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Bonne correction !!

Liliane

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Thérèse, conjointe de bas-rang

 

 

Soliloque

 

 


Les êtres mariés se sentant solitaires

Ne sont certes ni rares ni même peu nombreux.

Ils demeurent discrets, étant respectueux,

Ne laissent pas penser qu'ils sont célibataires.

Rousseau se décrivit seul et abandonné.
Alors qu'il recevait les soins et la tendresse
D'une femme effacée qui le suivit sans cesse,
Sans jamais s'octroyer le droit de condamner.

Malgré son grand succès remporté vitement
Il vivait torturé, se sentait misérable.
Il n'eut aucun support d'un ami secourable.
Thérèse auprès de lui créait l'apaisement.

Épousée par raison et non élan du coeur
Elle était devenue plus qu'une gouvernante.
Elle vécut dans l'ombre, éloignée des honneurs.
Sans doute sans savoir qu'elle était importante.


25 février 2014

 




 

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 I) Résumé de ma "causerie" du Vendredi 23 Mai 2014 :

 

Je vous transmets que j'aurai le plaisir de saluer la mémoire de la figure féminine prépondérante d'Anne de Bretagne, pour son action en faveur des arts, en ce millésime 2014 commémorant sa disparition, par une causerie- conférence d'un genre historico-littéraire « inédit », puisque la poésie y sera conviée, outre des chroniques de l’histoire source de l’odyssée botanique .

La manifestation se déroulera le 23 mai prochain, au cœur de son fief des domaines d'Amboise, du Clos-Lucé au château Gaillard, et comme, naturellement, certains d'entre-vous brûlent, n’en doutons pas, d'en connaitre le thème, le voici :

 « Évocation de la flore à l’aube de la Renaissance

 ou

Promenade dans un Jardin des Délices retrouvé

sous la guidance de la reine-mécène Anne de Bretagne »...

Pour la circonstance, je m’appuierai en l’occurrence, sur ce splendide manuscrit signé du peintre enlumineur Jean Bourdichon, qui nous offre un témoignage incomparable d'espèces végétales acclimatées en val de Loire, ce « Jardin de la France », ancré au cœur du pays  de rabelaisie, mais pas seulement, étant donné que les coutumes florales héritées du Moyen-âge y sont aussi célébrées, telle la fameuse fête de Mai.

L'une des miniatures,folio7r du manuscrit représentant le mois d'Avril, dépeint entre-autres, la reine Anne de Bretagne au cœur de l’un de ses enclos castraux, s'adonnant à l'art de tresser un « chapel de flors » (chapeau entremêlé de fleurs) passe temps significatif de l’art courtois, fort prisé sous la période médiévale des « gentes dames et gentils seigneurs », parure portée en couvre chef, confectionnée ici des mains de la reine, de roses vermeilles et blanches...

Quel est mon dessein ? Tout simplement de jouer un rôle de passeuse, suscitant l’intérêt en faveur d'une assemblée curieuse, amoureuse du beau et de messages à « décrypter ».Bref, il me tient à cœur, de parler d'un monde disparu riches de traditions florales et poétiques, en ayant le moins de frontières, de cloisonnements possibles, et tout en conservant à l'esprit de « vulgariser »mon propos, au sens noble du terme, afin de le rendre accessible sans pour autant le dénaturer !

À l’intention de ceux qui auraient donc, le loisir de rejoindre ce Colloque portant sur l'Art des Jardins, faisant intervenir une pléiade de personnalités qui ont toutes comme dénominateur commun d’œuvrer pour le patrimoine ligérien, veuillez trouver ci-joint le pré-programme de ce dernier, dans l’attente de vous communiquer le programme complet.

Je me ferai un grand plaisir de vous y retrouver, réservant le meilleur accueil à vos interrogations d’auditeurs qu’elles soient érudites ou néophytes…

Mais, j’entends déjà les préparatifs des réjouissances sonner le carillon, soit, qu'il me faut me recueillir dans ma tour d'ivoire, afin de commencer à composer ce texte, et vous dis ainsi peut-être à bientôt.

 

Valériane d’Alizée

 

II) Premier jet du Programme de la journée

COLLOQUE : «  HONNEUR À L’ART DES JARDINS »

VENDREDI 23 MAI 2014

organisé

 

par l’association la Ligérienne du patrimoine

(Président Carol Geoffroy guide conférencier)

 

sous le haut patronage des propriétaires du Clos Lucé (François Saint Bris)

et de château Gaillard (Marc Lelandais)

 

THÈME DU COLLOQUE 

ARCHITECTURE VERDOYANTE

ET CULTURE DES LIEUX DE PLAISANCE EN VAL DE LOIRE :

SOUVENIRS ANTIQUES ET RENAISSANCE

 

CHATEAU DU CLOS LUCE DE 10H15 A 12H00

 

10h15 : Introduction par François Saint Bris, propriétaire du château du Clos Lucé.

10h20 : Le substrat antique : aspects artistiques et religieux, par Jean Nicolas Corvisier,

professeur d’histoire à l’université d’Arras.

10h50 : « Une renaissance des jardins et une restitution réussie au château de Chamerolles »,

par Florence Vassal, responsable de ce Château

11h20 : Léonard et la nature : création des jardins de Léonard au Château du Clos Lucé,

par François Saint Bris.

 

CHATEAU GAILLARD DE 14H15 A 17H30

 

14h15 : Introduction par Marc Lelandais, propriétaire de château Gaillard 

14h20 : Évocation de la flore à l’aube de la Renaissance ou Promenade dans un jardin des délices retrouvé

sous la guidance de la reine-mécène Anne de Bretagne,

par Valériane d’Alizée, créatrice-passeuse de verbes et d’Arts.

14h50 : Apport de l’exotisme méditerranéen dans l’espace ligérien par Pacello da Mercogliano :

Château Gaillard : un laboratoire à ciel ouvert, par Marc Lelandais

15h20: :Questions suivies d’une pause  

15h 45: La touche personnelle de Pacello de Mercogliano dans les jardins du roi et de la reine

au château de Blois, par Pierre Gilles Girault, conservateur adjoint du château de Blois 

16h15 : Villandry, histoire d’une double renaissance, par Henri Carvallo, propriétaire de ce château.

 

17h15 : DÉBAT AVEC LE PUBLIC

 

 

INFORMATIONS PRATIQUES :

CES DEUX CHÂTEAUX SONT SÉPARÉS DE SEULEMENT 300 MÈTRES

TRÈS IMPORTANT : PRIÈRE D’EFFECTUER LES  RÉSERVATIONS

UNIQUEMENT PAR TÉLÉPHONE : AU 06. 33. 51. 58. 18

ou me contacter personnellement en message privé via ce réseau.

 

APRÈS CONFIRMATION DE VOTRE VENUE, RENDEZ-VOUS POUR

REJOINDRE LA RENCONTRE DE L’APRÈS-MIDI SE DÉROULANT A CHÂTEAU

GAILLARD, DEVANT LE PORTAIL DU DOMAINE DU CLOS-LUCÉ À 13H45 PRÉCISE.

Lien vers un condensé historique de Château Gaillard, résidence royale :

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Ch%C3%A2teau-Gaillard_%28Amboise%29

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Au cœur de hautes murailles castrales abritant un jardin secret protégé, une suivante de la reine,

cueille au dessus de la palissade de treillages en bois rehaussés d’or, roses « candides et vermeilles »

destinées à être confectionnées en couronne, tandis qu’en compagnie de sa dame de parage,

Anne de Bretagne, s’adonne à l’art raffiné de tresser un « chapel de flors » reposant sur un tapis verdoyant

semé de mille et une flourettes  auprès d’une banquette d’herbe tendre…

 

Le Mois d'Avril, folio 7r, issu des« Grandes Heures d'Anne de Bretagne »

de Jean Bourdichon (1457 ou 1459-1529)

manuscrit enluminé réalisé entre 1503et 1508 sur commande de la reine

par le« peinctre et valet de chambre ordinaire du roy » officiant sous les règnes successifs de Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier.

 

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La deuxième mort de Jésus.

 

L’idée m’était venue d’écrire un texte sur Judas. Sa personnalité m’avait toujours fasciné, il avait été le plus déterminant des apôtres. Sans lui rien de ce que nous vénérons, rien de notre culture et de notre civilisation, rien de ce qui est notre histoire, rien n’aurait été. C’eût été mieux ? Qui le sait ?
Ce serait une pièce de théâtre. La vie sur un plateau de théâtre vous renvoie à la vôtre et fait de toute une salle un seul spectateur. Un seul acteur.
Il y aura Marie-Madeleine bien sûr. En revanche Myriam, celle dont on ne parle jamais, l’amie de Judas, s’éprendra peu à peu de Jésus l’homme de pouvoir, l’homme en vue. Celui dont chacun des propos, même le plus trivial, suscite le débat et la controverse. N’est-ce pas une raison suffisante pour que le Magistère souhaite sa mort ?

Judas a été l’instrument du Pouvoir. Il accomplira son destin. Jésus accomplira le sien. Et le peuple de Judas, c’était aussi celui de Jésus, accomplira celui qui lui était dévolu de toujours.
En réalité, le thème de la pièce ne sera pas celui-là.

Judas tuera Jésus par jalousie. Comme un homme trompé le ferait dans une banale histoire de coucherie. Mais comme tous les faibles qui n’osent pas regarder leur vérité en face, il se voudra un juste et donnera à son acte un motif politique.
Les trente deniers ont été à la fois le déclencheur de la nouvelle histoire du peuple juif et le moteur de la déification de Jésus. Ce rôle terrible et grandiose, c’est à lui, Judas, qu’il sera donné de l’écrire. Pour ce qui n’était qu’une histoire de fesses.
Dans la pièce, Jésus ressemblera à un bel éphèbe tout juste bon à se regarder dans un miroir. Narcissique, c’est ça ! Peut-être souhaite-t-il vraiment sa propre mort ? Aux yeux de l’Univers elle projetterait de lui cette haute image qu’il a de sa personne.
Dans une histoire vieille de plusieurs milliards d’années, depuis qu’un poisson minuscule a été rejeté sur une grève, des années bien plus extraordinaires que ce court épisode de l’histoire des hommes, il a suffi d’un banal fait divers, la mort d’un juif, pour que l’Histoire avec un grand H cette fois, prenne un nouveau cours.
- Tu comprends, Jean ?
Je m’exaltais de plus en plus.
- Et quel rôle pour Judas ! Tu comprends Jean ?
Jean était un homme qui comprenait tout mais n’était jamais sûr de rien. Les objections lui tenaient lieu d’arguments. Il me regardait effrayé. Il dit :
- Le rôle de Judas apparaitra plus grand que celui de Jésus. C’est impossible. N’oublie pas l’opinion de millions et de millions d’êtres humains. Ceux qui sont morts pour lui et tous ceux qui se sont efforcés de vivre à son image. Le public n’acceptera pas le sens que tu veux donner à ta pièce.
- C’est moi qui tiendrai le rôle de Judas.
Je travaillais avec Jean depuis trois ans environ. Ensemble, nous avions monté deux spectacles qui ont eu du succès auprès d’un public plus exigeant que celui qu’on rencontre en général. Je ne peux pas écrire des choses simples.
Avant l’intrigue proprement dite, j’imagine les personnages, et parmi eux celui dont la vie modifiera celle des autres. Parfois, en cours d’écriture, je m’aperçois que ce n’est pas le personnage prévu qui est le personnage clef de la pièce mais un autre que la pièce révèle. La pièce prend alors un sens différent.
Parfois, je me demande qui est l’auteur d’une pièce. Le personnage ou moi ? Il me semble que je découvre l’intrigue en même temps que lui. Comment exprimer mon ivresse quand il se met à parler en moi pour la première fois.
Judas, je voulais que ce soit moi qui le joue, je savais que je lui donnerais une image qui frapperait les esprits. Pour Jésus j’en destinais le rôle à Julien, mon ami et mon double, un double opposé.

 Il a les traits d’une fille de photo de mode, le corps triangulaire, mince de hanche et large d’épaules, la chevelure blonde à peine ondulée, bref il est beau de cette beauté fragile que l’âge, très vite, recouvrira de graisse.

 Moi, j’ai le visage aigu, et je suis plutôt maigre que mince. Ce sont mes yeux, m’a-t-on dit, qui font mon charme. Ils donnent à mon visage cette ombre de mystère qui intrigue et qui parfois effraye mais ne laisse pas indifférent. Hélène, ma compagne, prétend que je joue un rôle, c’est normal pour un homme de théâtre, celui du beau ténébreux.

 Après avoir fait l’amour, les yeux fermés, du doigt elle caresse comme si elle les dessinait, les traits anguleux de mon visage et la courbe de mes lèvres. J’aime la sensation que ces caresses me procurent.
Hélène tiendrait le rôle de Myriam, la compagne de Judas. Celui de Marie-Madeleine, la prostituée amoureuse de celui à qui elle lave les pieds, et qu’elle réconforte quand il est fatigué ou qu’il doute de lui-même, je le destinais à Simone, la femme de Jean. Jean assurerait la mise en scène.
Les évènements seraient ceux qui ont précédé de peu la crucifixion de Jésus mais le premier acte serait celui du jour de la crucifixion. Et la première scène du premier acte se passerait le soir, juste avant la nuit, quand il ne reste au pied de la croix que Marie-Madeleine, le visage enfoui dans un foulard et, autour, quelques gardes dont la torche est en train de s’éteindre.
Il fait noir quelques instants puis à gauche de la scène, sous l’éclat de la lune, avant que le jour ne se lève, on voit Jésus serrer Myriam dans ses bras. A droite, on reconnait la silhouette de Judas.
Maintenant, le plateau est entièrement éclairé, c’est une journée chaude de Palestine. Jésus et ses disciples occupent une grande partie de la scène tandis que des paysans et des commerçants les regardent.

Jésus parle à ses disciples, il a le geste ample du discoureur professionnel qui prend tout le monde à témoin. Judas, au fond de la scène est auprès d’un rabbi qui lui tient le bras. La mécanique prévue est en marche.
Le petit théâtre de soixante places ou nous jouions était plein tous les soirs depuis quinze jours. Jean était ravi. Au début il avait manifesté quelques craintes quant au scénario. Jean est un consensuel. Il a peur de blesser les convictions, elles sont toutes honorables, prétend-il, mais le succès de la pièce aidant, il estimait qu’il fallait bousculer les idées reçues.
Julien lui aussi paraissait transformé. Au fur et à mesure que le spectacle suscitait l’intérêt du public, il prenait de l’assurance et j’avais le sentiment qu’il ne récitait pas un rôle. Les répliques que je lui avais écrites lui venaient naturellement. C’était un Christ plus vrai que nature. Hélène de son côté ne le regardait plus comme avant.
Tandis que le succès de la pièce se prolongeait, je n’aimais pas l’intérêt que désormais Hélène semblait porter à Julien. C’est ridicule à dire, je regrettais le rôle que je lui avais dessiné. C’est avec une vigueur plus grande que je jouais le mien, celui du Judas qui vend son frère pour répondre aux vœux du destin mais dont la mort le débarrasserait d’un rival.
Est-ce que dans la réalité, les choses s’étaient passées comme je le disais ? Deux histoires différentes greffées sur une histoire de coucherie. Deux histoires parallèles, l’une sordide et l’autre édifiante et terrible, qui marquent des peuples innocents durant des siècles ?
Je me suis demandé si je n’aurais pas dû modifier le scénario ? C’est sa disparition après la crucifixion qui propulse Jésus vers l’éternité. J’aurais pu insister sur sa disparition. Qu’est ce qui prouve son élévation ? Qu’est ce qui prouve qu’il a eu les jambes brisées même si les hanches sont affaissées ? Qu’est ce qui prouve que l’assertion de témoins selon lesquels il aurait été vu en Asie est fausse ?
Jean était littéralement tétanisé par mes propos.
- Tu es fou. Modifier la pièce en cours de représentations.
- Les spectateurs ne viennent pas voir la pièce deux fois. Ils ne s’en apercevront pas. Et puis, quel exploit littéraire et dramatique !
- Mais pourquoi ?
- Je crois, Jean, que je suis passé à côté du vrai thème de la confrontation entre Jésus et Judas. C’est Judas qui devrait être l’homme vénéré et, pour ceux qui croient en lui, le Fils de Dieu.
Jean était étourdi.
- Tu es fatigué. Je l’ai toujours dit : écrire un grand rôle, et le tenir soi-même, soir après soir, ce n’est pas tenable.
Après une représentation, ce devait être au bout de deux mois, je m’apprêtais à ramener Hélène chez elle.
- Je suis fatiguée.
- Tu ne veux pas que je te ramène ?
- C’est pour toi que je dis ça. J’ai une migraine atroce.
Ce soir là, je suis rentré chez moi, Hélène n’a rien fait pour me retenir, et j’ai su que je haïssais Julien.
La pièce se terminait dans le même décor que celui de la première scène mais c’est Myriam, cette fois, qui se trouvait au pied de la croix dans la pénombre, les yeux levés vers Jésus qui gémissait. Les deux larrons ne s’y trouvaient plus ni les gardes. A droite du plateau, sous un halo de lumière, Judas contemplait Myriam. Il avait dans la main une bourse ouverte d’où tombaient des deniers. Je savais que cette scène prêterait à équivoque.
Non ! Il ne l’avait pas dénoncé et condamné à mort pour de l’argent mais parce que Myriam commençait à l’aimer et partageait avec lui les secrets et les fantasmes de nos exaltations sexuelles. Les obscénités qui nous brûlaient n’étaient plus que les gestes ordinaires des accouplements ordinaires.
Marie-Madeleine aimait Jésus, soit, mais Simone, l’épouse de Jean, ne devrait-elle pas aimer Julien? L’homme aux idées toutes faites. Blanches ou noires. Celui qui pérorait en disant que l’amour d’un couple tient à sa volonté d’être un couple qui s’est promis fidélité. Qu’il mérite le déshonneur, la mort peut-être, celui qui a manqué à son serment.
Un soir, après la représentation, j’ai dit à Simone.
- Il me semble que tu ne mets pas beaucoup de conviction dans ton rôle. Ca ne crève pas les yeux que tu aimes Jésus qui est en train de crever, lui.
Je m’étais tourné vers Jean.
- J’ai peut-être peur de me mettre en avant au détriment d’Hélène.
- C’est de Myriam qu’il s’agit, pas d’Hélène. C’est toi, Marie-Madeleine, qui aime Jésus. Plus que ne l’aime sa mère. Il t’importe peu que Jésus s’amourache de Myriam, c’est l’amour que tu lui portes qui compte. Plus que tout. Aime le fort !
J’ai ajouté avec ce rire gras que je déteste :
- Il n’est pas beau, Julien ? Combien de spectatrices aimeraient l’avoir dans leur lit.
Jean m’approuvait de la tête.
A la manière dont Simone jouait son rôle depuis lors, je devinais que le regard qu’elle portait sur Julien n’était plus seulement celui d’une partenaire.
C’était la première fois qu’un de nos spectacles durait aussi longtemps. Le bouche à oreille fonctionnait remarquablement et, plus extraordinaire encore, la Télévision avait envoyé un cameraman pour nous filmer. En réalité c’est Julien qu’il voulait avoir et Julien ne se sentait plus. Il était désormais le plus grand.
Peu de temps auparavant j’avais vu Hélène et Julien sortir d’une maison de rendez-vous. A proximité du théâtre, située dans une rue étroite, la façade anonyme, elle n’était connue que des fonctionnaires ou des employés du quartier qui s’y rendaient avec une collègue durant l’heure du déjeuner. J’y avais parfois emmené des conquêtes pour une coucherie rapide.
D’Hélène, je jouissais de ce qu’elle me donnait mais ce n’étaient que des gestes convenus qui nous soulageaient. Je devinais que ce n’est pas à moi qu’elle s’offrait mais à Julien.
Au théâtre, entre Simone et elle, la tension augmentait imperceptiblement tous les jours. Une rivalité s’installait. Les mots leur venaient du ventre. Julien comme un mannequin qui déclame allait de l’une à l’autre, leur donnait la réplique et souriait avec la fatuité d’un séducteur sûr de lui.
Je m’étonnais que Jean ne s’aperçoive de rien. Que fallait-il faire pour qu’il ouvre les yeux ? A moi, il me semblait que le théâtre tout entier était l’écho des amours de ce trio obscène. Que tout le monde riait, que c’était un vaudeville, et que seul le texte que je leur avais écrit leur donnait cette dimension singulière, celle d’hommes et de femmes ordinaires soudain désignés par le destin.
Lorsqu’après les répétitions de l’après-midi, Simone et Julien partaient ensemble, je les suivais discrètement. Si j’avais pu, je les aurais guidés moi-même vers la maison de rendez-vous mais cela n’avait pas été nécessaire. Ils semblaient la connaître aussi bien que moi.
Un jour qu’après la répétition Julien et Simone quittaient le théâtre, j’ai vu Jean qu’un billet anonyme avait averti qui les suivait et pénétrait derrière eux dans la maison de rendez-vous. Il y eut des coups de feu, et j’ai appris que Jean avait tiré à plusieurs reprises en criant : Judas, tu n’es qu’un Judas tandis que Julien tombait sur le dos, les mains ouvertes, et les bras en croix.

 

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Propos sur Les rêveries du promeneur solitaire

Je viens de relire chacune des rêveries du solitaire se promenant avec délice dans la nature de son pays natatal.

Je sais gré à Jean-Jacques de n'avoir pas écrit ses méditations que dans son seul intérêt. Je les ai lues avec un savoureux plaisir.

Chacune des dix promenades est écrite dans un style personnel époustouflant et une sincérité palpable. Il y conte des faits amusants et y expose les idées qui lui viennent à l'esprit. Il y erre,

en rêveur, revient sur ses pas, redit les mêmes pensées avec une richesse de vocabulaire étonnante.

Les rêveries sont un journal des activités quotidiennes, des pensées et des sentiments de Rousseau arrivé à l'âge de quatrante ans. Il s'y révèle tel qu'il est, désirant continuer à se connaître, sans se mentir le moindrement.

S'il conserve des regrets, il est fier d'être devenu sage, capable de vivre heureux. Il se juge bon

et ne peut comprendre la raison du mépris implacable dont il se sent victime mais qui ne le tourmente plus.

Rousseau nous apparaît étant un mysanthrope bon vivant, s'émerveillant face à la beauté des choses naturelles. Il a certes trouvé les causes de la paix de son âme et les énonce clairement.

Il est regrettable que la sagesse acquise par autrui ne soit pas transmissible comme peut l'être  le savoir.

 Les rêveries du promeneur solitaire, contenues dans un petit livre, sont un chef-d'oeuvre de la littérature française.

24 février 200014

 

 

 

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Cache cache avec vous,

Mon cœur est un velours pourpre et profond,

lorsque vos lèvres entrouvertes, étonnées,

des miennes plus pâles s'éprennent,

s'y posent tel un oiseau sans poids !

Mon cœur est un velours pourpre et profond,

lorsque vos gestes reconnaissent les miens,

presque jumeaux, s'y mêlent, nous illimitent,

dans un bleu infini, où dansent des flaques solaires !

Mon cœur est un velours pourpre et profond,

lorsque votre voix ahurie et chaude,

dans la mienne pénètre, s'indifférencie d'elle,

pour un chant enfanter,

 l'espace d'une rencontre !

Mon cœur est un velours pourpre et profond,

lorsque je vous imagine, ou lorsque je vous vois,

en secret, dissimulée par ma feinte indifférence !

Amoureuse.

 

.

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Un cadeau d'anniversaire original.

Louis avait été le premier homme qui lui ait fait l’amour. Elle avait vingt ans, et lui en avait vingt-quatre. Louis, durant la nuit, avait pénétré dans sa chambre, s’était glissé dans son lit et l’avait réveillée en lui faisant l’amour. Il avait dit qu’il l’aimait, qu’il en avait trop envie, et après qu’elle se soit abandonnée, le corps lourd et les nerfs à vif, il avait dit que si elle était fâchée, dès le matin il s’en irait. Ils firent l’amour plusieurs fois cette nuit là. En amour comme à la guerre tout est affaire d’action.  Six mois plus tard, ils se mariaient. Il y a un temps propice à l’amour et un autre au mariage.

Le père de Louis était mort à peu près au moment où Louis avait rencontré Julie. Il possédait dans une des rues les plus animées de la ville un magasin de meubles dont sa mère et lui durent dès lors s’occuper.

Louis et Julie se firent aménager un appartement confortable au dessus du magasin. Julie se chargeait de la vente aidée d’une jeune vendeuse, Louis procédait aux achats. Commerçants établis et prospères, Louis et sa femme n’avaient aucun souci d’argent.

C’était une situation agréable sinon que parfois elle engendrait des périodes d’ennui difficiles à combler.

Il y avait un couple d’amis, les Meunier, qu’ils fréquentaient plus volontiers que d’autres. Georges Meunier était architecte et passait pour un artiste. Il concevait le plan d’ouvrages que lui commandait la municipalité mais s’intéressait peu aux détails d’exécution. C’est ce qui lui donnait cette réputation d’artiste de qui on excuse bien des choses. De plus, elle lui permettait d’exprimer au sujet des femmes des compliments parfois crus qui passaient pour la liberté de ton d’un homme plus préoccupé d’art que de convenances.

Quant à Delphine, son épouse, professeur au Lycée des filles, elle animait un club de lecture. Elle avait toujours sous le bras un magazine littéraire plié en deux mais au titre apparent. Au café, elle commandait un kir, elle n’aimait pas la bière, et le whisky était la boisson des bourgeois. En province, ces choses-là comptent. 

Les Meuniers étaient des intellectuels mais il arrivait qu’ils s’ennuient eux aussi.

- J’ai tourné un film en vacances. Il faut qu’on vous montre ça.

C’était en août que Georges l’avait proposé. Ils étaient allés en Corse, Delphine et lui, et y avaient passé deux semaines.

Le lendemain soir après le diner, ils s’installèrent tous les quatre au salon devant un magnifique poste de télévision aux images aussi claires que celles projetées sur les écrans de cinéma. Sur une table basse devant les fauteuils pour deux placés en L, Georges avait préparé des verres et différentes boissons afin que chacun puisse se servir comme il l’entendait. Et des biscuits pimentés, de ceux qui donnent soif, qui se grignotent malgré soi et qui, en craquant, ajoutent à la convivialité bon enfant qui règne entre amis véritables.

Il glissa une cassette dans le lecteur.

Il y eut d’abord Delphine qui faisait des grimaces à la caméra. Elle était en maillot deux pièces et se couvrait la poitrine de ses bras croisés. Elle se tortillait comme dans les films muets. Puis plus loin, on voyait que c’était la fin de l’après-midi, Delphine se dorait au soleil, la poitrine dénudée, en fixant la mer. Puis c’est la caméra qu’elle regardait, debout, les mains sur les hanches.

-Tu veux montrer que tu es bien faite ? D’accord, c’est vrai.

Louis entoura les épaules de Julie.

- Julie aussi est bien faite, dit Georges. Tu n’as pas de raison de te plaindre.

Soudain il y eut sur l’écran des striures comme on en voit quand  la pellicule se déchire, on entendit des « ah », et enfin des images claires à nouveau. Mais c’étaient celles d’un homme qui pénétrait une femme et dont le sexe tendu était si gros, et on le voyait à chaque fois qu’il relevait le derrière, que le visage de la femme exprimait à la fois de la douleur et de l’extase.

- Nom de dieu, il a du se tromper, cet imbécile.

Mais le film continuait de tourner.

Parce qu’ils avaient bu quelques verres, c’est Delphine qui proposa :

- Et si vous passiez la nuit ici ? Le lit est assez grand.

La vie de Louis et de Julie venait de se transformer.

- C’est plus convenable que les maisons échangistes. Tu ne sais jamais qui met ta femme dans son lit.

Pour l’anniversaire de Julie, Louis s’ingénia à trouver un cadeau original. Il eut une illumination. A proximité de la gare, il y avait un hôtel dont certains disaient que c’était un bordel. Les pensionnaires en étaient originaires des pays de l’Est de sorte que leurs propos maladroits suscitaient le rire de leurs pratiques.

Après la fermeture du magasin, Louis et Julie garèrent la voiture dans le parking de la gare. Le Berkeley était une maison d’aspect convenable. Autant que celui  d’autres maisons bourgeoises du quartier.

Derrière la porte d’entrée un corridor étroit conduisait à l’escalier des étages. A début du corridor il y avait une fenêtre ouverte.

C’est Louis qui s’avança. Julie avait baissé la tête et relevé le col de son manteau.

- On m’a recommandé votre maison. C’est pour Marushka.

- Bien sûr, Monsieur.

La tenancière lui tendit une clé.

- C’est au premier étage, la chambre n° 4. Je préviens Marushka.

Dès les premiers pas les sensations se modifient, pensa Louis. Julie avait le cœur qui battait fort. Elle avait envie de partir. Ils montèrent l’escalier en se tenant par la main.

Louis frappa à la porte et l’ouvrit sans attendre. Il avait le sentiment que c’était à lui de diriger les opérations. Maruhska était assise sur le lit, le peignoir entr’ouvert, les jambes relevées. C’était une jolie femme un peu dodue. Elle souriait.

- C'est pour mon anniversaire ?

Julie semblait tétanisée. C’est elle qui lui découvrit les épaules. Elle s’assit sur la chaise qui se trouvait auprès du lit et porta la main à sa poitrine. C’est elle qui poussa Louis vers le lit.

 

 

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Les Fleurs du Mal

 

 

Propos

 

L'harmonie, le charme ou l'élégance d'un poème nous font penser à une fleur.

Baudelaire, en offrant à Théophile Gautier son unique recueil de poèmes en vers, les lui a décrits comme des fleurs maladives. Or ce recueil porte pour titre «Les Fleurs du Mal», ce qui veut dire tout autre chose, on ne sait quoi exactement.

Les fleurs d'un arbre fruitier nous égayent et les Fleurs du Mal nous enivrent.

En France, des lycéens ont eu à disserter sur le sens de cette expression qui associe la douceur d'une fleur à la férocité du mal.

En fait il ne s'agit pas de fleurs naturelles mais de rêves. Chaque fleur, grande ou petite, a des attraits particuliers qui font éprouver des émois. Elle s'épanouit, et paraît vite maladive. Un poème n'est périssable que s'il n'a pas de mérite. Ceux qui sont dans Les Fleurs du Mal révèlent un immense talent.

L'art poétique de Baudelaire mène le lecteur envoûté dans l'espace des correspondances, dans des lieux où il découvre ce que sont l'angoisse et la peur, mais aussi dans un ailleurs empli de charmes.

La beauté de son langage fait que la mémoire en engrange les mots. On oublie le Démon qui sans cesse tourmente et avilit. La cruauté est transcendée.

Dans le premier poème de son livre Baudelaire, s'adressant au lecteur, ignora le mot fleur.

Sa dédicace lui parut, sans doute, suffisamment explicite quant au sens poétique qu'il

avait attribué à ce vocable.

Le but de mon propos se limitant à expliquer ce que le titre choisi voudrait dire,  je m'en tiens à ce que je viens d'exposer.

23 février 2004

 

 

 

 

 

 

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Un pamphlet: "La défaite de la pensée"

12272993870?profile=originalNos valeurs sont en crise. Alain Finkielkraut s'interroge, dans ce pamphlet retentissant (Gallimard - 1987), sur les raisons d'un tel déclin. On a, selon lui, détrôné la culture au profit des cultures. L' humanisme universel, que nous tenons de la Renaissance et des Lumières, succombe sous la pression montante des revendications identitaires ou particularistes. L'auteur retrouve ici certains accents du "dreyfusard" Julien Benda, rationaliste et démocrate: "Les intellectuels ne se sentent plus concernés par la survie de la culture. Nouvelle trahison des clercs?"

Cruellement confirmée par la montée des nationalismes ou intégrismes de tous poils, et par l'explosion d'une guerre au coeur même de l'Europe (Sarajevo, encore), "La défaite de la pensée pourrait bien devenir le cri de ralliement désespéré de toute une génération.

 

L'homme est mort, vivent les Nations.

Selon Finkielkraut, le concept en vogue d'humanité plurielle, "pluriculturelle", n'est pas une idée vraiment neuve en Europe. Il dériverait, à l'origine, des idéologies réfractaires aux principes démocratiques et universalistes de 1789. De fait, la Contre-Révolution, reniant l'idée de contrat social, a fondé une nouvelle conception, à la fois historique et mystique, de la Nation française, entité culturelle spécifique, vivante et irrationnelle, irréductible aux individus, antérieure aux consensus. Parallèlement, le romantisme allemand, inspiré par les thèses du philosophe Herder (1744-1803), a exalté contre l'occupant français un sentiment national propre, et même glorifié le "génie germanique", tout entier résumé dans un néologisme au succès prometteur: le "Volksgeist", "l' âme du peuple", l' "Esprit national". Ainsi, plus de culture ni de valeurs communes, donc plus d'Humanité! Aux Lumières, on préféra la "raison nationale" (Joseph de Maistre); et à l'esprit de Goethe, le préjugé allemand.

Par la suite, cette mystique identitaire, qui exacerbait l'enracinement culturel des consciences, devait engendrer des courants politiques lourds de menaces pour la liberté et la paix en Europe: le pangermanisme d'abord; et par réaction après la défaite de 1870, le nationalisme français, xénophobe et "antidreyfusard". En vain Ernest Renan (1923-1892), finalement rallié à l'idée du contrat et fidèle aux Lumières, souligna-t-il la supériorité d'une "théorie élective" de la Nation sur la "conception ethnique". Dans ce culte des différences natives, dans cette religion du "Volksgeist", comment ne pas voir, avec lui, "l'explosif le plus dangereux des Temps modernes"?

 

"La deuxième mort de l'Homme".

Après les deux guerres mondiales, la création -pour prévenir tout retour de la barbarie -d'une Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) semblait devoir se placer sous le patronage des Lumières. Il n'en fut rien. L' humanisme occidental, taxé d' abstraction, accusé d' impérialisme, subit alors les premiers assauts de la "Philosophie de la décolonisation". Orchestrée par des sciences "humaines" en plein essor structuraliste, "la deuxième mort de l'Homme" répondit à la volonté expiatoire de sacrifier une certaine idée -"ethnocentriste" selon Lévi-Strauss -du progrès, de la civilisation et de la nature humaine à la reconnaissance des autres cultures. Ce serait, désormais, par la différence culturelle qu'il faudrait définir l' identité des hommes.

Mais, en soulignant ainsi la relativité des valeurs culturelles, les "antihumanistes" contemporains (Lévi-Strauss, Foucault, Bourdieu entre autres) renouaient à leur insu avec la théorie du "Volksgeist". Et dans la mentalité des peuples décolonisés, imbus de leur exception culturelle, devait bientôt germer un racisme identitaire, né du refus de toute assimilation. Dans ces conditions, fanatisme, obscurantisme et tyrannie ont pu prospérer partout dans le Tiers Monde- sous l'oeil bienveillant de l' UNESCO, incapable d'accorder son credo humanitaire avec son souci de respecter les différences.

 

La "nouvelle trahison des clercs".

Revenant à l'actualité politique française, Finkielkraut renvoie dos à dos partisans et adversaires de la "société pluriculturelle", en ce qu'ils réactivent tous le thème du "Volksgeist". Sur le problème de l' immigration, xénophiles et xénophobes professent à ses yeux le même relativisme, le même dogme de la différence. Et face aux idéologues de la "Nouvelle Droite", héritiers de Barrès, "il n'y a plus de dreyfusards", épris comme l'écrivain Julien Benda (1867-1956) d' idéaux transcendants? La gauche intellectuelle tombe alors dans une contradiction insoluble, "à vouloir fonder l' hospitalité sur l' enracinement".

De même, les réformateurs de l' école, croient pouvoir inculquer la tolérance par "une pédagogie de la relativité", qui renoncent explicitement au rêve goethéen d'une littérature et d'une culture universelles. Oublierait-on que l' Europe a fondé sa liberté sur le dépassement de ses propres cultures? Et qu'inversément la mise en pièces de la culture, au nom du respect des coutumes, cautionne des traditions oppressives et barbares?

Or qu'en est-il, au juste de notre identité, à nous Européens "post-modernes"? Nous n'en avons pas, car nous les avons toutes. Ainsi évitons-nous l'esprit monolithique du totalitarisme: par un patient "métissage culturel", nous digérons les traits des multiples "Volksgeist" pour mieux les surmonter. Mais n'y avons-nous pas sacrifié l'essentiel, en galvaudant le mot culture (tout devient "culturel"), en noyant l' humanisme dans un l'océan du pluralisme, dans le tourbillon de la consommation et des loisirs de masse. Le néo-capitalisme -hédoniste et permissif- ayant banni les jugements de valeur, toute hiérarchie, toute autorité morale ou esthétique est abolie: aujourd'hui, tout se vaut! C'est le triomphe de la confusion, de la non-pensée, "l'ère du vide", ou les nouveaux disciples de Tocqueville (Gilles Lipovetsky notamment) croient voir l'accomplissement de la démocratie.

Subvertissant le programme éducatif des Lumières, de Jules Ferry et de Malraux, on a choisi d' abêtir la culture: d'où la crise de l' école. Ce prétendu métissage, ce mauvais universalisme n'est en réalité que la version "postmoderne" du vieil obscurantisme. Et il devient culte païen et dérisoire, maintenant qu'il a trouvé une nouvelle idole dans la figure du Jeune, ce roi ignare d'un peuple sans esprit. Libres mais incultes, saurons-nous encore longtemps résister aux fanatismes?

 

 

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Promenade au bord de la Hoegne

 

 

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Adyne Gohy

 

 

Forestière

 

Bruissement d'une rivière,

Au bord d'une clairière,

Miroir perlé,

Coeur de rosée...

 

La brume du matin

A déposé, cristallin,

La sérénité sous les pas

De deux promeneurs béats.

 

Devant tant de beauté réunie,

L'automne est magie.

Crissement des feuilles

Se tapit le chevreuil.

 

De longs souvenirs d'enfance

Me reviennent et balancent

Leurs feuilles en voltige

Sur quelques brins de nostalgie.

 

 Sandra Dulier 

Un partenariat
Arts
 
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Lettres

 

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El nino de la espina, une nouvelle de Guy Rombeau

El Nino de la espina

Nouvelle

Par Guy Rombeau

 

 

 

                                 El Nino de la espina

 

                   Jérôme pénétra dans le jardin, le cœur battant. Il y avait bien longtemps qu’il n’était pas venu ici. La chaleur du soleil, en cet après-midi d’été, brûlait la peau comme jadis. Seuls le bruit des jets d’eau et le gazouillis des oiseaux apportaient un peu de fraîcheur à cet endroit magique. En levant les yeux par-dessus les haies de rosiers, il pouvait encore apercevoir, au-dessus de la masse blanche des maisons, la terre ocre des collines qui entouraient la ville. A cette heure-ci, le parc était loin d’être calme. De nombreux touristes avaient envahi les allées. Il entendait les remarques énervées des parents agacés par la chaleur, courant derrière leurs bambins qui bondissaient partout comme des lutins en folie.

                   — Paco ! Aqui ! Y deja de golpear a tu hermana !

                   — Cristina ! No tocas este grifo !

                   — Que calor aqui ! Vamos, Antonio ! (1)

                   Il s’éloigna de la foule et se dirigea vers le jardin de la Isla. Cet endroit-là était plus tranquille, à l’abri des touristes qui généralement ne s’aventuraient pas jusque-là. Il s’approcha d’une fontaine qu’on appelait « La fontaine del Nino de la espina » (2) et tout ému, il s’assit sur un des bancs de pierre qui entouraient le lieu. Les souvenirs se bousculèrent dans sa tête. C’était précisément à cet endroit-là que jadis, assis sur le même banc, il avait vu Claudia pour la première fois. Comme un mirage merveilleux, elle était apparue soudain  au travers des gerbes d’eau sublimées par les rayons du soleil.

                   C’était il y a vingt ans. Jeune cadre employé par une compagnie d’assurance belge, il avait accepté un poste à Madrid. On lui avait vanté la beauté d’Aranjuez et un dimanche d’été, il s’était décidé à visiter l’endroit. Il faisait chaud comme aujourd’hui et alors qu’il s’était assis sur ce banc pour se reposer, il avait eu le bonheur de la voir arriver, magnifique, vêtue d’une robe d’été blanche et légère, coiffée d’un charmant chapeau de paille, portant délicatement une ombrelle, sa longue chevelure noire tombant sur ses épaules. Lorsqu’elle avait pris place sur le banc à son côté, elle lui avait jeté un bref regard et c’est à ce moment-là, il s‘en souvenait, que le coup de foudre les avait saisis tous les deux. Pendant un long moment, ils n’avaient osé ni l’un ni l’autre s’adresser la parole puis c’est elle qui avait franchi le pas. Comme le soleil l’éblouissait un peu là où elle était, elle s’était rapprochée de lui en s’excusant :

                    — Disculpe, señor. Hace mejor aqui, no ? (3)  

                    Ses grands yeux noirs et son sourire mutin l’intimidaient. Mais déjà il avait compris que quoi qu’il arrive, il ne pourrait l’oublier. Comme beaucoup d‘espagnoles, elle ne manquait pas de caractère et, après avoir conversé quelque peu, elle lui proposa de le guider dans les jardins qu’elle avait l’habitude de fréquenter, dit-elle. Tout en déambulant dans les allées, leur conversation prit un tour déjà plus familier. Elle avait vu tout de suite qu’il était étranger mais d’où venait-il ?

                    — Me llamo Jerôme, dit-il. Soy belga y trabajo en Madrid. Vienes siempre aqui ?

                    — Si, si. Mi familia es de Chinchon, muy cerca de aqui. Es por eso…(4)

                    Il avait trente ans, elle à peine vingt-trois et elle était encore étudiante. Très vite, ils surent qu’ils devaient se revoir, qu’ils deviendraient amants.

                    Jérôme et Claudia prirent l’habitude de se voir aux jardins d’Aranjuez. Parfois pour une belle après-midi dominicale qu’ils passaient à se promener parmi les bosquets au bord du Tage, parfois même pour toute une journée de bonheur dont ils profitaient alors pour aller déjeuner dans un petit restaurant de campagne reconnu pour son savoir-faire et la qualité de ses produits. C’est ainsi que Jérôme prit plaisir à découvrir les  spécialités culinaires de la région : la soupe à l’ail, l’échine de bœuf grillée, le cochon de lait rôti, le faisan « al cazador » et les délicieuses fraises d’Aranjuez. Cependant, Claudia n’osa pas l’emmener à Chinchon de peur du qu’en-dira-t-on.

                      — C’est pour éviter les cancans, lui dit-elle en français avec son accent adorable. C’est dommage ! Tu verrais mon village, il est fabuleux. C’est le plus joli de toute l’Espagne ! ajouta-t-elle en riant.

                      Mais elle l’entraîna jusqu’à Tolède et dans un tas d’autres endroits qu’il n’aurait pas pu découvrir sans elle. Emportés par leur passion, ils s’embrassaient et faisaient l’amour partout où la bienséance le permettait, à l’ombre d’un chêne au bord d’un rio, sur un coin d’herbe au bord du fleuve et même un jour dans un secteur éloigné du jardin de la Isla, à l’heure où les touristes s’en sont retournés chez eux. Jérôme était fou d’elle et elle semblait heureuse d’être avec lui, d’avoir rencontré ce garçon calme, certes plus âgé qu’elle, mais qui la rassurait. Le sentiment qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre augmentait de jour en jour et plus ils se voyaient, plus l’idée germait en eux qu’ils pourraient unir leurs destins et faire route ensemble.

                      — Mi amor, te quiero, lui susurrait-elle de sa voix chaude.

                      Cependant, un samedi où ils s’étaient donné rendez-vous autour de la fontaine del Nino de la espina, Jérôme fut surpris de ne pas la voir arriver. Il attendit, longtemps, jusqu’à la fermeture des jardins, mais Claudia n’apparut jamais. « Elle a dû avoir un empêchement » se dit-il mais il était inquiet et il se rendait compte qu’il n’avait aucun moyen de la contacter. Il ne connaissait que son nom, Claudia Delgado Riovalle, et il ne connaissait même pas son adresse à Chinchon. Cette nuit-là, il ne parvint pas à trouver le sommeil. Le dimanche, il retourna à Aranjuez et attendit toute la journée mais personne ne vint. Alors, rongé d’inquiétude, il monta dans sa voiture et prit la direction de Chinchon. Il se rendit sur la place, entra dans un bar et interrogea le patron.

                      — Connaissez-vous la señorita Claudia ? Claudia Delgado ? Vous la connaissez ?

                      L’homme le regarda dans les yeux. Il avait une mine sombre.

                      — Ah señor ! Vous ne savez pas ? La señorita Claudia a eu un accident hier sur la route entre Chinchon et Aranjuez. Se mato ! Que desgracia ! (5)

 

                     Assis devant la fontaine, Jérôme se revoyait effondré, laminé, anéanti comme il l’avait été jadis en apprenant cette nouvelle. Il sortit de sa poche un petit texte, un poème qu’il avait écrit en souvenir de Claudia.

 

                   Dans la vallée d’Aranjuez, par les soirées brûlantes,

                   Le rouge monte au front des terres avoisinantes.

                   La ville blanche au centre, mon amour,

                   Vert tendre et ocre pur les campagnes alentour.

                   A la tombée du soir, au détour des allées,

                   Tu pourras remarquer quelques ombres furtives

                   Cherchant quelque fraîcheur et surgies du passé

                   Ou de nos illusions quelque peu inventives.

                   La nuit là-bas est noire comme le deuil,

Calme, odoriférante et peuplée de fantômes.

Revenants de notre mémoire, si chers à notre cœur,

Gardiens de cet endroit soudainement monochrome.

         Si tu marches au matin au travers des jardins,

La terre déjà sèche, les senteurs de jasmin,

Celles du chèvrefeuille audacieux et du thym

T’enivrent à profusion de leurs subtils parfums.

       A midi, tout est blanc, de soleil écrasant,

       Tout n’est plus qu’un mirage et tu ne perçois plus

       Que la rose émouvante au rouge cardinal.

       Jusqu’à la fin du jour, elle règne impériale.

L’après-midi est héroïque au sein de ces futaies.

On dort lascivement, l’abeille nous apaise.

Je songe à ta douceur, je ressens tes baisers

            Et je voudrais t’aimer aux jardins d’Aranjuez.

  

(1)   — Paco ! Ici ! Et arrête de frapper ta sœur !

— Cristina ! Ne touche pas à ce robinet !

— Quelle chaleur ici ! Allons-y, Antonio !

(2)   La fontaine de l’enfant à l’épine

(3)   Excusez-moi, monsieur. Il fait meilleur ici, non ?

(4)   — Je m’appelle Jérôme. Je suis belge et je travaille à Madrid. Venez-vous souvent ici ?

— Oui, oui. Ma famille est de Chinchon, c’est très près d’ici. C’est pour ça…

(5)   Elle s’est tuée. Quel malheur !

 

 

 

 

 

 

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Normal-paranormal (suite n°8)

Mars 1974.  La journée est fraîche et sans gaîté.  Je viens de rentrer d’avoir été  conduire les enfants à l’école.

Toute de noir vêtue, pour la disparition de mon père, le silence de la maison n’incite pas au rire.  Lui qui était farceur à sa manière, n’aurait sans doute pas ri au sein de cette ambiance.  J’ai froid et décide de me faire une tasse de café pour me réchauffer le cœur et le moral : au moins, l’odeur d’un bon café amènera un peu de rose dans ma vie, la Vie, que je considère absurde jusqu’alors.

Mes idées sont loin d’être gaies et je cherche un moyen de les diriger vers des ailleurs que j’aurais préféré, mais rien n’accroche vraiment, si ce n’est l’idée de tenter de faire bouger les objets selon ma volonté, ainsi que je l’’ai déjà tenté plus tôt, sans succès.

Le café est prêt.  Je m’en sers une tasse et j’essaye de m’y réchauffer les mains.

Et si j’essayais de la faire bouger ? Je la lâche, et je me concentre jusqu’à en avoir mal l’esprit.

Rien ne se passe, mais ce jour-là, pourquoi ? Je suis bien décidée à obtenir un résultat et j’insiste, insiste encore….. et tout à coup, sous mes yeux effarés, la tasse s’ébranle et fait un demi-tour sur elle-même.  L’oreille qui se trouvait dirigée vers la droite finit sa petite course à gauche, en passant devant moi.

Stupéfaite et immobile, le temps d’une idée, je recule brusquement de la table.  La chaise sur laquelle j’’étais assise tombe dans le bruit que l’on suppose et je considère la tasse avec « crainte » et étonnement. 

J’ai réussi, ce que je tentais de faire depuis des années….. et j’ai peur !

Fiction ou réalité ?  A vous de décider.  Selon mon époux, un coussin d’air chaud sous la tasse l’a faite pivoter …. Justement le jour où, idées noires, j’étais décidée à obtenir un résultat.

Selon une personne, « versée » dans ce genre de phénomène, ce n’est pas moi qui y suis parvenue, mais mon père qui m’a fait une farce !

Que de fois n’ai-je réessayé sans succès depuis lors… bloquée par la crainte de réussir ! ?

 

QUERTINMONT Claudine D’ANDERLUES.

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Une belle journée de septembre.

 

La ville était pratiquement vide. Seuls quelques passants, des étrangers à la ville vraisemblablement, déambulaient sur la grand place le mouchoir à la main, et se frottaient le visage et le cou tant le soleil de midi les faisaient transpirer.

Le podium sur lequel allaient se produire les candidats avait été installé le matin même. Le tissu rouge qui l’entourait dissimulait les tréteaux qui soutenaient le plancher.  A l’arrière un escabeau de plusieurs marches permettait d’y accéder.

Les ouvriers qui l’avaient installé, avant de partir avaient sauté dessus de nombreuses fois afin de s’assurer que le plancher ne risquait pas de s’effondrer.  

- S’agit pas que quelqu’un passe à travers.

Erigé sur le côté de la place, les sièges encore empilés les uns sur les autres, le tout avait un air incongru que les lumières des projecteurs allaient sans doute transformer le soir même.

Une annonce avait paru dans le quotidien local selon laquelle un crochet destiné à des amateurs de chansons aurait lieu dès le coucher du soleil après qu’un animateur ait chauffé l’auditoire.

C’était Festi-Chanson qui avait organisé la première attraction populaire et culturelle parrainée par le grand magasin du haut de la ville. Si elle s’avérait positive, elle se reproduirait l’an prochain avec un cérémonial plus spectaculaire. Dix rangées de sièges avaient été prévues.

- Et si les spectateurs sont plus nombreux ?

L’organisateur avait rassuré le responsable communal.

- Dieu vous entende. Ils se serreront contre la barrière.

Ils furent plus nombreux. Ils s’étaient serrés contre la barrière et quand le feu s’était déclaré deux spectateurs avaient été écrasés par des fuyards affolés. Ils étaient venus séparément, seul le hasard les avait réunis.

Le journal du lendemain les réunit à nouveau dans une seule et même manchette : « Deux de nos concitoyens sont décédés, écrasés par la foule, lors d’un incendie fortuit mais spectaculaire. Le substitut du procureur Ernest Duliere a ouvert une enquête ».

Avant de préciser la cause du sinistre, le plus simple avait été l’identification des victimes. Ils étaient munis l’un et l’autre de leurs pièces d’identité.

- C’est le destin. Pour une fois, qu’il se passe un évènement culturel.

Il avait fait appeler l’inspecteur Fernand  Delrue , un officier de la police judiciaire.

- Tu t’occuperas des victimes, Fernand. Qui sont-ils ? Etc. Le rapport habituel.

Valérie Dumonceau, une des deux victimes, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années, une jolie fille, s’était levée tôt. Elle le faisait tous les jours. Son cerveau était incapable de distinguer le dimanche des autres jours de la semaine.

Cela n’ennuya pas Valérie, la température s’annonçait chaude, le soleil brillait déjà. Elle avait l’intention de se promener dans le parc et de mettre des vêtements légers. De ceux qu’on met sur la plage en été.

Le dimanche les souvenirs reviennent. En marchant dans le parc municipal souvent vide ou assise sur un des bancs, le bras pendant derrière le dossier. Elle n’avait pas toujours été la jeune femme seule et réservée que ses voisins connaissaient à peine.

- Bonjour.

- Bonjour.

En se laissant tomber sur le banc, Pierre demanda s’il pouvait s’asseoir. C’est en éclatant de rire qu’elle répondait.

- Je vous en prie.

Le même manège se reproduisait tous les dimanches depuis deux mois. Il était en short, la chemise largement ouverte. Un jour il avait eu le courage d’aborder Valérie. Il avait dit qu’il était à court d’haleine, qu’ils seraient ridicules tous les deux si dans ce parc vide, il s’asseyait sur un autre banc.

Il s’était présenté :

- Pierre Mullier.

Il travaillait dans le bâtiment qu’on pouvait apercevoir au bout du parc. Celui qui rassemblait les services techniques de la ville. Il tendit le bras.

Un peu plus loin au fond de l’impasse ; dit-il, c’était le domicile de l’ingénieur de la ville. Un ingénieur qui était mort peu de temps auparavant et qu’il était appelé à remplacer.

- La maison est encore occupée par la veuve. Je ne vous ennuie pas ? Je sais que je suis bavard. Regardez. Vous l’avez déjà vu peut être ?

Un homme sortait de la maison. Il avait à la main un sac en plastique dans lequel se trouvait une boite en carton marquée «  pâtisserie Moulard ».

- Tous les dimanches, c’est pareil. C’est monsieur Duliere, le procureur. Il va acheter une pâtisserie pour sa femme et il en profite pour en apporter une à sa maitresse. Leurs maisons sont contigües par l’arrière. Vous n’aimez pas les cancans ?

Il y avait longtemps qu’elle n’avait ri de si bon cœur.

Jean Duthoit, l’autre victime, n’était pas encore levé.  Tous les dimanches c’était le même combat qui se livrait entre son corps engourdi et son cerveau. C’était toujours son cerveau qui triomphait et Jean finissait par se lever.

La veille, il avait traîné dans les cafés de la ville où il avait ses habitudes. Dans l’un il avait joué aux cartes, dans un autre il avait bavardé avec le patron. A la fermeture, il avait hésité avant de rentrer chez lui. Il avait l’esprit brumeux, ce n’était pas désagréable.

Un dimanche matin, alors que le cerveau avait triomphé plus tôt que d’autres dimanches et qu’il arpentait le parc municipal, il aperçut un cycliste à qui il ne manquait que le casque pour ressembler à un coureur professionnel. Il avait laissé tomber son vélo, il s’était assis lourdement sur un des bancs, et discutait en riant avec une jeune femme d’aspect assez quelconque.

Sinon que parce qu’un autre homme semblait se plaire auprès d’elle, Jean lui trouvât du charme. Deux dimanches, il avait assisté au manège en se promenant autour du kiosque à musique. Deux dimanches, il lui avait trouvé du charme.

Mais c’est un autre dimanche qui allait les unir elle et lui. Le dimanche de leur mort.

Ce dernier dimanche, il avait dormi longtemps pour ne pas interrompre un rêve dans lequel il tenait Valérie dans les bras. Mais peut être que ce n’était pas Valérie.

Il connaissait son nom et son adresse. Non pas en rêve mais en réalité. Il l’avait croisée un jour de semaine, il l’avait suivie jusqu’au siège d’une société de comptabilité, il s’était renseignée à son sujet. Discrètement, avait-il pensé.

-J’ai l’impression, Valérie, que tu as fait impression sur un jeune homme sympathique. Il passe souvent devant les bureaux.

- A vélo ?

Une des secrétaires, celle dont le bureau donnait sur la rue, s’était étonnée.

- Tu connais quelqu’un qui fait du vélo ?

Elle répondit non mais elle pensa à Jean Mullier, son ami du dimanche matin.

- Viens vite, Valérie.

Trop tard. ! Le temps d’arriver, de se pencher à la fenêtre, on n’apercevait plus qu’une silhouette déhanchée. Qui, de Pierre Mullier, l’amoureux du dimanche ou de l’inconnu dont elle ne connaissait pas le visage, Valérie souhaitait-elle que soit le cycliste qui passait devant le bureau ?

Pierre Mullier avait pris la résolution de lui parler dès le prochain dimanche. Il ne sert à rien de faire trainer les choses.  L’amour a ses exigences, pensait-il. Pierre était mûr pour le mariage.

La veille il avait reçu des organisateurs de Festi-Chanson une requête précise quant au matériel nécessaire. De quoi construire un podium et de disposer de dix rangées de chaises.

Le beau temps aidant, cette fête culturelle, patronnée par le Grand Magasin de la ville, s’annonçait comme un futur succès.

Lorsque la veille du fameux dimanche Valérie avait pénétré dans la brasserie située place de la gare, un homme avait levé les yeux vers elle. Pourquoi avait-elle eu la certitude qu’il s’agissait de l’inconnu qui passait et repassait devant les bureaux ?  C’était Jean Duthoit en effet. Il eut un mouvement soudain. Celui de quelqu’un qui se décide.

Elle aimait l’atmosphère de cette brasserie. Il y avait du monde. Personne ne semblait se connaitre. Tout à l’heure, lorsque le train sera prêt à partir, chacun rejoindra son destin.

Le lendemain matin, le dernier jour de sa vie, elle s’était rendue au parc. Elle vit le substitut du procureur sortir, un sac à la main, de la maison de feu l’ingénieur de la ville que Pierre Mullier était appelé à remplacer.

Pierre Mullier vint la rejoindre.

- Je n’ai pas beaucoup de temps, Valérie. Il y a fête ce soir à la Grand Place. J’ai des choses importantes à vous dire. Vous viendrez ? 

Que dire d’autre ? La mort de Valérie et de Jean était due à la fatalité. Reste qu’il s’était agi d’une belle journée de septembre.

 

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La confrérie des non pensants

 

Soliloque

Votre âme éprouvant un émoi,

Troublé, vous faites certains gestes.

Ils sont personnels, le restent,

Surprenants de nombreuses fois.

Vous prend souvent l'envie de plaire.

De vous exprimer bellement.

Manquant de temps et de talent,

Vous recourez à qui sait faire.

Il est pour chaque jour de fête

Des choix qui vous sont proposés,

Des bijoux partout exposés

Et des cartes aux phrases faites.

Si vous rejoignez vos semblables,

Dans un esprit confraternel,

Là où s'impose un rituel,

La confiance y est agréable.

S'est créé un parfait accord

Aucun laid soupçon n'indispose.

L'esprit satisfait se repose.

Pas de contrainte ni d'efforts.

Il me paraît indispensable

Que chacun apprenne à penser.

Douter n'est jamais insensé,

Que ce ne soit plus punissable!

23 février 2014

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administrateur théâtres

12272995485?profile=originalLa fée Musique avait  sûrement touché le calendrier jeudi soir lors des “Flagey Piano Days” qui accueillaient  jeudi soir dans son magnifique Studio 4 un programme rutilant, triste et beau à mourir, interprété par  la crème de la crème des artistes.  

Paul Dukas, L' Apprenti sorcier
Edward Elgar, Concerto pour violoncelle en mi mineur, op. 85
Maurice Ravel, Concerto pour piano en sol majeur 
Maurice Ravel, Daphnis et Chloé

Par le Brussels Philharmonic, Michel Tabachnik, Steven Isserlis, Boris Giltburg

http://www.flagey.be/fr/program/14113/brussels-philharmonic-symfomania-workshop-kids-10-/michel-tabachnik-steven-isserlis-boris-giltburg

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 Quelques propos de Boris, le superbe et l’infiniment humble artiste devant la fée Musique :

 Avant le concert : «  Me voilà de retour dans la grande salle de Flagey (où les éliminatoires et les  demi-finales du Concours Reine Elisabeth ont eu lieu en mai dernier). Que de souvenirs!  Tout de suite deux choses  - la salle paraît toute petite à côté du souvenir que j’en garde et  il me  semble mille fois plus agréable  d’y jouer aujourd’hui! Conclusion : ne  jamais  baser ses impressions d'une salle sur les souvenirs d'une activité qui a nécessité une très, très haute tension psychologique!


Je vais y jouer dans le cadre des Journées Piano Flagey le Concerto en sol de Ravel avec le Philarmonic de Bruxelles et Michel Tabachnik. Nous avons eu notre première répétition aujourd'hui et je suis très impatient en attendant la répétition générale avant le concert de demain soir.   Le programme est superbe : L'Apprenti Sorcier de Dukas, et le concerto pour violoncelle  d'Elgar ( joué par Steven Isserlis, que j'ai eu le plaisir de rencontrer aujourd'hui et que je vais enfin entendre en direct demain), et Daphnis et Chloé pour terminer en beauté.»

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Après le concert : « Quelle bonne surprise hier soir à Flagey ! L’accompagnement  et le jeu superbe du Brussels Philharmonic, une salle qui joue à guichets fermés, la musique de Ravel, un piano de rêve - tout s'est bien passé et ce fut une sacrée expérience. Je ne me suis plus senti aussi vivant depuis  longtemps ! Le Ravel était pour moi l'équivalent musical d'une boisson énergétique (ou  de dix, si vous voulez !) C'était bouillonnant et pétillant, effervescent même, tellement vivifiant ! Et puis, bien sûr, le deuxième mouvement, avec son interminablement triste, douce et  belle mélodie ! ...  Comme mon Ravel était dans la seconde moitié du concert,  je n’ai malheureusement pas pu  suivre la performance de Steven Isserlis du concerto d'Elgar, mais je l'ai écouté à la répétition générale - un récit très personnel, profondément touchant. Steven a une sorte de simplicité affectée dans son phrasé qui m'a touché très fortement, sans parler de ses sonorités ! Qu’est-ce que cela devait être le soir du concert! Inouï!  Nous avons fait une interview conjointe sur FM Brussel ( http://bit.ly/1f2dgaY ). Et aussi   une très belle interview sur TV Brussel ( http://bit.ly/1f2e0gt ). C’est  juste dommage qu’ils m’ont interviewé avant ma première répétition à Flagey, j’aurais montré beaucoup plus d’enthousiasme pour cette magnifique salle!  C’est ma deuxième merveilleuse rencontre avec Bruxelles. Demain, je pars au Japon, allant d'abord à Nagoya, pour interpréter le 2e concerto de Brahms que j’adore. Sous la direction de Martyn Brabbins avec le Nagoya Philarmonic.»

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Tout commence  donc avec la  musique inoubliable  de l’Apprenti-sorcier de Paul Dukas construite en crescendo fantastique avec le côté répétitif et obsessionnel du Boléro de Ravel. Un morceau d’orfèvrerie musicale sous la baguette inspirée de  qui brille de tous ses feux. C’est la fête des flûtes enchanteresses qui soulèvent les voiles du mystère, celle des cuivres et des percussions qui déchaînent le paroxysme organisé. Tabachnik confère une puissance inégalée au morceau d’à peine 11 minutes, fait fuser des sonorités de haute définition dans tous les registres, belles à couper le souffle malgré l’atmosphère apocalyptique. Les accents épiques de l’orchestre sont impressionnants et la finale suscite des applaudissements de fin de soirée alors que l’on n’en est seulement qu’aux débuts.  

12272996259?profile=originalLe Concerto pour violoncelle en mi mineur, op. 85  d’Edward Elgar clôture la première partie du concert. En T shirt noir - il  dit avoir oublié sa veste - Steven Isserlis s’excuse. Mais c’est une star d’envergure mondiale. Si la célèbre Jacqueline Du Pré  fut l’interprète privilégiée et la plus sensible de cette œuvre nostalgique et poignante, Steven Isserlis n’a rien à lui envier. Sa musicalité est intense, empreinte de ferveur et de dévotion  brûlante. On le suit avec émotion dans toutes ses fluctuations de tempo et de couleur de ton. Il transforme son violoncelle en harpe, lui inflige de violents pizzicati, produit des accélérations fulgurantes, débordantes de chagrin et tantôt des sonorités délicates de chants d’oiseaux.  Dans l’Adagio, il exprime toute la langueur du compositeur Edward Elgar et  son désir d’infini et de paix. L’orchestre joue à la façon d’un chœur antique, répétant les phrases du discours héroïque et le ponctuant de notes syncopées  et de son acquiescement symbolique, signe d’une profonde et mutuelle compréhension. On acclame Tabachnik et son imposant orchestre débordant presque sur les escaliers latéraux, et surtout, l’illustre artiste qu’est Steven Isserlis dont on adore la profondeur et la simplicité.

Puis voici notre autre orfèvre et alchimiste musical dont la passion ferait presque exploser le clavier. Boris Giltburg dans le Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel.  Il  manie les trilles affolants, les frémissements de harpe, passe de la présence ludique à la concentration méditative. Particulièrement dans sa cadence qui met les larmes aux yeux lorsqu’il diffuse l’élixir mystérieux de sa profonde communion avec la musique. Il sculpte le noyau profond de son être sur son Steinway et fait jaillir de généreuses  galaxies de notes à clarté  stellaire. Le public s’abandonne devant une telle magie et fixe avec passion un clavier effervescent  qu’il sculpte comme un corps vivant. Il incarne aussi le feu de Prométhée, la griffe du diable et de l’esprit malicieux. Il écoute et transfigure sur son clavier le génie accompagnateur d’un orchestre que l’on ne regarde plus, tant le pianiste fascine... C’est lui, le grand cœur  palpitant de l’être vivant que constitue cette musique fabuleuse de Ravel. De prodigieuses acclamations le saluent et il nous offre en bis, l’une des 2 valses pour Piano en Do majeur de Gershwin. Nous avons reçu ce soir de ce jeune artiste,  une rivière de diamants.  

Non moins étincelante, la dernière œuvre jouée sur le mode fantastique : Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. Du ravissement sonore chuchoté des flûtes au tapis de scintillements à la surface de la mer - Egée sans doute - Tabachnik soulève les respirations marines. Et parfois une vague qui semble atteindre le ciel. Les flûtes et cors ont trouvé leur point d’union charnelle. L’orchestre célèbre la fête romantique avec un  premier violon très lyrique et deux harpes vibrant à l’identique. Mais l’orchestre entre dans un rythme infernal, joue  l’évanouissement des illusions, du bonheur ? C’est la mise à mort implacable et brutale par des percussions qui ont pris le pouvoir. Voici les grondements de tonnerre et une nouvelle fin du monde.  Des citations de Shéhérazade de Rimsky Korsakov semblent flotter dans les archets, c’est l’apparition d’êtres fantastiques ahurissants, tapis dans l’ombre ou fracassants ? Une œuvre peu bucolique et forte d’émotion qui renoue presque avec l’effroi  suscité par l’œuvre de Dukas du début du programme !  Qui, d’un bout à l’autre, a été un vrai feu d’artifice.

Samedi, toujours au Studio 4 rendez-vous avec:

Flagey Piano Days

Anna Vinnitskaya étonne par sa poésie et joue la carte d'une sensualité virtuose et puissante. Le feu qui l'anime s'associe à merveille avec le romantisme à fleur de peau des ballades de Chopin, contrebalancées par l'équilibre construit, plus sophistiqué des rapsodies brahmsiennes.

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Flagey Piano Days
En voilà deux qui aiment se retrouver ensemble sur scène, et une association qui marche, pour le plus grand plaisir du public. Entre Frank Braley et Gautier Capuçon, deux musiciens incontournables, c’est la rencontre de l’intériorité presque débordante du premier et de la fougue du second, dans un dialogue toujours souverain.
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Féerie sur la glace

 

En hommage aux patineurs qui nous enchantent

Un lieu semblant privé d’attraits.

La musique, âme de la danse,

L’emplit de charme et d’élégance.

Un ailleurs soudain apparaît.

La musique, âme de la danse,

Agit par un pouvoir secret.

Un ailleurs soudain apparaît,

Un espace de transcendance.

Agit par un pouvoir secret,

La grâce dans l'exubérance.

Un espace de transcendance,

Tel un temple semble sacré,

La grâce dans l'exubérance

Un courage démesuré.

Tel un temple semble sacré.

Lors s'y recueille l'assistance

22 février 2014

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Isabelle

 

 

C’est à Londres que j’avais retrouvé Isabelle. Il y a cinq ans, je m’étais brouillé avec son mari pour une raison dont je ne m’étais plus souvenu très clairement deux ans plus tard.

C’est Isabelle qui nous avait réconciliés devant une bière au comptoir d’un café où ma femme et moi, Isabelle et son mari et d’autres, nous passions la soirée le samedi soir. Peut être que nous en avions envie les uns et les autres. Pourtant, nous nous étions brouillés.

Durant près de trois ans mes activités professionnelles m’avaient éloigné d’eux. Nous nous rencontrions moins souvent mais nous nous téléphonions régulièrement.  A l’époque, ma femme m’avait quitté et j’étais heureux d’être absorbé par mon travail, par les voyages auxquels il m’obligeait, et par les rencontres féminines que je faisais sans avoir à les dissimuler à qui que ce soit.

Isabelle était de ces femmes qui ne laissent aucun homme indifférent.

Ce fût un coup de tonnerre lorsqu’on apprit que Louis avait quitté Isabelle. Il avait téléphoné afin qu’elle ne s’inquiète pas. Il avait dit qu’il partait, et il avait raccroché. C’est ce qu’Isabelle me dit au téléphone deux jours plus tard lorsqu’elle se fut persuadée qu’il ne reviendrait pas.

- J’étais honteuse au point que je me serais enfermée.  Tu comprends ? C’est comme si après tant d’années, il m’avait repoussée en me disant tu es moche. Dis, toi aussi, tu penses que je suis devenue trop laide pour un homme ?

J’étais à Londres pour mes affaires quand je l’ai  rencontrée ce jour-là. Il devait être cinq heures de l’après-midi et je rentrais lentement à mon hôtel pour me reposer avant de me préparer à sortir pour dîner et finir la soirée dans un bar. Un programme banal mais efficace pour combler l’ennui.

- Isabelle, qu’est-ce que tu fais ici, tu es seule ?

Elle eut un instant de surprise avant de me reconnaître, puis elle parut soulagée et, en haussant les épaules comme on invoque la fatalité, elle dit :

- Tu vois, moi aussi, je me promène.

- Louis est ici ?

- Probablement, mais pas avec moi. Louis n’a pas besoin de moi. Qui a besoin de moi ?

- Ne dis pas d’idioties. Viens, nous allons prendre quelque chose, et tu me raconteras.

Nous sommes allés à mon hôtel, et dans le fond du bar, assis devant une table sur laquelle le barman avait déposé deux whiskys et une coupelle d’olives, elle m’avait raconté son séjour à Londres.

Elle savait que Louis était à Londres. Comment ?, elle ne me l’a pas dit. Elle voulait de toute force le rencontrer. Elle voulait savoir pourquoi il était parti. Elle voulait qu’il le lui dise, les yeux dans les yeux. Si ça avait été pour une autre femme, peut-être qu’elle l’aurait compris mais elle savait que ce n’était pas pour une autre femme, elle s’était renseignée discrètement, la seule femme avec laquelle il l’avait trompée, la femme du dentiste,  n’avait pas quitté son mari.

- Alors, si ce n’était pas pour une autre femme, c’était à cause de l’âge qu’il avait. Les hommes, à un certain âge, sont saisis d’une sorte de fièvre, ils veulent recommencer leur vie. Puis, ils regrettent, on ne recommence rien du tout, mais ils pensent qu’ils ne peuvent pas revenir chez eux parce que leur épouse ne leur pardonnera pas. Certains tombent de plus en plus bas. Ils ont tort, en tout cas lui avait tort, je ne suis pas comme ces femmes-là.

Ils en avaient parlé toute la nuit, m’a-t-elle dit. Elle l’avait supplié de passer cette nuit avec elle même si ce devait être leur dernière nuit.

- Et nous nous sommes aimés comme tu ne peux pas imaginer. Je me suis même abaissé à des gestes, à toi je peux le dire, dont je n’aurais pas pensé que j’en étais capable, et que j’ai découverts avec lui au point que ce matin, étendue sur le lit pendant qu’il était dans la salle de bains, j’étais sûre qu’il reviendrait avec moi. Lorsque je suis revenue de la salle de bains à mon tour il avait quitté la chambre, et quand je suis descendue dans le hall, mon cœur battait à se rompre, à la réception on m’a dit que le monsieur avait réglé la chambre et qu’il était parti. Je suppose qu’ils m’ont prise pour une prostituée, et moi, je me demande s’ils n’avaient pas raison.

Elle m’a saisi la main, j’ai cru qu’elle allait pleurer. Nous avons dîné au restaurant de l’hôtel, nous avons repris un verre au bar, nous avons parlé, et c’est tout naturellement qu’elle m’a accompagné dans ma chambre.

- Tu as été son ami, tu comprends pourquoi il est parti ?

Elle était incapable de dire : pourquoi il m’a quittée. C’est comme s’il l’avait rejetée, et elle ne comprenait pas qu’on puisse la rejeter.

- Je te plais ? Tu vivrais avec moi, toi ?

Isabelle prenait l’avion vers la fin de la matinée, je l’ai accompagnée jusqu’à l’aéroport, nous nous sommes embrassés, nous nous sommes promis de nous revoir dès que je serais rentré.

Ce serait drôle, ais-je pensé, si je rencontrais Louis par hasard.

Un soir Isabelle est arrivée chez moi les yeux brillants, le corsage froissé, incapable de masquer sa nervosité. Elle avait rencontré dans un bar du haut de la ville, il y avait des années qu’elle souhaitait savoir comment les choses s’y passaient, un homme qui lui avait offert à boire. Ils avaient beaucoup ri ensemble. Il lui avait proposé de terminer la soirée dans un autre bar, et avant de monter dans sa voiture il avait ouvert le coffre pour lui montrer un fusil à pompe qu’il emportait toujours avec lui.

- La ville est parfois dangereuse la nuit.

Elle avait été littéralement fascinée. Il devait être un homme dont il valait mieux ne pas savoir de quoi il vivait même s’il avait avoué être représentant en lunetterie. Une couverture probablement, tous les membres du milieu en ont une.  

Dans la voiture, il avait plongé sa main dans son corsage, et lui avait saisi les seins. Elle ne s’était pas offusquée de sa brutalité mais il avait dit en glissant une main sous sa jupe :

- Tu aimes ça, hein, faire la putain ?

Elle ne l’avait pas supporté. Elle avait ouvert  la portière, et elle s’était précipitée vers une station de taxis. C’est du moins ce qu’elle m’avait dit. Elle aurait dû rester ce jour-là.

Un jour, au téléphone, elle m’a dit qu’elle avait rencontré par hasard un ami d’enfance. Pas d’enfance en réalité, mais un ami à Louis, à elle et à quelques autres du temps de leur adolescence. C’est Louis qu’elle avait épousé mais ça aurait pu être lui, c’est ainsi qu’elle le raconta.

André, cet ami d’enfance, elle l’avait rencontré par hasard dans le hall d’un hôtel du boulevard où elle était entrée pour boire un café.

- Et Louis?

- Nous nous sommes séparés.

Il l’ignorait. Il voulait l’inviter à dîner, enfin si personne ne l’attendait.

- Tout ce qu’il voulait, c’était coucher.

Ils s’étaient revus à trois reprises, il avait parlé de divorce le premier jour, puis il avait dit que la vie était compliquée mais qu’il fallait assumer, puis il avait proposé de la revoir. Elle ne s’était pas donné la peine de répondre. Mais c’était comme si une fissure s’était faite dans sa poitrine, c’est ainsi qu’elle définissait ce serrement qu’elle avait ressenti entre les côtes, tu crois que c’est le cœur? Peut-être qu’elle était moins séduisante depuis que Louis l’avait quittée. Peut-être qu’il faut être deux pour qu’une femme soit vraiment belle?

Je voyais Isabelle plus souvent désormais. Il y avait entre nous, c’est ainsi que je le traduisais, avec une sorte de lâcheté peut être, une connivence presque fraternelle. De plus j’admirais sa détermination à oublier Louis, à faire comme s’il n’avait jamais existé, à se reconstruire comme elle disait.

A chaque fois qu’elle avait une aventure je m’en réjouissais avec elle. Mais c’était toujours une aventure sans lendemain parce qu’elle ne voulait pas se lier en attendant qu’elle ait choisi celui avec lequel, elle disait « un homme ayant vécu », elle se sentirait en sécurité tant mentalement que physiquement.

- Tu comprends, disait elle, je veux que nous ayons la même façon de penser pour le connaître mieux que n’importe quelle autre femme, et pour qu’il ait envie de moi jusqu’au dernier de nos jours. Elle éclatait de rire. Enfin, le plus tard possible. On peut, paraît-il, faire l’amour jusqu’au delà de quatre vingt ans.

Cette situation, qui m’arrangeait je l’avoue, durait depuis quelques temps. Nous passions la nuit ensemble.  

- Tu te souviens de George?, me dit-elle un jour.

Il était avec André, Michel et Louis, un des garçons avec lesquels, adolescente, elle sortait, heureuse, au centre d’une cour attentive à lui plaire. On lui avait dit, c’est André qui le lui avait dit, que George était devenu dépressif depuis que sa femme l’avait abandonné parce qu’elle ne supportait plus sa propension à toujours s’attendre au pire.  

Isabelle s’attendrissait en songeant à celui qui avait été le plus timide des garçons, le plus reconnaissant lorsqu’elle lui souriait, celui qui était le plus prévenant, toujours disposé à aider un ami. Elle se souvenait de cette anecdote qu’il avait lui-même racontée en se moquant de lui-même: il avait un jour servi d’alibi à un de ses amis qui trompait sa femme, et qui avait séduit celle que lui, George, aimait sans oser le lui dire.

- On était en pleine tragédie.

Isabelle avait haussé les épaules.

- Eh bien moi, j’ai envie de le revoir. Peut-être qu’il a besoin qu’on lui tende la main. Je sais ce que c’est: un être qu’on laisse.

Cette compassion qu’elle se découvrait pour George allait de pair avec un certain détachement à mon égard. Pendant deux mois elle ne m’avait plus donné de ses nouvelles. Lorsque je téléphonais, c’est son répondeur qui me demandait de laisser mes coordonnées mais elle ne rappelait pas.

J’éprouvais une sensation bizarre. Je ne voulais pas croire que c’était parce que les récits d’Isabelle me manquaient, et cette simplicité avec laquelle elle se mettait au lit, nue, après s’être lavée en me parlant depuis la salle de bain.

Peu de temps plus tard, j’ai appris par des amis qui nous étaient communs que George allait beaucoup mieux. Isabelle et lui se voyaient régulièrement, ils avaient pris une semaine de vacances ensemble dans un appartement qu’il possédait à la côte.

Il avait repris goût aux affaires, et Isabelle l’aidait de son mieux. Sans trop le montrer, les hommes, m’avait-elle dit un jour, n’aiment pas ça.

On disait, ce sont ces mêmes amis communs qui le disaient, qu’ils envisageaient de se marier dès que leurs problèmes de divorce seraient réglés.

Je n’ai plus revu Isabelle. Peut être est-ce moi qui aurais dû l’épouser ?

 

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INVITATION À LA FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES

Si vous êtes dans la région de Bruxelles ce weekend, j’ai le plaisir de vous inviter à venir me dire bonjour à la Foire du Livre de Bruxelles .  J’y serai présente demain, le 23 février, entre les 17 et les 19 heures, à l’invitation du Service du Livre Luxembourgeois, un service culturel de la Province du Luxembourg belge avec lequel je collabore depuis l'an 2000. Pour lire plus

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