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La Nymphe

LA NYMPHE

 

 

Paroles veloutées d'un pétale léger soupirant sur les lèvres

Origine exhalée des troubles d'une sensualité suprême,

Enivrée d'un fécond désir telle l'écume sur la grève.

 

 

Minauderies chatoyantes d'un bonheur qui prélude l'hymen

Éphémère, par un instant d'oubli couronné de chimères.

Élégie extrême aux cruels baisers languissants,

Mélancoliques, abandonnés aux instants oniriques.

 

 

Envol lyrique du volcan de rubis confondu dans l'amour,

Oriflamme exaltée à la pointe du jour.

Pathétique confusion que l'amour crédule caressé au présent.

 

 

Dans l'azur du lointain confus s'évanouira la nymphe,

Assouvie des moments furtifs d'une passion terrestre,

Mouvementée par la rudesse des flots érigés, elle

Ornera l'écume en furie de ses bras victorieux

Utopistes dressés aux antiques désirs comblés.

Rêverie d'une passion à venir mais céleste, des dieux.

 

 

                                                   Raymond MARTIN      11/11/2011

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Le droit d'exister pleinement

 

« En mariage trompe qui peut »

En droit coutumier voulait dire

Que l’on n’avait pas à proscrire

Les mensonges et les faux aveux.

 

Pour obtenir une alliance,

On cachait vices et défauts,

En se comportant comme il faut.

On inspirait la confiance.

 

Une fois l’union scellée,

Pouvait suivre le désarroi

Et la souffrance par surcroît,

La tromperie se révélait.

 

Dans le mariage, souvent,

Certains actes inadmissibles

Peuvent sembler répréhensibles;

Le mensonge reste tentant.

 

Quand des conjoints ont convenu

Du droit à demeurer soi-même,

Il n’y a pas de doute, ils s’aiment.

Aucun désir n’est malvenu.

 

11 novembre 2011

 

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Il y a des nuits comme ça (7)

 

Surprises

— Attends, Delphine, jetermine... Voilà. Bébé trente avait réussi à sedébarrasser de ses électrodes. Pour une préma de cet âge-là,elle est d'une vivacité surprenante.

Delphine poussa un long soupir,mais elle s'interrompit lorsqu'elle vit le visage fermé de lapédiatre.

— Je t'appelais pourNoémie. Elle a régurgité le lait de sa maman. Ce ne serait pasgrave si elle était plus âgée, mais là... nous avons à faireface à un autre problème.

Cécile désigna l'emplacementoù Noémie dormait. Delphine était passée devant sans y prêterattention, croyant que c'était bébé trente l'objet de sespréoccupations. Elle se tourna et sentit sa gorge se serrer. Noémieavait été placée en couveuse stérile.

— Elle estimmunodéficiente.

D'instinct, Delphine jeta unœil sur la température de Noémie.

— Merde !

— Tu peux le dire.J'attends les résultats de la prise de sang. Ça va être une coursecontre la montre.

L'infirmière comprit tout desuite qu'elle passerait le reste de la nuit à monter et descendreles étages.

— Je dois réveiller lamaman ? On a besoin de nourrir Noémie.

— Non, j'ai desréserves. Tu vas les lui donner.

— Mais...

— J'ai besoin de toiici, Delphine. Maintenant.

— D'accord.

Delphine récupéra dans letiroir isotherme le colostrum de maman Noémie. Il en restaitlargement assez. Elle plaça à nouveau la sonde et entreprit denourrir Noémie avec délicatesse.

Sa maman était arrivée denulle part : aucun dossier n'était ouvert pour elle àl'hôpital, la majeure partie de sa grossesse s'était déroulée àl'étranger. C'est d'ailleurs pour cette raison que personne n'avaitappelé son bébé par son nom. Bien entendu l'hôpital avait fait lenécessaire lors de son arrivée pour connaître d'elle ce qui étaitutile à l'accouchement. Mais ces informations ne remplaçaient pasle dossier établi au sujet de l'enfant tout au long de la grossesse.Et de ce côté-là, visiblement, les informations étaientlacunaires.

Avec pour résultat que latempérature de Noémie frisait les 39 degrés, et que seule la prisede sang pouvait peut-être en donner l'explication.

Si Noémie acceptait de senourrir du colostrum de sa maman, elle bénéficierait de sesanticorps, qui constituaient sa meilleure arme du moment.

— Elle doit absolumentse nourrir, soupira Delphine.

— Ce ne sera passuffisant. Dès que j'aurai les résultats j'espère pouvoir attaqueraux antibios.

Delphine ne releva pas. Ellesavait bien que les antibiotiques ne pouvaient aider Noémie que dansun nombre limité de cas. Mais le personnel soignant s'interdisaitd'exprimer la moindre pensée pessimiste, surtout en néonatologie.

***

Delphine n'aimait pas du tout la pensée qui venait de lui traverser la tête : au moins Noémie tientMarc à distance.

Comment osait-elle s'autoriser de tels arrangements avec sa conscience ?

Ça ne tourne vraiment pas rond.

Elle releva la tête.

— Nous y sommes. Elle atout avalé.

— Bon, dit la pédiatre.Tu réveilles sa maman si elle monte à quarante, ou si ellerégurgite. Je file au labo.

L'infirmière s'étonna :

— Ils ne peuvent pas tetéléphoner pour ça ? Ou t'apporter les résultats ?

Le médecin répondit d'un tonexaspéré :

— Tu vois les résultatsquelque part ? Tu as entendu le téléphone sonner ?

Delphine ne dit rien. Ellesavait que dans la majorité des cas, le laboratoire faisait vite,mais à tout moment le service des urgences pouvait le solliciter,retardant inévitablement les informations que Cécile attendait.

Et le cas de Noémie étaitvraiment préoccupant.

En vérifiant la couche de lapetite fille – rien à signaler, dommage – Delphine pensa à lamaman de Noémie. Dormait-elle, ou bien n'osait-elle pas fermerl'œil ? Peut-être savait-elle quelque chose ? Un incidentdurant sa grossesse avait-il permis de découvrir un souciparticulier pour son enfant ?

Cécile était un excellentmédecin, mais comme pour nombre d'entre eux, la science avaittoujours la priorité pour aider son combat. Ici, peut-être quemaman Noémie détenait une information qui pourrait écartersa fille du danger qui la menaçait.

Elle saisit le combinétéléphonique et appela le camp de base. C'est Bertrand quirépondit.

— Cécile t'akidnappée ? Elle te garde en néonat toute la nuit ?

— Pas vraiment, non.Elle est partie au labo pour mettre la pression. On a un problèmeavec Noémie, elle a un gros défaut d'immunité, Cécile l'a placéeen couveuse stérile. Il faut réveiller sa maman et lui demander sielle a une quelconque idée...

— Attends, tu veux qu'onréveille la maman pour quoi exactement ? On a son dossier,Cécile peut le consulter depuis la néonat, je ne vois paspourquoi...

— On n'a pu établir quele strict minimum, tu le sais bien.

Elle entendit une voix derrièrecelle de Bertrand.

— Delphine, si tapatiente a quelque chose à dire, on le lui demandera après que laprise de sang ait livré ses infos. Entretemps tu laisses Cécilegérer ça. Et si tu peux rappliquer, ce sera encore mieux.

— Je suis seule ennéonat, Bertrand. Je ne peux quitter ni Noémie ni les autres bébésavant le retour de Cécile.

— Mouais... si tu resteslà-haut, au moins ça t'évitera d'écouter tes messages vocaux surnotre ordi.

Delphine sursauta. Elle avaitoublié de fermer son accès à la messagerie vocale.

— À propos, tu n'asaucun nouveau message. Mais ce n'est pas pour rafraîchir ta page quetu dois rappliquer...

— J'arrive...

— ...c'est parce qu'il ya du boulot ici.

— ...dès que Cécileest là.

— À la bonne heure.

Elle raccrocha. Le téléphonesonna immédiatement.

Le labo.

— Delphine ?Cécile. J'ai les résultats. Je te donne la liste de ce qu'il fautadministrer à Noémie et j'arrive. Démarre, on va devoir segrouiller.

— Je note.

De mauvais frissons vinrentparcourir les bras de Delphine au fur et à mesure qu'elle écrivait.

A la fin de la dictée, elle neput s'empêcher de laisser planer un regard incrédule en directionde la petite couveuse où Noémie tentait de digérer le colostrum desa maman.

Mon Dieu. Cécile veut qu'on tire sur tout ce qui bouge.

***

Cécile apparaissait derrièrela vitre au moment même où Delphine achevait de « charger »la perfusion de Noémie.

— Quelle est satempérature ?

— Stationnaire,s'entendit dire l'infirmière.

Cécile attendit quelquessecondes avant de dire :

— Tu es sûre ?

L'infirmière leva le nez. Latempérature était montée à quarante degrés.

— Merde...

— Delphine, depuiscombien de temps n'as-tu pas regardé l'écran ?

— Depuis le moment oùtu m'as appelée.

— Alors tu vas réveillersa maman. Tout de suite.

Delphine ne voulut même passavoir s'il y avait un quelconque reproche dans le ton utilisé parla pédiatre. Elle sortit immédiatement du service et se rua dans lecouloir.

Elle était sûre d'avoirregardé la température de Noémie juste au moment de luiadministrer les premiers antibiotiques. Cinq minutes s'étaientécoulées, tout au plus.

Elle est passée de 39°4 à 40° en très peu de temps. Pourvu que lesantibios agissent vite.

Elle s'engouffra dansl'ascenseur, et regretta immédiatement son choix : la moindreimmobilité faisait revenir Marc au-devant de la scène.

Pourquoi reviens-tu continuellement ? Tu ne peux pas me laissertranquille ? S'il te plait... j'ai une maman à réveiller, etelle sera « grave inquiète », alors, zut, finis taroute, où qu'elle te mène, mais ne reviens plus.

Elle fit basculer ses penséesvers la maman de Noémie. Il fallait la réveiller, l'informer del'état de sa fille, la rassurer, sans véritable espoir. Elle pritson élan lorsque la porte de l'ascenseur s'ouvrit, et entra encollision avec Henri.

— Où vas-tu ?dit-il.

— Chez maman Noémie.Sa fille...

— Inutile. Je sors de sachambre.

— ...a quarante defièvre, et... tu as dit quoi ?

— J'ai dit que j'ensortais. J'étais près de Bertrand quand tu l'as appelé. Je suisallé trouver ma patiente, qui ne dormait pas, et j'en ai profitépour lui poser quelques questions tout en l'examinant.

Bravo. Et elle ne s'est inquiétée de rien. Et maintenant, à peine troisminutes plus tard, je vais devoir la prévenir de toute façon. Je megarde le mauvais rôle. Super.

— Et ?

— Et rien. Noémie estle produit d'une FIV1pratiquée au Brésil avec un donneur anonyme. Elle a fait un bébétoute seule, entourée de médecins. Rien à signaler tout au long dela grossesse. Elle voyage beaucoup. Elle a eu ses premièrescontractions dans l'avion, on l'a prise en charge dèsl'atterrissage.

— Elle venait duBrésil ?

— Du Maroc. Elle a de lafamille à Rabat.

— Et elle va bien ?

— Pas de température,pas de fatigue excessive, rien qui témoigne d'une quelconqueinfection.

Delphine réfléchit à toutevitesse. Une grossesse sans histoire. Il ne restait que deuxexplications. Soit la déficience de Noémie était d'originegénétique – mais a priori les hôpitaux brésiliens avaient bonneréputation : elle aurait été mise au courant durant sagrossesse – soit Noémie se battait contre un agresseur que samaman avait repoussé sans même s'en rendre compte, depuis quelquesheures seulement.

— Je dois lui parlermaintenant, dit Delphine. Que me conseilles-tu ?

— À toi de voir. Elleest en état de rejoindre sa fille, à condition qu'elle ne quittepas son fauteuil.

— Ce n'était pas maquestion, Henri.

Elle savait pertinemment queles médecins n'avaient pas pour habitude d'interférer avec letravail des infirmières. Il n'allait pas l'aider à « annoncerla chose » à maman Noémie.

— Si tu veux savoir ceque je lui dirais...

Delphine se vexa :

— Laisse, je vais lefaire.

— ...c'est bon, j'y vaisavec toi.

Il tourna les talons et sedirigea vers la chambre. Elle écarquilla les yeux.

Un revers lifté. J'en avais bien besoin. Merci.

— Henri ?

— Oui ?

— Pourquoi fais-tucela ? Tu n'as pas à te préoccuper de Noémie, ni de lamanière dont je dois mettre sa maman au parfum.

— Cela ne t'empêche pasde me demander mon avis.

Touchée.

Delphine trottait derrièreHenri, qui avançait à grands pas. Elle insista :

— Pourquoi, Henri ?

— Parce que je suisinquiet.

— On le serait à moins.Tu devrais voir quel cocktail je lui ai mis dans sa perfusion.

Elle baissa le ton : ilsétaient arrivés.

— Non, Delphine. C'estpour toi que je suis inquiet.

Et il ouvrit la porte de lachambre.

 

 

 

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1Fécondation In Vitro

 

Surprises

— Attends, Delphine, jetermine... Voilà. Bébé trente avait réussi à sedébarrasser de ses électrodes. Pour une préma de cet âge-là,elle est d'une vivacité surprenante.

Delphine poussa un long soupir,mais elle s'interrompit lorsqu'elle vit le visage fermé de lapédiatre.

— Je t'appelais pourNoémie. Elle a régurgité le lait de sa maman. Ce ne serait pasgrave si elle était plus âgée, mais là... nous avons à faireface à un autre problème.

Cécile désigna l'emplacementoù Noémie dormait. Delphine était passée devant sans y prêterattention, croyant que c'était bébé trente l'objet de sespréoccupations. Elle se tourna et sentit sa gorge se serrer. Noémieavait été placée en couveuse stérile.

— Elle estimmunodéficiente.

D'instinct, Delphine jeta unœil sur la température de Noémie.

— Merde !

— Tu peux le dire.J'attends les résultats de la prise de sang. Ça va être une coursecontre la montre.

L'infirmière comprit tout desuite qu'elle passerait le reste de la nuit à monter et descendreles étages.

— Je dois réveiller lamaman ? On a besoin de nourrir Noémie.

— Non, j'ai desréserves. Tu vas les lui donner.

— Mais...

— J'ai besoin de toiici, Delphine. Maintenant.

— D'accord.

Delphine récupéra dans letiroir isotherme le colostrum de maman Noémie. Il en restaitlargement assez. Elle plaça à nouveau la sonde et entreprit denourrir Noémie avec délicatesse.

Sa maman était arrivée denulle part : aucun dossier n'était ouvert pour elle àl'hôpital, la majeure partie de sa grossesse s'était déroulée àl'étranger. C'est d'ailleurs pour cette raison que personne n'avaitappelé son bébé par son nom. Bien entendu l'hôpital avait fait lenécessaire lors de son arrivée pour connaître d'elle ce qui étaitutile à l'accouchement. Mais ces informations ne remplaçaient pasle dossier établi au sujet de l'enfant tout au long de la grossesse.Et de ce côté-là, visiblement, les informations étaientlacunaires.

Avec pour résultat que latempérature de Noémie frisait les 39 degrés, et que seule la prisede sang pouvait peut-être en donner l'explication.

Si Noémie acceptait de senourrir du colostrum de sa maman, elle bénéficierait de sesanticorps, qui constituaient sa meilleure arme du moment.

— Elle doit absolumentse nourrir, soupira Delphine.

— Ce ne sera passuffisant. Dès que j'aurai les résultats j'espère pouvoir attaqueraux antibios.

Delphine ne releva pas. Ellesavait bien que les antibiotiques ne pouvaient aider Noémie que dansun nombre limité de cas. Mais le personnel soignant s'interdisaitd'exprimer la moindre pensée pessimiste, surtout en néonatologie.

***

Delphine n'aimait pas du tout la pensée qui venait de lui traverser la tête : au moins Noémie tientMarc à distance.

Comment osait-elle s'autoriser de tels arrangements avec sa conscience ?

Ça ne tourne vraiment pas rond.

Elle releva la tête.

— Nous y sommes. Elle atout avalé.

— Bon, dit la pédiatre.Tu réveilles sa maman si elle monte à quarante, ou si ellerégurgite. Je file au labo.

L'infirmière s'étonna :

— Ils ne peuvent pas tetéléphoner pour ça ? Ou t'apporter les résultats ?

Le médecin répondit d'un tonexaspéré :

— Tu vois les résultatsquelque part ? Tu as entendu le téléphone sonner ?

Delphine ne dit rien. Ellesavait que dans la majorité des cas, le laboratoire faisait vite,mais à tout moment le service des urgences pouvait le solliciter,retardant inévitablement les informations que Cécile attendait.

Et le cas de Noémie étaitvraiment préoccupant.

En vérifiant la couche de lapetite fille – rien à signaler, dommage – Delphine pensa à lamaman de Noémie. Dormait-elle, ou bien n'osait-elle pas fermerl'œil ? Peut-être savait-elle quelque chose ? Un incidentdurant sa grossesse avait-il permis de découvrir un souciparticulier pour son enfant ?

Cécile était un excellentmédecin, mais comme pour nombre d'entre eux, la science avaittoujours la priorité pour aider son combat. Ici, peut-être quemaman Noémie détenait une information qui pourrait écartersa fille du danger qui la menaçait.

Elle saisit le combinétéléphonique et appela le camp de base. C'est Bertrand quirépondit.

— Cécile t'akidnappée ? Elle te garde en néonat toute la nuit ?

— Pas vraiment, non.Elle est partie au labo pour mettre la pression. On a un problèmeavec Noémie, elle a un gros défaut d'immunité, Cécile l'a placéeen couveuse stérile. Il faut réveiller sa maman et lui demander sielle a une quelconque idée...

— Attends, tu veux qu'onréveille la maman pour quoi exactement ? On a son dossier,Cécile peut le consulter depuis la néonat, je ne vois paspourquoi...

— On n'a pu établir quele strict minimum, tu le sais bien.

Elle entendit une voix derrièrecelle de Bertrand.

— Delphine, si tapatiente a quelque chose à dire, on le lui demandera après que laprise de sang ait livré ses infos. Entretemps tu laisses Cécilegérer ça. Et si tu peux rappliquer, ce sera encore mieux.

— Je suis seule ennéonat, Bertrand. Je ne peux quitter ni Noémie ni les autres bébésavant le retour de Cécile.

— Mouais... si tu resteslà-haut, au moins ça t'évitera d'écouter tes messages vocaux surnotre ordi.

Delphine sursauta. Elle avaitoublié de fermer son accès à la messagerie vocale.

— À propos, tu n'asaucun nouveau message. Mais ce n'est pas pour rafraîchir ta page quetu dois rappliquer...

— J'arrive...

— ...c'est parce qu'il ya du boulot ici.

— ...dès que Cécileest là.

— À la bonne heure.

Elle raccrocha. Le téléphonesonna immédiatement.

Le labo.

— Delphine ?Cécile. J'ai les résultats. Je te donne la liste de ce qu'il fautadministrer à Noémie et j'arrive. Démarre, on va devoir segrouiller.

— Je note.

De mauvais frissons vinrentparcourir les bras de Delphine au fur et à mesure qu'elle écrivait.

A la fin de la dictée, elle neput s'empêcher de laisser planer un regard incrédule en directionde la petite couveuse où Noémie tentait de digérer le colostrum desa maman.

Mon Dieu. Cécile veut qu'on tire sur tout ce qui bouge.

***

Cécile apparaissait derrièrela vitre au moment même où Delphine achevait de « charger »la perfusion de Noémie.

— Quelle est satempérature ?

— Stationnaire,s'entendit dire l'infirmière.

Cécile attendit quelquessecondes avant de dire :

— Tu es sûre ?

L'infirmière leva le nez. Latempérature était montée à quarante degrés.

— Merde...

— Delphine, depuiscombien de temps n'as-tu pas regardé l'écran ?

— Depuis le moment oùtu m'as appelée.

— Alors tu vas réveillersa maman. Tout de suite.

Delphine ne voulut même passavoir s'il y avait un quelconque reproche dans le ton utilisé parla pédiatre. Elle sortit immédiatement du service et se rua dans lecouloir.

Elle était sûre d'avoirregardé la température de Noémie juste au moment de luiadministrer les premiers antibiotiques. Cinq minutes s'étaientécoulées, tout au plus.

Elle est passée de 39°4 à 40° en très peu de temps. Pourvu que lesantibios agissent vite.

Elle s'engouffra dansl'ascenseur, et regretta immédiatement son choix : la moindreimmobilité faisait revenir Marc au-devant de la scène.

Pourquoi reviens-tu continuellement ? Tu ne peux pas me laissertranquille ? S'il te plait... j'ai une maman à réveiller, etelle sera « grave inquiète », alors, zut, finis taroute, où qu'elle te mène, mais ne reviens plus.

Elle fit basculer ses penséesvers la maman de Noémie. Il fallait la réveiller, l'informer del'état de sa fille, la rassurer, sans véritable espoir. Elle pritson élan lorsque la porte de l'ascenseur s'ouvrit, et entra encollision avec Henri.

— Où vas-tu ?dit-il.

— Chez maman Noémie.Sa fille...

— Inutile. Je sors de sachambre.

— ...a quarante defièvre, et... tu as dit quoi ?

— J'ai dit que j'ensortais. J'étais près de Bertrand quand tu l'as appelé. Je suisallé trouver ma patiente, qui ne dormait pas, et j'en ai profitépour lui poser quelques questions tout en l'examinant.

Bravo. Et elle ne s'est inquiétée de rien. Et maintenant, à peine troisminutes plus tard, je vais devoir la prévenir de toute façon. Je megarde le mauvais rôle. Super.

— Et ?

— Et rien. Noémie estle produit d'une FIV1pratiquée au Brésil avec un donneur anonyme. Elle a fait un bébétoute seule, entourée de médecins. Rien à signaler tout au long dela grossesse. Elle voyage beaucoup. Elle a eu ses premièrescontractions dans l'avion, on l'a prise en charge dèsl'atterrissage.

— Elle venait duBrésil ?

— Du Maroc. Elle a de lafamille à Rabat.

— Et elle va bien ?

— Pas de température,pas de fatigue excessive, rien qui témoigne d'une quelconqueinfection.

Delphine réfléchit à toutevitesse. Une grossesse sans histoire. Il ne restait que deuxexplications. Soit la déficience de Noémie était d'originegénétique – mais a priori les hôpitaux brésiliens avaient bonneréputation : elle aurait été mise au courant durant sagrossesse – soit Noémie se battait contre un agresseur que samaman avait repoussé sans même s'en rendre compte, depuis quelquesheures seulement.

— Je dois lui parlermaintenant, dit Delphine. Que me conseilles-tu ?

— À toi de voir. Elleest en état de rejoindre sa fille, à condition qu'elle ne quittepas son fauteuil.

— Ce n'était pas maquestion, Henri.

Elle savait pertinemment queles médecins n'avaient pas pour habitude d'interférer avec letravail des infirmières. Il n'allait pas l'aider à « annoncerla chose » à maman Noémie.

— Si tu veux savoir ceque je lui dirais...

Delphine se vexa :

— Laisse, je vais lefaire.

— ...c'est bon, j'y vaisavec toi.

Il tourna les talons et sedirigea vers la chambre. Elle écarquilla les yeux.

Un revers lifté. J'en avais bien besoin. Merci.

— Henri ?

— Oui ?

— Pourquoi fais-tucela ? Tu n'as pas à te préoccuper de Noémie, ni de lamanière dont je dois mettre sa maman au parfum.

— Cela ne t'empêche pasde me demander mon avis.

Touchée.

Delphine trottait derrièreHenri, qui avançait à grands pas. Elle insista :

— Pourquoi, Henri ?

— Parce que je suisinquiet.

— On le serait à moins.Tu devrais voir quel cocktail je lui ai mis dans sa perfusion.

Elle baissa le ton : ilsétaient arrivés.

— Non, Delphine. C'estpour toi que je suis inquiet.

Et il ouvrit la porte de lachambre.

1Fécondation In Vitro

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Bonnes ou mauvaises habitudes?

 

En ce matin pluvieux, privé de toute joie,

Me surprit le besoin de faire le ménage.

L’énergie au repos, dès qu’on en fait usage,

S’active vivement, étonnamment parfois.

 

Bien que s'accumulant lentement, la poussière

Ne m’agresse jamais. Je l’ignore souvent.

Lors elle reste en place, épargnée par le vent,

Intruse négligée, nullement passagère.

 

Chassée, elle revient quasiment aussitôt.

Je trouve inopportun d’épousseter sans cesse.

Je le fais quand elle est devenue trop épaisse

Puis contemple ravie, meubles et bibelots.

 

Je me suis souvenu, en faisant une pause,

D’un séjour que je fis, un bel été, en France.

Alors que je nageais au soleil, à outrance,

Ma cousine astiquait, en chantant , je suppose.

 

Je ne sus l’en dissuader. Une habitude,

Invétérée, peut correspondre à un besoin

Et rendre dépendant quand elle vient de loin.

Je ne m’attarde pas à mes incertitudes.

 

10 novembre 2011

 

 

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La Lavandière

 

La Lavandière

 

Des pépites d'or dansent au fil de l'eau claire

Jetées par le soleil de l'écrin lumineux

D'un doux ciel de printemps, parfumé de Lumière

Rayonnant de gaieté, gorgé de cris joyeux.

 

Un tas de linge blanc, d'une clarté lunaire,

 En lumineuse touche est posé sur le sol

Comme un hymne joyeux, la belle lavandière

Plonge ses bras dorés dans un songe d'envol !

 

Elle brasse elle roule et tord et se démène

Et l'eau pure et moelleuse est parfumée de vent,

Légère et onctueuse telle un bouquet de crème,

Elle chante l'Amour dans un gazouillement.

 

La bellle lavandière, un bras passé sous l'anse

Du grand panier tressé, a repris le chemin

Et sa démarche est souple, on dirait une danse,

Agile de sylphide, entourée de lutins.

 

Car sur le seuil charmant de la douce maison,

Ornée de vert lierre et de roses trémières,

S'attardent en jouant deux enfants aux bras ronds,

Nimbés par le soleil jailli de la rivière !

Rolande (E.L. Quivron-Delmeira)

Mai 1969

Extrait du recueil "Intégrales"

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VIENS...

Viens danser dans mes rêves

Viens embellir mes nuits

Même si les heures sont brèves

Et que le temps s'enfuit!

Nous irons sur la grève

La contempler sans bruit...

 

Viens chanter dans mon coeur

Le faire vibrer d'espoir

Du passé le bonheur

Surgira dans le noir!

Nous goûterons les heures

Accordées dans le soir...

 

Viens combler mon esprit

Enchanter mes envies

Car le temps m'a appris

A croire en la magie!

Et mon coeur a compris

Que tu étais ma vie...

J.G.

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administrateur théâtres

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« Diotime et les lions » d’après Henry Bauchau

Du 8 au 26 novembre 2011 au Centre Culturel des Riches Claires

La Perse antique. Diotime, fille indomptable, conte  son histoire. A quatorze ans elle se  révolte contre sa condition de femme. Elle va transgresser la loi du clan car elle veut participer au rituel du combat contre les lions sacrés,  rituel  violent et meurtrier, interdit aux femmes. Mais il n’y a pas de plus grand honneur que d’y participer et elle perd  toute envie de vivre si elle n’accomplit pas ce qu’elle sent être sa  destinée.  Elle entretient depuis très petite une relation fusionnelle avec son grand-père Cambyse, qui a d’étranges liens avec l’ancêtre lion du clan. « Cambyse ne me parlait pas beaucoup mais, si des obstacles surgissaient durant nos chasses ou nos courses au galop, je le trouvais toujours à mes côtés. Si je me débrouillais seule, il me regardait avec un sourire amusé et content. Pour ce sourire j’étais prête à surmonter mes peurs et à braver tous les dangers. » « La tradition du clan ne le permet pas ! »  lui dit sa mère. Cambyse lui promettra : " Pour toi nous inventerons une nouvelle tradition ". Elle ne se sent pas faite pour la condition féminine traditionnelle qui occupe les femmes aux travaux domestiques et aux joies du jardinage.   Elle reste néanmoins très proche de sa sœur et de sa mère, et se résout à abandonner son projet car elle a compris que  cette  dernière exécutera  sa funeste menace de quitter le père, Kiros, si elle participe à cette  guerre mythique annuelle. Mais dévastées par son désir extravagant Diotime  se meurt et est prise d’accès de folie. La mère, mue par la sagesse  et l’amour de sa fille, donne son autorisation. « Puisque tu es lion, va à la fête rituelle ! » « Je t’aime comme tu es ! ».

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 Diotime tue son premier lion. En même temps elle tombe amoureuse d’un  Grec du clan adverse, Arsès, « un grec de Grèce, au sens affiné de la mesure ». Mais celui-ci, pour pouvoir épouser Diotime devra se plier aux usages barbares et  tuer lui aussi , un lion. Le sort tombe hélas sur  l’ancêtre lion, mystérieuse incarnation de Cambyse. Arsès , le grec, a compris le piège et refuse la violence. C’est un principe. Intrépide et barbare,  Diotime s’élance elle-même à la poursuite du lion mythique. Arsès la suit. Mais le temps n’est pas encore venu pour le sacrifice. « Assez de folie Diotime » clame Kiros, son père.

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 Les voilà envoyés chez le sage au buffle noir pour un  long parcours initiatique. Cambyse déclare à leur retour : « Je suis vieux maintenant, grâce à toi je n’y avais jamais pensé. » Il lui donne sa propre lance et ses flèches. Le sacrifice du lion est accompli par le couple et le lieu devient sacré. « Si des lions et des hommes s’y rencontrent, aucun n’attaque et nul ne fuit. »  Les forces antagonistes se réconcilient dans une sage harmonie et le cœur  indomptable de Diotime s’aperçoit qu’il ne désire plus rien. Sagesse Tao.  

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Un livre de 50 grammes qui fait le poids ! Surtout sur scène avec l’interprétation pleine de sensibilité, de jeunesse et de passion de Stéphanie Van Vyve de ce texte inépuisable et poétique d’Henry Bauchau. Elle fait le poids aussi dans sa chorégraphie avec le danseur aux yeux fixes et au visage immuablement léonin, Ozan Aksoyek. Le sable vole, les corps luttent, le temps que l'on médite, comme si un choeur silencieux commentait les événements.   Et pourtant, elle ne pèse rien ou presque! Depuis le début elle est habitée par une sauvagerie étrange, et le courage décuple ses forces et sa volonté. Volonté de femme en devenir, qui choisit bravement l’autre : ce grec antagoniste,  celui qui n’appartient pas à son clan, et pour qui elle est prête à tout sacrifier par amour. Car elle est femme. Stéphanie Van Vyve est toute harmonie et mobilité, et réussit un  équilibre émouvant de la parole et des gestes. Réconciliant lumière et ombre,  forces antagonistes elle atteint la paix d’esprit après ce long combat d’éclosion.

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Du 8 au 26 novembre 2011

Du mardi au samedi à 20h30
Excepté les mercredis, représentation à 19h00

 

 

 

 

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je me souviens

les pneus du vent tournent

soleils gris à l’appui

la ronde des moineaux

trouve

le bras du son

à l’infini

 

l’eau grince

les arcs-en-ciel ne sont plus

les mêmes

les trains galopent

en transes

myopes

les fenêtres toujours plus blêmes

arrosent mon souvenir

 

les yeux de la pluie

de l’avenir

se penchent vers moi cheveux gris

la sarabande des visages

ivres

frémit

sur le seuil

sur les plages

et vit

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Il y a des nuits comme ça (6)

Erreurs

Delphine avait quitté la chambre sans rien dire et s'était dirigée vers le camp de base. Elle pestait contre ce père arrogant qui cachait sa peur derrière la protection de sa femme. Mais à sa manière de s'asseoir derrière l'ordinateur, Delphine se rendit vite à l'évidence : sa mauvaise humeur n'était pas due qu'à l'attitude de cet homme.

Elle se rua à nouveau sur la page web de consultation de ses messages vocaux.

Un message de Marc.

La souris émit un cliquetis sec et suffisamment appuyé pour que Bertrand, assis dans un coin, lève la tête.

— Il y a quelque chose qui ne va pas, Delphine ?

— Ce sont les parents de bébé trente. Le père couve la mère et ne s'inquiète même pas pour son enfant. Il a aussi décrété que seul Dieu-Le-Père était autorisé à poser le regard sur le pansement de sa femme et à prendre sa tension. A croire qu'il n'a rien à cirer de la survie de son enfant et qu'il préserve sa génitrice.

Durée du message : une seconde. Merde.

— Ce n'est pas la première fois ni la dernière, Delphine.

— Je sais.

Une seconde. Qu'est-ce que Marc a bien pu me dire en une seconde ?

— Quoi qu'il en soit, dit Bertrand, dès qu'on aura un feu vert de la néonat pour qu'ils montent la voir, tu devras les avertir.

— Et comment ! Ce sera un plaisir de priver ce gars de sommeil.

Tu ne veux pas sortir dix secondes, que j'écoute mon message en paix ? Cet appareil n'a pas d'écouteurs personnels, et je n'ai aucune envie de partager mon message avec qui que ce soit.

— Bon, j'ai des soins à donner dans deux chambres. A plus tard, Delphine.

Alleluia !

— A plus tard, Bertrand.

Une seconde.

L'image sonore du message s'était affichée à l'écran. Delphine jeta un œil autour d'elle : personne n'allait rentrer dans la pièce tout de suite. Elle cliqua sur le bouton « Écouter ».

Il n'y avait que le bruit de fond de la voiture de Marc, lancée à haute vitesse sur l'autoroute.

Salaud.

Elle fit disparaître les programmes qu'elle avait ouverts pour consulter sa messagerie, puis tenta de se concentrer sur les travaux administratifs qu'elle avait laissés en plan.

Marc sait très bien que je ne peux pas répondre au téléphone en pleine garde ! S'il a appelé cela veut dire qu'il voulait me laisser un message. Puis il a changé d'avis. Il n'a aucun courage.

Inutile de résister. Delphine, tout en rangeant ses dossiers, demanda une fois encore à l'ordinateur de rafraîchir la liste des appels entrants sur son portable.

Rien.

Ligne fixe : pas mieux.

Delphine savait qu'elle pouvait envoyer un message texte via le même site Internet. Elle composa :

Tu as quelque chose à me dire ?

Elle appuya sur le bouton « envoyer » au moment où Isabelle entra dans la pièce.

— Henri est de retour en salle d'op avec la maman de Noémie. Il te demande de l'y rejoindre.

Zut ! Les sutures !

— Laquelle ?

— La trois.

— Il doit être furieux.

— Je n'ai pas eu cette impression.

— J'y vais.

Delphine quitta le camp de base et s'engouffra dans le couloir. Alors qu'elle progressait vers la salle d'opération, sa conviction prenait forme : elle allait avoir droit à un savon discret en présence de sa patiente. C'était évident : s'il n'avait pas l'intention de la sermonner, il aurait gardé Isabelle pour l'assister.

Elle pénétra dans la salle. Henri parlait à sa patiente. À l'arrivée de Delphine il leva les yeux et s'interrompit.

— La voici, Madame.

Delphine s'approcha.

— Ma patiente voulait te remercier.

***

Delphine achevait d'installer maman Noémie dans sa chambre. Henri n'était passé en salle d'opération avec elle que pour examiner en détail ses sutures, constater que malgré les saignements elles avaient parfaitement tenu, et lui refaire un pansement « comme il voulait ». En réalité, l'infirmière s'en était bien doutée, il l'avait amenée sur « son territoire » pour donner du poids à ses propos et convaincre maman Noémie de ne plus se relancer dans ses escapades solitaires.

— Je sais que c'était idiot, dit maman Noémie dans un soupir.

— Je vous comprends, madame. Mais en effet ce n'était pas prudent. Il vaut mieux que vous appeliez pour avoir des nouvelles, ou pour rejoindre votre fille dans de meilleures conditions.

L'image de Marc s'invita brusquement dans la conversation. Delphine la chassa d'un revers de manche mental.

— Ça n'a pas l'air d'aller, mademoiselle ?

Marc, pour la dernière fois, fiche le camp. C'est le monde à l'envers à cause de toi, ici !

— Si si, tout va bien. Vous me promettez de vous reposer maintenant ?

— Oui, même si à mon avis je n'arriverai pas à dormir.

— C'est bien normal. Vous avez accumulé beaucoup d'émotions. Peu de mamans dorment durant leur première nuit à l'hôpital.

Maman Noémie ferma les yeux.

— Bon... je vais essayer de me calmer, ce sera déjà ça.

— Je vous laisse. Dès que j'ai des nouvelles de Noémie je vous avertis.

Les yeux toujours fermés, elle répondit :

— Cela ne me donne pas envie de m'endormir, ça.

Pardon ?

Delphine se sentit glisser doucement.

— Je ne comprends pas...

Si, tu comprends, mais tu as le cerveau englué dans tes petits problèmes perso. Il faut te mettre les points sur les « i » ?

— Si tout va bien pour Noémie vous allez me laisser dormir, je suppose. Si vous me réveillez cette nuit, ce sera parce que quelque chose ne tourne pas rond. Et vous voudriez que je m'assoupisse dans ces conditions ?

Petite conne ! Réagis, et vite !

— Dans quelques heures, nouvelles ou non, mes collègues ou moi devrons vous réveiller, ne fût-ce que pour vous examiner. Vous pouvez dormir.

La patiente gardait les yeux fermés. Delphine vit rapidement pourquoi : les larmes débordaient. Elle lui prit la main.

— J'ai peur pour elle.

— C'est bien normal. Essayez de vous détendre.

Mais c'est inutile, petite maman. Tu ne peux rien faire pour Noémie maintenant. Je dois y aller, aussi.

La jeune maman la libéra :

— Ça ira bien. Vous avez certainement du travail.

Elle a lu dans mes pensées ?

— À plus tard.

Delphine sortit en se maudissant de plus belle. Et tandis qu'elle pensait à se reprendre Marc revint à la charge.

Cette fois elle n'eut pas la force de le repousser.

Que me veux-tu encore ? Où es-tu ? Tu roules toujours ? Pourquoi es-tu resté muet tout à l'heure ?

L'image de Marc se superposait à celle du couloir dans lequel Delphine se déplaçait. Elle ne voyait pas vraiment son visage, mais devinait plutôt ses yeux hypnotisés par la route qui défile.

Sois prudent.

Et l'instant d'après :

Va au diable.

— Delphine ?

Elle se retourna : c'était Bertrand.

— Cécile te demande en néonat.

Elle comprit à sa tête qu'il était inutile d'ajouter « c'est urgent ». De toute façon la règle était toujours la même avec la néonatologie : les bonnes nouvelles arrivaient par téléphone, les mauvaises, on devait aller les chercher sur place.

— Qui ?

— Je ne sais pas.

— Décidément, je joue les messagers, cette nuit.

Je ressemble plutôt à une bille de flipper.

Pendant qu'elle montait les escaliers, elle pria pour qu'elle n'ait pas à retourner tout de suite dans la chambre de maman Noémie. Lorsqu'elle s'approcha de la baie vitrée, une idée la traversa.

Tu peux compter sur moi.

C'est bien ce qu'elle avait dit à Maya. Maintenant, il était trop tard pour reculer. La nuit était déjà bien avancée, et Delphine sentait qu'elle penchait du mauvais côté, lentement mais sûrement.

Elle entra. Cécile s'affairait au-dessus de bébé trente. À côté de la couveuse, les paramètres vitaux étaient à zéro.

Faites que je n'aie pas à réveiller ses parents !

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Amoureuse

 

Je n'aurais jamais pensé toucher l'amour d'une vie auprès de vous !

 

Perdre pieds, bien trop fort ensoleiller mon cœur, avec effort vous porter tout entier, grandir alors toute seule et vous attendre.

 

Orpheline de vous, mais point de votre Amour je suis ; je m'en suis approprié.

 

Regardez-vous le cheminement de l'onde de temps-en-temps ; la Seine ?

 

Il y a des amours auxquels nous consacrons toute une vie.

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Semeuse

 

J’ai en tête de grandes choses

Mais suis réfractaire aux efforts.

N’assumant qu’à petites doses,

Je ne me cause pas de torts.

 

Quand je savoure mon présent,

Je crée encore, en dilettante,

Des défis restant en attente;

Ils ne me semblent pas urgents.

 

Vivant constamment solitaire,

En éveil, face au ciel troublant,

Dans le temps qui me semble lent

J’accueille des pensées légères.

 

Je n’aime pas tourner en rond.

Dans mon jardinet, je m’affaire.

J’y sème pour me satisfaire.

La nuit tombée, il fleure bon.

 

9 novembre 2011

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colombine est arrivée

après arlequin et pierrot, je vous invite à consacrer quelques instants à colombine.bien au delà de l'image qu'en donne la comédia d'ell'arte suivez le chemin qui vous mènera dans les mystères antiques sur le chemin de la vie.

je vous proposerais d'ici quelques jours, aprés son exposition au palais des congrès de la Grande Motte "la trilogie d'arlequin" avec sa lecture ésotérique.

merci de votre attention

amicalement à tous Ben-Kâ

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Il y a des nuits comme ça (5)

Reproches

La voix résonnait dans le combiné :

— Delphine, tu es en train de m'expliquer que la maman de Noémie est à côté de sa fille, en néonat ?

— Henri, je l'ai découverte face à la vitre, dans une chaise roulante. Au moins ici elle ne se déchire pas l'abdomen et elle ne panique pas.

— Tu parles... Et maintenant qu'elle est près de sa fille, tu crois qu'on va pouvoir la ramener tout simplement en salle d'op vite fait bien fait ?

— Ce ne sera pas nécessaire, à mon avis.

— Ça, tu n'en sais rien.

Delphine encaissa la claque. Henri avait raison : lui seul pouvait déterminer si oui ou non les sutures de maman Noémie nécessitaient une nouvelle intervention.

Il n'en restait pas moins que l'infirmière n'aimait pas le ton de reproche que lui adressait l'obstétricien. Après tout, personne dans son service n'avait vu la maman quitter sa chambre, fait hautement improbable après une césarienne. Il était évident que l'angoisse de maman Noémie avait eu raison de la douleur.

Et au fond... Où est le papa dans tout ça ?

Elle appela Bertrand.

— Dis-moi Delphine, c'est quoi c'est histoire de maman voyageuse ? Henri monte vous rejoindre, et pas spécialement de bon poil.

— C'est l'imprévu de cette nuit. Je t'expliquerai dès que j'aurai donné des nouvelles de bébé trente à ses parents : c'est pour cela que j'étais montée. Tu peux me renseigner ? La maman voyageuse a accouché toute seule ?

— Oui. Pas de papa à l'horizon.

— Merci. Je suis là dans dix minutes.

Pas de papa. Pauvre maman pauvre petite fille.

A ce moment Delphine entr'aperçut le visage de Marc, seul au volant de sa voiture.

À chacun sa solitude.

***

Chaque garde apportait son « imprévu de la nuit », c'était un des aspects de son métier qui plaisait le plus à Delphine. Depuis la première fois, la jeune infirmière savait qu'elle prendrait plaisir à vivre pleinement chaque nuit – et l'imprévu qui l'accompagne.

Et les parents de bébé trente qui attendent.

Delphine revint vers Cécile.

— Comment va-t-elle ?

— Idem. Pour l'instant la saturation en oxygène n'est vraiment pas bonne, mais elle se réchauffe. On dirait la jumelle de Noémie.

— Je reviens quand avec les parents ?

— Laisse-moi au moins une heure. Je n'ai pas qu'elle.

— Je sais, Cécile. Merci.

Elle se dirigea vers maman Noémie, qui parlait doucement à sa fille.

— Madame ? Si vous êtes d'accord, nous allons ensemble faire le nécessaire pour nourrir Noémie. Et aussi l'aider à se protéger.

***

Utiliser un tire-lait pour récupérer le colostrum n'était pas la chose la plus simple à faire, mais maman Noémie se débrouillait très bien. Cécile avait donné son feu vert pour que l'on tente de nourrir la petite fille.

Maman Noémie semblait très bien renseignée. Elle savait que si sa fille était capable d'ingérer son colostrum, elle bénéficierait d'un vrai concentré d'anticorps et augmenterait son immunité. Restait à savoir si Noémie arriverait à se nourrir.

En s'engageant dans le couloir, Delphine faillit percuter Henri. Son expression était aux antipodes de celui qui l'avait accueilli en salle d'opération quelques temps plus tôt.

— Tu m'expliques ? demanda-t-il.

— Rapidement. J'ai des parents inquiets deux étages plus bas.

— Ne me fais pas ton numéro. Avec un peu de chance ils sont toujours dans leur chambre et les sutures de ma patiente n'ont pas sauté.

Delphine regretta sa petite réplique.

— Désolée.

— Rapidement, as-tu dit ?

— Ok. Je l'ai trouvée exactement à ta place. Pliée en deux. J'ai prétexté un changement de pansement pour jeter un œil. Maintenant qu'elle est occupée à nourrir sa fille, tu pourras facilement l'examiner, et la convaincre de retourner au bloc si c'est nécessaire.

— Merci.

Il posa la main sur la poignée de la porte. Delphine s'éloigna.

— Delphine ?

— Oui ?

— J'ai bien compris que tu n'y es pour rien.

Elle était à deux doigts de répondre quelque chose comme : « je vais rejoindre ton autre patiente avant qu'elle ne se relève et monte ici », mais à la place, elle décocha un sourire et tourna les talons.

Petite conne. C'est quoi ce sourire ? Pourquoi tu ne le dragues pas ouvertement tant que tu y es ?

Delphine n'eut pas beaucoup de temps pour y penser. L'idée de Marc revenait. À chaque fois qu'elle était seule, elle le voyait, en route, tourné, tendu vers sa destination.

Mais quelle était-elle, cette destination ? Et que faisait Delphine, à jouer les petites filles gênées face au médecin qu'elle avait irrité l'instant d'avant ? Elle n'avait pas grand chose à se reprocher, et pourtant elle réagissait comme si elle avait voulu dissimuler une erreur fatale.

Ressaisis-toi, ma fille.

Plus facile à dire qu'à faire. Marc revenait une fois encore alors qu'elle descendait les escaliers.

Fiche le camp. J'ai des parents à rassurer. N'imagine surtout pas que je vais te laisser hanter ma nuit. J'ai du travail, des choses à penser. Un exemple au hasard : comment rassurer un couple de jeunes parents avec les maigres informations que je viens de glaner chez Cécile. Sans compter le temps que j'ai perdu avec la maman de Noémie. Et puis, maintenant que j'y pense, peut-être que mes parents-à-rassurer sont en train de monter aux renseignements par l'ascenseur, de guerre lasse, alors que moi je descends par les escaliers, parce que je crois que c'est bon pour mes fesses et mes cuisses. Merde, Marc, sors de ma tête, je mélange tout.

***

Delphine frappa discrètement à la porte. Pas de réponse. Elle ouvrit la porte.

Noir dans la chambre.

Ce n'est pas vrai : ils sont montés ! Cécile et Henri vont m'arracher les yeux.

De rage, elle alluma la lumière principale.

Quelques éclairs de lumière grise plus tard, elle découvrit le père de bébé trente affalé dans le fauteuil placé au coin de la chambre.

Il lui lança un regard de chien de garde.

— Ma femme dort.

Delphine éprouva instantanément de l'antipathie pour cet homme. Autant ce papa lui avait inspiré un sentiment d'indifférence au sortir de la salle d'opération, autant l'idée qu'il se soit endormi, dans le coin de la chambre, sans plus s'inquiéter pour sa fille, sans tenir la main de sa femme, révoltait Delphine au plus profond d'elle-même.

Les anti-douleurs l'ont assommée. Et lui, quelle excuse a-t-il ?

Elle s'apprêtait à demander « voulez-vous éventuellement des nouvelles de votre enfant ? », mais s'abstint de le provoquer.

— Votre petite fille est dans un état stationnaire. La pédiatre prend soin d'elle. D'ici peu vous pourrez monter la voir.

— Ma femme doit se reposer.

J'ai bien entendu ? Tu ne veux pas voir ton enfant ?

— Oui... Bien entendu. Je voulais juste dire...

— J'irai parler au pédiatre.

— ...que c'est important pour votre bébé de vous sentir près d'elle, maman et papa. Nous prévoyons tout pour que vous...

— Merci, mademoiselle.

Je rêve ! Il me demande de me barrer !

Au lieu de battre en retraite elle avança vers l'homme qui l'éconduisait avec tant de suffisance.

— Je dois examiner Madame.

— Le chirurgien a dit qu'il s'en chargeait.

— Il est retenu par une urgence.

Elle s'approcha de la maman endormie.

— Mademoiselle, le chirurgien...

Delphine fit volte-face. Sa voix descendit d'une octave :

— Si « le chirurgien » était à ma place, ici et maintenant, vous opposeriez-vous à ce qu'il examine Madame ?

L'homme hésita. Elle s'était approchée de lui : son nez lui dit qu'il n'avait probablement pas pris de douche depuis au moins deux jours. Délicieux.

— Je suis ici parce que « le chirurgien » me l'a demandé, monsieur.

Le service commandé. Ça marche presque à tous les coups. Tu as de la chance, mon bonhomme. J'étais à deux doigts de passer en force, et tant pis pour mon grade. De toute façon tout s'écroule au-dehors. Marc ne roule pas vers moi, je le sens. Non, en fait je n'en sais rien, mais merde, cela n'a rien à voir.

Il haussa les épaules et retourna à son fauteuil.

Tension correcte, perfusion changée, pansement sans la moindre trace de sang. C'est presque trop beau : rien à voir avec la maman de Noémie. Et elle dort d'un sommeil de plomb. Je n'ai plus rien à faire ici pour l'instant.

Elle se retourna et vit son mari affalé, le regard vide.

Il n'a qu'une envie : se rendormir. Il ne garde les yeux ouverts que pour me surveiller.

Je déteste ce type.

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À la mémoire de mon père

 

Lorsque le méchant cancer a envahi tes entrailles

Il a habité tes poumons, il s’est emparé de tes os

Tu buvais une lampée de lumière

Tu disais : «  La joie de vivre est un devoir »

Hier , papa tu as rendu l’âme

J’ai vu ton image entre deux nuages

Derrière une demi-lune tu me faisais signe

Tu m’as quitté et tu savais que je t’aimais

Maintenant, je regarde mes photos d’enfance

Et je vois ton visage brun et tes yeux bridés

Papa mon chéri tu n’es pas mort puisque ton âme vit

En moi et que mon amour est très grand pour toi

 

Le 09/11/2011

Nada

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Votez UBU

 

Ubu Enchaîné. Théâtre de Namur. Allez, Eric, marque-leur-z-en encore un, cornegidouille.

 

Celles et ceux qui vont assister à ces représentations (du 8 au 15 Nov) à la vue du nom d'Eric Cantona en haut de l'affiche n'auront pas tort. Ce serait une facile évidence d'assumer que le rôle d'Ubu est taillé sur mesure pour l'ancien mythique centre avant, qu'il a le physique de l'emploi, etc... Encore faut-il assurer de façon convaincante, ne pas trop en faire, et surtout, jouer juste. Sa pointe d'accent du Midi le sert à merveille, enveloppant la truculence outrageante du personnage d'un halo jupitérien. Jouer un tel rôle entièrement assis en imposant une présence physique aussi écrasante que tonitruante, n'est pas évident, et King Eric se fond dans la mise en scène avec un naturel désarmant. On connaît la trame de cet épisode hautement philosophique de la vie du Roi Ubu, qui veut se faire esclave pour donner une leçon aux « maîtres ». Réflexion magistralement débridée de Jarry sur les notions de pouvoir et de liberté, qui n'a rien perdu de sa pertinence explosive. La mise en scène résolument contemporaine touche au but, grâce au décor à la fois sobre et déjanté de Dick Bird, qui a imaginé une scène sur la scène: une sorte d'écrin de foire pour strip-teaseuse au rabais encastré dans un massif portique de style mérovingien halluciné.

Une autre trouvaille de la production qui fait mouche réside dans les intervalles de sketches du « conteur », personnifié par Giovanni Calo, lui aussi servi par son accent transalpin, qui rappelle la grande tradition des bateleurss animant génialement les fêtes villageoises. Tout cela s'équilibre dans un chaos maîtrisé. Ici aussi, on remarquera une note de décor bien pensée: un buffet de cuisine des années cinquante (fifties en jargon branché) revu par Tati. La Mère Ubu, mi tigresse, mi hyène, est incarnée par une Valérie Crouzet bien dans sa peau de contrepoint contradictoire de son délirant époux, avec un battant de tragédienne aux tons amplifiés d'une Ségolène Royal subitement pourvue de talent, dans un rôle où il serait tentant d'en rajouter. Tout cela vous est servi sur un plateau baroquement enchanteur (et déroutant, comme il se doit) par Dan Jammett et son équipe. Les ennemis mortels de la musique électronique, dont je suis, reconnaîtront de bonne foi que l'environnement sonore mis en place par Frank Frenzy s'intègre plus qu'adéquatement dans ce numéro d'équilibriste à l'envers. Numéro assez réussi pour une première dans ce lieu délicieusement désuet qu'est le Théâtre de Namur, un des derniers bastions, écaillé, certes, du monde civilisé, où l'on ose vous accueillir avec le sourire et un foyer comme on n'en fait plus.

 

Informations pratiques: Si vous vous confiez naïvement aux soins de la SNCB pour vous rendre à Namur, prévoyez de vous pourvoir en lectures, de quelques provisions de bouche, de linge de rechange, et d'une trousse de toilette. Surtout, prévenez vos proches. Votre train de retour pourrait bien se retrouver détourné par quelque vache errante. Rassurez-vous: le sous-chef de gare vous proposera de passer la nuit dans un local chauffé. Question départ, la capitale de la région wallonne est solidement reliée à la capitale de l'Europe, éloignée de 60 km, à travers huit arrêts, plaisamment échelonnés pour vous faire oublier que votre train a démarré (très) en retard.

 

Paul V. Camal

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Une volière féerique

 

Au-dessus de mes arbrisseaux,

Dans une bulle, des oiseaux,

Aux parures éblouissantes,

Me causent une joie exaltante.

 

Perchés sur des branches fleuries,

Entourés d’un bleu qui varie,

Ils sont arrêtés dans l’espace,

Silencieux, se faisant face.

 

Quand les jours seront monotones,

Bientôt, à la fin de l’automne,

Ces oiseaux venus d’un ailleurs

En dissiperont la langueur.

 

Contrairement à la Nature,

L’art crée de la beauté qui dure.

Ce vitrail, vibrant d’énergie,

Ne perdra jamais sa magie.

 

8 novembre 2011

 

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Il y a des nuits comme ça (4)

Bousculades

Elle était dans une chaise roulante, face à la grande vitre. Delphine devina que c'était la maman de la petite Noémie.

— Madame ?

— Je sais, je devrais être dans ma chambre.

Elle était courbée en avant, dans une attitude qui lui donnait le triple de son âge. Sur son visage se mélangeaient souffrance physique et inquiétude.

— Vous devriez surtout ménager vos sutures, Madame. Vous êtes pliée en deux, c'est tout le contraire de ce qu'il faut.

Le petit haussement d'épaules de la maman acheva d'alarmer Delphine. Il y avait fort à parier que maman Noémie était seule dans sa chambre, et qu'elle avait saisi la première chaise roulante à sa portée pour se rendre ici. Personne n'avait dû la voir se déplacer.

Delphine s'accroupit pour que leurs visages soient à la même hauteur.

— Madame, je vais aller prendre des nouvelles de Noémie immédiatement. Vous m'entendez ? Je reviens.

Elle poussa la porte.

— Cécile ? J'ai besoin de toi.

— Tu viens aux nouvelles ?

— Plutôt deux fois qu'une. J'ai un problème : la maman de Noémie est là, juste derrière la vitre.

— Quoi ? Elle est folle ? Elle avait le ventre ouvert il y a une heure à peine. Vous faites quoi, en bas, les filles ? Vous lâchez vos patientes dans les couloirs ?

— Elle est passée à travers les mailles. Je n'ai aucune chance de la raisonner tant que je n'ai rien à lui dire à propos de sa fille. Tu peux m'aider ?

— Pas vraiment. Rien de nouveau pour l'instant. Noémie ne tient qu'à un fil. On pourra tenter une alimentation par sonde dès qu'elle pourra tenir quelques minutes sans assistance respiratoire.

— Super...

— Je ne vais pas te mentir, Delphine.

— Je reviens.

— Dans une heure. On vient de m'amener bébé trente aussi. Les mamans, c'est ton rayon.

— Pas dans une heure, Cécile, s'il te plait. Les sutures ont peut-être lâché. Je dois m'arranger pour qu'elle s'allonge.

— Je vais chercher de l'aide.

— Pour qu'elle panique ? Là, on la remballe en salle d'op à coup sûr.

— Ça va, j'ai compris. Ne traîne pas.

Delphine se dirigea vers la porte. Le front de maman Noémie pesait sur la vitre comme celui d'un enfant au départ d'un train.

— J'ai des nouvelles.

Pas de réaction. Les larmes étaient prêtes à déborder de ses paupières. Elle s'accroupit et lui prit la main.

— Noémie est dans un état stationnaire.

Génial. Trouve autre chose, et vite.

La maman se redressa, et les larmes se précipitèrent vers le sol.

— Elle a besoin de vous, Madame. Nous allons lui rendre visite, et nous allons prendre des dispositions pour la nourrir avec votre aide. Vous comptez l'allaiter ?

Delphine espérait la voir réagir : c'était une question à laquelle maman Noémie devait avoir réfléchi suffisamment pour pouvoir y répondre, quel que soit son état.

— Oui, répondit-elle, en tournant enfin le visage vers Delphine.

Bingo. On fonce, maintenant.

— Alors voilà : dans quelques minutes, nous allons rentrer ensemble dans le service de néonatologie par la porte que je viens d'emprunter, et rejoindre Noémie. Il lui faudra du temps pour pouvoir s'alimenter toute seule, mais vous pourrez la nourrir via une sonde gastrique. Je vais tout vous expliquer.

Le regard de la maman revenait progressivement à la réalité. Delphine vit aussi la douleur physique envahir son visage, en même temps que l'angoisse refluait.

Elle reprend conscience de son corps. Pourvu que ça dure. Continue, ma fille.

— Mais avant cela je dois m'assurer du fait que vous n'avez causé aucun dégât à vos sutures en venant jusqu'ici. Vous ne pouvez pas pénétrer dans ce service si je ne vous ai pas examinée. Vous me comprenez ?

Delphine n'aimait guère se laisser empêtrer dans ces subtils arrangements avec la vérité, mais elle n'avait guère le choix. Seule la perspective de s'approcher de Noémie laissait une chance à l'infirmière d'examiner sa maman sans risquer la crise de nerfs.

— À l'intérieur, vous pourrez vous asseoir dans un fauteuil où vous ne serez pas pliée en deux comme vous l'êtes maintenant. Mais auparavant je dois vraiment vous examiner. Vous voulez bien vous redresser ? Nous en avons pour une minute.

— Une minute ?

— Oui. Et tout de suite après nous parlerons à Noémie.

La maman posa ses mains sur les accoudoirs de sa chaise roulante pour se lever.

— Non, non, ne vous levez pas. Glissez juste votre bassin vers moi, comme si vous vous installiez dans une chaise longue. Le couloir est désert, je vais faire vite.

Elle souleva le côté droit de sa robe d'opérée. Le pansement était rouge et complètement imbibé.

Triple idiote ! Et tu fais quoi maintenant ? Tu lui dis « oups, pardon, tout compte fait vous devez refaire un petit tour en salle d'op, on postpose le rendez-vous avec Noémie d'une petite heure, d'accord ? ».

Delphine se ressaisit. Après tout c'était dans ces circonstances-ci qu'elle aimait vraiment son métier.

— Bon. Il faut que je vous change ce pansement avant d'entrer. Normalement je dois vous emmener dans un lieu plus adéquat faire cela, mais nous perdrions du temps. Je vais faire cela ici. Je reviens dans un instant.

Delphine poussa à nouveau la porte et s'adressa tout de suite à Cécile.

— Tu as des compresses ?

— Oui, dans les bacs du bas, là... Que se passe-t-il ?

— Il se passe que le seul moyen d'évaluer les dégâts que maman Noémie a fait à ses sutures sans qu'elle ne pète un câble, c'est de lui renouveler son pansement ici et maintenant.

— Tu ne peux pas calmer le jeu autrement ?

— Tu as une autre question ?

— Oui : je téléphone déjà à Henri ?

— Pourquoi ? C'est lui qui l'a opérée ?

— Oui. Il a enchaîné les deux césariennes.

— Alors laisse-moi une minute.

Delphine ressortit. Elle enleva le pansement imbibé de sang.

Ouf. Ça pourrait être pire.

— Je vous arrange cela, mais je crains que votre chirurgien n'ait à nouveau à vous examiner.

— On y va ? demanda maman Noémie, ignorant la réflexion de l'infirmière.

— Oui, dans un instant.

***

Les deux femmes se dirigeaient silencieusement entre les couveuses.

Lorsqu'elle eût installé la maman près de sa fille, Delphine rejoignit Cécile.

— J'appelle ?

— Non. Je m'en occupe dans un instant, le temps que j'achève d'installer Madame.

Elle revint vers maman Noémie et approcha la couveuse où sa petite fille luttait silencieusement. Sa maman se mit à lui parler d'une voix à la fois douce et haut-perché. Delphine jeta un regard à la petite fille, baignée de lumière ultra-violette.

Sous le petit bonnet de laine, Noémie offrait un visage au teint presque transparent, strié de minuscules vaisseaux sanguins roses vif. Elle avait les yeux fermés, mais on aurait dit qu'elle écoutait.

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administrateur théâtres

12272772659?profile=original  En ce moment, au Théâtre de la Place des Martyrs Un Cyrano qui va droit à l’âme. (d'Edmond Rostand)

 

Depuis sa création, il y a bientôt 20 ans, Théâtre en Liberté aime les spectacles qui allient panache et poésie ; des réalisations imagées, mouvementées, où l’esprit de troupe s’épanouit dans un plaisir du beau texte, de la musique, de l’escrime… Bref du théâtre total. Plus que jamais, entre des productions théâtrales assises dans le confort et des productions où la forme esthétique l’emporte sur le fond, où les gadgets scéniques remplacent les vraies valeurs du théâtre, il y a une place pour un théâtre « populaire ». Non un théâtre « démagogique » voulant plaire à tout prix et par n’importe quel moyen, mais un théâtre où l’équipe réunie dans une même foi apporte au public un spectacle où le divertissement va de pair avec la réflexion et l’esprit de révolte qui est celui de notre héros.

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Une troupe au service d'une pièce magique.

 

Avec Cyrano, nous voulons réunir dans une troupe partageant le même enthousiasme, des créateurs, des comédiens, des techniciens susceptibles d’apporter au public, la qualité de rêves et d’émotions qu’il est en droit d’attendre d’un théâtre vivant. Tous, ensemble, nous voulons faire un Cyrano non pas confiné dans un respect sclérosant mais où le souci de la tradition s’enrichit des précieux apports de la modernité théâtrale et donnant toujours au théâtre cette place privilégiée qui est la sienne : ouvrir les portes de l’imaginaire, de la poésie, du rêve…

 

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Une version dépouillée, concentrée sur un homme blessé qui combat la bêtise et les préjugés.

 

Notre Cyrano sera « débarrassé de ses paillettes, de ses plumes, de ses mots excessifs ». Pas pour une opération d’appauvrissement, mais au contraire pour « en retrouver la poésie, les sentiments, comme lorsqu’on dégage la toile d’un peintre de son cadre, pour mieux profiter du tableau »

 

Cyrano est avant tout un révolté contre la stupidité, la banalité, contre les comportements obligés, dictés par la société, contre l’utilisation que les gens en place font de leur pouvoir.

 

Les tirades de Cyrano ont une modernité formidable, très vite, on se rend compte que les travers que Cyrano combat, sont les mêmes que ceux qui gangrènent nos sociétés : l’opportunisme, l’arrivisme, le népotisme, la compromission. Tous ces abus qui se retrouvent aujourd’hui dans le monde des affaires, la politique, le monde des idées. Et certains, comme Cyrano, continuent à les combattre, non pas à la pointe de l’épée, mais avec d’autres armes, avec peu de résultats quelquefois, parce que les défauts de la société sont puissants comme ceux qui les entretiennent.

 

 

Assumer sa différence

 

 

Cyrano est, en fait, un antihéros qui est l’image même de l’échec. Antihéros qui a apparemment tout raté dans la vie et jusque dans la mort, Cyrano n’est pas un « gagneur » comme les héros de Sulitzer, il n’est pas davantage le « tombeur » qui séduit les femmes dans les feuilletons télévisés, il a seulement du cœur et de la fierté.

Et si c’était cela, pour une large part, qui faisait le succès de Cyrano ?

Il y a dans l’existence d’autres valeurs humanistes que l’argent, le pouvoir ou la beauté, que « réussir dans la vie » à la manière des Ducs du XVIIe et des « cadres dynamiques » d’aujourd’hui.

 

« Voyez-vous, lorsqu’on a trop réussi sa vie, on  sent – n’ayant rien fait mon Dieu, de vraiment mal ! Milles petits dégoûts de soi, dont le total ne fait pas un remord, mais une gène obscure ».

 

L’interprétation est fabuleuse. Dont acte. Cela commence en musique par des baladins en costumes dans le style de la plus pure commedia dell'arte - racines obligent  -  qui circulent dans le public et entraînent le regard vers une scène dont on ne lèvera pas le rideau avant les trois coups traditionnels. Une mise en oreille à l’ancienne, qui met  le public tout à l’écoute.

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 Et puis c’est le verbe magnifique qui déferle avec des intonations riches, justes, travaillées avec grande intelligence. Les trois personnages principaux n’ont rien de théâtral, ils ont tout des voix intérieures que l’on imagine à la lecture du texte. Et c’est une chose rare de sentir une telle adéquation entre la lecture et l’interprétation.

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 Roxane est bien une précieuse, mais pas ridicule du tout car elle a perdu beaucoup de sa vanité. Elle  arbore jeunesse, passion  et charme tendre avec une fougueuse intensité. Elle aime. Cyrano est l’humanité même, il aime.  Christian, que d’aucun pourraient moquer pour ses manques de verbe est tout aussi humain … même si son destin n’est que d’être beau comme le  Pâris de la guerre de Troie. Il aime. Les scènes de fleuret, de pâtisseries,  d’amour perché sur une échelle, ou de lune qu’un poète attrape au bout de sa verve, sont pétillantes d’esprit et de mouvement. Le public aime.  Les décors, tout le contraire des costumes éblouissants sont sommaires, vont à l’essentiel. Un arbre cache la forêt. C’est le flux théâtral qui prime... et la mise en scène qui fait voltiger les tableaux de maître, construits, équilibrés, graphiques, impressionnants. Et voici le  fleuve d’applaudissements qui coule et déborde de toutes parts!

 

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CYRANO DE BERGERAC - E. Rostand

Théâtre en Liberté

Du 27 octobre au 10 décembre 2011

Dim : 27 novembre et 04 décembre

 

 





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Il y a des nuits comme ça (3)

Latence

Dix-huit heures avaient sonné : habituellement c'était à partir de ce moment qu'il devenait impossible de ne faire qu'une seule chose à la fois. Après vingt et une heure, avec un peu de chance, cela se calmait. Le reste était étroitement lié au pur hasard.

Mais cette nuit-ci démarrait comme dans du coton.

La visite à Lucas fut de courte durée. Ses parents contemplaient leur petit bonhomme tout occupé à se nourrir. Delphine pouvait considérer que cette chambre-ci ne la solliciterait pas trop durant la nuit.

Depuis qu'elle exerçait ce métier, Delphine aimait sentir la nuit envelopper son service. Elle avait l'impression à chaque début de garde de monter à bord d'un transatlantique, avec armes et bagages, patients et collègues.

Le briefing avait commencé. Maya cédait la main à Bertrand, que chacun surnommait « le vitrail ». L'expression avait été trouvée par une stagiaire, un soir de fête : quelle que soit sa couleur c'est toujours Maya qu'on voit au travers. En effet, Bertrand n'avait pas le charisme de son chef, mais elle l'avait formé avec patience, et il coordonnait les travaux avec autant d'efficacité que sa supérieure.

— Noémie est entrée en néonat il y a une demi-heure. Elle est à 30 semaines environ et souffre d'une insuffisance pulmonaire, le diagnostic est réservé pour l'instant. La maman est sortie de réa, rien à signaler en post-op, mais elle est très inquiète. Nous avons une autre césarienne en cours – les informations vont suivre – et trois salles de travail occupées. Aucun déclenchement de prévu ce soir. Pour le reste, vous voyez Bertrand et les tableaux.

Deux césariennes de front, cela faisait avant tout deux couples à gérer : le sort des bébés était dans les mains de Cécile. Delphine entama ses travaux du soir par les soins à quatre mamans qui étaient à la veille de leur départ du service. Le plus délicat fut d'inviter leur famille à quitter la chambre pour quelques minutes.

De retour au « camp de base » – c'était ainsi que l'on surnommait le local des infirmières – Delphine s'attaqua au premier épisode de paperasse pour la nuit. Sa garde était habituellement rythmée par l'alternance entre les soins proprement dits et leur miroir administratif. Cette nuit, elle sentit tout de suite que ses collègues ne la verraient pas souvent – ni longtemps – derrière un ordinateur. À peine ses doigts s'étaient-ils posés sur le clavier qu'elle s'était mise à penser à Marc.

S'il revient, ce sera cette nuit.

Il devait être en route, quelque part en Allemagne. Elle imagina le bitume fuyant à vive allure dans la lumière des phares.

Bravo ma fille. Tu pries pour qu'il arrive sain et sauf, mais tu ne sais même pas si c'est vers toi qu'il se dirige. Éloigne-toi de cet ordinateur.

Delphine hésita un instant. Elle pouvait consulter ses messages vocaux via Internet.

Ne te laisse pas distraire. Tu as encore le suivi de deux protocoles à encoder. Laisse tomber.

Mais deux clics plus tard, Delphine consultait le site Web de son opérateur téléphonique. Nom d'utilisateur, mot de passe, et...

...Rien. Aucun message vocal, ni sur son téléphone fixe, ni sur son mobile.

Et voilà. Ça valait bien la peine. Contente ? Maintenant au travail.

— Delphine ?

Isabelle lui souriait.

— Oui ?

— Le clavier ne t'a rien fait, tu sais.

Bravo. Et en plus ma nervosité est palpable.

— Oups... Désolée.

— Pas de problème. On dirait bien que tu n'auras pas besoin de café cette nuit.

— Oui, on peut dire ça... je te laisse la place dans cinq minutes.

— Tu prends en charge les parents de « bébé trente » ? Ils devraient sortir de salle d'op dans un quart d'heure.

— D'accord. Pas de prénom ?

— Pas de prénom. Les parents sont très angoissés depuis le début de la grossesse, paraît-il. Ils n'ont pas voulu savoir quel était le sexe de leur enfant, et ils n'ont pas choisi de prénom. Le papa a tenu à rester près de sa femme, mais il a passé tout le temps assis sur un tabouret, dans un coin de la salle d'op. Il n'a plus de jambes, mais il fait bonne figure.

Pas de prénom... Des parents qui n'osent pas y croire. C'est ce qui s'appelle partir gagnant... mais bon, je ne suis pas à leur place.

— Qui opère ?

— Henri.

Elle vit le petit sourire que Delphine tentait de dissimuler, et ajouta :

— Tu vois, il n'y a pas de quoi s'acharner sur le clavier.

Tout le monde dans le service adorait travailler avec Henri. De tous les obstétriciens c'était le plus rare, mais c'était aussi celui qui manifestait le plus de respect vis-à-vis du personnel infirmier.

Haut les cœurs, avec un peu de chance, la nuit sera bonne.

— Delphine ?

— Oui ?

— Bébé trente, c'est une petite fille.

Idiote, je ne l'ai même pas demandé... Je vais vraiment passer pour la groupie qui perd la tête à l'idée d'approcher son idole.

***

Dans le service, on appelait souvent les enfants sans prénom ainsi : « bébé », suivi du nom de famille des parents. Mais il arrivait que, pour une raison ou pour une autre, le nom des parents tarde à être communiqué au responsable du service. L'infirmière présente à l'accouchement donnait alors souvent au nouveau-né un petit surnom.

Les deux derniers surnommés du service s'étaient ainsi appelés « bébé brume » (une jolie petite fille née un soir où le brouillard était particulièrement dense) et « bébé plume » (un petit garçon dont le poids à la naissance était très inférieur à ce que la dernière échographie avait laissé entendre).

Dans le cas présent le surnom était beaucoup plus lourd à porter : bébé trente débarquait dans la vie après seulement trente semaines passées dans le ventre de sa maman : rares étaient les cas où aucune séquelle n'était constatée.

Delphine céda la place à sa collègue Isabelle et se dirigea vers la salle d'opération.

***

Une soirée sans « pèlerins ». Cela faisait longtemps, tiens...

C'était le seul hôpital où Delphine avait entendu donner un surnom aux femmes dont l'accouchement est provoqué : une fois la perfusion placée, il leur était recommandé de marcher lentement dans les couloirs. Le cocktail à base d'ocytocine déclenchait le travail, et les déambulations en favorisaient l'évolution, avant de rejoindre la salle de travail. Souvent, le lendemain matin, les pèlerins recevaient la juste récompense de leur marche.

Delphine trouvait les couloirs bien déserts, et, mauvais signe, elle en éprouvait de la contrariété. Son moral flottait entre deux eaux. Les pèlerins, comme les papas au regard comblé, étaient pour elle autant de perches qui se tendaient naturellement vers elle à chaque garde, et qui la maintenaient à flot.

Mais ici : des médecins, des infirmières, personne d'autre.

C'est comme si les coulisses prenaient toute la place.

***

Henri accueillit Delphine comme à son habitude : sans lever la tête, il s'adressa à la maman qui sortait de sa torpeur.

— Je vais vous confier à Delphine, qui va vous accompagner jusqu'à votre chambre, et sera votre ange gardien pour cette nuit.

En présence de patients, jamais Henri n'avait salué Delphine. Bien souvent les infirmières considéraient cela comme de la condescendance, mais il s'en expliquait autrement : « Je ne suis pas suffisamment présent ici pour me permettre d'être familier avec vous devant nos patients. Ils s'imaginent toujours que nous avons eu le temps de nous dire bonjour bien avant que nous ne les prenions en charge, ce qui n'est que rarement le cas ».

Pour l'heure, Delphine s'accordait un bref instant et prenait la mesure de la situation : le papa était toujours assis sur son tabouret, à quelque distance de la table où était allongée la maman.

Il n'osait toujours pas se lever, mais il parlait à sa femme d'un ton rassurant. Bon signe.

Son regard à elle suivait des insectes imaginaires au plafond. Mauvais signe.

Delphine s'approcha d'elle :

— Je vous emmène dans votre chambre, et immédiatement ensuite j'irai prendre des nouvelles de votre enfant. Je comprends votre inquiétude, mais à l'heure qu'il est, il ne peut pas être mieux pris en charge qu'en néonatologie.

Delphine croisa le regard de sa collègue, qui avait assisté Henri toute l'opération durant. Cette dernière contourna la table et se dirigea vers le papa.

— Monsieur ? Vous pouvez vous lever ? Nous y allons.

Puis elle ajouta à voix basse :

— Prenez votre temps. Nous allons transférer votre femme sur son lit, cela va prendre une minute environ. Nous allons passer juste devant vous. Si cela vous convient, levez-vous à ce moment. Sans vous commander, je crois que votre femme a besoin de vous voir debout et confiant.

L'homme lança un regard volontaire à l'infirmière.

— Ça va aller, je vous remercie.

Et il se leva. Delphine adressa un sourire discret à sa collègue. Toutes deux connaissaient par cœur ce petit tour de passe-passe verbal. L'orgueil des hommes triomphait presque toujours des émotions fortes. En tout cas, il les maintenait debout jusqu'à l'arrivée en chambre.

Une fois dans le couloir, ce fut au tour de sa femme de reprendre progressivement ses esprits.

— Quand pourrai-je aller voir ma fille ?

— Le plus tôt sera le mieux, madame, mais ce sont les médecins à qui elle a été confiée qui vont pouvoir nous le dire. Je me rends en néonatologie dès que vous êtes installée dans votre chambre. À mon retour nous discuterons de tout ceci.

— Pourquoi dites-vous « le plus tôt sera le mieux » ? demanda le papa. Elle a plus besoin de soins que de sa maman, non ? Chérie, tu dois te reposer aussi, on t'a fait une césarienne, ce n'est pas rien !

— Elle a autant besoin de soins que de votre présence, glissa Delphine.

Puis, en ouvrant la porte de la chambre, elle ajouta en observant la maman :

— Et réciproquement, j'en suis sûre.

Deux minutes plus tard, Delphine reprenait le chemin de la néonatologie pour prendre des nouvelles de bébé trente.

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