À partir de 1913, Picasso tend à recomposer l'objet non en volumes mais en plans qui en font la synthèse et sur lesquels un dessin très cursif résume l'esprit de la forme (Le Violon et la Guitare , musée de Philadelphie).
Pour donner l'impression au moins d'une équivalence de la réalité, il introduit dans la toile des éléments bruts : tissus, toile cirée, chiffres, lettres de journal, étiquettes de bouteille, fragments de papier peint, et les " papiers collés " sont conçus comme une sorte de transcription musicale d'un groupe d'objets associés pour des raisons formelles et poétiques (Nature morte avec fruits et violon , musée de Philadelphie).
Investigation sans merci d'une réalité dont il veut, et voudra toujours, briser l'apparence compacte et inerte, le cubisme est aussi pour Picasso un moyen de commenter cette réalité de façon humoristique, d'écrire la comédie de l'objet, comédie dont on peut suivre les épisodes dans le Portrait de jeune fille de 1914 (musée d'Art moderne, Paris),
l'Arlequin de 1915 (Museum of Modern Art)
et Les Trois Musiciens (musée de Philadelphie) de 1921
qui sont la conclusion facétieuse du cubisme.
Souvenirs romains et thèmes freudiens
En 1917, Picasso, que la guerre a séparé de Braque et des peintres de Montmartre, part pour Rome, sur les instances de Jean Cocteau, et exécute les décors de Parade pour Serge de Diaghilev. Il collaborera souvent par la suite aux Ballets russes (Le Tricorne , Pulcinella ),
s'éprendra du monde du théâtre et de la danse, ramènera d'Italie une curiosité durable pour la sculpture antique et le classicisme de la Renaissance. D'où un retour à la tradition, qu'explique en partie le climat artistique et social du Paris de l'après-guerre, et qui s'exprime chez Picasso sous la forme de dessins et portraits ingresques, puis de figures monumentales, souvent d'inspiration épique, qui renouvellent l'art du nu, célèbrent la fécondité des beautés rustiques (il vient de se marier et d'avoir un fils) et les plaisirs de la vie balnéaire, évoquent en termes vigoureux le passé idyllique de la Méditerranée (Les Flûtes de Pan , musée Picasso, Paris).
Les années 1924-1925 voient alterner de délicieux arlequins (Paul en arlequin , musée Picasso,Paris)
avec de grandes natures mortes auxquelles la présence de bustes antiques parmi les débris de l'iconographie cubiste donne un accent curieusement oedipien. L'accalmie est de courte durée : en 1925, Picasso exécute La Danse (Tate Gallery, Londres),
toile frénétique et parcourue d'ombres funestes, qui inaugure la période la plus " barbare " de son oeuvre. Qu'il ait ou non connu, à travers les surréalistes, les découvertes et les théories de Freud, il va pendant plus de dix ans et au milieu d'une production très variée peindre un ensemble de toiles qui fixent des images cruelles de cauchemars et d'obsessions érotiques, et qui évoquent avec autant de rancoeur que de férocité la duplicité immémoriale des femmes (Femme assise , 1927, Museum of Modern Art),
le caractère éventuellement grotesque de leur physique tel qu'on l'aperçoit sur les plages (les fusains de la période de Cannes, la Femme au ballon , coll. V. W. Ganz, New York),
la rapacité inhumaine et castratrice de leurs désirs (Baigneuse , 1930, Museum of Modern Art).
Commentaires
Un bien bel hommage.