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Prince à la robe ornée de couleurs,
Ne paraissant qu'à l'appel de la lumière,
A l'été finissant, aux dernières chaleurs,
Il vogue au gré de ses frêles bannières.
Prince aux atours de princesse qui vole ;
Pour seule arme, la faiblesse de sa beauté
Lui donne un jour, un seul jour pour qu'il vole
Un brin de charme aux peu d'heures comptées.
Prince aux saveurs dernières du jour couchant,
Tes voiles légères de parfum en parfum
Semblent parler d'amour et de nouveau printemps
A toutes les fleurs demeurées au jardin.
« Les poissons vert pâle » est un spectacle absolument croquignolet comme se plaît à dire le Routard, alors qu’il est supposé décrire les pires affres de la vie familiale quand tout bascule… Envoyez musique et paroles! L’écriture théâtrale de Valéry Bendjilali, riche, enlevée, joyeuse et intense se greffe sur la nouvelle éponyme de Katherine Kreszmann Taylor qui fait partie de son opus « Ainsi mentent les hommes » (1953). On connait surtout cette auteure américaine, première femme nommée professeur titulaire à L’université de Gettysburg (Pennsylvanie) par son premier roman : « Inconnu à cette adresse » (1938), un récit de portée universelle.
Il s’agit d’une famille très ordinaire. L’envoi est donné le jour des funérailles de la mère du narrateur (un exquis Valéry Bendjilali) , lorsqu’il met en pratique une expérience proustienne, où le goût acidulé d’une tarte aux cerises réveille tout à coup dans le cœur de l’adulte de quarante ans, une foule de souvenirs familiaux enfouis dans sa mémoire émotionnelle. Ces souvenirs éclatent comme des bulles de réminiscences douces-amères, au fil de la remémoration de la jeunesse révolue et des occasions d’aimer évanouies dans le fleuve de la vie. Le spectateur est franchement ébloui par l’immense justesse des perceptions, la grande pudeur des propos rassemblés dans une histoire sans doute filtrée à travers le prisme d’une certaine idéalisation du passé. Boris Cyrulnik n’a pas tort quand il dit que l’on finit par caraméliser le passé pour en contenir et exorciser les souffrances. Cette écriture engage le spectateur à réfléchir à la beauté véritable du pardon, à la vertu de la communication, à l’observation bienveillante du monde. Des vertus en fait instillée par sa mère adorée… une source inépuisable d’amour.
La mise en scène perfectionniste de Patrice Mincke (Le Noël de Monsieur Scrooge, L’Avare, Le portrait de Dorian Gray pour n’en citer que trois) fait évoluer deux merveilleux musiciens de jazz ( Nicholas Yates et Antoine Marcel) et leur moelleuse contrebasse et leur émouvante trompette aux côtés des trois comédiens : Valéry Bendjilali, Bénédicte Chabot, Benoît Verhaert pour en faire un quintet d’une belle complicité qui cisèle les sentiments avec délicatesse pour aboutir à un bijou de théâtre intimiste et raffiné dans lequel le rire est loin d’être absent, malgré la violence de toutes les blessures familiales perpétrées souvent par pure maladresse et inconsciemment.
Bénédicte Chabot interprète le tendre personnage de la mère qui porte en elle la lumière et le charme des reflets nacrés de la perle, liés à une féminité et une humilité souriante et apaisante d’une autre époque. Avec ses robes signées National Geographic années 50, elle fait preuve de douceur angélique et d’indulgence face à Charles, ardent commis voyageur, distributeur de frigidaires, admirablement joué par Benoit Verhaert. C’est un être violent, insatisfait, durci par les déceptions de la vie, un mari bourru, occupé uniquement de lui-même, ancré dans ses urgences et ses visées matérielles, injuste dans ses relations avec ses deux fils Gordon et Ricky - qu’il s’évertue à appeler Dick par mépris - et qu’il se plaît à mettre sans cesse en compétition, semant allègrement autour de lui les graines de l’envie et de la jalousie. Le héros de l’histoire - ah! la terrible quête de reconnaissance et de fierté paternelle! - fuira le milieu devenu toxique, malgré la douleur qu’il inflige à la personne au monde qu’il aime le plus… Nombre de problèmes familiaux ne se rapportent-ils pas au besoin d’être reconnu, d’être aimé ? Cela vaut pour tout le monde dans cette famille...
Ainsi valsent au gré de l’histoire, les sous-entendus, les petites phrases assassines, les non-dits, les charges émotionnelles, les explosions de colère, les silences révélateurs, et finalement, la fuite salvatrice, la culpabilité. Chacun peut repérer dans le miroir de la représentation telle ou telle bribe de vérité qui percute notre histoire personnelle. L'empathie du public s’installe tellement fortement au cours du spectacle, l’onde de transmission est tellement puissante, l’imaginaire est tellement bien sollicité par la conjonction des tableaux et de la musique, que l'on en vient à faire émerger en soi, des choses que la mise en scène n'y avait sans doute pas mises intentionnellement! C’est dire la richesse et la magie de la mise en œuvre du très poétique texte original.
Et finalement, cette constatation heureuse et universelle que oui, la beauté et l'amour de la nature peuvent nous sauver… Y compris la beauté de l’écriture du jeune Valéry Bendjilali.
© Isabelle De Beir
Louvain-La-Neuve, Théâtre Blocry, jusqu’au 6/10. Infos et rés. : 0800.25.325. - www.atjv.be.
Au Théâtre de la Vie à Bruxelles du 9 au 20/10 Infos et rés. : 02.219.60.06. – www.theatredelavie.be
d'après Kathrine Kressmann Taylor
Adaptation Valéry Bendjilali
Mise en scène Patrice Mincke
Avec: Valéry Bendjilali, Bénédicte Chabot, Benoît Verhaert
Musiciens Antoine Marcel, Nicholas Yates
Décors et costumes Anne Guilleray
Lumières Philippe Catalano
Coach vocal Daphné D'Heur
Assistante à la mise en scène Sandrine Bonjean
Une coproduction de L’Autre Production, de l’Atelier Théâtre Jean Vilar, du Théâtre de la Vie et de DC&J Création.
https://www.atjv.be/Les-Poissons-vert-pale
https://www.theatrezmoi.be/les-poissons-vert-pale
http://www.theatredelavie.be/spectacle.asp?id=%7B4812DD46-9B36-462C-959B-331C6F0553D3%7D
A l'encre de ma vie, j'ai exploré les mots
J'y ai mis la douceur, une forme de repos...
Et puis cette passion qui fait marcher le monde
Elle sait donner raison aux âmes vagabondes...
Derrière guerres et misères qui font rougir l'humain
Il fallait que je trouve des raisons à demain!
Laisser parler la vie et chanter les oiseaux
Et dans l'air respiré, humer quelques cadeaux!
A l'encre de ma vie j'ai dessiné l'amour
En lui mettant des ailes pour oublier les jours...
D'une force fragile, créer... la légèreté
Car tout est plus facile quand on en est bercé.
L'automne a des reflets à nul autre pareil
Le vert, le rouge et l'or au soleil font merveille!
Pour accepter l'hiver et l'encre qui se gèle
Juste laisser quelques mots qui feront la vie plus belle!
J.G.
Comme les images de neige
qui vont dans le coeur
des enfants
il arrive que des choses
minuscules
très ordinaires
fassent chanter
nos chemins
Martine Rouhart
En hiver, la nature se tait, pour que la chute musicale de la neige,
sur la terre offerte et dévêtue, puisse être audible et chaude.
Sur les chemins et les monts, naissent alors de vastes
partitions où les empreintes de nos pas, y sont devenues notes !
Oh douces et suaves sonorités sur notre terre blanche, vous me
faites penser au grand silence nu, en lequel, vous existez de décembre
au mois de février !
Voilà pourquoi j'aime tant l'hivers !
NINA.
Ma peau contre la vôtre taiseuse est ce
jardin sonore, princier à l'infini,
d'où de précieuses essences à l'instar d'offrandes,
partout en vous s'infusent et vous entêtent,
à votre peau redonnent une voix.
S'aimer, se parler comme ça.
NINA
Les roses à certaines heures se donnent, se déploient
sous le ciel contemplatif et vert, sur cette terre bleue
exhalent leurs parfums, sous mes doigts s'adoucissent !
Les roses à certaines heures, sont femmes, de l'aube
jusqu'à 10 heures, se laissent baptiser par le désir
du ciel, frôlant le jardin bleu.
NINA
Il est encore très tôt, 6h, le premier mot de l'aube, l'entrebâillement du jour
et le soleil déjà tombé par terre ; un jardin de lumière, ma tête en fête car
avec vous je suis.
Mon esprit alors devient corps, mes pensées tout en or léger !
Je vole dans ce long train qui roule sans mystère : Champs de courses d'Enghien
jusqu'à la gare du Nord et vice versa à vie .......
Et moi, j'existe loin d'ici.
Je sais toutes vos couleurs, vos frissons, vos gestes retenus, vos mots tus, car
vous vivez et grandissez en moi.
Le train vient de s'arrêter à la gare d'Epinay, n'est ce pas étrange et délectable
d'y apercevoir une mer marine ?
Ecrire c'est voyager, sans papier, sans argent, mais avec juste cette
désinvolture, cette audace, cet émerveillement, qui caractérisent les écrivains, les
poètes ?
NINA
La vie ne se donne t-elle pas,
essentiellement pour qu'elle puisse être créée
par celui ou par celle qui la reçoit ?
N'est-elle pas une page blanche,
une toile vierge, une partition naissante
et silencieuse ?
La plus belle possibilité qui soit ?
NINA
A défaut de mots, ma main un peu perdue en touchant votre absence,
en devine la peau !
Cette invisible peau, oh grand jamais ne rassasiera la mienne, qui
ne s'en lasse guère, la mêle peu à peu à mes mots, devenus "nôtres" ;
ainsi naît, voit le jour et grandit le langage du corps, fiancé à l'esprit !
Ecrire c'est aussi tout cela.
NINA
Ces pas sombres venant du ciel, n'atteignent plus
ni mon esprit, ni mon corps, devenus clairs,
n'évincent plus l'ensoleillement en moi, même lorsque
je suis triste, un brin mélancolique !
Sais tu que j'ai appris, par la seule force de l'écriture,
la légèreté, jusqu'à ce privilège de presque tout créer,
pour partager ?
Ecrire c'est ce flamenco bleu, sur cette place blanche,
puis ses empreintes laissées.
C'est ce bien être dans le mal être,
ce soleil pourpre dans un ciel trop fermé,
NINA
Puissent vos yeux avoir cette mémoire d'eux et d'elles,
porter ce tatouage de moi,
l'infinitude de cet amour là !!!!
NINA
Qu'on soit petit, ou qu'on soit grand,
Quand on n'a pas vingt balles en poche,
On se sent seul, c'est pas marrant,
D'avoir du vent dans ses valoches.
Alors on fait comme les oiseaux
Qui planent l'aile sous le vent,
Comme le poisson dessous la roche
Qui laisse glisser le courant.
Je rêve d'un monde sans monnaie
Ou le Dollar deviendrait rose
Lilas, pensée ou bien bleuet.
Un monde en fleur, pas en Euro.
L'amour ne serait plus payant
Car c'est lui même qui jaillirait,
Des sources pures, des torrents,
C'est vrai, on peut toujours rêver.
Et quand les hommes vivront de paix,
Que la bête aura disparu,
Quand tous les voiles seront tombés,
Que les fusils se seront tus,
C'est que les hommes sauront comment
Être des sages, pas des prophètes,
En glissant l'aile sous le vent,
Comme l'oiseau dans la tempête.
...
Écrit en août 1999, presque 20 ans et pas une ride.
CE QU’EN DIT LA PRESSE
« Le rythme est époustouflant, l’inventivité chorégraphique scotchante, les artistes formidables et les chansons d’Yves Montand, toujours aussi belles. Un régal. » Télérama
« Tout simplement jubilatoire ! Accompagnés d’un accordéoniste, quatre superbes comédiens et chanteurs font vivre avec une énergie communicative, son épopée, sans artifice ou presque. Un très beau spectacle dont on ressort le cœur empli d’allégresse. » Le Parisien
Bon tout est dit, mais on va en rajouter… Car on a adoré la production de Ki M’aime me suive! Ecoutons d’abord Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, les créateurs-comédiens metteurs en scène : « Raconter l’histoire d’Yves Montand nous est apparu instantanément comme une évidence. La force du personnage, la période historique qu’il traverse et les rencontres qui jalonnent sa vie sont au-delà de l’imagination. Ne disait-il pas lui-même : « Les meilleurs scénaristes s’inspirent de la vraie vie ». Le destin d’Ivo Livi nous plonge dans la grande histoire, celle du XXe siècle, du fascisme en Italie, de l’occupation en France, de la guerre froide et du communisme. L’histoire d’un migrant, qui poussé par la passion du cinéma et du music-hall devient un artiste hors norme.
Un artiste qui a su parler à toutes les couches sociales de son pays. Du prolétariat à la bourgeoisie en passant par les grands intellectuels de sa génération, le monde entier a été conquis par ce phénomène. Un artiste de la mondialisation donc, bien avant l’heure, puisqu’il fut le premier à importer le concept de one-man-show et qu’il fût aussi bien applaudi à Paris qu’à Tokyo, Moscou, New York etc. Nous souhaitons développer une narration singulière, sans artifice, inviter le public à se projeter avec nous, à tout faire exister avec rien. »
C’est exactement ce qui se passe sur le plateau du théâtre Le Public. Les cinq joyeux saltimbanques, comédiens-chanteurs-danseurs vêtus d’ensembles marron, ne cessent d’éblouir par leur virtuosité et leur vitalité. En trois temps, trois mouvements on passe de l’Italie de Gigi l’Amoroso à l’Italie fasciste où règne la terreur au moment de la naissance du futur Yves Montand. Treize heures d’accouchement, faites chauffer l’eau des pâtes, et soufflez madame, la star est née sous les chants des partisans communistes. La pétulante mamma italienne est mâtinée de mère juive explosive ! L'avenir est dans les claques. et dans le bilinguisme: Ivo, Monte! Ivo, vai su!
Le récit démultiplié et facétieux se développe comme une mosaïque, comme un kaléidoscope sans cesse renouvelé, chaque artiste faisant l’Artiste à son tour… Avanti popolo ! Rafles, xénophobie, la famille décide de fuir vers l’Amérique de … Dicaprio ! Pitreries de Lucky Luke, Bonjour les anachronismes, pourquoi pas ! Las ! A l’ambassade, no more visa, Basta !
Installation forcée et vie pauvre mais pittoresque dans les bas-fonds de Marseille, tous solidaires. Quelle tendresse, quelle résilience, quel exemple de solidarité, ces familles de réfugiés! Un salon de coiffure pour la sœur dans le garage, Ivo est la coqueluche des vieilles dames… Il rêve d’une seule chose, les planches et le spectacle. Il adore Fred Astaire: « I’m in heaven, dancing cheek to cheek !»
Et le public, lui aussi est au septième ciel devant tant de créativité, d’inventions, de bonne humeur qui ne cesse de traverser le quotidien tragique d’une vie légendaire et d'une carrière artistique fulgurante. Que d’humanité déposée avec le sourire dans notre imaginaire gourmand de belles et vraies histoires. On est sans cesse à l’affût dans cette chasse au bonheur, alors que pour tout décor il n’y a qu' ampoules électriques à incandescence, deux chaises et deux praticables… et un accordéon. Humour et tendresse vont et viennent, même des coups de foudre... On a devant les yeux et dans l’oreille un incessant torrent de talents chorégraphiques et musicaux généreux qui créent l'allégresse et entraînent le spectateur émerveillé vers les sommets du plaisir théâtral. Tout cela, dans l’esprit même de notre ami Yves pour qui « le devoir d’une femme et d’un homme de scène, c’est de se faire assez plaisir pour pouvoir le communiquer aux autres. » Le rythme trépidant, les mimes et les mots s’arrêtent soudain avec l’arrêt cardiaque de l’Artiste en pleine gloire et une salle comble se lève sans hésiter, émue aux larmes par un tel chef d’œuvre de scène qui a su rendre à Yves Montand un si vivant et si chaleureux hommage. Cinq étoiles.
IVO LIVI OU LE DESTIN D'YVES MONTAND
De Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos
Mise en scène : Marc Pistolesi
Avec : Ali Bougheraba (en alternance), Matthieu Brugot, Camille Favre-Bulle, Jean-Marc Michelangeli (en alternance), Cristos Mitropoulos et Olivier Sélac.
https://www.theatrelepublic.be/season.php?type=1
DU 04/09/18 AU 27/10/18
UNE PRODUCTION DE KI M’AIME ME SUIVE. AVEC LE SOUTIEN DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE. Photo affiche © Johann Hierholzer. Photos spectacle © Fabienne Rappeneau.
Envahie par d’étranges sentiments, Marie est fatiguée, dépressive même. Rien ne va. Elle cherche, perdue dans ses pensées les souvenirs de sa jeunesse, les émotions laissées par les personnes qui l’ont accompagnée chaque jour. Ils ont disparu, l'un après l’autre et ne lui laissent que d’infimes ressentis teintés de nostalgie. De tous ces êtres d’un autre temps, se détache un cercle d’intimes pour qui elle a toujours beaucoup d’affection, d’attention.
Cette vieille valise craquelée, rangée au fond d’une armoire, resurgît quand elle a besoin de se replonger dans son passé, rejoindre les années bonheur qu’elle n’a pas connus. Souvent les larmes perles d’y penser et de les revoir, intactes dans cette minuscule mallette.
La valise est pleine à craquer. Les photos en noir et blanc sont prises par un photographe professionnel. Même poses, même décors. Tous ces gens à l’air serein, ne savent pas ce que la vie leur réserve.
Les photos de mariage aux sourires enjôleurs, les beaux jeunes gens devenus soldats et partant à la guerre, laissant leurs mères effondrées. D’autres clichés plus ludiques, joyeux, des images de mamans et leurs bébés. Grand-mère, grand-père les petits enfants assis sur les genoux. Le cousin Paul, tante Juliette, l’oncle Jules et des tas de photos anonymes, secrètes, perdues.
Quand cette boite à malice est ouverte, Marie cherche toujours des similitudes avec les photos du présent. Des ressemblances incroyables, des analogies extraordinaires, des regards étonnants, des connexions singulières, des liens entre eux et elle. Cette force qui lie les morts aux vivants. Ce fil qui tient une famille.
Marie se sent mieux. Elle a repris cette énergie vue sur tous ces visages si familiers. Sa famille, les ancêtres de sa lignée, elle est fière d’en faire partie.
Une mise en scène qui dérange…
« Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. » Ce sont les mots de Patricia Kinard, une artiste-peintre belge contemporaine qui a une faculté particulière de ressentir l’invisible à travers ses sublimes peintures qui déclinent toutes les nuances de bleus. Elle cite Akong Rimpoche. Des mots qui nous parlent quand on repense à la mise en scène dérangeante de Romeo Castellucci dans « sa » Flûte Enchantée de Mozart. Voici le texte complet : "L'important, c'est de changer notre attitude. Cela nous donnera la liberté. La liberté a l'attitude d'accueillir tout ce qui nous arrive. C'est aussi simple que ça. En tant qu'êtres humains, nous sommes vivants. Être en vie, nous aurons toujours des expériences, qui que ce soit ou quoi que ce soit. Si nous nous félicitons de tout, le manque de liberté n'est pas un problème. Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. Nous développons une maîtrise de nos circonstances afin de ne pas être limité par les vieilles habitudes de pensée, de sentiment et de comportement." Serait-ce une morale partagée par Romeo Castellucci?
La Monnaie a laissé carte blanche à Romeo Catellucci qui greffe sur sa Flûte une approche des plus personnelles et engagée. Chapeau quand même, d’oser mettre en scène ce qu’il considère comme l’envers de la Flûte enchantée, à la façon d’une « Böse Fee» qui, en plein 21e siècle, se met à dénoncer l’absolutisme du pouvoir masculin de la tradition franc-maçonne du XVIII siècle. Sacrilège! Il réhabilite la Reine de la Nuit, qu’il nomme mère-protectrice, lieu géométrique de tendresse universelle, dont le lait est source d’humanité. Comme celui de la Vierge à l’enfant, dépeinte aussi couronnée d’étoiles et foulant aux pieds l’immonde serpent… Maintenant, les images qu’il donne à voir sur scène de cette symbolique sont plutôt perturbantes à regarder, car les trois mères-laitières semblent faire partie d’une épouvantable ferme humaine ! On vous passe les détails.
https://www.rtbf.be/ouftivi/video/embed?id=2401553&autoplay=1
Romeo Catellucci insiste sur la souffrance de la Reine de la Nuit: « Zum Leiden bin ich ausgekoren ! » lorsqu’elle évoque l’enlèvement de sa fille… Mais contrairement à la Vierge, « Der Hölle Rache » la vengeance infernale devient son destin, que l’on peut lire en « mort et désespoir ». Son cœur de mère, « Mutter Herz » est dévasté. Quelle lecture inédite de l’opéra de Mozart ! Romeo Castellucci va plus loin, il donne la parole aux mots écrits par sa propre sœur en lui offrant une large fenêtre au beau milieu de la fête des lumières, où les facéties bienveillantes de Papageno et de Papagena ont été réduites au strict minimini-mum… . Il projette au contraire et concentre dans cette fenêtre la souffrance de l’amour aveugle (?) vécu par des femmes malvoyantes qu’il met en lumière, et la souffrance d’hommes écorchés et brûlés accidentellement, qu’il installe dans la souffrance de la fournaise. Ou bien, sont-ils les victimes des flammes de l’amour qui brûle dès le premier coup de foudre? Ensuite, chacun de ces groupes, les femmes au service de la Reine de la Nuit, les hommes à celui de Sarastro, sert d’écrin de rites initiatoires. Les femmes entourent de leurs soins Tamino, tandis que les hommes accueillent Pamina. Au terme de cette initiation, tous deux sont comme décapés de leur souffrance. On finit par leur ôter leur perruque de scène. Ils retrouvent ainsi leur être intérieur et leur véritable chevelure… source de force secrète et mystérieuse.
Si la souffrance est une initiation pour les chrétiens, une absurdité et un scandale pour Camus, à nous de choisir, pourquoi pas, une troisième voie : celle qui conduit à regarder le monde sans complaisance, regarder en face la réalité avec toute sa joie et sa tristesse. Sans jugement. Dans l’accueil de l’autre qui est toujours, tellement … « autre », chacun avec sa propre réalité! Il est un fait que la production de Romeo Castellucci donne sur la scène prestigieuse de la Monnaie, un accès public aux handicapés, aux déshérités et aux éclopés de toute origine. Voici, au 21e siècle, exposée, la réalité des aveugles de Breughel le visionnaire, et la chute d’Icare. Tout cela se passe au beau milieu d’un décor à l’inverse intégral du rêve étincelant de blancheur présenté au premier acte fait de costumes XVIIIe, de masques, de coiffures et de maquillages parfaits et resplendissants de lumière dont aurait pu rêver la reine Marie-Antoinette. D’une ode à la perfection de la symétrie sans faille, sans défaut, sans paroles, on passe insensiblement à une esthétique de logiciel arbitraire et omnipotent. Néanmoins, la munificence évoque pour certains, la beauté légendaire des cérémonies des rois du Siam, les ballets de plumes d’autruche évoque les palmes, les oiseaux, l’envol vers des réalités chimériques… On ne peut pas échapper à la beauté de la réalisation. Mais Romeo Castellucci nous fait retomber au deuxième acte sur terre, et la chute fait mal…
Dès lors, on peut aussi comprendre la révolte de spectateurs qui, choqués par l’extrémisme naturaliste de la mise en scène du deuxième acte et son allongement intempestif par des « textes qui n’y ont rien à faire », outrés par la rébellion du metteur en scène contre l’esprit des lumières dont il veut exorciser « l’imposture », blessés, dans le droit fil de leur patrimoine de traditions artistiques, sont ressortis fâchés et heurtés par cette mise en scène iconoclaste, criant … à l’imposture.
Le premier acte, en tout cas, malgré l’éviction complète des parties parlées du livret de Schikaneder est un bouquet magistral de musiques et de beauté esthétique incluant des installations étourdissantes sur plateaux tournants. C’est bluffant. Mais surtout, la finesse et sensibilité extrême du moindre mouvement d'Antonello Manacorda , le chef qui initie voix et instruments, sont en soi plaisir et délices. Il cisèle la moindre nuance, apporte une galaxie de variations dynamiques, nous donne à entendre une mystérieuse voie lactée musicale. La direction musicale du maître Antonello Manacorda est plus que brillante et la distribution foisonne de belles voix qui excellent dans la prononciation allemande, ce que l’on ne peut pas dire pour l’anglais maltraité par les figurants du deuxième acte, où apparaît un accent flamand très prononcé, dérangeant, lui aussi. On aurait au moins préféré que les textes italiens de la sorella aient été traduits directement en flamand et en français… Qu’est-ce que l’anglais vient faire dans cette galère? On regrette aussi les voix de fausset des jeunes garçons. Est-ce intentionnel, par esprit de dérision? Les instruments semblent de mèche... Mais, tant Jodie Devos que Sabine Devieilhe interprètent une Reine de la Nuit d’une humanité poignante tandis que les autres artis deux productions font également merveille. On est certes pleinement charmé par le ravissant trio de dames : Tineke Van Ingelgem, Angélique Noldus et Esther Kuiper.
Avec en alternance Ed Lyon et Reinoud Van Mechelen comme superbe Tamino, Georg Nigel comme Papageno et sa rayonnante compagne Papagena, Elena Galitzkaya. Gabor Bretz /Tijl Faveyts comme Sarastro. L’exquise Pamina, c’est en alternance Sophie Karthäuser et Ilse Eerens.
Que voilà un beau rassemblement d’étoiles dans la nuit, sous la baguette d’Antonello Manacorda, le chef lumineux, ovationné dans un feu d’applaudissement sans oublier les chœurs si émouvants et invisibles de Martino Faggiani.
Architecture algorithmique MICHAEL HANSMEYER
Collaboration artistique SILVIA COSTA
Dialogues supplémentaires CLAUDIA CASTELLUCCI
Dramaturgie PIERSANDRA DI MATTEO, ANTONIO CUENCA RUIZ
Chef des chœurs MARTINO FAGGIANI
DIE ZAUBERFLÖTE
https://www.lamonnaie.be/fr/program/831-die-zauberflote
Danseurs
STÉPHANIE BAYLE, MARIA DE DUENAS LOPEZ, LAURE LESCOFFY, SERENA MALACCO, ALEXANE POGGI, FRANCESCA RUGGERINI, STEFANIA TANSINI, DANIELA ZAGHINI, TIMOTHÉ BALLO, HIPPOLYTE BOUHOUO, LOUIS-CLÉMENT DA COSTA, EMMANUEL DIELA NKITA, AURÉLIEN DOUGÉ, JOHANN FOURRIÈRE, PAUL GIRARD, NUHACET GUERRA, GUILLAUME MARIE, TIDIANI N’DIAYE, XAVIER PEREZ
Comédiens amateurs
DORIEN CORNELIS, JOYCE DE CEULAERDE, MONIQUE VAN DEN ABBEEL, KATTY KLOEK, LORENA DÜRNHOLZ, JAN VAN BASTELAERE, MICHIEL BUSEYNE, JOHNNY IMBRECHTS, YANN NUYTS, BRECHT STAUT
Comédiens
SOPHY RIBRAULT, CINZIA ROBBIATI, MICHAEL ALEJANDRO GUEVARA, GIANFRANCO PODDIGHE, BOYAN DELATTRE / AMOS SUCHEKI
https://www.facebook.com/ARTEConcert/videos/2265681350326666/
Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie
Académie des chœurs et chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie s.l.d. de Benoît Giaux
La presse en parle:
Deux articles dans Crescendo magazine, la référence en musique classique!
http://www.crescendo-magazine.be/a-la-monnaie-la-flute-dejantee-de-castellucci-questionne-mozart/
- https://www.lecho.be/dossier/portraits/romeo-castellucci-provocateur-et-visionnaire/9992609.html
- https://www.lecho.be/tablet/newspaper/une/romeo-castellucci-ouvre-la-saison-18-19-de-la-monnaie-et-visite-le-citroen/9930695.html ;
- https://www.szenik.eu/fr/Classique/Die-Zauberflote-message-philosophique-derriere-Flute-4255
- https://focus.levif.be/culture/arts-scenes/romeo-castellucci-une-touche-d-abject-dans-le-sublime/article-longread-902633.html
- http://www.lalibre.be/culture/musique/les-belges-sont-dans-la-flute-5ba5107acd70d3638d716e14
- https://www.diapasonmag.fr/actualite/critiques/monnaie-de-bruxelles-une-flute-enchantee-du-cote-obscur-de-la-force-28554
- http://www.michael-hansmeyer.com/zauberfloete
- https://www.giornaledellamusica.it/recensioni/romeo-castellucci-stravolge-il-flauto-magico#.W6iybMXUY34.facebook
- https://www.forumopera.com/die-zauberflote-bruxelles-la-monnaie-schikaneder-assassine
Ses graffitis sur les murs londoniens et américains sont connus dans le monde entier. « La petite fille avec un ballon rouge », une de ses œuvres les plus connues, a été retravaillée par Banksy lui-même dans une vidéo marquant les trois ans de conflit syrien. Sur son site officiel, il déclare que : « Le 6 mars 2011 dans la ville syrienne de Daraa, 15 enfants ont été arrêtés et torturés pour avoir peint des graffitis anti-autorité. Les manifestations qui ont suivi leur détention ont entraîné une flambée de violence dans tout le pays qui allait voir une révolte interne se transformer en guerre civile qui a fait déplacer 9,3 millions de personnes ». Ce montage fait partie de la campagne « With Syria », menée notamment par Amnesty international, Oxfam et Reporters sans Frontières.
Le dessin initial sera projeté sur plusieurs monuments à travers le monde, comme la Tour Eiffel de Paris et la Colonne de Nelson à Londres. Des ballons rouges seront lâchés depuis plusieurs grandes villes pour représenter le soutien du monde aux enfants syriens.
Banksy milite contre le conflit en Syrie depuis plusieurs mois déjà.
Source:
"Il s'agit d'un horizon
Quelle question
Pourquoi définir l'art
En accord avec une part
D'actions
Clef, d'une musique
Onirique
Sous le régime
D'un esprit, sublime
Les couleurs ont des sens
Avec raison et, connaissance
Mais est-il bon
De donner un don
Justifier le prompt
d'une étiquette
Pardon ..."
Cf. deux tableaux-bois
ED
10
2018
Écriture prompte