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Chuchotement



Voici le soir qui tombe doucement,

Plus un souffle n’agite la vallée,
Les arbres se sont tus,
Le vent aussi va se coucher.
De gros nuages gris et de claires trouées
S’entremêlent au déclin du jour,
La lumière s’estompe et le vert noircit,
Les hirondelles fusent en chantant,
Rasent les cimes et les toits,
Habiles et heureuses du silence
Qui s’installe en la fin du jour ;
Au loin des voix venues d’ailleurs
Arrêtent l’été en parlant,
Brisent le silence qui vient de la nuit,
Puis rentrent chez elles allègres.
Un chien se tait enfin puis tout est plat ;
L’horizon rougi apaise les fleurs ;
La lumière fléchit maintenant,
Tout chuchote puis s’endort.

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« Le bonheur, il est où? »

Songerie et réminiscence.

Inévitablement, je demeure passive.
Je cède à mon plaisir de savourer l'instant.
Le zéphyr a soudain cessé d'être insolent.
Ma rue reste figée dans la lumière vive.

Me revient à l'esprit la question répétée
Que posait à Toulouse, hier à une fête,
Un chanteur enjoué qui clamait à tue-tête:
« Le bonheur il est où? » Il rêvait d'y goûter.

Que savoir du bonheur qui jamais ne perdure?
Il dépend du pouvoir de doser ses envies,
De l'énergie qu'il faut face aux pires défis,
Du plaisir des galas offerts par la nature.

Réciproque, un amour est une grâce immense.
Il faut lui prodiguer des soins très exigeants.
Or il est vulnérable et reste tout le temps
Un bonheur que protège ou non la providence.

Le bonheur est dans le pré,
Le soleil nous y invite.
« - Cours-y vite, cours-y vite!
Cours-y vite, il va filer! »

26 juin 2016

 

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Un instant

12273179265?profile=originalUn instant, seule avec toi.

Sans mot, sans musique.

Juste le chant des oiseaux.

Le murmure du vent dans les arbres.

Un instant, seule avec toi.

Plonger mon regard dans le tien.

Y voir une lueur s'allumer.

Frôlement de ma main sur ton épaule.

Un instant, seule avec toi.

Respirer ton souffle sur ma joue.

Te sentir si proche.

Me sentir si vivante.

Douceur et bonheur.

Un instant, seule avec toi.

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DETACHEMENT…

 

             DETACHEMENT…

…De la confusion naît le vacarme
Et la rumeur s’emballe
Dans le petit matin…
Prend l’air du son
Et tout parvient dans l’indifférence
Dans d’indéchiffrables envois


Je m’adonne à la paresse coutumière
Les yeux mi-clos
Distillent les premiers rayons
Tout est clarté émergeante
Pour mes membres engourdis
La puissance du vol de la lumière
Pénètre tous les recoins de la demeure


Je m’étire d’un lit outragé
Un lit ravagé par les mites du silence
Et qui garde encore
L’empreinte d’un corps envolé
Un corps mutilé d’avoir vécu
Dans la nudité des saisons…


Je rejoins l’origine du jour
Ce reflet qui danse sur les murs
Et le bruit lointain
Colporté par un vent frivole
Donne le sentiment de l’autre absence
L’écho met fin à tous les échos


Je retire les stores du cloisonnement
Celle qui visitait mes rêves
Partageait les crues de mes délires
N’est plus là… !
Elle s’est envolée
Avec les premiers signes du jour


La visiteuse de mes nombreuses nuits
La nocturne délivrance
Qui s’est faufilée sous les draps
Dans la froideur des couleurs
Avec ses longues frénésies
Et ses indescriptibles caresses
Ses étranges transes de mots
Vit comme moi de castrations…

 

Je hume avec délice
De mes lèvres fanées
Les dernières saveurs déversées
L’alchimie d’un musc innommé
Et un parfum qui reste suspendu
Et dont elle seule connaît le secret…


Les mille feuillets griffonnés
Les mille pages sectionnées
Jonchent une table esseulée
La croisée ouverte
Sur les allées oubliées
Où un platane ne cesse de me regarder
De veiller mes fréquents ébats
Dit en soupirant :
Je vieillis mon ami… !
Tu as beau m’arroser
De toutes les espèces de rosée
De l’unique source de vie
De la profondeur des larmes du cœur
De tes mains saccagées par le temps
Mes racines ne me portent plus
Tout me semble se rétrécir
Mes feuilles me quittent sans douleur
Elles finissent par inonder mes pieds… !


J’ai peur de mourir avant terme
Déjà je vois les autres disparaître
Rasés par la main de l’homme…
Je suis l’unique témoin
De ton émouvant parcours
J’ai le gosier sec
J’essuie d’une main gauche une larme
Qui ruisselle sur un visage tuméfié
Un oiseau qui niche quelque part
Qui nourrit parfois ma solitude
Et qui me remplit du même refrain
Dis, et toi là-bas ... !
Nous sommes liés par la même destinée
Par la conjoncture astrale
Par la différence de nos natures
Moi je vole et reviens
Toi tu me survoles par tes pensées
Je capte partout tes messages
Et je les confie à ta bien aimée

 
Hélas, mon unique ami… !
Le poison qui coule dans mes veines
Dépose depuis longtemps de petites doses
Et finit par me faire perdre toute énergie
Je vois surgir le crépuscule
L’incorruptible convoi de la nuit
Ta bien aimée est enterrée
Elle n’est que poussière
Qui vit encore
Dans la mémoire de tes… écrits
Fais-en une statue
Sur un socle sur ton bureau… !
Je refoule de nouveau cet ultime blasphème
En déposant une simple fleur
Au chevet d’un lit… orphelin 
              

© Kacem loubay
Jeudi 14 Août 2003

Khénifra / Maroc

Loubay_k@yahoo.fr

Le poète de l’autre rive

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administrateur littératures

Vivons, mon amour...

Viens, mon amour,

C'est ici que tout commence!

Viens sans détour,

Car c'est ici notre chance!

L'espoir toujours,

Nous guide aux pas de danse,

Trois petits tours,

La mélodie nous lance!

Aimons le jour,

L'univers et le silence,

Vivons tout court,

Sans règles, sans insistance,

Et surtout pour

Nos coeurs en état d'urgence;

Viens, mon amour,

C'est d'ici que l'on s'élance!

Vivons!

(Poème librement inspiré d'une chanson de Jacques Brel)

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LOIN DES SOUPIRS INUTILES...

Marc se frotte les yeux, étire ses longs bras et ses interminables jambes. Son regard s'attarde un moment sur les baskets de cuir si confortables qui l'ont mené presque sans qu'il s'en rende compte dans ce lieu hors du temps, une clairière bleue à l'orée d'un petit bois, au bout d'une route de campagne.

Son sac renversé à ses côtés, il se sert d'un biscuit. Lui, l'éternel affamé, a tout simplement oublié de dîner la veille, tant étant pressant ce besoin de marcher! Marcher pour s'éclaircir les idées, pour que la vis s'ouvre, enfin...

Sa grand-mère, qui a encore coutume de l'appeler "son prince gris", n'y comprendrait plus rien aujourd'hui. Oublié le gris, il se sent revêtu de la couleur fraîche et lumineuse de l'espérance.

Il prend la lettre qui dépasse du polar renversé lui aussi à côté de son sac, et un sourire irrépressible s'ébauche sur ses lèvres, c'est que déjà, il pense à son retour. Il ne se voit plus désormais dans une chambre banale où l'ampoule du plafond a perdu l'espoir d'un abat-jour depuis des lustres! Il se projette dans une vie où, comme Julia le dit dans sa lettre si brève mais si essentielle, le bonheur ne demande qu'à caracoler!

Marc a repris confiance en lui, il sait que désormais plus rien n'y pourra faire obstacle.

Une fin d'été très douce et ensoleillée, c'est tout ce qu'il aime! Sa nuit fut certes brève, mais reposante et le petit matin l'enchante. Il sent pourtant monter en lui, une réelle impatience...

Rentrer au plus vite!

Passer chez sa grand-mère pour lui raconter. Elle adore quand il s'épanche et pourtant les confidences qu'il lui fait sont rares quoique jamais anodines! Marc apprécie son écoute toujours gratifiante. Cette fois, il projette de lui demander son aide financière. C'est une première, il ne se l'est jamais permis jusqu'ici, mais là, vu ses projets, il doit au plus vite se chercher un nouveau logement. Il le désire petit, certes vu la hauteur de ses moyens, mais avec un réel potentiel, vu la hauteur qu'il désire donner à son futur!

Ses affaires assemblées tout en réfléchissant, Marc se dirige vers la petite route asphaltée dans le but de croiser une voiture qui veuille bien accepter un autostoppeur.

Quelques minutes plus tard la chance lui sourit, une vieille Golf s'arrête à sa hauteur, Marc se renseigne :

-Je rentre vers Waterloo, Est-ce votre direction?

-Montez, nous y serons dans un quart d'heure, répond l'homme derrière le volant qui arbore une barbe de trois jours et dont le jeans délavé contraste avec un polo Ralph Loren et le cashmere noué sur sa poitrine.

Marc monte à ses côtés et pose son sac entre ses jambes.

-Enfin quelqu'un avec d'aussi longues guiboles que moi! Vous n'êtes pas trop inconfortable? S'inquiète le conducteur.

-J'ai l'habitude de la caser, merci, répond Marc souriant.

-Vous semblez bien pressé, enchaine l'inconnu

-ça ce voit tant que cela?

-Non, cela se devine...

-Vous êtes psy?

-Seulement journaliste!

Marc acquiesce et replonge dans ses pensées...il connait par cœur la lettre de Julia et se la remémore en boucle :

" Cher Marc,

Je dirais que grâce à notre pourtant si brève rencontre, ma vie peut enfin reprendre son cours et ceci est tout sauf banal, comme une époque, où je me suis sentie jetée...

J'ai ressenti que pour toi, il n'est pas nécessaire d'expliquer une vie où tout fut un peu fou. Aujourd'hui, je reprends mes esprits, alors merci à toi. Je sens l'impatience d'un bonheur qui veut caracoler pour de nombreuses années...qui sait? Peut-être pourrons-nous le partager?

A bientôt?

Julia "

Perdu dans son rêve, Marc n'a pas vu le temps passer, la Golf s'est arrêtée.

-Nous y sommes, jeune homme, belle journée à vous, courrez donc là où vous portent vos pensées, sourit l'inconnu qui, ouvrant la portière à son passager poursuit : Au fait, vous aviez raison, dans une autre vie j'ai été psy!

Alors Marc, instinctivement suit le conseil et il se met à courir...

                                                                         -----------------------

On ne sait jamais comment se termine l'histoire tant qu'on est en vie, c'est ce qui lui donne son piment.

Marc sait maintenant qu'il veut en écrire une où ses lèvres trouveront au bord de celles de Julia la faculté d'effacer leurs blessures et d'écrire des pages enchantées où passion et confiance triompheront des soupirs inutiles...

J.G.

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Mes tendres voeux aux Québécois

Je suis pleinement satisfaite
Restant passive en ma maison.
Or partout les Québécois fêtent.
De célébrer, ils ont raison.

Je me souviens sans nostalgie
Des années où avec ferveur
Je me joignais à certains choeurs
Qui offraient de la poésie.

Ont passé cinquante-huit ans
Depuis cette fois, la première,
Où dans l'éclatante lumière
Je fus présente à la Saint-Jean.

Le Québec, plus que tout pays,
Transforme ses façons de faire
Qui jamais ne sont arbitraires.
Il évalue et réagit.

Ses citoyens très accueillants,
Ont rendu leur fête laïque.
Qu'elle demeure poétique,
Révélant leurs nombreux talents!

24 juin 2016

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Songerie

Manque d'intérêt, pas d'action.
Il est des choix qui indiffèrent,
D'autres s'imposent nécessaires,
Engendrant de l'agitation.

En ce jour des Anglais heureux
Applaudissent et crient victoire.
Ils se félicitent de croire
Qu'ils ont raison d'être orgueilleux.

Ils revendiquaient d'être libres,
Non soumis à certaines lois
Qui les irritèrent parfois,
Affectant leur façon de vivre.

Les humains d'un endroit miné
S'exilant, crurent à la chance
Que peut offrir la providence
À ceux qu'elle a déracinés.

Ils occultèrent leur savoir
Et de leur langue les images.
Adoptèrent sans le vouloir
D'autres envies, moeurs et usages.

Chacun est l'enfant d'un pays.
Coin spécifique de la terre,
Qui fut celui de ses ancêtres.
Leur héritage l'attendrit.

24 juin 2016

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12273171855?profile=originalBouddha… Bouddha… Bouddha


Le Sri Lanka est profondément marqué par le bouddhisme originel. Il en conserve la forme la plus pure et son art en est le meilleur vecteur.
      Si le Bouddha a interdit aux moines l’exercice de certains arts libéraux, la médecine comme le commerce, le tabou ne touchait pas la production et la diffusion d’images décoratives comme figuratives. Mais elles sont toujours symbolistes, idéalisées. D’où notre impression d’uniformité, de répétition, liée aux archétypes ainsi créés.
Au contraire la peinture devait être le propagateur de la foi le plus efficace. Le sittara (peintre) le véhicule le plus sûr. Peintre porte-parole, traçant la voie d’une vie meilleure pour le pécheur. Couleurs et formes menant à la connaissance, à la réflexion, à la sagesse et à l’éveil. Comme dans notre imagerie médiévale ma foi.

12273172069?profile=originalPeinture à la détrempe, Dambulla, XVIIIe siècle


« Lorsque le sittara peignait un arbre sur un mur, il ne cherchait pas à représenter un arbre particulier, mais il voulait évoquer un symbole et un type idéal. Cette image était en un sens l’âme ou l’esprit fondamental de tous les arbres de l’espèce choisie par l’artiste. »,
                                                         Diyogu Badathuruge Dhanapala (1905-1971)

     Ici la peinture se déploie non pas sur la toile (bien qu’aujourd’hui elle se retrouve sur internet), mais sur la paroi rocheuse ou le mur des temples. Ce qui revient à employer deux techniques souvent confondues. La fresque proprement dite, et la peinture à la détrempe.
Dans la première les couleurs s’imprègnent dans le plâtre et s’intègrent à la surface.
Dans la détrempe, les couleurs sont peintes par couches sur la surface du plâtre.

12273172872?profile=originalScènes de la vie du prince Siddharta

- le futur Bouddha -
parti en quête de la vérité.
Peinture à la détrempe, Dambulla, XVIIIe siècle

     La fresque vraie se révèlera au final plus pérenne, avec des couleurs naturelles, douces et fondues. Certes le choix des couleurs, appliquées sur l’enduit encore humide, est limité. L’ocre, le jaune, le rouge dominent, soulignés de noir. Puis le vert tendre, malachite, le bleu, parcimonieux, rehaussent les tons sourds de l’ensemble.
     Avec la détrempe, les couleurs sont plus vives, plus variées peut-être, le trait plus net. Mais ces peintures tendent, à la longue, à s’écailler. D’où les nombreux repeints ultérieurs, les couches successives qui altèrent le dessin. Et le style se perd.
     Un style primitif, sensuel et libre, tout en restant dans les canons de la foi, pour les premières.
     Un style plus tardif, naïf souvent, plus emprunté, pour la peinture à la détrempe. Ce qui trahit un certain déclin, qui correspond aussi, soutenons l’hypothèse, à l’occupation de l’île par, tout à tour, les Portugais, les Hollandais, les Anglais.

12273173458?profile=originalScènes de la vie du prince Siddharta.
Peinture à la détrempe, Dambulla, XVIIIe siècle

     Arrivé à ce moment de ma présentation, je dois vous avertir que vous ne verrez pas d’images du premier style. La raison en est simple, quoique pas toujours compréhensible !

12273173856?profile=originalPeinture à la détrempe, Dambulla


" Ceux qu’aveuglent attraction et répulsion ]…[ ne peuvent comprendre une telle Doctrine qui s’annonce à contre-courant, subtile, profonde,
difficile à saisir. "

 Sûtra bouddhique

     A Sigiraya, le Sihagiri, « Rocher du Lion », abrite dans une saillie rocheuse, à franc de falaise, d’admirables fresques, datées du Ve siècle. Les plus belles et originales qui soient, les plus connues aussi. Les photos, encore récemment, étaient autorisées. L’endroit est bien gardé, les visiteurs pas si nombreux (un escalier à la verticale y mène, par une chaleur éprouvante), la lumière naturelle suffisante. Mais j’imagine que les obsédés du flash (ici parfaitement inutile, pire néfaste) ont sévi. L’interdit s’est imposé.
      A Dambulla, le Rangiri, « Rocher doré », couvre une série de cinq grottes protège 150 Bouddhas et de nombreuses peintures à la détrempe. La pénombre règne, les peintures, pour les raisons ci-dessus expliquées, fragiles. Le flash est donc nécessaire. Là, la photographie, naguère interdite, est maintenant autorisée. Si j’ajoute que les deux sites sont protégés et inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, je ne m’explique pas la logique de ces décisions (d’autant qu’au musée archéologique de Polonnaruwa, où les œuvres relèvent de la statuaire et de l’art décoratif, donc en pierre ou en bronze… les photos sont aussi prohibées) !
     Cette longue digression pour vous dire que nous ne verrons que des illustrations du second style. Je me limiterai, pour l’essentiel à Dambulla, le plus caractéristique de ce dernier, où j’ai donc pu saisir les scènes les plus explicites.
Pourtant les « Demoiselles du Ciel » de Sigiraya, princesses, servantes ou apsaras (nymphes célestes) sont si graciles, élégantes et sensuelles « La poitrine nubile et pleine, la taille mince à peine plus forte que le cou, les bras fuselés et les mains exquises comme de longues fleurs » qu’on les regarde, lascives, sans se lasser. Tout n’est vraiment ici qu’harmonie, luxe, calme et volupté, pour le poète inventé.
Regrets.

12273174067?profile=originalJeune femme en costume traditionnel cinghalais

     Arrachons-nous, je sais, c’est dur, à ces Demoiselles des nuages pour nous intéresser enfin à Dambulla, plus précisément au vihâra (monastère) de Rajamaha. Cette fois vous ne le regretterez pas.

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Peinture à la détrempe, Dambulla

« Allez, ô moines ! et voyagez pour le bien et le bonheur d’autrui, par compassion pour le monde, pour le bien-être des dieux et des hommes. »

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A suivre...

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Michel Lansardière (texte et photos)

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ECRIRE

L'artiste est cet oiseau perdu,
créateur d'un monde,
pour qu'il puisse s'élancer tout seul,
s'envoler au dessus de l'imaginable ;
cet entre-deux d'où il nous fait don ...
de son ensoleillement, de ses ondées
chantantes et chaudes ;
de lui tout entier.

Ma première ligne d'écriture,
ne fut rien de moins essentiel
que l'enfantement de mon soleil secret ;
de là, j'ai commencé à savourer l'instant,
à devenir vivante.

Vivante pour moi, puis pour l'autre ; écrire.

Grandir.

Le soir, Lorsque se déploie sous mes yeux,
à peine sonore et par endroits nacré,
l'Océan Atlantique,
je prend mon pull over bleu,
un livre de Modiano,
ma réserve de mots dans ma tête printanière,
un cahier et j'écoute les flots, la mer ;
j'écris ses clairs murmures destinés à la nuit ;
la langue maritime.

NINA

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Le bien-être tenant en éveil


Il pleuvote sur mon jardin
Qui m'offre ses fleurs saisonnières.
La fraîcheur reste printanière
Et ma rue un décor serein.

Or le ciel m'emplit de tendresse,
Superbe en son immensité.
Douce est sa luminosité,
Elle a l'effet d'une caresse.

Je me sens heureuse en éveil,
Face aux continents en errance,
Qui se déplacent en silence,
Parfois ciblés par le soleil.

Je n'ai aucun souci de l'heure.
Se modifient les apparences,
Me surprennent les différences,
Qui très certainement me leurrent.

Le bien-être est don de la chance,
Bien agréable à accueillir.
J'ai appris à l'entretenir,
Remerciant la providence.

22 juin 2016

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Déclaration d'intention

De très nombreux artistes ont pu bénéficier - à mon initiative exclusive - de précieux billets d'art relatant leurs expositions en l'Espace Art Gallery.

Tous les titres de ces articles rédigés par François Speranza -attaché critique d'art du réseau- sont repris dans la colonne de droite du site. Cette colonne a comme particularité d'apparaître lors de chaque page consultée, ce qui constitue une mise en valeur efficace et avantageuse, du fait que près de huit millions de pages ont été compulsées.

 

Veuillez noter que je maintiens très intentionnellement dans le fil d'actualité les articles qui concernent les artistes qui nous tiennent régulièrement au courant de leurs travaux.

Il y a peu de chance que j'agisse de la même manière vis-à-vis de ceux qui, après avoir bénéficié d'un focus de valeur brillent par leur inactivité et ne constitue, certes pas, à mon gré, une attitude élégante de leur part au regard de l'exercice constant mis ici en oeuvre pour commenter leurs travaux. 

Je serais particulièrement heureux de recevoir de petits signes de vie de ces oublieux. 

Cela me ferait un plaisir immense.

Robert Paul

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La nouvelle JGobert

A l’instant même de la nouvelle, elle reste immobile, comme pétrifiée, les yeux grands ouverts sur ce monde qu’elle connait trop bien, incapable subitement de se projeter dans le futur, dans les mois, les années à venir. Comme un coup de tonnerre venu figer une vie facile, elle reste déconcertée par ce qu’elle vient d’apprendre. Incapable de réagir pour le moment et afin de ne rien laisser paraitre, elle remplit son esprit de petits projets à court terme pour en montrer sa lucidité.

Une bonne humeur affichée, des petits instants déterminés, des sorties souvent lassantes, des restaurants joyeux la tiennent debout. Garder cette nouvelle secrète, ne pas la répandre, ne pas avoir à répondre aux mille questions, laisser cette chose disparaitre, mourir, repartir d’où elle vient.

Les journées qui suivent sont pondérées comme pour mieux comprendre ce qui arrive. Les paroles sont revenues, les mots ont enfin jailli. Le temps de l’expression est arrivé. Les proches ont été prévenus. Un coup de téléphone comme à Noël, à Nouvel an. Ca ne fait rire personne mais il faut y mettre un peu d’humour, le monde continue de tourner.

Les jours passent et se remplissent de manque. Apparait tout ce que l’on n’a pas fait, pas dit, pas vécu, pas aimé. Toutes les aspirations subitement importantes que l’on a laissées derrière soi. Et le temps se remplit d’échéances, de dates, de rendez-vous comme pour justifier la situation. La vie est comptée. L’éternité en a pris un coup. Une nouvelle réalité s’installe et étrangement, cette réalité la rend plus forte.

Plus forte parce que la bataille ne fait que commencer, que le combat n’est pas gagné mais loin d’être perdu. Que le temps facile d’hier donne la volonté de le garder toujours intact et longtemps encore. Que les petits bonheurs de la vie sont très importants.

L’existence va changer mais pas sa saveur, ni son goût. Elle aura un autre sens, plus précieuse, plus sereine, plus fragile. Elle effacera un nombre incalculable de petits soucis, d’ennuis ridicules qui encombrent l’esprit et le cœur. Elle sera plus libre d’aimer.

Cette angoisse nouvelle et permanente, cette boule au ventre douloureuse, à tenir à distance, à maitriser jusqu’à ce qu’elle devienne une amie cruelle mais vivante qui l’emmènera vers un autre horizon.  

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administrateur théâtres

12273175879?profile=originalLe Lille piano(s) festival 2016 a fêté  les Boris cette année,  et un troisième homme, Lukáš Vondráček, notre lauréat du Concours Reine Elisabeth 2016…. ! Un festival sur le mode majeur, qui s’enracine sur Bach et Mozart ! 

 

         Commençons par le flamboyant Boris Berezovsky, médaille d’or du Concours International Tchaïkovski 1990 à Moscou et maintenant membre de ce Jury prestigieux. C’est lui qui débutait le concert de clôture du festival avec le Concerto pour piano n° 2 en fa mineur, Op.21 de CHOPIN sous la direction de Jean-Claude Casadesus, chef-fondateur du festival et son complice de longue date.  Le pianiste russe  y a déployé  une musicalité et un flegme fascinants qui ont captivé une salle de près de 2000 spectateurs émus et bouleversés par ce sommet de l’ivresse romantique et ce talent pianistique hors pair. Les majestueux élans passionnés ont alterné avec la poésie profonde, intime et raffinée. Boris Berezovsky, en interaction presque viscérale avec l’orchestre,  joue mais écoute les moindres frissons des violons, délicatement  inspirés par le maestro Jean-Claude Casadesus. Monstre sacré, le pianiste produit tour à tour des tornades de notes et des ruissellements emplis de grâce… on en oublie presque l’orchestre dont le déploiement de timbres a pourtant de quoi séduire. On est cloué sous le charme de l’âme slave qui exalte ou fait pleurer. Les parachèvements de  chaque veine musicale sont grandioses  dès le premier mouvement.  Dans le deuxième mouvement, après les  exquises volutes de la cadence, on croirait entendre  naître des voix de chœur d’hommes, tant les vibrations sont belles pour encadrer la souplesse et l’expressivité intense du soliste. Jean-Claude Casadesus conduit la dernière phrase de ce mouvement comme une traînée de poussière d’étoiles.  Au troisième mouvement, les archets rebondissent joyeusement comme  une volée de  chaussons de danse, le soliste taquine le clavier, les jeux de bilboquets s’amoncellent, l’orchestre est rutilant et célèbre la joie de vivre.  Cuivres et piano complices concluent cette fête dans la fête, devant un public subjugué par les  humeurs de l’âme slave et la transparence française. Et le soliste, meilleur instrumentiste de l’année 2006, livre un bis  plein de panache : la première étude de CHOPIN.


12273177267?profile=original  
          Mais la soirée n’est pas finie, elle se terminera de façon insolite sur une double exécution du Boléro de RAVEL. D’abord un quatre mains au piano, interprété par Wilhem Latchoumia et Marie Vermeulin au piano.  L’exécution est spectaculaire, parodique, portrait d’un monde malade,  image  d’une humanité  au bord du gouffre ? L’orchestre est figé dans le noir. Sous les lumières,  les deux pianistes semblent fabriquer  la sinistre performance d’un destin qui s’anéantit, jusqu’à utiliser des changements d’harmonie qui produisent d’étranges sons surgelés – le rire des autres planètes? Cela semble convenir parfaitement à l’expression  de leur vision  narquoise, lugubre et pessimiste.  Impassible, Wilhem Latchoumia moque sans la moindre faille l’implacable métronome du temps, tandis que Marie Vermeulin,  pourtant vêtue d’une sage tunique de dentelle et d’un pantalon noir, ne cesse de séduire par sa gestuelle gracieuse de danseuse orientale.  Puis, au cœur de la dérision,  la gestuelle se disloque comme dans un massacre surréaliste.  Et malgré le dynamisme effarant des pianistes ying et yang, l’issue  du monde semble fatale,  laissant un terrifiant goût de  crépuscule.

12273176863?profile=original

          Rassurez-vous, le deuxième Boléro est  totalement solaire et inspiré,  tout autant que  l’Orchestre National de Lille sous la baguette de Jean-Claude Casadesus. La danse obsédante et aérée naît pas à pas, pupitre après pupitre, avec une divine souplesse!  Malgré l’absence de mélodie, les plans orchestraux réduits au rythme seul,  se superposent dans de  superbes sonorités, comme dans un vertigineux  château de cartes,  laissant  le tissu orchestral se déployer majestueusement dans un  long crescendo harmonieux et spectaculaire! Le public est  envoûté et heureux. Mais, Jean-Claude Casadesus, épuisé, indique par d’aimables mimes qu’il est l’heure de se restaurer et d’aller dormir…  Après  une si belle exécution, on est tous d’accord.     

          Et le deuxième Boris?  C’est Boris Giltburg et on l’a écouté au Conservatoire, la veille. Le très talentueux pianiste israélien  est né à Moscou en 1984 et a reçu le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2013.  Au programme il a inscrit son arrangement du Quatuor à cordes n°8 de CHOSTAKOVITCH, suivi des Etudes-Tableaux op.33 de RACHMANINOV pour terminer avec la Sonate n°8 de PROKOFIEV.

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          Le pianiste fait une entrée discrète et secrète avec délices pour l’assistance, son élixir musical savant et précieux. Le corps plié sur le clavier, ses notes deviennent de purs parfums évanescents, le buste ondoie comme dans une nage sous-marine quand retentit la richesse des premiers accords. Il crée des explosions, des pluies d’acier, les poignets en lévitation constante, il danse des bondissements de pluie tropicale. Sa frappe est prodigieuse, les doigts sont possédés par des roucoulements ou des frissons de harpe accélérés… Visuellement, et auditivement, on est vite envoûté. Il produit des rugissements paléolithiques absolus pour passer à des flots de larmes séchées aussitôt ! La compassion est intense et les baumes, salvateurs : c’est un art de guérisseur ! Et on n’est qu’au premier mouvement  du quatuor de Chostakovitch ! Le deuxième, plonge dans une galaxie de couleurs aux lointains brumeux, ensuite dans des gouffres noirs. Les accords majestueux célèbrent le feu créateur. La puissance phénoménale de ce travail de Prométhée et la virtuosité de l’allegretto coupent le souffle.

12273177867?profile=original La sonate  n°8 de PROKOFIEV démontre la délicatesse d’alchimiste du musicien. Le corps tendu à l’extrême, il est à peine assis sur son tabouret et marche en dansant sur le bord d’un cratère. Prokofiev, c’est lui, il a rejoint l’âme du compositeur, torturée, terrifiée  et créatrice, et bientôt il valse dans l’extase ! Il semble que les archanges eux-mêmes sont au garde-à-vous de cet archi-musicien dont le piano est le véhicule, comme certains dieux indiens sauvages et rédempteurs assis sur leurs fabuleuses montures. Se gaussant du monde entier, il célèbre une beauté terrassante. Deux bis : Liebesleid de Kreisler/Rachmaninov et une Polka de Rachmaninov.   Les sonorités en cascades du génie généreux font s’effondrer des mondes de dominos, en un souffle.  Acclamé, Boris Giltburg quitte ce festival de sensibilité  mêlée d’humour sous les ovations du public.

           Et le troisième homme? Encore un phénomène musical : le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2016 : Lukáš Vondráček. Son récital  nous offre les Memories opus 6 de NOVÁK suivi de la sonate en fa mineur opus 5 de BRAHMS.

12273178054?profile=originalDans la première œuvre, il travaille à l’extrême la douceur des sonorités: nous donne-t-il à entendre des infra-sons ? Volutes liquides, ralentis subits, le combat fébrile et démesuré  de titan s’oppose à la patience de chercheur d’or. Sur un fond d’inquiétude dévorante.  Dans le Brahms, il nous livre des détonations délirantes, des électrochocs, sublimes dans l’infiniment petit. Il travaille la matière musicale au ras des notes, comme de l’horlogerie fine,  ou l’entomologie du microcosmos ! L’expressivité est intense, démultipliée. Roulé sur lui-même, il livre goutte à goutte  la sève de son intériorisation. Les contrastes sont aigus, les pianissimi et les salves sonores, surhumaines. Des demi-applaudissements discrets indiquent l’enthousiasme du public après le premier mouvement. L’Andante espressivo rappelle la Bohême natale de l’artiste, pays du cristal. Le toucher fait ressortir des mosaïques de lumière. Maître des scintillements, il plonge dans l’infini de trilles fabuleuses.

12273178261?profile=originalRepos et recherche  intense de concentration dans le silence avant un Scherzo défiant l’Eternel. L’intermezzo est combatif pour se retrouver dans un bain de lumière dans le Finale. Il expose un lieu surnaturel où la douceur et la puissance se réconcilient dans un vaste bouquet de notes éblouissantes. Le son rond et puissant fait penser à l’illustre Richter qui disait de l’interprète qu’ « il ne doit pas dominer la musique, mais devrait se dissoudre en elle. » Le bis?  Une danse tchèque de Smetana.  On pouvait s'en douter!

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 A paraître,  un nouvel article : L’égérie du festival…

 

   

 

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Premier amour

Il l’attendait chaque jour à la sortie de son lycée. Il l’observait de loin, sans rien dire et surtout sans oser l’approcher. Lui, il était d’une autre école, de l’enseignement laïque et son père était socialiste.  Elle, cela se voyait, était d’un autre monde, plus beau, plus aisé, et chaque dimanche elle accompagnait ses parents à la grand-messe, cela il le savait. Deux mondes différents et entre eux un abîme qui interdisait toute tentative. Comment aurait-il seulement osé l’aborder ? Au fond de lui-même, pourtant, il savait que tout cela n’était que des prétextes qui lui permettaient de se complaire dans sa timidité. Eût-elle été du même niveau social que lui qu’il n’aurait pas fait un pas de plus. Mais comment aborder une jeune fille quand on a seize ans et qu’elle est belle comme l’amour ?

Alors il l’observait de loin. Une fois les cours terminés il plantait là tous ses copains et se ruait à travers les rues de la ville pour être là quand elle sortirait. Heureusement, dans ce lycée chic, on sortait dix minutes plus tard que dans les autres écoles, histoire sans doute de montrer une différence de classe. Le fait d’être élève dans cette institution prouvait qu’on n’était pas comme les autres. Elle, en tout cas, n’était pas comme les autres, ça c’était certain ! Fine, élancée, elle resplendissait dans son petit uniforme. Une jupe bleue avec de beaux plis et un chemisier blanc impeccable sur lequel on devinait de loin une chaîne en or avec un crucifix. Qu’est-ce qu’il aurait donné, lui le mécréant, pour être à la place de ce crucifix, bien positionné sur la poitrine de cette jeune fille. Parfois, chez lui, il imaginait non seulement qu’il lui parlait mais qu’il prenait dans sa main ce crucifix, pour lui prouver que tout agnostique qu'il fût, il n'en était pas moins disposé à faire un pas en direction des mystères qu’elle vénérait. Mais en fait de mystère, il songeait surtout à la chair blanche et tendre qui se trouvait sous le chemisier et qui s’élevait et s’abaissait à chaque respiration. A propos de respiration, quand de telles idées lui venaient en tête, il se retrouvait sans souffle, affolé et désemparé, ne sachant comment mettre un terme à ce trouble qui s’emparait de lui.

Il l’observait donc de loin, qui papotait avec ses copines, puis qui se dirigeait seule vers l’arrêt de l’autobus. Alors il se mettait à la suivre à une distance respectable, en ayant bien soin de  ne pas attirer son attention. De toute façon, même si elle s’était retournée (ce qu’elle n’avait jamais fait) elle n’aurait pas été étonnée de sa présence à lui (pour autant qu’elle le remarquât) puisqu’il prenait le même bus qu’elle. Elle le connaissait donc de vue et n’avait jamais manifesté la moindre inquiétude quand il passait devant elle, l’air indifférent,  pour aller s’appuyer au mur qui prolongeait l’abri de verre où elle se réfugiait, protégée du soleil comme de la pluie. C’était alors dix minutes de bonheur, dix minutes qui devenaient parfois quinze ou même vingt, quand la circulation du centre-ville retardait les transports en commun. Une nouvelle fois il l’observait à la dérobée. Assise sur un banc et plongée  dans un livre, elle ne remarquait pas à quel point il la dévorait des yeux. Ah, ces boucles de cheveux noirs qui descendaient en cascade jusqu’aux oreilles ! Comme il aurait voulu les écarter et de sa lèvre effleurer la peau du cou, qui devait être douce et blanche… 

Mais l’autobus finissait toujours par arriver, rompant le charme. Elle fermait son livre et d’un pas souple et nerveux pénétrait dans l’énorme véhicule. Il la suivait en retrait, se mêlant à la foule des autres élèves parmi lesquels il se noyait afin de rester invisible. On longeait le parc, puis le grand fleuve. Enfin, on pénétrait dans les quartiers aisés, là où des villas s’alignaient entre des bosquets de bouleaux ou de noisetiers. Elle descendait, son livre à la main, toujours de la même démarche souple et gracieuse. Une dernière fois, il essayait de la suivre du regard, mais déjà le bus virait à angle droit et amorçait la descente qui le ramenait vers les bas-quartiers, là où étaient les usines et les fabriques et où s’alignaient des rangées de maisons identiques aux briques noircies par les fumées.

Un jour, oui, un jour, il descendrait au même arrêt qu’elle et il l’aborderait. Il lui expliquerait que s’il avait laissé le bus continuer sans lui, c’était pour avoir l’occasion de lui parler. Alors, étonnée, elle l’écouterait et pour la première fois remarquerait sa présence. Il parlerait de tout, de rien, et elle sourirait en l’observant à la dérobée. Quand ils seraient arrivés devant sa maison, il prendrait un air détaché pour dire qu’il continuait sa route, mais elle, dans un mouvement spontané, viendrait gentiment l’embrasser sur la joue avec dans le regard un feu qu’elle n’avait jamais eu Elle lui dirait « A demain » et avant que la grande porte cochère ne se referme derrière elle, il verrait une dernière fois ses prunelles brillantes. Ce serait le bonheur absolu et c’est en sifflotant qu’il s’acheminerait vers la vile basse, tout simplement heureux et laissant ses seize ans déborder de joie.

Oui, voilà ce qu’il ferait. Mais pas aujourd’hui. Non, aujourd’hui il était trop tôt encore pour entreprendre une telle démarche. Et puis il risquait de pleuvoir et les gros nuages noirs qui s’amoncelaient dans le ciel étaient d’un mauvais présage. Non, il faudrait choisir un jour de printemps, quand l’air doux et les premiers bourgeons mettaient tout le monde en joie. Non, aujourd’hui, il se contenterait de l’observer en train de papoter avec ses copines devant l’entrée du lycée.

Allons, la voilà qui dit au revoir et qui prend la direction de l’arrêt de bus. D’où il se trouve, il voit une grosse voiture qui avance à vive allure sur la chaussée. Il voit aussi la jeune fille qui s’apprête à traverser. Distraite, elle n’a rien vu ! Alors, comme malgré lui et par réflexe, il crie son prénom de toutes ses forces : « Isabelle ! » Et la voilà qui s’immobilise au milieu de la route et qui regarde dans sa direction, étonnée. « Isabelle ! » crie-t-il encore. Pendant une seconde leurs regards se croisent puis la voiture arrive dans un hurlement de freins et percute la jeune fille.

C’est fini.

Pendant des années il repensera à cet événement. S’il avait pu, comme les autres jours, se taire et garder le silence, peut-être vivrait-elle encore. La première fois qu’il avait osé l’apostropher avait aussi été la dernière. La vie est vraiment cruelle parfois. Depuis il reste seul, sans rêve et la conscience remplie de remords. 

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