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théâtre (439)

administrateur théâtres

La fille dans le bocal à poisson rouge / Girl in the Goldfish Bowl

Et si on gardait le titre en anglais ?

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L’histoire : 1962, crise des missiles de Cuba, une pension de famille dans un petit port de pêche au Canada. Iris, 11 ans, bouddhiste et très imaginative, est fermement convaincue que son poisson rouge Alakermaisse, (c’est là qu’on le lui a acheté) récemment disparu, est revenu sous la forme de l’énigmatique M. Lawrence qui débarque dans la pension alors que la famille est en pleine crise de couple. Le poisson ainsi réincarné aura une mission : réparer les tensions entre Owen et Sylvia, les parents d’Iris, sous le regard narquois de Mlle. Rose, cette mauvaise fée-poison, lubrique, alcoolique et méchante qui travaille à la conserverie. Redonner à leurs parents  désunis le goût de vivre, c’est le  rêve de tous les enfants victimes de mésententes.  Voici la cueillette subtile  des derniers instants d’enfance et d’innocence de la petite Iris. 

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Tout touche: le texte  inédit est de Morris Panych, la  mise en scène de Georges Lini et l'interprétation de  France Bastoen, Marc De Roy, John Dobrynine, Nicolas Ossowski et Wendy Piette.

 

Histoire d’eau : l’eau c’est la vie, l’enfance heureuse. Le bocal est vide. Alakermaisse the goldfish est mort. Le décor est quelque peu lugubre pour une fillette de 11 ans. Des murs de papier peint à larges rayures vert/gris. Des meubles inconfortables. Une table roulante chargées d’alcools et une table à dessin chimérique appartenant au père. Lieu géométrique de ses rêves inaboutis et de sa désolation. Sa femme ne l’aime plus. Trop de parallèles qui ne se rejoignent jamais, des angles pas assez ronds. La petite fille au début esquisse des mouvements de nage joyeuse, avec palmes et tuba dans la family room. L’eau c’est la vie, l’enfance heureuse. Son seul compagnon, Alakermaisse the goldfish  est mort. Elle est prête à le faire se réincarner sous les traits de Lawrence, le mystérieux inconnu. Et quand fera-t-elle le pas, quand sautera-t-elle  hors de la prison-bocal ? En attendant, elle saute et bondit partout avec une joie de vivre communicative, qui pourrait ramasser les morceaux épars du couple si sa mère n’avait pas une incapacité chronique à être heureuse. Si le sort n’avait pas fait du père un rescapé de guerre sans emploi et sans avenir.

 

La magie de cette pièce réside dans  la transformation précoce de l’enfant à la jeune fille, qui se déroule  là juste sous nos yeux, comme mise en bocal. La mise en scène est pleine de  finesse, de poésie et de justesse. La palette des comédiens est convaincante, à part cette méchante fée antithèse du poisson. La jeune Iris est délicieuse de vivacité, d'humour et de jaillissement spontané. "Ma petite est comme l'eau, elle est comme l'eau vive..."dit la chanson.

 

La mort du personnage mystérieux aura ressoudé la famille un instant, mais la vie séparera ceux qui sont incapables d’amour réciproque. La vie est injuste et le bonheur pour un adulte, aux dires de la mère désillusionnée, sèche et froide, c’est se souvenir de l’enfance heureuse. « L’enfance est le moment où l’on est heureux. Et être adulte, c’est repenser à ces moments où l’on était heureux » Pauvre Iris, au nom de fleur aquatique et qui ne rêve que de bulles... devant son bocal vide.

 

http://www.theatredumeridien.be/

 

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Du  Mardi, 20 septembre  2011  Au Samedi, 15 octobre  2011

 

Extrait:

IRIS. -   J'habite dans un pays où il ne se passe jamais rien. Dans une ville où il ne se passe jamais rien. Dans une maison où il ne s'est jamais vraiment rien passé. Jusqu'à aujourd'hui. Octobre. Nous sommes à la veille de mon onzième anniversaire. Il y a du brouillard qui rampe dans la rue. Qui se cache dans les fossés. Qui regarde par les fenêtres. Je suis partie marcher au bord de l'eau. Tenant en équilibre sur ma tête le missel du dimanche, introduction de l'Évêque Sheen, je marche prudemment sur les rochers, posant gracieusement un pied devant l'autre. L'aisance est essentielle dans de telles circonstances. Je m'entraîne à être un des membres de la famille royale. Plus loin, il y a des feux et des pêcheurs d'éperlan qui jettent leurs filets, encore plus loin, les coques métalliques cognent contre l'appontement, mais ici, tout est calme. Je commence la cérémonie. La lune fait une brève apparition. Et je sais qu'il y a des crabes cachés sous les rochers, mais en dehors de ça, je suis seule. Là, sous l'arbousier, je prie pour sa petite âme. Quand on veut que son poisson rouge aille au paradis, on évite de le flanquer aux ouatères en tirant la chasse. C'est pourtant ce que ma mère a fait. Et pourquoi j'enterre ce bâtonnet de poisson pané en son honneur.
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"Désordre public" (pièce d' Evelyne de la Chenelière)

 

Désordre public ou désordre mental ?  Voici une pièce sans prétention de la canadienne Evelyne de la Chenelière, jouée avec humour, dérision, et pétillements. Les acteurs sont jeunes, dynamiques, et il y a même un surdoué. L’action se passe dans un autobus. "Max dans l’autobus", le comble de l’anti-héros, a été lâché par sa femme et son boulot. Il a perdu même sa voiture, c’est pour cela qu’il prend désormais l’autobus, et se retrouve tout-à-coup sur le pavé.

 

 Et soudain, alors qu’il commence tout doucement à ne plus se sentir exister, il perçoit les bruits des autres, les bruits d’âme et du cœur des autres passagers de la vie. Est-il en train de devenir fou, schizophrène, à devoir  ainsi  être le témoin de leurs transports intérieurs ?  Les gens anonymes qui roulent autour de nous soudain deviennent audibles. Egoïste dans l’âme, il rejette cette nouvelle faculté, sous-entendant qu’il a déjà bien assez  à faire avec ses 5 sens pour survivre. Mais il ne peut s’empêcher de parcourir ce chemin obligé de la compassion. On tombe donc avec lui dans la cour des miracles de notre société contemporaine, faite de solitude et de « foule sentimentale assoiffée d’idéal ». Il y a tous les paumés de la vie  qui se trompent de reflet dans le miroir.  Dans le kaléidoscope, on rencontre des personnages cocasses, dont l’enfant surdoué.  Mais on se serait aisément passé des allusions à la politique belge puisque tout  se passe au Québec, terre de rêve. Laissez-nous donc rêver ! …  Les allusions par contre au métier d’acteur font mouche.  On remonte dans le temps avec des chansons phares comme "Let the Sunshine in",  "Unbreak my Heart !" ," I will survive!", chorégraphiées comme au Club Med ! On invite même des spectateurs à danser. Tout cela est très peace and love. Le matériau est donc souvent décousu, hétéroclite ou expérimental, mais la vie n’est-elle pas que chaos et expérience ?

 

On retiendra en revanche le très beau monologue final de Max qui donne une certaine  profondeur humaine à la pièce. « Plus j’entends, plus je disparais. Je suis le réceptacle de tous leurs maux. On traîne tous les échos superposés de ce qui s’est dit. Je suis devenu les autres, (rires). Suis-je devenu un grand acteur, enfin ? Mais je n’ai plus de vanité. Personne ne fait le poids de centaines d’ êtres humains. Le monde m’envahit, j’entends tellement loin que je n’entends plus rien. Tout se superpose, tout s’empile pour me rendre sourd. Je ne peux plus rien dire, je n’ai plus de mots. Tous ces balbutiements… quelque chose dont je ne trouve pas le sens !  »

DESORDRE PUBLIC

d’ÉVELYNE DE LA CHENELIÈRE
Mise en scène: Olivier Coyette / avec Benjamin Boutboul, Olivier Coyette, Sophie Jonniaux, Virgile Magniette, Mirabelle Santkin et Emilienne Tempels

 

DU 16/09/11 AU 05/11/11

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=284&type=2

 

 

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Ils auront le pompon (du bonnet bien sûr),  ces six acteurs éblouissants qui nous ont fait rire aux éclats hier soir au festival « Bruxellons » au château du Karreveld. C’était une comédie de boulevard,  ou plutôt une comédie de sable et de plage. Avec beaucoup de sable dans les yeux, car Dieu que ce spectacle est corrosif et décapant ! Feydeau lui-même applaudirait s’il était encore de ce monde. 

 Tout y passe, depuis les aléas de la cohabitation entre soi-disant « amis », la dictature consentie ou non du chef de groupe, le problème de la cagnotte, le port du pull savamment jeté sur les épaules,  l’éducation des enfants, le travail au noir, la cuisine modèle,  les jalousies conjugales, les thérapies,  la mort des chiens et leur ensevelissement…

En effet, trois couples d'amis ont loué ensemble une villa pour les vacances au bord  de la Grande Bleue. En trois coups de caméra, l'ambiance se gâte rapidement. Question de logement, qui aura la plus belle chambre, la plus belle vue ? Le public est du côté  mer avec ses rochers: « la tortue »,  «  le béret du berger », « la limace »… Personne n’y voit goutte, seul l’organisateur, outrancièrement méticuleux, esclave de son bracelet-montre et des guides touristiques, repère lesdits rochers. Mais il est imperméable aux ressentiments grandissants de ses « amis ». Du côté chambres, les  couples se lancent dans des tirades où la critique mutuelle va bon train, inconscients que tout un public les regarde.  Les motifs de conflit sont innombrables. La mesquinerie est reine. Au dîner final et fatal, sonnera l'heure des règlements de comptes... Du jamais-vu ! Et ils iront jusqu’au bout !

Sommes-nous ces rochers immuables aux noms peu évocateurs  ou des passagers clandestins ? Tout pousse à croire qu’on a réellement passé les huit jours ensemble avec ces couples diaboliques tant l’ambiance de mésentente est palpable malgré les innombrables non-dits, et  tant le rendu des estivants  et de leurs réactions est juste. Une petite semaine de vacances virtuelles à la fin de l’été, il y a vraiment de quoi lever son verre… aux artistes. Les dialogues sont  percutants, la mise en scène est vive, le jeu des acteurs et les mimiques ne sont jamais exagérés, mais  juste en forme de mille feuille  d’observations délectables de la vie quotidienne en vacances.  Voici une comédie de sable, rythmée et ébouriffante. Il n'y a plus qu'à sabler le champagne avec les artistes!

 

«Le béret de la tortue», écrit en 2000 par Gérald Sibleyras et Jean Dell.

 

http://bruxellons.net/beret.html

 

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Oscars ou Toques pour  Patrick de Longrée et Stephen Shank qui nous ont ravis avec leur adaptation grandiose -sensible et juste  - du chef-d’œuvre de Victor Hugo : LES MISERABLES ?

Une trentaine de scènes toutes dynamiques,   majestueuses même dans le sordide,  illuminées de passion pour la justice, l’amour et  la bonté vont se dérouler devant nos yeux ébahis. La mise en scène sera explosive, les odeurs de poudre au rendez-vous dans toute la plaine. « Waterloo, cela vous dit quelque chose ? » Les costumes sont d’une richesse imaginative à couper le souffle.

Un menu en 12  tableaux :

1.   L’accueil de Jean Valjean chez Monseigneur Myriel

2.   Monsieur Madeleine, maire de Montreuil

3.   Fantine et Cosette

4.   La mort de Fantine

5.   La rencontre de Jean Valjean et de la petite Cosette

6.   La taverne des Thénardier qui “vendent” Cosette à Jean Valjean

7.   Javert poursuit Cosette et Jean Valjean qui trouvent refuge dans le Couvent du Petit Pic-Pus  

8.    L’éducation de Cosette  

9.    La rencontre de Cosette et Marius  

10.  Eponine

11.  Les barricades et les combats  

12.  La mort de Jean Valjean

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Ce roman en deux tomes  est une fresque épique, sociale, humaniste et c’est tout un art que d’en savoir dégager ainsi toute la substantifique moelle. Emotion, humour, violence, romantisme et crises de conscience sont chorégraphiés avec soin extrême sur les pentes douces de ce décor splendide et subtil, fait de pavés de Paris ou d’ardoises de chez nous, surplombés de panneaux de vitres de notre siècle.  Les images sont superbes, les tableaux esthétiques. La musique et les lumières ricochetant sur la mosaïque de petites vitres donnent un relief extraordinaire à l’ensemble.

 Il y a cette valse récurrente de Chostakovitch, jouée dans le ton ou en discordances…de plus en plus perceptibles. 

 Il faut observer la rosace de Notre-Dame de Paris, ou les ponts, ou les pieds de la Tour Eiffel qui se répandent sur la butte.

 Il faut se laisser conduire par la voix délicieuse de la narratrice, Sylvie Perederejew.

 Il faut craquer avec l’interprétation exceptionnelle de Jean Valjean par Pascal Racan.

Il faut ricaner sur le funeste Javert, et aussi s’émouvoir sur sa crise de conscience. Par trois fois, il a un ‘Non’ colossal qui fusera dans la plaine. Inoubliables, celui de Jean Valjean qui soudain décide de se convertir à la Bonté et celui de Javert qui se jette à la fin  dans les égouts de Paris. Et le non avorté dans le  croassement rauque de la Thénardier qui pleure le corps sans vie de sa fille Eponine.

 Après les conversions, il y a les illuminations : celle de l’amour entre Cosette et Marius, un morceau de féerie d’ailleurs orchestré par la fée de la narration. Et tout ce chapelet d’actes de compassion de Jean Valjean, ce forçat, cet homme dangereux. 

Il a a la mort de Gavroche.

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 Il y a ces détestables gueux, les Thénardiers, qui n’hésitent pas à détrousser les cadavres, voler et séquestrer les enfants, manier  le chantage le plus sordide.  Des misérables. Des sauvages. « Sauvages. Expliquons-nous sur ce mot. Ces homme hérissés qui dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse-tête levé, la pique haute ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l’homme, l’instruction pour l’enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l’égalité, la fraternité pour tous, l’idée pour tous, l’édenisation du monde, le Progrès ; et cette chose sainte bonne et douce, le progrès , poussés à bout, hors d’eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche. C’étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation.» « Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l’épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit. » IV, 1, 5 Les Misérables

Et voilà de quoi réfléchir. « « Ni despotisme, ni terrorisme. Nous voulons le progrès en pente douce. Dieu y pourvoit. L’adoucissement des pentes, c’est là toute la politique de Dieu. »

Tout est dit.

Revenons quand même à cette  pléiade éblouissante d’acteurs, à leurs  prestations exceptionnelles car on savoure encore bien après le spectacle, l’amour maternel désespéré de Fantine,  le charme angélique et innocent  de sa fille Cosette, la séduction intense et l’agilité nerveuse de la provocante ingénue Eponine et surtout  la façon inoubliable dont tous les comédiens ont fait chanter la magnifique langue française de l’écrivain Victor Hugo sur cette terre chargée d'histoire.

 

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http://www.tvcom.be/index.php/info/news/6947

La distribution

PASCAL RACAN (Jean Valjean)
LAURENT BONNET (Javert)
JEAN-LOUIS LECLERCQ (Thénardier)
JACQUELINE NICOLAS (La Thénardier)
STÉPHANIE VAN VYVE (Fantine & Cosette)
VALENTINE JONGEN (Cosette enfant)
CLÉMENT MANUEL (Marius)
JÉRÉMIE PETRUS (Gavroche)
STEPHEN SHANK (Mgr Myriel)
FRANÇOISE ORIANE (Mme Magloire)
JEAN-FRANÇOIS ROSSION (Enjolras)
DENIS CARPENTIER (Grantaire)
PETER NINANE (Laigle)

http://www.deldiffusion.be/prochaines_productions/prochaines_productions.asp

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Une tragédie du langage: La cantatrice chauve d'Ionesco

12272758878?profile=original"La cantatrice chauve est une «Anti-pièce» en prose d'Eugène Ionesco (1909-1994), créée à Paris au théâtre des Noctambules le 11 mai 1950, publiée à Paris dans les Cahiers du Collège de Pataphysique nos 7, 8/9 en 1952, et en volume avec la Leçon aux Éditions Arcanes en 1953. Elle est jouée sans discontinuer depuis 1957, à Paris, au théâtre de la Huchette, dans la mise en scène originale de Nicolas Bataille.

 

Ionesco a donné dans Notes et Contre-notes une explication devenue légendaire de sa vocation d'auteur dramatique: souhaitant apprendre l'anglais à l'aide d'une méthode Assimil, il s'aperçut que, considérées pour elles-mêmes, les phrases de son manuel de conversation traduisaient une pensée «aussi stupéfiante qu'indiscutablement vraie» («Le plancher est en bas, le plafond en haut») dont l'incongruité se prolongeait au sein des dialogues («A mon grand émerveillement, Mme Smith faisait connaître à son mari qu'ils avaient plusieurs enfants, qu'ils habitaient dans les environs de Londres, que leur nom était Smith»...). Son «illumination» l'amena à rédiger une «oeuvre théâtrale spécifiquement didactique».

 

 

Dans un «intérieur bourgeois anglais», M. et Mme Smith échangent des banalités teintées d'incohérences. Surviennent successivement la bonne (Mary) qui prétend s'appeler Sherlock Holmès, un couple d'amis (M. et Mme Martin) qui déduisent d'une longue litanie de coïncidences qu'ils sont mari et femme, puis un Capitaine des pompiers désolé de ne pas trouver d'incendies à éteindre. Pour échapper au silence, ces fantoches racontent quelques anecdotes et fables absurdes ponctuées par les coups d'une pendule et d'une sonnette également folles. Ils mêlent évidences («On ne fait pas briller ses lunettes avec du cirage noir») et non-sens («On peut prouver que le progrès social est bien meilleur avec du sucre») avant de s'adresser des insultes pour le moins originales («Cactus, coccyx! coccus! cocardard! cochon!»), parfois réduites à de simples lettres («A, e, i, o, u»...). Une fois le langage mis à mal, la pièce recommence, avec les Martin dans le rôle initialement tenu par les Smith.

 

De la «cantatrice chauve», évoquée par le Pompier au scandale des autres personnages, nous saurons seulement qu'«elle se coiffe toujours de la même façon» - unique concession à l'usage qui exige un lien entre l'oeuvre et son titre. Provocante supercherie, le choix de cette Arlésienne comme héroïne éponyme réduit à des propos insignifiants - voire des borborygmes - la conversation des Smith et des Martin, auxquels le silence est impossible (sc. 7), de même que leur est interdit d'aborder le sujet de la pièce. Sans cantatrice, sans histoire, la première comédie d'Ionesco répond bien à son appellation générique d'«anti-pièce». Ses personnages eux-mêmes, interchangeables puisque les Martin reprennent le rôle des Smith, font figure d'anti-héros: sans passé (leur mémoire se limite au menu de leur dîner) ni avenir (la fin de la pièce les condamne à un perpétuel recommencement), dotés de noms stéréotypés et d'une existence problématique (M. et Mme Martin sont-ils bien mari et femme? Que faire d'un pompier sans incendie à éteindre?), ils s'agitent et remplissent l'espace de paroles, mais le langage aussi leur échappe.

 

Dès la première scène, M. Smith offre à sa femme des claquements de langue pour toute réponse; quand les deux couples d'amis se retrouvent enfin (sc. 7), un pesant silence s'installe, coupé seulement par les «hm» des quatre Britanniques - ces deux épisodes d'aphasie, trouble habituellement exclu au théâtre, s'inscrivent comme une évidence dans cette «tragédie du langage».

Ils présagent, en effet, le chaos final où des phrases puisées çà et là dans le manuel d'Assimil coexistent avec les cris les moins signifiants: «Teuff, teuff, teuff...», «A, e, i, o, u...». François Coppée et Sully Prudhomme, poètes au métier éprouvé, y sont renvoyés dos à dos («Coppée Sully!», «Prudhomme François») et la logique formelle n'y figure que pour mieux accuser l'incohérence des propos: «Le maître d'école apprend à lire aux enfants, mais la chatte allaite ses petits quand ils sont petits»... Le recours à la fable, genre démonstratif par excellence, rend patente cette déperdition du sens: nous demeurons, comme Mme Martin, fort perplexes quand il s'agit de deviner la moralité d'une «fable expérimentale» telle que «le Chien et le Boeuf»: «Une fois, un autre boeuf demandait au chien: pourquoi n'as-tu pas avalé ta trompe? Pardon, répondit le chien, c'est parce que j'avais cru que j'étais éléphant»!

 

Or la logorrhée tranquille avec laquelle Mme Smith évoque son dîner au début de la pièce n'est pas moins problématique que la stichomythie finale: ainsi, dès la première phrase («Tiens, il est neuf heures» ), le langage entre en contradiction avec les faits (la pendule vient de sonner dix-sept coups). La rupture entre le signifiant et le signifié (qu'est-ce qu'un chien qui oublie d'avaler sa trompe? qu'un serpent qui donne des coups de poing?) conduit à des énoncés contradictoires: «C'est une précaution inutile, mais absolument nécessaire.» Cette subversion du discours sape l'essence même du réel (l'homonymie des époux Bobby Watson aboutit à leur indifférenciation) et entraîne dans sa folie jusqu'aux didascalies: des indications comme «La pendule ne sonne aucune fois» laissent perplexe le metteur en scène le plus inventif... Reste la «tragédie du langage», sujet véritable de cette délirante comédie.

 

Cette mise à mal du langage déboucha sur un nouveau manuel: en 1964, un concepteur de méthodes de langue fit appel à l'auteur de la Cantatrice chauve et de la Leçon pour rédiger des dialogues destinés à l'apprentissage du français (Exercices de conversation et de diction françaises pour étudiants américains, publiés chez MacMillan, 1969)!

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administrateur théâtres

"Le bruit des os qui craquent " Suzanne Lebeau 
   

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Du 27 septembre au 22 octobre 2011, à 20h30, au Théâtre de Poche.

L'histoire de deux enfants-soldats en fuite et celle d'une infirmière qui témoigne. Une pièce pour tous, dès 14 ans. De Suzanne Lebeau, mise en scène de Roland Mahauden.  Avec : Aïssatou Diop, Olga Tshiyuka-Tshibi, Angel Uwamahoro

 

 

Le cahier ou la kalachnikov

Quel que soit l’âge où leurs yeux se fermeront pour la dernière fois, ils resteront désorientés et perdus, ces enfants volés par des barbares, ces enfants dont on a volé le corps et parfois l’âme. Que peuvent  en effet faire  les enfants-soldats que l’on a  traqués, drogués, et à qui on n’a appris qu’à tuer, brûler et piller, …lorsqu’enfin leur pays accède enfin à la paix ? Ils n’ont ni éducation, ni moyens de subsistance. Aucun avenir. Quelle école les sauvera de la prison ? La question est grave et choquante.

 

Elikia, arrachée à 12 ans  à sa famille et à son village est l’un de ceux-ci. Mais vivre avec les rebelles ses nouveaux frères assoiffés  de sang et de diamants, constitue un perpétuel danger de mort. Quitter le groupe maudit l’est tout autant. Comment garder sa dignité, elle qui est née enfant libre ? « La tête haute chez les rebelles, c’était la mort.» Seule l’obéissance maintenait en vie.  Mais Elikia décide quand même de sauver son âme et fuit avec une compagne d’infortune plus jeune qu’elle,  qu’elle force brutalement à la suivre. « Toute seule, j’ai trop peur ! » Elle est convaincue que « si le fusil tue le corps de celui qui a peur, il tue aussi l’âme de celui qui le porte ».  

 

Un an d’errance dans une forêt tropicale hostile,  avec pour tout bagage, une gourde, sa kalachnikov reçue en cadeau de mariage de son époux, le chef des rebelles, et la fragile Josepha. Sans son arme Elikia se sentait «  comme un oiseau fragile avec le bruit des os qui craquent. »  Elles ont 14 et 10 ans. La nuit elles marchent sans la moindre indication d’orientation, le jour elles se cachent des militaires et des rebelles. « Elikia, mais comment reconnais-tu l’ennemi ? » demande Josepha de sa voix douce. Réponse : « il n’y a pas de bons, rien que des méchants ! » Elle met militaires et rebelles sur le même rang.  Assoiffés de pouvoir et de cupidité.

 

Elles ne parlent pas le même dialecte mais se comprennent. La grande protège la petite et des sentiments humains refont surface. Plus la petite est épuisée par la faim, la soif,  la marche forcée vers la mer, plus la grande sent battre en elle un cœur de grande sœur, jusqu’à lui proposer ses bottes. «  La mer ? Je ne sais pas où elle est, je l’imagine. Je ne connais pas le chemin, mais j’en suis sûre » dit Elikia pour consoler Josepha exténuée.

 

Après avoir enfin rejoint l’hôpital de Kena, tout ceci sera consigné par Elikia dans un cahier, que l’infirmière Angelina lui donnera après maintes tractations en échange du talisman mortifère de  la kalachnikov. Angelina raconte avec tendresse : « Elle ne parlait que quand son monologue intérieur débordait. » Elikia écrira  donc « car les mots de bouche sont trop près de la haine et de la vengeance. »  Elikia souhaite livrer un témoignage juste de cette réalité insoutenable, un témoignage qui interrompe la chaîne de violence dans laquelle elle a été entraînée. Un texte fort, souple, cru, intense. La jeune adolescente ne pourra pas se présenter devant la commission d’examen. Le cahier ne sera pas pris en compte, car écrit de la main d’un enfant.

 

L’enfant et le cahier glisseront dans l’oubli, à moins que vous n’écoutiez avec votre cœur cette petite voix duelle et solidaire, que vous ne soyez touchés par leur espoir démentiel, et que vous ne décidiez de dénoncer l’insoutenable. Changer l’avenir de milliers d’enfants comme elles. Comme eux.

Trois comédiennes généreuses,  craquantes de soif de vivre, de compassion et de colère justifiée investissent à fond  l’admirable texte de Suzanne Lebeau  sur les planches du Poche : Aïssatou Diop (l’infirmière), Olga Tshiyuka-Tshibi, Angel Uwamahoro.  Voici un début de saison  fracassant, qui fait ouvrir grand les yeux, les oreilles et le cœur. Le rôle essentiel du théâtre.

 

 

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La genèse de la pièce

 

(Interview de Suzanne Lebeau)  / …/  J’ai ensuite passé presque deux années à faire des recherches, en lisant notamment les écrits de la journaliste belge Colette Braeckman. Je suis allée jusqu’en Belgique, au GRIP, le Groupe de Recherche et d’Information pour la Paix. Mais quand je suis arrivée à la fin de l’écriture, je me suis mise à douter de manière extrêmement violente de la possible résilience de ces enfants-là. Je suis donc partie cinq semaines à Kinshasa pour écrire les récits d’ex-enfants soldats.

C’est là que vous avez rencontré Amisi et Yaoundé...

Suzanne Lebeau: Je passais chaque jour 3 ou 4 heures à noter les récits qu’ils me faisaient. J’écrivais en pleurant et je pleurais en écrivant. Tout ce qu’ils avaient vécu pendant les 5 années où ils avaient été enfants soldats était insupportable, pour la femme, pour la mère, pour la personne qui sait à quel point l’enfance est une période de formation, décisive pour ce que l’être humain peut développer de pire et de meilleur. C’est grâce à eux que j’ai pu terminer la pièce et y croire. Le jour où j’ai mis le point final, j’ai eu le sentiment de retrouver ma respiration normale.

Quand on parle d’enfants soldats, en général, on pense à des garçons.

Suzanne Lebeau : Pour moi, prendre un personnage de fille, c’était aller au bout de l’horreur. Parce que le sort des filles soldats est 100 fois plus terrible que celui des garçons. Quand elles reviennent dans leur village, ce sont comme des marchandises dévaluées.

 

http://www.poche.be/saison1112/le_bruit_des_os_qui_craquent/index.html

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"Les hommes préfèrent mentir"

 ( pièce d'Eric Assous)

 

du 14 septembre au 9 octobre 2011

au théâtre Royal des Galeries

 

Réveil féroce de sept personnages au cours d’un dîner mondain. Et pourtant l’un d'eux, Sam/ Frederik Haùgness, homosexuel  est adversaire du « Coming out ». Tout n’est pas bon à dire. Les hommes préfèrent mentir…

 Le casting du théâtre des Galeries a tout pour plaire avec Simon / Michel Pigeolet , visage bien connu*, en tête de liste. Il est d’une vérité fracassante même si soi-disant « les hommes préfèrent mentir ». A travers son emphase, on le voit vulnérable, lâche, désabusé, et coureur impénitent quand même. Il est terrassé, le pauvre,  par « la dictature du choix ! » (sic)

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En second, nommons, non sa femme, Olivia/ AylinYay, la femme trompée qui devient impitoyablement pragmatique et cynique, mais Anne-Catherine/ Maria del Rio, la femme fatale casquée de noir jais, galbée dans une tenue qui ne laisse rien ignorer,  par qui tout arrive, et  qui dès son arrivée dans l’encadrement de la porte, jette l’émoi dans le public et donne à la pièce une saveur toute diabolique et  sulfureuse. 

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 La troisième nomination va équitablement aux deux autres : Aurélie/ Catherine Claeys,  alias «  in vino veritas» qui sème à tous vents son mal d’amour, ses quarante ans nostalgiques et ses gaffes à répétitions, et la jeune  Madison/ Fanny Jandrain alias « I am mad about you » casque blond à la Jeanne d’Arc moderne, montée sur talons aiguilles - rouges sans doute, et plus froide et sûre d’elle que l’argent de son père.

Au-delà des portes du salon bourgeois, il y a ces cris incessants des enfants en bas âge de chacun, puisque, signe des temps, on a échafaudé dans cette comédie de boulevard actuelle, le modus vivandi des familles recomposées. Cri d’alarme ? Ainsi les thèmes éternels roulent dans tous les sens : la trahison, la jalousie, le couple dans tous ses états mais aussi des thématiques actuelles : l’adoption des enfants, l’alcool, l’homosexualité, la course à la gloire éphémère, l’illusion générée par les médias , les nouveaux pouvoirs de la femme…

 

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Malgré quelques lourdeurs liées au genre, dans les situations comiques, les mimiques un peu appuyées ou des réflexions parfois téléphonées,  Eric Assous, loin de s’aligner sur le titre de sa pièce, a réussi une peinture sociétale véridique. Il rapelle l'approche de Simenon : “quand je peins un personnage, je tente toujours de montrer, non pas ce qui le différencie des autres, mais ce qui le rapproche des autres”. A travers cette intrigue qui ménage un petit suspens policier, j’ai voulu traiter de personnages qui nous ressemblent ou qui ressemblent à ceux que nous croisons. Les ordinaires, ceux qui n’ont rien d’exceptionnel. Ni petits, ni grands, ni laids, ni beaux, ni forts, ni faibles. Tout ce qu’ils montrent demeure on ne peut plus humain. La jalousie, la rivalité, l’usure des sentiments, les petites trahisons du quotidien, les arrangements boiteux avec sa conscience. Le ton est à la comédie qui reste selon moi le mode de représentation le plus efficace. » (extrait du programme)

A cet égard le rôle de paumé joué par Richard/Bernard Vens  est fort représentatif et on passe une soirée aigre-douce fort délassante. 

 

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Conversation avec Eric Assous

http://www.trg.be/Public/Page.php?ID=3395&ancestor1=3194&saison=3180

 

Pour en savoir plus:

http://www.trg.be/Public/Page.php?ID=3392&ancestor1=3194&saison=3180

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administrateur théâtres

L’ECUME DES JOURS de Boris Vian (A l’atelier 210)

12272756691?profile=originalL’ECUME DES JOURS de Boris Vian

A l’atelier 210 (jusqu'au 8 octobre)

Un monde monté  sur des roulettes: voici l’univers imaginaire et déroutant  de Boris Vian, où la fantaisie et le merveilleux sont omniprésents, présenté par Emmanuel Dekoninck.  Le texte de Vian est resté en partie au vestiaire.  Les mots swinguent moins. On n’entend pas les pas des amoureux clapoter sur le parquet de l’appartement de Colin, qui ne cesse de rétrécir et de s’assombrir au fur et à mesure des progrès du nénuphar.  Pas de narrateur mais un piano et une jeune chanteuse habillée Courrèges. Rien que des dialogues vifs et bien enchaînés, neuf comédiens-musiciens juvéniles  bondissants, le swing de la musique d’aujourd’hui, toute une grammaire d’éclairages, de la chorégraphie, des scènes muettes (le mariage, la nuit de noces). On applaudit en plein milieu du spectacle devant les  jeux de scène délirants, tirés à l’extrême  et les accessoires et ustensiles loufoques dignes du salon  des inventions, qui ont un pied dans le réel, un autre dans l’imaginaire.

Et  le tout marche comme sur des roulettes. Emmanuel Dekoninck a réussi le défi de   montrer un univers parallèle que l’on peut réellement voir, un monde qui jongle  avec la vitesse et avec la mort. Une façon efficace d’appréhender le réel. Dénonciation moderne  de tout ce qui tue: le travail érigé en valeur plutôt qu’en moyen, la guerre, la pauvreté, la maladie. La folie de l’administration. La folie religieuse qui tue le plaisir. La folie du culte de la personnalité avec ce personnage délirant, lui aussi monté sur roulettes, et pas des moindres,  représenté comme un philosophe grotesque présentant ses échantillons de vomi lors de ses conférences de presse. Rapport à la Nausée.  Allusion à son meilleur ami  Jean-Paul Sartre. Pardon, Partre.  Dérision. Tout roule n’est ce pas ? Est-ce vrai ? Et de méditer tout aussitôt sur  la magnifique phrase d’entrée de jeu :

 «Dans la vie, l’essentiel est de porter sur tout des jugements a priori. Il apparaît, en effet, que les masses ont tort, et les individus toujours raison. Il faut se garder d’en déduire des règles de conduite: elles ne doivent pas avoir besoin d’être formulées pour qu’on les suive. Il y a seulement deux choses: c’est l’amour, de toutes les façons, avec les jolies filles, et la musique de la Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington. Le reste devrait disparaître, car le reste est laid, et les quelques pages de démonstration qui suivent tirent toute leur force du fait que l’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre.  Boris Vian, La Nouvelle-Orléans 10 mars 1946. » Jamais, il n’est allé en Louisiane.

Et pendant ce temps là,  l’immense nénuphar  de  tout ce qui bloque l’homme, se développe, mortifère et imperturbable,  se nourrissant du fleuve de nos émotions et de notre angoisse. Les hommes sont des souris pour le chat. Roulette russe. Colin, au contraire de ce monde, est ce jeune homme aisé  et rêveur, qui aime le jazz, la vie et l’amour et qui déteste la violence et le travail. La délicieuse, la frêle et douce Chloé incarne la féminité et la beauté. Celles-ci sont vouées à un bien triste destin. A la fin, Colin pleure et son amie la souris, incapable de contenir sa douleur,  mi-animale, mi-humaine,  préfère se précipiter dans la gueule du chat sous nos yeux. La lutte pour le bonheur est vraiment trop  inégale.

 

Jetez un coup d’œil sur la vidéo :

http://www.telebruxelles.net/portail/emissions/les-journaux/le-journal/15871-lecume-de-vian-sur-scene-et-en-musique

distribution et infos pratiques :

http://www.atelier210.be/programme_information-A210-82.html

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administrateur théâtres

                                

   12272732654?profile=original                                    Le Public ouvre sa saison avec La vie devant soi

de Romain Gary

   Belleville. Momo, 10/14 ans,  a été recueilli par Madame Rosa, une très vieille dame juive. C’est la seule personne au monde qu’il aime. Il fera tout pour l'aider afin qu'elle puisse rester chez elle, lui évitant ainsi d’atterrir à l'hôpital, sa plus grande crainte après la rafle du Vel d’hiv.

 

Extraits :

" Je m'appelle Mohammed mais tout le monde m'appelle Momo pour faire plus petit. Pendant longtemps je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait. On me l'a seulement appris à l'école.

La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur.

Madame Rosa était née en Pologne comme Juive mais elle s'était défendue au Maroc et en Algérie pendant plusieurs années et elle savait l'arabe comme vous et moi. Je devais avoir trois ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la première fois. Au début je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moi seulement pour toucher un mandat à la fin du mois. Quand je l'ai appris, ça m'a fait un coup de savoir que j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une nuit et c'était mon premier grand chagrin.

Au début je ne savais pas que je n'avais pas de mère et je ne savais même pas qu'il en fallait une. Madame Rosa évitait de m'en parler pour ne pas me donner des idées. On était tantôt six ou sept tantôt même plus là-dedans. Il y avait chez nous pas mal de mères qui venaient une ou deux fois par semaine mais c'était toujours pour les autres.

Nous étions presque tous des enfants de putes chez madame Rosa, et quand elles partaient plusieurs mois en province pour se défendre là-bas, elles venaient voir leur môme avant et après. Il me semblait que tout le monde avait une mère sauf moi. J'ai commencé à avoir des crampes d'estomac et des convulsions pour la faire venir.

On était tout ce qu'on avait au monde et c'était toujours ça de sauvé. Plus tard elle m'a avoué qu'elle voulait me garder le plus longtemps possible alors elle m'avait fait croire que j'avais quatre ans de moins.

Maintenant le docteur Katz essayait de convaincre Madame Rosa pour qu'elle aille à l'hôpital. Moi, j'avais froid aux fesses en écoutant le docteur Katz. Tout le monde savait dans le quartier qu'il n'était pas possible de se faire avorter à l'hôpital même quand on était à la torture et qu'ils étaient capables de vous faire vivre de force, tant que vous étiez encore de la barbaque et qu'on pouvait planter une aiguille dedans. La médecine doit avoir le dernier mot et lutter jusqu'au bout pour empêcher que la volonté de Dieu soit faite. Madame Rosa est la seule chose au monde que j'aie aimée ici et je ne vais pas la laisser devenir champion du monde des légumes pour faire plaisir à la médecine.

Alors j'ai inventé que sa famille venait la chercher pour l'emmener en Israël. Le soir j'ai aidé Madame Rosa à descendre à la cave pour aller mourir dans son trou juif. J'avais jamais compris pourquoi elle l'avait aménagé et pourquoi elle y descendait de temps en temps, s'asseyait, regardait autour d'elle et respirait. Maintenant je comprenais. »

 

 

Rien ne sonne faux. Tout est dit et non dit.

 

Par le texte et par l’interprétation poignante des deux protagonistes. Janine Godinas, actrice belge sublime,  que l’on a vu jouer  l’année dernière dans « Les Grecs »,  est époustouflante de rigueur, de justesse et d’humanité. Quel métier !   Itsik Elbaz (« L’échange » de Claudel) est criant de vérité dans son hymne à l’amour.

 L’attachement mutuel de ces deux épaves de la vie est d’une force tellurique, charnelle, viscérale. Le tableau, symbolisé par un tumulus d’objets disparates jamais ne sombre dans le misérabilisme, tant l’humour est une constante et l’ironie un mode d’emploi de la vie. A notre  tour on se prend à aimer personnages et acteurs. Le spectateur moderne porte certes en lui les  héros de Dickens, Zola, Daudet et Jules Renard, mais ici on est soufflé par le  puissant désir de vivre de Rosa et de Momo. Quelles que soient les religions et les races en présence, tous deux choisissent LA VIE.

Et pourtant c’est une longue agonie qui se fait jour peu à peu sur la scène aux lumières tamisées du Public. C’est un optimisme forcené qui  a  imposé le titre du roman sans doute, car il n’y a que la tragédie de la mort qui attend ces deux rescapés, comme nous tous d’ailleurs. Tous deux la souhaitent, la plus digne possible. C’est donc toute la tragédie humaine qui est mise en scène, celle de l’inévitable. Avec lucidité, et un humour très juif en guise de  lance-pierre contre La Dame à la Grande Faux.

 

 

LA VIE DEVANT SOI

de ROMAIN GARY (Emile Ajar)
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen / avec Janine Godinas, Itsik Elbaz, Nabil Missoumi et Benoît Van Dorslaer    DU 03/09/11 AU 22/10/11

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=282&type=1

 

 

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administrateur théâtres

Au KVS (Koninklijke Vlaamse Schouwburg)      Oedipus / Bêt Noir

 

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Voici une aventure scénique impressionnante que l’on rêve de partager. Le  metteur en scène Jan Decorte a relu Sophocle à sa façon. Par la danse, le chorégraphe, metteur en scène et  acteur Wim Vandekeybus s’élance dans l’interprétation  de ce texte dépouillé à l’extrême. Trois voies confluentes : le texte, la musique la danse. Une musique galactique sous la direction de Roland Van Campenhout  nous met presque sous hypnose et le langage expressif d’un ensemble de 16 danseurs acrobates fabuleux  nous  jettent éperdument dans l’histoire mythique et sur les pistes de l’imaginaire ou du subconscient. Mais dès le début, tout est déjà consommé.

A la confluence des trois chemins (Thèbes, Delphes, Corinthe) c’est l’embarquement dans le mystère du Destin, des malédictions, des questions mortifères du  Sphinx et des questions éternelles qui hantent Œdipe. Le parricide, l’infanticide et l’inceste. Œdipus : « “Ik ben e zwart beest van schult. »


La musique bouleversante et omniprésente,  la danse, les mouvements défiant les lois de la gravité, la vitesse, la mobilité extrême des acteurs et le texte épuré participent à une création hors du commun. Le résultat est absolument fascinant. Beauté, étrangeté, talent contribuent au  dépassement de tout ce qu’on a déjà vu. Le tempo est étourdissant. On est emmené dans les dédales infinis de l’imagination, on a sous les yeux l’intérieur d’un kaléidoscope géant dont les derniers miroirs se dérobent à l’infini. On est comme aspiré par l’énigme et par la puissance physique de la représentation.

Géante aussi et spectaculaire la représentation du Sphinx, sous les traits d’un astre céleste, soleil ou lune selon les éclairages. Ce disque d’escalade  immense et multicolore est  composé de pas moins de 20.000  rubans de la taille d’un habit humain, dans lequel grimpent, s’agrippent et se fondent les danseurs, faiblement accrochés sur ce cadran vertical, source de tous les dangers et de tous les effrois. 

Au sol  les danseurs aux pieds légers et aux pas de géants s’approprient l’immense espace glissant, et sont partout à la fois dans des rondes infernales. Danses marathoniennes plus que bacchanales. (Quoique…) Ce sont  des moulinets,  des culbutes et des sauts humoristiques de corps désarticulés, des carrousels vertigineux de corps  morts parfois, puis soudain revenus à la vie, cruelle, violente. Mais il y a quelque chose d’harmonieux de coulé, de souple dans toutes ces postures et ces jaillissements  plus qu’inimaginables. Les chants les plus beaux sont les plus désespérés.

Moyens bruts et efficaces. «Now the blood falls like rain !  » chante le musicien. C’est un des moments chocs : cette ballade du pendu et cette  chute de centaines  de chaussures qui tombent du ciel pour écraser Œdipe, jouet du Destin. Autre moment, presqu’insoutenable: les gémissements de  ce bébé de huit mois  en chaussettes rouges porté sur scène par sa propre mère, une des danseuses. Les pieds ou les chevilles de l’anti-héros tragique  ont été percés par Jocaste avant qu’il ne soit abandonné dans la montagne.  Et elle se percera le cœur avant qu’Oedipe ne se perce les yeux. Sont exposés à notre vue et à tous nos sens le percement de l’énigme et la mutilation volontaire des yeux pour se priver du bien le plus précieux, la lumière.  L’aveuglement et l’ignorance humaine. Les dieux resteront muets.  

 

http://www.kvs.be/index2.php?page=program&discipline=1&vs_id=604

 

 

 

du 15/09/2011 > 01/10/2011
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Langue de la manifestation: NL FR EN
Public: Tous
Où ? au KVS : 9 quai aux Pierres de Taille 1000 Bruxelles
Téléphone pour renseignements : 02 210 11 12
Site web : http://www.kvs.be
E-mail : info@kvs.be
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administrateur théâtres

"La fausse suivante" de Marivaux (Théâtre Le Public)

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LA FAUSSE SUIVANTE

de MARIVAUX
Mise en scène: Patricia IDE / Avec Serge DEMOULIN , Baptiste BLAMPAIN , Xavier DELACOLETTE , Jeanne KACENELENBOGEN , Caroline KEMPENERS et Chloé STRUVAY

 

DU 09/09/11 AU 19/11/11

 

 Aucune fausse note dans cette partition  féroce et magnifiquement écrite de Marivaux.  La langue est succulente, la vérité empoisonnée. Si on s’attendait à une pièce célébrant l’amour et picolant dans le marivaudage, on a tout faux. Il s’agit d’une éducation sentimentale tout à l’envers. La mélodie est plutôt une impitoyable farce en sous-sol. Le décor romantique est pourtant bien planté : ajoncs, mare au diable, barque retournée, chant d’oiseaux et de batraciens,  mousses, lichens, lierres dont la devise  est « je meurs ou je m’attache. » Eh non !  La devise c’est le louis d’or, l’écu, l’euro. Une mine d’or dans la tête et rien dans le cœur. Modernité ?   Tout  est pur calcul sordide : comment augmenter mon bénéfice ? La grille du château est là, entr’ouverte, face aux spectateurs, et personne ne s’aventurera dans les paysages bleus de l’amour.   Et ce magnifique décor représente à lui seul l’illusion d’optique voulue entre les sentiments et  la rouerie, l’art de feindre et de dissimuler.

Confusion des sentiments, des valeurs et des sexes. Déguisements. Une belle aristocrate  s’est déguisée en chevalier pour tenter de connaître les intentions  réelles de Lélio qu’elle doit bientôt épouser. «J'ai du bien ; il s'agit de le donner avec ma main et mon cœur ; ce sont de grands présents, et je veux savoir à qui je les donne. » C’est une femme de caractère.

Elle découvrira bien vite que ce dernier, mû par l’arrivisme et l’appât du lucre plus que par les nobles sentiments, est  déjà engagé auprès d’une comtesse avec laquelle il a signé un dédit. Selon ce contrat, sorte d’avenant à leur promesse de mariage, le premier qui trahit l’autre devra lui verser en dédommagement une rente de plusieurs milliers de livres. Or, pour Lelio, la comtesse vaut moins que l’aristocrate de Paris et son choix est vite fait. Comment donc se défaire noblement de la comtesse sans payer le dédit ! Il utilisera le chevalier à ces fins. « Le chevalier, à part. Ah ! L’honnête homme ! (Haut.) Oui, je commence à te comprendre. Voici ce que c'est : si je donne de l'amour à la Comtesse, tu crois qu'elle aimera mieux payer le dédit, en te rendant ton billet de dix mille écus, que de t'épouser ; de façon que tu gagneras dix mille écus avec elle ; n'est-ce pas cela ? »

Et la comtesse, légère,  tombera follement amoureuse du mystérieux chevalier. Cela vaut son pesant d’or! Mais, elle non plus, n’a pas envie de payer un dédit.

Qui est le plus fourbe, le séduisant Lelio aussi froid que la mort ou le chevalier si habile au complot ? Avant de révéler sa véritable identité, la parisienne fortunée se sera fait passer pour chevalier, et ensuite comme servante de ladite Parisienne. « Je suis fille assez jolie, comme vous voyez, et par-dessus le marché, presque aussi méchante que vous. »

 Pour souligner la poursuite effrénée du gain il y a deux autres personnages, des valets, presque des gueux, prêts à tout pour une obole, et qui n’arrêtent pas de courir dans tous les sens. Trivelin : qui porte bien son nom,  sorte de SDF truculent, manipulateur et rapace. Arlequin : moitié elfe, moitié laquais  affamé, qui vit sans doute de la cueillette d’escargots quand il ne peut pas noyer sa misère dans le vin. Ils rendent tous deux  le propos encore plus cru, les scrupules encore plus inexistants. Lelio accumule les formules à l’emporte-pièce : «  Lelio : Est-il besoin d'aimer sa femme ? Si tu ne l'aimes pas, tant pis pour elle ; ce sont ses affaires et non pas les tiennes. » Le public gronde.

 

Le mot de la fin est chanté par le guitariste.

Cet amour dont nos cœurs se laissent enflammer,

Ce charme si touchant, ce doux plaisir d'aimer

Est le plus grand des biens que le ciel nous dispense.

Livrons-nous donc sans résistance

À l'objet qui vient nous charmer.

Au milieu des transports dont il remplit notre âme,

Jurons lui mille fois une éternelle flamme.

Mais n'inspire-t-il plus ces aimables transports ?

Trahissons aussitôt nos serments sans remords.

Ce n'est plus à l'objet qui cesse de nous plaire

Que doivent s'adresser les serments qu'on a faits,

C'est à l'Amour qu'on les fit faire,

C'est lui qu'on a juré de ne quitter jamais.

 

Lorsque l’on remonte du sous-sol, on emporte avec soi,  l’art sûr de ces jeunes  comédiens talentueux qui excellent dans leur jeu, dans leurs poses, leurs regards,  dans la transmission de la vivacité de la langue de Marivaux. Un exploit.  On a été éblouis et confondus.

 

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=283&type=1

 

 

 

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administrateur théâtres

12272750887?profile=originalIl  y a d’un côté le public et de l'autre, les  trois murs étincelants mais  étouffants d’une  cuisine modèle impeccablement tenue. Tout juste si,  par simple illusion d’optique on ne les voit pas se pencher subrepticement pour avaler cette femme volubile encore jeune, dont la vie a été remplacée par la routine. La femme est banale mais heureusement profondément actrice.  Elle  est, malgré le cadre,  exquise, fougueuse,  incapable de rester en place, craquante de sincérité et de naturel, débordante de convivialité. Elle en est venue  au cours des années, à converser vaillamment avec le mur, le verre de vin blanc à la main, face à  son improbable interlocuteur. Peut-elle encore imaginer ce qu'il y a derrière le mur?

 

Un autre mur,  Joe, son mari lui dit bien de temps en temps «  qu’il l’aime », mais ce sésame n’ouvre paradoxalement  que sur les humiliations répétées, voire, le mépris  ou l’indifférence. Elle l'observe et le voit  en effet parler de façon bien  plus aimable à tous les étrangers qu’il rencontre!   Elle raconte avec délices  les éblouissements des débuts de vie de couple, les ravissements d’enfants en bas âge et  puis, moins drôle,  toutes les trahisons de la vie. Elle s’interroge:  va-t-elle oser sauter le pas, comme quand elle était enfant et qu’elle sautait du toit, pour partir  seule, en voyage de 15 jours en Grèce avec sa copine Jane, qui lui a maintes fois dit de larguer tout et lui a  même offert le billet de ses rêves ? Ses récits de vie et ses interrogations sont poignants, y  mêlant sans cesse le  réalisme des gestes domestiques quotidiens. Elle réalise soudain : « ma vie est un crime contre Dieu car je ne m’en suis pas servie, ne sachant pas quoi en faire ! » Elle est devenue inutile!

 

Doit-elle  « faire ce qu’elle voulait faire ou faire ce qu’elle devait faire ? » Elle découvrira que « les rêves ne sont jamais là où on les attend. »  Mais sautons  tout de suite à la fin de  l’histoire : «  Elle a subitement su qu’elle ne rentrerait pas vers Manchester avec la valise ! ». Elle a largué tous les démons qui l’enchaînaient. Elle ne traîne désormais  plus rien d’encombrant, elle se sent légère !  Elle compatit : « Joe aussi traîne sa vie comme un poids ! » Willy Russel – c’est un homme qui écrit –  a installé une  Shirley Valentine radieuse, décapée de toutes les  scories vénéneuses qui l’étouffaient, face à la mer Egée, sur un rocher … avec qui elle ne peut s’empêcher bien sûr de parler !  Question d’habitude.  Le rocher est couleur banquise, tout le reste du décor est noir.  Elle est belle comme une aigue-marine.

 

Entre l’immensité du ciel et de la terre,  elle  a enfin retrouvé sa dignité d’être humain, son identité  de « Shirley Valentine ».  V comme V Day, alors qu’elle n’était devenue qu’un avatar  oublié de grand mouvement du monde !  Là, assise buvant du vin  à  une table au bord de la mer - son égérie - elle déclarera d’une voix de star, à son mari qui vient la rechercher : « Bonsoir. La femme que tu veux voir n’existe plus. Celle qui était ton épouse  n’existe plus.  Celle qui était la mère de tes enfants, n’existe plus non plus. Celle à qui tu parles , c’est une femme que tu ne connais pas, Shirley Valentine, Amoureuse de la Vie. »

 

 C’est ce que Willy Russel veut pour la société entière : le changement, le réVeil, la ...Vie, quoi ! Au lieu de la manipulation et de  l’anesthésie générale des êtres humains en particulier, par les normes et les diktats de la consommation. Il ose brandir la liberté et souhaite que  les gens se réveillent de leur torpeur ! Et Shirley de souligner que  « les seules aventures de vacances que j’ai eues,  c’est avec moi, et je commence à m’aimer. »  Tout un Programme, une révolution,  à 42 ans !

 

Marie -Hélène Remacle, qui fonce dans cette pièce comme une météorite, nous  a offert un spectacle éblouissant d’humanité et de drôlerie. Pas étonnant que certains spectateurs ou spectatrices reviennent voir le même spectacle plusieurs fois!

 

http://www.bruxellons.net/shirley2011.html

 

http://www.comedien.be/Marie-Helene-Remacle

 





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administrateur théâtres

« Nous ne  s o m m e s  pas toute la misère du monde ! »

 

 Joué devant des dizaines de milliers de spectateurs en Europe, au Canada, à la Guadeloupe…  et en Afrique, le spectacle «  UN FOU NOIR AU PAYS DES BLANCS » a dépassé les 1500 représentations. L’Européen a coutume de dire : « on ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde ! »  Pie Tshibanda rétorque courageusement :

« Nous ne  s o m m e s  pas toute la misère du monde ! » Et de nous conter avec verve son histoire personnelle, celle de son pays, celle de son exil, celle de sa réussite …Et de nous prouver que le genre humain  est à la fois unique et multiple. Que les attitudes xénophobes ne tiennent pas l’analyse rationnelle. Voici un spectacle tout en humour et en finesse conté avec une volubilité généreuse et sans failles. C’est l’occasion de réviser nos jugements à priori, de mettre à la poubelle certains stéréotypes tenaces.  C’est un spectacle qui fait mouche car il est fort toxique pour nos  attitudes sécuritaires et notre repli habituel sur nous-mêmes. 

 

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Il a des armes : de la ténacité, la conscience d’exister malgré toutes les rebuffades, un sourire touchant, une façon d’oser aborder l’autre sans brusquer, convainquant l’autre de ses bonnes intentions et de sa bonne foi. Une pépite d’humour dans le cœur, il désarmera nombre de citoyens Belges majoritairement hostiles à l’arrivée des sans-papiers. Il a aussi une bonne étoile.

Et il est intarissable.

 

Il va démêler avec tendresse  les  questions cruciales posées par son fils : « Papa, pourquoi sommes-nous les autres ? » «  Papa pourquoi t’es tout seul ?  » En Belgique il a découvert ce que c’était d’être « noir », de ne pas être d’abord « un homme ».  Il va démonter les causes lointaines de son exil, les rapports viciés Nord-Sud, les guerres tribales qui faisaient rage en 1992. Ce qui nous est donné à entendre est atroce et effarant. Et si on se bouchait les oreilles?

 

Il va prouver que la misère est dans les villages désertés,  là où il n’y a plus de boulangerie, plus d’emploi  et plus personne qui parle avec les autres.

A l’accusation courante de « Vous venez manger notre pain », il répond finement « Pourquoi pas ? ». Du pain, il en a donné, il a créé une école des devoirs à Court St Etienne, sa maison est ouverte à tous,  il a même créé des emplois.  Si on ajoute un couvert au réveillon, est-on plus affamé, ou bien y a-t-il un peu moins dans la poubelle ?  

 

Un petit détour par Wikipedia nous rassure : ce n’est pas un sorcier, ce n’est pas un funambule, encore moins un fou… En résumé, la famille de Pie Tshibanda est originaire du Kasaï et fait partie des nombreux Congolais amenés au Katanga pour y travailler dans les mines.

Après des études de psychologie à l’université de Kisangani, de  1977  à  1987, il est  professeur en humanités, conseiller d’orientation scolaire et directeur des études dans divers établissements scolaires du Katanga. Il est  enfin psychologue d’entreprise à la Gécamines (Union Minière) à Lubumbashi.

Mais en 1992 une épuration ethnique à l’encontre des Zaïrois originaires du Kasaï se met en place  au Katanga. Mobutu ferme les yeux. Les Kasaïens qui échappent aux massacres, après avoir tout perdu, se trouvent parqués durant des semaines dans des conditions épouvantables dans divers lieux dont la gare de Likasi, en attente d’évacuation. Un train de l’infortune doit ramener les rescapés. Il faut un mois pour couvrir les 1000 km qui les séparent du Kasaï d’origine. Les décès sont journaliers.   Pie Tshibanda nous conte son vécu sans aucun  pathos, avec une dignité remarquable. Néanmoins il estime devoir dénoncer les massacres dont il a été témoin. Il réalise un film vidéo, publie une bande dessinée et écrit plusieurs articles. Devenu un témoin gênant, Pie est contraint d’abandonner sa famille  et le Congo où il est en danger de mort. Il obtient finalement l’asile politique en Belgique.

Il y a « les gens respectable et les bousculables » Nouvelles humiliations et tribulations tout aussi angoissantes. Existe-t-il seulement ? Il en arrive à se poser la question. D’intellectuel estimé, le voilà passé au statut de réfugié. A 44 ans, il se trouve alors confronté à l’exil et à la solitude, aux problèmes de communication et aux différences culturelles apparemment insurmontables. Mais, intrépide, il surmonte  les difficultés, fait  venir son épouse et ses six enfants et fait reconnaître ses diplômes. La suite, c’est sur les planches, devant des milliers de spectateurs stupéfiés, la réconciliation et la générosité brandies en étendard !

 

Pie n’a rien d’Hamelin, il a tout de l’humain. Il est la très belle voix des sans-voix.

 

http://www.bruxellons.net/founoir.html

 

Spectacle présenté dans le cadre du festival « Bruxellons » au château du KARREVELD, le 23 juillet 2011, malgré la pluie !

http://www.tshibanda.be/

 

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administrateur théâtres

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 "Pensez-vous, Maître qu'il ne faut pas rire? "(Adso)

 

Le titre « Le nom de la rose »  fait rêver certes mais n’est pas une des clés du roman d’Umberto Eco.  Le premier titre, « l’Abbaye du Crime » eût été bien plus approprié mais ne fut pas accepté par son éditeur, étant trop explicite ou trop polar.   Eco choisit alors  « le nom de la rose » parce que cela sonnait bien, cela fait moyen âge, mystère, inaccessibilité, …labyrinthe ?

 

Dans cette création mondiale sur scène, dont le texte a été soigneusement revisité par Umberto Eco lui-même,  on retrouve un concentré de l’aspect divertissant du roman détective : introduction, intrigue, conclusion. Les  détails de la mise en scène magistrale et des costumes nous plongent dans l’époque avec des allures de grand spectacle, tout en frémissant sous la  parole silencieuse des pierres et  le charme mystique des ruines de l’abbaye de Villers-la Ville. Car elle est bien plus qu’un décor !

 

 La deuxième partie du spectacle, située au cœur de l’Abbatiale  vous coupe le souffle : nous plongeons dans la dictature de l’église et  l’obscurantisme comme si on y était. Le fanatisme religieux et le cynisme de l’inquisiteur Bernado Gui,  rival de Guillaume  et personnage historique, est un morceau d’anthologie. Le spectateur  est totalement révolté par sa manière tronquée d’aborder le procès des malheureux  Salvatore et Rémigio,  tous deux inculpés sans preuves, où l’inquisiteur ne s’encombre d’aucune vertu de l’église, ni charité, ni  pitié, ni même de sens de la justice. Scène inoubliable et forte.

 

 Et surnage l’éblouissement des citations  d' Umberto Eco. Ses références littéraires grésillent dans tous ses personnages. Des références à Lucien, St Thomas d'Aquin...

Le personnage de Guillaume de Baskerville est inspiré à la fois de Guillaume d’Ockham, moine franciscain, célèbre rationaliste et disciple de Roger Bacon, et du célèbre détective Sherlock Holmes du roman d'Arthur Conan Doyle « The Hound of the Baskervilles ». Selon sa théorie, les hypothèses les plus simples sont les plus vraisemblables, principe de base des sciences et de l’art du détective.   « Il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu'on en ait une stricte nécessité ».

 Le novice Adso est un raccourci phonétique du Docteur Watson qui pose sans relâche des questions très astucieuses à son maître.  

 Jorge de Burgos, le  vénérable personnage aveugle, gardien du livre interdit, est directement inspiré de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.

 La bibliothèque, construite comme un labyrinthe complexe magnifiquement décalqué sur les ruines dans la troisième partie du spectacle, est un personnage en soi. Représente-t-il l’importance de ce trésor qu’est notre culture, l’importance du mystère, comme à Stonehenge ou à Chartres? Représente-t-il la complexité de l’univers, celle de notre spiritualité ?  

Le risque que cette bibliothèque mythique prenne feu, confrontée à la folie humaine, est grand. A chacun de choisir son chemin dans ce labyrinthe, outil de méditation, ou de rester en dehors. … Guillaume Baskerville, aidé  son jeune et fidèle assistant, aura jusqu’à la fin la passion dévorante  de découvrir la vérité cachée dans la salle secrète et interdite de la bibliothèque, nommée «  Finis Africae ». Le savoir ne demande-t-il jamais autre chose qu'à être découvert ?

 

Mais surtout on assiste aussi à une excommunication du rire, un enjeu idéologique de première importance au Moyen Age. Jorge de Burgos, la véritable âme de cette abbaye le condamne, ... sans coup férir. A voir! 

Depuis le début, ce  vieillard repoussant et  intransigeant cherche à tout prix à interdire l'accès au livre inédit d'Aristote dans lequel le philosophe grec aurait prononcé l'éloge irrévérencieux du rire. Celui de la vie ?  Jorge de Burgos ne veut pas que les hommes se croient autorisés à rire: il faut, pense-t-il, les tenir ployés sous la terreur. Le rire est source de doute. Le rire, selon lui, anéantirait la crainte de Dieu et amènerait la ruine de L’Eglise.
Le Christ riait-il ? Rien dans ses paraboles ne prête au rire. Dieu voit et punit. Rien de drôle. Le Christ possédait-il, en propre, sa tunique? Une paire de lunettes est-elle ou non un outil du Diable?

Sarah a ri !

Guillaume émettra l'hypothèse que " Le diable, c'est la vérité qui n'est jamais effleurée par le doute".

 

 

Ceci ne manquera pas de nous rappeler un autre polar, moderne celui-ci, très  documenté et divertissant : « le rire du Cyclope » sur le même thème de l’infaillible subversivité  du rire. Et de méditer.  En tous cas cette représentation théâtrale est  une manière d’aborder de façon humoristique et efficace  les conflits intellectuels, religieux et politiques du début du 14e siècle et du nôtre. 

 C’était une première, la mise en place des personnages dans la première partie est un peu rocailleuse surtout avec le personnage loufoque et peu crédible de Salvatore, mais le reste du spectacle devient de plus en plus passionnant. La seule figurante féminine est craquante et les moines idéalement croqués.

 

http://www.deldiffusion.be/prochaines_productions/prochaines_productions.asp

 

 

  • Quand ? Du 13 juillet au 13 août 2011
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administrateur théâtres

Les mercredi 8, jeudi 9, vendredi 10 juin 2011 à 20h30
Les mercredi 15, jeudi 16 et vendredi 17 juin 2011
à 20h30

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La Dame au Violoncelle est un hymne à l’Amour et aux Passions.
En accord avec le violoncelle, la dame entretient un rapport charnel avec son instrument.
Sans pudeur, elle se dévoile et nous conte sa quête du bonheur. A la poursuite de ses rêves, elle affronte ses peurs, ses manques, ses difficultés. Elle nous raconte les chemins qu’elle emprunte, le pourquoi de ses choix dans une histoire de crime d’amour... Une vie réelle ou fantasmée? La frontière est floue.
Cette pièce nous intrigue, au point qu’on ne sait plus la définir. Comédie ou tragédie? Une certitude toutefois, elle parle à tous et ne laisse personne indifférent.

                         

 

Théâtre de la Clarencière  

20 rue du Belvédère - 1050 Bruxelles

Situation géographique

près de la Place Flagey et de l'Eglise Sainte-Croix, dans la petite rue parallèle arrière à l'ancien bâtiment de l'I.N.R. devenu aujourd'hui Radio Flagey.

Accès

bus 38/59/60/71/366 Trams : 81

Foyer et jardin

ouverts 30 minutes avant le spectacle, soit 20h00 ou 15h30

 

 

"On n’est sincère qu’avec ses rêves. Et la comédie commence quand les rêves s’achèvent."

 

 Il y a ce long moment appuyé et  suspendu au théâtre de la Clarencière, où l’on renaît  à chaque fois,  dans le noir absolu, avant que la pièce ne commence. C’est comme  une hésitation, un basculement.

 

Soudain sous le jet de lumière,  apparaît le dos nu de la  tunique noire que porte la  femme qui va s’offrir en spectacle, elle et son violoncelle dans un registre d’expressions et de gestuelle d’une variété inouïe. On pense d’emblée aux toiles de Picasso, à l’érotisme des instruments de musique, dont le violoncelle est sans doute le plus profond : « seul capable de mimer les cris rauques et les souffrances de l’homme. »   Peu à peu, elle, la silencieuse qui faisait semblant,  va libérer la parole, et entonner sur tous les tons une ode désespérée aux rêves personnels. Elle nous fera l’aveu  qu’avec son partenaire-objet,  enfin, elle existe. Qu’elle n’est plus une femme potiche que l’on sort comme une plante. Qu’elle est capable de mettre des mots sur ses fantasmes et qu’elle arrive à l’extase avec son puissant  compagnon de résonnance. Démonstration.  Au début elle ne donnait  que  la face cachée de son visage : ses cheveux blonds coiffés  en carré sage. Puis elle s’anima : « Je fais semblant, comme vous. Vous ne trouvez pas que tout est faux ? » et devint « elle ». « Elle est violoncelle. »

 

Dès l’entrée de jeu elle fera tout pour engluer de l’empreinte du faux, tout ce  qui couvre le vide intérieur, de soi et de l’autre. Elle refuse catégoriquement de n’être qu’un miroir du monde.

 

Elle accentue sur son  formidable numéro  d’agression lascive,  cette épure de  fausseté  qui marche si  bien pour d’aucuns, comblés rien qu’en  tombant dans le piège de la séduction factice. Quitte à irriter  d’autres, souverainement : les  adeptes de la spontanéité, de la  sincérité, de la générosité, de la relation à l’autre. Donc elle séduit mais elle irrite.

 

Le « faire semblant » est le fil conducteur de cette pièce, cela irrite et cela séduit. La comédienne veut jouer autrement le jeu de la vérité, et le rendre aussi vrai que la vraie vérité : faire semblant n’est pas du mensonge, ne rend pas coupable. On va la juger pour la disparition tragique de son mari. Le meilleur ami du mari  (qui a toujours  chanté faux), attend son faux-pas pour la démasquer.  Le juge se tait. “Je suis innocente! Innocente! Puisque je fais semblant. On  n’est pas coupable quand on fait semblant!”  Maudite d’avance,  elle est pourtant  très habile et se lance dans un plaidoyer  fort bien ficelé, déroutant par sa logique  féminine absurde. « Tout mot dit est souffrance et toute note est plainte.»  Ca y est, même les réfractaires aux manières de femme fatale, rentrent dans sa logique : «  Chaque homme, chaque femme cache un violoncelle. » plaide-t-elle, et  le cher disparu a voulu tuer  le sien de violoncelle… voilà des circonstances  bien atténuantes.  

 

http://www.laclarenciere.be/

 

 

 

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administrateur théâtres

Une superbe vidéo aquatique  nous plonge dans l’Histoire du Titanic,  vieille de 99 ans. En ce jour fatidique  du 14 avril 1912, le puissant monde occidental se brisait comme une poupée de porcelaine et s’engouffrait au fond de l’Atlantique Nord pour toujours. On le sait, c’est le  péché  d’Hubris, tant dénoncé par les tragédiens grecs,  qui  fit disparaître  pour toujours ce bâtiment réputé insubmersible, dans "le  crissement d'un patin sur la  glace." Ce navire, aussi  haut que le plus grand des gratte-ciel américains, sombra en quelques heures par  une nuit sans lune, en frôlant l’iceberg meurtrier. Symbole tragique des limites de l’homme et de la dislocation du Vieux monde.

 

La pièce de THIERRY DEBROUX fut écrite quelques mois avant la sortie du film de Cameron en 1996, lui aussi une description d’une catastrophe qui ne cesse d’interroger notre mémoire collective.  Ainsi furent fracassés brutalement, le luxe extrême, le délire du progrès technique et les classes sociales…. Coup de semonce divine? En tout cas, une catastrophe internationale et ici dans la pièce, une catastrophe intime d’une petite fille séparée de sa mère dans des circonstances étranges. De l’immensément grand à l’immensément petit.

 

 Le décor est un vaste plan incliné blanc, le souvenir de l’iceberg,  sur lequel apparaissent - elle,  dans toute sa vivacité, et lui, dans son immense bonhommie - la grande actrice Jacqueline Bir et son merveilleux compagnon, Marc Olinger  jouant Edward, le mari flegmatique. Ils ont tout du beau couple de noces d’argent,  s’intéressant, l’un aux étoiles et aux questionnements de Einstein, et  l’autre à l’infiniment petit : les  pucerons  dévorants le robinier du jardin.

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 Maggy est mystérieusement protégée de ses souvenirs de petite fille par une amnésie infantile  qui a recouvert  les événements du 14 avril 1912.  La surface polie du couple sera fracassée par la  visite soudaine d’un jeune compositeur d’opéra, tout comme le destin fracassa subitement le bateau mythique. Edward, le mari  astronome ne veut pas réveiller les vieux souvenirs. Il traine derrière lui un fardeau aussi lourd que le Titanic. Par amour pour sa femme, Maggy,  il n’a jamais voulu dévoiler les secrets qu’il détient.

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Un douloureux travail de mémoire  pour Maggy s’engage dans un duel avec le jeune compositeur, figure très dramatique. Celui-ci s’est  passionné pour un travail de mémoire palpitant et c’est ainsi que les deux destins se croisent. Il est en effet fasciné par la photo d’une femme, trouvée dans un livre ayant appartenu à son grand-père. Pourquoi ressemble-t-elle tant à cette mère fermant les bras sur son enfant, qu’il a retrouvée dans des documents d’archive du  Titanic? Une énigme familiale qu’il ne peut s’empêcher de vouloir résoudre. Maggy, devenue la proie de réminiscences  troublantes, qu’elle croyait enfouies à jamais,  finit par se prêter au jeu … qu’elle porte élégamment, avec une justesse de ton, une vigueur et une émotion magnifiques.

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A la fin, c’est la catharsis salutaire et l’émergence de la sérénité et de la paix. La petite fille souriante de la vidéo mélangeant subconscient et fonds marins,  apparaît sur la scène en sautillant. Applaudissements vifs et chaleureux.

 

 

        THÉÂTRE ROYAL DU PARC  28 Avril 2011 >> 28 Mai 2011

MISE EN SCÈNE   Thierry Debroux , COMPOSITION MUSICALE de PASCAL CHARPENTIER, 

SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES   Catherine Cosme

 

 

AVEC   Jacqueline Bir,  Anouchka  Vingtier,  Marc  Olinger,  Hervé  Sogne

                                   Le texte est paru aux éditions Lansman.

 

 

 http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2010_2011_005

 

 

 

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administrateur théâtres

12272735895?profile=original12272732654?profile=originalPrintemps dans un jardin de fous   D'après Henri-Frédéric Blanc

Mise en scène de Christian Leblicq

Avec Alain Eloy

 

Ecrivain marseillais dans l’âme, Henri-Frédéric Blanc, auteur truculent, ironique et bienveillant dans sa lucidité est un fidèle compagnon de pensée de la Compagnie Hypothésarts, et avant tout un auteur qui ne mâche pas ses mots. Son interprète Alain Eloy nous envoie à travers son spectacle inoubliable un texte jubilatoire. On n’a qu’une envie c’est  de courir le commander immédiatement dans une librairie. H-F Blanc est également rédacteur en chef de « la Revue des Archers ». Les Archers : « ces promeneurs rêveurs des hauts-fonds de l’âme humaine qui ne manquent pas de garder l’esprit en balade et qui travaillent à rejeter la bêtise loin au fond du néant des futilités d’où elles n’auraient jamais dû sortir. »

Après avoir entrepris  des études à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, H-F Blanc  s’épargne la douloureuse expérience du service militaire en simulant la folie, histoire que l’on retrouve dans sa nouvelle « Printemps dans un jardin de fous ». Il renonce résolument à « à jouer à ce grand jeu tragique et théâtral qu'est la guerre». A la sortie des études, après une thèse de doctorat, il décide de consacrer l’essentiel de son temps à l’écriture tout en vivant de petits boulots : guetteur d’incendie en été, veilleur de nuit ou encore guide touristique. En 1989, son premier roman « L’Empire du sommeil » est publié aux Editions Actes Sud. Par la suite, tous ses romans ont fait l’objet de traductions à l’étranger et d’adaptations cinématographiques et théâtrales.

Il est considéré comme la figure de proue de la nouvelle littérature marseillaise, autrement nommée « overlittérature » : littérature crue, iconoclaste, qui se caractérise par son naturalisme burlesque, son irrespect total et le recours méthodique aux armes de la dérision et de la satire.12272736290?profile=original

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 Avec humour et conviction intense, Alain Eloy tous muscles et voix plurielles dehors, nous entraîne  sur le chemin de la subversion, un peu comme … dans « Vol au-dessus d’un nid de coucous ». On ne peut s’empêcher d’y penser. Il met méthodiquement en miettes notre petit confort occidental et  remonte aux sources: l’effroyable grande guerre qui répandit  la violence absolue dans le monde et fit  le lit du nazisme et du fascisme. Notre belle démocratie serait calquée point par point sur l’organisation de l’armée  avec son recours à l’émotionnel, aux humiliations,  à la  soi-disant solidarité de masse, à la hiérarchie où la personne humaine n’est que grain de poussière méprisable. Cette poussière est la source de  son « allergie » totalement vraie et totalement feinte.   Le fascisme n’a pas été pulvérisé après la deuxième guerre, mais il ressort un peu partout, plus perfide : intériorisé. La culture est une liberté en conserves, la littérature une langue de feu contre une langue de bois omniprésente. Et de chanter en chœur : « On ne censure pas, Ah non ! »

 

Catch a Falling Star. « Un cri sincère peut faire tomber une étoile », lui souffle le Capitaine des anges, 70 ans, espadrilles, regard intense et bleu,  interné lui aussi dans cet asile où la grandeur passionnée des pensionnaires « semble ô combien plus humaine que les rabotés ayant asphyxié en eux la folle du logis ». «Le vrai monde est caché » ajoute-t-il mystérieusement. « Le petit moi est si infime par rapport au grand tout, et la mort n’est pas grand-chose quand on se dévêt de ce tout petit moi ».

 

Le jeu de l’acteur, extrêmement physique et agile, fascinant de diversité, de nuances, d’inventions… vous attache par le cœur et vous fait goûter aux poisons perfides de  « la marmite à illusions ». Un spectacle fort, dont on ressort comme frappé de foudre, les poches pleines d’étoiles.

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11 Mai 2011 >> 25 Juin 2011

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=268&type=2

 

 

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administrateur théâtres

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LA CONFUSION DES SENTIMENTS de Stefan Zweig

 
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen / Avec Muriel Jacobs, Nicolas d'Oultremont et Pierre Santini

DU 17/05/11 AU 25/06/11

Comédie dramatique

 

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La double vie : celle du vieux professeur divisé par deux, entre la réalité et l’œuvre monumentale de Shakespeare qu’il possède comme une deuxième peau et  enseigne avec ivresse et passion. Il est encore divisé par deux entre les convenances de la société et ses désirs autres. Les éclairages changent. Un savant tissage de doubles bandelettes élastiques verticales à travers laquelle les acteurs apparaissent et s’évanouissent au gré des réalités qu’ils vivent, marque ces plongeons d’un monde à l’autre.  Mise en abîme  et dualité encore: le réel, noir et blanc, donne la main à de chatoyants extraits de sonnets de Shakespeare, de Hamlet, d’Othello. Interprétations pleine de ferveur, chaque mot est égrené comme une pierre précieuse.

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 Roland, le jeune étudiant impétueux initialement épris des joies du libertinage et de la paresse estudiantine à Berlin est envoyé par son père dans une petite ville de province où il fait la rencontre éblouie de ce professeur de littérature anglaise, un monument d’enthousiasme, partant, de passion. Le voilà qui plonge éperdument et avec délectation dans l’océan romantique du grand dramaturge anglais, à en perdre le sommeil. En parallèle, cette jeune âme sensible perçoit un  lourd secret qui ronge le couple du professeur. Epris, il veut démêler le fil de ce nœud de sentiments fort complexes qui étrangle le couple.  Disparitions soudaines du professeur. Incompréhension, souffrances. Fatalisme de sa femme,  qui semble lire dans les pensées de chacun et semble aussi lire l’avenir.   Passionnée de  nage, elle plonge des heures durant dans les lacs purs… elle aurait rêvé d’avoir un enfant. Elle entraîne le jeune étudiant dans une escapade nature.  Les livres craignent l’eau ! Elle prend les airs tragiques de Charlotte Rampling. L’ironie et le sarcasme régissent les rares échanges du couple. Admiration sans bornes, inquiétude, souffrance, jalousie, trahison jaillissent  inéluctablement des extraits de Shakespeare qui surgissent  comme autant de spectres annonciateurs de drame. Roland est aussi duel.  Le spectateur est ballotté entre les différentes réalités dans un rythme de plus en plus accéléré, la tension grandit jusqu’au paroxysme des sentiments. Le drame d’une vie est là et  une phrase très belle donne le dénouement.

 

Les trois comédiens sont très émouvants tant leurs rôles respectifs leur collent à la peau. Le violoncelle, sorte de voix off, commente chaque action comme un chœur antique… le public sent que les atmosphères se chargent progressivement de vibrations troublantes, qu’un orage passionnel est sur le point d’éclater.  La mise à nu des sentiments se fait de plus en plus intense, sans concessions. De très belles voix, du très beau théâtre: chaque acteur a donné toute sa vérité et sa substance au jeu. 

 

 


VIVRE PAR PASSIONS

 


Ouvre-toi, monde souterrain des passions !

Et vous, ombres rêvées, et pourtant ressenties,

Venez coller vos lèvres brûlantes aux miennes,

Boire à mon sang le sang, et le soufle à ma bouche !

Montez de vos ténèbres crépusculaires,

Et n’ayez nulle honte de l’ombre que dessine autour de vous la peine!

 

L’amoureux de l’amour veut vivre aussi ses maux,

Ce qui fait votre trouble m’attache aussi à vous.

Seule la passion qui trouve son abîme

Sait embrasser ton être jusqu’au fond ;

Seul qui se perd entier est donné à lui-même.

Alors, prends feu ! Seulement si tu t’enflammes,

Tu connaîtras le monde au plus profond de toi !

Car au lieu seul où agit le secret, commence aussi la vie.


 


Stefan Zweig


 

 

 

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administrateur théâtres

Moudawana For Ever

 

C’est sûr, Ben Hamidou a une aura…. Même déguisé en femme ! Oops le sacrilège, le faux pas ! Il rayonne de sympathie, il émet de la chaleur humaine plein feux et va jouer la grande scène du désenvoûtement, au propre et au figuré ! Si vous êtes au premier rang, méfiez vous! Vous serez aspiré dans son trip fabuleux qui vous balade  avec fantaisie entre Maroxellois et Gazelles du Maroc, où les chameaux sont désormais remplacés par des autoroutes.

 

Avec sa complice, Zidani, présence croustillante, tantôt en perruques drolatiques, ou lunettes extravagantes, tantôt,  soumise éplucheuse de légumes au soleil au  bord du puits, il convoque des sujets qui font peur au Belge blanc-bleu ! Comment réagir dans une famille, à la conversion à l’Islam d’un fils bien sous tous rapports…. ? L’âge du mariage, le droit au divorce, l’autonomie de la femme…  La polygamie : …. pas plus de quatre, comme les saisons ! Mais comment donner des droits aux femmes dans les pays où les droits de l’homme sont bafoués ! Le jambon, c’est Aram ! Péché !  Et l’obéissance au mari ? Comment passer de ce code de la famille séculaire à une révolution voulue par Mohamed VI qui rend, en principe, les femmes égales aux hommes…*

 

 Des questions graves, traitées avec un humour bienveillant, un regard généreux sur deux communautés qui ont parfois tout pour s’affronter. Il décoche coups de griffes, coups de cœur, tous azimuts. Tout le monde s’y retrouve, touché !  En excellent comique, Ben Hamidou pratique  l’autodérision avec brio, et déracine les préjugés. Sa gestuelle, tant l’occidentale pure et dure que la nord-africaine, est d’une précision et d’une vérité savoureuse. Le talent est aussi magnifique que le Soliman éponyme. Les deux comédiens dans cette salle magique défoncent les sortilèges et les barrières. Mon voisin marocain de gauche jubile sous la pluie de traits acérés lancés à sa culture et m’explique gentiment le vocabulaire, cependant que mon voisin attitré, de droite… me surveille du coin de l’œil ! Le mélange local du quartier et  les voyageurs des districts lointains  de la périphérie bruxelloise font bon ménage, mêlant leurs rires salutaires, leur bonne humeur et une ouverture nouvelle peut-être.

 

Ce théâtre est pédagogique sans l’être, édifiant tout de même car il libère tout un chacun. Les cordes sur lequel jouent cet Hamelin africain sont la caricature aimable, le verbe et le texte débridés, la truculence, le mime, les grimaces inoubliables,la chanson,  le jeu, par-dessus tout! Vive Mehdi !

 

*« Sur le plan social, au-delà des réformes qu'il introduit, en adoptant une

formulation moderne et en se souciant de mieux préciser les droits et devoirs des

composantes de la Famille, ce Code, en veillant à garantir l'équilibre dans les

rapports entre l'homme et la femme, met en place les préalables de la consolidation

de la cellule familiale, de sa cohésion et de sa pérennité. Ce faisant, il contribue à la

consolidation des bases de la société marocaine démocratique et moderne, ouverte

sur son époque et fidèle à son identité islamique et à ses traditions de solidarité

familiale et de cohésion sociale. »

 2004 Mohamed BOUZOUBAA, ministre de la Justice

 

 

 Moudawana For Ever du 26 avril au 21 mai 2011

Au Magic Land Théâtre.
Réservation au 02/245 50 64 ou via le site www.magicland-theatre.com

 http://www.magicland-theatre.com/index.php5?pageId=1&md=0&sp=65

 

 

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administrateur théâtres

« La peur des coups et autres plaisirs conjugaux »

    Du 19 au 28 mai au théâtre de la Clarencière

 

« Il faut voir en ces pages...

- comment dirais-je au juste ? -

... une sorte de suite d'orchestre

écrite "musique légère", un

prétexte à faire évoluer

conformément à la logique de

leur petite psychologie et autour

de petites historiettes ayant de

tout petits commencements, de

tout petits milieux et de toutes

petites fins, de tout petits

personnages reflétant de leur

mieux la philosophie où je

m'efforce de prendre gaiement

les choses, car je pense avec

Daudet que la mort des êtres

aimés est la seule chose de la

vie qui vaille la peine qu'on en

pleure. » Courteline

 

On n’a qu’une envie c’est de découvrir le texte original de Courteline après cette mise en scène humoristique et fraîche qui mélange sans vergogne  l’ancien et le contemporain, les costumes  d’époque  et les sacs de courses Marcolini, Paris et Bruxelles. Les rires fusent tout au long du spectacle dans cette petite cave voûtée  logée dans une maison de maitre, le théâtre littéraire de la Clarencière. Tous les soirs les comédiens s’amusent car depuis que le spectacle a commencé, l’alchimie différente de chaque soirée met en lumière des aspects différents du texte.

 

 N’empêche, ces comédiens fougueux et spirituels  se livrent à des scènes de ménage au goût intemporel, à se demander si Adam et Eve, déjà… au paradis ne se livraient pas aux mêmes duels verbaux.   En tout cas, depuis Courteline jusqu’à nos jours, le duel, source intarissable de paroles, perdure et a sans doute encore de beaux jours, mariage rénové et couples modernes ou non ! La condition de la femme a changé me direz-vous, et cela change tout ? Pour sûr,  mais les moteurs responsables de la dispute domestique sont toujours les mêmes. Vexations, frustrations, agacements d’hiver et d’été …. mettent immanquablement le feu aux poudres souvent avec des scénarios précis et immuables, comme on en trouve au théâtre, mais gravés dans notre subconscient. Les fabriquer dynamise le couple, les surmonter témoigne de la solidité du couple. Inverser les rôles les rend encore plus tenaces. "Tu me la fais tous les dimanches..."... messages 'tu' excécrés!

 

 On adore la langue ciselée, balancée et musicale de Courteline, on sourit au vent qui écrit sur les murs de Facebook, on tressaille aux magnifiques jeux de corps et de visages que l’on voit sous la loupe dans ce petit théâtre si intime. On se croirait dans un atelier de photographie d’art. On embrasse ce couple miroir avec empathie, car il est attachant et nous rappelle des choses vécues ou presque. Parole de Tristan : « la femme ne voit que ce que l’on ne fait pas.» Parole d’Aurélie : « La femme amplifie tout ce qu’on lui donne : donnez-lui un spermatozoïde, elle en fait un bébé; donnez-lui une maison, elle en fait un foyer; donnez-lui un sourire, elle en fait de l’amour »

 

Ah je suis un monsieur qui a peur des coups ?

ELLE (agacée)? - Et quand je mentirais ? Quand il me l'aurait faite la cour, ce brin de cour autorisé d'homme du monde à honnête femme ? Le grand malheur ! La belle affaire !

LUI. - Pardon...

ELLE. - D'ailleurs, quoi ? Je te l'ai présenté. Il fallait te plaindre à lui-même, au lieu de te lancer comme tu l'as fait dans un déploiement ridicule de courbettes et de salamalecs. Et « Mon capitaine » par-ci, et « Mon capitaine » par là, et « Enchanté, mon capitaine, de faire votre connaissance ». Ma parole, c'était écœurant de te voir ainsi faire des grâces et arrondir la bouche en derrière de poule avec une figure d'assassin. Tu étais vert comme un sous-bois.

LUI. - Je...

ELLE. - Seulement voilà... ce n'est pas la bravoure qui t'étouffe...

LUI. - Je...

ELLE. - Alors tu n'as pas osé...

LUI. - Je...

ELLE. - Comme le soir où nous étions sur l'esplanade des Invalides à voir tirer le feu d'artifice, et où tu affectais de compter les fusées et de crier : « Sept !... Huit !... Neuf !... Dix !... Onze !... » pendant que je te disais tout bas : « Il y a derrière moi un homme qui essaie de passer sa main par la fente de mon jupon. Fais-le donc finir. Il m'ennuie. »

LUI. - Je ne sais pas ce que tu me chantes avec ton histoire d'esplanade ; mais pour en revenir à ce monsieur, si je ne lui ai pas dit ma façon de penser, c'est que j'ai cédé à des considérations d'un ordre spécial : l'horreur des scandales publics, le sentiment de ma dignité...

ELLE. - … La peur bien naturelle des coups, et cætera, et cætera.

 

 musique: "I am not that innocent!"

Avec Tristan Moreau et Aurélie Martinez 

Théâtre Littéraire de la Clarencière Tél. : 02-640.46.76 http://www.laclarenciere.be.        rue du Belvédère 20       1050 Ixelles

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