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Ils furent nombreux les photographes de la ruée vers l'or du Klondike (Yukon, Canada) et le l'Alaska. Mais combien connaissent leurs noms ? d'autant que nombre d'entre eux sont oubliés, leurs clichés éparpillés. Je veux rendre hommage aujourd'hui à deux d'entre-eux, et des plus talentueux. Et loin d'être les plus renommés, mais pour moi les plus fameux. Je veux parler de Case & Draper. Mais patientons un peu...

Le plus connu est certainement Eric A. Hegg, certainement parce que Ethel Anderson Becker lui consacra une monographie, Klondike'98, dès 1949 (chose peu courante un photographe à l'époque), et aussi pour ses cartes postales qui ont beaucoup circulé. Il faut dire qu'il avait du talent, notamment celui d'être toujours là au bon moment, le premier le plus souvent. Et qu'il a laissé dans l'imaginaire collectif la photo la plus célèbre de la ruée vers l'or (cf. mon billet intitulé "La pépite"). Charles Chaplin s'en souviendra...

Citons encore Benjamin W. Kilburn, Benneville L. Singley (les plus productifs, mais pas les moins doués), William H. Rau, Harry C. Barley, Veazie Wilson, Louis H. Pedersen, Joseph Burr Tyrrell, H. J. Goetzman, T. W. Ingersoll, R. Y. Young, Walter Strand, Wolfe, Graves, Griffith & Griffith, Robertson & Darms, Larss & Duclos, George Hicks, Ernest Keir, Wilfred et Ed McDaniel, Frank La Roche ou Asahel Curtis (oui, le frère d'Edward S. Curtis, excellent photographe lui aussi, hélas laissé dans son ombre). Mais je vous fais mariner... (si vous me pressez je pourrais y revenir...)

William H. Case et Herbert H. Draper s'associèrent et travaillèrent dans leur studio de Skagway (Alaska) de 1898 à 1908 et conjointement à Juneau de 1905 à 1907, jusqu'à leur séparation, Draper restant à Skagway jusqu'en 1913 et Case à Juneau jusqu'en 1920, dates de leurs morts respectives.

Oui mais leur travail ?

Case & Draper furent certainement les plus novateurs, les plus modernes, explorant des domaines variés avec un sens du cadrage hors du commun.
Dans leurs vues en extérieur, paysagistes hors pair, ils apportaient souvent un détail, arrière ou avant-plan, qui donne vie à leurs clichés. Une vue du fleuve Yukon avec un esquif passant entre deux rocs les rapides de "Five Fingers", alors que d'autres, je pense à la même prise par Barley, ne faisaient pas vivre le site, ou de simples cabanes de mineurs :

12272864071?profile=originalYukon River (Canada, photo Case & Draper, ca 1900 ; collection L.M)

Pour les intérieurs, froids, mécaniques, désincarnés, comme leur série "Treadwell Gold mines", un sens de la perspective, de la composition, de la lumière, qui en font des oeuvres presque abstraites, "cubistes", qui font penser tant à Vasarely, le père de l'art optique, qu'à M. C. Escher, fou de figures spatiales mathématiques abstraites, à Léger...Intemporel miroir magique mais combien humain ainsi définirai-je leur travail.

12272864670?profile=originalTreadwell mines. Douglas island, Alaska (Etats-Unis, photo Case & Draper, 1906 ; coll. L.M)

Comme on le voit, un photo "industrielle" permet à nos photographes d'exercer leur talent, perspectives, contrastes, lumière, profondeur, offrent une image d'une grande modernité.
Pendant la ruée vers l'or en Alaska, la "Treadwell gold mine" fut la plus grande mine d'or du monde, tournant 24h sur 24. Son propriétaire, John Treadwell (1842-1927), dirigea son activité de 1881 à 1922, employant jusqu'à 2000 personnes.

Enfin et surtout ils furent des ethno-photographes avant l'heure. Bien que réalisées en studio, leurs photos sont loin de maints clichés d'alors où le "sauvage" est montré comme ours en foire ou larron sur toile de fond. Déjà ombres et lumières dessinent les Indiens comme le feraient les grands maîtres du portrait pour des princes de cour (il faudra attendre les célèbres studios Harcourt créés en 1934 pour ainsi mettre en valeur les vedettes avec ce sens du noir et blanc), témoignant d'un respect pour le modèle qui force l'admiration. De plus ces portraits ont une valeur ethnographique incontestable, témoignages uniques des indiens Tlinglit  (ou Thlinkit) au début du vingtième siècle. Je pense notamment aux portraits des chefs Ano-Thlosh ou Cow-Dik-Ney, ou d'autres membres de cette nation, hommes ou femmes, ainsi que les objets de leur quotidien captés comme les objets d'art qu'ils sont, mais perçus alors comme des curiosités incongrues, pris en 1906-1907. C'est là qu'ils rejoignent l'immense Edward Sheriff Curtis (1868-1952), oublié à sa mort, emporté par une crise cardiaque autant que par la fièvre de l'or, mais heureusement redécouvert dans les années 1970.

Sur le vif, ils ont également beaucoup photographié les travailleurs, les gens de peu, les anonymes, mineurs ou pêcheurs, employés ou charpentiers, du Grand Nord.

Dire qu'à ma connaissance aucune monographie, aussi bien en français qu'en anglais, n'existe de ces deux grands noms de la photographie ! Même dans la littérature la plus pointue, consacrée aussi bien à l'histoire de la photographie qu'à la ruée vers l'or du Klondike ou aux Indiens d'Amérique du Nord, on ne les trouve que rarement ne serait-ce que mentionnés (néanmoins certaines photos sont visibles en ligne, notamment sur le site de l'Alaska Historical Collection de l'Alaska State Library).

12272865070?profile=originalLignes de fuite (aéroport d'Abu Dhabi, 2012 ; photo L.M prise en hommage à Case & Draper).

Lansardière Michel

Les photographies proviennent de ma collection personnelle. Je dois néanmoins la photo n°2 à Chantal Roussel qui m'en fit cadeau et que je remercie ici.

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Commentaires

  • Merci Maria pour cette appréciation pour deux oubliés

  • Merci Michèle d'autant que c'est exactement ce que je ressens et me passionne pour les grandes épopées humaines, pas seulement pour l'aventure que cela représente mais pour en remonter les ressorts.

  • Merci Marie-Josèphe pour ton intérêt. William Howard Case (1868 ou 69-1920) et Herbert H. Draper (1855-1913) furent à la fois victimes de leur dissociation, du fait que maints amateurs n'eurent plus à recourir aux professionnels pour prendre un cliché et surtout le développer avec le Kodak Brownie n°1 apparu en 1900 (George Eastman était avant tout un fin commercial et publicitaire : "Vous poussez le bouton et nous faisons le reste" était le slogan accompagnant le lancement de cet appareil simple et économique, 1$) et plus simplement du temps qui passe. Novateurs plus qu'avant-gardistes, ils avaient un regard, un vrai point de vue. Mais comme souvent après ce long purgatoire, je pense qu'ils seront réhabilités, les grandes institutions américaines s'y intéressent (l'état de l'Alaska notamment). J'attends qu'une monographie leur soit consacré et les remettent à leur place dans l'histoire de la photographie (qui jusqu'à lors les a il est vrai complètement oublié, même le George Eastman House Collection, le plus grand musée du monde sur la photographie, ce qui serait pourtant un juste retour des choses. Je suis tout de même assez fier d'avoir donné le premier article qui leur est consacré en Français sur Arts et lettres !).

  • je viens de découvrir ce communiqué... de tels oublis qui effectivement ne devraient pas arriver se produisent néanmoins : était-ce trop avant-gardiste et dérangeait ? ce peut être une explication ... mais ce n'est qu'un point de vue ! 

  • Merci Adyne.

    Merci à tous ceux qui sont passés, et plus encore ont aimé.

    J'ai plein d'idées de billets pour A&L, mais il ne faut pas trop encombrer le lignes, prendre le temps de rédiger, et traiter de sujets suffisamment variés pour ne pas lasser !

  • Félicitations! pour votre mise en vedette très méritée!

  • Merci M. Robert Paul d'avoir mis mon billet en vedette, d'autant que un sujet qui me tient à coeur.

  • Je te rejoins tout à fait. En photographie (pour rester dans ce domaine que je "maîtrise" un peu mieux) nombre de daguerréotypes, ambrotypes, ferrotypes (de 150 d'âge et plus)... résistent au temps et offrent des nuances sans pareil. Quant aux installations, concepts ils ne "dénoncent" trop souvent que le vide des "Architectes du Grand Rien". Amitiés

  • Tour à fait d'accord Nicole. Les "avancées" technologiques peuvent aussi jouer de mauvais tours. Ainsi George Eastman en sortant son Kodak  Brownie en 1900 pour 1$ (il suffisait ensuite de le renvoyer pour voir ses photos développées retournées et l'appareil rechargé) provoqua la fin de plus d'un photographe professionnel. Nos librairies aujourd'hui disparaissent, dans ma ville après 51 ans d'activité mon libraire a mis la clé sous la porte, c'était le dernier (il y a dix ans à peine ils étaient deux) ; au début du siècle dernier c'était un photographe qui était établi "Aux armes de la ville"... Je crains pour les arts et la culture. Le livre est en danger.

  • Merci à tous pour votre intérêt. Vos réactions sont les bienvenues !

    J'ai essayé de combler une lacune, en effet rien en français sur ces deux grands de la photographie (même le dossier "La ruée vers l'or vue par les photographes du Yukon"  de la Direction du patrimoine du gouvernement du Yukon -visible sur la toile, Musée virtuel Canada- les ignore superbement, comme d'autres photographes cités au troisième paragraphe de mon article), et en anglais ?... guère plus (un article de Pat Roppel pour le Capital City Weekly à signaler tout de même). Exclusivité Arts & Lettres !

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