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Les flambeaux noirs

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Il s’agit d’un recueil poétique d'Émile Verhaeren (Belgique, 1855-1916), publié à Bruxelles chez Deman en 1890.

 

Dernier volet de ce qu'il est convenu d'appeler la "Trilogie noire", dont les deux premiers furent les Soirs (1887) et les Débâcles (1888), le recueil fut composé dans une période de désarroi, où le poète erre dans Londres ou dans Bruxelles, s'adonnant à la boisson, sous le poids de chagrins personnels et d'un conflit intérieur entre sa sensualité et le mysticisme hérité d'une enfance catholique.

 

Dans une sorte de "projection extérieure", le poète regarde sa raison se détacher de lui, comme le navire aux amarres rompues qui, dans un port soumis à la fureur des éléments, bondit vers la tempête ("Départ"). Il est comme les gueux et les déracinés qui "ne peuvent plus avoir / D'espoir que dans leur désespoir" ("la Révolte") et son coeur "de gangrène et de fiel" est un "astre cassé au fond du ciel" ("Un soir"). La ville qui déroule ses rues comme des serpents noirs, "où pourrissent les chairs mortes du vieux soleil", où règne la soif de lucre, incite à l'anéantissement, comme en un creuset "d'ombre et d'or" ("les Villes"). Incitation aussi à laisser son âme, "maison d'ébène" désertée par l'espoir, être la proie de la folie: "Croire en la démence ainsi qu'en une foi." Car elle abolit les "travaux forcés de la raison" et le triste cortège des idées désormais inutiles; avec une joie atroce, le poète s'identifie à une proie dont le cerveau est rongé "nerfs après nerfs" ("le Roc"). De même va-t-il devenir bientôt, dans une sorte de ballet qui n'aurait ni commencement ni fin, "l'halluciné de la forêt des Nombres", victime de leurs "barres de certitude" ("les Nombres"). Logiquement, le final intitulé "la Morte" annonce la mort de la raison pour son acharnement à "sculpter la cause".

 

On ne saurait réduire à des considérations personnelles l'inspiration qui a présidé aux Flambeaux noirs. Elle participe de la sensibilité d'une époque littérairement dominée par Baudelaire, dont Verhaeren affirmait lui-même "qu'était sortie toute la génération actuelle". On a en outre souvent souligné l'influence de Schopenhauer sur la "doctrine doloriste" qui sous-tend le recueil. Il ne s'agit nullement d'une douleur chrétienne, mais d'un principe actif, instrument de connaissance, d'une "introspection douloureuse aboutissant à la vision immédiate d'un vide sans fond". Cette sensibilité, bien au-delà du pessimisme banal, s'ouvre sur une fulgurance poétique de qualité exceptionnelle: "Les chats d'ébène et d'or ont traversé le soir / Avec des bruits de vrille, de vis et de fermoir / Les chats peignés d'un vent de flamme / Ont traversé, de part en part, mon âme" ("les Livres"). On a pu parler à ce propos d'une "vivisection lyrique" qui, suppliciant l'écriture, torturait les mots et brisait la syntaxe: "Et stride un tout à coup de cri, stride et s'éraille / Et trains voici les trains qui vont plaquant les ponts." Si les Flambeaux noirs participent d'un lyrisme personnel qui constitua une étape dans l'évolution de Verhaeren, on ne saurait pourtant l'opposer de façon radicale à l'oeuvre à venir. Le poème "les Villes", en particulier, contient l'essentiel des thèmes qui seront développés plus tard dans les Villes tentaculaires.

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Commentaires

  • Et voilà, nous y sommes : Baudelaire et Verhaeren parmi mes favoris.

    Je me délecte. Merci Rolande

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