces milliers d'hommes affamés d'or (parmi lesquels un certain Jack London) venus de tous pays.

Une fièvre, un gold rush, que l'on nomme ici stampede, provoquée par la découverte de quelques pépites le 17 juillet 1896...

12273001862?profile=originalPréparatifs avant la montée de l'escalier doré et la piste de Peterson, col de Chilkoot, Alaska (Keystone View Company, ca 1900).

Tous auraient "bien voulu voir quelque chose de cette ville de l'or, où la poussière d'or abondait comme l'eau, et s'amuser dans des cabarets où la musique et la danse offriraient des plaisirs sans fin", Jack London.

Le tournage fut également épique. Même si une grande partie du film fut tournée en studio, où l'on mobilisa des tonnes de matériel (notamment de sel, farine et confettis pour la neige), plateaux mobiles, énormes ventilateurs pour le chinook, ce vent chaud et puissant comme un alcool qui vous monte à la tête et vous pousse dans tout le Nord-Ouest américain pour mourir au Klondike... la crédibilité du film doit beaucoup aux scènes tournées en extérieur.

Où ?... au mont Summit près de Truckee (Nevada), là même où la Donner party fut bloquée par la neige et le blizzard. La scène étant censée se dérouler au fameux Chilkoot pass, le passage mythique de la ruée vers le Klondike sur le Chilkoot trail qui marque la frontière entre l'Alaska (Etats-Unis) et le Yukon (Canada), mobilisant des centaines de figurants.

Deux scènes furent finalement réalisées en extérieur, le coût du tournage comme la fièvre qui gagnait acteurs et techniciens s'élevaient de façon vertigineuse. Mais celle de la montée du col reste la scène d'anthologie du cinéma muet.

12273002461?profile=originalEn route pour les champs d'or du Klondike et le col du Chilkoot

(photo B. L. Singley, 1898).

Au final le tournage s'étira sur dix-sept mois ...

A suivre...

Michel Lansardière (texte, photos et documents).

Note additionnelle:

12273002858?profile=originalCe billet, traduit en anglais (via google traduct, il s'agit donc d'une traduction machine)

Robert Paul

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Charlie et ses drôles de bobines.

Charlot a 100 ans ! Arts et lettres se devait de fêter ça !

Charlot a donc 100 ans et tout le monde l'acclame. Cent ans... pas tout à fait pourtant...

Si Charles Chaplin (1889-1977) voit effectivement son premier film "Pour gagner sa vie" ("Making a living") pour la Keystone sortir le 20 février 1914,

http://youtu.be/7LoLw4TJKdU

il est dans un rôle de dandy ridicule, Slicker, loin de son personnage emblématique. Mais la démarche y est déjà, gandin dégingandé.

Il est vrai qu'il endosse vite le costume du vagabond, the Tramp, dans "Kid auto races at Venice" qui sort 5 jours plus tard ! Cependant le nom de Charlot qui lui colle à la peau comme son melon lui est donné en 1915 par les distributeurs français.

http://youtu.be/-nUptPWbE88

"Kid auto races" deviendra donc "Charlot est content de lui" où il s'imposera face à la caméra (à la manière plus tard d'un de Funès).

Content il peut l'être car Chaplin enchaîne dès lors les Charlots pour la Keystone, 34 tournés en 1914 !, jusqu'à "Charlot roi" :

http://youtu.be/Ya2E3LC8Olo

... "His prehistoric past".

Puis "Charlot débute", "His new job", en 1915 pour l'Essenay :

http://youtu.be/5A2ZZTP44Xc

Suivront 13 autres films jusqu'à la fin mars  1916 avec "Charlot cambrioleur" ("Police") où le "convict 999" rafle la mise :

http://youtu.be/iCDpcVvFnuw

La Mutual voit alors "Charlot chef de rayon", "The floorwalker", dès la mi-mai 1916 :

http://youtu.be/ecGTyQZJciM

... jusqu'à "Charlot s'évade", fin 1917 (soit 12 films). "The adventurer" gagne alors de nouveaux territoires :

http://youtu.be/yYon3hTo9gE

Enfin pour la First National il démarre "Une vie de chien", pour lequel il compose une musique, un ragtime dans l'air du temps :

http://youtu.be/XQborlR9HAw

et de "a dog's life" dès la mi-avril 1918 jusqu'au "Pèlerin", en 1923 :

http://youtu.be/r2M51_9wmdg

ce seront 9 films seulement, de plus en plus ambitieux, personnels, complexes.

Avec "The pilgrim" il est bien devenu l'un des pères fondateurs les plus importants du cinéma mondial.

Et de quitter le court métrage, le pur burlesque pour cofonder avec Douglas Fairbanks, Mary Pickford, David W. Griffith et Thomas Ince, la United Artists le 5 février 1919 pour marquer d'une empreinte indélébile "L'opinion publique" en septembre 1923 jusqu'aux "Feux de la rampe" et son personnage de Calvero le clown déchu en 1952.

Avant de rentrer au pays en butte à des tracasseries sans nombre dues à l'acharnement d'un Hoover tenace et hargneux, à un maccarthisme délirant.

Un exil en Suisse où il retrouve la paix entouré d'Oona O'Neill, son dernier et grand amour, et de leurs huit enfants. Et où il renoue avec l'Angleterre pour les dernières productions britanniques d'"Un roi à New York" en 1957 et "La comtesse de Hong-Kong" son dernier film dix ans plus tard.

Si Chaplin avait définitivement ôté le costume de Charlot avec Monsieur Verdoux en 1947 avec un personnage trouble à la Landru, c'est bien dans la défroque du vagabond qu'il marque à jamais nos mémoires.

12272986260?profile=original                                   Solitude... muette

                                   Charlot... bonheur

                                                                                     (huile sur toile de Chantal Roussel, que je remercie pour son aimable autorisation)

Si le spectacle vous a plu je vous promets une suite avec des révélations, et même de l'inédit !

En attendant...

Bon divertissement !

Michel Lansardière

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L’image cinématographique est donc

l’observation des faits dans le temps,…

Mais ces observations nécessitent

une sélection.

Andrei Tarkovski

Denis Deprez est un artiste qui peint à l’acrylique des images de grand format. Les sources de ces images sont pour la plupart des photographies réalisées par l’artiste. L’artiste photographie son propre environnement et des pays étrangers lors de ses voyages, mais il arrive que des images proviennent d’autres sources : le cinéma, la presse, l’écran d’un ordinateur.

La photographie est pour lui un outil de repérage qui permet d’ébaucher un cadrage, de construire une focalisation et de saisir un sujet. Il arrive que des images soient modifiées, mais la plupart du temps, les images issues des photographies sont utilisées sans transformation notoire. Quand elles sont modifiées, elles le sont selon un type d’opération semblable au collage (deux images sont découpées et remontées de façon à n’en faire qu’une seule) ou au zoom (un gros plan sur un détail de l’image).

Les images peintes constituent progressivement un ensemble, une sorte de répertoire au sein duquel des liaisons se tissent, des séries apparaissent. Dans cet ensemble, les images ont un sens qu’isolées elles n’ont pas. Mieux, les images sont ce qu’elles sont dans la mesure où elles sont destinées à prendre place dans cet ensemble qui leur donne leur véritable signification.

Non seulement, les images s’inscrivent dans un réseau complexe de significations fluctuantes selon les liaisons se nouant entre elles, mais, sur un autre plan, c’est leur statut qui semble osciller entre plusieurs pratiques : ce n’est pas de la bande dessinée (l’artiste a longtemps pratiqué cet art), ce n’est pas de la peinture non plus (la peinture était constamment présente dans la pratique bédéiste de l’artiste). Pourtant, les images peintes empruntent à l’une et à l’autre des aspects qui paraissent spécifiques à ces deux pratiques. Comme nous le verrons plus loin, les images de Denis Deprez empruntent aussi des aspects à la pratique cinématographique. Quant à la photographie, nous avons souligné son rôle déjà : elle définit le cadrage, la lumière, le motif et la focalisation.

Manifestement, la pratique visuelle de l’artiste se situe à l’intersection de ces différentes pratiques. La stratification constitutive de l’image opère en quelque sorte horizontalement, par le jeu des liaisons entre les images, et verticalement, par la superposition des pratiques.

Une semblable sophistication impose une approche plurielle qui puisse s’attarder successivement à divers aspects de l’oeuvre. Nous proposons ici une suite d’éclairages qui explorent tour à tour le projet et sa diversité générique.

L’absence : le monde tel que je l’ai trouvé.

Plusieurs aspects attirent l’attention, mais ce qui frappe surtout dans les images peintes de Denis Deprez, c’est l’absence du sujet, si l’on entend par sujet l’être humain, l’individu. Si jamais le sujet humain est présent, c’est de façon allusive : soit l’artiste nous montre des choses bâties par l’homme (constructions de diverses sortes, routes, écrans…), soit le cadrage indique que ce que l’image montre est vu par quelqu’un, quelqu’un que l’on ne voit jamais.

En regardant les images de l’artiste, on songe au philosophe Ludwig Wittgenstein qui un moment caressa l’idée d’écrire un livre intituléLe monde tel que je l’ai trouvé. Dans ce livre, dit le philosophe, il ne pourrait être question du sujet. Toute proportion gardée, c’est un peu ce qui se passe dans les images de Denis Deprez : le sujet, c’est ce qui ne s’y trouve pas ou plus.

Ce sujet qui s’absente ne laisse derrière lui que le vide à ce qu’il semble. Pas un vide absolu puisque les images montrent bien quelque chose, quelque chose de tout à fait ordinaire : un carrefour, un pont, une estacade, une jetée, une route de campagne qui s’en va on ne sait où, la une d’un jour (le tsunami au Japon), etc.

Dans ces images à l’apparente neutralité, tout ne paraît-il pas se valoir ? L’expressivité tout en retenue de la touche tend à accentuer cette impression d’égalité absolue. Chaque image est traitée avec un soin égal, mais c’est avec très grand soin. Le choix du support, le papier, tend à produire une sensation moins noble que si le support avait été une toile de lin. Toutefois la réserve de la touche, la retenue du geste soumis à des contraintes diverses, n’empêchent jamais la qualité picturale d’affleurer partout sur la surface peinte (tel ciel par exemple évoque Constable, peintre qui a été étudié de près par l’artiste). Plus l’artiste s’avance dans le développement de l’oeuvre et plus la picturalité s’affirme. Malgré tout, tout paraît se passer comme si la peinture était d’abord un outil, au même titre, mais sur un autre niveau, que l’est pour l’artiste la photographie. La peinture paraît être au service d’autre chose qu’elle.

Retour à l’ordinaire

Ce que l’on voit dans les images, le bitume grisâtre d’une route secondaire, un brise-lame d’une extrême banalité, une chambre d’hôtel minimaliste, un réservoir d’eau rouillé, interdit toute tentative de sublimer le monde dans lequel nous nous trouvons. Pourtant il arrive que la lumière aveuglante d’un ciel nous fasse cligner des yeux. Il semble toutefois que ce soit là une notation du genre «Il est quatre heures de l’après-midi, le ciel est bleu ». La littéralité est très forte, l’image semble dire que ce qui est, est. Rien de plus, rien de moins.

Les images peintes de « Fractures » ne sont donc pas des natures mortes, elles n’ont aucune visée morale. Elles ne préparent pas le spectateur à passer dans un autre monde. L’image ne tient lieu d’aucune transcendance. Ce que les images semblent montrer, répétons-le, c’est le monde tel que l’artiste le trouve, aucun jugement n’est formulé, aucune recommandation. Le monde est là, ordinaire, regardez.

On serait toutefois bien en peine d’assigner un lieu géographique précis aux images d’après ce qu’elles montrent. Dit autrement, ce que les images montrent pourrait très bien se situer n’importe où dans le monde. Or ces images sont situées, les photographies qui en sont les sources ont été prises dans des lieux spécifiques, mais le prélèvement ne montre rien ou du moins très peu de cette spécificité. Ce que l’on voit en revanche, c’est combien les particularités sont gommées : les images montrent un littoral tel qu’il en existe partout dans le monde standardisé qui est le nôtre.

En rester à ce constat pourrait donner à penser que le travail de l’artiste se résume à formuler par le biais de la peinture un double constat métaphysique et politique : 1. le sujet est la limite du monde, mais il n’appartient pas (ou plus) au monde, le sujet est tout au plus la condition du monde, ce point à partir duquel se déploie le champ visuel et 2. notre monde se banalise, tout y est de plus en plus semblable et tend à l’égalité la plus neutre.

La relance formelle

A cette lecture un peu déprimante, réduisant à l’ordinaire le plus obvie les images peintes, des images sans aura aurait dit Walter Benjamin, peut se substituer une lecture formelle sans doute plus riche et en tous les cas plus féconde. En effet, un autre aspect, autre que la disparition du sujet, mais qui lui est corrélatif en quelque sorte, devient apparent lorsque l’on met les images en liaison les unes avec les autres. D’une part différents types de rapports formels se constituent. Par exemple, la route s’inscrit dans la même perspective légèrement décalée vers la droite que la perspective du brise-lame. Au sein même des images, un jeu de symétries et de rappels divers instaure un dialogue entre les différents pans de l’image. Dans la peinture de l’estacade, le haut de l’image est relié au bas par l’effet du miroir tandis que dans la peinture du brise-lame, le haut s’écoule en quelque sorte vers le bas par le biais de l’eau qui court le long de l’édifice.

Le récit de l’absence.

D’autre part, des rapports narratifs s’instituent. Face à ces images, nous serions en présence d’un dispositif narratif qui prolongerait les recherches du dessinateur de bande dessinée que fut l’artiste, mais sur un autre mode : l’on est passé du livre à l’écran, du livre au mur et de la bande dessinée à la peinture (mouvement dans une certaine mesure réversible). La disparition du sujet s’inscrirait alors dans ce dispositif. La narration serait implicite. Les routes suggéreraient le déplacement du narrateur. Entre les images s’insinuerait le jeu de l’ellipse caractéristique de la bande dessinée, se nouerait ou se dénouerait l’action. Un espace propre au jeu de l’ellipse tendrait à se profiler. Cet espace « entre » contiendrait tout ce que l’on ne voit pas et qui cependant explique et motive ce que l’on voit. Il ne faut pas oublier que les images proviennent des déplacements de l’artiste. Elles s’inscrivent dans une progression temporelle. Certes les images ne restituent pas de façon linéaire la chronologie du déplacement. Cependant, elles peuvent être vues comme des instantanés de séquences plus amples. Entre deux instantanés, il se passe quelque chose (quoi, nous ne le savons pas et peu importe). Ainsi, l’ensemble des images consacrées au littoral sont-elles enclines à suggérer un récit et forment-elles une séquence où s’insinue la narration : la chambre, la plage, les nuages, tout cela relié nous « raconte » quelque chose.

Ici se cristallise un autre plan de lecture des images de Denis Deprez. Il faut répéter qu’avant de se lancer dans ce vaste work in progress l’artiste a été de longues années un dessinateur de bandes dessinées. Pas n’importe lequel, puisqu’il a participé avec le collectif Fréon (devenu ensuite Frémok) à la création du mouvement que l’on a appelé « la bande dessinée indépendante ». Il a de plus signé le premier livre publié par Fréon, Les Nébulaires, livre que l’on peut lire autant comme un manifeste que comme un programme de l’œuvre à venir. Ce collectif d’auteurs se caractérise par une conception moderne de la bande dessinée, conception qui grosso modo consisterait à vider le récit (le sujet s’absente) et à l’éviter (le récit est contrarié de diverses manières).

Devant les images de Denis Deprez, on se trouverait donc devant une nouvelle version de cette contrainte d’évitement et d’évidementdu récit. Il faut aussitôt préciser que le récit évité et évidé ne signifie pas le récit aboli. Il reste possible de lire les images selon la grille d’un récit, ne serait-ce qu’à relier les images entre elles en imaginant qu’elles sont les traces d’un cheminement réalisé par quelqu’un, le narrateur que l’on ne voit pas, mais qui montre ce qu’il a vu. On pourrait aussi imaginer que les images ne cessent pas de nous raconter la disparition du sujet, que la disparition est leursujet par excellence (le modèle de ce type de récit serait la femme qui disparaît dans L’Avventura, le film d’Antonioni ; dans ce film, on ne nous explique jamais les causes de la disparition, la disparition par contre hante tout le film). Si les images ont une dimension narrative, c’est donc sur un mode moderne plus proche du roman selon Claude Simon, le Claude Simon écrivant Les corps conducteurs, et du cinéma d’Antonioni que du récit traditionnel.

La logique du plan

Les images peintes de Denis Deprez sollicitent le spectateur autant qu’elles le contraignent. En vidant le sujet, en l’évitant, l’artiste creuse un vide que potentiellement chacun peut occuper dans le dispositif qu’est l’exposition. Là, en ce lieu vide qu’occupe à présent le spectateur, il ne s’agit pas de revivre naïvement la perception de l’artiste, mais il s’agit de tisser soi-même à partir des images peintes un monde possible constitué par les liaisons entrevues, par les aspects relevés.

Ce monde émergeant à travers le jeu des liaisons paraît obéir à une logique du plan au sens cinématographique du terme. Les images sont cadrées de manière à induire une focalisation bien précise qui tend à définir un sujet hors-cadre mais cependant cadrant ce qu’il perçoit. Autrement dit ce qui est montré est vu, cadré, par un sujet « hors-champ ». Un sujet en mouvement dont l’image signale un temps d’arrêt. Chaque image de ce point de vue est comme un photogramme, un instantané qui rend compte de ce mouvement. Bien qu’il faille se garder de confondre plan filmé et image peinte, on peut suggérer qu’à l’instar du plan filmé, l’image peinte est un « bloc de temps » qui se donne à voir. Un « bloc », il est vrai, extrêmement dynamique et plastique dans la mesure où il serait la synthèse d’au moins trois temporalités : le temps qui est cet instantané auquel renvoie l’image, le temps de la réalisation de l’image qui se montre à travers sa matérialité (le jeu visible des couches d’acrylique renverrait à ce temps du processus) et enfin le temps du spectateur qui s’introduit dans ce lieu défini par la focalisation subjective superposant de la sorte son regard au regard du narrateur.

La temporalité s’ouvre également à travers le jeu du montage qui organise les contiguïtés entre les images. Le plan n’a de sens que dans la mesure où il est relié à d’autres plans. La logique du montage se combine à la logique du plan et induit un récit. Le gros plan du téléphone introduit un élément narratif dans le dispositif. L’accent subitement mis sur le téléphone change la perception et le sens que l’on accorde aux images de la chambre d’hôtel, de l’estacade, du ciel, de la mer. Par le biais de ce gros plan, la fiction s’introduit dans le jeu, s’institue dès lors une autre temporalité.

Du coup, le sens du titre du projet « Fractures » pourrait se lire comme signifiant cette ouverture au jeu de la fiction. Alors que le procédé initial qui consiste à prendre des photographies et à les agrandir par le recours à l’acrylique sur papier ancre les images dans le réalisme, le dispositif dans lequel les images peintes viennent s’inscrire tend à les faire changer de registre. Un passage se fait à travers le réel vers la fiction.

Dans ce dispositif qui oscille entre réalité et fiction, entre narration graphique, peinture et cinématographe, certains ne verront rien (il n’y a pas de sujet), d’autres ne verront que ce rien, et d’autres encore verront des images qui montrent des lieux vides et « racontent » des histoires probables ou improbables, certains ne verront que la lumière qui baigne les images, d’autres ne verront que des croisements de route, à moins qu’ils ne voient que la peinture. Aucun ne se trompera tout à fait.

 

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Western couscous et péplum tajine

12272881470?profile=originalArizona ? No ! (environs de Ouerzazate)

Au début tout était simple, le western était américain (The great train robbery, premier western de l'histoire du cinéma en... 1903) et le péplum italien. L'un solidement produit et implanté à Hollywood, l'autre à Rome-Cinecittà. Un point c'est tout.

Puis se compliqua, se mondialisa...

Et Hollywood, bien sûr vous connaissez, c'est ressassé, mais Ouarzazate ?

Ouarzazate, au carrefour des vallées du Drâa, du Dades et du Ziz, va vous envoûter...

Pas moins de trois studios (même si le chômage technique y sévit en ce moment), et les décors naturels de la région firent que bien des films, dont nombre à gros budgets, y furent tournés.

Action !

12272881858?profile=originalStuc et carton-pâte, à l'extérieur de Ouarzazate (juste à coté du troisième studio, le plus récent), et c'est Alexandre qui revit son épopée en 2004 sous la direction d'Oliver Stone !

Le premier film étranger tourné dans le coin fut certainement le Lawrence d'Arabie de David Lean. Et depuis cela n'a guère cessé. Il faut dire que les paysages du Haut-Atlas ou des ergs, les ksour ou casbahs offrent de merveilleux points de vue.

S'y sont donc enchaînées des scènes pour le Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich en 1962, puis pour Le diamant du Nil en 1985, Gladiator de Ridley Scott en 2000 ou Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d'Alain Chabat en 2002...

12272882268?profile=originalAït Benhaddhou et son ksar classé au patrimoine mondial de l'Unesco en 1987 (pour sa restauration il a bien fallu détruire quelques éléments de décor surajoutés ! Deux portes ont néanmoins été conservées), entre Ouarzazate et Telouet, ont aussi servis à de nombreux tournages.

Citons encore : La dernière tentation de Christ de Martin Scorsese, Kundun du même Scorsese, Kingdom or heaven de Ridley Scott...

12272883259?profile=originalDécors grandioses (sur la piste de Telouet, juste à coté de la colline d'Aït Benhdadou) et main-d'oeuvre à bas coût, le rêve pour les producteurs des studios américains !

Magie du cinéma, tournés entre les neiges de l'Atlas et le désert vous voyez à l'écran un quartier de Jérusalem, une Egypte pharaonique plus "vraie" que nature...

Je pourrais aussi vous dire, ne voyez pas moquerie dans le titre de mon billet, qu'il y eut un western allemand, le Kraut western dans les années 60, effet choucroute garanti. Le plus connu étant Winetou, la révolte des Apaches, gros succès populaire en 1963, avec dans le rôle principal un Français, Pierre Brice, et les suites qui s'enchaînèrent. Mais aussi Les pirates du Mississipi la même année, Les aigles noirs de Santa Fe et Les chercheurs d'or d'Arkansas en 1964... Toutefois le premier western allemand, et pas des moindres, fut L'empereur de Californie de Luis Trenker, la vie, l'ascension, le déclin de John Sutter, en... 1936 !

Mais le cinéma marocain, le vrai, ce n'est pas ça, ce sont des films comme Le fils maudit de Mohamed Ousfour, premier long-métrage marocain en 1958, Alyam d'Ahmed El Maanouni, sélectionné au festival de Cannes de 1978... Mais c'est une autre histoire.

P. S : Orson Wells tourna une scène de son Othello dans la citerne de la citadelle d'El Jadida, toujours au au Maroc, mais bien loin de là, sur la côte Atlantique.

Michel Lansardière (texte et photos)

12272883496?profile=originalSierra Nevada ? toujours pas... (Haut Atlas)

Nota : une première mouture de cet article avait été publiée pour le groupe Cinéma, j'ai voulu l'enrichir et lui donner une plus large diffusion avec ce billet ouvert à tous les membres d'Arts et Lettres, c'est peut-être le cinéma vu par le petit bout de la lorgnette, il n'a pour ambition que de vous distraire.

Allez, une dernière fois dans l'Ouest, laissez-moi faire mon cinéma...

12272884252?profile=originalBadlands pour bad boys ? Non, vous n'y êtes pas !

Désert de la mort, alors ?

12272884468?profile=originalVous bruler, mais c'est pas ça....

En tout cas on est bien en technicolor !

12272885079?profile=originalClap de fin.

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administrateur théâtres

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D'abord le livre:

Syngué Sabour : La pierre de patience                    de Atiq Rahimi

La parole libérée

Une femme veille sur son mari, dans le coma. Nous sommes en Afghanistan et cet homme est un combattant, blessé non au combat mais dans une rixe entre personnes du même bord. Cette veille va être pour elle l’occasion de parler pour la première fois avec son mari d’habitude trop figé dans son autorité et son machisme pour s’ouvrir à sa femme. Ce monologue va lui permettre de régler ses comptes avec ces hommes, ceux qui l’ont abandonnée après le coma de son mari, son père brutal, plus attentionné pour ces « cailles de combat » que pour ses filles, qui l’a vendue pour une dette de jeux. Et ce mari, héros de guerre absent pendant les combats, tout juste plus présent quand il rentre à la maison. A ce mari, elle dira tout, ses lourds secrets les plus cachés et les vérités les plus crues. Atiq Rahimi donne ici un roman intense, au parti pris formel fort, tout le roman est décrit depuis la seule pièce où repose le corps de l’homme. Un parti pris réussi.


« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs ….

« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs …. », cette imprécision géographique, jointe à une imprécision chronologique et à l’absence d’informations sur l’identité de la femme et du mari confère au roman un intérêt qui dépasse celui de la simple histoire d’une famille . Ce huis clos dans un lieu coupé de la vie extérieure qui ne se manifeste que par des bruits ou  par des images perçues selon un angle très restreint, condense l’attention sur la condition de la femme dans tout pays musulman intégriste où elle est réduite à ruser ou mentir,  à n’ être que mère reproductrice ou repos du guerrier, et sur la difficulté d’entretenir avec l’homme des rapports libres et francs.
A la lenteur du temps qui s’écoule marquée par la narration au présent , les psalmodies, le goutte à goutte et le parcours de l’ombre et du soleil , s’oppose la violence  de certaines  scènes  où la confidence  devient  aveu, le chuchotement  cri et  la douceur  violence , où la femme se croit démone, possédée par le mal . Une œuvre marquante dont la puissance vient paradoxalement de son écriture minimaliste. Les phrases dépouillées, sèches et concises résonnent comme en écho dans l’esprit du lecteur  qui est amené alors à ressentir tout le non-dit du récit .
Un ouvrage qui restitue au corps de  la femme toute la place que le vêtement féminin afghan vise à occulter .

Alma

Et maintenant le film, une pure merveille!

Une pure merveille écrite par l'auteur, avec respect, amour et sens de la beauté.

Un plaidoyer sans appel contre l'homme qui ne sait que faire la guerre et pas l'amour.

C'est l'horreur d'une ville au soleil baignée de sang, de bombardements et de guerre. C'est le bruit sec et lourd du tchador que la femme rabat brutalement à la moindre sortie en dehors de sa maison. Une femme vivante comme une bourrasque erre sur les remparts d'une ville de Troie mise à sac par la folie les hommes.
Et pourtant ses pas courent sur la terre brûlante pour chercher du sérum pour soigner le mari. Ils se font d'une légèreté d'ange sur les ornières de la désolation.

Ce sont des militaires universellement assoiffés de vengeance et de cupidité et leurs victimes abandonnées pour l'exemple.

Ce sont ces deux fillettes vêtues de tissus chamarrés, la tête encore nue, pas encore écrasées par la honte de leur condition féminine, qui sautillent autour de leur mère disloquée par la peur et si audacieuse à la fois.

C'est une femme, belle comme un mythe palpable qui se permet de naître par la parole à côté de l'homme, souche muette et roide, sur le visage duquel pas la moindre contraction de sentiment n'est visible. Juste la totale indifférence d'un Dieu absent.

Mais rien ne peut tuer l'instinct de vie de la femme.

C'est une icône faite de corps voluptueux et de mains qui caressent lavent et soignent le pire ennemi.

C'est un symbole de grâce par son regard infini entre ses cils de femme du désert, qui vous prend à la gorge, car vos larmes ne sont pas loin. C'est l'image de la femme éternelle, mère, épouse, et compassion, sous un voile de beauté.

C'est l'un des plus beaux films que l'on puisse imaginer à propos de la Femme. Seul espoir de l'homme après Dieu. Et si ce film, créé par une main masculine exceptionnelle devenait lui aussi pierre de patience magique et faisait éclater par son langage particulier la libération de toutes les femmes du monde? C'est le rêve des rêveurs. Et heureusement qu'ils existent!

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administrateur théâtres

Le film de Joe Wright, "Anna Karénine"

Le film de Joe Wright, "Anna Karénine"

Fort de ses quatre millions de dollars de recettes depuis sa sortie le 16 novembre aux États-Unis, le film de Joe Wright, "Anna Karénine", est arrivé dans les salles de l’hexagone mercredi 5 décembre. Une adaptation osée du roman éponyme de Léon Tolstoï qui ne plaît pas à tout le monde… (LE PLUS, Nouvel Obs’)

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=191856.html

N’attendez donc pas une  reconstitution historique fidèle et l’illusion cinématographique, vous serez déçus !  Voici tout son contraire. Une mise en abyme théâtrale intelligente et moderne appliquant au pied de la lettre le principe de Shakespeare :

“All the world's a stage,

And all the men and women merely players:

They have their exits and their entrances…” 

12272856093?profile=originalLe gigantesque théâtre délabré de la première séquence est bien le  symbole de la Russie impériale de 1874. Il accueille des personnages virevoltants ou soudainement figés dans une chorégraphie méticuleuse (Sidi Larbi Cherkaoui). Les personnages se gèlent pendant qu’un autre prend vie. Une course de chevaux  surréaliste ébranle le théâtre bourré de spectateurs.  La locomotive est tour à tour, jouet et réalité.  Les cloisons basculent, les lumières cascadent, le plateau se transforme en vrai paysage l’espace de quelques instants de rêve, puis les personnages se retrouvent coincés en coulisses parmi les rouages et autres machines du destin. La femme impure est voilée.  Les scènes se superposent derrière la rampe lumineuse comme dans un kaléidoscope. Où est passée la réalité ? Le metteur en scène Joe Wright et le scénariste Tom Stoppard semblent attendre  intensément  les réactions du public du 21e siècle, la caméra est omniprésente. On retient l’étonnante musique,  toujours prémonitoire, de Dario Marianelli, qui n’est pas sans rappeler  l’opéra de quat’  sous de Kurt Weil ou la Valse de Ravel. « Dance with me » est entêtant et obsessionnel à souhait.

« Vanity fair » à la russe: la haute société impériale russe est décrite à l’emporte-pièce sur un mode  fortement  satyrique, on l’aura compris. Les costumes sont éblouissants, la vaisselle somptueuse,  les sourires exquis comme des cadavres. Et  tout est faux et irrespirable. Joe Wright nous fait penser à notre James Ensor et sa galerie de portraits dans sa présentation squelettique de l’œuvre de Tolstoï dont le roman foisonnant de près de 900 pages est réduit à l’ossature d’une romance cruelle.

12272856473?profile=originalAnna, (la voluptueuse Keira Knightley), plutôt que de chercher de nouvelles façons de faire revivre son mariage imposé avec Alexeï Karénine (Jude Law) désespérément blême et dénué de vie, joue la madame Bovary russe et ne résiste pas longtemps aux assauts du comte Wronski (Aaron Taylor-Johnson).  On l’aurait souhaité plus romantique et fougueux cet amant, il est un peu pâle et fade à notre goût, bien qu’excellent si l’on veut en faire un pur pastiche.  Pour Anna, bonheurs et malheurs s’accumulent dans la balance de l’amour mais les leurres de la société feront s’écrouler tous les rêves des amoureux qui semblent s’être  trouvés.  Et la mort est le prix que doit payer l’héroïne pour s’être  livrée  avec  convoitise aux jeux interdits. Comme de bien entendu, la morale du 19e siècle  sera  sauve,  surtout dans un monde fait par et pour les hommes et les pères. Ce monde clos du théâtre est devenu fou.  Le seul moyen d’échapper, pour Emma Bovary comme pour Anna, devient l’arsenic ou la morphine. Où  est la différence ? Toutes deux se  dissolvent dans l’amour chimérique. Mais pour  Joe Wright : "Tout le monde essaie d’une manière ou d’une autre d’apprendre à aimer". C'est son propos.  Et Aimer passe immanquablement par le pardon. Plusieurs situations dans le film en sont la preuve et en particulier le cri d'Anna privée de son enfant:  « Mon fils me pardonnera quand il saura ce que c’est qu’aimer.» La machinerie bureaucratique impériale est sans pardon et sans merci.

12272856877?profile=originalPar contre, le couple d’idéalistes Kitty-Levine (Domhnall Gleeson, très convainquant et la délicieuse Alicia Vikander)  qui a su reconnaître ses erreurs et pardonner s’est  échappé du décor et  vit  au grand air. Leur amour réciproque et l'amour des autres est leur nourriture quotidienne. Des scènes champêtres réelles rappellent la prairie où le couple Anna-Wronski a connu l’éphémère extase.

La verte prairie du « Golden Country » de  George Orwell dans 1984?

Une image de ce que pourrait être un monde de rêve  et de solidarité…  

Un monde qui se mettrait à vivre enfin, comme ces deux jeunes enfants élevés par Alexeï Karénine, devenu enfin un peu moins absolu?

 

 

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L'Abbaye de Fontevraud  (Pays de la Loire) accueille en résidence des réalisateurs d'animation qui souhaitent mener un travail d'écriture (scénario, étude graphique, storyboard) sur un projet personnel de court ou long métrage. L'appel à projets pour la session du printemps 2012 est ouvert.

Les réalisateurs, quelle que soit leur nationalité, bénéficient d'une bourse de création pour un séjour minimum d'un mois.

La date limite d'envoi du dossier de candidature est fixée au 15 novembre 2012.

 

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administrateur théâtres

 

12272763279?profile=original« La source des femmes» sortie en Belgique le 9 novembre (avant- première aux Beaux Arts de Bruxelles le 5 octobre)

 

Fils d'un journaliste juif déporté et sauvé Radu Mihaileanu  est né à Bucarest en Roumanie le 22 Avril 1958. A  22 ans, il fuit le régime politique de son pays et s'installe en France.  Il signe en 1992 son premier film, Trahir, comme réalisateur et scénariste. Ce film narre le combat d’un individu contre une puissance totalitaire.   Son  deuxième film, Train De Vie reçoit un très bon accueil au Festival de Venise. En 2005, avec Va, Vis Et Deviens, Radu Mihaileanu devient producteur, et remporte le prix du Public et le prix Européen à Paris. Une histoire réelle de réfugiés juifs éthiopiens rapatriés par Israël  dont le protagoniste est un jeune garçon échappé d’un camp de réfugiés au Soudan et  qui réussit à se proclamer  juif et orphelin et est accueilli dans une famille adoptive française en Israël. Ce long-métrage plein d’humanité évoque les problèmes d’intégration, le racisme, les différences culturelles, la perte des racines.  En  2006 il reçoit le César du Meilleur Scénario Original pour ce troisième film. En 2009, Radu Mihaileanu signe la mise en scène du film  Le Concert, long-métrage avec Mélanie Laurent.

 

 Le voici maintenant  à Cannes pour le film La Source Des Femmes présenté en Compétition du 64ème Festival International Du Film De Cannes 2011 avec 5 nominations :

- Palme d'Or (Radu Mihaileanu)

- Grand Prix (Radu Mihaileanu)

- Prix du Jury (Radu Mihaileanu)

- Prix du Jury Oecuménique (Radu Mihaileanu)

- Prix de la Jeunesse (Radu Mihaileanu)

 

Leïla Bekhti et Biyouna  jouent à la perfection le rôle de deux femmes de générations différentes,  qui vont entamer une guerre contre le machisme, l’inégalité profonde des femmes, dans la société médiévale qui sévit dans ce petit village marocain sans eau et sans électricité. Du Maroc à L’Afghanistan c’est dans doute le même combat : une révolution à accomplir. Parfois une étincelle, infiniment petite,  suffit à allumer un brasier de changements.  Elles sont déterminées, malgré l’opposition de quelques unes et la crainte justifiée de leurs maris.   Elles veulent dénoncer des pratiques qui n’ont rien  à voir avec l’Islam, mais tout à voir  avec cette supériorité masculine atavique, le corvéage sans merci des femmes, les mariages forcés à un âge indécent,  le droit de les violer, de les répudier, de les battre et de leur refuser l’accès à l’éducation… sous prétexte de sorcellerie.

L’idée géniale de ces femmes  c’est  donc de faire la grève del'amour et du sexe tant que les hommes ne s’arrangeront pas pour amener de l’eau au village. Eux qui  forcent leurs femmes à se transformer en bêtes de somme, pour transporter tous les jours, l’eau que l’on ne peut trouver qu’à une source perdue dans la montagne, n'imaginaient pas qu'un jour elles puissent se rebeller et trouver un tel moyen de pression.

Les porteuses d’eau se sont épuisées sur les chemins arides de ce pays « où coule une source d’eau qui  se tait. » Au propre et au figuré. « Mais l’eau  qui apporte la vie emporte aussi  la vie, déplore l’une d’entre elles, qui a malheureusement glissé et  perdu  sur le chemin caillouteux, le bébé qui allait naître.  Et le cœur des hommes est sec et sans amour,   à cause du chômage et de la sécheresse de l’environnement. Les conditions de vie font qu’ils  ne participent plus du tout à la vie économique du village et se prélassent à ne rien faire.  Cela doit changer. Le village est en train de mourir, il s’agit de survie, comme de celle des infiniment petits, ces insectes en voie de disparition  qu’un entomologiste au cœur aussi sec que le leur,  est venu étudier sur place.

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Le film s’accomplit comme une sorte de conte, fourmillant d’humour, d’inventivité, non sans rappeler celle des mille et une nuits. La danse, le chant lancera la première offensive. Les hommes sirotant leur thé à une terrasse seront ahuris devant la montée des exigences qu’ils nommeront aussitôt sacrilèges et se défendront bec et ongles pour garder leurs privilèges. Le ton est malicieux, déterminé, dicté par l’amour et non par la tradition. Les femmes sont généreuses, belles, pétillantes d’intelligence et armées de courage, comme dans un conte. Les images sont superbes, le cœur du spectateur se nourrit de l'allégresse communicative de ces femmes qui croient à la justice de  leur combat.  

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Tout le propos du film sera celui d’une source d’eau qui parle et se fait entendre, enfin. Et la source des femmes, c’est l’amour, qui lui aussi doit se faire entendre, enfin. L’être humain n’est pas fait pour vivre à genoux et est capable de merveilleux. Voilà pour ce conte oriental réaliste et contemporain de l'infiniment petit. Comme les femmes le disent dans l’histoire, «  beaucoup de fourmis tirent un lion ». Le lion c’est l’histoire de l’humanité.

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administrateur théâtres

Cinéma: Le dernier Woody Allen

12272755286?profile=original« This is unbelievable… » Dans ce film, Toute la féerie d’un « Américain à Paris » envahit d’un coup notre esprit, sans la musique de Guershwin bien sûr, mais rien qu’avec les images et les souvenirs littéraires. Un tour de magie du réalisateur. Et oui, comme le protagoniste Gil, qui a 30 ans -  non 42 comme l’acteur, non 75 comme le réalisateur - on se laisse prendre à la rêverie et à la séduction de la ville comme un hareng dans un filet. Foin des responsabilités d’un couple à bâtir dans les turbulences de la vie moderne et les exigences autoritaires d’une future épouse! A la première apparition de la voiture mythique  de Gatsby le Magnifique sur le coup de minuit, on a compris qu’on allait faire un extraordinaire voyage dans le temps et dans la culture de toute l’avant-garde  artistique des années 20. Et on se laisse glisser dans cette comédie avec bonheur à la rencontre des plus grands : Zelda, Scott Fitzgerald, Hemingway, Dali, Picasso rassemblés chez Gertrude Stein. « Rose is a rose is a rose is a rose. » Quand survient le retour de la Belle Epoque, c’est aussi un plaisir exquis  de revoir les fiacres, les crinolines,  la gaité parisienne, Degas, Toulouse Lautrec…. Woody Allen en fait certes un peu  trop quand on recule jusqu’au siècle des lumières… mais heureusement cette séquence est fort courte. Point besoin d’insister, on aurait pus s’en passer.Cela tue un peu la magie pour des européens. Mais il faut bien revenir sur terre. Et rien ne vaut une promenade sous la pluie, à minuit, sur le pont Alexandre  entre amoureux. Les dialogues sont merveilleux, surtout si vous percevez le velouté de la langue anglo-saxonne, les intonations particulières, l’humour des mots. La sonorité même du titre du film!  Un délice de tonalités  tantôt amoureuses, tantôt sarcastiques. Elle: « You’re in love with a fantasy » Lui: « I’m in love with you ! ». L’intonation particulière de « pedantic » restera dans les mémoires pour qualifier Paul, cet américain « pseudo-intellectual » qui a su éblouir sa future femme! Le couple des parents de la future épousée est croqué de façon exemplaire.

Mais ce film est en premier lieu bien sûr, une ode extraordinaire à la Ville-Lumière. Les images sont extraordinaires, depuis les effets presque sépia jusqu’aux prise de vues dramatiques, on ne peut qu’être ravis.  Poser les yeux sur ces lieux et une chose qui éblouit et qui apaise,  qui fait rêver et nourrit l’émotion.

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L’âge d’or. A toutes les générations, il y a cette nostalgie bien compréhensible du passé. La peur du présent iconoclaste en est la cause…  Et quoi de plus merveilleux que de flotter dans ce qui surnage du passé, le plus beau : la fleur de sel quand on ne cesse de rêver d’une autre vie que la sienne? Cette fleur devient à son tour, germe de création pour le jeune auteur désemparé. De quoi s’enivrer.

L’angoisse de la page blanche du jeune auteur ?  Qu’il reste à Paris et Paris fera le reste… ou la jeune libraire de 20 ans!

Années 20 disiez-vous?

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Toutes les interprétations des acteurs sont ciselées, justes, vivantes, même pour les fantômes d’artistes. On ressort de ce film, ré-initié et  nimbé  de plaisir artistique.

 

 


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administrateur théâtres

Le gamin au vélo (cinéma Aremberg)

12272740497?profile=originalDrame

 


Le gamin a une cicatrice de varicelle au coin de l’œil gauche, des tonnes de colère enfouies sous ses taches de rousseur, les dents serrées et une détermination implacable pour remonter des enfers.

L’enfer, c’est son père qui l’a placé pour le faire disparaître définitivement de sa vie. Quoi de plus innommable ? L’enfant dupé a été amputé mais ressent son père comme un membre fantôme. Son seul lien avec son père: son dernier cadeau, ce vélo qu’une âme généreuse – Samantha - lui a retrouvé et racheté. Il pédale comme un forcené pour retrouver l’amour parental mais bien sûr jamais les deux roues ne se rattrapent malgré toutes ses acrobaties.

Malgré une cascade de déceptions, Cyril, ce Poil de Carotte têtu n’en démord pas, au propre et au figuré. Il livre un combat au-dessus de ses forces : l’adulte a les pleins pouvoirs pour faire souffrir, par égoïsme, par lâcheté, par bêtise, par inconscience.

Les gestes du jeune garçon sont terriblement parlants, la souffrance est muette, les objets trinquent. Ses larmes sont sèches tandis que coule l’eau dans le lavabo de Samantha, sa protectrice, un ange de quartier, coiffeuse de son état. Elle a appris à écouter, à ne pas juger. L’amour, c’est rendre l’autre heureux. Elle a croisé son chemin - il n’y a pas de hasard - et désire plus que tout, son regard. Mais le pain d’épice ne suffit pas à rassasier la faim d’amour paternel du jeune garçon. Pourtant la désarmante Samantha a décidé de le sauver de l’engrenage de la délinquance probable, elle veut sa rédemption. Epopée urbaine, pièges et défis attendent le jeune paumé, jusqu’à ce qu’il finisse par pouvoir accepter l’inacceptable et regarder en face l’amour écrit sur le visage et dans les gestes de Samantha, à elle toute seule, sa vraie famille. Et la musique advient, par bribes : l’adagio de la 5e symphonie de Beethoven.

 

 Aucun pathos, mièvrerie, misérabilisme ou voyeurisme alors que le cadre est une triste cité à Seraing, lieu géométrique du chômage, de la drogue et de la violence. Ce qui émane c’est la fluidité de la narration, l’émotion, le ton juste et la bonne distance. Et deux interprétations fulgurantes et touchantes par le jeune Thomas Doret et Cécile de France…

 

 

 

 

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administrateur théâtres

12272740686?profile=originalCycle Marlène Dietrich à la Cinematek

 du 11/05 au 30/06

Shanghai Express

« Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt » . C’est elle, la mythique Marlène Dietrich et son charme irrésistible qui  nous invitent à bord d’un voyage fabuleux dans le temps, sur un  train effectuant le voyage aventureux entre Peiping (Pekin) et Shanghai dans les années 30. Un magnifique film de style. Un acte d’amour.  Nous rencontrons ses compagnons de voyage hétéroclites : la vieille anglaise, directrice d’une pension obsédée par Waffles, son fox terrier ; un officier français déchu qui ne dit pas un mot d’anglais ; une concubine chinoise mystérieuse froide comme un couteau ;  Chang, un sinistre chinois à l’égo très chatouilleux,  mi-caucasien et chef de rebelles chinois ;  Carmichael une révérend dénué d’ humour ; enfin le chirurgien de l’armée anglaise, Captain Harvey dont Magdalen est restée éperdument amoureuse malgré leur séparation. Le  personnage est tout de suite campé : totalement British dans son humour et sa distance, Harley commente les prises de position du révérend : « You interest me, Mr. Carmichael. I'm not exactly irreligous, but, being a physician, I sometimes wonder how a man like you can locate a soul and, having located it, diagnose its condition as rotten.”

Toute séduction dehors, dans une scène de retrouvailles inoubliable avec Harley, Magdalen  avoue ses errances  "It took more than one man to change my name to Shanghai Lily."

Romance contrariée par les doutes.  Traversée d’un pays où le temps et la vie n’ont aucune valeur; tout le contraire de ces voyageurs européens affairés, esclaves de leur montre. Sacrifice.

L’émerveillement du voyage luxueux dans le style légendaire du  Trans-Europe Express fait place à une attaque de rebelles rudes et sauvages ne parlant aucune langue connue. Culture shock. Le seigneur de la guerre exige.  Saisissantes, toutes les images bruyantes  de locomotive, de roues et de compartiments que l’on ouvre et que l’on ferme, la  gare de pieux de bois au milieu de nulle part, le  paysage ravagé par la guerre civile, le tout  contrastant avec la beauté évanescente  de la merveilleuse actrice, attachante, charismatique, pour qui l’amour sans foi absolue  n’est pas de l’amour. Elle priera toute une nuit.  Tandis qu’Harley reste esclave de ses doutes, elle s’appliquera à révéler la vérité  profonde de son sentiment par son sacrifice. Ce film noir et blanc est de toute beauté. Les images et les dialogues coupent le souffle, les voix forment  de véritables tableaux :

“Dr. Harvey: Magdalen.
Shanghai Lily: Well, doctor, I haven't seen you in a long time. (They shake hands). You haven't changed at all, doctor.
Dr. Harvey: Well, you've changed a lot, Magdalen. [Note: Marlene Dietrich's real middle name was Magdalene.]
Shanghai Lily: Have I, Doc? Do you mind me calling you Doc, or must I be more respectful?
Dr. Harvey: You never were respectful, and you always did call me Doc. I didn't think I'd ever run into you again.
Shanghai Lily: Have you thought of me much, Doc?
Dr. Harvey: Let's see. Exactly how long has it been.
Shanghai Lily: Five years and four weeks.
Dr. Harvey: Well, for five years and four weeks, I've heard of nothing else.
Shanghai Lily: You were always polite, Doc. You haven't changed a bit.
Dr. Harvey: You have, Magdalen. You've changed a lot.
Shanghai Lily: Have I lost my look?
Dr. Harvey: No, you're more beautiful than ever.
Shanghai Lily: How have I changed?
Dr. Harvey: You know, I wish I could describe it.
Shanghai Lily: Well, Doc, I've changed my name.
Dr. Harvey: Married?
Shanghai Lily: No. It took more than one man to change my name to Shanghai Lily.
Dr. Harvey: So you're Shanghai Lily.
Shanghai Lily: The notorious White Flower of China. You've heard of me, and you always believe what you've heard.
Dr. Harvey: And I still do. You see, I haven't changed at all.”

 

Et Marlène, la muse du cinéaste Joseph Von Sternberg nous inonde de grâce et rend le film inoubliable.   

 

(http://www.cinematek.be/?node=17&event_id=100084900

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