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Fascination nocturne

 

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"Longueuil la nuit" de Claude Moulin

reproduction autorisée

Rêverie inspirée par «Longueuil la nuit» tableau de Claude Moulin

Le spectacle au ciel est divin.

En contemplation, le poète

Sait que s'exprimer serait vain.

Le peintre a sorti sa palette.

Une toile se fait miroir,

S'y déposent de blancs nuages,

Charmantes formes dans le noir.

La ville dort, devenue sage.

De l'univers mystérieux

A surgi la lune qui veille.

Elle a un aspect radieux,

Une présence qui égaille.

Lors, il se produit un miracle:

Le peintre emporte un pan de nuit,

La fascination du spectacle

Et la lune ronde qui luit.

13 juin 2014

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Incognito

 

PROPOS

 

Sans avoir besoin d'arguments,

Des membres fréquentant un site,

Adoptent un surnom et persistent,

En ont besoin apparemment.

Je veux savoir qui me contacte.

Je le fais savoir aussitôt.

Ceux qui m'écrivent, incognito,

Et me tutoient manquent de tact.

Lors j'ai rédigé un message

Que j'envoie indistinctement.

Cela m'arrive fréquemment.

Ma réaction me semble sage.

Le hasard intervient parfois.

Il me fit changer d'attitude,

Déroger à mes habitudes.

Je ne sus certes pas pourquoi.

À un lecteur, sans grands égards,

Dont un tableau était visible,

Ayant un talent prévisible,

Je dis mon émoi sans retard.

Échanges et enfin vérité.

Lourdaud, par pure fantaisie,

Cet inconnu m'a ébahie,

Me donnant son identité.

13 juin 2014

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La mort de Thérèse

   

Thérèse, ma femme, a perdu la raison avant de mourir. Cela s'est fait lentement. Au début, elle s'obstinait sur des détails sans intérêt, je le lui disais, et nous finissions par nous disputer. Un jour cependant, à un carrefour, alors que nous nous apprêtions à traverser parce que les feux étaient passés au vert, elle m'a retenu  par le bras.

- Il y a quelque chose?

- Non. Mais où va-t-on?

- Voyons, Thérèse, ne me dis pas que tu as oublié. Nous allons chez le chausseur. En face.

Elle s'est accrochée plus fort à mon bras.

- Je veux rentrer.

Elle a répété: je veux rentrer, et j'ai vu son regard vaciller.

Depuis une zone d'ombre s'était installée entre nous. C'est ainsi que je définissais nos silences et nos regards qui se fuyaient. Je me disais: il faut que nous nous parlions sinon notre couple va se défaire rongé par notre peur de parler, et d'autant plus vite que nous avons peur de nous blesser.

Le comportement de Thérèse se modifiait. Ce n'était pas de la distraction, c'était plus que cela. Par exemple, elle qui était d'une minutie quasi rituelle elle mettait les couverts dans un ordre parfait mais elle oubliait de cuire le repas. Elle devenait imprévisible dans les actes les plus simples.

Un jour je suis rentré du bureau au début de l'après-midi, Thérèse était en pyjama, et elle s'est serrée contre moi.

- Fais-moi l'amour.

Jamais elle ne s'était conduite de cette manière. Elle dont il m'arrivait de regretter qu'elle soit si pudique  avait eu des gestes qui m'avaient surpris et exaltés tout à la fois. C'est elle qui nous avait conduits jusqu'à la jouissance.

Désormais je rentrais du bureau de plus en plus tôt pour des retrouvailles dont il faut bien reconnaitre qu'elles étaient d'abord sexuelles.

C'était une période étrange. Un jour j'ai acheté en même temps que mon quotidien une revue pornographique. Nous l'avons feuilletée côte à côte. Jamais je n'ai ressenti avec autant de vigueur à quel point Thérèse était à la fois ma femme et ma propriété, et ma maîtresse. A la pensée qu'elle pourrait accueillir un autre homme dans son lit, la rage me soulevait la poitrine. J'avais envie de la tuer.

La plupart du temps c'est elle qui décidait du jour et de l'heure où nous faisions l'amour. On eut dit tant elle y mettait d'invention, qu'à chaque fois elle se livrait à une expérience. J'avais le sentiment de devenir un objet sexuel qu'elle découvrait avec surprise.

- Thérèse, tu ne penses pas.…

Je ne savais pas comment le dire et elle, elle me regardait comme si j'étais un étranger qui s'efforçait de lui faire des propositions inconvenantes.

Un jour alors qu'à moitié nue elle m'avait poussé sur le lit mais qu'elle s'était refusée à moi au moment où je m'étendais sur elle, je me suis écartée en l'insultant.

- Tu agis comme une pute. Ou comme une folle, et moi, j'en ai assez.

Elle s'est mise à pleurer.

Je l'ai violée ce jour-là. C'est elle qui ne voulait plus que je m'écarte.

Je me répétais: elle est malade, elle est malade, il faut l'obliger à consulter un médecin. En même temps, je me demandais si c’était vraiment nécessaire.

Je me disais qu'un peu d'organisation, un peu de vigilance de ma part, l'amour que je luis portais, aboutiraient à rendre notre vie aussi naturelle que possible. Je me disais que chez de nombreux couples, ce qui me paraissait hors de la normalité convenue était le lot quotidien depuis toujours et n'étonnait personne.  

Une nouvelle vie s'offrait à nous. Je ne pouvais plus me passer de Thérèse. Il n'y a pas si longtemps, je me demandais si la routine n'était pas en train de ronger

notre   union. Je comprends aujourd’hui le sens de ces mots qui me faisaient sourire: je l'ai dans la peau.

Thérèse est morte sans s'en rendre compte. Elle a eu un léger soubresaut, puis elle s'est raidie. Durant des jours entiers, je ne suis pas sorti de chez moi. J'étais prostré et je pleurais. J'espérais que si je m'efforçais de pleurer et de rester sans bouger, moi aussi je deviendrais fou.

 

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C'est le doudou JGobert

Je suis de nouveau le centre d’intérêt de toute cette foule qui a envahit les rues de ma cité. Je suis depuis ce matin, bichonné, apprêté, recouvert de cocardes rouge et blanches et tous les yeux me regardent avec admiration.

La coutume veut que je sois battu et je le serai. Au milieu de l’arène, je dois me battre face à un cavalier et sa monture. Des hommes blancs et de feuilles veillent à ce que tout se passe bien.  Tout un cérémonial précis régit ce combat et me laisse exempt de force pour mieux m’abattre.

La foule, nombreuse, se masse le long de mon parcours m’arrachant ainsi quelques crins, feuilles, cocardes pour en faire un trophée ou un porte-bonheur. Elle reste avec moi et m’entoure de clameurs et de cris quand enfin j’accède au centre de l’arène. L’enthousiasme est à son fort quand la musique retentit. Tous les yeux et les cœurs me suivent dans une ambiance peu commune accentuée par des salves de carabines portées par des hommes du feu.

Le combat a commencé. Je suis là, au milieu de cette foule voulant m’arracher la queue couverte de crin et sans l’aide de mes compagnons de misère, je serai disloqué en quelques minutes. Mais point de violence dans ce combat même si certains font les gros bras. C’est la cité en fête qui honore son plus beau représentant.

La musique ne s’arrête pas et reprend en boucle cet air tant aimé par les montois. La place est noire de monde. Les plus audacieux sont montés sur les toits, sur les sous-pentes, aux fenêtres, aux balcons pour voir cette danse peu commune d’un dragon qui va mourir. 

Je suis là, légende du passé avec un fier chevalier sur sa monture et j’attends le coup de grâce qui fera éclater la foule montoise dans des applaudissements  nourrir.  Chacun cherchera à avoir un crin qu’il attachera à ce qui lui est cher jusque l’année suivante.

Un combat de St Georges et du dragon et pour les montois, c’est le doudou…

Bonne ducasse.

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Ma romantique nostalgie

 

La nature frissonne, en larmes.

Je ne m'attriste nullement.

Les pleurs causent l'apaisement,

Peuvent paraître empreints de charme.

La pluie qui tombe faiblement

Libère un courant de tendresse.

Mon corps et mon esprit paressent

Mon âme apprécie le moment.

Par la torpeur, certes assoupie,

J'accueille des réminiscences,

Bien conservées par pure chance,

Ô la troublante nostalgie!

La pluie a cessé, rien ne bouge.

J'immerge de ma rêverie.

Sans soleil pas de griserie.

L'instant est bloqué au feu rouge.

12 juin 2014

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Ses dernies mots

 

Rêverie

À l'improviste, ma mémoire

Se permet de me raconter

Des faits divers de mon histoire,

Sans jamais ne rien inventer.

Surgi d'une vie précédente,

Dans un décor qui fut réel

Et reconstitué tel quel,

Mon moi antérieur se présente.

Je pourrais fortement douter

De ce qui m'advint d'impensable

Et fut pourtant réalisable.

Ô certaines félicités!

Grâces et drames d'autrefois,

Dont il me reste souvenance,

Sur les plateaux de la balance,

Avec le temps n'ont plus de poids.

Lors que seront mes derniers mots,

Au sortir de mon existence?

Dirai-je que la providence

Finalement fait ce qu'il faut?

J'aurai voulu pouvoir entendre

Ce que mon ami, les quittant,

Murmura de réconfortant

À ceux auxquels il était tendre.

12 juin 2014

 

 

 

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AU BEL ETE...

Après une coupe sévère depuis l'hiver passé

La Saule au bel été pleure comme une grappe.

On dirait que ses forces ont été rassemblées

Pour nous offrir ce jour un présent de nabab!

Le long de belles haies, quelques fleurs clairsemées

En harmonie mélangent leur vision colorée.

Le temps est au soleil et la brise légère.

S'envole dans le matin toute pensée amère!

Et si on prête l'oreille, on peut entendre un chant

Celui trop oublié, d'un bonheur au présent...

Il y a, quelque part, perçu dans l'univers

Le battement d'un cœur qui fait reculer l'hiver!

J.G.

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La cinquantaine

 

 

 

C’est quoi, la vie ? Je venais d’avoir cinquante ans. Cet âge sinistre qui remet votre vie en question.

A ma mère, lorsque j’avais quinze ans, à la moindre dispute  je criais : je n’ai pas demandé de vivre. Un jour, exaspéré par l’amour qu’elle me portait, j’ai saisi un couteau qui se trouvait à ma portée, et j’ai cloué ma main sur la table. C’est moi qui me suis évanoui lorsque le sang a giclé.

Julie venait d’avoir cinquante ans, elle aussi. Bernard, son mari, avait proposé que l’on fête les deux anniversaires le même jour.

Bernard, Julie, Thérèse ma femme et moi, nous nous connaissions  depuis notre jeunesse. Pour dire la vérité, Bernard ou moi aurait pu épouser soit Julie soit  Thérèse et quant à elles, elles auraient pu épouser Bernard ou moi sans voir de différence notable. Même durant la nuit.

Je suppose que durant la nuit les hommes, les femmes aussi, se conduisent au lit comme la plupart des couples. Les différences de comportement tiennent du fantasme d’époux fidèles.

Tous les quatre, nous avions tout pour être heureux.

Jeune, du temps que j’étais à l’école secondaire, je rêvais de devenir comédien. A la campagne ou au milieu de la forêt, je lançais à haute voix, les yeux levés vers le ciel des tirades apprises par cœur. Je ne rêvais pas d’un auditoire. Au contraire il m’effrayait, je rêvais de jouer la comédie.

Aujourd’hui, je regrettais de n’avoir pas persisté dans ce qui était peut être une vocation. De ces vocations qui sortent les êtres humains de ces vies qui s’achèvent avant même d’avoir commencé. J’avais décidé de partir.        

 - Je vais partir Julie.

Je savais que Bernard ne serait rentré que le lendemain. A Thérèse j’avais dit que je ne rentrerais que le soir. Je voulais demander à Julie de partir avec moi. Si elle s’y refusait, je ne sais pas ce que je souhaitais en réalité, je partirais seul, le soir même.

J’avais fait le plein d’essence et emporté quelques vêtements dans une mallette.

- Qu’est-ce que tu veux dire ? Partir. Pour de vrai ?

- Je ne supporte plus cette vie.

Elle s’était levée. Jamais, elle ne m’avait paru aussi séduisante.

- Et moi ? Tu m’abandonnes ?

Je l’ai serrée contre moi. J’ai cherché sa bouche qu’elle détournait tandis qu’elle poussait son ventre contre le mien. C’est elle qui a dit :

- J’ai envie de toi, Pierre.

Elle m’a entrainé vers leur chambre. C’est elle qui m’a déshabillé, et tout le temps que nous étions corps contre corps, elle ne me parlait pas. Comme si elle faisait l’amour toute seule.

- Tu m’aimes Julie, dis-moi que tu m’aimes ?

-  Ne me quitte pas, Pierre. Ne me quitte pas.

Les sens apaisés, j’ai compris qu’elle ne quitterait ni Bernard ni le confort qu’il lui apportait. Si je voulais changer de vie, je devais me décider sans attendre et partir seul.

Lorsque je l’ai laissée après un maigre baiser, j’ai quitté la ville pour ne plus y revenir. Jamais, je n’avais ressenti une telle ivresse.

 J’ai pris l’avion pour les Etats-Unis. J’y suis resté près de trois ans. Je les ai sillonnés de long en large. Puis j’ai eu peur. Entre la ville de mon enfance et moi, il y avait une sorte d’osmose. Entre l’Amérique et moi, il n’y avait rien.

A Houston, une ville sans trottoirs, un ami que je m’étais fait m’a conseillé de louer une salle et d’annoncer dans la presse qu’un acteur français y lirait des extraits de théâtre. Le soir de la représentation j’ai vomi dans ma chambre et j’ai pleuré comme un enfant.

J’ai regardé la paume de ma main gauche. La trace du coup de couteau que je m’étais donné y avait tracé une ligne de vie de plus. J’ai décidé de rentrer. Cinquante ans, c’est trop tard pour recommencer.  

Peu de choses avaient changé dans cette ville qui était la mienne. Bernard et Julie avaient quitté la ville et s’étaient séparés.

Le magasin qui avait été le mien était toujours là. J’ai vu Thérèse qui se trouvait dans le bureau de bois vitré que mes parents avaient construit pour surveiller le personnel. Elle rangeait des papiers.

En sortant du cabinet, elle m’a vu à travers la vitrine.

Nous étions immobiles tous les deux. J’ai souri et je suis entré dans le magasin.

- Tu es revenu. Tu as l’air fatigué.

-  Le trajet est long.

Elle a souri.

- Monte te reposer avant de dîner. Je vais dire à Daniel de fermer le magasin sans moi.

Dans la salle à manger, la table était mise pour deux. J’ai supposé que le second convive auprès de Thérèse était Daniel  à présent.  Lorsque que Thérèse est arrivée, elle a remplacé le second couvert par un autre.

- Tu ne m’as pas embrassée ? J’ai tellement changé ?

Elle n’avait pas tellement changé. Seules les hanches s’étaient épaissies mais la rendaient plus désirable.

Les choses, je le voyais, rentraient dans l’ordre.

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Villanelle sur un été

 

Te souviens-tu de cet été

Au sortir de l’adolescence?

La joie de l’amour nous portait.

Nous pensions avoir mérité

D’être des élus de la chance.

Te souviens-tu de cet été?

La vie là-bas nous enchantait.

Dans la saveur de l’innocence,

La joie de l’amour nous portait.

Le soleil, la plage, c’était

Le début d’heureuses vacances.

Te souviens-tu de cet été?

Les plaisirs de la liberté,

Notre parfaite connivence.

La joie de l’amour nous portait.

Comme on ne peut rien éviter,

Soudain s’imposa ton absence.

Te souviens-tu de cet été?

La joie de l’amour nous portait.

6 juin 2006

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Son prochain voyage JGobert

Son prochain voyage sera féérique. La destination est fixée et les billets sont commandés. Un grand besoin de bouger et de revivre. Un voyage hors du temps, un circuit dans un pays lointain où tout est à voir, à visiter.


Ce voyage, déjà reporté, fait partie d’un rêve fait avec son ami qui a quitté ce monde. Un peu une promesse, un pèlerinage virtuel et une façon de lui rendre hommage et de parler de lui. Toutes ces années de silence sont maintenant derrière elle et malgré l'absence, son esprit n'oublie pas et reste en éveil avec celui qui a partagé son existence.

Toute une suite d'évènements cruels lui a laissé un goût amer. Une énorme blessure lui a taillé le cœur. La vie a pris un tour complètement déchanté dès que la nouvelle est arrivée. Les étapes de la maladie ont suivi sans surprise. Leur vie a néanmoins continué dans une certaine bonne humeur sans trop montrer l’inquiétude et elle a vécu en apparence sereine durant tout ce temps où la maladie les a accompagnés.

La vie a changé, elle est devenue plus profonde, plus concrète mais elle ne s'est pas arrêtée. Ils ont profité de chaque heure, chaque minute pour vivre, rire, sortir, voyager. Rien n’était assez beau pour combler le vide qui allait les submerger.  Profiter du moment présent, faire des petites choses importantes, des petits plaisirs qui devaient envahir pour toujours sa mémoire comme une preuve de vie.

Fabriquer, réaliser des souvenirs à la pelle, continuer à vivre et se battre malgré tout contre ce décompte du temps, ce tic tac infernal.
Ils ont voyagé et fait mille photos comme pour conjurer le sort, lui montrer que la vie ne s'arrête pas et qu'il sera toujours là malgré son départ. Les larmes étaient au rendez-vous souvent cachées. La peine de perdre quelqu’un de sa valeur et le chagrin aussi dissimulés comme quand on sait que quelqu'un va partir.

Attendre la déchirure, la fin d’une vie. Il faisait des projets qu’il savait qu’il ne tiendrait pas comme pour prolonger ce destin qu’il lui était difficile de quitter malgré tout. La peur s’est estompée et sereinement, il s’obstinait à la conseiller, à la mettre en garde, à la rassurer, à lui tenir la main comme à une enfant effrayée.

Ce voyage faisait partie de ceux qu’ils avaient décidé ensemble et qui lui tenait à cœur.
Un voyage décliné en circuit, d'étape en station, d'hôtel en auberge avec des étoiles, des soleils  dans les yeux.

Cet autre ultime voyage, qu’il a commencé sans elle, l’a laissée solitaire, abandonnée.   Depuis, dans son cœur, dans sa valise, elle emporte toujours son souvenir, agréable, chaleureux malgré l'absence.  La chaleur et sa tendre mémoire l’enrobent de douceur.



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Réveillez-vous !

En recherchant parmi le désordre de mes écrits, j'ai retrouvé ce poème dédié à la jeunesse. Il date du 9/10/1971 !

Je me suis dit qu'il était toujours d'actualité. Merci pour vos commentaires éventuels.

Réveillez-vous !

Mais réveillez-vous donc jeunesse qui dormez,

Engluée dans la nuit, prisonnière de l'aube,

Vos épousez la mort avant d'avoir aimé

Et son grand linceul blanc d'un seul trait vous dérobe.

Mais réveillez-vous donc, secouez la poussière

De longs siècles d'effroi qui glaçaient vos parents

Ne tenez plus les yeux arrimés vers la terre

Mais riez au soleil et livrez-vous aux vents.

Mais réveillez-vous donc, regardez vers le Ciel

Où des mondes sans nom tournent dans l'insondable

Au centre d'un Amour à nul autre pareil

Vers un double néant : là git l'indécelable !

Mais réveillez-vous donc, ne laissez plus passer

Le temps fol qui s'enfuit comme l'eau sur la pierre

Etreignez donc la Vie, riches d'avoir aimé,

Et dansez librement dans un flot de Lumière.

Rolande Quivron (E.L. Quivron-Delmeira) 9/10/1971

Déposé.

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La petite auberge


Je me trouvais à la petite auberge. Je m’y rendais à chaque fois que j’avais le sentiment que mon imagination littéraire se tarissait.

J’avais écrit une nouvelle d’une dizaine de pages que j’avais vendue à un magazine féminin. Un an plus tard, à la veille des vacances d’été, la responsable de la rubrique culturelle me demanda de lui en écrire une autre.
- Dans le style de la précédente que beaucoup de lectrices ont aimée.
- Une histoire de cul ?
Au travers de l’appareil téléphonique, c’était comme si je la voyais pincer les lèvres.
-Pierre ! Dois-je te rappeler que le titre du magazine est : Femme de cœur.
- Soit, pas une histoire de cul mais une histoire de fesses. Pardon, je voulais dire une histoire de cœur.
J’ai écrit la nouvelle en un seul jour, et la lui ai envoyée dès le lendemain. Une heure plus tard, c’est elle qui m’appelait.
-Pierre, je n’apprécie pas ce genre de plaisanterie. Tu me l’as vendue l’année dernière. Je suppose qu’aujourd’hui, tu vas m’expédier celle d’aujourd’hui. Imagine qu’elle soit arrivée directement au secrétariat de rédaction.
J’avais réécrit sans m’en être rendu compte la nouvelle que je lui avais vendue un an plutôt. J’étais atterré.
-Tu es fatigué, Pierre. Tu travailles trop ces temps-ci. Tu devrais prendre quelques jours de repos. Pars pour la Petite Auberge. L’air de la campagne te fera du bien; avait dit Isabelle.
Je connaissais la Petite Auberge, située au fond des Ardennes, depuis que René et moi y avions passé deux jours après la réussite de sa dernière année à l’école hôtelière. Nous en avions été les seuls occupants. La tenancière, madame Lavergne, était sa tante.
Depuis c’est là que je venais me reposer durant un jour ou deux lorsque j’avais le sentiment que je devais me ressourcer.

Je me promenais dans la campagne et dans la forêt jusqu’à ce qu’une sorte de fièvre me saisisse. Je savais qu’il fallait que je rentre, que je retrouve mon écran, que j’écrive les premières lignes que j’avais à l’esprit avant qu’elles ne disparaissent. Un jour je les avais répétées à haute voix jusqu’à ce que je sois rentré chez moi.
Assis devant mon ordinateur, j’avais rédigé une nouvelle d’une dizaine de pages dont je savais qu’elle plairait.
J’ai rempli mon sac d’une chemise, d’un pantalon de toile et d’un peu de linge. Nous nous sommes embrassés Isabelle et moi comme si c’était peut-être notre dernier baiser.
Je téléphonais à madame Lavergne avant de partir, il y avait toujours une chambre de disponible. Ancien relais de chasse plus personne ne s’y rendait. La plupart du temps, j’étais le seul client.
J’étais assis dans la salle à manger en attendant que la pluie cesse, une averse comme il en tombait rarement durant cette saison. La météo n’annonçait aucune amélioration. Madame Lavergne m’avait préparé un thermos plein de café bouillant.
-Vous sortirez cet après-midi, monsieur Pierre.
- Oui, madame Lavergne.
Soudain, j’ai entendu claquer une porte, une voiture avait dû s’arrêter à quelques mètres. Une femme, un journal sur la tête, s’est précipitée dans la salle. Sa robe lui collait au corps. Quelques mètres, même parcourus en courant, avaient suffi pour la tremper.
-Ma pauvre dame, vous êtes trempée. Vous êtes seule ?
Madame Lavergne hésitait.
-Vous avez un bagage, je vais aller le prendre.
- Moi, je vais y aller.
- Je n’en ai pas. Vous êtes gentils tous les deux. Vous avez une chambre ? Je voudrais m’essuyer.
Elle était désemparée. Madame Lavergne s’est précipitée.
-Je suis sotte. Ma pauvre dame, venez vite.
C’était une très belle femme. De celles dont on dit qu’elles sont désirables. Sexuellement désirables. Je ne détachais pas les yeux de son corps. Sa robe qui lui collait à la peau n’en aurait pas montré davantage si elle avait été transparente.
-Vous ne voulez pas prendre une tasse de café chaud avant de vous changer ?
Madame Lavergne lui avait entouré le cou d’un essuie-éponge qu’elle avait été cherché dans la cuisine.
La femme m’a regardé un instant, peut-être qu’elle a souri. Je me sentais ridicule.
Lorsqu’elle est descendue, elle avait enfilé une robe de chambre en lainage que madame Lavergne n’avait pas dû porter souvent. Elle portait encore la trace des pliures qu’elle avait subies avant d’avoir été soigneusement rangée. Aux pieds, elle portait des charentaises. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire et elle a ri à son tour.
Madame Lavergne a posé un bol vide en face du mien, une bouteille de lait et une coupelle de morceaux de sucre.
-Tenez-le bien entre les mains, ça va vous réchauffer.
Nous avions l’air, elle et moi, d’un couple qui s’apprêtait à prendre son petit déjeuner.
-Vous venez de loin ?
- Je devais me rendre un peu plus loin mais je ne voyais plus rien. Vous aussi, vous avez été surpris par la pluie ?
- Non. Je connais l’auberge depuis fort longtemps. J’y viens lorsque j’ai besoin d’être seul. Peut-être pour me retrouver comme on dit. Je suis écrivain.
J’éprouvais le besoin de lui parler de moi. Je lui ai raconté comment j’y avais abouti et pourquoi j’y venais lorsque que mon imagination était sèche. Elle m’écoutait en souriant. De temps à autre, elle éclatait de rire en m’écoutant, et l’éclat de son rire m’émouvait à ce point que j’avais envie de serrer entre mes bras ce corps que je devinais tendre et tiède.
Elle devinait sans doute l’état dans lequel je me trouvais. Elle refermait le col de sa robe de chambre si maladroitement qu’elle découvrait à chaque fois une partie de sa poitrine. Elle disait :
-Pardon !
Je ne la regardais que plus fixement.
Madame Lavergne nous avait préparé une tranche de jambon fumé qu’elle avait accompagné d’une salade avec des croutons rôtis.
-Ce soir, je vous ferai une omelette aux champignons.
Elle regarda Françoise. Je dis Françoise parce que c’est le nom qu’elle m’avait donné mais aujourd’hui je ne suis plus sûr du tout que ce fût son véritable prénom.
-Pour moi, c’est oui. Rien que d’y penser je voudrais déjà que nous soyons ce soir. Mais je ne vous l’ai pas demandé : la chambre est disponible ?
-Vous êtes mes seuls clients.
Je n’ai jamais été aussi loquace. Je ne me souviens plus aujourd’hui de ce dont nous avons parlé mais il me semble qu’elle n’arrêtait pas de rire. Elle se laissait aller. Elle avait les coudes sur la table et ne se préoccupait plus de sa robe de chambre. Une seule fois, elle avait remarqué.
-Elle est chaude. Ce doit être bon en hiver.
-Vous voulez l’ôter ?
Elle parut surprise de ma réflexion.
-Je voulais dire : remettre votre robe.
-Cela n’en vaut plus la peine. Elle n’est peut-être pas encore complètement sèche. J’imagine qu’elle est froissée.
Moi, je n’ai cessé de bavarder. J’égrenais des anecdotes qui avaient jalonné ma carrière entre le moment où j’envoyais mes textes à des magazines jusqu’à ce jour où pour la première fois on m’a passé une commande.
A l’heure du dîner, nous étions devenus des amis de toujours. Françoise enjouée allait à la cuisine, se faisait expliquer des recettes de la région et revenait me les confier à voix basse comme le ferait à son référent une espionne intrépide. Elle se penchait vers mon visage et me les chuchotais à l’oreille. Je respirais avidement l’odeur de son parfum mêlée à celui de sa peau.
-Vous sentez bon.
-Vous aimez ? Je vous en frotterai derrière l’oreille.
C’est ainsi que nous sommes arrivés à l’heure du dîner. J’avais commandé une bouteille de vin rouge. Puis, après le repas, Françoise avait étendu les bras.
-Je vais aller me coucher.
J’ai bu encore un verre de vin puis je suis monté à mon tour. La porte de sa chambre qui était voisine de la mienne était entr’ouverte. L’esprit vide, comme un automate, je l’ai poussée. Françoise était étendue sur le côté, nue. Les draps étaient rejetés. Elle s’est mise sur le dos, les jambes écartées. Elle m’a regardé ôter ma chemise et mon pantalon. J’ai ôté mes chaussures et je me suis avancé vers elle en enlevant mon slip. Elle avait les paupières cernées.
Nous nous sommes aimés à plusieurs reprises affamés que nous étions de nous-mêmes. Assez tard dans la nuit, alors qu’elle dormait, la main sur mon corps, j’ai ramassé mes vêtements et je suis rentré dans ma chambre encore tout exalté.
J’ai dormi assez tard. Le soleil illuminait la chambre lorsque je me suis réveillé. Je ne savais que penser. Je suis descendu en refusant de raisonner.
L’auberge était vide. Madame Lavergne essuyait des verres derrière son comptoir.
-Vous êtes seule ?
- La dame est partie il y a plus d’une heure.
- Elle est partie ? Je n’ai pas entendu sa voiture. Vous connaissez son nom ?
-Vous le savez, monsieur Pierre. Je ne fais jamais remplir de fiche, ce n’est pas un hôtel ici.
Je suis rentré après avoir donné un coup de fil à Isabelle.

 

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Colère et apaisement

 

Soliloque

 

Si la sérénité est un état de grâce

Qui permet à la joie, souvent, de nous combler,

La colère qui sommeille en nous, parfois, hélas!

Peut, inopinément revenir nous troubler.

 

Est-il bon de laisser resurgir la colère

Quand elle est née d’un tort qui n’est pas réparé

Ou devrait-on plutôt réagir et tout faire

Pour instaurer sa fin par bienfaisant décret.

 

Il se peut qu'on accueille aussitôt un émoi,

Une idée amusante, une réminiscence.

La mémoire surprend sans cesse, elle a des droits.

Elle peut nous distraire, aux jours d'indifférence.

 

Nous charment, dans l'instant, de fabuleux nuages,

Ou un oiseau, marchant, seulet, sur le gazon,

Un rayon de soleil, jouant dans la maison.

L'apaisement arrive et ouvre une autre page.

 

28 mai 2008

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De nombreux articles et ouvrages traitent du passage progressif, à Bruxelles, de l'usage exclusif du flamando-brabançon, à la prédominance de la langue française, créant ainsi ce savoureux parler local : le beulemans. Bruxelles était une ville flamande jusqu’à la 2e moitié du XIXe siècle: c’est un fait. Bruxelles n’est plus une ville flamande: c’est également un fait. Quand et comment ce passage s'est-il opéré, le sujet de ce chapitre.

La date de départ de la transition, les critères utilisés pour baliser la voie empruntée, la définition même du concept dialecte, autant de composantes de éminemment teintées du point de vue politico-linguistique, autant d'arguments pour diviser. Le fait même agite les esprits, aiguise les rivalités et font couler les subsides régionaux ou communautaires. Linguistes et historiens confrontent leurs points de vue et s'affrontent; de part et d'autre on revisite définitions ou critères scientifiques afin d'obtenir un résultat en accord avec ses propres a priori. La cible est prédéterminée; la voie empruntée en découle.

Nous ne prétendons détenir nous-mêmes aucune vérité immanente sur le sujet (ni sur aucun autre d'ailleurs). Nous nous efforcerons cependant d'analyser – le plus objectivement possible – les approches des unes et des autres. Nous examinerons ainsi, successivement, les critères historiques permettant de positionner le point d'inflexion sur la courbe de l'évolution temporelle de ce changement et examinerons en détail comment le concept de dialecte peut être, le cas échéant, pour déterminer si le beulemans est une réalité sociolinguistique au même titre que le vloms, ou non.

On oubliera ici l'extraordinaire accroissement de population en provenance des 4 coins de l'espace économique européen, de l'ancienne Europe de l'Est et du monde entier, ainsi que l'accroissement de l'importance du globish, (mot-valise combinant global et English), version simplifiée de l'anglais n'utilisant que. C'est le jargon international pour communiquer à l'aide d'une version simplifié de l'anglais, qui ne reprend que les mots et expressions les plus communs de cette langue ([1]).



[1]     Parfois appelée aussi broken English (« anglais hésitant ») ou anglais d'aéroport, cette langue n'a rien de formalisé et se construit spontanément par la pratique. Il est donc difficile de déterminer si tel ou tel exemple d'anglais est du globish ou non. e l'anglais international (http://fr.wikipedia.org/wiki/Globish ),

L'article  a été publié dans la revue trimestrielle de juin 2014, du "Cercle d'histoire de Bruxelles"

Plus de détails ici:

Du%20Vloms%20au%20Beulemans%20-%20une%20continuit%C3%A9%20historique.pdf

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Griserie de l'immensité


apathie019.jpg

Souvent, je cède à la paresse,
Dans une douce oisiveté.

En parfaite immobilité,

Je m'offre à diverses caresses.

Dans une douce oisiveté,
L'âme portée à la tendresse,
Je m'offre à diverses caresses,
Au parfum de félicité.

L'âme portée à la tendresse,
Je m'immerge dans la beauté,
Au parfum de félicité,
Quand la nature est en liesse.

Je m'immerge dans la beauté,
Émouvante, changeant sans cesse,
Quand la nature est en liesse.
Griserie de l'immensité!

8 juin 2014

 

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Le père et la petite fille,

Une petite fille,

vêtue tout en blanc,

escargote sur une sente brune,

dans l'aube un peu pâlotte,

dégote un caillou bleu,

dans sa menue menotte.

Elle argote avec ce père,

qui dans sa p'tite caboche,

s'enracine,

à l'infini grandit, luit !

Tout près d'elle,

un arbre frissonne, murmure,

de ses longues branches,

doucement la bégôte !

La petite fille,

 alors, lève la tête,

contemple le ciel,

esquisse puis fait,

 un large sourire,

à l'instar du Monde,

montre non sans féminité,

 ses jolies quenottes ;

puis sur elle,

le soleil tout entier se donne,

tombe.

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Un mariage heureux

 

Le Bal de l’Ecole des Textiles se déroulait tous les ans à la mi-novembre. C’était un bal réputé. Les étudiants, de futurs ingénieurs y invitaient leur amie ou celle dont ils souhaitaient qu’elle le devienne. Parfois ces jeunes filles étaient accompagnées par leur mère qui était censée leur servir de chaperon.

Cela peut faire rire aujourd’hui. On imagine mal les jeunes filles assistant au Bal de Médecine ou à celui de Polytechnique être accompagnées de leur mère. Elles sont largement à même de choisir leur futur mari elles mêmes. A cette époque, si on y mettait plus d’hypocrisie, le but était finalement le même.

Les jeunes filles revêtaient des toilettes qui mettaient leur silhouette en valeur. Quant à leurs mères, elles aussi revêtaient des toilettes qui les mettaient en valeur même si le but poursuivi n’était pas le même.

Ce soir-là, Pierre avait invité Henriette dont il avait fait la connaissance peu de temps auparavant. Personne n’aurait juré que c’est lui qui l’avait draguée. On racontait que c’étaient les jeunes filles qui draguaient les jeunes gens. On disait même que pour ce qui est d’Henriette, c’est elle qui aurait dit de Pierre en le désignant à sa mère : c’est celui-là qu’il me faut.

Sa mère était une femme divorcée depuis plus de cinq ans, âgée de quarante deux ans dont Pierre n’aurait pas imaginé avant de la voir qu’elle fut si séduisante. On eut dit deux sœurs dont il était difficile de dire qui en était l’ainée.

Béatrice était en effet une très jolie femme à la silhouette sexuelle triomphante que de nombreux étudiants invitèrent à danser. Elle semblait y prendre beaucoup de plaisir. Se pommettes étaient roses sans que l’alcool y fut pour rien, et ses yeux brillaient comme si l’alcool en avait en avait avivé la brillance. Elle a les yeux qui disent : oui ; pensait Pierre légèrement ému.

Il avait retenu une table au bord de la piste. Béatrice s’était laissée tomber sur l’une des chaises. Elle avait vidé son verre d’un trait et regardait Pierre qui faisait danser Henriette.

Le rythme des danses se modifiait au fur et à mesure que la soirée s’avançait. Pierre venait de ramener Henriette et il s’apprêtait à s’asseoir. Un slow, une danse langoureuse, commençait.

- Vous ne m’avez pas fait danser une seule fois, Pierre. Allons, venez.

Elle se pencha vers sa fille.

- Vous permettez que je vous l’emprunte ?

Il s’était levé. Les seins de Béatrice étaient durs, elle pressait sa poitrine contre celle de Pierre, la tête penchée sur son épaule. Il sentait l’odeur de son parfum. Son sexe, malgré lui, s’était dressé. Il se recula. C’est elle qui se resserra contre lui.

- Vous êtes toujours comme ça, Pierre. Ou c’est moi qui vous fais cet effet ?

Elle avait les lèvres contre son oreille.

- Vous êtes un garçon intéressant, Pierre. J’aimerais mieux vous connaître.

Ils dansaient au milieu de la piste sans beaucoup bouger parmi d’autres danseurs qui se mouvaient à peine, eux aussi. La lumière au-dessus de la piste était pratiquement éteinte. Ils étaient, le temps de la danse, sur une autre planète.

-Vous connaissez le café de la Gare. Je vous y attendrai demain à trois heures.

Le slow était sur le point de s’achever. Ils s’étaient délacés. Elle murmura en souriant :

- Ne te préoccupe de rien, j’aurai réservé la chambre.

Il lui tint le bras tandis qu’ils se dirigeaient vers leur table. C’est avec Henriette qu’il dansa la danse suivante tandis que Béatrice s’excusait auprès d’un jeune homme qui lui demandait : on danse ? Elle était fatiguée et se servait d’une serviette comme s’il s’agissait d’un éventail.

Durant leurs fiançailles, il rencontra Béatrice à plusieurs reprises au café de la gare. C’était un bâtiment réparti en deux ailes séparées par un couloir d’accueil. Au bout du couloir, à proximité du comptoir, se trouvait d’un côté une porte vitrée ouverte sur une brasserie, et de l’autre l’entrée de l’hôtel et de l’ascenseur qui menait aux étages.

C’était un hôtel très pratique pour des aventures clandestines. Un couple, chacun d’entre eux séparément, pouvait se rendre à la brasserie sous l’œil indifférent d’un passant et se retrouver dans une chambre réservée.

A chaque fois, Béatrice s’y trouvait la première, nue à l’exception de sa culotte, étendue sur le lit. C’est Pierre qui lui ôtait la culotte, premier geste d’un rituel érotique qu’ils avaient éprouvé tous les deux. Les fantasmes de chacun d’entre eux se fondaient dans un fantasme commun qui exacerbait leur sensualité partagée.

Béatrice éprouvait un sentiment étrange, mélange de culpabilité et de jouissance. Le bonheur parce que c’est elle que Pierre caressait en haletant, culpabilité parce qu’elle était la rivale triomphante de sa fille et la maitresse de son fiancé. D’ailleurs c’est souvent d’Henriette qu’ils parlaient en se rhabillant.

- Tu as déjà couché avec Henriette ?

- Non.

C’était vrai. Alors qu’Henriette lui avait fait des invites très précises, il s’était contenté de l’embrasser et de la caresser superficiellement. Il lui disait, il savait que c’était ridicule :

- Plus tard. Je veux que ce soit le triomphe de notre nuit de noces.

Il aurait eu le sentiment de la tromper s’il avait couché avec elle alors qu’il couchait avec sa mère. Béatrice lui donnait raison. Bien sûr cela ne pouvait pas durer.

- Tu la regretteras, notre aventure ? Elle devra bientôt cesser.

Ce fut leurs dernières étreintes, de celles qui, parait-il, sont les plus passionnées.

Pierre épousa Henriette un mois plus tard. Ce fut une belle cérémonie. Un mariage digne de gens honorables. Béatrice avait bien fait les choses, sans lésiner ni sur la robe d’Henriette ni sur la qualité du traiteur. C’est elle aussi qui leur fit cadeau de leur voyage de noces, une semaine à Agadir, au club Med.

Après en avoir parlé avec les jeunes mariés, elle fit transformer la maison qu’ils avaient achetée, son mari et elle, avant qu’ils ne se séparent. Elle conserva le rez-de-chaussée, et fit aménager les deux autres étages en un duplex très confortable.

Elle se dit qu’elle devait commencer à songer à une vie de retraitée. Elle le pensait en se moquant d’elle-même. Il y avait eu un avant Pierre, rien n’empêchait qu’il y eut un après Pierre.

La maison était suffisamment grande pour y recevoir qui on voulait chez soi sans que les autres habitants en fussent informés. C’est ce qui arriva quelques fois.

De son côté, le couple formé par Henriette et son mari semblait tout à fait conforme à ce que doit être un couple de jeunes mariés. Sinon que Pierre était trop sensible au charme d’autres femmes, des amies d’Henriette ou des collègues de travail, durant la pause du déjeuner.

Béatrice en avait eu connaissance. Elle en souffrait pour sa fille. Ce sont des choses qu’il faut taire si on veut préserver l’union de ceux qui vous sont proches.

Pierre était devenu le directeur technique d’une filature. Henriette était devenue la secrétaire personnelle d’un dirigeant d’entreprise. Leur carrière à tous les deux s’annonçait sous les meilleurs auspices. De plus, deux enfants, un garçon d’abord puis une fille, le choix d’un roi somme toute, et ce serait la touche finale d’un mariage heureux.

Un jour Henriette annonça à son mari qu’elle allait s’absenter durant deux jours. Elle devait accompagner son patron à Londres.

Pierre lui dit de ne pas s’inquiéter.

- Ne t’en fais pas, je me débrouillerai.

Le soir Pierre dînerait chez Béatrice. Elle l’avait invité parce qu’Henriette le lui avait demandé. Henriette éprouvait du remord à abandonner son mari pour toute une soirée et pour la nuit. Béatrice lui préparerait un bon repas. Puis ils pourraient regarder la télévision ensemble.

- Il y a un beau film.      

Après le repas, Pierre et Béatrice s’installèrent devant le poste de télévision sur ce canapé dans lequel elle s’asseyait, les jambes repliées, les soirs où elle était seule. C’était une série sans trop d’intérêt mais ni Pierre ni Béatrice n’y portaient d’attention. Béatrice avait croisé les jambes et Pierre ne pouvait s’empêcher de regarder ses cuisses. Il lui entoura le cou et porta la main à son ventre. Ils finirent la nuit dans le lit de Béatrice.

 

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Quand je suis révoltée, aussitôt je dénonce. Cela n'est pas plaisant.

Par contre, je considère qu'il est utile de rendre hommage à des êtres qui méritent notre

admiration, notre respect ou notre reconnaissance.

La bêtise m'attriste et quelques fois m'afflige. L'injustice m'indigne or il est évident qu'elle

résulte souvent d'un manque de compréhension.

Le bons sens permettait d'agir avec prudence, de ne pas se fier aux simples apparences. Il semble

qu'il régresse.

Individualiste, on ne réfléchit pas pour juger par soi-même. On se fie aux courants d'idées qui se répandent.

Face à des situations qui deviennent pénibles, on cherche des coupables. On dénigre, on accuse.

Des hommes incontestablement compétents, ne mesurent pas leurs efforts, actuellement, pour

trouver des solutions rapides à des problèmes urgents. Leur tâche est colossale.

Il serait utile de se rappeler que les guerres ne furent jamais gagnées en peu de temps. Ni généraux ni combattants ne furent dénigrés. On n'espérait pas de miracles.

Je désire rendre hommage aux hommes dévoués qui dirigent la France et particulièrement à

M. François Hollande dont j'admire la compétence, la rigueur intellectuelle, le dévouement illimité et l'incontestable intégrité.

Je souhaite que les Français fassent la juste part des choses, et se méfient de désavouer, avec ingratitude, ceux qui les servent de leur mieux.

 

5 juin 2014

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