Dans un décor presque Beckettien - des grandes verticales de murs bleutés qui enferment, un lit de fer, une table, une chaise - erre un homme entre deux âges, amnésique en robe de chambre.
Une infirmière bien tournée, s’occupe de lui. Il a quitté l’hôpital mais ne sait pas vraiment qu’il est chez lui ni même s’il aime le café ou le thé. La présence, dans sa vision d’une commode kitsch, l’incommode et le fâche. Serait-il fou ? L’infirmière est-elle vraiment une infirmière ? Tous les jours elle lui réapprend patiemment le quotidien, il doit faire des listes de ses goûts de ses envies, il doit écrire. Emerge une certaine misogynie, et de la misanthropie générale. Serait-il un vieux bougon dans la tradition des personnages de Molière ? Non, il exhibe dans ses réponses une candeur inattendue, qui désarçonne. Elle veut faire renaître des bribes douloureuses du passé, il s’énerve, la voue aux gémonies, se montre odieux et autoritaire, mais elle démêle habilement l’écheveau du passé, elle veut savoir les détails de la tragédie qui l’a projeté contre un mur à 100 à l’heure. Bribes de passé, bribes de « tu » et de « vous », bribes de présent et peut-être d’amour et de charme. Il s’échange des phrases banales qui dramatisent et des phrases dramatiques banalisées.
On est dans un entre-deux : pas la réalité vraie, pas le souvenir, mais une tension particulière, comme dans des vérités suspendues. Mais l’être humain est incorrigiblement solaire, même meurtri au plus profond de sa chair, il est incapable de repli total sur lui-même. Soit il va vers l’autre pour s’offrir, soit il ne peut s’empêcher de recevoir. Le jeu intense des deux acteurs est très touchant. Sobriété extrême, épure, il y a une souffrance commune qui se donne en partage, pâr effleurements de regards, par effleurements de mots, un élixir d’amour. La mémoire des faits et la mémoire des sentiments sont subtilement retracées, comme dans une énigme. Et tout d’un coup, le spectateur, conquis, comprend et apprécie. Il va jusqu’à prier que la guérison soit complète et que plus rien ne s’éteigne.
Deux acteurs parisiens, Guy Bedos et Macha Meril, qui jouent avec une extrême connivence, même s'ils font mine de ne pas se connaître, nous donnent à boire de la beauté théâtrale. Allez les applaudir cette semaine, tant qu'ils sont encore au Centre Culturel d'Audergem!
Au Centre Culturel D’Auderghem
Du 14 au 19 février 2011 à 20h30 et le 20 février 2011 à 15h30
Guy BEDOS est l'une des grandes figures de l'humour et de l'insolence de ces dernières décennies. Il trouve ici un rôle de comédien où il révèle une face inattendue de son talent aux côtés de la malicieuse et tendre Macha MERIL.
48,00€ - 38,00€ - 20,00€ (-26 ans en corbeille) + 1,50€ de taxe de réservation.
Réservations : 02/ 660 03 03 du lundi au vendredi de 11h00 à 17h00 et le samedi de 10h00 à 14h00
http://www.cc-auderghem.be/index.php/component/redevent/details/64....
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