Deux propriétaires heureux posant devant une galerie de mine ©
Rare photo prise en extérieur, les photographes, avec leur lourd et encombrant matériel,
préférant le studio, qui permettait par ailleurs une meilleure maîtrise de la lumière
et un traitement plus rapide (ferrotype ou tintype, ca 1865).
Une sacrée veine ! Le plus grand affleurement d’argent ! L’or en prime ! Ophir était son nom ! Et, à ce qu’on dit, James Old Virginny Finney, un soir de cuite, pour conjurer le sort, une de ses bouteilles de whiskey s’étant brisée au sol, proclama « I christen this ground Virginia ! » Et, sur cette pierre, on bâtit Virginia City !
Comme on touche du bois,...
Celui-là semble vouloir mettre toutes les chances de son côté ©(ferrotype ou tintype, ca 1860)
D’Ophir au sud à Gold Hill au nord tout le terrain était maintenant occupé. La bande des quatre était riche ! Riche ? Enfin…
Henry Comstock, vantard, laissa bien son nom à la postérité, mais vendit sa concession pour 11 000$ à plus malin que lui, le juge Walsh. Avec son pactole, il acheta un magasin de marchandises générales qui périclita. Adieu, vaches, cochons, couvées, prospérité. Il erra, perdit la raison et se suicida au Montana, le 27 septembre 1870, d’une balle de révolver. Triste sort. Il fut enterré, sans plus de formalités, à Bozeman au Montana. Old Pancake avait 50 ans. Oublié, on ne porta pas même le crêpe…
Un fondu d’or ©
Rien n'est superflu ! Double symbole fer-à-cheval et aimant,
voilà de quoi s'attirer chance et prospérité !
(Tintype, ca 1865, monté en carte-de-visite, un format popularisé en 1854 par le Français Disdéri et rapidement adopté par les Américains).
James Finney, Old Virginny, vendit lui aussi, pour, dit-on, du whiskey de Virginie et un cheval borgne, et but son fonds. Il tomba de son cheval et se fracassa le crâne. Il mourut le 20 juin 1861, jeté à la fosse commune à 44 ans. Ce qu’on appelle pudiquement aujourd’hui le carré des indigents. Pour lui, le carré d’as c’est déjà fini.
La partie de cartes : mauvaise donne ©
(Tintype, ca 1865)
S’il finit seul dans le plus grand dénuement, il laissa son nom à Virginia City. Et une pierre aujourd’hui commémore sa mémoire.
Tombe de James Finney Fennimore, Dayton, Nevada.
Une stèle commémorative pour tous ces pionniers.
(photo captée sur le Net)
Oui, mais de O’Riley et de McLaughlin, qu’advint-il ?
Peter O’Riley et Patrick McLaughlin ©
(ferrotype ou tintype, détail, ca 1860-1865)
Sans fleurs voici le couronnement de l’histoire…
Patrick McLaughlin céda ses parts pour 3 500$, occupa des petits boulots, devint cuistot pour finir par mourir de faim à San Bernardino, Californie, en 1875. Lui aussi finit à la fosse commune. Resquiescat in pace.
Descente aux enfers ©
(Tintype, ca 1860-1865)
Un décor dantesque en toile de fond.
Il s’agit probablement d’un concessionnaire minier posant pour la postérité.
Peter O’Riley, sans céder, réussit à tirer 45 000$ de ses concessions. Une sacrée somme ! Un chiffre qui résonne et qu’il saurait faire fructifier ! Avec sa vista, il se mit à entendre des voix qui le guideraient vers de nouveaux filons – là… entends-tu ? – pour y creuser sa tombe. Il finit sa vie dans un asile d’aliénés à Woodbridge en Californie, où il décéda en 1874. On ne lui connait pas de sépulture.
Comme on creuse sa tombe ©
(ferrotype ou tintype, ca 1860)
Et alors, et alors…
La finance investit le Nevada silver rush, faisant tourner la roue à coups de comstocks, jouant des mots (ces actions étaient échangées à la San Francisco stock and Exchange Board), se jouant des petits porteurs grâce à la rumeur, pour faire monter les enchères, descendre les cours, rafler la mise. La spéculation battait son plein. Silver City, Gold Hill, Virginia City régnaient.
Des étincelles plein les yeux,
ils voyaient des pépites gros comme ça ! ©
(ambrotype, ca 1855)
Corruption, prévarication, délit d’initié allaient bon train, avec cela une bonne publicité et le tour était joué. Car même « Si le minerai était modérément prometteur, nous suivions la coutume du pays, nous nous servions d’adjectifs puissants et écumions comme si la merveille des merveilles en fait de découverte argentifère venait d’apparaître. Si la mine était une mine ‘exploitée’ et ne pouvait montrer de minerai traitable (qu’elle n’avait évidemment pas), nous louions le tunnel, disant que c’était un des tunnels les plus encourageants du pays, radotant et radotant sur ce tunnel jusqu’à ce que nous soyons complétement à cours d’extase, mais nous ne disions pas un mot du minerai. Nous pouvions répandre une demi-colonne d’adulation sur un puits, ou un nouveau filin d’acier, ou un treuil de pin couvert, ou une pompe fascinante et terminer par un éclat d’admiration sur ‘le surintendant distingué et efficace’ de la mine… mais nous ne soufflions mot du minerai. », Samuel Clemens, qui se fit connaître sous le nom de Josh d’abord, puis sous celui de Mark Twain. Twain qui, effectivement, passa là « six ou sept années longues et singulières » A la dure (Roughing it), comme prospecteur dans un premier temps, puis comme journaliste. Finalement « Il n’y avait rien qui ne fut vendable dans le domaine des concessions minières. » pendant ses Folles années*.
Une autre supercherie qu’on se voudrait de ne pas signaler, les salted mines, et qui avait de quoi dessaler les plus crédules. Comme pour donner un air authentique à une commode Louis XV montée dans une arrière-boutique de bazar, chargez un fusil de chasse de cartouches remplies de grenaille d’or. Tirez. Vous obtenez un filon, des filous. La mine ainsi lestée est promptement cédée au premier pigeon venant à passer. Ou bien « L’entrepreneur de la chose découvrait un filon sans valeur, y creusait un puits, achetait un chargement de riche minerai de la ‘Comstock’, en jetait une partie dans le puits et installait le reste sur ses bords extérieurs. Il montrait alors la chose à un nigaud et lui vendait à un prix élevé. », Mark Twain. Une pratique qui ensemença toute l’Amérique.
Beaucoup y laissèrent leur chemise
(ferrotype ou tintype, ca 1860-1865)
Mais il faut reconnaître que cette aventure a amené beaucoup d’innovations, de premières, d’avancées industrielles… Emploi de la dynamite, mise au point des techniques de traçage et de foration des trous de mines en couronne afin d’utiliser ce nouvel explosif en toute sécurité pour l’abattage, perforatrice Burley à air comprimé. Perfectionnement du moulin californien afin qu’il puisse fonctionner en continu grâce à la force hydraulique mue par la roue Pelton. Encore plus astucieux, le système de boisage par emboîtage de Philip Deidesheimer, ingénieur allemand formé à Freiberg en Allemagne, la meilleure Ecole des mines du monde. Une structure alvéolaire capable de résister aux pressions verticales et latérales, modulable en fonction des veines, failles et cisaillements d’un filon qui ne file pas droit, améliorant la sécurité tout en permettant d’aller toujours plus profond dans les mines du Comstock et ses minerais auro-argentifères. Aérage et drainage des galeries grâce à un tunnel conçu par Adolph Sutro, qui ne fit par ailleurs que ralentir l’inéluctable déclin d’une ville à son crépuscule.
Et « L’Ophir n’avait pratiquement rien valu un an auparavant et elle se vendait maintenant à près de quatre mille dollars le pied ! », Mark Twain.
Enfin, si aux Etats-Unis on se souvient d’Henry T. Comstock pour, en fait, avoir su détourner à son profit le Comstock Lode de ses deux véritables inventeurs, pour ce qu’il en est d’O’Riley et de McLaughlin, ils sont quasiment ignorés. Il faut dire qu’on ne connaissait pas le portrait de nos deux Irlandais. Aussi j’ai ici voulu réhabiliter ces deux véritables pionniers avec des informations et des documents inédits. Quand bien même le rush n’en rendit pas riches ceux qui décrochèrent la roche-mère.
« Le temps des prospecteurs libres est révolu », semble dire ce vétéran,
« il est temps de se ranger des voitures et faire son deuil de la fortune. »
(tintype dans son curieux carton de montage, façon faire-part de deuil, ca 1865). ©
Et pouvoir vivre heureux le reste de son âge…
Papy a fait de la résistance.
(ferrotype ou tintype monté en carte-de-visite, ca 1865) ©
Voici enfin levé un des derniers mystères de l’Ouest. Pour mieux en suivre les péripéties vous pouvez en retrouver ici la première partie :
Lansardière Michel (texte, photos, documents ©)
* Les mémoires de Mark Twain ont été publiées en 1872 sous le titre original de Roughing it, traduites en français sous les titres de Mes folles années ou d’A la dure.
N. B. : si la première photo de la première partie de cet article partie (cf. WANTED, et la sixième du présent billet qui en montre un gros plan) semble bien être l’authentique et unique portrait de Peter O’Riley et Patrick McLaughlin, du moins une hypothèse raisonnable, les autres american tintypes ne prétendent pas représenter les autres personnages de l’histoire. Par contre, elles leur sont toutes contemporaines, originales, et restituent le contexte de l’époque. Tous les documents ©, sauf mention contraire (3 photos captées sur le Net), proviennent de mes recherches personnelles.
Si enfin, concernant la photo de Billy the Kid, qui a beaucoup circulé et été montrée à la télévision, ou la découverte de celle de Henry Comstock, on a pu s’appuyer sur une iconographie déjà connue et donc procéder, entre autres, à des comparaisons faciales, pour la photographie de McLaughlin et de O’Riley je ne m’appuie que sur l’étiquette contre-collée au dos du tintype, ne connaissant aucune image d’eux. Alors, photo « salée »… il faudrait pour trancher d’autres moyens d’investigation (datation de l’encre, du papier…). J’ai par contre l’expérience de la photographie ancienne, américaine en particulier, et ai consacré plus de vingt ans de recherches aux chercheurs d’or. Et il s’agit bien d’un tintype américain contemporain de nos deux protagonistes. Aux découvertes fortuites de William Bohn en 2009 pour Henry Comstock et de Randy Guijero en 2010 pour Billy the Kid, j’ajoute une pierre au mythe doré et argentique.
Si vous voulez une suite à cette histoire, l’après, Virginia City au temps de Samuel Clemens (Mark Twain) ou du photographe Timothy O’Sullivan, et d’autres documents inédits…