JACQUELINE KIRSCH OU LES DIALOGUES DE L’AME
Du 11-03 au 29-03-15, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre du peintre Belge JACQUELINE KIRSCH, dans une exposition intitulée MIROIR DE L’AME 2015, dont l’univers onirique ne manquera pas d’interroger chaque recoin de votre imaginaire.
JACQUELINE KIRSCH déploie l’étendue de sa palette dans un florilège d’éléments qui caractérisent sa signature.
Premièrement, son langage se dessine dans une forme d’intemporalité exprimée par les sujets représentés, baignant dans différents stades physiques et psychologiques de la vie mais enrobés d’une couche d’ « enfance » figée dans l’instant, comme un bonbon est enrobé d’une strate de caramel luisant.
Ensuite, intervient l’amorce du regard qui fixe (sans doute devrait-on dire « fige ») le visiteur dans un contact carrément magique, en ce sens qu’il « immobilise » l’attention portée à l’œuvre dans un rapport épiphanique. Les yeux écarquillés, presque démesurés, divisant le visage latéralement, expriment la vérité d’une fenêtre ouverte sur le Monde dans une extase innocente.
Troisièmement, le jeu des mains structurant le mouvement dans une symétrie parfaite. Ces mains sont conçues d’une façon qui tranche, en quelque sorte, avec le sujet représenté, à savoir une vision de l’enfance et de l’adolescence. En effet, leur apparence noduleuse, affilée (voire squelettique à certains moments) se pose en contraste avec cet univers d’innocence et de pureté. (CONSOLATION – 80 x 60 cm – huile sur toile)
- (AU CAMP – 80 x 60 cm – huile sur toile)
– (L’ADOLESCENT – 80 x 60 cm – huile sur toile).
Enfin, une savante alchimie dans le traitement chromatique nous propose une utilisation des couleurs, généralement tendres, telles que le vert-clair, le jaune, le rose, le bleu-ciel et le blanc.
Le visiteur ne manquera pas d’être saisi par l’excellente organisation de l’espace. On plus exactement, de l’ « espace-temps », en ce sens qu’un rapport s’installe entre le sujet représenté à l’avant-plan et la conception spatiale, pensée en perspective en arrière-plan, laquelle est dominée par le sujet dont le volume écrase en hauteur l’ensemble de la composition sur les ¾ de la toile. (CONSOLATION et L’ADOLESCENT – cités plus haut).
Ces visages (en fait, le visage répété – légèrement modifié à chaque reprise), surmontés d’une chevelure blonde ainsi qu’une bouche également répétée à l’identique, de même un nez prenant sa source à partir des sourcils et un menton en pointe terminant le visage, sont pour le regardant la signature immédiatement repérable de leur auteure.
Comme nous l’avons spécifié plus haut, l’exposition s’intitule MIROIR DE L’AME. La notion du « miroir », en ce qui concerne l’Histoire de l’Art, est spécialement circonscrite dans l’autoportrait. Mais avec cette artiste, la dimension réflexive par laquelle se dévoile la psyché, se retrouve dans cette série de visages mélangeant enfants (CONSOLATION – AU CAMP – cités plus haut), adolescents (L’ADOLESCENT – cité plus haut) et adultes (LA BALLERINE 100 x 80 cm – huile sur toile – LE MIROIR 80 x 60 cm – huile sur toile).
Tous baignant dans une même intemporalité….sucrée !
Mais à ce stade, un autre élément vient, en quelque sorte, contrebalancer cette douceur : le traitement des mains. Elles traduisent une technique héritée de l’Expressionniste allemand. Il est d’ailleurs extrêmement intéressant de constater la relation intrinsèque existant entre les titres des tableaux et leurs sujets. Là où apparaissent les mains noduleuses et torsadées s’insinue un rapport de tendresse : CONSOLATION – TENDRESSE (op. cit.).
TENDRESSE offre d’ailleurs l’occasion de constater l’immense technique de l’artiste. Le traitement de la main soutenant le visage de la petite fille par sa grande sœur, laissant apparaître le tranchant volumineux, nous en dit long sur la maîtrise de l’artiste à reproduire le volume. L’expressionnisme des mains traduit un effet enveloppant et de soutien. Elle assure une atmosphère par un geste rassurant.
Nous avons souligné plus haut la douce harmonie des couleurs. Cette harmonie se détache à partir de zones spatiales déployées sur la toile. Observons la façon par laquelle le chromatisme se développe dans CONSOLATION. Cette toile se présente comme une série d’éléments « imbriqués », si l’on peut dire, l’un dans l’autre : la base du cou des personnages prend naissance à partir du pull, établissant une nette démarcation à la fois spatiale et chromatique. La main du personnage de droite, posée sur le pull rouge de celui de gauche, offre à l’artiste l’opportunité de placer une haute note blanche sur la zone rouge du pull, mettant en exergue la blancheur du visage du personnage. Le jeu des mains accentue l’équilibre de la composition.
LE MIROIR (80 x 60 cm – huile sur toile),
est également un très bel exemple de sa virtuosité technique.
Il confère à l’exposition tout son sens car le miroir physique représenté sur la toile est, en réalité, celui de l’âme. Le discours explicité par l’artiste n’est autre que celui d’un dédoublement : le sujet réfléchi dont nous ne voyons que le dos, à l’avant-plan et son reflet dans le miroir, conçu comme espace d’arrière-plan. A ce stade, posons-nous une question : quel (et non « qui ») est le véritable sujet de cette œuvre ? Est-ce le dos du personnage féminin, amputé de son visage formant un volume dont la présence occupe l’avant-plan de l’espace scénique ? Est-ce alors le reflet de ce même personnage qui, dans la lumière du miroir, nous dévoile son visage ? Où donc se trouve l’identité du sujet ? S’agissant d’un dédoublement, le personnage est présenté de biais face à son double. Son reflet est campé dans une excellente exposition du buste tourné de profil par rapport au visage, conçu en plan. Celui-ci est compris à l’intérieur de la coiffure divisée par la frange. Tout part des sourcils pour aboutir aux pommettes dessinées en triangle se terminant dans le bas. On a le sentiment d’être en face d’un masque. Qu’y a-t-il derrière celui-ci ? Le traitement de la couleur signifiant la lumière est tout aussi excellent : il décline un contraste entre la blondeur « or » de la chevelure du personnage et l’univers irradiant du miroir exhalant une lumière dorée tirant sur le vert. Intéressante est aussi la conception de la lumière enveloppante émanant du miroir que l’on retrouve également en dehors de la source réfléchissante, soit à l’extrême droite de la toile, détachée du cadre, lui-même conçu en jaune-or.
L’univers de JACQUELINE KIRSCH est, comme nous l’avons vu, bercé par l’image de l’enfance. Certaines de ses œuvres picturales représentant des enfants ont pour origine des photographies. Il y a manifestement dans sa peinture non pas une volonté de portraiturer au sens propre, historique du terme mais bien d’assurer une volonté de portrait dans son sens le plus symbolique.
Et ce symbolisme compris comme « idée », « image » se retrouve dans l’expressionnisme des mains entendu comme un désir d’amour, d’appel à la tendresse. Les mains semblent être d’ailleurs l’un des thèmes de prédilection de l’artiste dans la palette de ses expressions. Des peintures ne figurant pas dans l’exposition représentent un rendu extrêmement poignant de mains qu’elle a peintes dans le passé. Elles traduisent l’âme humaine d’une façon tout aussi criante que celles actuellement exposées dans ses toiles. Si l’on va au tréfonds des choses, l’on s’aperçoit qu’en dernière analyse, les mains sont aussi « parlantes » que le visage. Parce qu’elles portent en elles un vécu, à la fois humain et social. Et cette contraposition des mains et des visages est un thème central de l’Histoire de l’Art.
L’artiste, qui peint depuis trente-deux ans, a une formation classique. Elle a fréquenté l’Académie de Braine-l’Alleud et fut l’élève des Professeurs Daniel Pelletti et Jean-Marie Mathot. Elle travaille à l’huile sur toile de lin. Dans un premier temps, elle aborde la toile nue en appliquant une première couche dans laquelle la térébenthine prime sur l’huile. Ensuite, elle applique une deuxième couche où les deux produits sont à égalité dans leur quantité.
Lorsque tout est sec, elle ajoute les glacis pour augmenter le volume des visages ainsi que des vêtements et des mains. Ses influences sont notamment les peintres expressionnistes Allemands (tels que Otto Dix – sans son côté sulfureux), mais aussi Dürer et Cranach.
JACQUELINE KIRSCH nous livre son âme émergeant, lumineuse, de l’eau du miroir. C’est une très belle âme ! On y retrouve l’inquiétude exprimée dans les mains torturées mais aussi la douceur et le désir absolu de tendresse dans la gaieté d’un chromatisme à la fois onirique et joyeux. Elle nous révèle la beauté d’un âge doré qui se dévoile, doucement, dans une lente intemporalité.
François L. Speranza.
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(11 mars 2015 - Photo Robert Paul)