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Antonello de Messine occupe une des première places dans la peinture méridionale italienne. Mais si l'on sait de longue date son rôle majeur, sa vie et sa carrière sont restées longtemps mystérieuses. Un certain nombre de questions, concernant sa formation et le catalogue de ses oeuvres, n'ont reçu que des réponses provisoires. La fréquente remise en cause des attributions ne permet donc pas d'établir un inventaire exhaustif de ses oeuvres.

La vie

On date de 1430 la naissance d'Antonello da Messina : en effet, il est mort en février 1479, après avoir fait son testament le 14 février, " à l'âge de quarante-neuf ans ", d'après Vasari. Le premier document relatif à son activité de peintre est de 1457. On ne connaît presque rien de ses années de formation qu'on situe entre 1445 et 1455. Seule la lettre de Pietro Summonte à Marc-Antoine Michiel (20 mars 1524) atteste ses études à Naples chez Colantonio, considéré alors comme un maître dans le milieu napolitain. C'est le seul moment où l'on pourrait placer le voyage en Flandre que lui prête Vasari, et que la critique moderne juge invraisemblable. Un document relatif au différend qui l'oppose à son disciple Paolo di Ciacio prouve en tout cas sa présence à Messine en 1456. On a conservé un contrat du 5 mars 1457, par lequel il s'engage à peindre une bannière de procession pour la confrérie San Michele dei Gerbini à Reggio Calabria. Il est alors marié et on date de ces années la naissance de son fils Jacobello, puis de sa fille Catarinella. Il réside en Sicile, mais fait des séjours sur le continent (en 1460 son père loue un bateau pour aller le chercher à Amantea en Calabre, où il se trouve avec sa femme et ses enfants). L'année suivante, il prend comme garçon et apprenti son frère Giordano. Sa première ouvre signée et datée (1465) est le Salvator Mundi de Londres (National Gallery). Il exécute en 1467 un Saint Placide (perdu) pour la cathédrale de Messine. C'est tout ce qu'on sait de lui jusqu'en 1470, date de l'Ecce Homo de New York (Metropolitan Museum), signé et daté. En 1472 et 1473, il travaille à un polyptyque (perdu) pour l'église San Giacomo à Caltagirono et peint une bannière pour la confrérie de la Trinité de Randazzo. En 1473, il signe et date le Polyptyque de saint Grégoire sée national de Messine), commandé par l'abbesse du monastère San Gregorio pour l'église Santa Maria extra moenia, et l'Ecce Homo de Plaisance (collège Alberoni). Le 23 août 1474, Antonello s'engage à exécuter, pour l'église Santa Maria dell' Annunziata du Palazzolo Acreide, une Annonciation (Syracuse, musée du Palazzo Bellomo), qu'il signe et date. Le Portrait de Berlin (Kaiser Friedrich Museum), signé et daté, est de cette même année. Son séjour à Venise en 1475 et au début de 1476 est attesté d'abord par la lettre de Matteo Colaccio à Antonio degli Adinolfi louant le retable commandé à Antonello par Pietro Bon pour l'église San Cassiano, ensuite par les portraits qu'Antonello a faits d'Alvise Pasqualino et de Michele Vianello, que Michiel inventoria en 1532 dans la Casa Pasqualino, enfin par la lettre du duc de Milan Galeazzo Maria Sforza, à son ambassadeur à Venise, datée du 9 mars 1476, dans laquelle il demande à Leonardo Botta d'engager Antonello comme peintre de la Cour à la place de Zanetto Bugatti mort depuis peu. Antonello est-il allé à Milan ? Là encore, les avis divergent : en effet, le 16 mars, Pietro Bon annonce au duc qu'il laisse partir Antonello sous condition qu'il revienne une vingtaine de jours à Venise pour achever le retable, mais le 14 septembre de cette même année, Antonello est à Messine pour payer le troisième tiers du contrat dotal de sa fille. En tout cas, il apparaît que le séjour vénitien a été particulièrement fécond ; outre le Retable de saint Cassien (Vienne, Kunsthistorisches Museum), Antonello a signé et daté, en 1475, le portrait dit Le Condottiere (Paris, musée du Louvre) et la Crucifixion d'Anvers (musée royal des Beaux-Arts) ; on rattache aussi à cette période le Portrait de la galerie Borghèse à Rome, que R. Longhi identifie au portrait de Michele Vianello, le Saint Sébastien de Dresde (Staatlich Gemäldegalerie) et peut-être le Saint Jérôme dans son cabinet de travail (Londres, National Gallery) que Michiel admira dans la Casa Pasqualino pour sa manière " à l'occidentale ", c'est-à-dire flamande. Le Portrait Trivulzio de Turin (Museo civico) est signé et daté 1476, sans que l'on puisse préciser s'il a été exécuté à Venise ou à Milan, en admettant qu'Antonello ait fait un séjour dans cette ville entre mars et septembre 1476. Mais c'est probablement à son retour en Sicile qu'il exécute la Crucifixion de Londres (National Gallery), que la plupart des critiques datent de 1477. Quant au second Portrait de Berlin (Kaiser Friedrich Museum), malgré la datation incomplète du peintre (147.) on le date de 1478 car on peut l'identifier avec certitude au portrait que Zanetti cite avec cette date, pour l'avoir vu à Venise en 1771. Le 5 novembre de cette année 1478, Antonello s'engage à peindre un gonfalon pour Ruggero de Luca di Randazzo. Mais le 14 février 1479, il est malade, fait son testament et, le 29 février, son fils Jacobello renouvelle le contrat avec Randazzo en s'engageant à exécuter ce que son père n'a pas eu le temps de terminer avant de mourir.

L'oeuvre

La vie d'Antonello propose toute une série d'énigmes. Comment s'est-il formé ? A-t-il été en Flandre, comme l'affirme Vasari ? A-t-il rencontré Piero della Francesca, comme le laissent supposer certaines oeuvres ? A-t-il séjourné à Milan, à Rome, à Florence ? L'histoire de son style est un peu l'histoire de ces problèmes.

Formation et contexte artistique

La culture napolitaine au milieu du XVe siècle est soumise à de multiples influences et la Sicile s'en fait l'écho. L'art catalan est présent à Syracuse, l'art ferrarais à Palerme (Triomphe de la Mort , palais Sclafani), les peintures orientales y sont connues ; l'art provençal a été introduit à Naples par René d'Anjou qui a commencé de rassembler peintures et tapisseries ; l'oeuvre est poursuivie par Alphonse d'Aragon qui prisait fort les Flamands.

C'est donc dans un milieu artistique, vers lequel convergeaient les courants les plus divers, qu'Antonello fait son apprentissage. Il pouvait voir à Naples les oeuvres de Van Eyck et de Roger Van der Weyden ; cela a-t-il suffi pour lui communiquer cette culture nordique si caractéristique de ses premières oeuvres ? Il est vrai qu'il étudiait chez Colantonio, admirateur de l'art flamand qui demanda à René d'Anjou de le laisser voyager dans les pays nordiques. L'autorisation fut refusée et Colantonio dut se contenter des collections princières. Modes et modèles flamands l'ont passionné et son goût marqua sans aucun doute ses élèves.

La place de l'oeuvre

Les réminiscences flamandes qui apparaissent tout au long de l'oeuvre d'Antonello laissent en effet supposer une marque indélébile et un goût très profond pour ce style. Le " repentir " de la main droite du Salvator Mundi de 1465 est capital : malgré une volonté de rupture avec la tradition flamande et un effort d'accession à la culture plus générale du Quattrocento, c'est l'esprit flamand qui domine. L'Ecce Homo de New York, exécuté cinq ans plus tard, rappelle Petrus Christus ; le Polyptyque de saint Grégoire (1473), aux caractéristiques flamandes, mêle curieusement archaïsmes (fond d'or) et innovations (volumes, formes, puissance des personnages) ; le retour au style flamand est sensible dans le Saint Jérôme de Londres et surtout dans l'Annonciation de Syracuse (1474). Pour S. Bottari, celle-ci rappelle l'Annonciation de Petrus Christus (Berlin) ; pour L. Venturi, l'ange est issu du triptyque de Jan Van Eyck qui se trouvait dans les collections d'Alphonse d'Aragon. Mais, en fait, les ascendances stylistiques du tableau ne sont pas encore parfaitement définies ; si l'ange est flamand, la Vierge est italienne et la composition révèle la connaissance de la peinture de Piero della Francesca (colonne divisant la scène en deux). C'est encore Piero que l'on évoque à propos du Saint Sébastien de Dresde. Comme chez Piero, la perspective du pavement renforce les rapports de volumes et la monumentalité de la figure placée dans l'axe de la composition ; les costumes de certains personnages, la lumière rappellent la Flagellation (Urbino). Comment Antonello a-t-il connu la peinture de Piero ? Il paraît invraisemblable que la culture toscane ait si rapidement atteint Naples ; pourtant l'influence de Piero est parfois si patente qu'une rencontre semble évidente. Il faut alors imaginer un voyage avant Venise, peut-être à la suite du voyage à Rome dont parle Vasari. Mais, là encore, une réponse définitive ne peut être donnée.

À Venise, le style change complètement. La Pietà du musée Correr fut longtemps attribuée à Giovanni Bellini, de même que le Retable de saint Cassien qui se trouvait sous cette attribution à Bruxelles en 1659 (galerie de l'archiduc Léopold), où le vit David Teniers qui le grava pour son Theatrum pictorium , ce qui a permis d'en faire une reconstitution. Le problème du volume et de la forme y est résolu par un traitement qui annonce Bellini.

Le cercle restreint de ses familiers, ses disciples, ses imitateurs, était composé de son frère Giordano, de son fils Jacobello, de son beau-frère Pietro da Messina, d'Antonello de Saliba, peut-être neveu du précédent. Pourtant, Antonello n'est pas resté un artiste " isolé et impersonnel " (Berenson) réceptacle du style d'un certain nombre de maîtres à partir duquel il aurait créé sa propre individualité. Son séjour vénitien est capital pour l'évolution de la peinture italienne. L'art de Giovanni Bellini n'a pu que bénéficier de la technique et de la science de la ligne d'Antonello. La simplicité et la noblesse des formes, la couleur, la qualité du portrait ont été autant d'apports à la peinture vénitienne.

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Commentaires

  • La puissance de ses portraits, et tout particulièrement sa Vierge de l'Annonciation, pour son dépouillement et son profond et sublime bleu marial, m'ont toujours touchés. Merci pour cet article et sa belle vidéo.

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