Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Toutes les publications (229)

Trier par
administrateur théâtres

Georges Feydeau

Tailleur pour dames

Librairie Théâtrale, 1887.

 

Cette saison, Bruxelles fait la fête aux boulevards. On a mis en scène un bouquet  de vaudevilles étincelants, pas moins d’une douzaine.  Un antidote contre la dureté des temps? La similitude des époques, si bien raillées par James Ensor ? « Tailleur pour dames » de Georges Feydeau n’échappe pas à la règle des bons mots, de la vivacité du verbe, du langage perlé ou diamanté,  à vous de choisir! La caricature sociale  correspond  bien à notre 21e siècle débutant… L’emprise de l’argent, la souveraineté des vanités, les appétits du pouvoir couplés au sexe bien plus qu’à l’amour. La volatilité des couples, sans nul doute, une nouvelle moralité! Le cynisme, le sarcasme et le rire libérateur sont restés les mêmes dans notre monde survolté.  La langue chatoyante, par contre, est moins  courante à notre époque. Chez Feydeau elle prend des airs féeriques et fait  grand  bien à  entendre!

C’est ainsi que malgré le nombre d’œuvres proposées on se presse au guichet pour aller voir « Tailleur pour dames » de Georges Feydeau, au théâtre des Martyrs.  C’est une toute jeune compagnie qui a monté ce chef d’œuvre : « La Compagnie des abîmés » °2005. Ils sont  réjouissants, d’une tonicité et d’un enthousiasme contagieux. Nous les avons vus  dans leurs débuts au Théâtre Mercelis avec "Venise sous la neige". Un spectacle délirant à propos de Chouchous et de Chouvénie  qui  met en scène un dîner de  couples où l’une des convives s'invente une langue et un pays imaginaire. La soirée prend alors une tournure très houleuse et  tout vole en éclats comme dans tout vaudeville qui se respecte.

530496_10151812020912087_38321042_n.jpg?width=357Leurs talents explosent dans cette interprétation magistrale  et savoureuse  de « Tailleur pour dames ». Le décor ? Couleur « 50 shades of grey », cela vous dit quelque chose ? Il cache dans ses jupes des portes qui claquent tout à fait invisibles. Le plateau est une case d’un  damier noir et blanc où vont s’entredéchirer  messieurs et dames broyés dans le laminoir burlesque de l’infidélité. Jeu de dames oblige!  Les costumes aussi sont dans les teintes de gris noir ou blanc, à la façon des films muets. Esthétique très graphique et dictions parfaites virevoltent autour d’un divan rouge et rond comme une pomme perfide.  Au deuxième acte, quelques notes de bleu, le septième ciel ? …Dans un entresol improvisé, atelier de couturière désaffecté. Ah les voilà dans de beaux draps, ces personnages déchaînés,  splendidement costumés,  ayant tous  troqué leurs identités pour camoufler leurs méfaits conjugaux ! Unchain my heart !   Il faut suivre! Monsieur Machin, vous connaissez ? Médecin ou tailleur ?   Enlevez le bœuf, c'est de la vache ! Qui connait encore l’expression?  Allez vous ressourcer dans ce bonheur de scène de haute voltige ! Au troisième acte, retour à la case départ : vivent les postures et les impostures! Trois incomparables couples de scène: l’irrésistible Justine Plume et Gauthier de FauconvalCédric Lombard et Sylvie Perederejew, Nicolas Mispelare et  Elisabeth Wautier  et deux personnages totalement désopilants, la tyrannique Claudie Rion et Etienne, l’inénarrable valet, Mychael Parys.   A nouveau une splendide mise en jeu par Victor Scheffer, maintenant dans la très belle grande salle du théâtre des Martyrs!

http://fr.wikisource.org/wiki/Tailleur_pour_dames

Lire la suite...

Abstrait

 

 

Energie diluée,

vapeurs ou bien auras,

un décor d'outre-terre,

où des jets de lumière

montent à la verticale,

se heurtent à un plafond

que certains d’eux dépassent.

 

Pas de repères dans le silence,

lévitation dans un espace

innommable,  sans violence.

 

22/03/1990

Lire la suite...

12272977479?profile=original"Lettres de mon Moulin est un recueil de nouvelles d'Alphonse Daudet (1840-1897), publié à Paris chez Hetzel en 1869; réédition augmentée - et définitive -, portant de 19 à 24 le nombre des nouvelles, chez le même éditeur en 1879. Annoncé par des Lettres sur Paris et Lettres du village, l'ouvrage rassemble des textes parus dans plusieurs journaux (le Figaro, l'Événement ou le Bien public) de 1866 à 1873.

 

Daudet est à l'époque un jeune homme apprécié, mais qui se disperse et auquel on ne prête pas un grand avenir littéraire. Depuis 1859, il a rencontré Mistral et repris contact avec une Provence natale où il aime à rejoindre amis, amours et impressions de nature: quittant Paris, lassé et fatigué, il se réfugie au château de Montoban, une propriété de famille, et dans les divers moulins des environs, notamment le moulin Tissot à Fontvieille près d'Arles. Daudet a fait appel, pour ces lettres, à des éléments fort divers: des souvenirs de Mistral et de Roumanille, des épisodes autobiographiques («l'Arlésienne», «les Vieux», les notations de voyage), et aussi à la collaboration de sa femme et de Paul Arène (d'où, par la suite, une polémique avec certains partisans de ce dernier).

 

Après une «Installation» où le narrateur rencontre les animaux vivant près du moulin qu'il a acheté (voir l'«Avant-propos» sous forme d'acte de vente), les récits se succèdent. «La Diligence de Beaucaire» raconte l'histoire d'un rémouleur trompé par sa femme et dont se moquent les autres voyageurs de la diligence. «Le Secret de Maître Cornille» est celui d'un meunier abandonné de ses anciens clients et qui fait croire qu'il continue à travailler: découvrant son secret, le village lui donnera volontiers le grain nécessaire pour continuer à faire tourner son moulin. «La Chèvre de Monsieur Seguin» est à l'image du poète dédicataire de la nouvelle: désireuse de découvrir les espaces sauvages et de goûter de la montagne, elle sera finalement mangée par le loup, après s'être vaillamment battue toute une nuit. Dans «les Étoiles», un berger et Stéphanette contemplent les astres de la nuit. «L'Arlésienne» est le drame d'un jeune homme pris entre sa passion amoureuse et la honte d'épouser une jeune fille sans honneur. «La Mule du pape» est un animal vindicatif qui, après bien du temps, lancera un coup de sabot magistral à un mauvais plaisant dont elle a été la victime. «Le Phare des Sanguinaires», «l'Agonie de la Sémillante» et «les Douaniers» rassemblent des récits et des impressions corses. L'abbé Martin, «le Curé de Cucugnan», rêve qu'il va au paradis et au purgatoire: il n'y trouvera aucun de ses paroissiens, qui sont tous en enfer; ce qui, selon son sermon, doit les inciter à une confession urgente. «Les Vieux» accueillent le narrateur avec une gentillesse émouvante: il vient de la part de son ami Maurice. «Ballades en prose» est composée de deux textes: l'un consacré à «la Mort du Dauphin», l'autre, «le Sous-préfet aux champs», montrant un fonctionnaire oubliant ses discours pour aller faire des vers dans la nature. «Le Portefeuille de Bixiou» rapporte les farces de ce blagueur en même temps que son amour de père pour la petite Céline. «La Légende de l'homme à la cervelle d'or», métaphore de l'écrivain, évoque le sort tragique de celui qui s'arrache de sa propre substance pour la donner aux autres. «Le Poète Mistral» nous présente le maître et l'ami de Daudet. «Les Trois Messes basses» racontent la punition céleste de ce curé trop pressé et trop gourmand qui bouscule la liturgie de Noël pour avancer l'heure du réveillon. «Les Oranges» évoquent quelques impressions embaumées et savoureuses. «Les Deux Auberges»: l'une est prospère, l'autre complètement désertée, et une pauvre femme l'habite. «A Milianah» rapporte des scènes algériennes, ainsi que «les Sauterelles». «L'Élixir du Révérend Père Gaucher» est une boisson alcoolisée dont un moine retrouve la recette qui enrichit le couvent et expose son inventeur à bien des tentations. Enfin, derniers textes, «En Camargue» et «Nostalgies de caserne».

 

La première couleur du livre est celle du Midi: Mistral félicitera Daudet d'avoir réussi à écrire en «provençal français» et c'est certainement cette langue aux tournures ensoleillées, aux vocables originaux qui peut séduire le lecteur (sans trop l'effaroucher). C'est aussi toute la vie d'un peuple avec son décor: le curé gourmand ou gourmandeur, le berger et le joueur de fifre, le hâbleur, le poète, le berger, l'amoureux. Et encore l'odeur forte des plantes aromatiques, la présence des animaux qui, dès le départ, est comme le signe sous lequel écrit le narrateur. Au-delà même de la Provence, il y a la Corse et l' Algérie, plus généralement le début d'un exotisme, presque d'un orientalisme qui attire le public parisien et ces lecteurs-destinataires des Lettres: ils sont entraînés, dépaysés, parfois jusqu'à une sorte de fantastique discret.

 

Le deuxième charme du livre est l'alliance qu'on y trouve entre la malice et la tendresse. Le narrateur ne cache pas la paresse de tel compatriote, l'amour de tel ecclésiastique pour la dive bouteille, les infidélités d'une belle volage, les manies d'un pape avignonnais; mais il les conte avec gentillesse, sans sarcasme. Et sans jamais se départir d'une grande compassion: pour les humbles douaniers, mal payés et malades, pour les naufragés de la Sémillante, pour le cocu déshonoré, pour l'écrivain dépossédé et mangé par les «loups». On ajoutera à tout cela une très grande variété d'écriture: récits rapportés, impressions personnelles, légendes ancestrales, c'est à chaque fois un ton différent, un nouvel angle d'attaque ou de narration. Le sujet proprement dit est moins important que ces inflexions variées d'une voix pourtant familière, complice, séductrice.

Lire la suite...

Portrait d'un homme ordinaire.

Il avait commencé de changer de comportement à la mort de sa femme. Il se nommait Jean Dereux. C’était un brave garçon. Après qu’il ait terminé des études de droit et de fiscalité, et qu’il a été nommé contrôleur, il avait dit à ses amis :

- Je préfère que vous me disiez : Monsieur. Dans ma position, on risque de penser que je suis en mesure de favoriser des amis.

Il n’avait pas osé leur demander de le vouvoyer.

T. est une petite ville province. Soixante mille habitants environ. Cependant, elle était constituée d’un grand nombre de petites communautés séparées les unes des autres par le statut social ou par des affinités particulières.

Peut être Jean avait-il eu raison. Peut être faut-il qu’un certain nombre de citoyens se défasse de ses liens d’adolescent pour endosser la stature quasi réelle de l’homme d’Etat. De celui pour lequel il n’y a pas de communauté particulière mais des citoyens égaux devant la loi. Ce sont des conceptions de ce genre qui créent l’ossature d’une nation.

C’était une formule un peu trop pompeuse. Après tout, il n’était qu’un modeste contrôleur du fisc.

Henriette qu’il avait épousée après sa nomination était la fille unique d’un chef de service à l’administration.  

Lui-même était le fils d’un gendarme. Il avait été amoureux d’Henriette, mais qu’elle soit la fille d’un fonctionnaire avait ajouté à son charme qui était réel. Il aimait l’idée que l’administration constituait une sorte d’aristocratie qui se perpétuait au travers des familles qui en étaient les serviteurs. Dans la noblesse, tout autant, il y a les familles dont les titres étaient prestigieux, mais aussi combien de chevaliers et d’écuyers qui en étaient la trame depuis des siècles. Ils étaient, à titre égal, des membres de la noblesse.

Dereux, De Reux, de Reux, Le Reux . Il suffit parfois d’une seule lettre pour modifier un patronyme et lui donner une signification historique. Il est vrai que la noblesse ne tient pas à un nom mais à la conscience de faire partie d’une élite spécifique.

Ils n’avaient pas eu d’enfant, ils n’en avaient pas voulus, ni elle ni lui. C’est ce qu’il avait répondu à un ami qui lui avait posé une question purement conventionnelle. En réalité, il était mu par une autre ambition.

Jean avait convaincu sa femme de ne dépenser que le strict nécessaire pour manger, s’habiller ou sortir. Jusqu’à leurs vacances qui étaient réduites. Leurs économies leur servaient à payer la maison qu’il avait achetée dans le Midi en prévision de sa retraite.

- Nous pourrons jouir de la vie sans restriction.

Malheureusement, elle était morte avant leur retraite et  n’avait pas eu l’occasion de jouir de sa frugalité. La maison et l’argent économisé, seul Jean en jouirait.

C’est à cette époque qu’il avait commencé à changer.

Peut être qu’il avait enfin compris que les projets n’étaient jamais que des rêves dont ils n’étaient pas les seuls maîtres.

Il fallait aussi se convaincre de ce que la vie est courte aussi longtemps qu’elle dure. Trop courte. Puis faire en sorte de ne rien regretter. Ni de ce qu’on a fait ni, surtout, de ce qu’on n’a pas fait. On meurt seul. Vivre ne se partage pas non plus même s’il n’est pas convenable de le dire.

Administration ou non, aristocratie ou non, les êtres humains n’étaient pas de ces créatures angéliques qu’il avait imaginées. Au bureau il se passait des choses aux qu’elles il n’aurait pas songées lorsqu’il avait été nommé. Seuls comptaient l’argent, le sexe et le pouvoir. Durant des années, il avait fait semblant de ne pas le voir. Leur avenir, à Henriette et à lui, il pensait que c’était plus tard qu’il se dessinerait. Là aussi, Jean s’était trompé.

Les êtres humains les plus sensés étaient les tricheurs et les menteurs. Ceux qui montraient un visage conforme à ce que la plupart des gens attendent mais  se conduisent conformément à leurs pulsions. De la manière dont ils se conduisaient lorsqu’ils étaient petits enfants, et que leurs parents s’exclamaient : quel caractère !

Désormais, tout allait changer. Ils seraient deux, celui qui a vécu pour de vrai, rien ne peut plus être modifié de ce qui fut- les souvenirs sont des mensonges - et celui qui vivrait désormais.

Il serait une sorte d’espion infiltré dans sa propre vie.

A quoi jouent les espions ? Le monde réel, c’est eux, disent-ils. Est-ce qu’il y a une différence, une distinction entre les hommes de la lumière et ceux de l’ombre ? C’est une filiation qui remonte aux débuts des temps.

C’était peut être une attitude excessive mais pas plus que la manière dont ils avaient vécu, sa femme et lui. Il n’y a rien de mal à vivre modestement. Se marier, avoir des enfants, travailler et vieillir sans être trop affecté par le sort. Discrètement, sans attirer l’attention. Mais ça avait un prix, pas nécessairement le moins cher.

Un jour, il avait dit à une jolie femme :

- Je connais très bien votre dossier.

Elle avait dit par après :

- Je me demandais ce qu’il avait voulu me faire entendre. Nous étions assis à la terrasse d’un café, je portais une robe légère, il regardait mes jambes avec insistance, je n’osais plus bouger.

Ce fut un éblouissement. Il en était conscient, il disposait du vrai pouvoir, celui de disposer des autres.

Un jour, il téléphona à un gros commerçant de la ville dont le dossier fiscal présentait quelques interrogations.

Ce fut l’épouse qui lui répondit.

Elle possédait un magasin de lingerie très bien achalandé qu’elle dirigeait à l’aide de deux vendeuses. Aucune n’était particulièrement aguichante. Chacune de ses clientes pouvait se sentir belle auprès de ses vendeuses.

- Vous me surprenez, monsieur le contrôleur ?

- Ce n’est probablement rien. Mais il faut que je vérifie, c’est la routine. Mardiprochain, ça vous convient ?

-  Mon mari sera en voyage mais je serai là, bien entendu. Les livres sont à mon domicile.

Les rumeurs naissent et se répandent vite en province. Lorsque Jean s’était présenté chez Elvire Dubois, elle avait préparé ses livres et du café sur une table basse auprès du divan. Une bouteille de vin aussi. Au fond du salon, une porte entr’ouverte donnait sur la chambre à coucher. On pouvait apercevoir le lit.

Il n’y avait rien de répréhensible dans le dossier. Jean y apposa un paraphe. Elvire venait de faire l’économie de mille cinq cents euros d’impôt.

Une des ses clientes, c’est le nom qu’il leur donnait, avait évité une amende de quinze euros. La valeur de l’argent varie avec les gens.

Il eut trois aventures de la même nature mais à chaque fois, il en était plus amer.

Il en eut une autre encore, si on peut appeler ça une aventure. Côté à côte, devant des livres comptables ouverts devant eux, il avait posé la main droite sur les hanches d’une jeune femme. Il avait dit :

- Je vais vous expliquer.

Elle s’était levée, elle avait dit qu’elle ne se sentait pas bien, et elle lui avait demandé de revenir le lendemain.

Le lendemain, un comptable se mit à sa disposition et accepta un redressement de trois cents euros. 

Jean était fatigué, On n’endosse pas une nouvelle peau aussi aisément qu’on le souhaite. Henriette lui manquait. Etait-ce ce qu’on appelle l’amour ? Elle lui manquait le jour, et elle lui manquait la nuit. Du temps qu’elle vivait, il lui était arrivé de faire l’amour en évoquant une autre. Parce qu’il aimait sa femme, il évoquait une actrice qui n’était souvent qu’une image plutôt que la femme d’un de leurs proches. Ils sont nombreux les maris qui agissent de cette façon.  Ils comblent leur femme, et ne la trompent qu’à peine.

Peut être que des femmes agissent de la même manière par amour pour leur mari ? Bien sûr,  c’est un acteur masculin qu’elles imaginent.

Henriette lui manquait de plus en plus. Sans elle, il avait le sentiment de n’être qu’un exilé sur la terre. Il voulait mourir. Qui se préoccupait de sa vie ? Qui donc se préoccuperait de son décès ? Il voulait mourir, mais pas comme quelqu’un qui n’a jamais existé. Il mourrait de telle sorte que cela compenserait la mort d’Henriette qui n’avait bouleversé que sa propre vie et que rien, jamais, n’avait sorti de l’insignifiance humaine.

C’était décidé. Il y penserait avec autant de soin et de sérieux que lorsqu’il préparait ses dossiers. Bien préparer les scénarios et y songer longtemps, c’était revivre autant de fois qu’on y songe. Mais c’était aussi mourir à chaque fois.

Quelques mois plus tard en revanche, peu lui importa la manière dont il allait mourir. Il avait vécu anonymement. Sa vie toute entière comme la plupart des vies humaines se résumerait aux quelques lignes de sa nécrologie. Même celles que relatent les livres d’histoire ne sont plus depuis longtemps que des histoires.

En d’autres temps, on pendait ceux qui étaient condamnés à mort. N’était-ce pas le cas ? Il acheta une grosse corde qu’il attacha soigneusement à une poutre du grenier. Il glissa dessous une vieille chaise. Il n’aurait qu’à la pousser. Qui donc s’inquièterait de lui ?

Lorsqu’un journaliste l’interrogea, le commandant des pompiers répondit qu’il en ignorait encore la raison. Un incendie s’était déclaré dans l’immeuble. On découvrit le corps de Jean dans les décombres. Les responsables se perdirent en conjectures. La télévision avait envoyé un caméraman et un journaliste. On parla de Jean Dereux le soir même, et le lendemain lors des informations de mi-journée. Le journal local en parla durant quelques jours. La personnalité de Jean Dereux, dit le journaliste, apparaissait comme un mystère.

Lire la suite...
administrateur théâtres

A Robert Paul, special wishes for a special friend

 La fête de NOËL « Elle est, cette bonté folle, ce qu'il y a d'humain en l'homme, elle est ce qui définit l'homme, elle est le point le plus haut qu'ait atteint l'esprit humain. »

 

« Le temps glisse et frémissent les ruisseaux », du givre à la neige, voici bientôt N O Ë L !

Ce White Christmas rêvé qui dit notre besoin de renouveau, ce besoin, chaque année, d'une nouvelle  page blanche et immaculée où nous pouvons chacun écrire la suite de notre histoire ! Notre art de vivre et l'art dans notre vie. Notre empreinte d'humanité.

Les festivités de Noël  se préparent doucement et chaleureusement, nous fêtons tous Noël à notre manière.  A l’approche de la saison hivernale, sombre et glaciale, nous avons  tant besoin d'un peu de lumière et de chaleur!  Si nos  traditions et croyances nous séparent parfois, nous avons tous au moins un point en commun, le rêve du renouveau. L’espoir de la vie en germination.  L'approche des fêtes de Noël  correspond au solstice d'hiver, la nuit la plus longue de l'année.

Une nuit fertile  d’espoir fou, pour certains, la folie d'amour. Un choix de vie, un choix pour la Vie, un refus radical du mortifère. Comme par magie,  à partir de cette date, les jours rallongent,  le soleil renaît. Le renouveau du printemps est bien là: subversif,  invisible et souterrain. La chaleur des lumières allumées dans nos maisons et dans nos cœurs, nous apporte ainsi amour, lumière, chaleur et espérance.

Joyeux Noël à tous les amis Artistes de ce Réseau hors de l’ordinaire, fondé par l’Ami de tous, Robert Paul, le fondateur si éclairé. Qu'il reçoive nos profonds remerciements pour sa généreuse disponibilité …   Je lui offre, en cette troisième semaine de l'Avent,  avec toute ma gratitude et la vôtre, ce très beau White Christmas de 1942,

 

Deashelle

Lire la suite...

"Aldébaran" cité dans "Le voyage des mots" "De l'Orient arabe et persan vers la langue française" "calligraphies de Lassaâd Metoui", par Alain Rey, éditions Guy Trédaniel

"Aldébaran.

 

Dans le catalogue d’étoiles dressé par Johann Bayer au début du XVIIème siècle, la première, Bételgeuse, est appelée alpha, alpha d’Orion, et Aldébaran, alpha du Taureau, Rigel, autre étoile au nom « arabesque », devenant Beta de la même constellation.

Cependant, malgré son prestige, l’alphabet grec ne parvint pas à éliminer le pouvoir de ces noms arabes.

Ainsi, Aldébaran, célébrée par Victor Hugo dans Les Quatre Vents de l’esprit et dans Les Contemplations, n’est autre que « la suivante », du verbe dabara, « venir après », d’où ad dabir, ad dabira, « l’extrêmité arrière », nom qui fut affecté par Abd el Rahman Sufi, astronome persan du Xème siècle, à cette étoile, la plus brillante de la constellation du Taureau, qui semble suivre et regarder ( on l’appela aussi « l’œil du Taureau ») le groupe des Pléiades. Cette dénomination assez banale, soulignant pourtant l’unité des apparences célestes, n’empêcha pas les poètes de voir en ce nom des mondes de lumières. Ainsi, Hugo, inépuisable, fait de l’astre un « turban de feu » (turban est un mot turc) et se déchaîne, le qualifiant de « clarté de l’insondable grève », « un de ces inconnus que nous nommons soleils », « une face splendide et sombre sur l’abîme », « un éblouissement », pour conclure : « Ta merveille, c’est d’être une roue inouïe / De lumière, à jamais l’ombre épanouie. »

 

Bételgeuse ne fut pas moins propice à l’imaginaire poétique, mais son origine – incontestablement arabe – est discutée. Soit le nom vient de beital-janzaa, « la maison des Gémeaux » (autre nom de la constellation d’Orion), soit de ibt al-jauzaa, l’ »épaule » de ces mêmes Gémeaux. La « maison » vient des Tables d’Ulug Beg, de Samarcande, au XV ème siècle, l’ « épaule (droite) » provient d’Abul Hassan, environ un siècle auparavant.

 

Aldébaran.

 

La science moderne, après la connaissance ancienne de l’image céleste, après la symbolique et la poésie, donne à Aldébaran ses caractères d’étoile « rouge », ayant consumé son hydrogène et brûlant son hélium. Extrêmement lumineuse étant vue de la Terre, Aldébaran possède un satellite, et la découverte en 1997 de ce qui pourrait être une très grande planète a stimulé les imaginations. Déjà les variations de couleur de cet astre avaient fait écrire à Gérard de Nerval, dans Sylvie : « tour à tour bleue et rose comme l’astre trompeur d’Aldébaran ».

Le nom calligraphié de l’étoile est entraîné vers le zénith par une puissante trajectoire qui abrite  un « satellite » décoratif circulaire et, ramassée, la reprise du nom. »

 

Alain Rey, cité dans« Le voyage des mots », «De l’Orient arabe et persan vers la langue française », calligraphies de Lassaäd Metoui, éditions Guy Trédaniel.

Lire la suite...

Rien qu'un jeu.

 

 

J’ai fait ce soir un rêve curieux. Nous étions, Julie et moi, dans une voiture, il me semble que c’était une décapotable, et nous roulions sur une route de campagne  pour nous rendre chez un de mes amis.

Julie, parce ce qu’elle était seule elle aussi, était la compagne de certaines de mes nuits. J’ignore qui de nous deux avec les gestes de l’amour comblait la solitude de l’autre mais nous y mettions tant d’ardeur que c’était une façon de nous efforcer tous les deux de survivre.

C’était la première fois que je me rendais chez Marc avec Julie mais elle semblait connaître la route aussi bien que moi.

C’était une côte sans fin. Le moteur peinait tellement que j’avais peur que la voiture ne s’arrête. Elle nous aurait entraîné en arrière, et j’aurais été incapable, je le savais, de la retenir. J’appuyais sur la pédale avec une obstination de maniaque.

La villa de Marc est apparue au sommet de la côte sous le soleil immobile de midi. C’était un bâtiment de béton gris et de verre bleu, une large terrasse l’entourait, il n’y avait ni arbre ni verdure, on aurait dit un dé tombé au milieu du désert.

Nous avons abandonné la voiture, et Julie s’est avancée vers les marches de l’entrée, la tête haute, la poitrine tendue, les yeux brillants, comme devait s’avancer l’avant-garde d’une armée conquérante lors d’une guerre sans merci. Moi, je me demandais quel était l’objet de cette guerre ?

Dans le living il n’y avait personne. C’était une pièce immense, presque vide, seule une table de marbre en occupait le centre comme l’autel d’une église des temps futurs. Les murs étaient blancs. A l’un d’eux, sur presque toute la largeur, pendait un tableau qui représentait une femme nue peinte en ocre, une jambe repliée, le visage inexpressif et les yeux sans iris. Le fond du tableau était vert sous l’effet phosphorescent d’un néon de dancing.

J’ai regardé Julie. Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point elle était blonde. Son regard était dur, elle avait le visage creusé comme à l’instant le plus aigu de nos étreintes.

Nous sommes entrés dans une autre pièce. Un homme était en train de peindre tandis qu’un autre, derrière lui, le regardait avec une fixité de mannequin. J’ai demandé si Marc était là. L’homme qui peignait a répondu sans détourner la tête :

- Marc a du s’absenter, il va revenir d’un instant à l’autre.

Julie s’est approchée de la toile. Les deux hommes se sont tournés vers Julie. Comme à chaque fois que des inconnus l’observaient, elle a souri avec ce lent mouvement de la tête qu’ont les oiseaux de proie avant de prendre leur envol.

C’est alors qu’un troisième homme est entré dans la pièce. Un homme jeune, la poitrine nue sous une veste de toile, je me souviens qu’il n’était pas rasé.

Il s’est dirigé vers Julie, il l’a regardée intensément, et puis seulement il a souri à son tour.

- Vous êtes une amie de Marc ?

Julie s’est tournée vers moi. Ses yeux avaient cette palpitation inquiète que je lui avais déjà vue, et qui me donnait à chaque fois l’impression que quelque chose d’important la bouleversait. Je me suis  avancé et j’ai dit que j’étais un ami de Marc.

- Marc n’est pas là. Il ne va pas tarder.

Mais c’est Julie qu’il continuait de regarder.

- Vous avez bien fait de venir.

Julie s’est redressée inconsciemment.

- Venez, nous allons attendre Marc sur la terrasse. Il fait si beau aujourd’hui.  

Il lui a pris la main et Ils sont sortis.

- Reste, je reste bien moi.

C’était celui qui regardait peindre son ami qui me parlait. J’ai secoué  la tête.

- Non, je vais y aller.

En même temps je pensais: qu’ai-je besoin de lui répondre mais je ne bougeais pas.

- Où est Marc ?

Le peintre avait cessé de peindre et nous nous sommes regardés tous les trois.

C’est alors que Marc est apparu. Il portait une chaise et il a traversé la pièce sans nous voir.

J’ai crié :

- Marc!

Il n’entendait pas. J’ai regardé les deux autres.

- Viens.

Le peintre a posé la main sur mon épaule, et il m’a entraîné vers le living.

Dans le living, la table était toujours nue mais il y avait désormais des chaises tout autour. La main du peintre a pesé plus fort sur mon épaule.

Jacques, je savais qu’il s’appelait Jacques mais je ne sais pas comment je le savais, Jacques est entré avec Julie. Il lui a demandé de s’asseoir. Moi, c’est le peintre qui m’a demandé de m’asseoir. Marc était là, lui aussi. Nous sommes restés silencieux un moment.

- Je vois que vous vous connaissez tous.

J’ai répondu :

Non. Nous allons partir, nous reviendrons une autre fois.

 Jacques s’est  mis à rire.

- Et vous nous priveriez de la présence de Julie ?

J’avais le sentiment étrange que nous étions les personnages d’une pièce de théâtre dont j’étais le seul à ne pas connaître le texte.

- Tu ne trouves pas qu’elle a de beaux yeux ?

Il a pris les mains de Julie dans les siennes.

Sans qu’aucun mot ne sorte de ma bouche j’ai voulu dire que ce n’était pas vrai, que Julie n’avait pas de beaux yeux, qu’elle avait des yeux transparents qui ne reflétaient que la seule couleur de ses passions : calcul, abandon et haine tout à la fois. Je le savais, moi. Pourquoi disait-il qu’elle avait de beaux yeux ?

Julie scintillait comme si le soleil l’avait embrasée. Elle a détaché de son cou son foulard, elle a posé une main sur sa poitrine, et elle a demandé au peintre pourquoi il avait peint une femme belle mais sans yeux ?

- Ce n’est pas une femme, c’est un tableau. Vous, vous êtes une femme.

Puis il a demandé si nous étions mariés, Julie et moi. Julie a saisi ma main.

- Nous sommes des amis, de grands amis.

Le peintre a éclaté de rire. Julie avait les joues en sang. Jacques s’est penché vers elle, il lui a dit quelque chose à l’oreille, elle a serré ma main.

J’avais chaud et je me sentais ridicule soudain dans mon complet. J’ai tiré sur mon nœud de cravate.

- Ote donc ta cravate.

Julie avait l’air excédée.

Ils avaient tous les yeux fixés sur moi.

Lorsque Julie faisait l’amour, c’était comme si elle naissait à chaque fois. Ses forces étaient bandées pour un destin dont elle pressentait que l’amour était la seule raison d’être. Son corps était la face lumineuse de son sexe, et son sexe était la source de sa vie. Et moi, je savais maintenant combien il m’était nécessaire.

- Il a bien de la chance. Est-ce qu’il en est conscient ?

Je me suis levé et j’ai dit à Marc que nous allions partir.

- Pourquoi, pourquoi? Ce n’est qu’un jeu.

- Demande-lui si elle veut, elle ?

Je n’ai pas répondu. Julie ne me regardait pas. Autant que ses mains, sa bouche, ses seins, le regard des hommes était la preuve de son existence, et avec ou sans moi, elle voulait continuer d’exister.

C’est alors que je me suis réveillé.

 

 

 

Lire la suite...

Le retour

 

Le retour

Je suis retourné au cimetière du Sud. Les mauvaises herbes parmi les tombes y poussaient nombreuses.  Question d’économies, sans doute. Certaines tombes en étaient presque entièrement recouvertes. A croire que les parents des décédés étaient morts à leur tour. Ou que leurs descendants n’éprouvaient pas le besoin de méditer devant une dalle de pierre.

Il y avait ceux qui incarnaient une partie de cette ville et, en dessous ou à côté, ceux qui l’avaient incarnée en d’autre temps.

C’est une étrange douceur que celle des cimetières lorsque aucune cérémonie n’y a lieu. On n’y pense pas qu’aux morts mais, soit aux morts soit aux vivants, on y pense sereinement. Exister y paraît aussi extravaguant que de ne pas exister. 

Je m’étais rendu sur la tombe de Liliane. Une substance particulière avait terrassé cette pharmacienne prudente qui conservait ses produits dangereux sous clé. Etait-elle la seule à en avoir usage ? On pensait que d’étranges personnages étaient liés à sa mort : vagabonds ou drogués, des marginaux en tout cas. Ceux que d’autres personnages aussi étranges mais beaucoup plus nombreux, et plus conventionnels, nommaient « marginaux » parce qu’ils étaient différents d’eux ou l’étaient devenus. Elle avait été ma maîtresse.

J’avais vécu dix ans en Australie parce que j’avais quitté Julie qui voulait épouser quelqu’un avec qui vieillir. Julie avait toujours répondu de la même façon.

- Tu le sais, Pierre. Il vaut mieux ne pas nous revoir. N’abimons pas les souvenirs que nous avons l’un de l’autre.

J’étais parti. Dix ans plus tard,  j’ai eu envie de revenir.

Les premiers mois, en Australie, je me roulais sur mon lit en pensant à elle. Les femmes que j’avais connues, c’est en pensant à Julie que je les prenais. L’une d’entre elles, une nuit, avait dit.

- Arrêtes, tu me fais mal. Pour qui me prends-tu ?

Cette sensation d’avoir la poitrine serrée dans un étau avait lentement disparu. Au point que parfois, j’avais recherché cette pression du ventre que je ne retrouvais plus. Plus tard, j’en avais été frustré, je n’étais même plus parvenu à l’imaginer.

Rien n’avait changé. Alfred, était toujours barman au Réjane. Il était plus lent. Il était plus chauve. Il n’avait plus honte de porter des lunettes. Mais il reconnaissait toujours ses anciens clients qu’il appelait par leur prénom, précédé du  « monsieur » censé reconnaitre les barrières qui existent entre des jeunes gens de bonne famille et le serveur qu’il était.

Julie était mariée, avait-t-il dit. A un riche négociant, un veuf dont la femme, c’est ce qu’on disait, était incapable de résister aux tentations de la mode. Quatre fois par an, elle se rendait à Paris pour faire ce qu’elle appelait les boutiques. Le veuf, avec Julie, avait hérité d’une femme moins frivole, à même de le seconder dans ses affaires, et Julie avait hérité d’une garde-robe dont elle s’était débarrassée à l’exception des fourrures qu’il n’y avait eu qu’à retoucher.

Les gens qui comptaient désormais en ville n’étaient plus les mêmes que ceux que j’avais connus.

Jean Cormier, le directeur de la police judiciaire, un condisciple, et mon ami le plus proche, depuis longtemps avait été muté à l’occasion d’une flatteuse promotion, et son successeur avait fait table rase du passé.

- Il faut que la police se transforme.

Il ajoutait pour montrer son érudition et sa connaissance des choses de la vie :

- Pour que les choses restent ce qu’elles sont.

Le passé avait définitivement disparu. Il est vrai qu’il  ne concernait que peu de monde et n’avait duré que très peu de temps. Rien ne s’était passé de notable.

 

 

Lire la suite...
administrateur théâtres

A Liliane

12272984254?profile=original Le Temps Du Givre:

Feuille à feuille
Se défeuillent
Les ormeaux
Le temps glisse
Et frémissent
Les ruisseaux
Note à note
Je dénote
Ma chanson
Feuille à feuille
Se défeuillent
Les saisons

Nul rivage n'a consolé
Ce fier navire en liberté
En liberté
J'ai mal noué le fil d'amarre
Et chaque port qui s'en empare
Le voit brisé
Maintenant la pluie de l'automne
Mouille les feuilles qui s'étonnent
De leur couleur
La fontaine a bu mon image
Et ma jeunesse est en voyage
À bout de coeur

J'ai mal rêvé dans mes silences
Et la musique de l'enfance
Me fait sanglot
J'ai mal joué, j'ai mal su vivre
Voici venir le temps du givre
À mes carreaux

Feuille à feuille
Se défeuillent
Les ormeaux
Le temps glisse
Et frémissent
Les ruisseaux
Note à note
Je dénote
Ma chanson
La la la...
Feuille à feuille
Se défeuillent
Les ormeaux
Le temps glisse
Et frémissent
Les ruisseaux
Note à note
Je dénote
Ma chanson
Feuille à feuille
Se défeuillent
Les saisons

Nul rivage n'a consolé
Ce fier navire en liberté
En liberté
J'ai mal noué le fil d'amarre
Et chaque port qui s'en empare
Le voit brisé
Maintenant la pluie de l'automne
Mouille les feuilles qui s'étonnent
De leur couleur
La fontaine a bu mon image
Et ma jeunesse est en voyage
À bout de coeur

J'ai mal rêvé dans mes silences
Et la musique de l'enfance
Me fait sanglot
J'ai mal joué, j'ai mal su vivre
Voici venir le temps du givre
À mes carreaux

Feuille à feuille
Se défeuillent
Les ormeaux
Le temps glisse
Et frémissent
Les ruisseaux
Note à note
Je dénote
Ma chanson
La la la...  
Lire la suite...

Agathe ou une épouse modèle.

Agathe, une épouse modèle.

 

Agathe Lecrinier était la fille unique du quincailler du quai Notre-Dame. C’était ce qu’on appelle un beau parti. Agathe était loin d’être laide, bien au contraire. Ses traits étaient harmonieux, ses yeux bleus avaient la candeur supposée de l’innocence et dès qu’elle souriait, son visage s’illuminait au point que les jeunes gens regrettaient qu’elle manifestât tant de retenue et qu’elle ait toujours l’air triste alors qu’elle souhaitait seulement avoir cet air réservé qui convient à une jeune fille en âge de se marier.

Le père, un notable membre de la fabrique d’église, fortuné et veuf, était fier de ce que personne en ville ne puisse répandre le moindre ragot au sujet de sa fille. Son futur mari, disait-il, la recevrait pure comme au sortir du berceau, et elle ne sourirait que pour lui.

 Sauf lorsqu’elle reprendrait les affaires de son père et que, comme c’est l’usage, elle sourirait aussi à la clientèle.

De leur côté, Jérôme et Julien Delporte étaient les fils jumeaux du minotier qui avait sa grosse maison rue des Jésuites, 

Bien que ce ne soit pas à lui qu’il pensait mais à ses fils, Monsieur Delporte avait des vues sur la fille de son ami, la jolie Agathe. Le problème, c’était : à qui la marier, Jérôme ou Julien ? A part la couleur des chaussettes, rouge pour Jérôme et jaune pour Julien, rien ne les distinguait.

Leur ressemblance était si grande que s’il n y avait eu la couleur des chaussettes personne n’aurait été  en mesure de les distinguer. Leur caractère, leur comportement, jusqu’aux tics, tout chez eux était identique.

Un miracle de la nature, disait monsieur Delporte en soupirant et en jetant vers le ciel un regard de reproche. Finalement, ce fût Julien après que les deux pères se furent mis d’accord sur le montant de la dot, des espérances des uns et des autres, de la prime prévue si Agathe accouchait d’un garçon, et de la situation professionnelle du futur mari.

- Ne pense-tu pas qu’il faudrait demander à Agathe de donner son avis quant à celui qu’elle préfère ?

- Ils se ressemblent si fort.

Le soir même, monsieur Delporte dit à son fils Jérôme que monsieur Lecrinier souhaitait le rencontrer «seul à seul ».

- Je pense qu’il veut te parler d’Agathe. Qu’est ce que tu penses d’Agathe ?

- Oui ; répondit Jérôme en rougissant.

- Oui ; répéta  monsieur Delporte en soupirant. Après tout, pensa-t-il, on ne demande pas à de futurs fiancés de s’exprimer comme des orateurs. Il suffit qu’ils s’aiment. Et lui, en tout cas, on sait qu’il dira: oui.

Il aurait pu ajouter : et comme Julien, en tout, est comme son frère, inutile de l’interroger, ils seraient deux à dire: oui. 

Monsieur Lecrinier, parce qu’il avait parlé avec Julien, eut le sentiment qu’il avait agi en père aimant soucieux de l’avenir de sa fille. Agathe, quant à elle, accepta d’épouser Jérôme ou Julien.

Certains dirent peu après que c’est une malédiction qui avait frappé ces familles. Malédiction ou non, ce mariage, célébré avec pompe, précédât de peu toute une série de malheurs pour ceux qui en furent les victimes. Monsieur Lecrinier d’abord qui mourut trois mois après le mariage de sa fille. Monsieur Delporte qui le suivit dans la tombe deux mois plus tard.

Tous les trois occupaient la maison paternelle. Jérôme et Agathe dormaient dans la grande chambre, Julien dans celle qui était la sienne depuis son enfance.

Durant deux ans leur vie à tous les trois se passa sans problème majeur. Ils formaient aux yeux de leurs relation un couple parfait sinon qu’ils étaient trois plutôt que deux. En général ce genre de situation existait lorsqu’auprès d’un couple marié il y avait, clandestinement ou non, un amant ou une maîtresse.  

Si bien qu’on trouvât tout naturel au décès de Jérôme, un stupide accident de voiture, qu’après un veuvage convenable, Agathe épousât Julien, elle n’avait même pas à changer de patronyme ni d’adresse, et Julien ne dût déménager que son pyjama tandis que la chambre au bout du couloir redevint une chambre d’amis avant de devenir, si Dieu le voulait, une chambre d’enfants.

Par contre, pour le nouveau couple un autre problème se posa. Lorsque Jérôme vivait il ne serait pas venu à l’idée de Julien de convoiter sa belle-sœur. Agathe était belle mais une barrière psychologique lui interdisait de la désirer. Et il ne la désirait pas.

Même après leur mariage, et l’occupation du même lit, il éprouva des difficultés à reconnaitre qu’Agathe n’était plus sa belle-sœur, qu’elle était devenue sa femme et que ses rapports avec elle durant la nuit devaient être repensés.

Agathe ne s’y serait pas opposée. Au contraire il arrivait à Agathe de penser que c’eût été plus confortable, plus conforme aux relations entre époux et vraisemblablement plus agréable. Et puis, pourquoi ne pas le dire, si Julien, physiquement, ressemblait à son frère, c’est avec une curiosité un peu perverse qu’Agathe se demandait comment Julien se comportait au lit.

Un jour, à la fin de la matinée, après avoir renvoyé ses trois employés pour la pause de midi, alors qu’elle s’apprêtait à fermer le magasin, le représentant d’un fournisseur, sa voiture à peine immobilisée devant sa porte, lui fît de grands signes de la main.

- Madame Agathe, je suis en retard.

Monsieur Guy était un représentant de ce qu’on appelle aujourd’hui l’ancienne école. Lorsque les firmes exigeaient de leurs représentants qu’ils soient avenants avec les clients. Si le client était une femme il n’était pas interdit, bien au contraire, de lui faire la cour. Monsieur Guy le faisait autant pour la firme qu’il représentait que pour lui.

Agathe ouvrit la porte.

- J’allais fermer.

Elle le fit entrer. Ils se dirigèrent tous les deux vers la pièce arrière. Agathe s’assit devant le bureau tandis que monsieur Guy, derrière elle, feuilletait le lourd catalogue qu’il avait déposé devant elle pour lui présenter, penché au dessus de son épaule, les dernières nouveautés.

-Ce n’est rien, dit Agathe à monsieur Guy qui s’excusait de l’avoir touchée en tournant les pages. Ce n’est rien, répéta Agathe, mais elle avait été troublée parce que la main de monsieur Guy avait par mégarde touché un de ses seins.

Les psychiatres vous le diront, le trouble que ressent un homme ou une femme se transmet à celui ou à celle qui en est la cause. La plupart des adultères naissent de cette sensation partagée bien plus que de la curiosité, la séduction, l’ennui ou d’autres raisons plus ou moins romantiques.

Elle devait l’avouer, l’incident avait été court mais pas désagréable. Lorsqu’elle rentra chez elle après la fermeture du magasin, elle regarda Julien avec affection.

Cette nuit-là, en se retournant sur elle-même, Agathe toucha le ventre, et peut-être le sexe de Julien. Elle dit :

- Excuse-moi,

Il répondit : ce n’est rien, ce n’est rien.

Mais les mains en avant, il saisit le derrière de sa femme. Elle dit que c’était par inadvertance mais Julien ne l’écoutait plus.

Ils eurent un enfant un an plus tard.

 

Lire la suite...

Ce jour, une annonce joyeuse:

S'unissant, se retrouvent forts,

En une certitude heureuse,

Deux êtres éprouvés par le sort.

Lors, je médite sur la chance,

Je crois qu'elle vient du hasard.

Elle est un don à la naissance

Ou se présente tôt ou tard.

Nombreux se méritent la chance,

L'attirent en faisant des efforts,

Et ce, parfois dès leur enfance.

Rigoureux, ils travaillent fort.

Ceux qui ont reçu une grâce,

En prennent soin le plus souvent.

Pourtant la chance se déplace,

S'éloigne inévitablement.

Au cours des saisons, rien ne dure.

S'imposent des déchirements.

Sur des voies qui paraissaient sûres.

Surviennent des éboulements.

Quand je vois revenir la chance

Auprès de gens dépossédés,

Peut-être en manque d'espérance,

Je rends hommage au jeu de dés.

13 décembre 2013

Lire la suite...

"Battue" en décembre

Vous rêvez de voir votre belle-mère dans un cercueil ?

Vous avez une copine « hyper-réactive » qui reçoit des coups de fer à repasser de la part de son compagnon et qui lui répond à chaque fois « Merci ,chéri » ?,

Vous voulez savoir comment je suis passée de brave pomme à charognard enragée ?


Et vous comptez faire plaisir ou déplaisir pour les fêtes de Noël !


Alors, n’hésitez plus : mon livre « Battue » est toujours à votre disposition.
Pour les détails quant à la livraison, que vous soyez belge, français ou papou, n’hésitez pas à me contacter en MP .


Merci à tous !

Virginie Vanos

Battue

Lire la suite...

.. Anniversaire,

 

 

J'ai cinquante et un printemps,

qu'un seul hiver,

celui où j'ai perdu ma mère,

dans cet été outragement bleu !

J'ai cinquante et un printemps,

qu'un seul automne,

celui où j'ai maudis mon père,

dans cette enfance déconstruite !

J'ai cinquante et un printemps,

qu'un seul été,

celui où je t'ai rencontré,

adolescente,

tout juste née !

J'ai cinquante et un printemps,

puis une cinquième saison,

l'entière, toute verte,

mon alphabet magique,

 unique ; la poésie.

Vous enfin.

Lire la suite...
administrateur théâtres

12272980290?profile=original12272981059?profile=original12272981273?profile=original12272982695?profile=original 

 La pièce « Boeing-Boeing »  de Marc Camoletti  (1960) a été joué plus de 20.000 fois en français. Traduite et jouée de Londres à New-York en passant par Singapour, elle a  aussi fait l’objet de plusieurs films  au cinéma.  A l’instar des fringantes héroïnes qui peuplent l’histoire, ce texte  a  donc fait le tour du monde. Il  séduit encore toujours par sa  tonicité, l’abondance des mensonges inextricables, les quiproquos et  les malicieuses méprises, les  chassés-croisés périlleux, les arrivées intempestives des dames et les  interminables départs qui risquent à chaque instant de faire capoter le bel ensemble mensonger du Sieur Bernard. Au tour de Bruxelles d’accueillir ce joyau du rire dans une distribution détonante.  

« Dona e mobile ! » Et si donc  l’homme réussissait à se contenter  d’une seule femme? Rien que par le caractère changeant des femmes n’a-t-il pas là déjà, tout un harem à sa disposition?  Mais Bernard (un intrépide Thibaut Nève) n’est pas de cet avis et a besoin, au quotidien, de variété féminine palpable et concrète. Il n’est donc pas marié - la polygamie étant interdite -  mais il  s’est trouvé trois exquises fiancées étrangères. Sa vie est réglée sur les horaires d’avions qui  lui amènent ses trois hôtesses de l’air à point nommé sans  risque de fâcheuses rencontres. Il tient un agenda d’une précision diabolique. Une américaine, une espagnole et une allemande s’installent  alternativement au logis, juste le temps de  lui faire jouer le rôle de l’homme de leur vie  … et de  redécoller aussitôt. Carpe diem ! A part que toutes veulent lui extorquer un contrat de mariage !  

Hélas tout est par terre le jour où son ami Robert (Antoine Guillaume) remonte de son Midi natal pour tâter de la capitale parisienne et s’installe chez lui. Mis dans le secret, il va donc être aux premières loges pour apprécier cette joyeuse façon de vivre et y participer bien malgré lui… car voici soudain que les compagnies aériennes ont acquis des appareils plus puissants et plus rapides. Qu’adviendra-t-il du bel équilibre galant ?   

Nathalie Uffner signe une mise en scène remarquable, pleine de  trouvailles. Jamais cela  ne s’essouffle, le rythme devient de plus endiablé, pas de danse couleurs locales à l’appui. Tous les dérapages sont magnifiquement contrôlés.  Inutile de dire que les trois nationalités sont elles-mêmes  une source inépuisable de délire humoristique. Les stéréotypes arpentent le plateau  avec une rare candeur. Delphine Ysaye  fait une Américaine haute en sensualité et en verbe,  délirante d’assurance et de féminisme haut placé.  Myriem Akheddiou incarne une brûlante Espagnole, Juanita, plus explosive et passionnelle que jamais, tandis que Catherine Decrolier (notre préférée) joue  une Judith allemande totalement dévergondée et lascive qui fait tourner l’ami Robert en bourrique consentante. Sera-t-il le seul à l’être ?  

Comme dans tout vaudeville qui se respecte, la bonne, devenue spécialiste en plats internationaux, est imperturbable (ou presque), admirablement  revêche et grognon. Elle est le ciment  indispensable  à ce bel édifice.  L’époustouflante Odile Mathieu est une maîtresse femme qui ne mâche pas ses mots et se lance dans la manipulation pour  augmenter ses gages. Bernard,  Un manipulateur manipulé ?  C’est drôle, spirituel, volubile,  magnifiquement enlevé et distrayant à souhait. Et cela plaît énormément au personnel nostalgique de la Sabena invité dans la salle qui en profite pour remettre, qui son costume de commandant, qui son costume de chef de cabine vert sapin et bleu profond… et se rencontrer pour parler avec légèreté du temps passé et échanger avec un public attendri!

12272982253?profile=original

http://www.ttotheatre.com/programme/boeing-boeing

 

Lire la suite...

Un amour polonais.

Tout avait commencé en Pologne, à Czestochowa pour être précis, en 1931. J'insiste:1900. Parce que ces évènements sont déjà si lointains qu'ils n'eussent étonné personne s'ils s'étaient produits en 1831. Mais peut être que c'est plus tôt encore qu'il faut commencer. Lors de ce jour où on peut imaginer que s'est formée une petite goutte de mon sang. La plus rouge, ou la plus noire.

Radomsko se trouve à quinze kilomètres environ de Czestochowa. Benjamin Warschawski, mon arrière grand père du côté maternel y était propriétaire d'une ferme. Il possédait une vache et quelques poules. Il ne manquait ni d'œufs ni de lait. De profession, si on peut appeler ça une profession, il était prêteur d'argent. Banquier? Non. Il ne prêtait que de petites sommes, sans garantie, à des gens qui en avaient besoin pour une raison ou pour une autre. Un mariage par exemple ou des funérailles, l'un ou l'autre coûte cher, et on ne peut pas toujours reporter l'évènement. Usurier? C'est vrai qu'il ne prêtait qu'à des taux importants. Mais où était le bénéfice puisqu'il ne recouvrait jamais le moindre centime de l'argent prêté.

Il possédait un coffre en bois bourré de créances, et il vivait dans la crainte qu'un de ses débiteurs ne mette le feu à sa ferme afin de supprimer d'un seul coup, et le coffre et les créances. Benjamin n'était pas homme à se faire beaucoup d'illusions sur la grandeur d'âme de ses concitoyens.

- Tu vois, tu leur prêtes de l'argent qu'ils n'ont pas l'intention de te rendre, et en retour, ils t'enverraient volontiers au diable. Mais ils saluent bien bas le boucher, membre éminent de la communauté, dont ils ignorent que c'est lui qui avance à l'usurier Warchawski, contre une confortable commission, l'argent que celui-ci leur prête. Ce boucher, mais qui le leur dirait, ne comprend pas la faiblesse de Benjamin envers ses débiteurs. Ou alors, qu'il inscrive les sommes prêtées sous la rubrique "œuvres de bienfaisance"; disait-il avec ironie.

- Voyez-vous, Benjamin, les hommes de justice, ça existe, non? Et les règles doivent êtres respectées si on veut que la paix règne entre les hommes.

Il ajoutait, et peut être était-il plus fin d'esprit que celui que l'on prête aux membres de sa corporation.

- Je vous aime bien, Benjamin, mais songez que si les hommes sont inégaux sur bien des plans, c'est probablement que le Très Haut l'a voulu ainsi. Comment serions-nous compatissants envers les pauvres s'il n'y avait pas de pauvres. A quoi servirait le comité de bienfaisance?

Benjamin ne faisait pas partie du comité de bienfaisance. Il n'était pas un notable au même titre que le boucher, le marchand de tissus ou le meunier. Si les notables le respectaient, mais pas davantage que l'instituteur, c'est parce qu'il savait écrire, et qu'il est des circonstances où un écrit est aussi important que la confiance procurée par une solennelle poignée de mains.

En outre il était discret et il ne demandait jamais rien à personne si bien que personne dans le village n'avait jamais du lui refuser quelque chose. C'était un honnête homme.

Au plan matrimonial, il n'y avait rien à en dire non plus. Il en était à son second mariage, sa première épouse était morte peu après la naissance de leur fille.

Sa première épouse et lui avaient vécu de manière très honorable et économe. On peut même dire qu'ils  vivaient de rien. Les plus pauvres du village, aidés par la charité des gens biens de la communauté, mangeaient mieux qu'eux.

- Penses, ma petite colombe, les sacrifices que nous faisons aujourd'hui que nous sommes jeunes et en bonne santé, nous en retirerons les bénéfices lorsque nous serons vieux.

Malheureusement, sa première épouse n'eut jamais l'occasion de juger si son raisonnement était juste ou non, elle était morte trop tôt. Peut être qu'il était juste. Qui peut le dire?

En seconde noces, il épousa une jeune veuve qui lui donna une fille, elle aussi. Comme ils craignaient d'être incapables de procréer des garçons, et que l'éducation des enfants coûte cher avant qu'ils ne soient en mesure de rembourser, ils décidèrent de s'en tenir aux deux filles existantes. Et si le bon dieu voulait bien qu'elles fussent jolies, le montant de la dot serait plus facile à négocier. Il avait raison, mon grand-père maternel. On racontait même, ce sont les temps modernes qui voulaient ça, qu'il y avait des jeunes gens qui se mariaient par amour. Sans dot. Par amour!

Sa seconde épouse, elle se prénommait Fêla, était issue d'un bourg proche du village. Elle était la fille unique d'un relieur de livres aux doigts d'or dont la clientèle allait des membres de la synagogue aux autorités civiles de sa région tant ses talents étaient reconnus. De plus, il passait pour une sorte de sage que tout naturellement tout le monde appelait rabbi. Il ne disait jamais grand-chose mais il écoutait avec tant d'intérêt tandis que ses doigts lissaient la couverture d'un livre, que ses interlocuteurs, au bout d'un moment, avaient le sentiment  d'avoir reçu une solution à leur problème.

Un jour, aux approches de Noël, un charroi considérable s'était arrêté à la porte de rabbi Jung. C'était le comte Potocki en personne qui venait lui demander son avis quant à un livre qu'il se proposait d'offrir à l'Université de Cracovie. Personne n'avait jamais su ce que le comte et le rabbi s'étaient dit mais l'entretien avait duré plus de trois heures. Le village tout entier s'était interrogé durant trois jours. Est-ce qu'il faut trois heures pour parler d'un livre? Quoiqu'il en soit, les rues étaient restées illuminées jusque tard dans la nuit. On eut dit un tableau de Chagall. Oui, Monsieur!

Bref, Fêla était ma grand-mère maternelle, et la fille sans dot de Benjamin Warschawski, Sarah, était ma mère.

J'avais un père aussi. Tout le monde a un père, c'est indéniable. Il avait un père lui aussi, qui était mon grand-père, tandis que le père de son père, était son grand-père à lui. Ainsi de grand-père en grand-père, on pourrait retracer toute l'histoire de ma famille en remontant jusqu'à celui qui sur le Mont de Sion avait transmis les Tables de la Loi au chef du peuple élu. C'est sûr que s'il les avait remises directement à son peuple, chacun de ses membres se les serait arrachées en pensant qu'elles avaient de la valeur. Plus en tout cas qu'elles n'en avaient en réalité.

Le prénom de mon grand-père paternel était Samuel. C’est aussi le mien. Je connais son visage parce que j'ai longtemps conservé une photo de lui dans mon portefeuille.

A l'époque de la photo, il était âgé, à vue de nez, si on peut parler de nez à propos d'un juif, de soixante ans. Le visage rougeaud, il devait abuser de la vodka à 90 degrés, de celle qu'on avale d'un seul coup pour ne pas se brûler les lèvres. Une gosse moustache, déjà blanche, barrait son visage. Il portait une caquette de cuir, chaussait des bottes de feutre comme les paysans du voisinage, et vendait sur une charrette à bras, des fruits et des légumes. Le commerce, pensait-il probablement, était la façon la plus certaine de s'enrichir, au moins de nourrir sa famille, hors le vol ou la loterie.

Ma grand-mère, Léa, l'avait épousé parce qu'il était bel homme, d'aspect viril, et parce que sa profession leur permettrait de gravir les échelons de l'échelle sociale, et de devenir, pourquoi pas ?, des notables dont la place est réservée à la synagogue où Léa se rendait régulièrement.

Samuel s'y rendait aux grandes fêtes et le samedi, comme tout bon juif, mais pas plus souvent. Mon oncle Alexandre, le frère aîné de mon père, moins pratiquant encore, ne s'y rendait jamais. Ni mon père parce qu’il avait lu que la religion était l’opium du peuple. C'était le souci de leur mère.

Aucun des deux ne ressemblait à l'image  que beaucoup de gens se faisaient des juifs. Ils ressemblaient aux jeunes garçons avec lesquels, jeunes, ils jouaient au ballon dans la rue. Criards, violents, de mauvaise foi, le cœur sur la main prêts à aider les copains, s'exprimant en yddish ou en polonais indifféremment. Et ils recommençaient de le faire après que, ce sont des choses qui arrivaient, un gros coup de folie dressait une partie des goys contre les juifs de certains quartiers.

Alexandre, devenu jeune homme, ne frayât plus beaucoup avec les goys du voisinage. Il ne frayait plus beaucoup, non plus, avec les juifs du quartier. Vêtu comme un bourgeois de Varsovie, tout l'argent qu'il gagnait était consacré à sa garde-robe. Il portait la cravate et le chapeau de feutre, et plutôt que la veste matelassée comme la portait son frère, ou le blouson de cuir qu'affectionnait mon père, il était vêtu d'un pardessus droit de couleur marine. Un vrai bourgeois. Plus encore. Un de ces aristocrates polonais qui s'expriment en français et qui baisent la main des dames.

Adulte, il avait quitté la maison, et s'était fâché avec sa mère. Il voulait épouser la fille qu'il aimait. Ce qui n'était pas un crime mais cette femme, ma grand-mère refusait de prononcer son nom, cette femme n'était pas juive. Il parait qu'il était devenu courtier en assurances à Varsovie, et qu'il faisait des affaires jusqu'en Russie.

Mon père et lui se rencontraient à de nombreuses reprises, à l'insu de leurs parents. Alexandre voulait avoir des nouvelles de sa famille. Elles étaient mauvaises. Sa mère qui ne supportait pas que l'on prononçât son nom se dépérissait de ne plus le voir. Et plus encore parce qu'un ami bien intentionné lui avait appris qu'il avait épousé cette fille qui n'était pas juive, et qu'ils avaient un fils. Un fils, vous entendez !

Qui devait-elle chérir le plus, la mère de mon  père? Son petit fils Sammy ou le fils de son fils Alexandre. Il n'y a que dans les mélos du dix-neuvième siècle, et dans l'Ancien Testament, que le fils prodigue revient au chevet de sa mère à l'heure où elle s'éteint. Imaginez la joie qui illumine son visage, ce visage qui sera son visa lorsqu'elle rencontrera le très Haut.

La mère de mon père n'a jamais revu Alexandre ni Bogdan, son petit-fils. A l'âge de trente ans, Bogdan poursuivait ce qui était censé devenir une très belle carrière au sein de l'épiscopat polonais. Je dois être un des rares juifs dont la famille aurait pu, dans sa généalogie, s'honorer à la fois d'un rabbin et d'un futur archevêque.

Si on excepte ma grand-mère et son chignon, le milieu dans lequel mon père avait grandi n'était pas très orthodoxe. Il ne fallait pas s'étonner s'il portait une casquette de jeune voyou et s'il n'allait pas à la synagogue.

En 1919, en Russie, après les sept jours qui ébranlèrent le monde, comme l’avait écrit un journaliste américain, un groupe d'hommes, surpris de sa victoire, avait pris le pouvoir. Il prétendait le transformer, ce monde. Mon père, dans la mesure de ses moyens, parce qu'il était juif et qu'il souhaitait que les hommes, tous les hommes, juifs ou non, soient égaux, voulait y contribuer. Je suppose que c'est à lui que je dois cette propension que j'ai à rêver le monde.

Mais l'environnement politique, à l'époque, en Pologne, était hostile aux libertaires de tous poils: socialistes-révolutionnaires, sociaux-démocrates, bundistes juifs, anarchistes, etc. Les communistes, surtout, étaient la cible du gouvernement. Que pouvaient faire des jeunes gens épris de liberté sinon lutter dans l'obscurité.

C'est ce qu'ils faisaient à quelques uns dans l'arrière salle d'un café où se tenaient les réunions syndicales et les meetings des autres partis juifs. Et parmi ces quelques uns, c'était prévisible, l'un d'eux était un indicateur de police.

Le pauvre devait enjoliver ses rapports pour mériter son salaire parce que les jeunes révolutionnaires dont mon père faisait partie ne risquaient pas de renverser le pouvoir. Comme on dit, les paroles s'envolent.

De plus, après une certaine heure, qu'il pleuve ou qu'il vente, la révolution pouvait attendre. Mon père prenait congé de tout le monde pour se rendre, devinez où? Vous avez gagné. A Radomsko pour rejoindre sa future fiancée.

Elle était belle ma mère. Elle avait la taille de mon père. Elle se tenait droite, la poitrine en avant. Elle avait des cheveux noirs légèrement ondulés, et des yeux tout aussi noirs bordés de longs cils rehaussés de mascara. Une bouche pulpeuse qu'elle soulignait de rouge sang. Elle portait des bottes qui n'étaient pas des bottes de paysan. Chemisier masculin et jupe qui s'arrêtait au dessus du genou, comme c'était la mode à Varsovie, elle devait plaire plus qu'il n'est permis à une jeune fille dans une petite ville de province.

Ma mère avait été séduite par ce garçon qui parlait d'égal à égal avec des notables plus âgés que lui, et qui faisait quinze kilomètres à pieds, plus tard à vélo, pour venir lui parler de tout et de rien, au début en tout cas, et pour l'emmener danser après que Benjamin Warchawski y ait consenti. Rabbi Cohen, consulté, avait estimé que ce garçon de la ville qui ne faisait pas un bon juif dans le sens où l'entendaient certains, ferait probablement un bon époux. Ils se marièrent le 15 novembre 1929.

Comment il avait fait la connaissance de ma mère, comment ils étaient devenus amoureux l'un de l'autre, qu'est-ce qu'ils se racontaient quand ils étaient ensemble, je l'ignore. Je suppose que les choses se passaient hier, et avant-hier, comme elles se passent aujourd'hui. On jette une pièce en l'air, et c'est pile ou face. Tout compte fait, ce n'est pas une méthode plus mauvaise qu'une autre.

Lire la suite...

ENCORE RÊVER...

Quand les ailes de la vie

s'accrochent à des nuages

Secouer ses envies

Trouver d'autres rivages...

Ne pas laisser l'ennui

Éteindre notre cœur

Et aussi de la pluie

Goûter subtile saveur!

Quand les rêves s'envolent

Dans des rumeurs cruelles

S'en faire comme une étole

Qui nous rendra plus belle!

Ne pas laisser son corps

Se tasser sous le vent

Mais prendre son essor

Accompagner le temps!

Quand les saisons s'avancent

Au caprice des Dieux!

Mettre dans la balance

Nos innombrables vœux!

Ne jamais renoncer

S'accoupler à l'espoir

On pourra avancer

Il suffira d'y croire!

Quand les ailes de la vie

s'accrochent à un mirage...

Penser qu'elle est jolie

Dans  nos rêves peu sages...

J.G.

,

Lire la suite...

Une aberration émouvante

 

 

Par politesse, elle répond

À des messages bien étranges.

On lui propose des échanges,

Dont la nature la confond.

Elle rit, la première fois.

Un inconnu, célibataire,

Attristé d'être solitaire,

Quêtait sa tendresse, pourquoi?

Face à un profil attirant,

Il accueillit l'idée joyeuse,

D'une relation amoureuse.

Créant un merveilleux courant.

Avait-il comparé les âges?

La dame élue, avec humour,

Souligna le sien sans détour,

Se dit à la fin du voyage.

Même réponse, copie-collé.

Or la surprise reste entière,

Quelle ignorance en la matière!

Tant d'hommes vivent désolés.

12/12/2012

Lire la suite...

Ce dernier volet et l'histoire relatée seront d'une toute autre tonalité malgré la Mort toujours aussi présente.

Voici l'histoire émouvante d'une très jolie jeune fille, décédée lors d'un accident de voiture, mais dont j'ignorais jusqu'à l'existence.

Nous avions été invités chez ses parents. Sa maman, une très charmante dame, était très intéressée par mes poèmes. Elle les connaissait très bien puisque j'avais participé à un concours de poésie dans la ville de mon enfance. Elle y était l'organisatrice. J 'étais très indécise concernant la qualité de mes poèmes et avais donc envoyé une série de ceux-ci.

A ma très grande surprise, j'ai obtenu le premier prix. Et ce plusieurs années de suite .... jusqu'au prix d'excellence.

Elle habitait dans un endroit magique: la maison natale de Raymond Devos. Un petit manoir ravissant entouré d'un vaste parc. Il existe toujours.

Introduite dans le salon, j'ai immédiatement été attirée par la photo d'une ravissante jeune fille, très souriante. Elle paraissait vivante, animée, radieuse. Bref, elle m'obsédait littéralement et je ne pouvais en détacher mes yeux.

J'avais la nette impression qu'elle voulait me parler. Et voilà l'étrange "Rayon vert" qui entoure la photo. Surprise évidemment, mais sans angoisse. Pas du tout la même sensation que lors de l'expérience précédente.Au contraire, un sentiment de paix, de bien-être.

C'est alors que la maman me voyant absorbée, perdue dans la contemplation de cette photo, nous a raconté son histoire. Je dis nous car mon mari m'accompagnait. :

" C'est ma fille ! Un stupide accident de voiture" nous a-t-elle précisé très émue, maîtrisant ses larmes.

Elle poursuivit comme perdue dans un rêve :

- Ah si vous saviez comme elle était jolie, si pleine de vie. Elle s'occupait d'enfants à problèmes, comme vous. Si   dévouée, si gentille.

Elle nous a précisé que l'accident remontait à deux années environ: "Elle nous avait quittés avec tant d'enthousiasme et puis cette nouvelle. Affreuse."

Nous nous sommes promenés dans le parc "Comme elle aimait le faire" nous a-t-elle dit au cours de cette promenade.

J'écoutais, ne disais rien toute attentive à ses paroles en ayant la sensation d'une présence qui nous accompagnait.

Il va de soi que je n'ai rien manifesté malgré mon trouble, ni, surtout, parlé de ce rayon vert qui devenait une obsession.

Les faits sont situés le 30.11.1970, après ma seconde expérience NDE qui a eu lieu en juillet de cette année.

A  chacune de nos visites, la maman insistait pour que nous nous montrions très prudents au volant.

Voici le poème écrit le soir même, comme la première fois.

Lys brisé

 Elle souriait dans un cadre d'or

Ses cheveux de soie nimbés de soleil

Elle souriait si vivante encor

Avec dans les yeux, un reflet de ciel.

Elle avait un doux visage

Et des yeux couleur de ciel

Des cheveux de fille sage

Et des lèvres de miel.

Elle avait une voix claire

Un rire qui cascadait

Comme une ardente prière :

Elle était la Joie, la Paix.

Elle avait donné son âme

A des enfants solitaires

Pauvres d'amour et de flamme

Mais ce fut si éphémère.

Car elle est partie un matin

Plus rayonnante de vie

Vers l'escale sans destin

Qui, pâle, nous l'a ravie.

Deux années se sont passées

Mais les arbres du jardin

Et les tourterelles ailées

L'espèrent chaque matin.

Deux années se sont passées

Mais dans les yeux des vivants

Elle demeure incarnée

Sylphide des bois, des champs.

Elle souriait dans un cadre d'or .....

J'ai envoyé le poème à la maman, toujours sans rien dévoiler bien entendu.Elle m'a répondu que c'était exactement le portrait de sa fille. Que le poème était très beau.

Après, je me suis perdue en prières pour ne plus être obsédée par ce genre de phénomène. Tout en lisant de plus en plus une littérature sur ces thèmes, dans les religions, les mystiques .... et même l'ésotérisme. Toujours en ayant l'espoir d'y trouver au moins un semblant d' explication. Je restais toujours muette concernant ce qui m'arrivait.

Personne n'a rien décelé, personne.

Un jour, ayant acheté une série de livres ésotériques (R&f. "Le tantrisme sensuel" JL Bernard Belfond Collection 1973,

sidérée, je "tombe" sur ce texte :

Rayon vert

Expression de l'alchimie : les radiations du Lion Vert. En grec, le pouvoir "phosphoros" qui provoquait des métamorphoses ayant muté des monstres ou inversement, en demi-dieux. Selon l'hermétisme, ce laser des dieux serait l'arcane des apocalypses, la force mystique qui anéantit, en fin de cycles, humanités ou civilisations périmées, tout en mutant en race neuve les irrécupérables. Le rayon vert correspondrait à la source cosmique de la vie et au rayonnement de l'épicentre du Zodiaque dit "coeur du ciel" que les anciens identifiaient à la Constellation du Lion ;

Toutefois, l'esprit de cette constellation ne coïncide plus, depuis longtemps, avec la constellation elle-même.

C'est de ce mystérieux point cosmique que le sang et les sèves tireraient leurs vertus les plus hautes et leur dynamisme intense.

Il va de soi que toute diminution ou augmentation d'intensité de ce rayon vert rompt l'équilibre de la cellule du sang et de la sève. La légende d'Héraklès montre qu'au temps de ce héros, une vague de gigantisme s'est emparé du règne humain, animal et végétal, au point que le héros dût anéantir des monstres biologiques."

Vous prenez ou ne prenez pas ce qui est écrit dans ce texte. A vous de voir et, pourquoi pas, donner votre avis.

Pour tout dire, j'ai continué à m'abîmer en prières pour être quitte de tout cela, ne pouvant assumer mon emploi, le bon déroulement de ma vie de famille etc. ...Je ne voulais pas que mes enfants ni ceux dont je m'occupais subissent les retombées de ce qui m'arrivait de "bizarre".

Apparemment, mes prières ont été exaucées. J'en ai encore vécue l'une ou l'autre.  Par exemple, en 1979 chez mon médecin traitant : angoisse incoercible, rayon vert, pas de poème.Il est décédé des suites d'un cancer en 1981. Un autre en 1984, mais sans angoisse, sans peur, rien et me concernant.

L'année suivante je prenais une pension anticipée pour raisons de santé et décidais de me consacrer, en tant que bénévole, aux malades et aux mourants. Formations diverses, pour commencer par la distribution de livres en clinique  au sein de la Croix Rouge. Je voulais plus : l'accompagnement des mourants .... en souvenir de mon père.Découverte des pionniers dans l'accompagnement des mourants, soins palliatifs à domicile, après un sérieux interrogatoire pour sonder les motivations, formations diverses, rencontres extra-ordinaires ....

Bref, je retrouvais mes premières motivations : devenir infirmière. Mais là, c'est une autre histoire qui remonte aux années de captivité de mon père en tant que prisonnier de guerre en Allemagne. Et  à sa longue agonie des suites d'un diabète diagnostiqué trop tard. Il nous a quittés dans des conditions atroces : amputé, aveugle et paraplégique. Une longue agonie qui a duré trois années.

C'est pourquoi il faut prendre cette maladie très au sérieux. Et suivre scrupuleusement le régime s'il vous est prescrit.

Bon courage ... Il en faut.

Je vous quitte à regret en espérant vous avoir intéressés et serai très heureuse de recevoir vos réactions. Merci et très bonne soirée.

Rolande Quivron

Ces écrits sont déposés et protégés.

 

Lire la suite...

NORMAL-PARA-NORMAL (6)

Je suis dans la brume d’un rêve…… je crois ! Mon corps est dans mon lit, je le sens et l’instant suivant, juste une fraction de seconde, je me retrouve dans mon bureau de façon éthérée, si je puis dire et je me tiens près de la porte d’entrée, regardant à l’intérieur.

Pas de cordon gazeux qui s’est déroulé, comme dans un phénomène de voyage astral, ou alors ce fut tellement rapide que je ne me suis aperçue de rien : j’étais ici, en train de dormir, maintenant je suis là dans la pénombre en train de regarder le chef de sécurité fouiller mon bureau.  Il y va à son aise : déplace ceci, replace cela sans avoir l’air de chercher quelque chose ; en fait, on dirait qu’il passe sa curiosité.

Personnage excentrique, ce ne serait pas étrange de sa part de se trouver sur les lieux : il l’a déjà fait pour l’ensemble du bâtiment, déguisé en para-commando.  Il voulait surprendre des visiteurs nocturnes aperçus un soir grâce à leur lampe de poche, qui se déplaçait dans le noir.  Vous vous imaginez, votre journée de travail terminée, vous voyez surgir un  militaire grimé qui voulait s’assurer de l’effet qu’il provoquerait la nuit !  Heureusement, la plupart des membres du personnel était parti. Pour moi ce fut raté : seul lui pouvait avoir recours à ce genre de carnaval…. chez les handicapés.

Je suis donc dans mon bureau en train de surveiller ce qu’il fait.  Il ne me vient pas à l’idée de l’effrayer et cependant, tout à coup, il paraît moins à l’aise, se met à regarder autour de lui comme si il sentait une présence et puis soudain, il sort, referme la porte à clé……. Et je me retrouve dans mon lit en train de poursuivre ma nuit si bien commencée.

Le lendemain matin, je raconte mon rêve à mon époux qui me répond : «  pas étonnant que tu sois fatiguée le matin, si tu te mets à voyager de la nuit ».

Préparatifs terminés pour la famille, je me rends au travail.  Arrivée sur place : surprise ! La sécurité ne se trouve plus dans le trou de la serrure, mais sur le sol, à l’intérieur, à une distance qui équivaudrait à une poussée brutale depuis l’extérieur, après l’avoir mise dans le bon axe.  Sur mon bureau, des papiers déplacés.

Fiction ou réalité ? A vous de décider.  Ce jour-là, mon visiteur nocturne paraissait préoccupé lorsqu’il me serra la main pour le bonjour matinal et que je lui racontai mon rêve étrange, sans le nommer.  En me regardant, on aurait dit qu’il voyait un fantôme.

Claudine QUERTINMONT D’ANDERLUES.

Lire la suite...
administrateur théâtres

12272977657?profile=original12272977869?profile=original

Voici un Sacha Guitry tout ébaudi par son rêve d’amour. En plein milieu de la terrible guerre, il nous livre quelques bouffées d’insouciance dites par un chaleureux Don Juan amoureux de son rêve et fort attendrissant. On est prêt à le croire! « Faisons un rêve » fut crée au théâtre des Bouffes-Parisiens en 1916. Sacha dans le rôle de l’amant, bien sûr, Charlotte Lysès, sa première femme dans le rôle de la femme et Raimu dans celui du mari. Sa pièce la plus jouée sera reprise plus tard par un trio d’envergure: Robert Lamoureux, Danielle Darieux et Louis de Funès en 1957. Elle n'a cessé de passionner le public depuis, c'est une pièce qui ne vieillit pas.

12272977895?profile=originalComédie Claude Volter, décembre 2013. La scénographie de Noémie Breeus fait revivre un splendide décor des années 20 avec Sydney Bechet en trame musicale. La beauté et le luxe font plaisir à l’œil. Un divan art-déco porteur de livres se transforme au deuxième acte en couche extra-maritale, bouquet de lys virginaux à l'appui. Des objets précieux, un  meuble Boule, une vitrine d'objets en argent et des jeux de lumière tamisés qui rendent les femmes si belles. Le tout rappelle le raffinement exquis d'un appartement bourgeois à deux pas du Boulevard Haussmann! Un écrin pour que se développent la séduction de l'amant et l'éblouissement progressif de la femme... Deux rôles qui vont comme un gant au comédien Michel de Warzee et à la fine et spirituelle Stéphanie Moriau. L'intrigue est simple: la femme mariée se réveille affolée chez son amant et le mari arrive lui aussi ayant découché  et sollicite un alibi...auprès de l'amant! Les répliques sont délicieuses. Le long monologue du Don Juan du deuxième acte est une véritable page d'anthologie à propos de l'attente et de l'impatience. C'est plein d'humanité tout en faisant  fuser les rires. Les interventions du majordome (Sergio Zanforlin), les aléas des pneumatiques, ceux du téléphone relié à une standardiste, le taxi dans lequel roule un russe émigré, tout contribue à peindre une époque victime de ses inventions et toujours à la recherche d'elle-même, tout comme la nôtre.

12272979260?profile=originalLe spectacle vous embarque dans du léger, dans le charme désuet de la bourgeoisie... revisité avec grand bonheur théâtral. Le mari, un méridional naïf et  mauvais menteur incarné par Bruno Georis est très bien campé. Les timbres de voix sont  bien posés, le ton est naturel,  les postures et la gestuelle sont étudiée dans les moindres détails ( tout comme le décor) les regards se noient dans le pétillement de l'amour et celui des mots. Le plaisir du spectateur se mesure à l'aulne du rêve... Le jeu trempe ses racines dans la rêverie duelle: une fantaisie où langue et théâtre se donnent la main pour mieux dire les variations de l'amour et comment le dire.

12272979092?profile=originalSi tu veux, faisons un rêve :

Montons sur deux palefrois ;

Tu m'emmènes, je t'enlève.

L'oiseau chante dans les bois.

Je suis ton maître et ta proie ;

Partons, c'est la fin du jour ;

Mon cheval sera la joie,

Ton cheval sera l'amour.

Nous ferons toucher leurs têtes ;

Les voyages sont aisés ;

Nous donnerons à ces bêtes

Une avoine de baisers.

Viens ! nos doux chevaux mensonges

Frappent du pied tous les deux,

Le mien au fond de mes songes,

Et le tien au fond des cieux.

Un bagage est nécessaire ;

Nous emporterons nos vœux,

Nos bonheurs, notre misère,

Et la fleur de tes cheveux.

Viens, le soir brunit les chênes ;

Le moineau rit ; ce moqueur

Entend le doux bruit des chaînes

Que tu m'as mises au cœur.

Ce ne sera point ma faute

Si les forêts et les monts,

En nous voyant côte à côte,

Ne murmurent pas : « Aimons ! »

Viens, sois tendre, je suis ivre.

Ô les verts taillis mouillés !

Ton souffle te fera suivre

Des papillons réveillés.

L'envieux oiseau nocturne,

Triste, ouvrira son œil rond ;

Les nymphes, penchant leur urne,

Dans les grottes souriront ;

Et diront : « Sommes-nous folles ! »

C'est Léandre avec Héro ;

En écoutant leurs paroles

Nous laissons tomber notre eau.

Allons-nous-en par l'Autriche !

Nous aurons l'aube à nos fronts ;

Je serai grand, et toi riche,

Puisque nous nous aimerons.

Allons-nous-en par la terre,

Sur nos deux chevaux charmants,

Dans l'azur, dans le mystère,

Dans les éblouissements !

Nous entrerons à l'auberge,

Et nous parlerons à l'hôtelier

De ton sourire de vierge,

De mon bonjour d'écolier.

Tu seras dame, et moi comte ;

Viens, mon cœur s'épanouit ;

Viens, nous conterons ce conte

Aux étoiles de la nuit. (Victor Hugo)

Du Mercredi 4 décembre au Mardi 31 décembre 2013

http://www.comedievolter.be/index.php?page=faisons-un-reve

Lire la suite...
RSS
M'envoyer un mail lorsqu'il y a de nouveaux éléments –

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles