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MESSAGE...

Viens...

Je te dirai les mots...

J'inventerai les instants

J'effacerai les maux

J'embellirai le temps!

Je chanterai la vie...

Soufflerai du bonheur

Au creux de tes envies

J'effacerai la peur!

Viens...

Au fond de mon désir

J'oublierai mon ego

Je créerai le plaisir

Et tu seras plus beau!

Je comblerai les vides...

Pour protéger tes pas

Et ne serai avide

Que de toi ici-bas!

 

Viens...

Je saurai m'effacer...

Si un jour pour ton bien

Tu devais t'éloigner

Et rompre le lien!

 

Je vais colorier la pluie...

Et réchauffer la neige

Et si survient l'ennui

Créerai des sortilèges!

 

Viens...

Je ferrai le printemps beau

J'écouterai sur ton coeur

le chant doux des oiseaux...

Pour rêver au bonheur!

J.G.

 

 

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Emile Verhaeren le grand barbare doux

La Belgique ne tarda pas à reconnaître en Verhaeren son plus grand poète lyrique, suivie de l'Europe, par le canal du Mercure de France. On a dit de lui qu'il était un « grand Barbare doux », et le mot est aussi joli que juste.
On l'a appelé aussi « le Victor Hugo du Nord », et c'est déjà beaucoup moins acceptable. Le rattacher à un autre poète ou même à une école (il a traversé le symbolisme comme un bateau traverse un chenal) serait injuste et absurde.
En 1907 déjà, Bazalgette, qui fut le premier à écrire sur lui, disait : «Verhaeren ne procède de personne. » Et c'est vrai, il est seul, comme le vent, comme la mer, comme l'arbre, comme ces forces de la nature auxquelles il a pour toujours donné une voix. Il a une vue juste et profondément fraternelle des êtres et des choses, et en même temps comme agrandie, infiniment, par les effets harmoniques de ses adverbes sauvages.

Le poète fermé au monde

Émile Verhaeren est né à Saint-Amand, sur les bords de l'Escaut. C'est là que, jusqu'à l'âge de douze ans, « il joue avec le vent, cause avec le nuage », entre un père retiré des affaires (il était drapier à Bruxelles), une mère douce et attentive, et le frère de celle-ci, dont l'huilerie voisine crachait ses fumées sur l'Escaut. Après deux ans passés à l'institut Saint-Louis de Bruxelles, il entre, à quatorze ans, au collège Sainte-Barbe de Gand, cette pépinière de poètes flamands d'expression française. Ses études achevées, il vint partager pendant un an le bureau de l'oncle. Puis il partit pour l'université de Louvain et, en 1881, pour Bruxelles, où il s'inscrivit comme avocat stagiaire. Edmond Picard eut tôt fait de lui indiquer la voie de la poésie dans laquelle déjà Verhaeren ne demandait qu'à s'engager. De 1883, date de parution du premier recueil Les Flamandes , jusqu'à sa mort brutale, en gare de Rouen, Verhaeren publia une trentaine de recueils parmi lesquels, alternant l'épopée et le lyrisme, ouvrant le chemin du monde moderne aux hommes les plus déshérités, mais sachant aussi dire à voix basse l'humble amour du foyer (il avait épousé Marthe Massin en 1891), se retrouve, intact, généreux et naïf, un romantisme socialiste plus pur et plus profond qu'on ne l'a dit. Sa patrie l'appréciait et, académicien, il donna des conférences en Allemagne, en Suisse, même en Russie.

Tout avait commencé dans le malentendu. L'apparition des Flamandes , en 1883, fit scandale. Devant la levée de boucliers des bonnes âmes plus éprises de confort moral que de poésie, il ne se trouva que trois défenseurs : Edmond Picard, Albert Giraud, d'une manière plus réservée, et Camille Lemonnier, qui
venait de publier Un mâle , pour plaider la défense du jeune poète. Déjà, le naturalisme se disposait à fêter un nouveau disciple. Mais, dès 1886, Verhaeren publie Les Moines . A la sensibilité lourde succède le mysticisme le plus évident. Pour comprendre cette démarche, sans doute faut-il conjuguer la
connaissance des caractères les plus secrets de la poésie et de la Flandre.
D'ailleurs, tout s'explique mieux si l'on sait que Verhaeren enfant se rendait souvent au cloître des Bernardins de Bornhem, aux portes de Saint-Amand, et qu'au moment d'écrire ses Moines il se retira pendant trois semaines au monastère de Forges, près de Chimay. Que se passa-t-il ensuite ? Le poète se ferme au monde et publie coup sur coup ses trois livres les plus noirs : Les Soirs (1887), Les Débâcles (1888) et Les Flambeaux noirs (1890). La mort rôde au long de ces recueils, et il semble que la folie, née d'un désespoir aussi vaste que vrai, veuille trouver en Verhaeren un chantre lucide. Les dates aussi jouent un rôle. L'époque moins spectaculairement révolutionnaire que la fin du XVIIIe siècle est d'une importance historique énorme. Une certaine idée de l'homme change véritablement de sens au profit d'une certaine idée de masse. Ce n'est certes pas un hasard si des hommes aussi différents que Louis II, le premier Wittelsbach régnant, et Nietzsche, et Van Gogh furent, pour ainsi dire ensemble, touchés de l'aile de la folie, et tous trois si tragiquement. Poète plus sensible que d'autres aux souffles du dehors, Verhaeren fut alors soumis à ce grand vent fou de l'époque. S'il fut préservé, c'est sans doute parce que, n'étant pas encore allé au fond de lui-même, il ne pouvait céder à ce vertige sans se trahir.

Le poète ouvert au monde

Verhaeren s'ouvre alors au monde. Il assume les changements, voit mourir les campagnes et naître non plus la cité mais la Ville. Il fait alors ce que les poètes ont fait de tout temps : il va aimer ce monde qui se forge devant lui, et il va l'aimer assez pour en extraire une beauté, redoutable sans doute mais réelle, qu'il exaltera. C'est la longue suite des grandes oeuvres : Les Apparus dans mes chemins (1891), Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villages illusoires (1894), Les Villes tentaculaires (1895).
Il parvient même un peu plus tard à traduire ce monde nouveau devant lequel il a d'abord tremblé avec un accent de plénitude qu'il ne connaissait pas encore : Les Visages de la vie (1899), Les Forces tumultueuses (1902), Toute la Flandre (1904), La Multiple Splendeur (1906). Entre-temps, comme un repos entre deux tâches gigantesques, il a su donner à l'amour intime quelques-uns de ses plus beaux chants : Les Heures claires (1896) et Les Heures d'après-midi (1905). Il poursuit dans la voie ainsi tracée, et Les Rythmes souverains (1910) seront séparés des Blés mouvants (1912) par l'admirable musique de chambre des Heures du soir (1911). C'est curieusement dans le théâtre, un théâtre très poétique, qu'il lui arrive de traquer encore ses démons personnels : Le Cloître en 1900, Philippe II en 1904 et Hélène de Sparte en 1908. On y retrouve le climat et comme l'écho des peurs d'autrefois. Partout ailleurs, le poète, en s'ouvrant au monde, a dominé son angoisse, dit son amour et peint, en Flamand qu'il était, cet univers mouvant, changeant et volontaire.

Verhaeren, certes, fut souvent loué, parfois même compris, et quelquefois injustement méprisé. Du « grand Barbare doux » certains n'ont voulu retenir que le « Barbare ». Il n'appartient à aucune école. Enfin, ce romantisme socialiste auquel généreusement il rêvait a fait place à des réalités plus rudes. Verhaeren est l'un des rares grands poètes d'expression française à ne survivre que dans les anthologies. Les oeuvres elles-mêmes, aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques et les greniers, ne sont plus accessibles.
De sorte que l'on assiste à l'évolution d'un monde que le poète vit naître et dont il traduisit la naissance avec une fougue et un talent comparables à ceux d'un Walt Whitman sans pouvoir s'y référer.

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Angelus Silesius, La rose est sans pourquoi.

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Né à Breslau (Silésie) en 1624 et mort le 9 juillet 1677, Johannes Scheffler, dit Angelus Silesius,  est un médecin, un poète et un  mystique allemand.

 

D'abord luthérien, adepte un temps des Rose-Croix, il se convertit au catholicisme en 1652 sous l'influence des mystiques  allemands et flamands, notamment maître Eckart, Henri Suso, Jean Tauler, Ruysbroeck et Jacob Boehme Son recueil le plus connu, paru en 1657 "Cherubinischer Wandersmann" a été traduit en français sous le titre "Le voyageur  (le pélerin ou l'errant) chérubinique".

 

Il fut redécouvert au XIXème siècle par les poètes et philosophes de culture allemande, en particulier Rilke, Schopenhauer et Heidegger.

 

"Salué par les plus grands, de Leibniz à Heidegger, en passant par Hegel et Schopenhauer, l'écho de son oeuvre sur la pensée profane n'a cessé de s'amplifier. En nombre de points, et sans doute pour l'essentiel, la méditation de Silesius nous apparaît aujourd'hui proche du Zen". (Roger Munier)

 

 

rose

 

Ohne Warum

 

Die Ros' ist ohn' Warum, sie blühet weil sie blühet,

Sie ach't nicht ihrer selbst, fragt nicht, ob man sie siehet. (I, 289)

 

Sans pourquoi

 

La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu'elle fleurit,

N'a souci d'elle-même, ne cherche pas si on la voit."

 

Ce distique se lit au premier livre des poésies spirituelles d'Angelus Silesius, publiées sous le titre : "Le Pélerin Chérubinique. Description sensible des quatre choses dernières".

 

Martin Heidegger l'a commenté dans une conférence qui a été reprise dans "Der Satz vom Gründ", paru à Pfullingen en 1957. Traduit par André Préau, ce texte a été publié par les éditions Gallimard en 1982, sous le titre général "Le principe de raison".

 

En voici la conclusion : "La rose est sans pourquoi, mais elle n'est pas sans raison. "Sans pourquoi" et "sans raison" ne disent pas la même chose. C'est seulement cela que la sentence en question devrait d'abord rendre plus clair. Le rose, pour autant qu'elle est quelque chose, ne sort pas du domaine où le très puissant principe (de raison) exerce sa puissance. Et pourtant la façon dont elle appartient à ce domaine est particulière, différente par conséquent de la manière dont nous autres hommes y séjournons. Bien courte, à vrai dire, serait notre pensée, si nous admettions que la sentence d'Angelus Silesius, n'a d'autre sens que d'indiquer la différence des manières dont la rose, dont l'homme, sont ce qu'ils sont. Ce que le sentence ne dit pas - et qui est tout l'essentiel - , c'est bien plutôt ceci qu'au fond le plus secret de son être l'homme n'est véritablement que s'il est à sa manière comme la rose - sans pourquoi."

 

(Silesius, "La rose est sans pourquoi", textes français de Roger Munier, suivis d'un commentaire par Martin Heidegger, Arfuyen, Textes allemands)

 

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Man muss noch über Gott

 

Wo ist mein Aufenthalt ? Wo ich und du nicht stehen.

Wo ist mein letztes End, in welches ich soll gehen ?

Da, wo man keines find't. Wo soll ich denn nun hin ?

Ich muss noch über Gott in eine Wüste ziehn (I, 7)

 

Il faut passer Dieu même

 

Où se tient mon séjour ? Où moi et toi ne sommes.

Où est ma fin ultime à quoi je dois atteindre ?

Où l'on n'en trouve point. Où dois-je tendre alors ?

Jusque dans un désert, au-delà de Dieu même.

 

Das Etwas muss man lassen

 

Mensch, so du etwas liebst, so liebst du nichts fürwahr ;

Gott ist nicht dies und das, drum lass das Etwas gar. (I, 44)

 

Laisse le quelque chose

 

Si tu aimes quelque chose, tu n'aimes rien vraiment.

Dieu n'est ni ceci ni cela. Laisse le quelque chose.

 

Die Rose

 

Die Rose, welche hier dein äussres Auge sieht

Die hat von Ewigkeit in Gott also geblüht. (I, 108)

 

La rose

 

La rose que contemple ici ton oeil de chair

A fleuri de la sorte en Dieu dans l'éternel.

 

 Wie ruhet Gott in mir ?

 

Du musst ganz lauter sein und stehn in einem Nun,

Soll Gott in dir sich schaun und sänftiglichen ruhn (I,136)

 

Comment Dieu repose en moi

 

Tu dois être limpide et habiter l'instant

Pour qu'en toi Dieu se voie et doucement repose.

 

 Das stillschweigende Gebet

 

Gott ist so über all's dass, mann nichts sprechen kann,

Drum betest du Ihn auch mit Schweigen besser an (I, 240)

 

La prière du silence

 

Dieu excède, au point qu'on ne saurait parler.

Rien ne vaut mieux pour L'adorer que le silence.

 

 Du musst dich noch gedulden

 

Erwart es, meine Seel ! Das Kleid der Herrlichkeit

Wird keinem angetan in dieser wüsten Zeit (III, 184)

 

Il te faut patienter encore

 

Attends, mon âme, le vêtement de gloire !

Nul ne le passe en ce désert du temps.

 

Ein wachendes Auge siehet

 

Das Licht der Herrlichkeit scheint mitten in der Nacht.

Wer kann es sehn ? Ein Herz, das Augen hat und wacht. (V, 12)

 

Un œil qui veille voit

 

L'éclat de la splendeur apparaît dans la nuit.

Qui peut le voir ? Un cœur qui a des yeux et qui veille.

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Léonard en Toscane

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Tu t’es assis dans la splendeur, au pied d’un ange, bel enfant des collines de Toscane… Le printemps a tissé sa lumière dans tes cheveux, sur les oiseaux du ciel si pur, et tout est d’or autour de toi.

 
Tu écoutes la leçon des lys et tu songes aux merveilles du monde, aux fleurs vivantes, aux bleus lointains, aux rochers rafraîchis de mousse, à des nuages qui s’évaporent, à des galops de chevaux blancs, à des visages qui s’inclinent vers d’autres visages, à des sourires inconnus.

 

Tu chercheras sous l’apparence, sans cesser de t’émerveiller et ta main traduira l’invisible dans les grands carnets du mystère.

 

Un jour viendront les plis amers, les princes ingrats, Les Médicis et les Sforza, et ta grandeur sera cernée de nains moqueurs…Tes mains fertiles qui semaient la splendeur ne pourront plus bouger… Mais l’amitié d’un roi bercera ton chagrin.

 

Une fois encore, tu songeras aux temps futurs, à l’homme nouveau, à la précision merveilleuse…

 

Et Celui qui te créa si grand, viendra chercher l’enfant sublime...

 

… Au pied d’un ange.

 

 

"J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude. Que de recherches passionnantes sur la lumière, par exemple, pour le peintre que j'étais ! (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine."

 

(Léonard de Vinci, Carnets, vers 1510)

 

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Le cimetière juif de Prague

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Sous le lierre obscur de la maison des morts, le crépuscule rougit le soulèvement des pierres gravées de lions et de couronne

 

Sur le cœur de la nuit privé d’étoiles, au-dessus du chemin qui mène à Theresienstadt, les bourreaux ont cousu des étoiles de David..

 

La main du rabbin Löw ne bénit plus le ghetto de Josephov. La Mort était cachée dans les plis d’une rose. La force du golem fut rendue à l’informe quand il eut effacé l’Aleph de son front.


Et le Dieu de leurs pères fut leur seul défenseur.

 

Le lierre obscur du cimetière juif et le regard hanté de Kafka. Il erre dans les ruelles de Mala Strana…

 

Ils ont brisé les vitres de la synagogue

Ils ont ouvert les portes de l’enfer.

 

Sous le lierre obscur de la maison des morts, le crépuscule rougit le soulèvement des pierres et les fleurs d’amandier sur le chandelier d’or…

 


                                                 La menora des morts

                                                  Eclaire les vivants

 

 

                             Au creux de la mémoire des morts sans sépulture.

 

 

Si c'est un homme

Vous qui vivez en toute quiétude

Bien au chaud dans vos maisons,

Vous qui trouvez le soir en rentrant

Le table mise et des visages amis,

Considérez si c'est un homme

Que celui qui peine dans la boue,

Qui ne connaît pas de repos,

Qui se bat pour un quignon de pain,

Qui meurt pour un oui pour un non.

Considérez si c'est une femme

Que celle qui a perdu ses cheveux

Et jusqu'à la force de se souvenir,

Les yeux vides et le sein froid

Comme un grenouille en hiver.

N'oubliez pas que cela fut,

Non, ne l'oubliez pas :

Gravez ces mots dans votre coeur.

Pensez-y chez vous, dans la rue,

En vous couchant, en vous levant ;

Répétez-le à vos enfants.

Ou que votre maison s'écroule,

Que la maladie vous accable,

Que vos enfants se détournent de vous.

(Primo Levi, épigraphe de Si c'est un homme)

 

 

 

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L'indifférence et la décence

Soliloque

 

Il me parait presque certain

D’avoir perdu toute importance.

S'est enfermé dans le silence,

Mon merveilleux ami lointain.

...

D’avoir perdu toute importance,

Pour mon correspondant câlin,

Mon merveilleux ami lointain.

Il m'instruisait avec brillance.

...

Pour mon correspondant câlin,

Que je suivais en ses errances.

Il m'instruisait avec brillance.

Pris d'indifférence, soudain

...

Que je suivais en ses errances.

Au tout début, main dans la main,

Pris d'indifférence soudain.

Que me demande la décence?

9 décembre 2010

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Une certitude attristante

 

   

Soliloque

Durant la seconde guerre mondiale, un patriote avait écrit:

«La France ne décline pas, elle sommeille.

En attendant qu'elle se réveille

et reprenne son pas de déesse,

les peuples étonnés de ne plus la voir

marchant à leur tête,

se demandent pourquoi, dans le monde, il y a tant de nuit.»

Or, le jour se leva, accablant. La déesse, se réveillant, avança mais péniblement, dépouillée de son élégance, dépourvue des savoureuses offrandes, qui confirmaient sa renommée.

Ce sont les anciens troubadours et les poètes, en abondance, dans tous les endroits du terroir qui

lui méritèrent sa gloire.

Leurs champs sont désormais en friche, leurs héritiers les ont quittés et s'activent à d'autres projets. L'art d'écrire reste difficile, même à ceux qui ont du talent. Cependant il attire encore.

La France ne sommeille pas, elle décline, mais aux yeux des seuls nostalgiques,

qui n'ont plus très longtemps à vivre.

29 août 2012

 

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Jean Linard, l'artisan de joie

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 Jean Robert Linard (11 juin 1931 à La Marche - 17 février 2010 à Bourges) était un céramiste, sculpteur, peintre et bâtisseur français.

 

Il disait de bien jolies choses, Jean Linard : que nous sommes tous des anges, que le chemin du paradis passe par celui du cœur, que l'éternité est dans chaque instant, que la vie est belle, que le monde a été créé dans la joie, que la Terre est petite et que nous avons de yeux pour voir.

Voilà quelqu'un qui n'engendrait pas la mélancolie et qui ne puisait pas son inspiration dans la tristesse !

"L’œuvre d'art, disait-il aussi, ce n'est pas que la peinture, la sculpture ou l'architecture, c'est aussi les gens qui s'aiment, le vigneron amoureux de sa vigne, qui la soigne et qui fait bien son vin, le forgeron qui fait bien son travail... Je crois qu'un artiste c'est quelqu'un qui fait quelque chose qu'il aime... Quand on aime, il se passe toujours quelque chose."

Jean Linard avait commence à construire sa maison en 1961, sur une vieille carrière de silex en bordure de forêt près de La Borne et de Neuvy-les-deux-clochers et plus récemment une "cathédrale œcuménique" : "200 mètres d'un ailleurs mystique peuplé de gargouilles, mi-anges, mi-démons".

Il ajoutait sans cesse une pierre à son édifice multicolore, au gré de son inspiration et de l'actualité. Il promettait de faire un plan... quand il aurait fini !

Jardins et clairières sont peuplés de ses créations extraordinaires, d'une originalité indescriptible ; il faut le voir pour le croire !

Cet émule de saint François d'Assise et du Facteur Cheval aimait les animaux, surtout les vaches. Les siennes prennent les formes les plus étranges, mais elles ne sont pas folles. Elles vous regardent avec de petits yeux bleus langoureux derrière leurs longs cils.

Jean Linart aimait la terre des potiers : "celle que tu sors du sol, disait-il, et que tu transformes en pichet, en bol, en chat, en oiseau... Ça passe par la tête, par le cœur et par le bout des mains... J'aime faire chanter la terre."

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Jean Linart aimait les maisons biscornues et colorées, les formes circulaires, les bonshommes et les totems rigolos qui vous regardent en souriant...

Jean Linart aimait les émaux clairs, les bleus, les blancs pâles, les terres fraîches et joyeuses, orangées de préférence...

Ses matériaux de prédilection ? Le métal, le bois, le contreplaqué, les carreaux de faïence de toutes les couleurs, vives de préférence : rouge, vert, jaune, orange, un peu de noir par-ci, par-là, des morceaux de miroir...

Jean Linart aimait bien les gens, mais pas les gens sévères, les émaux sévères, les couleurs sévères. Il préférait les acrobates !

Jean Linart ne se prenait pas pour le Bon Dieu ("quand tu regardes le ciel, le soleil, tu t'aperçois que c'est un sacré truc, nous, c'est des petits trucs, mais enfin..."), à peine pour un "artiste" (il n'aimait pas ce mot),  plutôt pour un artisan...

Jean Linart, l'artisan de joie.

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cadou.jpg René Guy Cadou : des écoles et des bibliothèques portent ce nom qui chante "comme un bruissement d'eau claire sur les cailloux".

 

Ce très grand poète, trop tôt disparu, n'a vécu que pour la poésie, pour ses amis, et pour Hélène, son unique amour.

 

René Guy (sans trait d'union !) Cadou est né le 15 février 1920 à Sainte-Reine de Bretagne (Loire-Atlantique) où son père était instituteur. Enfant imaginatif et sensible, il connaît une enfance heureuse dont les souvenirs féconderont son inspiration. En 1936, un ami, Michel Manoll, lui fait connaître les milieux poétiques, notamment Max Jacob et Pierre Reverdy. La publication des Brancardiers de l'Aube, en 1937, inaugure des années de poésie ardente traversées d'épreuves : la mort du père, la guerre, la débâcle... Mobilisé en juin 1940, Cadou se retrouve à Navarrenx, puis à Oloron-Sainte-Marie où, malade, il est hospitalisé. Réformé le 23 octobre, il regagne la région nantaise, où il devient instituteur suppléant.

 

Autour de René Guy Cadou et de Jean Bouhier, fondateur de l'Ecole de Rochefort, se retrouvent, en cette sombre période où règnent la mort et l'esclavage, de jeunes poètes qui chantent la liberté et la vie.

Le 17 juin 1943, sans doute le jour le plus important de sa courte vie, il rencontre une jeune fille de Nantes, Hélène Laurent. Il l'épousera en 1946 et la célébrera dans Hélène et le règne végétal.
Nommé à Louisfert, près de Chateaubriant, en octobre 1945, Cadou s'installe dans la "maison d'école" et mène la vie simple d'un instituteur de village "en sabots et en pélerine". La classe terminée, une kyrielle de copains, "les amis de haut bord", viennent saluer le poète. Les poètes Michel Manoll, Luc Bérimont, les peintres Roger Toulouse, Jean Jégoulez, Guy Bigot, Yves Tréverdy, témoigne Hélène Cadou, se souviendront de l'automne à Louisfer comme on se souvient de son enfance.

"La poésie l'habitait tout entier, témoigne son ami Michel Manoll dans la préface de Poésie la vie entière, elle irriguait cette âme inquiète et toujours en alerte. Elle fut au centre de sa destinée et son souci de tous les instants..."

"... L'image du pays natal ne cesse de se projeter dans son oeuvre tout entière, ce "pays plat", perdu dans les solitudes aquatiques de la Brière, avec son poids d'humus et de tourbe, cette lumière tamisée issue d'un ciel chargé de mouvantes nuées et de pluies erratiques... Il était d'un abord direct et sa chaleur, sa vivacité, son entrain, son enjouement, la verve drue de ses propos, l'éloignaient de la moindre affectation... Pourtant René portait en lui une brisure."

Cadou eut toujours le pressentiment qu'il quitterait le monde prématurément. "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre." La maladie fait son œuvre, malgré deux interventions chirurgicales, en janvier et mai 1950, et une période de rémission qui ne dure que le temps d'un été. Quelques jours après avoir terminé Les Biens de ce monde, René Guy Cadou meurt dans la nuit du 20 mars 1951, entouré d'Hélène et de Jean Rousselot qui était venu le voir par hasard. Il n'avait que 31 ans. "Continuez ! Le Temps qui m'est donné que l'Amour le prolonge.", a-t-il écrit en guise de testament spirituel.

 
Celui qui entre par hasard
 
Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète
Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui
Que chaque nœud du bois renferme davantage
De cris d'oiseaux que tout le cœur de la forêt
II suffit qu'une lampe pose son cou de femme
A la tombée du soir contre un angle verni
Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles
Et  l'odeur de pain frais des cerisiers fleuris
Car tel. est le bonheur de cette solitude
Qu'une caresse toute plate de la main
Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes
La légèreté d'un arbre dans le matin.


Pour découvrir Cadou : Poésie la vie entière, œuvres poétiques complètes, préface de Michel Manoll, aux éditions Seghers, René Guy Cadou, par Michel Manoll, collection Poètes d'aujourd'hui, aux éditions Seghers - Mon enfance est à tout le monde, préface d'Hélène Cadou, aux éditions du Rocher - La maison d'été, roman, aux éditions du Castor astral.
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René Char, Lettera amorosa

char.jpg "Ni bluette sentimentale, ni mol épanchement, l'adresse amoureuse condense chez les poètes les plus vifs enjeux de l'existence et c'est en elle sans doute qu'ils portent la langue à son plus haut degré d'incandescence. La question de l'autre, celle du désir et de la perte, est au coeur de la poésie, comme un pas de danse sur l'abîme; l'amour/la poésie, deux visages d'un même mystère." (Jean-Pierre Siméon).

 

« Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour » écrivait René Char dans le poème Lettera amorosa.

Lettera amorosa, (La Lettre d’amour) est le titre d’un poème de René Char paru en 1953, emprunté à un madrigal du compositeur italien Claudio Monteverdi.

En voici un extrait : « Merci d’être, sans jamais te casser, iris, ma fleur de gravité. Tu élèves au bord des eaux des affections miraculeuses, tu ne pèses pas sur les mourants que tu veilles, tu éteins des plaies sur lesquelles le temps n’a pas d’action, tu ne conduis pas à une maison consternante, tu permets que toutes les fenêtres reflétées ne fassent qu’un seul visage de passion, tu accompagnes le retour du jour sur les vertes avenues libres.»

La destinataire de cette Lettre d’amour désignée par le mot « iris » et dont le poète ne révèle pas le nom est peut-être Marguerite Caetani, princesse Bassiano, « bonne et terrible, amie affectueuse et tigre cruel », aux dires de Paul Valéry.

« Poète à poigne », colosse au cœur tendre – il mesurait 1 mètre 94 – René Char était un homme entier, « tout en droiture, en colère et en refus » qui refusait interviews et honneurs.

Souvent qualifiée d’hermétique, la poésie de René Char affirme cependant la sensualité de la réalité sensible à travers les paysages, les végétaux et le bestiaire de la Provence. Poésie du mot plus que de la phrase, du geste plus que du mot, elle est proche du silence.

Fait exceptionnel, les œuvres complètes du poète parurent de son vivant, en 1983, dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade.

Son ami Albert Camus déclara en 1957, lors d’une conférence donnée à Stockholm avant la remise de son Prix Nobel : « Cette œuvre est parmi les plus grandes, oui vraiment les plus grandes que la littérature ait produite. Depuis Apollinaire en tout cas, il n’y a pas eu dans la poésie française une révolution comparable à celle accomplie par René Char. »

René Char, œuvres complètes, introduction de Jean Roudaut, bibliothèque de la Pléiade NRF Gallimard. René Char, Lettera amorosa, illustrations de George Braque et de Jean Arp, NRF Poésie/Gallimard, n° 430, 2007
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Arts et lettres n'offrira jamais de renvois vers des offres casino, n'étudiera jamais vos statuts afin de vous envoyer  ad nauseam des publicités  (souvent d'un marketing de mauvais goût) vous dirigeant vers des "marques" censées vous faire "cracher au bassinet"...

 

Ici, l'on sait encore ce que signifie l'humanisme.

Je crois sincèrement que l'investissement humaniste est tout le contraire d'un très délétère "retour sur investissement" mercantile, avide, cupide, irrespirable.

Je pense que vous forcer à patauger dans des publicités ou "applications" indésirables est non seulement irritant, peu pertinent mais encore indécent.

Le seul but devrait être de vous offrir du contenu (modéré) mature et crédible, comme certains des membres s'efforcent ici de le faire.

Ceci sera probablement le seul billet en style télégraphique que je publierai pour ne pas m'abaisser au niveau de certains autres réseaux "sociaux" que d'aucuns utilisent sans aucun discernement pour bavasser. Cependant, je constate souvent avec plaisir que sur A&L beaucoup de membres s'intéressent sincèrement aux oeuvres des autres.


Je me permettrai seulement de mettre cette petite "paperolle d'humeur" en évidence, de temps à autre, comme une devise à laquelle je me plairai de me référer. 


Robert Paul

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Jean Mambrino, Le mot de passe

pt_simon2.jpg "Le mot de passe" de Jean Mambrino, recueil de poèmes très courts, semblables aux "haïkus", s'ouvre sur une citation de William Shakespeare :

"Et nous éclairons le mystère des choses
Comme si nous étions les espions de Dieu."

... Puis sur ce texte magnifique qui est l'une plus belles définitions de la poésie que je connaisse :

"Une vision aussi ronde que l'étonnement ouvre l'empan du monde dans le point d'un regard. Il suffit d'y consentir, même en rêve, pour la recevoir et du même coup la reconnaître, tel un visage qui sort de la confusion des foules. Un être unique se détache ainsi de la multitude et nous touche, à peine, avec des mains d'aveugle. Longue et muette conversation, à distance, où dans l'ignorance un message est partagé, une confidence ouverte dont nul ne connaît la source et qui concerne un secret universel. Cette vision vient comme la foudre et s'éloigne plus lentement que l'Océan."

L'as-tu rêvé ce cheval
à tête de rosée ?

Saute à travers
ton absence

Toutes ces lignes t'égarent
et te conduisent

Sous les mots couverts
la braise



"un livre initiatique formé de quatre cents distiques où se concentre le péril et la merveille d'exister. Chacun est un véritable mot de passe ouvrant les apparences." ("Un poème où chaque mot imite le silence")

L'humus prépare un bleu très pur

pour la chair des campanules


Un cœur d'enfant pareil
aux violettes après la pluie

(sur lequel je tombe toujours quand j'ouvre le livre au hasard)


et celui-ci, mon préféré :

Un goût de mûres
traîne au fond des galaxies

... qui fait oublier le "Christ cosmique" de Teilhard et le "silence éternel de ces espaces infinis" qui effrayait Pascal.

Jean Mambrino, Le mot de passe aux éditions Granit
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administrateur théâtres

12272822894?profile=originalLes Musicales de Beloeil, Château de Beloeil  Samedi 25.08 de 14h30 à 23h

 

12272823297?profile=originalBrillante idée que celle de réunir chaque année  des musiciens de tempérament, d’horizons multiples  et un immense public dans un cadre enchanteur par une belle soirée d’été. Cela se fait depuis de nombreuses années déjà: au Château de Beloeil. Et l’année prochaine promet d’être encore plus prestigieuse pour les 25 ans d’existence de la manifestation.  Balade musicale à travers huit heures de concert,  sept scènes aux noms poétiques, avec pique-nique gourmand, atmosphère ludique et  décontractée, écoute respectueuse des artistes qui nous livrent le meilleur d’eux-mêmes.   Qualité indéniable des diverses présentations. Programme éclectique et découvertes sensationnelles.

Une thématique articule le programme.

 Celle du Festival de Wallonie qui a choisi de mettre en scène les « EspagneS » comme au festival Musiq 3 à Flagey en juillet dernier. En Hainaut, la foule de  mélomanes d’un jour  a été conviée à un parcours initiatique balayant  l’histoire pour découvrir une suite insolite de  paysages sonores qui rappellent toutes les « Espagnes ».

 

12272824496?profile=originalNotre choix s’est porté  par deux fois sur le  Bassin des dames où nous avons découvert Boyan Vodenitcharov, pianiste belge d’origine bulgare, plusieurs fois membre du jury du concours Reine Elisabeth,  interprétant avec sensibilité et finesse des extraits du 2e livre de Claude Debussy dont on sait qu’il n’a jamais mis les pieds dans la péninsule ibérique. Il s’agit d’une  Espagne totalement  réinventée, sur base d’une gravure de l’Alhambra. Mais ô combien évocatrice.

12272825677?profile=original A la deuxième visite nous sommes tombés sous le charme de Frank Braley qui nous a interprété  la soirée dans Grenade de Debussy puis La fantasia Baetica de De Falla. Debussy encore avec  une suite de 5 extraits : La puerta del Vino, Les collines d'Anacapri, Ce qu'a vu le vent d'ouest, Feuilles mortes, Général Lavine - eccentric …pour en arriver à George Gershwin. Sa présence au clavier est d’une rare poésie. Il nous donne l’impression d’une recherche d’harmonie presque sensuelle, comme s’il goûtait chaque sonorité produite avec délices. Expressivité, élégance, grappes d’accords colorés. Jeu palpé qui va chercher la musicalité aux sources de l’émotion.  La proximité avec le pianiste qui joue sur un podium au milieu de la pièce d’eau est un vrai bonheur.  Il a remporté à 22 ans en 1991 le concours reine Elisabeth.12272825872?profile=original

 

La clôture de la première partie de la soirée à 18h nous mène à la Grande  scène  où le Trilogy, trio explosif Hrachya Avanesyan, Lorenzo Gatto et Yossif Ivanov, accompagné par l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, va revisiter les chefs-d'œuvre du répertoire violonistique en passant par les tubes de la musique pop et de la musique de film. Trois virtuoses extraordinaires aux mimiques réjouies. Des toréadors de l’archet qui s’éclatent au Carnaval de Venise. Des bombes d’humour musical. 12272829073?profile=original

De quoi achever de séduire les jeunes familles après Le carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, féerie où l’on retrouvait de charmants talents de la Chapelle Musicale : Stephanie Proot, Christia Hudziy et l’exquise Noëlle Wiedmann.

 12272829858?profile=originalA 19 heures on se partage entre le Bassin vert avec  le Trio Dali et le duo Solot à la scène Champ des roses. Eblouissants tous les deux.  Pas moyen de choisir entre Fauré, le trio opus 70, n°2de Beethoven et l’ouverture de Guillaume Tell transcrite  par Gottschalk. Nous découvrons la connivence artistique infaillible  de Stéphanie Salmin et de Pierre Solot et l’harmonieuse complicité du trio Dali qui déborde de présence et de générosité. Dernier voyage, avec le mythique Piazzola au Parc des cerfs sous la baguette déguisée en archet de Michael Guttman et la  Brussels Chamber Orchestra. Les quatre saisons de Buenos Aires qui ne sont pas des saisons mais des états d’âme. La Oracion del Torrero de J. Turina: une nouvelle découverte palpitante.  On ne peut hélas pas embrasser tous les programmes, ni rendre compte de tout le plaisir que peut procurer une telle journée, tant les musiques et les parfums et les émotions  se confondent.

 

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Harmonie du Soir, Baudelaire.

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Après ce festival de créativité,  de liberté et  de passion musicale l’apothéose très attendue se donne face au château sur la Grande scène à 22 heures.  L’Orchestre Philharmonique

Royal de Liège présente des extraits du Carmen de Bizet avec Julie Mossay (soprano) Kinga Borowska (mezzo-soprano) Audrey Kessedjian (mezzo-soprano) et Domingo Hindoyan à la  direction. L’exécution est hautement précise et raffinée, les sonorités éclatantes et belles, les voix et les lumières dansent  ...la habanera,  avant le feu d’artifice qui comble les heureux visiteurs gorgés d’écoute et  épuisés d’avoir applaudi.12272823669?profile=original

 

Rendez-vous le 31 août 2013 avec l’Orchestre National de Lille… pour le 25e anniversaire de l’événement.

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administrateur théâtres

C'est dans les chœurs religieux et scolaires en Arkansas que Barbara Hendricks commence à chanter, avant d'entreprendre des études de sciences. À partir de 1968, elle prend des cours de chant, notamment à la Juilliard School of Music de New York, où elle a comme professeur Maria Callas. On connait la suite de son parcours qui a saisi d’admiration des générations d’amateurs d’art Lyrique depuis les années 70.

C’est ce cadeau inestimable que nous a fait la 13e édition de la célèbre Nuit des chœurs au Château Bois-Seigneur-Isaac hier soir.

 Au point de s’octroyer le plaisir de réécouter l’intégralité de son concert une deuxième fois. Le programme est « gospels » tout simplement. Les meilleurs jamais entendus, avec cette sublime formation,  le  Mikrokosmos Choir, fondé en 1989 par son actuel directeur artistique Loïc Pierre, et qui rassemble aujourd’hui deux ensembles composés de jeunes chanteurs venus de la France entière. Une palette de jeunes artistes qui savent transmettre l’émotion, pour qui le décor, le public, les éléments fâchés avec le soleil semblent s’évanouir avec leur création musicale toute en nuances.

C’est la musique de ses racines que Barbara Hendrickx nous livre avec simplicité. Car comme  sur les 6 autres scènes, elle n’a que 20 minutes contre vents et pluies. Ce qui ne l’empêchera pas d’interrompre sa divine prestation en disant d’une voix inoubliable à un spectateur distrait « …. ne fumez pas, s’il vous plait, ne fumez pas ! ». Car l’essence de ses chansons est divine, et on ne peut se permettre le prosaïsme. « My God is so high ! » Glory, Glory Alleluia en solo, sous les arbres et devant une marée de spectateurs captivés. La sonorité est liquide et chaude, l’esprit qui porte le chant fuse comme une jeunesse éternelle, troue les nuages fâcheux et rejoint l’infini. «  Down by the riverside » revient à la terre au bord du Mississipi. Touche ses racines. Le velours de sa voix donne le vertige, les trémolos palpitent, les riches modulations du chœur accompagnent. Les feuilles de partitions s’envolent. Diction sublime.  Point culminant : «  Nobody knows the trouble I see. » Le chœur hulule des soupirs  dignes de Old man River. Des notes très profondes sortent de la bouche de la chanteuse qui ajoute simplement : « …. like Jesus. »   Personne ne voit la misère comme Jésus. L’ample dévotion est au zénith de l’émotion. Des guirlandes de sons se déploient. « Didn’t my lord deliver Daniel ? » Suspense encore :  «….why not e-ve-ry man ? ». Rythme, joie, espoir, texte totalement ressenti, no fake swinging and singing. Le retour aux sources sacrées du chant.  Elle a le sens du drame et de la résurrection. Sa voix juvénile – parcelle d’éternité - s’élance une nouvelle fois vers le ciel lourd et bas. Bis : « Give me Jesus ». Son message en trois mots de la fin. C’est un appel poignant alors que la nuit descend.  « ….when I come to die. » Dernier suspense.12272825886?profile=original

On oublie avec ces instants mémorables le remplacement inopiné du groupe de 30 choristes libanais dont on attendait avec impatience les chants maronites. On se souvient des malicieux « Rossignols Polonais » lauréats du titre de « Chœur de l’Union européenne-ambassadeur de la culture» sous la baguette du talentueux Jacek Sykulski. Ils ont séduit les familles par leur fraîcheur et  leur programme qui brassait l’Alléluia du Messie de  Haendel, les Carmina Burana et les miaous exaltés de  Walt Disney dans Lady and the Tramp. L'a cappella des Flying Pickets a plu. Mais si, pour renouveler le programme l'année prochaine, on partait à la recherche d' un peu plus de chœurs classiques en faisant moins appel à l'aspect "pop", le public serait encore plus ravi. Nous en sommes convaincus.

 

www.nuitdeschoeurs.be

http://www.barbarahendricks.com/

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Le Prix Pierre Nothomb 2012 est décerné à Jacqueline De Clercq pour Le temps qu'il fait.

Placé sous la présidence d'honneur d'Amélie Nothomb, ce prix récompense l'auteur lauréat d'un concours de textes inédits devant satisfaire à une série de prescrits de fond et de forme (thème, genre littéraire, présence de mots imposés, nombre de signes...) ou comment transmuer la contrainte en liberté.

Remise du prix à la lauréate et parution de Le temps qu'il fait, le 30 septembre 2012 au Château du Pont d'Oye.

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Georg Trakl, une vie magistralement ratée

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                               Georg Trakl (1887-1914)

 

"Une vie ratée, mais le plus magistralement du monde." (Marc Petit)

 

"Sentiments dans des instants où la vie est semblable à la mort : tous les êtres sont dignes d'amour. Au réveil, tu sens l'amertume du monde ; il y a là toute la dette que tu n'as pas rachetée : ton poème, une expiation incomplète." (G. Trakle)

 

"A celui-là qui méprise le bonheur, sera donnée la connaissance." (G. Trakle), écrit à l'âge de 17 ans.

 

"Mais qui donc pouvait-il être ?" (Reiner-Maria Rilke)

 

 

A Georg Trakl

 

(puisqu'il est désormais plus facile de parler avec les morts qu'avec les vivants)

 

"Am Abend tönen die herbstlichen Wälder

Von tödlichen Waffen..."

 

Dans l'eau stagnante sombrent les étoiles,

Les tournesols fanés

Tournent vers la terre leur unique oeil noir,

Des larmes d'or

S'accrochent à leur splendeur déchue...

 

S'approchent les compagnons d'infortune :

L'Etranger, L'enfant Elis et le pauvre Kaspard

Et les morts de Grodeck qui jouaient jadis,

 

"Garçons étourdis de rêve,

Le soir doucement là-bas à la fontaine"...

 

Un oiseau bleu appelle

Dans la clairière des anges

Et des hyacinthes,

Grete, la tendre soeur,

Eclaircit la douleur

De ton front  couronné de ronces

"Où saignent en silence

Des légendes immémoriales

Et le présage obscur

Du vol des oiseaux"

Et ferme tes yeux de lune.

 

"Sur tes tempes goutte de la rosée noire,

 Le dernier or d'étoiles déchues"...

 

Le suc fatal du pavot

 

Ton esprit et ton cœur ont quitté le pressoir...

 

"Tu vas, toi, d'un pas lisse vers la nuit

Toute chargée de raisins pourpres,

Et tu bouges les bras plus beaux dans le bleu..."

 

O wie lange bist, Elis, du verstorben...

 

 Mais quel est donc ce monde où l'on assassine les archanges ?

 

 

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Bouche au ciel,

Les chevaux forcenés des fontaines

Pleurent

Dans leurs prisons de pierre...

Une couronne rayonne en entrelacs compliqués...

Les parcs exhalent la vaste fraîcheur des valses...

Des fantômes tristes et anciens

Hantent la gloire abolie des palais déserts...

Comme un triste bruissement de fontaine,

Comme la joie inaccessible

D'une claire matinée de neige,

Comme une barcarolle désaccordée,

Comme une jubilation secrète,

Prisonnière du gel et du temps...

Vieille Europe, je te porte en moi...

"Oui, je suis vieille,

J'ai trop porté le poids de la douleur,

Mais je suis belle encore...

 

Priez pour que le printemps revienne !"

 

R.G.

 

Georg Trakl, né le 3 février 1887 à Salzbourg, Autriche et décédé le 3 novembre 1914 à Cracovie, est un poète autrichien. Il est l'un des représentants majeurs de l'expressionnisme. Georg Trakl laissa comme témoignage de sa vie tout aussi brève qu’intense - il est mort à l'âge de 27 ans - une œuvre sulfureuse composée de poèmes dont l'importance fait de lui un des poètes majeurs du XXème siècle.

 

Il se lance dans des études de pharmacie le 5 octobre 1908 et passe ses premiers examens en chimie, en physique, chimie et botanique l'année suivante. Sa jeunesse est fortement marquée par ses attitudes anti-bourgeoises et provocatrices, ainsi que par la drogue, l’alcool, l’inceste et la poésie qui resteront les piliers de son existence. On sait qu'il s'adonne à la drogue dès 1905 alors qu'il commence un stage dans la pharmacie À l'ange blanc de Carl Hinterhuber dans la Linzer Gasse à Salzbourg.

 

Il écrit à son ami von Kalmar : « Pour surmonter la fatigue nerveuse à retardement, j'ai hélas encore pris la fuite avec du chloroforme. L'effet a été terrible ». L’amour incestueux de Trakl pour sa sœur va profondément influencer son œuvre. L’image de « La sœur » s’y retrouve de façon obsédante, et c’est cette relation charnelle et amoureuse qui va devenir une source d’angoisse et de culpabilité profonde pour le poète. On sait toutefois peu de choses directes sur leur relation, la famille ayant fait disparaître leur correspondance.Trakl publie son premier poème en 1908 dans la Salzburger Volkszeitung : Das Morgenlied.

 

En mai 1914, Trakl est invité au château de Hohenburg à Innsbruck par le frère de Ludwig von Ficker. Le 27 juillet 1914, Ludwig Wittgenstein autorise von Ficker à donner 20 000 couronnes à Trakl en les prenant de la somme qu'il avait mise à disposition pour soutenir les artistes autrichiens dans le besoin. Mais Trakl, qui depuis plusieurs mois cherchait vainement un emploi pour assurer son existence matérielle, n'aura pas le temps d'en profiter.

 

Lorsque la guerre éclate, Georg Trakl est mobilisé dans les services sanitaires. Il quitte Innsbruck pour le front de l'est la nuit du 24 août 1914. Le détachement sanitaire dont il fait partie est stationné en Galicie et participe du 6 au 11 septembre à la bataille de Gródek.

 

Trakl a pour mission de prendre en charge, dans une grange et sans assistance médicale, pendant deux jours, les soins d’une centaine de blessés graves. Il fait quelques jours plus tard, à la suite des horreurs dont il vient d'être témoin, une tentative de suicide au moyen d'une arme à feu. Il est transféré le 7 octobre à l’hôpital militaire de Cracovie.

 

Les 24 et 25 octobre, Ludwig von Ficker rend une ultime visite au poète dans la cellule de la section psychiatrique. Trakl y exprime toute sa crainte, toute son angoisse. Déjà un an auparavant, il avait fait part à von Ficker de sa dépression et de sa peur de la folie : « Ô mon Dieu, quelle sorte de tribunal s'est abattu sur moi. Dites-moi que je dois encore avoir la force de vivre et de faire le vrai. Dites-moi que je ne suis pas fou. Une obscurité de pierre s'est abattue. Ô mon ami, comme je suis devenu petit et malheureux". Trakl donne lecture à Ficker de ses derniers poèmes, Klage (Plainte) et Grodeck. Dans une lettre du 27 octobre, il les lui envoie et fait de sa sœur son unique légataire.

 

À l’âge de 27 ans, dans la nuit du 2 au 3 novembre Trakl décède d’une overdose de cocaïne. Les autorités médicales de l’hôpital militaire concluent à un suicide. « Mais qui donc pouvait-il être ? » se demandera Rilke juste après la mort de Trakl sans parvenir toutefois à répondre. Georg Trakl est enterré au Rakoviczer Friedhof de Cracovie le 6 novembre. Son amie Else Lasker-Schüler lui dédie alors un poème intitulé Georg Trakl publié en 1917 :

« Georg Trakl succomba à la guerre, frappé par sa propre main.
Et ce fut tant de solitude dans le monde. Je l'aimais. »

 

 

Grodek

 

(le dernier poème écrit par G. Trakl)

 

Le soir, les forêts automnales résonnent

D'armes de mort, les plaines dorées,

Les lacs bleus, sur lesquels le soleil

Plus lugubre roule, et la nuit enveloppe

des guerriers mourants, la plainte sauvage

de leurs bouches brisées.

Mais en silence s'amasse sur les pâtures du val

Nuée rouge qu'habite un dieu en courroux

le sang versé, froid lunaire ;

Toutes les routes débouchent dans la pourriture noire.

Sous les rameaux dorés de la nuit et les étoiles

Chancelle l'ombre de la sœur à travers le bois muet

pour saluer les esprits des héros, les faces qui saignent ;

Et doucement vibrent dans les roseaux les flûtes

sombres de l'automne.

Ô deuil plus fier ! autels d'airain !

La flamme brûlante de l'esprit, une douleur puissante

la nourrit aujourd'hui,

les descendants inengendrés. 

 

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Georg Trakl

Die schöne Stadt

 La belle ville

Alte Plätze sonnig schweigen.
Tief in Blau und Gold versponnen
Traumhaft hasten ernste Nonnen
Unter schwüler Buchen Schweigen.
 
De vieilles places se taisent au soleil.
Absorbées dans le bleu et l'or
Se hâtent, rêveuses, de douces nonnes.
Sous le silence de hêtres lourds.
 

Aus den braun erhellten Kirchen
Schaun des Todes reine Bilder,
Großer Fürsten schöne Schilder.
Kronen schimmern in den Kirchen.

 

Dans les églises éclairées de brun

Regardent les images pures de la mort,

Les beaux écussons des grands princes,

Des couronnes étincellent dans les églises.

 

Rösser tauchen aus dem Brunnen.
Blütenkrallen drohn in Bäumen.
Knaben spielen wirr von Träumen
Abends leise dort am Brunnen.

 

Des chevaux émergent de la fontaine.

Sur les arbres des fleurs sortent leurs griffes.

Des garçons jouent, étourdis de rêve,

le soir doucement là-bas à la fontaine.

 

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 Mädchen stehen an den Toren,
Schauen scheu ins farbige Leben.
Ihre feuchten Lippen beben
Und sie warten an den Toren.

 

Des filles se tiennent au portail,

Timidement regardent la vie aux couleurs vives.

Leurs lèvres humides tremblent

Et elles attendent devant le portail.

 

Zitternd flattern Glockenklänge,
Marschtakt hallt und Wacherufen.
Fremde lauschen auf den Stufen.
Hoch im Blau sind Orgelklänge.

 

Des sons de cloches volent, frémissants,

Une cadence de marche résonne, et des appels de

sentinelles.

des étrangers écoutent sur les marches.

Haut dans le bleu il y a des sons d'orgue.

 

Helle Instrumente singen.
Durch der Gärten Blätterrahmen
Schwirrt das Lachen schöner Damen.
Leise junge Mütter singen.

 

Des instruments clairs chantent.

A travers le décor de feuilles des jardins

Frémit le rire de belles dames.

Des jeunes mères à voix basse chantent.

 

Heimlich haucht an blumigen Fenstern
Duft von Weihrauch, Teer und Flieder.
Silbern flimmern müde Lider
Durch die Blumen an den Fenstern
 
Familièrement passe devant des fenêtres fleuries
Une odeur d'encens, de goudron et de lilas.
Argentées scintillent des paupières lasses
Au milieu des fleurs, aux fenêtres.
 
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                         An den Knaben Elis

 

Elis, wenn die Amsel im schwarzen Wald ruft,

Dieses ist dein Untergang.

Deine Lippen trinken die Kühle des blauen Felsenquells.

 

Laß, wenn deine Stirne leise blutet

Uralte Legenden

Und dunkle Deutung des Vogelflugs.

 

Du aber gehst mit weichen Schritten in die Nacht,

Die voll purpurner Trauben hängt

Und du regst die Arme schöner im Blau.

 

Ein Dornenbusch tönt,

Wo deine mondenen Augen sind.

O, wie lange bist, Elis, du verstorben.

 

Dein Leib ist eine Hyazinthe,

In die ein Mönch die wächsernen Finger taucht.

Eine schwarze Höhle ist unser Schweigen,

 

Daraus bisweilen ein sanftes Tier tritt

Und langsam die schweren Lider senkt.

Auf deine Schläfen tropft schwarzer Tau,

 

Das letzte Gold verfallener Sterne.

 

 

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A L'enfant Elis

 

Elis, quand le merle appelle dans la noire forêt,

C'est là ton déclin.

Tes lèvres boivent la fraîcheur de la source bleue des

rochers.

 

Laisse, quand de ton front saignent en silence

des légendes immémoriales

Et le présage obscur du vol des oiseaux.

 

Tu vas, toi, d'un pas lisse vers la nuit

Toute chargée de raisins pourpres,

Et tu bouges les bras plus beaux dans le bleu.

 

Un buisson d'épines sonne,

où sont tes yeux de lune.

Ô il y a si longtemps, Elis, que tu es mort.

 

Ton corps est une hyacinthe

dans laquelle un moine plonge ses doigts de cire.

Une caverne noire est notre mutisme,

 

D'où sort parfois une bête douce

et abaisse lentement ses paupières lourdes.

Sur tes tempes goutte de la rosée noire,

 

Le dernier or d'étoiles déchues.

 

Georg Trakl, Sebastien en rêve

(Traduit par Marc Petit et Jean-Claude. Schneider, NRF, Poésie/Gallimard)

 

 

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                                           Egon Schiele, Herbstsonne, 1914

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12272817662?profile=originalIl s'agit d'un recueil de quatre dialogues «poetiques, fort antiques, joyeux et facetieux» de Bonaventure des Périers (1510-1543?), publié à Paris sans nom d'auteur chez Jehan Morin en 1537.

 

Sur intervention extraordinaire de François Ier, qui voyait dans l'ouvrage de «grands abus et hérésies», le Parlement de Paris saisit la Sorbonne: bien qu'en désaccord manifeste avec l'opinion du roi, la faculté recommanda la destruction du Cymbalum mundi. L'imprimeur fut emprisonné et Des Périers, identifié comme l'auteur du livre, n'échappa aux conséquences de l'affaire qu'avec l'appui de Marguerite de Navarre.

Comme d'autres textes provocateurs et paradoxaux de la Renaissance _ Pantagruel ou l'Éloge de la Folie _ le Cymbalum mundi puise largement dans les écrits de Lucien de Samosate: dieux et hommes y sont les protagonistes d'une comédie où l'influence rhétorique le dispute à la sotte crédulité; à l'instar de son modèle grec, Des Périers raille la quête d'un savoir manifestement inaccessible à l'homme, et réserve ses critiques les plus mordantes à l'irréductible antagonisme des doctrines et des écoles philosophiques: dénonciation de la vanité intellectuelle, le second dialogue du Cymbalum mundi emprunte plus d'un élément aux Sectes de Lucien.

 

Mercure descend à Athènes pour y faire relier, sur la demande de Jupiter, le Livre des destinées. Dans un cabaret, deux hommes qui feignent de ne pas le reconnaître se joignent à lui. Tandis que Mercure s'éloigne momentanément, ils lui volent le livre, qu'ils remplacent par un autre. Les deux hommes cherchent ensuite querelle au dieu, et Mercure quitte le cabaret (dialogue I). Averti par Trigabus de l'activité des philosophes, qui s'acharnent à chercher dans le sable des morceaux de la pierre philosophale, Mercure, déguisé en vieillard, se rend auprès d'eux: il raille leur «crédulité» et leur «égarement» (II). Mercure exige publiquement, à Athènes, la restitution du livre dérobé; il rencontre Cupidon qui lui révèle comment les deux hommes du cabaret, après s'être emparés du livre, s'en servent pour prédire l'avenir. En «manière de passe-temps», Mercure fait parler un cheval, au grand ébahissement de tous (III). Deux chiens, ayant jadis appartenu à Actéon, s'entretiennent de sujets divers, et notamment de «la sotte curiosité des hommes pour les choses nouvelles et extraordinaires» (IV).

 

L'imprécision embarrassée de l'arrêt du Parlement à l'encontre du Cymbalum mundi («Nous le supprimons bien qu'il ne contienne pas d'erreur en matière de foi, mais parce qu'il est pernicieux») illustre suffisamment la difficulté d'appréhender un tel ouvrage. Si la doctrine religieuse de l'auteur résiste à toute formulation positive, est-il possible au moins d'ouvrir quelques voies d'accès à ce texte insolite?

Moins énigmatique qu'on l'a dit, le titre du recueil dessine une perspective générale qui atténue le caractère disparate des quatre dialogues. Vraisemblablement emprunté à la première Épître aux Corinthiens, le «cymbalum mundi» désigne métaphoriquement un verbalisme bruyant, que ses excès ont coupé des sources vives du sentiment religieux: «Quand je parlerais, dit saint Paul, les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis [...] une cymbale qui retentit» (13,1). Le monde que découvre Mercure descendu sur terre est en effet celui du «grand babil et hault caquet» (II): les secrets du Livre des destinées sont divulgués par deux hommes avides de succès faciles, les philosophes persuadés de détenir une parcelle de vérité se transforment en «perroquets injurieux», et même l'un des chiens d'Actéon, doué de parole, est tenté d'éblouir les hommes par cette faculté extraordinaire. C'est indiscutablement le second dialogue qui donne à la satire de l'outrecuidance verbale sa dimension la plus brûlante: les «veaux de philosophes», Rhetulus et Cubercus, qui cherchent dans le sable des morceaux de la pierre philosophale, rappellent irrésistiblement les théologiens incapables de s'entendre sur le sens de l'Évangile; leurs noms mêmes, anagrammes latinisées de Luther et de Bucer, renvoient à l'éclatement de la Réforme en sectes concurrentes. Chargé de réminiscences érasmiennes, l'épisode peut être lu comme l'expression d'un évangélisme soucieux d'établir, par-delà les gloses, une relation d'humilité intellectuelle avec l'Écriture. Le dialogue final des deux chiens d'Actéon semble d'ailleurs confirmer cette interprétation: à son compagnon vaniteux, le second chien, qui «n'ayme point la gloire de causer», oppose un éloge du silence qui rejoint les vers de Marguerite de Navarre sur l'impuissance foncière du langage. Tous les théologiens enflés d'un verbe arrogant, catholiques et réformateurs, seraient ainsi voués à la même réprobation.

 

Il reste qu'une petite phrase du second dialogue mine la cohérence évangélique du recueil, et oriente l'interprétation en un sens nettement libertin: les philosophes, dit Mercure, ne font «aultre chose que chercher ce que à l'avanture il n'est pas possible de trouver, et qui (peut-estre) n'y est pas». Serait-ce que l'Évangile lui-même et les dogmes essentiels du christianisme n'échappent pas au soupçon d'invalidité? Il paraît vraisemblable, depuis les investigations de Lucien Febvre, que Bonaventure des Périers a puisé quelques-unes de ses idées les plus audacieuses chez Celse, polémiste antichrétien du IIe siècle, connu essentiellement par la réfutation qu'en fit Origène dans son Anticelsum. Aux yeux de Celse, l'absurdité de la naissance virginale, de l'Incarnation et de la Résurrection ne fait aucun doute: quelques tours de charlatan ont suffi à Jésus pour accréditer les fables les plus grossières. Des Périers a-t-il été sensible, comme d'autres libertins de la Renaissance, à ces idées radicales? Il n'est pas exclu en tout cas que le Mercure du Cymbalum mundi, faiseur de miracles et émissaire de son père parmi les hommes, soit une transposition dénigrante de la figure du Christ. L'ultime dialogue des chiens prendrait alors une autre dimension, l'apologie du silence impliquant la nécessité de voiler sous une facétie mythologique les provocations religieuses.

 

Condamné à la fois par la Sorbonne et par Calvin dans son Traité des scandales, le Cymbalum mundi résiste, en ces temps de déchirements confessionnels, à toute instrumentalisation doctrinale. Faut-il parler de déisme, d'évangé-lisme, de libertinage spirituel? La réponse importe moins au fond que la question ouverte par Des Périers: s'il est bien improbable que le langage s'articule sur l'être, l'exercice de la parole ne doit-il pas renoncer, enfin, à des présomptions métaphysiques destructrices de toute sociabilité et de tout bonheur de vivre?

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administrateur théâtres

Evénement musical majeur désormais incontournable en Hainaut, le domaine du Château de Seneffe a accueilli majestueusement  la 11e édition de la Nuit Musicale le 11 août dernier.

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Imaginez-vous... Un château prestigieux, une cour d'honneur accueillante, une orangerie, un magnifique petit théâtre, un jardin baroque, un jardin à la française, un autre à l'anglaise, des plans d'eau, des cascades, une volière... Et avec ça ? Près de 350 artistes qui parsèment un parcours artistique de premier choix.

Cette année, le parcours proposé conjuguait avec passion la musique classique et la littérature  dans un cadre de rêve avec des conditions estivales inattendues. On a vécu le bonheur complet à folâtrer de scène en scène, le pique-nique à la main et d’aller écouter poésie, musique, chants et vibrations du chant de la terre. Des voix, des souffles, des doigtés, des palpitations, des sonorités exquises, lointaines et proches se sont entremêlées pour fabriquer une émotion indélébile au gré de la flânerie. Emotion subtile, joyeuse, foisonnante de citations et de souvenirs musicaux.   Ajoutez à cela un accueil particulièrement chaleureux et une organisation méticuleuse qui fait que l’on glisse harmonieusement  entre les pages de partitions et de textes bien dits. L’impression féerique de flotter au cœur de l’esthétique, de parcourir les lieux au gré de sa fantaisie et chaque fois l’émerveillement attend le spectateur gourmand.

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  Le programme de papier glacé était accompagné d’un CD souvenir qui mêle Victor Hugo, Sir Walter Scott, Goethe, Schiller, Voltaire, Shakespeare et Charles Perrault. Mais dans la mémoire intime on se souvient avec émoi du duo BIz’Art, un quatre mains juvénile et souriant à la recherche du temps perdu, Bizet et Ravel enchanteurs. On retient  l’histoire du soldat de Stravinsky (Eliane Reyes, Jean-Luc Voltano , Elisabeth Deletaille) en duo avec Bruno Coppens, conteur. Le songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten est une vraie découverte pleine de malice et de fluidité musicale surprenante. D’aucuns se seront arrêtés aux chansons galantes du temps de François Premier. D’autres auront préféré s’attarder avec Frédéric Chopin et les textes choisis de George Sand dits par Jacques Mercier. Daniel Blumenthal faisant « l’ange déguisé en homme ». Passion littéraire et musicale avec le couple Franz Liszt et Marie d’Agoult mise en scène par Brigitte Fossey, la voix inoubliable d’Alain Carré et Yves Henry au piano.  Programme éclectique s’il en est, car on a pu écouter aussi Porgy & Bess sous les étoiles comme si on était en Louisiane et Casse-noisette comme si on était à Noël.

12272829680?profile=originalIl est doux aussi,  de regarder les autres spectateurs qui écoutent dans les  parterres ou assis,  façon déjeuner sur l'herbe, transfigurés par la musique et entourés d'enfants très sages. Clotûre lumineuse avec feu d’artifice gigantesque. Séduction totale.

http://www.ideefixe.be/lanuitmusicale/le-domaine/presentation/

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Je n'en aurai jamais fini avec Pierre Reverdy

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Pierre Reverdy (1889-1960)

 

"Je vis d'abord, j'écris parfois ensuite, mais il m'arrive de sentir davantage ce que veut dire vivre en écrivant."

 

"J'ai fait un pacte avec le silence." (pendant l'Occupation)

 

 

Pierre Reverdy venait d'une famille de sculpteurs, de tailleurs de pierre d'église. Toute sa vie en sera marquée par un sentiment de religiosité profonde. Il poursuivit ses études à Toulouse et à Narbonne.

 

Il arrive à Paris en octobre 1910. À Montmartre, au célèbre Bateau-Lavoir, il rencontre ses premiers amis : Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Louis Aragon, André Breton, Philippe Soupault et Tristan Tzara.

 

Pendant seize ans il vit pour créer des livres. Ses compagnons sont Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse. Toutes ces années sont liées de près ou de loin à l'essor du surréalisme, dont il est l'un des inspirateurs. Sa conception de l'image poétique a en particulier une grande influence sur le jeune Breton et sa théorisation du mouvement surréaliste.

 

Le 15 mars 1917 paraît le premier numéro de sa revue Nord-Sud à laquelle collaborent les poètes du dadaïsme puis du surréalisme. Le titre de la revue lui est venu de nom de la compagnie de métro qui avait ouvert en 1910 la ligne reliant Montmartre à Montparnasse. Il signifiait ainsi sa volonté de « réunir ces deux foyers de la création ». Joan Miró a représenté la revue dans un tableau qui porte son nom : Nord-Sud en hommage au poète et aux artistes qu'il admirait.

 

Au début des années 20, il fut l'amant de Coco Chanel à qui il dédicaça de nombreux poèmes. En 1926, à l'âge de 37 ans, annonçant que « libre penseur, [il] choisi[t] librement Dieu », il se retire dans une réclusion méditative près de l'abbaye bénédictine de Solesmes où il demeure - jusqu'à sa mort, à 71 ans en 1960. Là sont nés ses plus beaux recueils, tels Sources du vent, Ferraille, Le Chant des morts.

 

Dans la dernière année de sa vie, il écrit Sable mouvant, testament poétique dans lequel il dépouille ses vers et où la voix reste en suspens (son dernier vers ne comporte pas de point final). Il veut qu'il ne demeure de lui qu'un portrait symbolique, dépouillé des détails de l'existence, et ramené à l'essentiel.

 

René Char a dit de lui que c'était « un poète sans fouet ni miroir ».

 

 

 

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  "On ne peut plus

dormir tranquille

quand on a une fois

ouvert les yeux..."

 

Je n'en aurai jamais fini avec toi, Pierre Reverdy

Avec tes mots que je relis sans cesse

à mesure qu'ils s'effondrent

et qu'ils glissent hors du monde...

 

Ta vie à Solesme,

me rappelle l'enfance

quand les moines m'offrirent le pain et le cidre,

quand j'entendis dans la nef

résonner la louange 

puis rien

et que je compris ce qu'était le silence

 

Je n'en aurais jamais fini avec toi, Pierre Reverdy,

ni avec celui qui te faisait signe et

que je ne connais pas plus que je ne te connais

et que je ne me connais moi-même...

 

A cause de qui (mais était-ce à cause de lui ?)

tu es resté trente-quatre ans

dans ce petit village sans éclat et sans joie,

"Un trou noir ou le vent se rue..."

lové dans la solitude

avec pour seuls amis

tes humbles outils 

de poète

rescapés du silence,

 

Avec  des mots,

simples comme les cailloux de la Rougeanne,

la rivière de ton enfance,

en terre d'exil

dans la pauvreté essentielle

toi, l'enfant du soleil...

 

"Toutes les raisons de ne plus croire à rien

les mots se sont perdus tout le long du chemin

Il n'y a plus rien à dire

le vent est arrivé

Le monde se retire

L'autre côté...."

 

"Un homme, dès qu'il marche, est un passant.

Or il marche. Le vent le pousse.

Puis il meurt, lacéré."

 

R.G.

 

"Le caractère évident de la poésie est d'être toujours semblable et de ne se répéter jamais. La monotonie du chant exige des variations incessantes : la surprise jaillit d'un domaine connu comme une source au milieu du désert. Dans ce lieu de la voix, ce qui est nouveau ne rend pas périssable ni n'abolit ce qui est ancien.

 

Le poète est bien l'homme le plus englué de tous ceux qui peuvent être sur la terre, dans la pâte épaisse de la vie...  

 

... Vivre quand même, bien qu'on n'ait pu s'insérer dans la vie - que l'on sentait tellement plus merveilleuse que les autres, voilà la dureté de l'ouvrage, l'essentielle pauvreté qui fut dite, presque au seuil de l’œuvre, inoubliablement :

 

"En ce temps-là le char-

bon était devenu aussi

précieux et rare que des

pépites d'or et j'écrivais

dans un grenier où la neige, en tombant par

les fentes du toit, deve-

nait bleue."

 

Extrait de la préface à Plupart du Temps (1915-1922) d'Hubert Juin

 

 

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Toujours là

 

J'ai besoin de ne plus me voir et d'oublier

De parler à des gens que je ne connais pas

de crier pour être entendu

Pour rien tout seul

Je connais tout le monde et chacun de vos pas

Je voudrais raconter et personne n'écoute

Les têtes et les yeux se détournent de moi

Vers la nuit

Ma tête est une boule pleine et lourde

Qui roule sur la terre avec un peu de bruit

 

Loin

Rien derrière moi et rien devant

Dans le vide où je descends

Quelques vifs courants d'air

Vont autour de moi

Cruels et froids

Ce sont des portes mal fermées

Sur des souvenirs encore inoubliés

Le monde comme une pendule s'est arrêté

Les gens sont suspendus pour l'éternité

Un aviateur descend par un fil comme une araignée

Tout le monde danse allégé

Entre ciel et terre

Mais un rayon de lumière est venu

De la lampe que tu as oublié d'éteindre

Sur le palier

Ah ce n'est pas fini

L'oubli n'est pas complet

Et j'ai encore besoin d'apprendre à me connaître

 

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L'annonce faite par ACTU tv:

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Les trois premiers membres que j'ai désigné pour faire un reportage TV sont respectivement:

Liliane Magotte (septembre)

Dehashelle (octobre)

Jacqueline Gilbert (novembre).

Je questionne actuellement d'autres membres concernant ce projet.

Le logo ACTU tv figure maintenant sur toutes les pages du réseau (colonne de droite). Si vous cliquez sur le logo vous verrez le dernier podcast de cette télévision mensuelle sur internet.

Robert Paul

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