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Un cadeau d'anniversaire original.

Louis avait été le premier homme qui lui ait fait l’amour. Elle avait vingt ans, et lui en avait vingt-quatre. Louis, durant la nuit, avait pénétré dans sa chambre, s’était glissé dans son lit et l’avait réveillée en lui faisant l’amour. Il avait dit qu’il l’aimait, qu’il en avait trop envie, et après qu’elle se soit abandonnée, le corps lourd et les nerfs à vif, il avait dit que si elle était fâchée, dès le matin il s’en irait. Ils firent l’amour plusieurs fois cette nuit là. En amour comme à la guerre tout est affaire d’action.  Six mois plus tard, ils se mariaient. Il y a un temps propice à l’amour et un autre au mariage.

Le père de Louis était mort à peu près au moment où Louis avait rencontré Julie. Il possédait dans une des rues les plus animées de la ville un magasin de meubles dont sa mère et lui durent dès lors s’occuper.

Louis et Julie se firent aménager un appartement confortable au dessus du magasin. Julie se chargeait de la vente aidée d’une jeune vendeuse, Louis procédait aux achats. Commerçants établis et prospères, Louis et sa femme n’avaient aucun souci d’argent.

C’était une situation agréable sinon que parfois elle engendrait des périodes d’ennui difficiles à combler.

Il y avait un couple d’amis, les Meunier, qu’ils fréquentaient plus volontiers que d’autres. Georges Meunier était architecte et passait pour un artiste. Il concevait le plan d’ouvrages que lui commandait la municipalité mais s’intéressait peu aux détails d’exécution. C’est ce qui lui donnait cette réputation d’artiste de qui on excuse bien des choses. De plus, elle lui permettait d’exprimer au sujet des femmes des compliments parfois crus qui passaient pour la liberté de ton d’un homme plus préoccupé d’art que de convenances.

Quant à Delphine, son épouse, professeur au Lycée des filles, elle animait un club de lecture. Elle avait toujours sous le bras un magazine littéraire plié en deux mais au titre apparent. Au café, elle commandait un kir, elle n’aimait pas la bière, et le whisky était la boisson des bourgeois. En province, ces choses-là comptent. 

Les Meuniers étaient des intellectuels mais il arrivait qu’ils s’ennuient eux aussi.

- J’ai tourné un film en vacances. Il faut qu’on vous montre ça.

C’était en août que Georges l’avait proposé. Ils étaient allés en Corse, Delphine et lui, et y avaient passé deux semaines.

Le lendemain soir après le diner, ils s’installèrent tous les quatre au salon devant un magnifique poste de télévision aux images aussi claires que celles projetées sur les écrans de cinéma. Sur une table basse devant les fauteuils pour deux placés en L, Georges avait préparé des verres et différentes boissons afin que chacun puisse se servir comme il l’entendait. Et des biscuits pimentés, de ceux qui donnent soif, qui se grignotent malgré soi et qui, en craquant, ajoutent à la convivialité bon enfant qui règne entre amis véritables.

Il glissa une cassette dans le lecteur.

Il y eut d’abord Delphine qui faisait des grimaces à la caméra. Elle était en maillot deux pièces et se couvrait la poitrine de ses bras croisés. Elle se tortillait comme dans les films muets. Puis plus loin, on voyait que c’était la fin de l’après-midi, Delphine se dorait au soleil, la poitrine dénudée, en fixant la mer. Puis c’est la caméra qu’elle regardait, debout, les mains sur les hanches.

-Tu veux montrer que tu es bien faite ? D’accord, c’est vrai.

Louis entoura les épaules de Julie.

- Julie aussi est bien faite, dit Georges. Tu n’as pas de raison de te plaindre.

Soudain il y eut sur l’écran des striures comme on en voit quand  la pellicule se déchire, on entendit des « ah », et enfin des images claires à nouveau. Mais c’étaient celles d’un homme qui pénétrait une femme et dont le sexe tendu était si gros, et on le voyait à chaque fois qu’il relevait le derrière, que le visage de la femme exprimait à la fois de la douleur et de l’extase.

- Nom de dieu, il a du se tromper, cet imbécile.

Mais le film continuait de tourner.

Parce qu’ils avaient bu quelques verres, c’est Delphine qui proposa :

- Et si vous passiez la nuit ici ? Le lit est assez grand.

La vie de Louis et de Julie venait de se transformer.

- C’est plus convenable que les maisons échangistes. Tu ne sais jamais qui met ta femme dans son lit.

Pour l’anniversaire de Julie, Louis s’ingénia à trouver un cadeau original. Il eut une illumination. A proximité de la gare, il y avait un hôtel dont certains disaient que c’était un bordel. Les pensionnaires en étaient originaires des pays de l’Est de sorte que leurs propos maladroits suscitaient le rire de leurs pratiques.

Après la fermeture du magasin, Louis et Julie garèrent la voiture dans le parking de la gare. Le Berkeley était une maison d’aspect convenable. Autant que celui  d’autres maisons bourgeoises du quartier.

Derrière la porte d’entrée un corridor étroit conduisait à l’escalier des étages. A début du corridor il y avait une fenêtre ouverte.

C’est Louis qui s’avança. Julie avait baissé la tête et relevé le col de son manteau.

- On m’a recommandé votre maison. C’est pour Marushka.

- Bien sûr, Monsieur.

La tenancière lui tendit une clé.

- C’est au premier étage, la chambre n° 4. Je préviens Marushka.

Dès les premiers pas les sensations se modifient, pensa Louis. Julie avait le cœur qui battait fort. Elle avait envie de partir. Ils montèrent l’escalier en se tenant par la main.

Louis frappa à la porte et l’ouvrit sans attendre. Il avait le sentiment que c’était à lui de diriger les opérations. Maruhska était assise sur le lit, le peignoir entr’ouvert, les jambes relevées. C’était une jolie femme un peu dodue. Elle souriait.

- C'est pour mon anniversaire ?

Julie semblait tétanisée. C’est elle qui lui découvrit les épaules. Elle s’assit sur la chaise qui se trouvait auprès du lit et porta la main à sa poitrine. C’est elle qui poussa Louis vers le lit.

 

 

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Commentaires

  • Découverte d'un univers dont j'ai entendu parler évidemment, mais que je ne connaissais pas.

    Après tout, je préfère encore ma vie malgré toutes les souffrances endurées que elle de ces gens qui ne savent quoi inventer pour chasser leur ennui.

    Un jour,l'on m'a demandé de corriger un livre avant son édition : j'ai accepté pour faire plaisir et à titre bénévole évidemment. Des situations de ce genre y étaient développées .... toujours provoquées par l'ennui, l'argent, des facilités d'existence ... Vous vous écrivez mieux .... là, c'était quelconque. Mais on y donnait, en miroir, l'existence d'une Afrique qui m'était totalement inconnue. Et que, bien entendu, le Belges de Belgique imaginaient telle concernant les "Coloniaux" honnis.

     Alors oui, l'univers des Romantiques est plus accessible et plus ouverte au rêve.  Même si le style des Gretchen en uniforme etc. (Vous connaissez je suppose) nous a été proposé en lecture il y a très longtemps.

    Bonne soirée à vous. Vraiment vous avez le don de décrire, avec talent, n'importe quelle situation.

    A demain ? Rolande.

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