Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

compétition (2)

administrateur théâtres

L'imprésario de Smyrne au Théâtre Royal du Parc

« Scènes de la vie d'opéra »

de Carlo Goldoni , L’imprésario de Smyrne 1759 :

 

19.01 > 17.02.2024

 

Avec une distribution éblouissante de vitalité et de férocité devant une salle comble au théâtre du Parc, cette pièce sans concessions de Carlo Goldoni jouée à L'Aula Magna de Louvain-la-Neuve en septembre dernier a recueilli des applaudissements   passionnés.  Dans cette pièce du 18e siècle, Goldoni déterre les racines du théâtre comique et met à jour les travers de l’homme et de la société.  Il faut saluer l’adresse et l’intelligence de ce dramaturge subversif qui continue à plaire jusqu’à nos jours, dans son jeu fatal et splendide d’inexorables touchés-coulés.

 

C’est que le Molière italien se moque du tout Venise, des grands, des puissants, des hypocrites et des gens sans cœur.  Ainsi le metteur en scène travaille à coups de masques blancs brossés au plâtre sur des visages aux bouches de clowns. Comédiens, chanteuses lyriques et ensemble baroque sont tous, de noir habillé pour faire une fois pour toutes le deuil du bon, du beau et du vrai en Majuscules. Ni couleurs, ni nuances, l’image que nous recevons du monde des grands interprètes de l’opéra est celle d’une bande de fausses divas insatiables, qu’ils soient hommes ou femmes, tous, gredins avides et sans conscience. Peu importe le genre ou le sexe, orgueilleux en diable, ils sont pris d’une incroyable frénésie de survie dans leur course au cachet. Car c'est par-dessus tout, l'argent qu'ils convoitent et accessoirement, la renommée. S'ils avaient du cœur, le voilà désormais fibre inutile et desséchée.

 

Goldoni mène dans un rythme affolant une descente aux enfers où l’autre n’existe pas. C’est intense et - en version comique - aussi dur que celle de l’auteur américain… dans « They shoot horses, don’t they ? » Le marathon est désespéré et iconoclaste. Furieusement théâtral.

%C2%A9Dominique-Breda-3-scaled.jpeg?profile=RESIZE_584x

 

Laurent Pelly, metteur en scène de théâtre et d’opéra sert au public interloqué, un chef-d’œuvre d’hypocrisie, de trahisons, d’égoïsmes suraigus, bref, une entretuerie sans merci, dans un monde qui chavire avec ce plateau désertique et son cadre doré de guingois. On est bien sûr aux antipodes de la solidarité, plongés dans l’horreur du sauve qui peut. Les bêtes d’opéra sont prises comme dans un laboratoire qui semble dire que tous les milieux se prêteraient bien à l’exercice ! C’est brillant, incisif, divertissant et amer. Parfait pour les amateurs de roquette : vivifiant et vitaminé, question de réveiller les esprits endormis par la routine et le confort.

 

Bien sûr dans cette course haletante pas la moindre paillette de bonheur, ni de rêves poétiques, encore moins d’amour, mais une vision du monde acéré de Darwin : « Eat or be eaten » Mensonge, perfidie, tout est bon aux arrivistes qui veulent percer dans ce monde travesti. On assiste à une amplification particulièrement satirique et grinçante de la phrase de Shakespeare : « the world is a stage ». Et c’est tellement drôle !

 Par ailleurs, on pourrait se demander si les dieux s’amusent là-haut des travers humains ou si c’est le Dieu Argent lui-même qui est descendu sur le plateau blanc, glissant et bancal pour procéder à son savant jeu de massacres. Dans cette Venise fière, riche et tourbillonnante mais en perdition, chaque humain semble perdre pied pour être pris inexorablement dans la plus dangereuse des danses macabres.

 

Alors, on se laisse très vite gagner par la magie théâtrale du grand guignol mondain si bien mené. C’est la jubilation devant le jeu impeccable des comédiens, le mystère des gondoles invisibles qui débarquent un à un les protagonistes dans l’enfer blanc du plateau, et ces les voix admirables des chanteurs lyriques. Bref, la communion avec les artistes vivants s’installe, et le rire, baume universel des plaies du monde. Et puis la grâce est là, avec ce magnifique trio de musiciens, presque caché aux yeux du public , qui soutient sans relâche les pages du drame cruel avec une ferveur obstinée. Avec la célèbre soprano Natalie Dessay, on gardait ceci pour la fin.

 L’harmonie retrouvée ? Un ressourcement infini : la Musique.

 

Dominique-Hélène Lemaire,Deashelle pour Arts et Lettres

%C2%A9Dominique-Breda-4-scaled.jpeg?profile=RESIZE_584x

Au Théâtre Royal du Parc
Rue de la Loi 3,
1000 Bruxelles
+32 2 505 30 30

 

*crédit photos: Dominique Breda

A partir de L’Impresario de Smyrne (1759) et du Théâtre Comique (1750) de Carlo GOLDONI.


Par l’un des plus talentueux metteurs en scène de sa génération, Laurent Pelly.

Avec la grande chanteuse d’opéra et comédienne Natalie Dessay

Distribution :
Natalie Dessay : Tognina, chanteuse vénitienne
Julie Mossay : Annina, chanteuse bolognaise
Eddy Letexier : Ali, marchand de Smyrne et Nibio, impresario
Thomas Condemine : Carluccio, ténor
Cyril Collet : Le Comte Lasca, ami des chanteuses
Antoine Minne : Maccario, pauvre et mauvais poète dramatique
Jeanne Piponnier : Lucrezia, chanteuse bolognaise
En alternance Raphaël Bremard et Damien Bigourdan : Pasqualino, ténor
Musiciens : Louise Acabo (clavecin), Octavie Dostaler-Lalonde et Arthur Cambreling en alternance (violoncelle), Ugo Gianotti et Paul Monteiro en alternance (violon)

Mise en scène et costumes Laurent Pelly
Traduction et adaptation Agathe Mélinand
Scénographie Laurent Pelly et Matthieu Delcourt
Création lumière Michel Le Borgne
Assistanat à la mise en scène Laurie Degand
Création sonore Aline Loustalot
Réalisation costumes Julie Nowak, assistée de Manon Bruffaerts, Jeanne Dussenne et de l’atelier du Théâtre de Liège
La pièce est publiée dans la traduction française d’Agathe Mélinand par L’Avant-scène théâtre.

 

 

Lire la suite...
administrateur théâtres

« Les poissons vert pâle » est un spectacle absolument croquignolet comme se plaît à dire le Routard, alors qu’il est supposé décrire les pires affres  de la vie familiale quand tout bascule… Envoyez musique et paroles! L’écriture théâtrale de Valéry Bendjilali,  riche, enlevée, joyeuse et intense se  greffe sur la nouvelle éponyme de Katherine Kreszmann Taylor qui fait partie de son opus « Ainsi mentent les hommes » (1953). On connait surtout cette auteure américaine, première femme nommée professeur titulaire à L’université de Gettysburg (Pennsylvanie)  par son premier roman : «  Inconnu à cette adresse » (1938), un récit de portée universelle.

L’image contient peut-être : 3 personnes, personnes souriantes, personnes debout et plein air

L’image contient peut-être : 1 personne, chaussures et intérieurIl s’agit d’une famille très ordinaire. L’envoi est donné le jour des funérailles de la mère du narrateur (un exquis Valéry Bendjilali) , lorsqu’il  met en pratique une expérience proustienne,  où le goût acidulé d’une tarte aux cerises réveille tout à coup  dans  le cœur de l’adulte de quarante ans, une foule de souvenirs familiaux enfouis dans sa mémoire émotionnelle. Ces souvenirs éclatent comme des bulles de réminiscences douces-amères,  au fil de la remémoration de la jeunesse révolue et des occasions d’aimer évanouies dans le fleuve de la vie.  Le spectateur est franchement ébloui par l’immense justesse des perceptions, la grande pudeur des propos rassemblés dans une histoire sans doute filtrée à  travers le prisme d’une certaine idéalisation du passé. Boris Cyrulnik n’a pas tort quand il dit que l’on finit par caraméliser le passé pour  en contenir et exorciser les souffrances. Cette écriture engage le spectateur à réfléchir à la beauté véritable du pardon, à la vertu de la communication, à l’observation bienveillante du monde. Des vertus en fait instillée par sa mère adorée… une source inépuisable d’amour.

42045305_1991075590935866_8699165600431210496_n.jpg?_nc_cat=108&oh=a61e55fb3530af9abcc4b523f1efcdd2&oe=5C1632A0&width=400  La mise en scène perfectionniste de Patrice Mincke  (Le Noël de Monsieur Scrooge, L’Avare, Le portrait de Dorian Gray pour n’en citer que trois) fait évoluer deux  merveilleux musiciens de jazz ( Nicholas Yates et Antoine Marcel) et leur moelleuse contrebasse et leur émouvante trompette  aux côtés des trois comédiens : Valéry Bendjilali, Bénédicte Chabot, Benoît Verhaert pour en faire un quintet d’une belle complicité qui cisèle les sentiments  avec  délicatesse pour aboutir à un bijou de théâtre intimiste et raffiné dans lequel le rire est loin d’être absent, malgré la violence de toutes les  blessures familiales perpétrées souvent par pure maladresse et  inconsciemment.

L’image contient peut-être : 3 personnes

Bénédicte Chabot interprète  le tendre  personnage de la mère qui porte en elle la lumière  et le charme des reflets  nacrés de la perle, liés à  une féminité et une humilité souriante et apaisante d’une autre époque. Avec ses robes  signées  National Geographic années 50, elle fait preuve de douceur angélique et d’indulgence  face à Charles, ardent commis voyageur, distributeur de frigidaires,   admirablement joué par Benoit Verhaert. C’est un être violent, insatisfait,  durci par les déceptions de la vie, un  mari bourru, occupé uniquement de lui-même, ancré  dans ses urgences et ses visées matérielles, injuste dans ses relations avec ses deux fils Gordon et Ricky - qu’il s’évertue à appeler Dick par mépris -  et qu’il se plaît à mettre sans cesse en compétition, semant allègrement  autour de lui  les graines de l’envie et de la jalousie. Le héros de l’histoire -  ah!  la  terrible quête de reconnaissance et de fierté paternelle! -  fuira le milieu devenu toxique, malgré la douleur qu’il inflige à la personne au monde qu’il aime le plus… Nombre de  problèmes familiaux ne  se rapportent-ils pas au besoin d’être reconnu, d’être aimé ? Cela vaut pour tout le monde dans cette famille...

L’image contient peut-être : 3 personnes, personnes assises

Ainsi valsent au gré de l’histoire, les sous-entendus, les petites phrases assassines, les non-dits, les charges émotionnelles, les explosions de colère, les silences révélateurs, et finalement, la fuite salvatrice, la culpabilité. Chacun peut repérer dans le miroir de la représentation  telle ou telle bribe de vérité qui percute notre histoire personnelle. L'empathie du public s’installe tellement fortement au cours du spectacle, l’onde de transmission est tellement puissante, l’imaginaire est tellement bien sollicité par la conjonction des tableaux et de la musique, que l'on en vient à  faire émerger en soi,  des choses que la mise en scène n'y avait sans doute  pas mises intentionnellement! C’est dire la richesse et la magie  de la mise en  œuvre du très poétique texte original.

Et finalement, cette constatation heureuse et universelle que oui, la beauté et l'amour de la nature peuvent nous sauver… Y compris la beauté de l’écriture du jeune Valéry Bendjilali.  

L’image contient peut-être : 1 personne, sur scène

 © Isabelle De Beir

Louvain-La-Neuve, Théâtre Blocry, jusqu’au 6/10. Infos et rés.  : 0800.25.325. - www.atjv.be.

 Au  Théâtre de la Vie à Bruxelles du 9 au 20/10 Infos et rés.  : 02.219.60.06. – www.theatredelavie.be   

 

 d'après Kathrine Kressmann Taylor

Adaptation Valéry Bendjilali

Mise en scène Patrice Mincke

Avec: Valéry Bendjilali, Bénédicte Chabot, Benoît Verhaert

Musiciens Antoine Marcel, Nicholas Yates

Décors et costumes Anne Guilleray

Lumières Philippe Catalano

Coach vocal Daphné D'Heur

Assistante à la mise en scène Sandrine Bonjean

Une coproduction de L’Autre Production, de l’Atelier Théâtre Jean Vilar, du Théâtre de la Vie et de DC&J Création. 

https://www.atjv.be/Les-Poissons-vert-pale

https://www.theatrezmoi.be/les-poissons-vert-pale

http://www.theatredelavie.be/spectacle.asp?id=%7B4812DD46-9B36-462C-959B-331C6F0553D3%7D

 

 

Lire la suite...

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles