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A rebours: un tableau de la névrose moderne

12272748467?profile=original A rebours est un roman de Charles Marie Georges, dit Joris-Karl Huysmans (1848-1907), publié à Paris chez Charpentier en 1884, réédité avec une «Préface écrite vingt ans après le roman» en 1903.

 

La production romanesque de Huysmans s'inscrivait jusque-là dans la lignée naturaliste, sous l'égide du maître, Zola. Avec A rebours, Huysmans s'engage dans une nouvelle voie, qui le conduira vers la littérature dite décadente.

S'il est un livre emblématique de cette littérature, c'est bien A rebours. En effet, le héros, Des Esseintes, dont la voix tend à se confondre avec celle de Huysmans, synthétise les attributs qui font le décadent, le «pâmé».

 

Jean Floressas, duc des Esseintes, dernier représentant d'une race dégénérée, esprit indépendant dégoûté de l'humanité, se retire à Fontenay-aux-Roses où il organise sa solitude avec un raffinement extrême (Notice): il décore son intérieur de couleurs précieusement choisies (chap. 1), transforme sa salle à manger, lieu de repas austères, en cabine de bateau (2), compose une bibliothèque d'auteurs de la décadence latine (3), s'amuse d'une tortue vivante à la carapace incrustée de gemmes, crée un «orgue à bouche» dont les touches effleurées libèrent chacune une liqueur (4), détermine les peintures qui orneront ses murs (5). Un soir, il se remémore ses méfaits passés, la façon dont il contribua à briser un ménage, comment il poussa un adolescent vers le vice et le crime (6).

 

Cette solitude volontaire devient toutefois pesante et contribue à le ramener imperceptiblement à la religion. Des désordres nerveux apparaissent (7). Cherchant à se distraire, il aménage une serre de fleurs aux formes artificielles, aux aspects obscènes et morbides. Dans la nuit, Des Esseintes rêvera d'une femme, la Syphilis, offrant les pourritures florales de son corps (8). Les cauchemars se renouvellent et sa névrose se complaît dans le souvenir d'aventures érotiques, une acrobate androgyne, une ventriloque perverse, un troublant jeune homme (9). Victime d'hallucinations olfactives, Des Esseintes tente de les repousser en créant des parfums subtils qui ébranlent définitivement ses nerfs (10).

 

Voulant distraire sa solitude, il projette un voyage à Londres mais se contentera d'un bar anglais à Paris (11). De retour à Fontenay, il reprend goût à la lecture de Baudelaire, de Barbey d'Aurevilly et des littératures religieuses (12). Mais son estomac se dérègle (13). Grâce à un régime sévère, il peut à nouveau se consacrer à la lecture des auteurs modernes (14). D'autres hallucinations apparaissent, auditives cette fois, qui réveillent en lui le souvenir de ses musiques de prédilection. Il se décide à appeler un médecin qui le guérira mais lui enjoindra de retourner à Paris (15). Évoquant avec effroi les perversions de la société humaine, Des Esseintes se résigne à en affronter les médiocrités (16).

 

Avec A rebours, Huysmans consacre donc sa rupture avec le naturalisme, mais de façon inconsciente, comme il l'avoue dans sa Préface de 1903: «Je cherchais vaguement à m'évader d'un cul-de-sac où je suffoquais, mais je n'avais aucun plan déterminé et A rebours qui me libéra d'une littérature sans issue, en m'aérant, est un ouvrage parfaitement inconscient.» Rupture insensible donc, mais radicale. Zola en eut d'ailleurs parfaitement conscience puisque, à la parution d'A rebours, il parla de trahison du naturalisme. En effet, la généalogie et l'hérédité fantaisistes de Des Esseintes, ses maladies et leurs remèdes sont autant d'attaques voilées contre les théories naturalistes sur l'individu et contre l'utilisation, par les romanciers, d'un savoir médical trop primaire. Huysmans s'attache à décrire une tout autre maladie que celles qu'appréhendaient les naturalistes: une maladie moderne, la névrose, l'ennui. Maladie insaisissable par laquelle le corps se soumet aux pulsions d'une âme compliquée, souffrant de sa supériorité, dont la volonté est réduite à néant. Telle est l'âme moderne et tel sera A rebours.

 

La modernité s'exprime dans le parti pris de composition romanesque: «Supprimer l'intrigue traditionnelle, voire la passion, la femme, concentrer le pinceau de lumière sur un seul personnage, faire à tout prix du neuf» (Préface). Nous nous trouvons donc face à une succession de chapitres sans lien, qui ne sont jamais que prétextes à des articles critiques sur l'esthétique, que notre unique personnage prend à son compte et derrière lequel nous reconnaissons Huysmans. Pareil florilège d'essais incarne bien cette tendance de l'esthète de la fin du XIXe siècle à n'être qu'un dilettante comme Des Esseintes, et comme plus tard Swann (voir A la recherche du temps perdu), un individu raffiné qui organise chez lui un véritable musée de pièces rares et choisies, de bibelots.

L'esthétique du bibelot, objet déraciné de sa culture et qui flatte le regard de son propriétaire, telle est la grande attitude esthétique de cette fin de siècle que dévoile A rebours. Chacun des seize chapitres développera ainsi un thème différent: «Le coulis d'une spécialité, le sublimé d'un art différent» (Préface). L'ensemble s'organise selon deux grands axes: définition des choix artistiques du décadent, et description de ses goûts en général. Ces deux optiques éclairent son essentielle manie: toujours il se tourne vers ce qui est «à rebours» de la pensée commune.

 

Ainsi, ce que Des Esseintes recherche dans l'art, c'est une expressivité extrême, un langage écartelé entre la violence et un raffinement ciselé, distendu jusqu'au malaise. En matière de littérature, Des Esseintes agrée d'abord les auteurs latins: rejetant Virgile, Horace et Cicéron, il isole Pétrone, Apulée, et quelques décadents mineurs pour leur style en force, composite et audacieux (chap. 3).

En littérature moderne (chap. 12), «il s'intéress[e] aux oeuvres mal portantes, minées, irritées par la fièvre», appréciant leurs «faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés et ce goût blet».

Trois auteurs sont particulièrement choyés: Baudelaire, bien entendu, pour avoir été le premier à révéler «la psychologie morbide de l'esprit qui a atteint l'octobre de ses sensations»; Barbey, au sadisme mystique; Mallarmé, enfin, qui sut porter à son apothéose le style décadent: écriture «affaiblie par l'âge des idées, épuisée par les excès de la synthèse, sensible seulement aux curiosités qui enfièvrent les malades et cependant pressée de tout exprimer à son déclin». Par l'analyse de ces trois auteurs, Huysmans met en abyme ce qu'est A rebours: la triple évocation de la névrose moderne, de la tentation du mysticisme et de la langue à son déclin. Des Esseintes n'oublie pas la littérature religieuse, mais l'attaque pour son inconsistance - à l'exception de Lacordaire, dont il apprécie le débordement de style. Dans le domaine de la peinture (chap. 5), Des Esseintes glorifie une esthétique morbide et perverse qui, par une technique hallucinatoire, pousse l'âme dans ses derniers retranchements et en exhume les obsessions et les terreurs (Moreau, Jan Luycken, Bresdin, Redon). En musique, Des Esseintes goûte l'oeuvre de Wagner, Schumann, Schubert, faite de gravité et d'hystérie retenue, mais surtout le plain-chant aux résonances douloureuses.

 

Le second axe thématique, sur les sens et le luxe, est une théorie générale d'esthétique, placée sous le double signe de la synesthésie et de l'artifice qui lui paraît «le signe distinctif du génie» (chap. 2).

Il s'agit en effet d'embrasser toutes les sensations mais avec un degré d'élaboration qui ne peut se satisfaire que de l'artificiel. Au chapitre 1, Des Esseintes choisit les couleurs afin qu'elles puissent s'exhaler à la lumière artificielle et s'harmoniser avec ses états d'âme. Les gemmes de la tortue (chap. 4) seront plus étranges que précieuses, refusant une conception vulgaire du luxe. L'épisode des fleurs (chap. 8) est l'un des plus intéressants: choisies parce qu'elles paraissent artificielles, leurs formes obscènes évoquent des sexes aux couleurs hideuses, des chairs corrompues par la maladie, comme ces «Amorphophallus [...] aux longues tiges noires couturées de balafres, pareilles à des membres endommagés de nègre» ou toutes celles qui «comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres». Ici, se trouvent résumées deux tendances de la décadence: le goût de l'inversion, lorsque la nature se fait artifice, et la fascination pour un érotisme morbide et dégénéré. Le même goût du paradoxe se manifeste dans l'ameublement, à la fois extravagant comme cette cabine de bateau peuplée de poissons mécaniques (chap. 2), et faussement austère comme la chambre à coucher rappelant une cellule monacale mais de façon que les plus riches étoffes imitent les textures les plus pauvres (chap. 5).

Les scènes de l'orgue à bouche (chap. 4) et de la création des parfums (chap. 10) évoquent des expériences de synesthésie: dans l'orgue, chaque note correspond à une liqueur, chaque mélodie créant un cocktail unique, et chaque parfum se doit de provoquer des visions de villes et de paysages hallucinés. Des Esseintes passe ainsi en revue quatre sens: la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût.

Seul le toucher n'est pas explicitement évoqué. Pourquoi? Parce que le décadent n'a pas de chair, il n'a qu'un corps, dont les perceptions s'appliquent à des objets distanciés et exceptionnels, un corps miné par la névrose et dont les fonctions se détériorent: il n'a plus ni sexe ni estomac.

 

A rebours est donc le tableau de la névrose moderne et de ses causes. Parce qu'il est dégoûté par la perversion médiocre d'une société comblée de luxe et de confort (chap. 16), le décadent cherche à pousser plus loin le raffinement. Il lui faut ranimer ses désirs par une constante excitation intellectuelle: Des Esseintes se fait initiateur du vice et du cynisme (chap. 6), tente d'aiguillonner son appétit sexuel par des procédés artificiels ou malsains (chap. 9). En vain. Le décadent retombe toujours dans l'ennui, sa complication interne entraînant une insatisfaction perpétuelle et un pessimisme inépuisable.

 

Cette âme de décadent se doit de trouver place dans une écriture que Paul Bourget définit ainsi: «Un style de décadence est celui où l'unité du livre se décompose pour laisser la place à l'indépendance de la page, où la page se décompose pour laisser la place à l'indépendance de la phrase et où la phrase se décompose pour laisser la place à l'indépendance du mot.» Définition parfaite de ce qui préside à la composition d'A rebours: un éclatement du récit et de l'écriture en mille détails. Dispersion, mais aussi surcomplication. Le style tente de restituer le dernier râle du Verbe qui meurt de l'outrance et de l'indicible, tout comme l'âme du décadent. Le style de Huysmans devient ainsi contourné, se débat dans des floraisons denses et multiples, recherchant désespérément le néologisme et l'adjectif rare. Les mots se muent en bibelots précieux, exilés de leur propre sens, à réinventer: «Sur la cheminée dont la robe fut, elle aussi, découpée dans la somptueuse étoffe d'une dalmatique florentine, entre deux ostensoirs, en cuivre doré, de style byzantin, provenant de l'ancienne Abbaye-aux-Bois-de-Bièvre, un merveilleux canon d'église, aux trois compartiments séparés, ouvragés comme une dentelle, contient, sous le verre de son cadre, copiées sur un authentique vélin avec d'admirables lettres de missel et de splendides enluminures, trois pièces de Baudelaire.»

 

Le renversement et le déséquilibre sont donc généraux. Une seule issue à cette déroute semble possible: la foi, la foi qui s'insinue dans l'esprit de Des Esseintes dès le chapitre 6 et resurgit à la fin du roman: «L'impossible croyance en une vie future serait seule apaisante.» Sans le savoir, en s'attachant à l'art religieux, Des Esseintes s'attache peu à peu à la religion, comme la Madame Gervaisais des Goncourt (voir Madame Gervaisais): «L'Église [...] tenait tout, l'art n'existait qu'en Elle et que par Elle» (Préface).

 

En effet, A rebours, au dire même de Huysmans dans sa Préface, prépare sa réconciliation avec le catholicisme et constitue «une amorce de [s]on oeuvre catholique». Barbey avait prédit cette évolution dès la parution de l'ouvrage: «Après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet et les pieds de la croix.» Huysmans, comme peut-être Des Esseintes, a déjà choisi.

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A rebours: un tableau de la névrose moderne

12272748467?profile=original A rebours est un roman de Charles Marie Georges, dit Joris-Karl Huysmans (1848-1907), publié à Paris chez Charpentier en 1884, réédité avec une «Préface écrite vingt ans après le roman» en 1903.

 

La production romanesque de Huysmans s'inscrivait jusque-là dans la lignée naturaliste, sous l'égide du maître, Zola. Avec A rebours, Huysmans s'engage dans une nouvelle voie, qui le conduira vers la littérature dite décadente.

S'il est un livre emblématique de cette littérature, c'est bien A rebours. En effet, le héros, Des Esseintes, dont la voix tend à se confondre avec celle de Huysmans, synthétise les attributs qui font le décadent, le «pâmé».

 

Jean Floressas, duc des Esseintes, dernier représentant d'une race dégénérée, esprit indépendant dégoûté de l'humanité, se retire à Fontenay-aux-Roses où il organise sa solitude avec un raffinement extrême (Notice): il décore son intérieur de couleurs précieusement choisies (chap. 1), transforme sa salle à manger, lieu de repas austères, en cabine de bateau (2), compose une bibliothèque d'auteurs de la décadence latine (3), s'amuse d'une tortue vivante à la carapace incrustée de gemmes, crée un «orgue à bouche» dont les touches effleurées libèrent chacune une liqueur (4), détermine les peintures qui orneront ses murs (5). Un soir, il se remémore ses méfaits passés, la façon dont il contribua à briser un ménage, comment il poussa un adolescent vers le vice et le crime (6).

 

Cette solitude volontaire devient toutefois pesante et contribue à le ramener imperceptiblement à la religion. Des désordres nerveux apparaissent (7). Cherchant à se distraire, il aménage une serre de fleurs aux formes artificielles, aux aspects obscènes et morbides. Dans la nuit, Des Esseintes rêvera d'une femme, la Syphilis, offrant les pourritures florales de son corps (8). Les cauchemars se renouvellent et sa névrose se complaît dans le souvenir d'aventures érotiques, une acrobate androgyne, une ventriloque perverse, un troublant jeune homme (9). Victime d'hallucinations olfactives, Des Esseintes tente de les repousser en créant des parfums subtils qui ébranlent définitivement ses nerfs (10).

 

Voulant distraire sa solitude, il projette un voyage à Londres mais se contentera d'un bar anglais à Paris (11). De retour à Fontenay, il reprend goût à la lecture de Baudelaire, de Barbey d'Aurevilly et des littératures religieuses (12). Mais son estomac se dérègle (13). Grâce à un régime sévère, il peut à nouveau se consacrer à la lecture des auteurs modernes (14). D'autres hallucinations apparaissent, auditives cette fois, qui réveillent en lui le souvenir de ses musiques de prédilection. Il se décide à appeler un médecin qui le guérira mais lui enjoindra de retourner à Paris (15). Évoquant avec effroi les perversions de la société humaine, Des Esseintes se résigne à en affronter les médiocrités (16).

 

Avec A rebours, Huysmans consacre donc sa rupture avec le naturalisme, mais de façon inconsciente, comme il l'avoue dans sa Préface de 1903: «Je cherchais vaguement à m'évader d'un cul-de-sac où je suffoquais, mais je n'avais aucun plan déterminé et A rebours qui me libéra d'une littérature sans issue, en m'aérant, est un ouvrage parfaitement inconscient.» Rupture insensible donc, mais radicale. Zola en eut d'ailleurs parfaitement conscience puisque, à la parution d'A rebours, il parla de trahison du naturalisme. En effet, la généalogie et l'hérédité fantaisistes de Des Esseintes, ses maladies et leurs remèdes sont autant d'attaques voilées contre les théories naturalistes sur l'individu et contre l'utilisation, par les romanciers, d'un savoir médical trop primaire. Huysmans s'attache à décrire une tout autre maladie que celles qu'appréhendaient les naturalistes: une maladie moderne, la névrose, l'ennui. Maladie insaisissable par laquelle le corps se soumet aux pulsions d'une âme compliquée, souffrant de sa supériorité, dont la volonté est réduite à néant. Telle est l'âme moderne et tel sera A rebours.

 

La modernité s'exprime dans le parti pris de composition romanesque: «Supprimer l'intrigue traditionnelle, voire la passion, la femme, concentrer le pinceau de lumière sur un seul personnage, faire à tout prix du neuf» (Préface). Nous nous trouvons donc face à une succession de chapitres sans lien, qui ne sont jamais que prétextes à des articles critiques sur l'esthétique, que notre unique personnage prend à son compte et derrière lequel nous reconnaissons Huysmans. Pareil florilège d'essais incarne bien cette tendance de l'esthète de la fin du XIXe siècle à n'être qu'un dilettante comme Des Esseintes, et comme plus tard Swann (voir A la recherche du temps perdu), un individu raffiné qui organise chez lui un véritable musée de pièces rares et choisies, de bibelots.

L'esthétique du bibelot, objet déraciné de sa culture et qui flatte le regard de son propriétaire, telle est la grande attitude esthétique de cette fin de siècle que dévoile A rebours. Chacun des seize chapitres développera ainsi un thème différent: «Le coulis d'une spécialité, le sublimé d'un art différent» (Préface). L'ensemble s'organise selon deux grands axes: définition des choix artistiques du décadent, et description de ses goûts en général. Ces deux optiques éclairent son essentielle manie: toujours il se tourne vers ce qui est «à rebours» de la pensée commune.

 

Ainsi, ce que Des Esseintes recherche dans l'art, c'est une expressivité extrême, un langage écartelé entre la violence et un raffinement ciselé, distendu jusqu'au malaise. En matière de littérature, Des Esseintes agrée d'abord les auteurs latins: rejetant Virgile, Horace et Cicéron, il isole Pétrone, Apulée, et quelques décadents mineurs pour leur style en force, composite et audacieux (chap. 3).

En littérature moderne (chap. 12), «il s'intéress[e] aux oeuvres mal portantes, minées, irritées par la fièvre», appréciant leurs «faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés et ce goût blet».

Trois auteurs sont particulièrement choyés: Baudelaire, bien entendu, pour avoir été le premier à révéler «la psychologie morbide de l'esprit qui a atteint l'octobre de ses sensations»; Barbey, au sadisme mystique; Mallarmé, enfin, qui sut porter à son apothéose le style décadent: écriture «affaiblie par l'âge des idées, épuisée par les excès de la synthèse, sensible seulement aux curiosités qui enfièvrent les malades et cependant pressée de tout exprimer à son déclin». Par l'analyse de ces trois auteurs, Huysmans met en abyme ce qu'est A rebours: la triple évocation de la névrose moderne, de la tentation du mysticisme et de la langue à son déclin. Des Esseintes n'oublie pas la littérature religieuse, mais l'attaque pour son inconsistance - à l'exception de Lacordaire, dont il apprécie le débordement de style. Dans le domaine de la peinture (chap. 5), Des Esseintes glorifie une esthétique morbide et perverse qui, par une technique hallucinatoire, pousse l'âme dans ses derniers retranchements et en exhume les obsessions et les terreurs (Moreau, Jan Luycken, Bresdin, Redon). En musique, Des Esseintes goûte l'oeuvre de Wagner, Schumann, Schubert, faite de gravité et d'hystérie retenue, mais surtout le plain-chant aux résonances douloureuses.

 

Le second axe thématique, sur les sens et le luxe, est une théorie générale d'esthétique, placée sous le double signe de la synesthésie et de l'artifice qui lui paraît «le signe distinctif du génie» (chap. 2).

Il s'agit en effet d'embrasser toutes les sensations mais avec un degré d'élaboration qui ne peut se satisfaire que de l'artificiel. Au chapitre 1, Des Esseintes choisit les couleurs afin qu'elles puissent s'exhaler à la lumière artificielle et s'harmoniser avec ses états d'âme. Les gemmes de la tortue (chap. 4) seront plus étranges que précieuses, refusant une conception vulgaire du luxe. L'épisode des fleurs (chap. 8) est l'un des plus intéressants: choisies parce qu'elles paraissent artificielles, leurs formes obscènes évoquent des sexes aux couleurs hideuses, des chairs corrompues par la maladie, comme ces «Amorphophallus [...] aux longues tiges noires couturées de balafres, pareilles à des membres endommagés de nègre» ou toutes celles qui «comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres». Ici, se trouvent résumées deux tendances de la décadence: le goût de l'inversion, lorsque la nature se fait artifice, et la fascination pour un érotisme morbide et dégénéré. Le même goût du paradoxe se manifeste dans l'ameublement, à la fois extravagant comme cette cabine de bateau peuplée de poissons mécaniques (chap. 2), et faussement austère comme la chambre à coucher rappelant une cellule monacale mais de façon que les plus riches étoffes imitent les textures les plus pauvres (chap. 5).

Les scènes de l'orgue à bouche (chap. 4) et de la création des parfums (chap. 10) évoquent des expériences de synesthésie: dans l'orgue, chaque note correspond à une liqueur, chaque mélodie créant un cocktail unique, et chaque parfum se doit de provoquer des visions de villes et de paysages hallucinés. Des Esseintes passe ainsi en revue quatre sens: la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût.

Seul le toucher n'est pas explicitement évoqué. Pourquoi? Parce que le décadent n'a pas de chair, il n'a qu'un corps, dont les perceptions s'appliquent à des objets distanciés et exceptionnels, un corps miné par la névrose et dont les fonctions se détériorent: il n'a plus ni sexe ni estomac.

 

A rebours est donc le tableau de la névrose moderne et de ses causes. Parce qu'il est dégoûté par la perversion médiocre d'une société comblée de luxe et de confort (chap. 16), le décadent cherche à pousser plus loin le raffinement. Il lui faut ranimer ses désirs par une constante excitation intellectuelle: Des Esseintes se fait initiateur du vice et du cynisme (chap. 6), tente d'aiguillonner son appétit sexuel par des procédés artificiels ou malsains (chap. 9). En vain. Le décadent retombe toujours dans l'ennui, sa complication interne entraînant une insatisfaction perpétuelle et un pessimisme inépuisable.

 

Cette âme de décadent se doit de trouver place dans une écriture que Paul Bourget définit ainsi: «Un style de décadence est celui où l'unité du livre se décompose pour laisser la place à l'indépendance de la page, où la page se décompose pour laisser la place à l'indépendance de la phrase et où la phrase se décompose pour laisser la place à l'indépendance du mot.» Définition parfaite de ce qui préside à la composition d'A rebours: un éclatement du récit et de l'écriture en mille détails. Dispersion, mais aussi surcomplication. Le style tente de restituer le dernier râle du Verbe qui meurt de l'outrance et de l'indicible, tout comme l'âme du décadent. Le style de Huysmans devient ainsi contourné, se débat dans des floraisons denses et multiples, recherchant désespérément le néologisme et l'adjectif rare. Les mots se muent en bibelots précieux, exilés de leur propre sens, à réinventer: «Sur la cheminée dont la robe fut, elle aussi, découpée dans la somptueuse étoffe d'une dalmatique florentine, entre deux ostensoirs, en cuivre doré, de style byzantin, provenant de l'ancienne Abbaye-aux-Bois-de-Bièvre, un merveilleux canon d'église, aux trois compartiments séparés, ouvragés comme une dentelle, contient, sous le verre de son cadre, copiées sur un authentique vélin avec d'admirables lettres de missel et de splendides enluminures, trois pièces de Baudelaire.»

 

Le renversement et le déséquilibre sont donc généraux. Une seule issue à cette déroute semble possible: la foi, la foi qui s'insinue dans l'esprit de Des Esseintes dès le chapitre 6 et resurgit à la fin du roman: «L'impossible croyance en une vie future serait seule apaisante.» Sans le savoir, en s'attachant à l'art religieux, Des Esseintes s'attache peu à peu à la religion, comme la Madame Gervaisais des Goncourt (voir Madame Gervaisais): «L'Église [...] tenait tout, l'art n'existait qu'en Elle et que par Elle» (Préface).

 

En effet, A rebours, au dire même de Huysmans dans sa Préface, prépare sa réconciliation avec le catholicisme et constitue «une amorce de [s]on oeuvre catholique». Barbey avait prédit cette évolution dès la parution de l'ouvrage: «Après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet et les pieds de la croix.» Huysmans, comme peut-être Des Esseintes, a déjà choisi.

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Charles Péguy

12272747097?profile=originalEssayiste, polémiste, philosophe, poète religieux, Péguy a été de son vivant relativement peu connu du grand public, sinon comme éditeur et imprimeur exemplaire des Cahiers de la Quinzaine . Révélé après la Première Guerre mondiale, il atteignit bientôt une notoriété trop souvent exploitée à des fins partisanes, plus particulièrement durant la Seconde Guerre mondiale par le régime de Vichy. L'engagement de Péguy, qui semble osciller du socialisme au traditionalisme et au nationalisme, est difficile à interpréter. Il a donné lieu aux commentaires les plus contradictoires. En revanche, son oeuvre littéraire le situe parmi les plus grands poètes français et fait de lui, à tous égards, un écrivain exceptionnel.

 

L'homme et l'oeuvre

Né à Orléans, Charles Péguy, orphelin de père, est élevé par sa mère et sa grand-mère, rempailleuses de chaises au faubourg Bourgogne. Éducation pieuse, sévère et studieuse. Écolier modèle, Péguy obtient une bourse au lycée. Il y est initié aux lettres classiques, qui auront sur lui une influence constante. En classe de philosophie, il perd la foi et milite dans les groupements socialistes ouvriers de la ville. Élève au lycée Lakanal puis au collège Sainte-Barbe, il est reçu à l'École normale supérieure en 1894. Il y écrit sa Jeanne d'Arc , drame historique dans le style symboliste, en trois « journées », publié en 1897. Il dirige en même temps le groupe d'études socialistes fondé par Lucien Herr, bibliothécaire de l'École, fréquente assidûment Jaurès, collabore à la Revue socialiste , puis, en 1899, à la Revue blanche.  En 1898, il propose son idéal social dans Marcel, premier dialogue de la Cité harmonieuse , doctrine inspirée de Fourier et qui témoigne d'un généreux mais utopique idéalisme. Il crée en 1898 avec son ami Georges Bellais une librairie socialiste. Mais son esprit d'indépendance le brouille avec les administrateurs. Exclu de l'entreprise, il fonde en janvier 1900 les Cahiers de la Quinzaine.  Son but est de commenter librement les activités du socialisme en fournissant à ses abonnés des dossiers complets et des documents originaux. Peu à peu, le périodique deviendra plus littéraire ; aux comptes rendus de congrès, aux témoignages d'amis comme Félicien Challaye sur la colonisation en Afrique, aux articles d'actualité se joindront des essais, des romans, des poèmes. Romain Rolland, le poète André Spire, les frères Tharaud, Bergson, André Suarès, Julien Benda seront imprimés dans les livraisons des Cahiers , qui vont se poursuivre régulièrement jusqu'à la mort de Péguy. Les abonnés, peu nombreux (deux mille environ), soutiendront difficilement une entreprise qui, pourtant, marquera l'histoire littéraire du début du XXe siècle. La boutique des Cahiers  deviendra un foyer dont le rayonnement, sans être spectaculaire, fut profond.

L'affaire Dreyfus commence en 1894 ; c'est en 1898 que Péguy entre dans la mêlée « au nom de la justice et de la vérité ». Il ne pardonnera pas au dreyfusisme politique (anticlérical et radical) des années 1900 d'avoir déçu sa mystique ; il ne pardonnera pas au socialisme de s'être désintéressé de Dreyfus et de s'être compromis dans la politique parlementaire. C'est pour rester fidèle à son idéal d'adolescent qu'il attaquera la politique de Combes, qu'il critiquera les persécutions religieuses de 1902 et rompra avec Jaurès.

A partir de 1900 (Cahiers  « De la grippe »), on le sent préoccupé par les questions religieuses. Son angoisse se développe dès lors sur plusieurs plans : sur le plan national, la menace que l'Allemagne (visite de Guillaume II à Tanger en 1905) fait peser sur la paix lui révèle la précarité des valeurs de culture et de liberté qu'incarne à ses yeux la France ; sur le plan intellectuel, il s'aperçoit de plus en plus de la complexité du réel et de la vanité des savants, des critiques littéraires, des historiens qui prétendent faire entrer le concret dans leurs concepts et présenter un « double intelligible » de l'événement ; sur le plan social, il mesure l'ampleur du « mal universel » et l'impossibilité de guérir temporellement la misère, cet « enfer terrestre ». Ces désillusions et une tentation croissante de pessimisme lui inspirent en 1906-1907 des essais passionnés, âpres, lucides, parfois presque désespérés.

En septembre 1908, il confie à son ami Joseph Lotte la nouvelle de sa conversion religieuse et rédige à la fois la méditation de Clio I  et Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc , qui paraît en janvier 1910. L'oeuvre de Péguy se partagera dès lors entre la poésie religieuse, la polémique contre le « monde moderne » et des essais de caractère philosophique. Sa position nouvelle lui aliène une partie de ses anciens abonnés socialistes, mais lui attire la sympathie prudente des milieux catholiques. Barrès tente même de lui faire décerner le grand prix de littérature de l'Académie. Cependant, avec la liberté et la violence qui le caractérisent, Péguy s'attaque dès 1911 à la puissante Revue hebdomadaire , s'aliénant ainsi les milieux bien-pensants. Malgré les avances de jeunes disciples de Maurras, tel René Johannet, qui fréquentent les Cahiers , Péguy se tient à distance de l'Action française vers laquelle s'orientent ses amis de naguère ou de toujours, tels Georges Sorel et Joseph Lotte. Il se sent de plus en plus solitaire et s'enferme farouchement dans cet isolement. Son dernier geste fut pour défendre Bergson (dans la Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne ) contre les attaques des néo-thomistes comme Jacques Maritain, qui tendaient à provoquer sa mise à l'Index.

Mobilisé le 4 août 1914, Péguy participe du 28 août au 5 septembre à la retraite qui précéda la bataille de la Marne. Il est tué d'une balle au front, à Villeroy, dans la Brie. Il laissait quatre enfants, dont le dernier est posthume. C'est un article de Barrès dans L'Écho de Paris  et un mémorial de Daniel Halévy dans Les Débats  qui brusquement attirèrent l'attention du grand public sur le poète. En 1926 un livre des frères Tharaud, en 1931 un ouvrage collectif dirigé par Emmanuel Mounier entretiennent sa notoriété. Sous l'occupation, ce fut un engouement et parfois une exploitation à des fins partisanes. Péguy désormais apparaît, avec la distance, comme un poète religieux et un penseur dont l'action continue à s'exercer en profondeur dans la spiritualité chrétienne du siècle.

 

Le polémiste

Une bonne moitié de l'oeuvre a été inspirée par l'actualité. Le combat « pour la vérité et la justice » a entraîné Péguy dans des affrontements successifs : contre les antidreyfusards, contre le monolithisme du Parti ouvrier français de Jules Guesde, contre les compromissions de Jaurès, contre la politique combiste, contre le « parti intellectuel », c'est-à-dire les professeurs de Sorbonne, héritiers de Taine et du scientisme, qui régentaient alors l'enseignement supérieur, contre les bien-pensants de la Revue hebdomadaire ... Ce caractère polémique donne à l'oeuvre un mordant, une vigueur, une verve incomparables. Péguy manie volontiers l'humour, le sarcasme, et certains essais tels que Un nouveau théologien, M. Fernand Laudet  (1911) sont de vrais réquisitoires. Sa violence l'entraîne souvent trop loin et certaines injures adressées à Jaurès, à Ernest Lavisse, à Gustave Hervé passent la mesure. D'autre part, l'intérêt que présente une oeuvre d'actualité s'efface vite. Elle n'est plus accessible qu'aux historiens et exige des commentaires. On ne lit plus guère les premières contributions de Péguy aux Cahiers de la Quinzaine.  Et, pourtant, dans le bruit de querelles désormais éteintes se détachent d'admirables pages : la méditation sur la misère dans De Jean Coste , sur Révolution et Tradition  dans le Catéchisme de Mangasarian , sur Paris dans Notre Patrie , sur la dignité du suppliant dans Les Suppliants parallèles , sur l'impuissance de l'histoire dans un essai écrit à l'occasion du Chad Gadya  d'Israël Zangwill.

 

Le poète

Péguy avait, en 1897, parsemé son drame historique, Jeanne d'Arc , d'alexandrins parfois groupés en quatrains. Il ne revient à la poésie qu'en 1910, dans Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc , sous la forme du verset, à la manière de Claudel. La phrase est morcelée par un artifice typographique, ce qui a pour effet de ralentir la lecture et de mettre en valeur certains mots. C'est sous cette forme que sont rédigés les Trois Mystères  : Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc  (1910),Le Porche du mystère de la deuxième vertu  (1911), Le Mystère des saints Innocents  (1912). On trouve cependant des versets lyriques dans des oeuvres antérieures comme Notre Patrie  (1905) : instinctivement, le poète émerge ainsi et met sa phrase en état de chant. Vers 1911, sous le coup d'une détresse sentimentale qui bouleversera ce coeur pur et austère, Péguy revient au vers régulier : il écrit les Quatrains , longue plainte de la solitude, humble prière d'une conscience inquiète. Puis il se risque à composer des Sonnets  et commence les Tapisseries  : La Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc , La Tapisserie de Notre-Dame  et enfin, en 1913, les deux mille huit cents quatrains d'Eve.

La poésie de Péguy est de forme classique, parfaitement régulière. C'est une poésie oratoire qui développe d'immenses litanies et paraît stationnaire, voire ennuyeuse. En réalité, il s'agit de répéter inlassablement une certaine structure verbale en l'environnant d'images et de métaphores sans cesse renouvelées. La continuité et la variété s'y conjuguent, permettant une présentation insistante du thème, une méditation lente et progressive. Péguy n'abandonne un thème que pour le reprendre plus loin dans un nouvel environnement, ce qui donne à son oeuvre l'allure d'une « tapisserie » où les mêmes fils reparaissent et s'entrelacent à intervalles irréguliers. La gratuité et la fantaisie des mots et des images, qui annoncent l'écriture automatique des surréalistes, contrastent avec la régularité de la structure syntaxique : le contenant dans cet art est plus important que le contenu. Certains vers sont d'une très belle frappe. On connaît particulièrement la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres , émouvante évocation du pèlerinage qu'il fit en juin 1912 en action de grâces pour la guérison de son fils. On connaît aussi le début d'Eve , admirable méditation sur le Paradis perdu, sur le Jugement dernier, sur l'amour qui sacralise son objet : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle... »

 

Le mystique

Péguy était philosophe de vocation. Il préparera une thèse d'épistémologie et de méthodologie concernant les sciences historiques (en 1906). Disciple de Bergson, il se défiera, comme beaucoup de penseurs de sa génération, d'une dialectique trop conceptuelle et des idéologies construites en système clos. C'est un réaliste, pour qui une idée est d'abord une expérience sensible, une certaine sorte de pathétique, mais n'est plus rien lorsqu'elle devient un simple mot. D'où son respect pour l'apôtre et son mépris pour l'intellectuel ; d'où le sérieux, aussi, de sa réflexion dans laquelle il s'engage tout entier et qui ressemble à une inspiration poétique - ou prophétique. Péguy a subi très fortement l'influence de Renan et de Taine. Il s'opposera à eux tout en rendant hommage à l'inquiétude métaphysique de Renan. Il doit à Pascal l'orientation tragique de sa méditation religieuse, hantée par les scènes de la Passion du Christ. Le versant ensoleillé de sa pensée est éclairé par la sagesse (la « justesse ») grecque d'Homère et de Sophocle, par l'exigence cornélienne de la grandeur et par l'éclat militaire prestigieux des vers de Victor Hugo.

Le thème fondamental de sa méditation concerne le mystère du temps dont il ressent plus que quiconque l'effet d'érosion, l'impitoyable usure. A ce temps destructeur s'opposent les sources mystérieuses d'un perpétuel renouvellement : Péguy les reconnaît aussi bien dans le retour du printemps, dans l'intégrité de l'enfant que dans l'apparition des grands génies, les ressourcements (ou révolutions) d'une race, d'une nation, d'un peuple. A un niveau plus élevé, au niveau moral et spirituel, ces eaux vives s'appellent « grâce » ; elles lavent le péché, attaquent les habitudes mortes et remettent sans cesse de l'innocence dans le monde. Ainsi, tour à tour, tout se détériore et tout se renouvelle : une énergie divine est aux prises à travers l'homme avec les forces de vieillissement et de mort. Vision tragique où le désespoir voisine avec l'espérance, ou plutôt avec la confiance candide de l'enfant. Ainsi, dans le célèbre hymne à la nuit qui clôt Le Porche du mystère de la deuxième vertu  (vertu théologale d'espérance), la tentation du découragement est compensée par la proximité paternelle du Créateur : « Celui-là seul qui met son front sur mes genoux... »

Le second thème auquel Péguy revient très souvent est celui de l'Incarnation, c'est-à-dire de la nécessité pour le spirituel, s'il veut conserver sa valeur, de s'incarner, de prendre son « inscription temporelle ». La supériorité du Dieu chrétien sur les dieux antiques, c'est d'avoir revêtu la condition humaine avec toutes ses servitudes, jusqu'à l'humiliation, à la torture, à la déréliction finale et à la mort. Péguy se défie des saintetés qui prétendent s'évader de la commune condition terrestre : le père de famille lui semble plus aventuré et donc plus méritant que le moine dans sa clôture, plus près des exemples et exigences évangéliques. A ce point de vue, il a contribué à promouvoir une spiritualité d'« incarnation » fondée sur le devoir d'état.

La situation religieuse de Péguy est demeurée ambiguë. Sa femme, résolument incroyante, s'opposait à la régularisation du mariage et au baptême des enfants. Péguy lui-même, foncièrement anticlérical, n'a pas insisté outre mesure. Il est donc resté sur le seuil de l'Église ; mais son oeuvre a exercé sur le christianisme moderne une influence considérable, qu'on pourrait résumer dans les termes suivants : rénovation du sens de l'incarnation et respect du temporel dans ce qu'il a de mystérieux et de sacré ; séparation de la morale et de la religion, l'une regardant la conduite, l'autre l'existence ; exaltation des vertus d'espérance et de confiance ; nostalgie d'une « chrétienté » où la religion ne serait pas une idéologie pour intellectuels, un credo verbal, un ensemble de rites, mais un engagement de l'être entier, une tradition collective de la race, un héritage. Péguy doit beaucoup, à ce point de vue, à sa fréquentation assidue des Juifs qui ont leur religion dans le sang. Enfin Péguy a donné aux croyants un langage, un style de prière où la répétition lente et le rythme litanique entretiennent la contemplation et mettent l'âme en état d'oraison. Ce style est si loin du style dévot et feutré en usage à l'époque que nombre de lecteurs s'en sont scandalisés et ont même crié au sacrilège. Les audaces de Péguy, faisant parler Dieu sur un ton familier et populaire, apparaissent désormais comme un effort admirable pour surmonter l'angoisse existentielle par la proche présence d'un père attentif et bon, anxieusement penché sur les créatures qui l'inquiètent le plus : les hommes.

 

Le rayonnement de Péguy à l'étranger ne cesse de croître. En 1950, le critique allemand Reinhard Lauth, dans un ouvrage sur Dostoïevski, met celui-ci en parallèle avec Péguy. Le théologien Hans Urs von Balthazar lui rend grâce de « s'être affirmé comme chrétien dans le domaine où s'est jouée la vocation de Nietzsche ». Son oeuvre a fait l'objet de nombreuses thèses et demeure, plus que jamais, d'actualité. Elle continue à interpeller le lecteur qui s'en approche : « C'est un homme, écrivait Bernanos à propos de Péguy, qui, mort, reste à portée de voix, [...] qui répond chaque fois qu'on l'appelle » ; et Romain Rolland, ce grand lecteur, avouait tout simplement : « Je ne puis rien lire après Péguy. »

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Les voeux de la mariée

Les principes volatiles amoureux, séparés par la chaleur de mes jeux de joie, se condensent et je danse autour du feu de bois pour te séduire. Je me distille de plaisir à l’idée d’être ta flamme. 

La tête à l’envers, j’enfile ma robe de mariée, cousue de fil de soie et brodée de petits cœurs nacrés. Il est midi et je prononce mes vœux sacrés. Je dis Oui, je veux être ta femme et t'aimer. 

A l'heure du goûter, mes pensées sont pour toi comme une fontaine de miel et je dépose mon cœur au pied de la fontaine, comme à la source de ma joie, comme à la source de ma peine.

Je t’aime pour le meilleur et pour le pire. Fidèle à tous les astres de toutes tes constellations. Par tous les temps et qu’importe la saison, j’irai cueillir ton sourire pour faire de nos fleurs du mal, un bouquet de couleurs astrales.

Chaque matin, balancée par le va et vient de mes humeurs lunaires, je te prends par la main, aveugle de confiance, pour te suivre sur le chemin de lumière solaire.

Il est minuit et je suis portée par le souffle de ta voie lactée, comme si ta respiration me soulevait dans tes bras, je me serre contre toi aussi fort que ton ciel étoilé me promet de briller pour fêter la naissance de notre bébé.

Avide de liberté, je suis libre de t’aimer. Candide et sauvage, je te promets d’être sage à ma façon splendide de l’être, que tu connais et apprivoise adroitement, heure après heure, comme on caresse le bonheur, jour après jour, comme on tourne les pages d’une belle histoire d’amour.

Je t’aime jusqu’à la fin des jours.

Portée par les nuages vaporeux, je me sens légère. Comme si ma respiration me soulevait dans les airs, je vole aussi loin que les cieux m’éloignent de la terre.

Soulevée par l’envie de me sentir transportée à des milliers d’années  lumières, la vie m’est donnée à ne plus savoir qu’en faire, à part t’Aimer pour l’éternité.

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J'ai posé ma plume sur le contrat

J'ai posé ma plume sur le papier et signé le contrat d'achat de ma nouvelle maison. Le propriétaire de mon logement actuel a aussi posé sa plume et signé un refus de me libérer de ce bail.
Je me sens comme un type qui conduit sa voiture un peu vite pour amener sa femme à l'hôpital car sa femme est sur le point d'accoucher. Il rencontre un policier zélé qui l'arrête pour excès de vitesse. Le conducteur a beau lui expliquer l'urgence, le policier n'en démords pas et l'oblige à demeurer sur place pendant qu'il lui rédigera un procès verbal.
Arriva ce qui devait arriver; le bébé naquit dans l'auto. Le policier lui colle donc un procès-verbal (au bébé) pour s'être exhibé nu sur la voie publique. Quant à la mère, un autre procès-verbal pour avoir montré son cul pour tenter de le séduire.
J'ai posé ma plume sur des affiches que j'ai posées sur tous les babillards électroniques, physiques, internet ou autres offrant 4000$ Canadiens de mes œuvres d'artiste à partager entre celui qui me trouvera un locataire prêt à reprendre mon bail et ce nouveau locataire qui le signera.
Puis, je pose ma plume près du téléphone à attendre les appels en attendant l'échéance de mon achat conditionnel à ce que je réussisse à me libérer de mon bail. Est-ce que je perds mon temps? Perdrai-je mes espoirs? Perdrai-je ma nouvelle maison? Perdrai-je une ex-bonne relation avec mon propriétaire actuel? Si c'est cela, j'en perdrai aussi ma plume...
André Chamberland, 15 août 2011
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Vérité (extrait du Recueil "Intégrales")

 

 

 

     VERITE

 

Partout tu as cherché, traqué la Vérité

Mais tu n'as rencontré que mensonges écoeurants

Tu marches solitaire et tu t'en vas, errant,

Sur un chemin obscur, empli d'iniquités.

 

Tu l'as donc déposé ce fardeau bien trop lourd

Au pied de cet autel où brille la lumière,

Là, dans le clair séjour de la chapelle austère,

Tu t'es laissé bercer par l'Infini, l'Amour.

 

Tu as repris soudain courage et certitude

Et tu pourras lutter contre des habitudes

D'égoïsme sordide et sotte vanité.

 

Tu reprends le chemin d'un pas moins alangui

Car ton coeur est lavé de tout ce poids d'autrui

Qui masquait, à tes yeux, la simple Vérité.

 

Ecrit en 1969

 

E.L. Quivron-Delmeira

Extrait du recueil "Intégrales" paru en 1983

 

 

 

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Alvéoles - Le voyage de Judith (6)

Elle avait beau essayer de s'accrocher mentalement à la voix de Faustine, Judith se sentait une fois encore attirée vers l'espace limbique où elle flottait à nouveau dans une atmosphère cotonneuse et tiède. Elle aurait voulu que la voix de son homme la retienne, mais il avait quitté la pièce, la laissant seule face à ses dernières pensées. Elle avait pressenti l'arrivée de Faustine. Les dernières phrases de Mimmo s'étaient faites l'écho de ses propres pensées. Était-ce une illusion ? Judith ne savait quoi penser, à supposer que dans le monde improbable où elle s'était projetée, penser soit de l'ordre du possible. Le médecin caché en elle doutait largement de tout ceci, mais la jeune mariée, elle, en était convaincue.

Lorsqu'elle avait anticipé l'arrivée de Faustine, une image lui était venue. Elle y pensait comme à une fleur d'un jaune vif sur un fond de ciel bleu. La fleur s'ouvrait d'un coup, puis se mettait comme à résonner.

Judith se laissa fasciner par cette image, laissant son corps rêvé flotter en pente douce vers la masse noire qui semblait renforcer sa présence, plus bas. La voix de Faustine était toujours présente mais seule cette présence au loin était perceptible : Judith n'entendait presque plus rien : ni ce qu'elle disait, ni le bruit des instruments.

Si je perds le lien, je reste ici. Toute seule.

En un sursaut mental, elle jeta ses pensées vers la chambre d'hôpital, mais l'entrée lui semblait désormais interdite. Ce monde ne s'éloignait pas d'elle, mais il se refermait sur lui-même, comme un hérisson se met en boule. L'univers du réel devenait impénétrable.

Non ! Reviens, Mimmo ! Touche-moi, prends-moi la main !

Face aux cris intérieurs de Judith, les mots rassurants de Faustine perdirent toute consistance. Les derniers liens qu'elle avait jetés comme des grappins vers l'univers des mortels se transformèrent peu à peu en un brouillard dense et foncé.

L'homme qu'elle aimait ne percevait plus rien des pensées désespérées de sa femme. Elle avait été en lui et lui en elle, jadis, mais maintenant ils étaient loin l'un de l'autre. Elle errait en-dehors de son corps physique, et lui poursuivait ses chimères. Comme tous les hommes.

Et avec lui était partie la clé du monde réel.

Le fleuve noir enfla encore sous elle.

 

(...)

 

Judith avait crié, s'était révoltée. Personne n'était venu à son secours, pas même Mimmo, resté prisonnier dans la bulle du monde réel. La masse noire vers laquelle elle flottait inexorablement avait peu à peu absorbé le son de sa voix comme si elle s'en était nourrie, tout en lui restituant une vibration nauséeuse, quelque chose comme le ronronnement sourd d'un lion repu.

La jeune femme s'était peu à peu épuisée à tenter l'impossible.

Elle regardait maintenant l'immense masse noire qui venait à sa rencontre, comme une nappe de goudron qui bientôt envelopperait son corps avant de le dissoudre lentement, jusqu'à ce qu'il disparaisse.

La douleur causée par les milliers de piqûres cesserait.

Judith ferma les yeux, et se laissa aller. Bientôt elle serait libre de toute angoisse, de toute attache, et elle libérerait Mimmo aussi, car même si tout contact avait été rompu avec le monde des vivants, elle imaginait que son homme devait se faire un sang d'encre pour elle. Cela devait cesser. Il devait se détacher d'elle, vivre, rencontrer une jolie femme qui lui ferait de beaux enfants. Judith, elle, l'aimerait toujours, car elle aurait tout le temps qu'elle souhaite pour cela, mais lui devait vivre sa vie.

Elle plongea à la rencontre de la masse noire.

Lorsqu'elle entra en contact avec elle, la jeune femme entendit un gémissement de surprise.

Puis tout autour d'elle se transforma.

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En un siècle vertigineux

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Ni ne m’émeus ni ne m’amuse,  

Invitée au Gala des Muses,

Où je pensais m’émerveiller

Dans des jardins ensoleillés.

   

Sans doute trop d’allées ouvertes

Pour d’innombrables découvertes.

Mon âme s’est-elle fermée?

Elle avait tant et tant aimé!

   

Suis revenue de mon voyage

Sans richesses dans mes bagages.

Réminiscences nostalgiques,

Couleurs et parfums romantiques,

   

Près du fleuve majestueux,

Dans le silence vertueux,

Je m’immerge dans la tendresse,

Loin des dérives de l’ivresse.

   

2 mai 2005

 

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Le moi est haïssable

 

Pascal avait conclu: le moi est haïssable.

Or j’essaie de savoir le pourquoi du propos.

Parler de soi pourrait même sembler louable.

Si l’on demeure vrai, ce n’est pas un défaut.

 

Pourtant cette assertion fait que je me questionne.

J’emploie souvent le je, ramenant tout à moi,

Quand j’écris pour capter ce qui soudain m’étonne.

J’aime aussi partager mes plus troublants émois.

 

Certes, nombreux poètes ont révélé leur âme,

Se parlant à eux-mêmes, en un premier moment.

Éprouvant un bonheur ou subissant un drame,

Ils employaient le je, alors spontanément.

 

Pour satisfaire l’envie de se mettre en valeur,

Parfois des ennuyeux nous content leurs mérites.

S’ils n’ont aucun talent, leurs dires sans saveurs,

Nous semblent agaçants, mais sans qu’ils nous irritent.

 

Durant un temps fort long, je suis restée secrète,

Ne lisant mes écrits qu’à ma mère ou mes soeurs.

Or, gagnée par la mode, je devins indiscrète,

Libérant à tous vents mes ardents coups de coeur.

 

J’ai gagné des amis sensibles et courtois.

Ils m’ont trouvée sincère, innocemment aimable.

Mais je n’ai pas cessé de rechercher pourquoi

Le moi devrait paraïtre, en tout temps, haïssable.

 

13 août 2011

 

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Solitude de la pitié

12272749083?profile=original"Solitude de la pitié" est un recueil de nouvelles de Jean Giono (1895-1970), publiées à Paris dans l'Intransigeant de 1928 à 1932, et en volume chez Gallimard en 1932.

 

L'ordre d'apparition des vingt textes dans le recueil correspond à peu près à celui de leur rédaction. Ils figurent parmi les premières productions de Giono, qui les écrit, pour certains, parallèlement à Naissance de l'Odyssée et les considère comme des «récréations d'Ulysse», tant en raison de leur forme brève - deux à trois pages le plus souvent - que de leurs sujets, plus proches que l'Antiquité à laquelle l'écrivain consacre son premier long récit.

 

Dans «Solitude de la pitié», un curé n'offre que «dix sous» de récompense à un vagabond qui, au péril de sa vie et pour nourrir son compagnon malade, est descendu dans le puits du presbytère pour le réparer. Les villageois de «Prélude de Pan», sous l'influence d'un mystérieux individu, entrent soudain dans un état de transe qui dure toute une nuit. Dans «Champs», un paysan raconte comment un beau Piémontais lui a ravi l'amour de sa femme et tout son bonheur. «Ivan Ivanovitch Kossiakoff» relate une amitié intense mais brève durant la guerre de 1914. «La Main» est le récit des amours d'un aveugle. Annette, dans «Annette ou Une affaire de famille», a été placée à l'orphelinat car personne, dans sa famille, n'a voulu s'occuper de l'enfant. Le narrateur d'«Au bord des routes» rend visite à Gonzalès, son ami aubergiste, et tous deux causent de leur vie. Le vieux Jofroi («Jofroi de la Maussan») meurt peu après avoir vendu son verger dont il n'a pu supporter que les arbres soient abattus. Dans «Philémon», on est contraint d'égorger un cochon malade le jour même de la noce de la fille de la ferme. Le vieil homme de «Joselet» explique au narrateur sa conception de l'existence. Dans «Sylvie», le narrateur aime en secret la fille de ferme, revenue au pays après avoir fui la ville avec un amant. La bergère de «Babeau» conte le suicide de Fabre, dont elle a été le témoin passif. «Le Mouton» décrit un paysage à travers l'image d'un animal vivant que l'homme domine et torture. «Au pays des coupeurs d'arbres» évoque la vie passée d'une ferme désormais en ruine. Le narrateur de «la Grande Barrière» veut réconforter une hase qui agonise, mais il s'aperçoit que sa présence cause à l'animal une horreur plus terrible que la mort. «Destruction de Paris» offre une vision à la fois satirique et compatissante de la vie du Parisien, alors que «Magnétisme» montre que les habitués du café d'un petit village connaissent le vrai sens de la vie. «Peur de la terre» évoque la terreur de l'homme face à la nature et «Radeaux perdus» l'expérience de la mort dans les villages reculés. Enfin, dans «le Chant du monde», le narrateur songe à un livre qu'il souhaite écrire et qui porterait ce titre.

 

En dépit de la diversité des nouvelles qui le composent, le recueil comporte certains traits récurrents qui fondent son unité. Ainsi, tous les récits, à l'exception du premier, émanent d'un narrateur qui parle à la première personne et que bien des aspects invitent à confondre avec l'auteur: il s'appelle Giono dans «Ivan Ivanovitch Kossiakoff» et, dans plusieurs nouvelles, il répond au prénom de Jean. Certes, les deux instances demeurent distinctes, mais Giono se plaît à les rapprocher, comme pour lester de réalité les fictions qu'il relate et pour matérialiser dans les textes la genèse de l'acte créateur. Le «je», disponible, sait accueillir les multiples histoires qui viennent à lui et trouver la voix (le ton des récits est en effet plutôt celui de l'oralité) propice à leur restitution. Le cadre rural des nouvelles est également un facteur d'unité et annonce le climat de nombre d'oeuvres futures.

 

Le titre du recueil allie deux notions d'une manière a priori énigmatique. La nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage et l'inaugure présente la solitude de celui qui connaît la pitié comme une conséquence de la cruauté du monde. Rares en effet sont ceux qui ont d'autres motivations que leur propre égoïsme, et le curé lui-même, censé, par sa fonction, pratiquer la charité, est incapable d'apercevoir autre chose que son intérêt et son confort. Cette postulation constitue le fondement du recueil: «Celui qui s'abstrait de l'égoïsme de la masse est seul capable de pitié», explique Giono (entretien avec P. Citron, avril 1969), mais chaque nouvelle propose une mise en rapport singulière des deux notions du titre.

 

La tonalité d'ensemble de l'oeuvre est pessimiste, dans la mesure où la pitié est peu souvent présentée comme positive et efficace. Le syntagme «solitude de la pitié» signifie alors que sujet et objet de la pitié ne sauraient se rejoindre: celui qui éprouve la pitié et celui qui l'inspire demeurent le plus souvent radicalement seuls. Ainsi, dans «la Main», la pitié est inutile parce qu'elle est le fruit d'un malentendu; l'aveugle Fidélin conclut sa poignante histoire par une étrange formule qui semble lui retirer sa crédibilité: «Il faut bien dire quelque chose pour rire.» Dans «Jofroi de la

Maussan» et dans «Sylvie», l'être qui inspire la pitié est incapable de s'en apercevoir car il est coupé du reste du monde, muré dans une idée fixe ou des illusions: Jofroi, qui ne pense qu'aux arbres qu'il a plantés et qu'on veut détruire, ne voit pas la patience et les efforts dont les autres font preuve à son égard; Sylvie, perdue dans des souvenirs idéalisés, ignore l'amour vrai et profond qu'elle inspire à son confident de tous les jours. «La Grande Barrière» montre que la pitié peut être une torture et non un réconfort: «La bête mourait de peur sous ma pitié incomprise; ma main qui

caressait était plus cruelle que le bec du freux.»

 

Dans ce recueil, bien des existences se croisent sans parvenir à se rencontrer, bien des personnages sont voués à une destinée qui demeure énigmatique, du fait notamment que les nouvelles n'en captent que des instantanés et ne dévoilent ni leur passé ni leur avenir. L'incommunicabilité qui, dans bien des récits, sépare les personnages est d'autant plus poignante pour le lecteur que lui-même, faute d'informations suffisantes, est confronté à des êtres qui restent opaques, qui le touchent au vif sans qu'il puisse totalement les déchiffrer. C'est alors à sa propre solitude qu'est renvoyé le lecteur, invité à méditer sur son appartenance à l'universel égoïsme et sur les limites de sa propre faculté de compassion.

 

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LES TROIS AMIS

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Trois amis se trouvent en harmonie

Le Pin

associé à la pierre se tient durant des milliers d'années dans la chaleur et le froid gardant la même couleur  c'est la Fidélité

Le Bambou

Endurance et force spirituelle il ploie mais ne se casse pas

Le Prunier

Pureté d'esprit et de coeur , peindre les fleurs du prunier comme on dessine l'ombre des fleurs c'est "esquisser l'idée "

 

Esquisse AA  huile sur papier fort ,d'après une encre de Zho Mengjian (1189 -1264)Le grand livre de la peinture chinoise

 

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L'écho

 

 

 

Le ciel porte-il un nom au dessus de la conversation ?
la terre porte-t-elle un nom dans le bac à sable ?
angoisse pétunias et myosotis
j'ai écrasé un moustique contre le barreau de la chaise
ce bruit qui efface l’écriture
dans le reflet des vitres

Prends garde à toi
il reste la table où nous sommes si nombreux
les fleurs et les miettes
sous les ongles bat l’horloge contre la peau
le bruit de l’eau et les yeux vagabonds

Le long de l’archet
l’araignée tisse sa toile
me tranche la gorge
claque et se rétracte prisonnière de la nappe

Que reste-il des livres écrits ?
que reste-il du silence ?
une tasse de porcelaine livrée aux fourmis
des airs de musique
chauve-souris
yeux de chouettes et noctambules
petites cuillères à dormir debout
dans le sucre glace

Entends-tu les montagnes dans le ciel
l'écho des trottoirs vides
poursuivis par les ombres
les pelouses sèches au fond du cimetière
le sel le poivre sont orphelins
la rose blessée se pose à genoux

Petite flamme il est minuit
les aiguilles restent à la verticale
ébréchées



B – 12-08-2011

 



 

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12272747484?profile=originalIl s'agit des mémoires de Charles Alexis Clérel de Tocqueville (1805-1859), publiés à Paris chez Calmann-Lévy en 1893.

 

Écrits en 1850-1851 par un homme essayant de mettre de l'ordre dans ses impressions au sortir de la tourmente de la révolution de 1848, ces Souvenirs expliquent l'itinéraire de Tocqueville. A l'évident intérêt historique de ces pages, s'ajoutent les éminentes qualités d'écriture déployées par un écrivain au sommet de son art. Se rapprochant des Mémoires de Retz, ces Souvenirs politiques analysent un rôle et une expérience personnels en même temps qu'ils proposent une vision éclairante des événements, de leurs modalités, de leurs causes et de leur inscription dans une Histoire plus large.

 

 

Les trois parties de l'ouvrage (comprenant 5, 11 et 4 chapitres), avec leurs commentaires, notes infra-paginales et marginales, sont consacrées à la révolution de 1848. Des journées de Février à octobre 1849, date à laquelle Tocqueville quitte le ministère des Affaires étrangères du fait de la démission du gouvernement Odillon Barrot, se déroule dans l'ordre chronologique la suite événementielle des dix-huit mois de référence (Février, élections, fête de la Concorde, journées de Juin, etc.). Au récit s'ajoutent des jugements (II, 1), la relation de la candidature de Tocqueville dans la Manche, la description de la vie parlementaire et de ses leaders, celle de l'activité de l'écrivain au sein de la commission de Constitution, la présentation du cabinet auquel il appartient à partir du 3 juin, enfin un panorama de la politique étrangère.

 

 

Frappe d'abord l'art du portrait. Ainsi, exemplaire, celui de Louis-Philippe: "Sa conversation prolixe, diffuse, originale, triviale, anecdotière, pleine de petits faits, de sel et de sens, procurait tout l'agrément qu'on peut trouver dans les plaisirs de l'intelligence quand la délicatesse et l'élévation n'y sont point"; ou celui de Louis Napoléon: "Sa dissimulation, qui était profonde comme celle d'un homme qui a passé sa vie dans les complots, s'aidait singulièrement de l'immobilité de ses traits et de l'insignifiance de son regard." Férocité du trait, précision des mots, élégance de la phrase: le regard de Tocqueville se révèle impitoyable dans sa sérénité. Cette attitude désabusée ne s'explique pas seulement par son éloignement du pouvoir. Elle relève aussi d'un jugement général sur les hommes, victimes des événements et du cours des choses, en quelque sorte irresponsables et dépassés par leur rôle.

 

Quoique rétrospective, l'écriture de Tocqueville maintient l'illusion de la chronique, rédigée au jour le jour par un témoin ou par un journaliste supérieurement informé et clairvoyant. Tout est digne de mention: menus incidents, rencontres, conversations, retenus au nom d'une "âpre curiosité". Les Souvenirs mettent en scène cette passion de voir, dont l'une des marques est la récurrence d'expressions comme "Je descends aussitôt", "Je sentis aussitôt"... Cette boulimie se trouve favorisée par les nombreux déplacements pédestres, promenades autant qu'explorations, à la fois reportages et investissement du lieu parisien auxquels se livre un infatigable arpenteur.

 

Oeuvre de sociologue autant que d'homme politique, les Souvenirs accumulent les observations. Certes, on peut regretter la quasi-absence de notations sur les réalités économiques, pourtant décisives dans l'évolution de ces quelques mois. Pour Tocqueville, c'est la société, "assiette de la vie politique", qui commande tout. La monarchie de Juillet fut bien le triomphe des classes moyennes, mais, par leur impérialisme, elles détruisirent l'équilibre de cette société, et Louis-Philippe fut l'"accident qui rendit la maladie mortelle". Mais Tocqueville ne croit pas que "le gouvernement républicain [soit] le mieux approprié aux besoins de la France", et l'irruption de la violence le range encore plus du côté de l'ordre, contre un "malade, méchant et immonde", Blanqui, ou un Ledru-Rollin "dépourvu de principes et à peu près d'idées". La dernière partie du livre voit la métamorphose du témoin en acteur. Plus politicienne et apologétique (il s'agit de montrer comment Tocqueville reste fidèle à sa ligne de conduite: servir les intérêts essentiels du pays en s'accommodant d'une situation difficile), elle est aussi plus directement idéologique, et intéresse l'historien, sans perdre pour autant ses qualités littéraires. S'il reste avare de confidences sur son rapport personnel au pouvoir, ses charmes et ses poisons, Tocqueville nous offre une analyse qui, sur le plan politique, soutient la comparaison avec les pages que Marx a consacrées à la même période.

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Ma maisonnette

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                                                             Je la vois qui vieillit en même temps que moi

Mais je ne l’aide pas à paraître plus jeune.

Je l’aime autant qu’avant, davantage peut-être.

  

Elle garde à l’abri, et toujours accessibles,

Mes trésors personnels concrets ou invisibles.

Je suis comblée de joie quand son jardin fleurit.

   

Inévitablement et sans l’avoir voulu,

Je partirai un jour, la laissant dépourvue.

Alors disparaîtra, subitement, son âme.

  

 

 

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Au son des violons, un message de vie.

- Si la mélancolie t’incite à la paresse,

Lève les bras, balance les épaules et danse.

 

Avec ton âme danse, sous la voûte céleste.

Léger, en liberté dans la pleine lumière,

les bras levés, les épaules mouvantes, danse.

 

Laisse monter en toi la vibrante énergie.

Puis, restant en éveil, accueille le silence,

Pour les choses du coeur et de l’intelligence.

 


19/8/91


 

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FLO à Genève et Annecy

 Juste vous rappeler les "lieux d'arts" ou vous pouvez voir mon travail récent. Pendant tout l'été:

escalier calvin 

A Genève dans la vieille ville:  4 rue Calvin  galerie ouverte 4 jours par semaine ou sur rendez vous.  tél:+41 22 735 10 00

A Annecy. Galerie "au delà des apparences" Vieille ville Rue de la Filaterie.

ouvert du mardi au samedi de 14 à 19h.

voir lien link.


Et bientôt dès le 22 septembre à Paris.

 "Salon 109" cité internationale des arts hôtel de ville 18eme

 Belle fin d'été à vous et merci de votre regard. 



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Blondine aux grands yeux clairs elle étendait,

Ses ailes au vent étoilé de sa fraîcheur,

Pour étonner son crédo elle se hissait,

Dans ses absurdités, doux songes aguicheurs.

 

Beau, le prince charmant courait avec elle,

Dans les blés aux épis gorgés d’or pour ravir,

Un baiser soupiré, quête irréelle,

Refusé par badinage de fol plaisir.

 

Aventures étranges, amours exaltés,

Des poissons d’argent ondoyaient dans son ventre.

Les bons indiens, des cow-boys, scalpaient leurs fiertés,

Et douce marquise dansait du bas-ventre.

 

Avide de savoirs, Blondine grandissait,

Dans les ouvrages gloutons de connaissances,

Les contes et durs savoirs, elle apprenait,

De lignes en pages  les réjouissances.

 

Les vacances étaient liberté des oiseaux,

Pour marauder dans les vergers couleurs de fruits,

Grimper aux arbres, revêtue d’oripeaux,

Pour atteindre le larcin, sans faire grand bruit.

 

L’adolescence la mena aux fiers combats,

Du vice et de la vertu dans un cloître,

L’oiseau aimait sa cage des surs célibats,

Entourée de corbeaux, dans la paix, croître.

 

Les jardins étaient loin, y volait son âme,

Qui s’affirmait, tâtait la vie claustrale.

Se purifiait l’aura, de la foi qui pâme,

Plongeait dans la tempérance sidérale.

 

La vie va chercher au nid qui veut la fuir,

Entraîne dans l’errance de son sillage,

Qui voudrait se dérober mais ne peut s’enfuir,

Berné, vivre avec ou sans maquillage.

 

Les décades d’erreurs ont glissé sur le temps,

Les ravines ont creusé leurs sillons plissés,

Aux coins du gouffre des yeux flétris entre-temps,

Les larmes ont coulé leurs fins fils angoissés.

 

Vieille et raidie, elle court maintenant,

Dans le vent léger, jouvence de ses contes.

Sa souche s’est perdue, carême-prenant,

Parmi le passé controuvé de sa honte.

 

Défunte de peu, apaisé dans la brise,

L’antan dort et brûle dans le feu affamé,

Son corps se consume dans la cendre grise,

S’éparpille dans le bref discours proclamé. QC.

 

 

 

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Alvéoles - Le voyage de Judith (5)

 

Judith avait été comme aspirée vers le haut. La rivière noire n'était plus qu'une ombre qu'elle devinait derrière une brume légère et tiède. Elle sentait la main de son mari tout autour de la sienne, chaude, protectrice. C'était sa main qui l'avait rendue légère, qui lui avait porté secours. Mimmo lui parlait doucement, et même s'il lui était difficile de tout suivre, Judith sentait au ton de son homme que quelque chose avait changé. De toute évidence, il avait dépassé le stade de la simple culpabilité.

Son homme était préoccupé par elle, mais il y avait quelque chose de nouveau. Quelque chose qu'il ne comprenait pas, mais dont Judith savait déjà qu'il ne pourrait s'en débarrasser tant qu'il n'aurait pas été au bout des choses. Méprisant la menace noire dont elle s'était éloignée – pour combien de temps, voilà qui restait à deviner – elle se concentra sur la voix de son homme.

— Ces soit-disant sociétés n'ont aucune réalité, dit Mimmo. Leur site web n'a existé que durant quelques jours. Tout ceci a été orchestré à grande échelle. J'ai trouvé pas moins de cent sites provisoires, qui présentent tous un contenu identique aux autres. Rien qu'en France.

Judith perçut dans sa voix la même détermination qu'il avait manifesté lorsqu'ils s'étaient rencontrés. La même curiosité dévorante, aussi. Si à cette époque, Mimmo n'était pas entré dans la maison de Judith par effraction, jamais il n'aurait pu la sauver de la noyade. À cette idée, Judith sentit la rivière noire enfler, loin sous elle, mais toujours menaçante. Elle renonça à penser  davantage à cet épisode.

— Je vais tenter d'en savoir plus avec les moyens du bord, mon amour. J'ai besoin de comprendre tout ça.

Le jeune femme se sentit basculer. Elle connaissait son mari : s'il le fallait, il s'éloignerait d'elle, pour chercher, poser des questions, réfléchir, agir. Et, d'expérience, les moyens du bord tels que Mimmo les concevait pouvaient être parfois bien ambitieux. Elle ne se sentait pas assez forte. S'il partait, son corps serait plus lourd à nouveau, il glisserait sous la brume et s'approcherait une fois encore de la rivière noire, jusqu'à la toucher. Et elle se perdrait.

Judith décida de fuir ce décor où elle se sentait bien trop seule et revint vers la chambre d'hôpital où elle était allongée.

— Je veux pouvoir tout te dire, tout t'expliquer. Je veux trouver ceux qui organisent tout ça. Ceux qui détruisent des essaims par milliers. Qui les font fuir, qui les affolent et les rendent dangereux. Je veux savoir qui a osé s'attaquer à... nous.

À ces mots, Judith sentit la chaleur de ses mains la pénétrer plus avant. Il venait de le dire : c'était à leur couple que l'on avait porté atteinte. Pas à elle seule, pas à son corps allergique, pas à son métabolisme imprévisible, non : à eux. Le couple qu'ils étaient jusqu'au tréfonds de leur âme et de leur corps. Elle sentit toute son âme s'orienter vers Mimmo, comme une évidence, lui envoyer tant et tant de signaux mentaux, mais une fois encore, Judith se heurta aux limites de son corps inerte : ni sa respiration, ni son rythme cardiaque ne se modifièrent.

Elle aurait voulu hurler sa rage et déception, lui dire comme elle regrettait de ne pas pouvoir l'aider, mais au lieu de cela, son esprit continua à rebondir aux murs capitonnés de son coma. Je suis là, Mimmo ! Merde, pourquoi ma voix ne peut-elle t'atteindre ? Je suis vivante ! Je t'entends, je te comprends ! Ma main dans la tienne, je la sens ! Dis-moi que tu sens cela aussi, je t'en prie !

— Je suis sûr que tu ferais la même chose, à ma place, poursuivit Dominique. Je n'accepte pas qu'on menace notre couple. Et toi non plus, j'en suis sûr.

Non, mon amour, je ne l'accepte pas.

— Judith... Les médecins peuvent dire ce qu'ils veulent, mais moi, je sais que tu es là. Je le sens.

C'est ma main dans la tienne, Mimmo.

— Je tiens ta main.

On ne se lâche pas.

— On se bat ensemble. Toi dedans, moi dehors. On ne se quitte pas, on ne se lâche pas.

Toujours. Je voudrais tant t'aider, Mimmo.

— Je suis sûr que si tu le pouvais, maintenant, tu ferais n'importe quoi pour m'aider. J'imagine ta frustration si tu entends tout ce que je dis. Ne te laisse pas aller, Judith. Promis ?

Je vais faire de mon mieux. Oh mon Dieu, si tu pouvais encore me dire des choses qui me font croire que tu m'entends un peu ! Parle-moi, Mimmo, donne-moi de l'espoir !

— Tu te souviens de ce que tu m'as dit, au fond de notre petite maison de pierre ? Après avoir envoyé valser la bouteille de Limoncello au pied de notre lit ?

J'étais en toi.

— Tu m'as dit que tu étais « en moi ».

Nous n'étions qu'un seul.

— C'est aussi ce que j'ai ressenti.

Je reste en toi. Où que tu sois. Tu entends ce que je pense. Faustine va arriver.

— Je reviens un peu plus tard. Je dois encore poser quelques questions à mon seul témoin. Je ne serai pas long. Je t'aime.

Moi aussi je t'aime. Qu'est-ce que je viens de dire ?

— À tout à l'heure. Tiens bon, ma petite alpiniste.

Judith sentit les doigts de son homme glisser sur son poignet, puis sur sa paume. La caresse provoqua une vague de chaleur dans sa colonne vertébrale, mais comme elle s'y attendait, rien ne fit changer la mélodie artificielle des instruments de mesure. Mais pour Judith ce n'était plus l'essentiel.

Quelques instants plus tard, de grands frissons – était-ce un léger courant d'air ? – la parcoururent toute entière, et soulevèrent à nouveau tous les poils de son corps, au moment où elle entendit la voix de son homme dire tout bas :

— Votre mari dort ? Non ? Tant mieux. J'aimerais lui parler, j'ai d'autres questions à lui poser. Et j'appellerai Louis, si vous croyez que je peux le déranger à cette heure. Oui, oui, entrez, c'est gentil à vous. Parlez-lui. Beaucoup.

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Sur les chemins de Compostelle ...

 

16 juillet 2011.

 

Onze heures dix.

 

Quelle émotion, ce matin, à Grandchamp, quand j'ai quitté le gîte. Le couple et les deux filles pour me faire signe, me dire au r'voir, juste devant la porte ...

 

Elle est belle, la halle, à Wasigny.

 

Entre temps, dans les champs, j'ai aperçu un lièvre. Comme hier, à peu près au même endroit.

 

Les p'tits oiseaux, sur les fils, se posent et s'envolent en série.

 

Destination finale, aujourd'hui : Château-Porcien. C'est gratuit, là-bas, le gîte. Faut juste passer par un bistrot, où quelqu'un a la clé.

 

Dans la rue, à Wasigny, des p'tites vieilles refont le monde.

 

On continue. Paraît qu'il faut faire un kilomètre à peu près, passer devant l'ancienne gare et un silo, tourner à gauche, à un moment donné où y a un calvaire.

Champs de blés.

Et ... sur le terrain, le temps venu de tourner à gauche (comme l'indique le dépliant), pas de calvaire. Mais bien ... un camion et deux messieurs. Le plus âgé vient à ma rencontre, me demande si je ne me suis pas perdu. Et il m'explique que ... le calvaire n'est plus à sa place. Oui, y a une trace blanche sur le sol, quand on regarde. Le gars me tend ensuite un chewing gum.

 

Midi trente.

 

Village de Justine-Herbigny.

 

Je m'arrange, à chaque village où je passe, pour trouver un banc et m'accorder un quart d'heure de pause ... plus qu'académique.

 

Un peu de pluie, sur la route, à un moment donné.

 

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Grandchamp, le matin : voici l'heure du réveil

 

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ah ! les tenanciers du gîte dorment encore ... d'autres propriétaires sont déjà bien bien levés (comme moi)

 

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au moment de partir ; on appose un cachet sur le "Credencial"

 

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Wasigny : la halle

 

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Les champs de maïs portent-ils la barbe ?

 

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encore un village franchi : Justine-Herbigny

 

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barbeblés ?

 

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deux petits bonshommes annoncent une pluie passagère

 

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on va se perdre un peu

 

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l'ombre de Charles Trenet se manifeste dans mes écouteurs

 

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fin d'après-midi : déjà à Château-Porcien, destination finale du jour ... faudra repérer le "Longchamp", sur une grand'route

 

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au gîte municipal, je ne serai pas seul ... Jean-Baptiste, venu tout droit de Forest (Bxl), m'y attendra ... nous passerons un très très bon moment (malgré l'eau froide)

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Octobre, sublime requiem

 

En hommage à Paul Éluard, dit Jean Amy, poète de la résistance

 

Les vers déchirants d’un poème,

Sur une page de cahier.

Couvrant ses faces quadrillées,

Des mots d’une souffrance extrême.

 

Sur une page de cahier,

D’un être, seul avec lui-même

Des mots d’une souffrance extrême,

Certes impossible à oublier.

 

D’un être seul avec lui-même,

Dans la douleur et indigné,

Certes impossible à oublier,

Des vers d’une force suprême.

 

Dans la douleur et indigné

Qui, cependant, dans le vent sème

Des vers d’une force suprême,

Religieusement alignés.

 

Qui cependant dans le vent sème,

Pour éveiller les épargnés,

Religieusement alignés,

Les paroles d’un requiem.

 

7 septembre 2008

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