Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Votez UBU

 

Ubu Enchaîné. Théâtre de Namur. Allez, Eric, marque-leur-z-en encore un, cornegidouille.

 

Celles et ceux qui vont assister à ces représentations (du 8 au 15 Nov) à la vue du nom d'Eric Cantona en haut de l'affiche n'auront pas tort. Ce serait une facile évidence d'assumer que le rôle d'Ubu est taillé sur mesure pour l'ancien mythique centre avant, qu'il a le physique de l'emploi, etc... Encore faut-il assurer de façon convaincante, ne pas trop en faire, et surtout, jouer juste. Sa pointe d'accent du Midi le sert à merveille, enveloppant la truculence outrageante du personnage d'un halo jupitérien. Jouer un tel rôle entièrement assis en imposant une présence physique aussi écrasante que tonitruante, n'est pas évident, et King Eric se fond dans la mise en scène avec un naturel désarmant. On connaît la trame de cet épisode hautement philosophique de la vie du Roi Ubu, qui veut se faire esclave pour donner une leçon aux « maîtres ». Réflexion magistralement débridée de Jarry sur les notions de pouvoir et de liberté, qui n'a rien perdu de sa pertinence explosive. La mise en scène résolument contemporaine touche au but, grâce au décor à la fois sobre et déjanté de Dick Bird, qui a imaginé une scène sur la scène: une sorte d'écrin de foire pour strip-teaseuse au rabais encastré dans un massif portique de style mérovingien halluciné.

Une autre trouvaille de la production qui fait mouche réside dans les intervalles de sketches du « conteur », personnifié par Giovanni Calo, lui aussi servi par son accent transalpin, qui rappelle la grande tradition des bateleurss animant génialement les fêtes villageoises. Tout cela s'équilibre dans un chaos maîtrisé. Ici aussi, on remarquera une note de décor bien pensée: un buffet de cuisine des années cinquante (fifties en jargon branché) revu par Tati. La Mère Ubu, mi tigresse, mi hyène, est incarnée par une Valérie Crouzet bien dans sa peau de contrepoint contradictoire de son délirant époux, avec un battant de tragédienne aux tons amplifiés d'une Ségolène Royal subitement pourvue de talent, dans un rôle où il serait tentant d'en rajouter. Tout cela vous est servi sur un plateau baroquement enchanteur (et déroutant, comme il se doit) par Dan Jammett et son équipe. Les ennemis mortels de la musique électronique, dont je suis, reconnaîtront de bonne foi que l'environnement sonore mis en place par Frank Frenzy s'intègre plus qu'adéquatement dans ce numéro d'équilibriste à l'envers. Numéro assez réussi pour une première dans ce lieu délicieusement désuet qu'est le Théâtre de Namur, un des derniers bastions, écaillé, certes, du monde civilisé, où l'on ose vous accueillir avec le sourire et un foyer comme on n'en fait plus.

 

Informations pratiques: Si vous vous confiez naïvement aux soins de la SNCB pour vous rendre à Namur, prévoyez de vous pourvoir en lectures, de quelques provisions de bouche, de linge de rechange, et d'une trousse de toilette. Surtout, prévenez vos proches. Votre train de retour pourrait bien se retrouver détourné par quelque vache errante. Rassurez-vous: le sous-chef de gare vous proposera de passer la nuit dans un local chauffé. Question départ, la capitale de la région wallonne est solidement reliée à la capitale de l'Europe, éloignée de 60 km, à travers huit arrêts, plaisamment échelonnés pour vous faire oublier que votre train a démarré (très) en retard.

 

Paul V. Camal

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles