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L'avant-propos que Jean-Yves Tadié a écrit pour sa magistrale biographie de Marcel Proust porte trace de sa passion, de sa générosité et de sa modestie. Il y rappelle discrètement que cela fait 50 ans qu'il se consacre à cette œuvre. « Depuis 1959 que nous publions sur Proust, nous avons inspiré d'autres travaux ; en un sens, nous reprenons maintenant notre bien. C'est le cas, notamment, de notre édition d'À la Recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade en 1987, et de son introduction, dont on retrouvera des éléments ici, ceux qui racontent l'histoire de l'œuvre. Nous sommes simplement restés fidèle à nous-mêmes. Après avoir étudié l'art de l'écrivain dans Proust et le roman, peint un panorama de la critique dans Lectures de Proust et publié, avec une équipe, l'essentiel des esquisses préparatoires du roman, et un choix abondant de ses variantes, il ne nous restait guère qu'à aborder cet irritant problème : peut-on raconter la vie de Proust ? Comment ? Pourquoi ? On critique volontiers les biographies longues, érudites, « à l'américaine », et les professeurs qui les écrivent. On ne trouvera pourtant pas dans ce gros livre un seul fait sans signification, et peu qui n'aboutissent à l'œuvre : c'est ainsi que, le plus souvent possible, nous avons daté l'introduction d'un thème, d'une image, d'un personnage, dans le roman en gestation, puisqu'il s'agit d'un seul roman. Proust a tout réutilisé de sa vie et de sa pensée. Et nous-mêmes, quoique sans cesse dépassé par les surprises de son art, nous avons cru comprendre ce qu'il savait, ce qu'il pensait ou sentait, et avons voulu le transmettre aux lecteurs, à ceux, si nombreux à travers le monde, de l'Amérique à la Chine et au Japon, qui aiment cette œuvre et cet homme. »…
Une conférence à la Bibliothèque de Lyon: durée de l'écoute: 1heure 57':
Les nouvelles amours
ressemblent à la nouvelle cuisine...
Ils sont légers et craquent sous la dent!
Ce sont plaisirs qui vivent de l'instant.
Leurs saveurs étonnantes
charment nos fantaisies...
donnent plus de piment à nos vies
Mais trop fugaces, finissent en amnésie!
Les nouvelles amours...
ressemblent à des vacances!
Mais au bout de trop d'errances
on ressent comme une carence...
Alors, c'est vraiment fort cher payer
pour regarder l'âme se vider!
Et on constate bientôt, oh combien...
Que de vielles recettes on a toujours très faim!
J.G.
« Clérembard » est une comédie en quatre actes et en prose de Marcel Aymé (1902-1967), créée à Paris à la Comédie des Champs-Élysées en 1950, et publiée à Paris chez Grasset la même année.
"Assiégé par les créanciers", le comte de Clérambard voue sa famille aux travaux forcés, en l'occurrence confectionner des "pulovères" et manger du chat, pour sauvegarder son hôtel particulier,ultime bastion de la grandeur passée. Le curé vient offrir le secours d'un mariage intéressant pour le vicomte Octave: Évelyne, la fille aînée de Me Galuchon. Mais il faudrait accepter "d'avoir un oncle quincaillier". On semble s'y résigner, quand saint François d'Assise apparaît au comte, lui laissant méditer le récit de sa vie (Acte I). Impressionné et repentant, celui-ci renonce à tuer la moindre bête, même une araignée, et décide de lier son fils à la Langouste, prostituée notoire. Aux Galuchon venus présenter Évelyne et convenir de la dot, il annonce qu'il a "visé plus haut" (Acte II). La pauvre chambre de la Ruelle-aux Brebis voit le comte s'extasier face aux vertus de celle qu'il veut pour "fille" en résistant de peu à la tentation; Octave, croiser Me Galuchon, tous deux "rugissant de lubricité"; enfin le comte, révéler, à l'incrédulité générale, ses projets d'avenir comme le miracle qui en est cause (Acte III). Au seuil d'une vie de mendicité, devant la roulotte achetée par Clérambard, les illusions se dissipent: point de miracle pour le comte; Octave suborne la dernière des Galuchon; la Langouste, amère, réclame son dû. Mais l'apparition du Poverello en majesté les jette tous, même le médecin aliéniste mandé par la comtesse, dans la roulotte qui "s'ébranle". Seul reste le curé qui, sans ses lunettes, n'a rien vu (Acte IV).
Sous le couvert d'une comédie fantaisiste, où les saints jouent aux passe-murailles et les nobles aux mendiants, se laisse percevoir une satire fort caustique des moeurs de la société bien-pensante, élargissant celle que composait Lucienne et le Boucher, chaque personnage incarnant un type de perversion sociale. Ainsi du curé, entremetteur des hommes, mais surtout pas homme de Dieu; de la comtesse, apôtre des apparences, et persuadée qu'une "compensation solide" peut susciter l'amour; du vicomte, raté pourvu des plus bas instincts; des Galuchon, bourgeois en mal de noblesse, tentant de satisfaire leur libido comme leurs devoirs; de Clérambard enfin, despote tonitruant, dangereux car excessif en tout. Le seul personnage en état de grâce malgré ses défauts semble être la Langouste, toujours lucide sur elle-même et sur les autres, qui parle le langage du bon sens avec humour, prouvant qu'il "y a encore du monde qui sait vivre" dans une société où "les manières raglan, ça devient rare" (I, 7).
Soleil, toute la journée.
Toujours pas de gouvernement, dans notre pays.
On n'a toujours pas repêché le corps d'une petite fille, tombée dans la Meuse, du côté de Liège.
Y a quelques jours, on a célébré les funérailles de sa grande petite soeur.
J'ai pas eu l'temps, l'énergie, hier, de faire la vaisselle ... qui attend depuis deux jours.
J'ai pas eu l'temps, l'énergie, hier, d'ach'ter de nouveaux sacs poubelle.
J'ai pas eu l'temps, l'énergie, hier, de passer au guichet de la poste, afin d'ouvrir un nouvel ordre permanent. Je suis indexé de "même pas" neuf euros, à mon flat. Et je suis déjà en r'tard de paiement ... d'un mois.
La Foire du Livre, à Bruxelles, bat son plein, j'imagine. Je m'y rendrai sam'di. La grande Amélie Nothomb s'y trouv'ra entre 14 et 16 heures.
Sur les lieux du boulot ...
Le distributeur de boissons est en panne depuis quelques jours. Le responsable n'a pas l'air de se bouger.
En tournée ...
Quarante recommandés (pas moins, non) à distribuer.
Je ne serai pas de retour avant 16 heures 30. Faut pas se leurrer.
"Tu essaies de te dépêcher ?", me balanc'ra, sans doute, le chef, vers quatre heures, en me GSMant (je s'rai encore sur ma tournée, j'aurai encore au moins quatre pans de rue à desservir). Je s'rai sans doute tell'ment claqué que je n'aurai même pas (ou plus) le ressort de stresser, ni d'être dépendant de l'épée de Damoclès qui me menace si je ne rentre pas dans les temps. Merci, mon corps chéri !
Midi et demie.
Rue de Vergnies, 40.
Le charmant bistro populaire, où on m'offre gracieus'ment une soupe, était ré-ouvert, aujourd'hui. Apparemment, ils étaient partis en France, où ils ont mangé de la choucroute.
Le chat du coin grimpe sur une des tables.
Une dame passe avec une canne, dehors.
Je pass'rai chez Jessica, une fille qui habite cette rue et qui porte volontiers une casquette quand elle sort. J'ai deux paquets "P", scannés, à lui remettre. Tiens, tiens, c'est avec elle que je me suis imaginé, ce matin, sur une île déserte, au lend'main d'une fin de guerre (imaginaire). Tiens, tiens, c'est avec elle que je me suis proj'té dans une espèce de chambre d'hôtes, où le tenancier allait nous cueillir, pour notre repas du soir, des fraises dans son jardin.
Je n'aurai pas le temps, j'imagine, de me rendre chez le psy, vers 18 heures. Je me rabattrai enfin (sauf contr'ordre) sur les "gillettes" et les sacs poubelle à racheter.
Temps perdu pour temps perdu ...
Je me suis quand même autorisé à passer chez le photographe, Place Flagey, avant de démarrer ma tournée. Oui. Le temps que je pass'rais, si je m'abstenais (de passer chez le photographe), afin de gagner ... du temps, ne serait pas vraiment plus court que ... le temps "réel" que je m'attends à passer aujourd'hui, en tournée, en m'accrodant ces dix minutes pas prévues où je passe chez le photographe.
Treize heures trente.
Chaussée d'Ixelles.
Derrière la fenêtre d'une oisell'rie, trois lapins circulent. Il s'agit d'un clan, d'une famille qui prend son pied dans de la paille. Le plus p'tit de la bande essaie de manger, avant de retourner vers les deux autres (ses parents ?). Comme tout un chacun, il aime les câlins et il s'arrange, du mieux qu'il le peut, pour se rendre sourd au bus qui klaxonne de l'autre côté de la rue.
Bientôt quatorze heures.
Rue des Champs Elysées, près des immeubles.
Des feuilles recouvrent une partie des façades. Entre le vert qui les caractérise et le blanc qui s'agite au bout de leurs doigts, le mariage semble heureux.
Seize heures.
Le moment du coup de barre, du coup de hache. Je le sens dans mon dos, dans ma colonne vertébrale. Les idées noires (toujours les mêmes) se réveillent.
Rue de l'Ermitage, 50.
Mince : deux clients n'ont pas reçu le "Deze Week in Brussel". Je comprends pas. Je les ai tous classés ce matin. Ai-je sauté deux numéros ?
Rue des Champs Elysées.
Tiens la barre, Hugues !
Tiens la distance, Hugues !
La réceptionniste du cabinet de gynécologie (qui est entrée dans ta bulle et qui t'a un jour inspiré une chanson) ne t'appell'ra jamais par ton prénom.
Et le GSM sonne. Je m'autorise à ne pas répondre.
Dans un décor presque Beckettien - des grandes verticales de murs bleutés qui enferment, un lit de fer, une table, une chaise - erre un homme entre deux âges, amnésique en robe de chambre.
Une infirmière bien tournée, s’occupe de lui. Il a quitté l’hôpital mais ne sait pas vraiment qu’il est chez lui ni même s’il aime le café ou le thé. La présence, dans sa vision d’une commode kitsch, l’incommode et le fâche. Serait-il fou ? L’infirmière est-elle vraiment une infirmière ? Tous les jours elle lui réapprend patiemment le quotidien, il doit faire des listes de ses goûts de ses envies, il doit écrire. Emerge une certaine misogynie, et de la misanthropie générale. Serait-il un vieux bougon dans la tradition des personnages de Molière ? Non, il exhibe dans ses réponses une candeur inattendue, qui désarçonne. Elle veut faire renaître des bribes douloureuses du passé, il s’énerve, la voue aux gémonies, se montre odieux et autoritaire, mais elle démêle habilement l’écheveau du passé, elle veut savoir les détails de la tragédie qui l’a projeté contre un mur à 100 à l’heure. Bribes de passé, bribes de « tu » et de « vous », bribes de présent et peut-être d’amour et de charme. Il s’échange des phrases banales qui dramatisent et des phrases dramatiques banalisées.
On est dans un entre-deux : pas la réalité vraie, pas le souvenir, mais une tension particulière, comme dans des vérités suspendues. Mais l’être humain est incorrigiblement solaire, même meurtri au plus profond de sa chair, il est incapable de repli total sur lui-même. Soit il va vers l’autre pour s’offrir, soit il ne peut s’empêcher de recevoir. Le jeu intense des deux acteurs est très touchant. Sobriété extrême, épure, il y a une souffrance commune qui se donne en partage, pâr effleurements de regards, par effleurements de mots, un élixir d’amour. La mémoire des faits et la mémoire des sentiments sont subtilement retracées, comme dans une énigme. Et tout d’un coup, le spectateur, conquis, comprend et apprécie. Il va jusqu’à prier que la guérison soit complète et que plus rien ne s’éteigne.
Deux acteurs parisiens, Guy Bedos et Macha Meril, qui jouent avec une extrême connivence, même s'ils font mine de ne pas se connaître, nous donnent à boire de la beauté théâtrale. Allez les applaudir cette semaine, tant qu'ils sont encore au Centre Culturel d'Audergem!
Au Centre Culturel D’Auderghem
Du 14 au 19 février 2011 à 20h30 et le 20 février 2011 à 15h30
Guy BEDOS est l'une des grandes figures de l'humour et de l'insolence de ces dernières décennies. Il trouve ici un rôle de comédien où il révèle une face inattendue de son talent aux côtés de la malicieuse et tendre Macha MERIL.
48,00€ - 38,00€ - 20,00€ (-26 ans en corbeille) + 1,50€ de taxe de réservation.
Réservations : 02/ 660 03 03 du lundi au vendredi de 11h00 à 17h00 et le samedi de 10h00 à 14h00
http://www.cc-auderghem.be/index.php/component/redevent/details/64....
NICHE B612 Associates, Dolez.
Conférence de Li Mei Tsien et Olivier Mathieu
Jeudi 17.02.2011 20:00
Palais des Beaux-Arts / Studio
Le projet de logement collectif Dolez, réalisé par les jeunes architectes belges du bureau B612 Associates, fera l’objet de la prochaine conférence NICHE au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles du 18.02 au 30.09.2011. L’ensemble de plus de 5.000 m2 abrite 34 appartements. Par sa volumétrie, la composition de ses façades et son implantation, il s’intègre au quartier tout en s’en distinguant. Situé à l’angle de rues traditionnelles, à l’orée du Kauwberg, le projet s’inscrit dans l’alignement des fronts bâtis. Mais à la fermeture de l’angle, les architectes ont préféré ouvrir l’espace sur l’épaisseur de la frange qui sépare la rue des bois. La maquette du projet Dolez sera exposée dans l’un des dégagements de la salle Henry Le Bœuf durant toute la saison.
Li Mei Tsien est ingénieur civil architecte diplômée en 1993 de l’Université Catholique de Louvain-La-Neuve. Elle a suivi une maîtrise en urbanisme à la Taiwan University ainsi qu’un master en théorie et histoire de l’architecture à l’Architectural Association de Londres. Avant de co-fonder B612 Associates en 1997, elle travaille au sein des bureaux CK Tcheng et IM Pei associates à Taiwan et Bruno Albert à Liège.
Olivier Mathieu est ingénieur architecte diplômé en 1994 de l’Université Catholique de Louvain-La-Neuve. La même année, il obtient un diplôme en philosophie à l’UCL. Avant de co-fonder B612 Associates en 1997, il travaille au sein du bureau Charles Vandenhove and Associates à Liège.
- Crac !
La branche murmure sa douleur. L’homme trébuche et continue son chemin.
Perché au sommet d’un gros chêne, Jean le solitaire se perd dans sa vie. Il regarde l’agitation des chiens et des hommes à ses pieds.
Le cœur froid et sans espoir, l’homme pense…
- Craac !
Une branche se plaint dans un chuchotement.
Dix jours que Jean passe d’arbre en arbre, à fuir ses tragiques souvenirs vécus avec elle.
Elle, la Dame-en-noir ayant jeté son dévolu sur lui, l’homme des bois. Sa femme pour le meilleur et pour le pire. Surtout le pire !
L’a-t-il aimée un jour, cette dame de la ville arrivée un matin de guerre ?
Il ne sait pas. Il ne sait plus.
Ce dont il se souvient, c’est que Betty a eu une vie dissolue de serveuse de bar et de maîtresse attitrée d’un notaire ou d’un médecin. Il ne sait plus très bien.
Ce dont il se souvient, ce sont ses robes, ses sorties et l’argent jeté par les fenêtres, cet argent qu’il gagne à la sueur de son front, dans le dur labeur des saisons et des bois ingrats.
Et puis, elle sait se plaindre Betty. Elle se plaint encore et toujours de ses jambes.
Ses jambes, elles la perdront et ça, Jean le sait. Il attend, avec cette patience propre aux hommes de la terre.
Il sait attendre Jean. Ce jour viendra. Il en est convaincu.
- Craaac !
La plainte monte dans la nuit lourde et noire.
Ce matin-là, l’acariâtre mégère vociférait du haut de l’escalier, hurlait dans toute la maisonnée. D’un geste brusque, ses jambes lâches l’abandonnèrent.
La chute fut brutale.
Jean, sans un regard pour sa femme étendue à ses pieds, attrapa une cordelette et l’étrangla. Elle n’eut pas le temps de souffrir. Dans un rictus, elle s’éteignit.
Un soupir de soulagement siffla dans l’air aigre de la petite ferme où le calme s’invita sans y être convié.
- Craaaac !
La ronde des chiens et des hommes en bleu rythment le secret de la lune au travers des nuages sombres.
Jean se laissa choir sur une marche de l’escalier, ralluma avec maladresse son mégot qui pendouille à ses lèvres fanées et se prit la tête entre ses mains rugueuses pour réfléchir.
- Craaaaac !
D’un pas pressé, Jean dévala les ruelles du village pour se rendre chez Anna, l’épicière.
- Deux litrons de chaux suffiront, c’est qu’elle n’est pas bien grosse Betty, chuchota l’homme placide aux hirondelles perchées sur les fils.
- Craaaaaac !
Les pas vont et viennent. Ils vont. Ils reviennent.
Le corps du délit enfoui et la chaux vive éloignèrent à jamais Betty de Jean.
Et l’homme pense.
Il pense à l’histoire qu’il va devoir raconter. Dans les villages, les « on dit » se répandent très vite, il va falloir ruser.
L’homme, tel un renard à l’affût, sait ruser.
Il n’a pas peur.
Il a la paix. Il ne pleure pas sa chère épouse, mais il faudra bien justifier son absence.
Il en est sûr. Les langues vont se délier. Le boucher va s’étonner de ne plus livrer la viande de Betty, le boulanger aussi et Anna, la fameuse Anna !
Anna, épicière et épouse du Maire.
Anna, née dans le sang de sa mère, le 06.06.06… la marque du Malin !
- Betty a pris le train à la petite gare voisine, la vie est si dure dans nos contrées.
Voilà ce qu’il racontera Jean, si quelqu’un lui demande des nouvelles de Betty.
- Craaaaaaac !
La vie continue.
Elle pourrait enfin couler des jours heureux la vie de Jean, mais c’est sans compter sur la langue de vipère d’Anna.
Les rumeurs courent dans le petit village.
- L’homme des bois a tué la Dame-en-noir.
- Qu’il dise ce qu’il veut ! Betty, c’est lui qui l’a tuée !
Anna surenchérit avec fougue à chaque passage de paysan faisant tinter la clochette de l’épicerie.
- J’lui ai vendu deux litrons de chaux vive !
- Craaaaaaaac !
Les branches hurlent sous les souillures des pas sur leur robe brune.
Jean a le sang chaud. Il empoigne d’un geste rageur sa hache de bûcheron, cette amie de tous les jours et descend d’un pas léger à l’épicerie.
La clochette se plaint au passage de l’homme bourru.
- Anna va pouvoir causer à bon escient maintenant ! se dit Jean.
Il quitte le village à vive allure.
- Craaaaaaaaac !
Dix jours que Jean est recherché par la police pour tentative de meurtre et puis, grâce aux « on dit », elle semble de plus en plus persuadée qu’il a aussi tué sa chère épouse, la Dame-en-noir.
Jean a fui. Il se réfugie auprès de ses seuls amis. Les arbres hurlent leur peine dans cette nuit de lune pleine.
Dix jours qu’il fait la nique à la centaine d’hommes débarqués des quatre coins du pays, pour lui mettre la main au collet.
Question de prestige !
Jean adore le jeu du chat et de la souris.
Dix jours déjà qu’il gagne toutes les parties… C’est vrai, il a un sacré avantage sur les hommes, il sait tous les coins et recoins de la forêt. Il la connaît comme sa poche.
- Craaaaaaaaaac !
Les bouts de bois pleurent des larmes de sève.
Jean sait qu’il doit se cacher à l’orée de la forêt car les hommes baisseront la tête, les yeux sur le sol, pour entrer dans ce monde hostile.
Ils se promènent à la recherche du moindre indice, mais personne parmi tous ces hommes en bleu ne constate que les champignons ne poussent pas cette année, qu’il n’y a plus de baies sur les arbustes ou de fruits dans les vergers, que les sources sont taries.
Non, personne ne le remarque. Personne…
- Craaaaaaaaaaac !
Jean peut vivre de longs mois dans ce refuge feuillu.
Plus il s’amuse Jean, plus la sympathie de ce pays campagnard l’accompagne dans son dangereux périple au travers les fourrés.
- Craaaaaaaaaaaac !
La forêt hurle sa détresse.
Dix jours déjà qu’il est là, perché au sommet d’un gros chêne.
- Zut ! Une envie pressante, murmure-t-il tout en se soulageant avec diligence.
Question de pudeur !
Un chien plus futé que la dizaine d’autres, mit fin à cette cavale.
L’homme en bleu caresse le héros de cette nuit lourde et noire, ses yeux se fixent sur le nez aiguisé de l’animal.
- Euh… Ils font les mêmes pour les hommes ? murmure-t-il à la lune bienveillante.
Les branches se sont tues… S’en est fini du mythe secret que Jean a laissé derrière lui, un vaurien au grand cœur, rusé comme un renard une nuit de lune pleine !
Et si l’ours allait venir
Cette nuit...
Fermez tout, a dit la mère
Bouclez les fenêtres
Et barrez les portes
Faites rentrer le chat
Qu’il dorme avec toi
Et surtout ne rêve pas.
Mais moi je lui parle
En mon coeur.
Je lui dis
Viens mon ours
Et je colle ma joue au mur
Froid
Et je dessine une caresse sur le mur
Froid
Pour lui.
Et je guette
Son pas son souffle
Et moi oui je le ferai entrer
Pour qu’il vous dévore tous.
..." C'est l'hôpital qui a appelé. L'hôpital psychiatrique.
- Vous êtes bien la fille de madame P ? Elle nous a demandé de vous avertir qu'elle était parmi nous depuis ce matin, à Esquirol, pavillon C, chambre 213, et qu'elle souhaitait vous voir.
Elle n'a pas été étonnée. Elle sentait venir la crise, dans la multiplication des appels téléphoniques, dans les imprécations dont le ton montait chaque jour, lui intimant de faire son devoir, de l'aider, elle, sa mère, à la débarrasser de l' angoisse dévorante, lui ordonnant de la guérir.
Cette fois, la mère avait fait agir l'institution, à défaut de tribunal. Pour contraindre la mauvaise fille, la fille partie et émancipée, qui cherchait à échapper à son emprise. « Dites-lui bien de venir le plus vite possible »...
- J'arriverai mercredi, je ne travaille pas ce jour -là.
A l'autre bout de fil, il y a eu un court silence. On s'attendait sans doute à la voir accourir, aux abois. Eh bien non, elle a quand même une vie, un emploi, des obligations. Pour elle, le monde continue de tourner, même quand sa mère entame son énième séjour chez les fous.
- Vous demanderez le docteur Leclerc, c'est le chef de service. Je pense qu'il pourra vous recevoir.
Oui, c'était bien une réussite. Impossible de se dérober. Elle était mise en demeure d'obéir, et par une instance supérieure. Des gens, importants, compétents, des chefs de service s'en mêlaient. Le médecin de famille ayant fini par décliner l'ordre donné par la mère de lui ramener sa fille chaque fois qu'elle le désirait, c'était au tour de l'Hôpital de veiller à ce qu'elle file doux. Lui devait avoir le pouvoir de l'impressionner.
Elle a reposé lentement le téléphone. Le soir tombait et pourtant il n'était que quatre heures et demie. Le plus mauvais de l'hiver, la mi-décembre. Les « fêtes » qui s'annonçaient, le froid, la grisaille humide, les gens fatigués, énervés. Les familles qui allaient se réunir, et manger, boire, acheter...
Derrière les branches aux trois quarts dénudées qui encadraient la terrasse, les lueurs roses d'une ébauche de coucher de soleil, lointaines, affaiblies, mais bien présentes. Sur les dalles d'ardoise, dehors, quelques morceaux de pain, que les oiseaux avaient délaissés. En revanche, la boule de graisse qu'elle avait accrochée le matin même à un rameau avait disparu. La résille verte qui l'avait emprisonnée s'agitait doucement dans le vent du soir.
Elle a fermé tous les volets, replié la maison sur elle-même, sur sa chaleur et ses lumières, dans la nuit glacée qui s'annonce. Puis elle s'est assise, dans l'obscurité de son bureau et a attendu que s'estompent les ondes maléfiques que lui envoyait le téléphone, que se calment les battements de son coeur, aussi. "...
Les grèves des bus (et des trams) ont failli se poursuivre, à Bruxelles.
On en sait un peu plus sur le conducteur qui s'est fait agresser.
Et les commentaires fusent.
"Je me demande pourquoi ils font grève ... puisqu'on sait que c'est le conducteur qui a frappé le premier ... on l'a vu sur une vidéo"
Ou alors ...
"Le passager aurait tenté de passer (un peu trop violemment) par la portière du bus ... il dit qu'il ne l'a pas fait exprès ... je ne voudrais pas dire, mais ... je ne suis pas raciste, mais ... le passager qui a forcé la porte du bus est encore un nouveau belge ..."
Que dire ?
Le conducteur du bus s'est senti menacé. Attaqué, probablement. Violenté, sans doute.
Où faut-il situer l'origine ?
Des enfants sont agressifs, violents toute leur vie parce que (selon eux) leurs parents ont été méchants avec eux. Les parents en question sont souvent méchants avec leurs enfants parce qu'ils ne s'en sortent pas avec leurs enfants ... agressifs.
Imaginez ...
Observez ..
Dans les plaines de jeux, dans les crèches, dans les colonies de vacances, dans les cours d'école ...
Deux gosses (que nous avons sans doute déjà été) en train de se chamailler ... cruell'ment, autour d'un château d'sable, d'un jeu de billes, d'un ballon ...
Séparez-les.
Ca ne rate pas : "C'est lui qui a commencé !", vous dira spontanément l'un des deux.
Ca ne rate pas : "Non, c'est lui qui a commencé !", enchaîn'ra spontanément l'autre.
Où faut-il situer l'origine ? Quel en est le mobile ?
Un souv'nir me revient.
Y a quelques années, Bruxelles, station Anneessens (ou Bourse).
Je cours après un tram, sur le point de re-démarrer. Je l'atteins (en courant, bien sûr) de justesse. Au moment d'arriver juste devant la porte de devant, celle-ci se ferme brutal'ment. Je me retourne. Miracle : la porte de derrière est encore ouverte. Je cours dans sa direction. Je finis par aboutir dans l'tram, me trouver une place assise et m'asseoir.
Et ... je signale tout haut mon mécontent'ment au conducteur.
Qui ...
Démarre et freine brusquement, et commence à m'engueuler comme du pus.
Et il conclut ces tirades par : "Je ne démarr'rai pas tant que vous n'aurez pas jeté votre cigarette".
"Je ne fume pas, monsieur", je lui réponds.
Précisons. Il m'arrive souvent, par périodes, depuis pas mal d'années, de rouler des tickets de train (ou de tram) de couleur blanche (ou autres), de les porter à mes lèvres, de les agiter comme des cigarettes et de faire semblant de fumer. C'était le cas ce jour-là.
Mais ... ce n'est qu'un fétiche, un trompe l'oeil, un cinéma que je me crée et dans lequel je me sens ... bien.
"Je ne démarr'rai pas tant que vous n'aurez pas jeté votre cigarette"
Comme je ne dégageais, en réalité, aucune fumée, aucune odeur, aucune pollution, je n'incommodais personne et je n'entravais aucune loi. Tout au plus, je me collais, une fois de plus, l'image de fou gentil, de fanfaron, de farfelu, de marginal, de déjanté ...
Et comme je restais dans mon droit ...
Comme je ne méritais pas de me faire engueuler injustement ...
J'ai gardé mon "papier" à la bouche.
Le conducteur en a perdu tous ses moyens. Et il a encore freiné en gueulant et en m'obligeant à sortir.
Et ... je n'ai toujours pas bougé.
Les énervements ont commencé à s'éveiller dans le tram.
J'ai entendu : "Monsieur, s'il-vous-plaît, soyez cool !"
Et là, j'ai commencé à paniquer ... à l'idée d'être responsable d'un arrêt indéterminé et des paniques que je créais chez les passagers qui, j'en étais certain ce jour-là, était, dev'nait prête à me lyncher si je n'enl'vais pas mon "papier" de mes lèvres.
Par réflexe de survie, de peur, d'auto-protection, moi, qui en général tiens bon, ne plie pas, je suis quand même sorti du tram. Humilié, blessé par un sentiment d'injustice (quand même !)
"Monsieur, s'il-vous-plaît, soyez cool !"
Quand je revisite ce souv'nir ...
"Monsieur, s'il-vous-plaît, soyez cool !"
Quand je revisite cette phrase dans son contexte, je me demande, des années plus tard, si la foule dui tram s'adressait à moi, ce jour-là.
Que dire ? que dire ? que dire ?
Que penser ?
Rev'nons à la grève des bus d'hier.
Je crois (mais je n'ose affirmer) qu'un arrêt de travail, une grève me paraît exagérée si on peut prouver que les premiers coups physiques viennent du conducteur.
Remettons quand même les situations dans leurs justes proportions.
Ceci dit ...
Je ne porterai aucun jug'ment moral à l'égard du (ou des) conducteur(s) de bus, de trams, de métros qui frappent les premiers. Même si la situation est inadmissible, inacceptable et doit être prise en main.
D'abord, je n'étais pas présent sur les lieux et je n'ai d'éléments visuels personnels pour me prononcer objectiv'ment sur la situation.
Ensuite ...
Se sentir menacé, attaqué, violenté est un sentiment humain légitime.
Je suis bien placé pour le savoir : je suis déjà passé aux mains, quelquefois, dans ma vie.
Et je suis très heureux d'avoir, en ces instants plus que déplorables, pu encore bénéficier de l'écoute, de la compréhension, du réconfort, du soutien d'un certain nombre de gens, dans mon entourage.
Il est avec toi toujours...
L'amour n'a pas d'âge,
il naît dans le coeur d'un enfant tel un oiseau soudain libéré d'un filet de braconnier,
comme dans celui d'une misère traînant carcasse, vers son dernier foyer.
Il fait grandir, il fait souffrir,
il embellit les êtres qui en sont baignés,
les enlaidit aussi d'une beauté douloureuse, quand il n'est pas exprimé.
Mais il est là,
dans tous les coeurs, prêt à éclore ou à succomber,
il est dans le regard du vieux devant les pas maladroits de l'enfant,
mémoire vivante du sien propre,
souvenir poupin des jours de cécité, qu'il a galvaudés à travailler.
Eclatant hommage à la vie et l'espoir,
prédateur puissant de la Haine, fils de la Liberté,
il enchaîne à la vie le coeur vieilli,
à la mort pourtant, le coeur enfant qui ne se laisse pas le temps.
Lunessences 08/12/2005
"Aux Hommes de bonne volonté" fable, de JEAN-FRANÇOIS CARON
Présentation : Jeannot est mort à 14 ans. Il laisse à sa famille un testament et quelques objets fétiches. Par l'entremise d'un notaire très ordinaire et du testament qui ne l'est pas, Jeannot le rebelle exprime sa révolte. Celle d'un jeune garçon pas reposant pour un sou, qui crie à sa famille son manque d'amour.
Crever l'abcès de la pleutrerie des sentiments, de la couardise du cœur, de la lâcheté de l'âme est en somme sa dernière volonté ! « Je manke damour tou lè jour, je sui come sa, je sui an manke damour ». Jeannot inscrit sa révolte dans le texte même de ses dernières volontés. Son testament a l'orthographe délibérément anarchique car sa rébellion avait atteint les fondements de son être!
La mise en scène est astucieuse. Il y a cet immense bureau de ministre aux profonds tiroirs, tiré en longueur et en diagonale à travers le plateau. Comme si la vie avait été biffée, comme une faute d’orthographe. On est chez le notaire pour discuter de l’héritage avec les ayant-droit. Le plateau de ce bureau est fait de pavés de verre qui s’illuminent quand les personnages glissent ou basculent de l’autre côté du miroir pour dire leur vérité.
La mort survenue, c’est fou ce qu’on communique, à force de théâtralité, de cris, de confessions, d’aveux en tout genre. On assiste à un strip-tease familial débridé. Les corps et les mots sont lâchés.
L’aveu principal est que le petit dernier, Jeannot le cinquième, a été idolâtré par sa mère comme un enfant unique. Paradoxe: alors qu’elle lui a tout donné - y compris la part pour son mari- c’est lui qui lance l’offensive du manque d’amour. Elle a laissé les autres aller qui à son piano dévorant, qui à ses livres, qui à sa sagesse improvisée, qui à ses errances. Objets transitionnels. Ensuite Madame Vandale a fui, sans laisser d’adresse. Partie, pour une autre vie. Il y a le délicieux oncle Jos, qui tente de calmer le jeu avec finesse quand la discussion tourne à l’empoignade, quand les mots éjaculés fracassent les âmes.
Ce rôle de l'oncle Jos est joué avec une tendresse infinie par Philippe Vauchel. Parole du jeune séropositif : « Je voulais que ma mort les délivre de leur manque d’amour ». Il parle de ses frères et sœurs.
Langue crue, texte rude, tumultueux, sans concessions, émaillé de parler canadien-wallon, qui se termine à genoux devant un mur de lamentations, celui du manque d’amour. « Déguisons-nous en « nous ». En vandales ! » Cri de cœurs meurtris, cri d’amour aux hommes de bonne volonté.
Mise en scène: Vincent Goethals
Avec: Patricia Ide, Nabil Missoumi (qui pour son interprétation de Serge a obtenu le Prix de la Critique: meilleur espoir masculin 2010), Audrey Riesen, Bernard Sens, Réal Siellez et Philippe Vauchel
DU 09/02/11 AU 05/03/11
http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=264&type=2
EMOTIONS ESSENCES DE VIE
Editions CHLOE DES LYS
BELGIQUE
Mon père
Ses joues ravagées de sillons profonds, sa peau couleur terre aride, le nez bosselé et courbé comme le bec d'un aigle
laissant échapper des narines évasées, la bouche aux lèvres charnues, dessinant encore aujourd'hui le même sourire accueillant depuis tant d'années m'attendrissent.
Ses sourcils broussailleux gris maintenant, abritent encore l'éclat d'acier de ses yeux, qui n'ont rien perdu de leur douceur malgré le temps.
Ce paysage vieilli, couleur sépia, si cher à mon coeur d'enfant me sourit, à moi, l'adulte écervelée et nomade, oubliant les peurs et les déceptions infligées.
Ce coeur d'amour rempli, me regarde tendrement, par delà les épreuves et le temps, m'aime comme avant, il abreuve de bonté et de douceur l'enfant qu'il reconnaît et a toujours aimé.
Une perle de pluie naît au coin de ses yeux d'océan tourmenté, elle raconte le bonheur passé, elle raconte l'amour donné et reçu, les heures passées à bercer l'enfant qui a grandi, comme l'espérance de pouvoir le gourmander longtemps, gentiment.
Son discours est plus lent et sa voix moins tonnante, qu'importe, il est là, devant l'entrée, il m'attend et ses bras sont aussi chauds et accueillants que dans mes souvenirs.
Je n'espère plus, je vis.
Je l'aime, le sait-il?
Lunessences le 10/05/2004
Mon automne…
L’ennui doucement s’est glissé
Dans ma vie, même sous ma peau.
Hypocrite, il s’est immiscé
Au fond de mes yeux noirs corbeau.
Jour après jour d’un pas feutré,
L’ennui doucement s’est glissé.
Non, je ne l’ai pas vu venir,
Et tu as préféré partir.
Dans tes « je t’aime » et mes baisers,
Tel le brouillard d’un soir d’hiver,
L’ennui doucement s’est glissé,
Poudrant nos draps d’un goût amer.
Mes nuits de ton corps sont privées,
Mes soupirs ne sont plus de flammes,
Et « nous » se parfume de larmes…
L’ennui doucement s’est glissé.
10/11/2006
Lunessences
“Venitian and Flemish Masters ”
11 FÉVRIER 2011 - 08 MAI 2011 Bellini, Tiziano, Canaletto - Van Eyck, Bouts, Jordaens, ... Les frères vénitiens et flamands sont inséparables !
Jan van Eyck, Sainte Barbe; 1437; Olieverf op paneel; 31 x 18 cm © Lukas - Art in Flanders VZW / Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen
De la finesse de Van Eyck (sainte Barbe, 1437) aux paysages de Canaletto. Une cinquantaine d'œuvres majeures en provenance de l'Accademia Carrara di Bergamo sont actuellement accueillies au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en regard avec une quinzaine de chefs-d'oeuvre provenant du Musée Royal des Beaux-Arts d'Anvers (KMSKA), le temps de rénover ces deux musées prestigieux. L'Accademia Carrara di Bergamo fut fondée par le comte Giacomo Carrera, mécène et collectionneur, qui fit un legs généreux à la ville de Bergame à la fin du XVIII e siècle.
Voici donc une exposition chronologique de grands maîtres tels que Giovanni Bellini qui se retrouve réuni avec Rogier van der Weyden , Pierre-Paul Rubens avec Le Titien et Véronèse. De nombreux contacts s’établissaient entre nos provinces du Nord et l’Italie. On circulait à pied, mais on circulait, malgré les brigands et les champs de bataille. La circulation des biens, des banquiers et des artistes remontait par Messine, Barcelone jusqu’à Anvers par voie maritime, particulièrement en provenance de Venise la Sénérissime, un état qui englobait d’autres villes du nord telles que Padoue, Bergame, Vicence, Vérone. Venise, fière et jamais prise, riche, pratiquait la tolérance religieuse et la circulation des œuvres d’art et des artistes. Voici enfin une exposition qui satisfera notre désir d’explorer ces liens privilégiés dont on nous a toujours parlé dans nos cours d’histoire de l’art.
Les quatre grands volets de l’exposition
L’exposition Venetian and Flemish Masters, articulée en quatre sections, parcourt quatre siècles essentiels de la peinture européenne (du XVe au XVIIIe siècle) et illustre les nombreux points de contacts et d’influence jalonnant les rapports entre Bruxelles, Bruges, Anvers et Venise comme autant de lieux d’école et d’émulation :
· le quattrocento et la naissance du portrait et la peinture de dévotion, où Pisanello et Giovanni Bellini sont mis en confrontation avec d’autres maîtres tels que Rogier van der Weyden.
Voici une œuvre magnifique. C’est La Vierge à L’Enfant de Giovanni Bellini (1476)
Une œuvre très émouvante, où l’on perçoit la douleur de la Vierge devant le supplice à venir. Elle semble ne pas pouvoir retenir l’enfant plein de vivacité dans ses bras. La dynamique de la diagonale semble préfigurer que le Fils portera la croix! Il pose un pied sur un marbre veiné de rouge et blanc, préfiguration du sang et des larmes de la Vierge versées sur la pierre de son tombeau. Les fins rehaussements d’or du manteau de la Vierge soulignent le bleu exceptionnel et le drapé évoque la douceur et le mystère.
Ceci est un détail du portrait du jeune homme joufflu de Giovanni Bellini, (huile sur bois). On est touché par l’humanité de son regard sensible, chargé d’interrogations. Le modelé du visage est de grande valeur expressive.
Ce tableau, encore de Giovanni Bellini est tout aussi bouleversant. Il s’agit de la Déploration du Christ par la Vierge et saint Jean (1455). La douleur de la Vierge est intense et contenue, les bras inertes du Christ sont soutenus délicatement par la Vierge vêtue de rouge et Saint Jean en larmes. Une lumière venue de gauche illumine les visages et le corps livide, presque en clair-obscur. La profondeur du tableau est donnée par le petit parapet à l’avant-plan.
On a envie de vous montrer encore l’exquise « Madonna con Gesù Bambino» (1475) de Crivelli Carlo, une œuvre toute en finesse. Le manteau de la Vierge travaillé en pastillage argenté évoque l'image d'une icône byzantine. Les fleurs - l’œillet, symbole de l’amour - et les fruits font allusion aux vertus de la virginité et de la fécondité et du renouveau. Les deux vues de paysage - florissant à gauche, aride et mort à droite - préfigurent la Vie, la Mort. Le long bandeau de tissu que la Vierge tient délicatement dans sa main, illustre peut-être son lien charnel avec son Fils et en même temps les bandelettes utilisées pour les inhumations. La fusion de la mère et de l’enfant est très nette et enchâssée dans un schéma triangulaire.
· le cinquecento, les paysages et la dévotion avec la présence d’œuvre du Titien, de Palme l’Ancien mais aussi de Véronèse, mis en regard avec leurs collègues flamands.
On découvre Gérard David, Andrea Previlati pour arriver aux œuvres du Titien avec la thématique amoureuse d’Orphée et d’Eurydice qui se fait mordre par un serpent, une très belle œuvre commandée par le pape Alexande VI Borgia, une magnifique madone à l’enfant, toute en douceur et en courbes naturelles sur fond de paysage lumineux.
Le plus étonnant c’est ce Joachim Patinir, originaire de Dinant, avec un paysage panoramique, très romantique représentant la fuite en Egypte en miniature.
Il y a aussi un trésor de richesse chromatique : cette Vierge à l’Enfant entre saint Jean-Baptiste et sainte Marie Madeleine, toute en mouvement et en lumière de Palma l’Ancien.
Ensuite on s’arrête devant la très belle œuvre de Giovanni Cariani, liée à la tradition du portrait lombard. Il s’agit du portrait somptueux d’un savant humaniste, mis en évidence par la composition de la perspective. Une technique ingénieuse déroule un rideau ou un écran derrière le personnage cependant que l’autre partie du tableau évoque un paysage, tableau dans le tableau. La perspective du grand livre ouvert au bord du parapet contraste avec ce paysage inaccessible probablement inspiré des vallées de Bergame.
· le seicento – Le Sacré et le Profane – où Rubens, Padovanino et Tiepolo interpellent les sens au travers de leurs illustrations de thèmes sacrés et profanes.
Ici, Peter Paul Rubens - Heilige Drievuldigheid - La Sainte Trinité (1620)
Le contexte politique de Venise, à deux doigts du schisme avec Rome, rend cette période moins faste. « La méfiance rend cette ville prisonnière d’elle-même » Des artistes de renom choisissent cette ville pour y peindre. Les œuvres sont devenues monumentales, comme en témoignent les quatre grandes toiles de Padovinano, élève d’un disciple de Titien dont il a étudié et copié les fresques. Ces toiles représentant des scènes mythiques telles que Bacchus et Ariane, la fête de Vénus, les Andriens, le triomphe de Thétis.
Dans ces salles on rencontrera le Bacchus de Jordaens, l’oeuvre qui sert d’affiche à l’exposition.
· les scènes de genre et vues du settecento où Canaletto, Francesco Guardi, Pietro Longhi sont mis en parallèle avec des maîtres du Nord qui les ont parfois précédés et influencés.
Giovanni Baptista Tiepolo, pétri de l’expérience de ses prédécesseurs comme Titien, Le Tintoret et Véronèse résoudra le problème de la relation entre peinture et architecture, entre l’art et la nature, apportant des solutions d’une grande complexité qui marqueront l’histoire de la peinture. La « veduta », « ce qui se voit » et aussi « comment on le voit » est un paysage historiquement objectif peint avec précision et réalisme. Les védutistes respectent avec une fidélité absolue la perception optique de la réalité. Le peintre sort de son atelier et descend dans la rue pour réaliser des esquisses de vues saisies sur le vif. Les figures de Luca Carlevarijs, Antonio Canal-il Canaletto mettront en scène la ville et sa vie citadine intense, la lagune, les embarcations de tout genre et surtout la magnifique lumière vénitienne. On est dans le classicisme de l’art paysager, un art qui se répandit à travers l’Europe avec le goût des souvenirs de voyage induit par la pratique du « Grand tour ».
Canaletto, Il Canal Grande da Palazzo Balbi, olio su tela, 61x90 cm, inv. 540, 1730, datazione critica. Bergamo, Accademia Carrara
Francesco Guardi, Piazza San Marco, olio su tela, 62x96 cm, inv. 567, 1760-1770, datazione critica. Bergamo, Accademia Carrara
Je m’appelle DENEYER,
Un nom très peu connu.
C’est le nom de mon père
Qui ne m’a jamais déçue.
Et pourtant avec lui,
Bonne, je n’ai pas été.
Pendant deux décennies,
Je l’ai abandonné
Pour prendre celui d’un autre,
Le nom d’un étranger,
Celui de cet apôtre
Que j'avais épousé.
Mes enfants portent ce nom
Que j’avais emprunté.
Moi, j’ai repris le nom
Qui m’a été donné.
Ils sont fiers de leur nom,
Qui leur vient de leur père
Et je leur donne raison
C’est un cadeau repère.
Inutile d’emprunter
Une autre identité
Pour mieux se trébucher
Dans ce monde déjanté.
J’ai retrouvé mon nom.
Mon père en est heureux
J’ai osé le renom
De ce choix malheureux.
Je suis une DENEYER
Et je le resterais.
De ce nom, j’en suis fière
Et je le porterais
Jusqu’au bout de ma vie
Tel un bel étendard
Sept lettres de survie
Lors d’un trop long cauchemar.
16/02/11
Bonjour,
Après 15 ans de silence et deux romans au milieu des années 90, je me suis remis à l'écriture. Mon nouveau roman, "Vendanges Posthumes", vient d'être publié chez Memory Press (maison créée par le grand A-M. Adamek). Il sera présenté à la foire du livre de Bruxelles (stand du Service du Livre Luxembourgeois), où je serai présent le dimanche 20 février de 12 à 14h00.
Il s'agit d'un biopic sur Franz Schubert, où je tente de dévoiler quelques secrets de ce Maître de la musique romantique. Mais c'est aussi un roman d'époque, très documenté et basé sur des faits authentiques, et une ode à l'amitié.
Bien qu'écrivain 'amateur', mon premier roman, "Revoir Maud", un drame familial qui se déroule en Provence, a été fort bien accueilli.
L'écriture me permettra peut-être de combler mes heures libres de (pré?)pension... C'est pourquoi j'essaie de me faire un petit nom, une petite place, et que je cède mes romans à prix... d'ami.
Bien cordialement,
Francis.