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 Mise en garde

Les maisons d'édition renommées qui publièrent de la poésie pendant de longues années, sauf exceptions, n'acceptent plus d'évaluer des manuscrits de poésie. Ils ne croient pas au mérite des poètes de ce siècle.

Par contre, des maisons d'éditions sans prestige s'offrent à publier les manuscrits de poètes qui
éprouvent le besoin d'être connus et qui le sont déjà souvent grâce à certains sites de poésie. Elles les invitent à leur envoyer leurs écrits.

Certains blogueurs, ayant reçu de nombreux commentaire élogieux de personnes qualifiées se sentent confiants et passent d'interminables heures à peaufiner un manuscrit qu'ils décident d'envoyer.

Ô le piège! La poésie ne se vend pas si elle n'a pas été publiée par l'une des maisons d'éditions renommées. Les éditeurs en sont persuadés.
En conséquence, aucun des manuscrits sollicités ne sera accepté. La justification du rejet est:
ne correspond à la poésie que nous publions.

Je suis au nombre des piégées. Mon manuscrit m'a été retourné et je suis persuadée qu'il n'a pas été feuilleté même par simple curiosité.

Il n'est pas évident de comprendre la stratégie de ces éditeurs malhonnêtes dont au Québec, certains sont subventionnés par les deux gouvernements, provincial et fédéral.

Je ne sais pas ce qui se passe exactement en France. Je veux rendre hommage aux éditions Pierre Seghers qui donnent une chance aux poètes qui leur sont inconnus.

Je regrette de n'avoir pas lu à temps le livre de monsieur Robert Melançon, ancien professeur de lettres à l'université de Montréal.
Dans son ouvrage est intitulé « Pour une poésie impure » il explique ce que l'on doit savoir
sur l'édition de la poésie actuelle. Cela m'aurait évité une somme de travail considérable.


Montréal, 19 mai 2016

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Cher Ami,

Cher Ami,

De vous, je ne parle pas aux gens,

ou sinon en atténuant l'ampleur de mes sentiments à votre égard ;

je dis souvent que vous êtes un ami d'enfance,

quelqu'un que je rencontre de temps en temps,

mais guère plus, s'agissant d'un secret.

Secret faisant du bruit dans ma tête amoureuse,

alors j'écris, puis j'imagine la glissade de votre barbe naissante

sur ma gorge longue et blanche qui se donne,

alors que mon cœur tout entier tonne,

que mon corps en le vôtre s'infuse tout en silence,

à l'instar du jour qui se glisse dans la nuit, mine de rien.

Des chuchotements bleus et chauds bruissent ;

c'est déjà le matin.

L'été s'approche à petits pas rose et satin.

J'écris jusqu'à midi sur nous.

 

NINA

 

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Gigolo

Impromptu

À M.Robert Paul

 

Être né de parents sans biens
Ou quelques fois dans la misère,
Peut sembler injustice amère
Au jeune qui n'arrive à rien.

Devenu un charmant jeune homme,
Il lui manque de gros atouts;
La joliesse mais sans le sou,
Il reste démuni, en somme.

Si une chance se présente,
Pour défier la pauvreté,
Sans gros efforts en vérité,
Elle lui apparaît tentante.

Gigolo! Qu'en dit la maman?
Il y aurait des avantages.
Pour elle, une amie de son âge,
La grande vie pour son enfant.

18 mai 2016

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Un impromptu inachevé


Je tente un impromptu sans thème.
Le voudrais drôle évidemment.
Un mot pour un commencement,
D'une terminaison que j'aime.

Rigolo....Au galop, galop!
De chatouilles aussi mes enfants,
Sans aucun doute, étaient friands.
Éclats de rire en trémolos.

La nostalgie, dans le silence,
Avec douceur, sereinement,
Me conduit au recueillement,
Ouvre l'espace de l'absence.

17 mai 2016

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Proche du mythe, l'épopée chante l'histoire d'une tradition, un complexe de représentations sociales, politiques, religieuses, un code moral, une esthétique. À travers le récit des épreuves et des hauts faits d'un héros ou d'une héroïne, elle met en lumière un monde total, une réalité vivante, un savoir sur le monde.

Dans le procès de communication et de transmission, les sociétés «traditionnelles» et les sociétés «froides» ont pour recours l'audition, la mémoire et la voix. En ces situations aurales/orales, la tradition mémoriale réside en des activités cognitives complexes: un ensemble de valeurs structurelles, sémantiques, phoniques et rythmiques stimulent des réseaux associatifs et permettent à l'esprit et au corps du barde de maîtriser de longs récits (de plusieurs centaines à des dizaines de milliers de vers) et de les porter au niveau d'excellence du souvenir et de perfection dans l'instant de la profération.

Le chant de l'épopée instaure une relation d'échange intense entre le barde et son auditoire. Le pouvoir de fixer dans le souvenir individuel et collectif est lié au plaisir auditif (émotionnel, intellectuel et esthétique) que la voix suscite: telle est la longue chaîne de transmission des aèdes anonymes, puis des rhapsodes. Par un code oral-musical (images formulaires, lignes mélodiques, formules rythmiques) manifesté en voix et en gestes, certaines cultures créent des récits exemplaires auxquels elles attachent des valeurs identitaires. Rencontre d'un contenu idéologique et d'une forme poétique dans un contexte socioculturel particulier, l'épopée porte en elle une puissance archétypale. Elle est à la fois divertissement, enseignement, modèle et expression d'un sentiment clanique, ethnique ou national. De plus, le chant de l'épopée peut être associé à une action magico-religieuse. Elle est douée d'efficacité symbolique, d'une valeur rédemptrice, purificatrice: action de grâces, imploration, tentative de séduction, apaisement, le chant de l'épopée est un don en retour qui sollicite un équilibre, une harmonie pour l'individu et le corps social tout entier.

À cette variété de fonctions s'oppose, semble-t-il, une constante liée à la composition des récits et aux structures logico-narratives qui la sous-tendent. Il apparaît que l'épopée chante souvent la quête d'une épouse et les différentes épreuves qui lui sont afférentes. Des schèmes initiatiques successifs et/ou entrecroisés permettent au héros de franchir les étapes d'une vie, d'accéder progressivement à ce modèle emblématique que le chant des épopées exhorte. Et cela jusqu'à l'ultime passage: la mort. Ainsi Gilgamesh, qui a su triompher de tout avec son ami Enkidu, ne peut affronter la perspective de mourir à son tour et part en quête d'immortalité. Celle-ci, une fois trouvée, lui est dérobée et le héros accepte sa propre mort. Tandis que L'Odyssée chante Ulysse refusant l'immortalité pour assumer les multiples épreuves de la condition humaine et retrouver sa noble épouse. Attitude opposée à celle d'Achille qui, perdant son ami Patrocle, ne cherche plus qu'à le venger, tout en sachant que sa mort est inévitable et suivra celle d'Hector. Dans ce cas, optant pour la «gloire héroïque», il accepte le destin d'une mort précoce et sans descendance.

Dans la plupart des cultures qu'il nous a été donné d'examiner, tablettes d'argile ou de bois, papyrus, lamelles de bambou, lontars, olles, xylographes, parchemins ou feuilles de papier des scribes, moines et poètes ont croisé les voix des bardes et des rhapsodes. Ces manuscrits, supports visuels, ont engendré une oralité «mixte», où la voix et l'écrit coexistent. Puis une oralité «seconde»: la voix déclame un texte qui a été composé en termes d'écriture. Alors l'épopée orale amorce sa dérive vers la composition littéraire, la vision silencieuse et solitaire se substitue à l'audition et au partage communautaire, l'objet livre à l'action vocale et gestuelle. Les logographes, dont le mode de communication se situe entre le réciter et l'écrire, chantent la gloire et la louange de la cité ou des maisons princières et des rois, une histoire apologétique ou «pseudo-histoire» au service d'un pouvoir. Les poètes progressivement dissocient l'acte de chanter et l'acte de composer et s'adonnent à l'écriture et à la composition formelle. Ici, la multiplicité des esquisses n'est pas éphémère, mais laisse des traces visuelles sur lesquelles ils peuvent élaborer. Alors, très lentement ou brutalement selon les cas, l'épos tend à se rétracter et à être réduit au silence face à la puissance des mots écrits qui ont souvent accompagné des pouvoirs hégémoniques d'ordre militaire, politique ou religieux.

 

L' Afrique

 

En Afrique, où les valeurs de l'oralité sont restées vivantes, l'épopée a gardé sa fonction d'acte de parole à vocation publique, créateur de sens et d'émotion. Sa déclamation est vécue comme un rituel où se trouve ranimée l'identité qui fonde et unit une communauté. L'exaltation est la notion clé de l'éthique et de l'esthétique épiques. Pour la susciter, par-delà le récit, où action et personnages sont marqués par l'absolu et le paroxysme (signes universels de l'héroïsme), l'épopée ajoute à la puissance du verbe celle de la musique: par les thèmes -airs rythmant le récit, devises des héros-, par les instruments, tels le hilum ou le mvet (harpe-luth). Les épopées sont diverses, chaque peuple ayant ses repères et ses représentations; d'où les deux orientations qui les caractérisent, l'une plus historique, l'autre plus mythologique.

 

L'épopée à caractère historique

 

L'épopée à caractère historique apparaît dans des sociétés au pouvoir centralisé, dont les lieux d'identification se situent dans la constitution d'États ou d'empires et dans une organisation sociale stricte où le griot, héritier de son statut, apparaît autant comme un médiateur que comme un artiste de la parole. Les épopées de l'Afrique de l'Ouest peuvent être une interprétation métaphorique de chroniques historiques -telle celle du Kaajor, évoquant quatre siècles de règne des Damels- déroulée par les griots wolofs lors des cérémonies d'intronisation ou de funérailles. Ou bien elles prennent la forme de gestes, successions d'épisodes autour d'un personnage historique qui n'en est pas moins un héros épique archétypal réalisant son destin grâce à la magie en triomphant des tyrans et des génies, images symboliques de l'Autre. Tels sont le Marën Jagu des Soninké, le Zabarkaan des Zarma et, le plus célèbre de tous, Sunjata, qui fonda, au XIIIe siècle, l'empire du Mali. Sa geste justifie la société malinké actuelle par son oeuvre de législateur. Elle transfigure aussi la destinée historique de ce héros libérateur en l'inscrivant dans le mythe originel de la création du Mandé par les trois Simbon -maîtres chasseurs, venus sur l'Arche céleste- et renoue ainsi avec d'autres récits épiques plus légendaires, opposant à des animaux aux pouvoirs maléfiques des héros chasseurs comme le Kanbili des Malinké, le Fanta Maa des Bozo, le Seegu Bali des Toucouleurs, etc. Mais, mariant le réel au symbolique, l'épopée de Sunjata, qui a scellé l'unité du monde mandingue, est une version publique et «officielle» d'une véritable histoire du Mandé, conservée par un cénacle de maîtres de la parole, et transmise de façon confidentielle et ritualisée. Les épopées plus récentes, comme celles des Bambara ou des Peuls, s'inspirent de faits plus réels que mythiques et surtout de personnages historiques (Da Monzo, Ham-Bodêdio, Silâmaka...) pour incarner l'idéologie de ces peuples: pouvoir ou liberté. Si proches que soient leurs sujets, leur forme textuelle et leurs modalités d'énonciation (avec le luth), l'épopée bambara se distingue par l'intervention du griot, qui adapte l'idéologie ancienne au monde moderne. La peule, elle, est marquée par son interprétation austère, avec mise en valeur du héros, incarnant les vertus et le code éthico-social définissant l'homme peul. Ce resserrement de l'identité autour d'une idéologie de la personne caractérise les sociétés nomades comme, chez les Touareg, le cycle d'Aligurran, parangon de sagesse et de perspicacité, ou la geste hilalienne, patrimoine de toute l'Afrique du Nord, s'inspirant de la migration des Banu Hilal, au XIe siècle, depuis l'Égypte jusqu'à Kairouan. Les vertus du monde nomade traditionnel sont glorifiées à travers les aventures héroïques ou romanesques de Dyab et Zazya, personnages devenus légendaires.

 

L'épopée à caractère mythologique

 

L'épopée à caractère mythologique apparaît en Afrique centrale dans des sociétés polyarchiques dont les lieux d'identification se situent dans une organisation lignagère consacrée par un culte des ancêtres, des initiations et des rituels assurant la communication entre les mondes des humains et des Esprits. Elles cultivent la démesure et le fantastique et sont produites par des bardes initiés qui, porteurs d'emblèmes distinctifs et médiums de la voix des ancêtres, s'identifient au héros devant un public bruyamment actif. Exemple grandiose au Cameroun et au Gabon, le Mvet Ekang remonte à la création cosmique et raconte, dans un paroxysme de l'imaginaire, du verbe et de la musique, l'éternel affrontement des Mortels et des Immortels. Une révélation onirique instruisit le premier barde de la facture du mvet et du récit primordial, et une rencontre avec les «Fantômes» puis un sacrifice personnel consacrent le barde actuel. Par un rêve aussi, le barde nyanga du Zaïre apprend sa vocation, qu'il doit conforter par un culte rendu à Karisi, nom de l'épopée mais aussi du père de Mwindo, le héros du cycle, qu'un périple initiatique à travers ciel et mer ramène sur terre en homme civilisé et civilisateur: l'épopée est la parabole du pouvoir du chef, médiateur sacré entre les deux mondes des humains et des divinités. Jeki, le héros de l'épopée dwala, partage avec Mwindo ces pouvoirs exceptionnels qui donnent la maîtrise de la nature pour un projet d'ordre social. Le Kiguma des Lega, le Lianja des Mongo, les fils de Hitong des Bassa s'inscrivent dans la même lignée et, dans l'Afrique australe, le Chaka des Zoulous, bien qu'il soit un personnage historique (1786-1828), revêt les traits de ces héros fabuleux. Un long récit traduit du sesotho évoque l'ascension tragique de ce Napoléon africain qui, dans sa démesure, se sacrifia à sa passion inassouvie du pouvoir.

Bien que moins répandue, une épopée écrite et versifiée, héritière des modèles arabes, est née dans les régions islamisées. En Afrique de l'Ouest, les qasvda peules, haoussa, etc., relatent la «sainte lutte» menée par de grandes figures historiques. Dans l'aire swahilie surtout, depuis le plus ancien connu, l'Herekali (1728), de nombreux tendi ont fleuri, chantés par des bardes professionnels, qui exaltent dans un style élevé, plus descriptif que narratif, la victoire de l'islam ou celle des causes nationales ou patriotiques. Ils ont néanmoins pour ancêtre présumé l'Utenzi wa Liongo, au sujet profane, dont les vestiges livrent un écho des épopées orales évoquées précédemment.

L'Afrique produit aussi d'innombrables textes d'inspiration épique: panégyriques, poèmes généalogiques ou dynastiques, devises, chants d'éloge, etc., qui, comme l'épopée, reposent sur le pouvoir du verbe et les ressources de l'oralité. Car, plus que partout ailleurs, ce genre est resté fidèle à l'étymologie de son nom.

 

La Grèce et l'aire turcophone

 

De «L'Iliade» à la geste de Digénis Akritas

 

Au cours du VIIIe siècle avant notre ère, en Grèce, Homère, héritier d'une longue tradition de culture orale et vivant en son sein, élabore, développe le cycle épique de la guerre de Troie et donne à cette composition l'empreinte de son individualité. L'écriture alphabétique syro-phénicienne qui apparaît alors n'a encore qu'une incidence relative sur le contexte oral-aural. Plus tard, dans la Grèce classique, la déclamation des poèmes homériques figés par la cité était effectuée par des rhapsodes, les spécialistes de la récitation, transmettant l'encyclopédie de connaissances collectives, le savoir que l'épopée illustre dans un système d'éducation particulier (audition-lecture-écriture), fondant ainsi notre propre tradition littéraire. En chantant le kléos, la gloire d'Achille, et le nostos, le voyage de retour d'Ulysse, l'épopée homérique exalte le code d'honneur héroïque, les modèles de comportement de cette société, elle révèle la difficile condition humaine, déplore les cruautés et les malheurs de la guerre. Tous les hommes sont soumis à un implacable destin, tant du côté des vaincus que de celui des vainqueurs. Au-delà de leur adversité, la souffrance unit les hommes, et c'est là tout l'humanisme d'Homère.

Des siècles plus tard, le héros épique de la tradition byzantine est, lui, un homme de frontières, de descendance mixte, chrétienne et musulmane, qui se bat aux côtés des Byzantins contre les attaques des infidèles orientaux. Un ensemble de récits légendaires sur les guerres arabo-byzantines aux marches orientales de l'empire du IXe et du Xe siècle a donné lieu à l'épopée de Digénis Akritas. La geste de Digénis (issu de deux géni = races) Akritas (homme des akra = frontières) a souvent été comparée aux gestes occidentales du XIIe siècle, la Chanson de Roland, les Nibelungenlied et le Poema del Mio Cid. Le thème du conflit entre chrétiens et infidèles leur est commun, tout comme le fait qu'ils constituent le premier texte de quelque longueur et d'un genre nouveau dans la langue vernaculaire, en rupture avec la tradition littéraire du Moyen Âge. À ces parallèles occidentaux il convient d'ajouter les gestes musulmanes de la même période et notamment les gestes de Sayyid-Battal et de Melik Danismend. L'état actuel des recherches comparatives -du corpus grec avec la tradition slave, où l'on retrouve la plupart des thèmes «akritiques», ainsi qu'avec les récits épiques turcs- ne permet pas de supposer une tradition partagée dans l'aire byzantino-ottomane, mais il est certain que, si l'épopée byzantine ne fait aucun écho aux gestes occidentales, elle en partage plusieurs thèmes, épisodes, noms de personnages et de lieux avec les récits légendaires du monde musulman: la conquête (ou la reconquête) de l'Anatolie constitue le thème central des récits épiques byzantins, arabes et turcs. Les héros «orientaux» sont des hommes des frontières à plus d'un titre: défenseurs des marches, ils luttent contre les infidèles jusqu'à en convertir quelques-uns par le mariage. Les héros épiques pratiquent l'exogamie: le Byzantin Digénis est fils d'un émir converti et d'une noble chrétienne; Sayyid Battal et Danismend, les musulmans, se marient tous deux à des princesses byzantines.

Les récentes études sur la relation de la société byzantine avec l'écriture, qui font état d'un degré d'alphabétisation élevé, ont reposé la question de la distinction entre tradition orale et tradition écrite dans le contexte de la littérature populaire et notamment à propos de l'épopée de Digénis Akritas. Par ailleurs, il semble établi que les poètes du Moyen Âge byzantin récitaient devant un auditoire qui écoutait ou bien qui suivait le récit en lisant un texte. Le premier témoignage sur les poètes des légendes épiques date de l'Anatolie du Xe siècle et parle des mendiants de Paphlagonie, compositeurs de chants sur la «passion» des hommes glorieux, qui allaient de maison en maison. Ce témoignage ainsi que le grand nombre des expressions formulaires répertoriées dans toutes les versions de Digénis Akritas vont dans le sens de l'étymologie: en effet, depuis Homère, le terme épos (épopée) renvoie à la parole, au mot, à l'opposé de muthos (mythe), qui s'applique au contenu des paroles.

 

L'épopée par-delà langues et cultures

 

La continuité linguistique est le facteur déterminant qui explique que dans l'aire turcophone, qui s'étend de la muraille de Chine aux Balkans, des peuples et cultures que leur destin historique, leurs options religieuses ont pu séparer relèvent d'une étonnante communauté de traditions littéraires fondamentales, comme le genre épique.

Certaines des inscriptions en alphabet «runique» des monuments funéraires de la région du lac Baïkal (VIIe siècle av. J.-C.) présentent déjà, en langue turque, les ingrédients essentiels et les formes du genre épique: l'héroïque, le merveilleux et l'historique, combinés dans un récit poétique déclamatoire en vue de la célébration exemplaire d'un parcours dynastique. L'ensemble distingue, à travers la geste du héros, un clan, une tribu, un peuple. L'aspect formel joue un rôle déterminant dans le repérage du genre et de sa reconnaissance par un auditoire. En premier lieu, il existe bien un «vers épique» commun à toute la tradition turque, avec un mètre de sept syllabes. On peut relever d'autre part un recours notable aux figures métonymiques plutôt qu'à la métaphore. Comme dans le cas d'autres traditions épiques, la distinction oral-écrit pose plus de problèmes qu'elle n'en résout: les sociétés turques sont des sociétés «à écriture» et l'opposition est moins entre l'oral et l'écrit qu'entre les versions «savantes» et «populaires» à l'intérieur de chaque registre. Le terme qui désigne le conteur d'épopée, ozan (de la racine oz qui contient une idée de dépassement), indique la professionnalité et la tradition de compétition entre les exécutants, détenteurs de secrets de mnémotechnie et de tours langagiers, qui se poursuit encore aujourd'hui avec les achik de Turquie, rhapsodes itinérants.

Chaque cycle épique combine, à des degrés divers, des éléments mythiques, légendaires, historiques: c'est la célébration de la foi islamique conquérante dans Dede Korkut par exemple. Parfois, l'épopée chante une quête amoureuse: les romances lyriques deviendront un genre à part entière avec Tahir et Zühre, Leylâ et Medjnoun. Dans la pratique, l'auditoire reconnaît chaque récit épique par le nom de son héros éponyme: ainsi pour Köroglu, «le Fils de l'aveugle» (aire oghouze), Er-Töshtük, «le Brave qui a du torse» (domaines kazakh et kirghiz), Ak Köbök, «Écume-Blanche» (Altaï, Sibérie méridionale). Chaque épopée est d'abord une représentation d'un type particulier d'héroïsme. La plupart de ces récits relèvent d'ensembles plus vastes, organisés en cycles. L'exemple le plus complexe et important est celui de Manas, une trilogie kirghize de plus d'un million de vers consacrés au héros central Manas, à son fils Semetey et à son petit-fils Seytek, et dont le récit d'Er-Töshtük (13000 vers) fait partie.

Avec l'islamisation, l'imprégnation persane des Turcs Seldjoukides et la transition des formes de chefferie caractéristique du pastoralisme nomade vers l'État impérial ottoman, on assiste à une historicisation très nette des cycles épiques qui seront regroupés en recueils. Les contenus restent toutefois étonnamment stables, par-delà la célébration fervente mais superficielle de la toute nouvelle foi islamique. Ces recueils de tradition savante sont appelés d'après la forme qu'ils revêtent (kitab, livre), leur contenu (destan, conte, récit légendaire, de renom), ou encore par l'adjonction du terme namè (épître, témoignage, ou «histoire poétique») au héros éponyme, à l'instar du Chah-namè de Firdowsi.

Certains Oghouz-nama («l'épopée de la tribu des Oghouz») sont ainsi signalés dès le XIe siècle: le plus célèbre est connu sous le nom du Livre de Dede Korkut, du nom du narrateur, Korkut Ata («Grand-Père-Trésor de sagesse»). Il s'agit d'un recueil dont on possède des manuscrits depuis le XVe siècle. L'intérêt de Dede Korkut réside dans le fait qu'il constitue le point nodal de plusieurs traditions épiques turques, mais aussi des épopées de l'espace anatolien préislamique avec comme thématique la lutte pour la foi et la communauté des siens (Digénis Akritas, Sayyid Battal Ghazi, etc.). À cette dimension de lutte pour la foi, il convient d'ajouter la thématique de la lutte du héros solitaire contre le pouvoir d'État. L'archétype en est l'épopée du Fils de l'aveugle (Köroglu), dont Georges Dumézil recherche les racines chez les Scythes et dans Hérodote. Le «coursier à la robe pie rubican» -cheval magique de Köroglu- est présent dans les versions arméniennes de la période byzantine. C'est toutefois la dimension «politique» de la lutte contre la tyrannie d'État qui explique probablement l'extension du cycle de Köroglu dans une vaste région (qui comprend les Arméniens, les Géorgiens, les Grecs, les Turcs, les Persans...), ainsi que sa pérennité et sa vitalité présente dans l'aire anatolienne.

À travers la continuité entre les cycles des Manas, du Livre de Dede Korkut et du Fils de l'aveugle et l'appartenance à une aire linguistique turque commune, le genre épique constitue donc -peut-être au même titre que le système de la parenté- un ordre culturel et social idéalisé, une des structures fondamentales partagées et vivantes des cultures turques.

 

La tradition européenne

 

Chanter de geste, chanson de geste, ces deux expressions, bien attestées au Moyen Âge, désignent au plus juste la forme qu'a prise l'épopée dans la France médiévale, à partir de La Chanson de Roland (vers 1090): la célébration des exploits (res gestae) des héros nationaux, au long d'un récit, psalmodié plutôt que chanté, par un récitant qui s'accompagnait à la vielle. Nous n'atteignons plus les chansons de geste que sous leur forme écrite. Mais la présence de la voix vive, les échos de la récitation, le jeu toujours ouvert de l'improvisation restent très sensibles dans la diversité des versions conservées d'un manuscrit à l'autre, dans la fréquence des interventions de jongleurs, dans la communication qui s'établit entre ce même jongleur et son public.

 

Histoire et épopée

 

Oëz seignor! «Écoutez, seigneurs!» La formule, vite ritualisée, des prologues de chansons de geste convoque un public essentiellement masculin mais qui n'est pas forcément, du moins pour les premières chansons de geste, un public populaire. Si la chanson de geste exalte en effet le plus souvent le passé national carolingien -histoire et légende indissolublement tissées-, elle célèbre surtout, avec les héros épiques, le groupe des guerriers, leurs valeurs de classe et leur fonction: l'exercice d'une prouesse au service de Dieu, du roi ou de soi-même. Et c'est à leurs descendants du XIIe et du XIIIe siècle qu'elle semble d'abord proposer des modèles du passé à réactualiser dans le temps présent, le temps des croisades en Terre sainte, de la reconquête de Jérusalem ou de la reconquista de l'Espagne musulmane, tous enjeux déjà présents dans La Chanson de Roland. À ce public, il n'est guère question d'apporter du nouveau, mais bien plutôt de célébrer en communion d'esprit une histoire qui est le bien de chacun.

 

L'art de la laisse

 

Texte fragmenté, renvoyant toujours à un plus vaste ensemble, la chanson de geste est sur le plan formel un art du discontinu. La laisse, séquence plus ou moins longue de vers décasyllabiques (plus rarement dodécasyllabiques) unis par la même assonance (ou, plus tardivement, par la même rime), est à la fois une unité narrative, rythmique et mélodique à l'intérieur de laquelle chaque vers forme très généralement une unité sémantique et syntaxique. Les contours des laisses sont fortement dessinés par la présence d'un vers d'intonation et d'un vers de conclusion, et chaque laisse à la fois se distingue et s'unit à celle qui la suit par la reprise, avec variation (on parle alors de laisses enchaînées), du dernier vers, ainsi que par le changement d'assonance. Mais, dans les moments de grande tension dramatique -comme pour la mort de Roland-, les laisses enchaînées peuvent céder la place aux laisses similaires. À l'intérieur des laisses ou de leur groupement, le récit se déploie à partir de formules, les clichés épiques, qui s'organisent à leur tour en motifs narratifs, la dimension esthétique comme l'attente du public reposant alors sur l'ingéniosité de la variation exécutée sur un sujet donné.

 

Évolution du genre

 

À partir de La Chanson de Roland, qui suppose déjà, dès ses premiers vers, un horizon d'attente très fortement constitué, la chanson de geste est fondée sur le retour de quelques grands héros: Charlemagne et les douze pairs de France; Guillaume d'Orange et ses neveux; Raoul de Cambrai ou Girart de Roussillon, suivis de la longue lignée des barons rebelles à l'autorité des rois de France; ou bien encore les héros frénétiques de la geste des Lorrains. Dès la seconde moitié du XIIe siècle, les chansons, d'abord dispersées, tendent à s'organiser en cycles. Bouleversant l'ordre de composition, elles s'ordonnent alors, dans l'espace des manuscrits, selon l'arbre généalogique des héros, de leurs ancêtres à leurs ultimes descendants. Une autre évolution du genre réside dans le choix ou le croisement des thèmes qui s'allient au thème primitif de la prouesse. L'exotisme, sous les espèces, souvent, de l'amour, du personnage de la belle Sarrasine séduite et convertie par le héros franc (dans les chansons du cycle de Guillaume d'Orange), le merveilleux oriental ou folklorique (au XIIIe siècle, la chanson de Huon de Bordeaux et d'Aubéron, roi de féerie) pénètrent l'univers de la geste. L'événement historique y trouve aussi sa place. La Chanson d'Antioche, La Chanson de la conquête de Jérusalem, d'autres encore, relatent les hauts faits des héros de la première croisade. Plus tardivement, deux cycles de la croisade se cristallisent autour de Godefroi de Bouillon, premier «avoué» de Jérusalem, et de son ancêtre mythique, le Chevalier au cygne, le futur Lohengrin. Et ce n'est sans doute pas un hasard si la forme alors surannée de la chanson de geste, d'une forme vouée à l'histoire dès qu'elle peut tendre au mythe, fait retour à l'extrême fin du XIVe siècle pour célébrer les hauts faits et la mort de Bertrand du Guesclin, le héros national de la guerre de Cent Ans.

 

Le monde finno-ougrien

 

L'inventaire des genres épiques dispersés dans l'immense diaspora finno-ougrienne -essentiellement localisée, à l'exception du hongrois, dans des contrées nordiques qui vont de la Norvège à la Sibérie occidentale- fait appel à quelques notions clés: parenté étroite entre prose et poésie épiques, absence de démarcation entre poésies épique et lyrique dans la tradition orale. Si l'existence d'une épopée naïve des Hongrois détruite par le christianisme médiéval n'a pu être prouvée, des éléments de tradition épique se retrouvent chez les Mordves, les Tchérémisses et les Zyriènes (ballade historique), chez les Lapons/Sames (cycles héroïco-historiques des Skolts). La grande poésie épique est représentée surtout chez les Ob-Ougriens (chants dits «du destin» des Ostiaks et des Vogouls) et, en Europe du Nord, chez les populations balto-finnoises ou fenniques -en particulier dans les épopées finno-carélienne et estonienne connues, dans leur version compilée et éditée au XIXe siècle, sous les noms respectifs de Kalevala («Le Pays de Kaleva») et de Kalevipoeg («Le Fils de Kalev»).

 

Le chant kalévaléen

 

Appelée en Finlande runo (de runa, rune, inscription magique en scandinave), la poésie traditionnelle chantée se caractérise par une métrique propice à l'allitération, qui, remontant à l'époque du «fennique commun», aurait subi l'influence des traditions baltes. Le mètre dit kalévaléen, commun à l'ensemble des populations fenniques, est un trochée à quatre pieds dont chaque vers comprend huit syllabes; il a recours, comme les autres poésies traditionnelles nord-eurasiennes, à différents procédés de cohésion iconique: allitération, assonance et parallélisme. À la différence des chants populaires dits nouveaux, le chant kalévaléen ne connaît ni la rime ni le découpage en strophes. Sa mélodie de base est à cinq temps, portant sur un ou deux vers, et se répète à l'infini au gré du barde: il s'en dégage une certaine impression de monotonie.

Dans la société des Anciens finnois, la poésie traditionnelle remplissait une fonction essentielle: présente dans la vie quotidienne (berceuse, chant du berger...) comme dans les grandes manifestations collectives (fenaison, jeux, danses, etc.), la poésie chantée exerçait aussi une fonction rituelle, au cours du festin chamanique de l'ours et lors des cérémonies nuptiales.

D'un point de vue structurel, la poésie kalévaléenne se subdivise en quatre sous-groupes principaux: la poésie épique, la poésie lyrique, les incantations et la poésie cérémonielle. La performance s'effectuait en solo, en duo ou en choeur selon les circonstances. Seules la Carélie orientale et l'Ingrie ont connu une véritable tradition chorale, avec soliste et chant à répons. Il y avait peu de différences, quant à la performance, entre poésie épique et lyrique. Une autre classification répartit en classes la poésie kalévaléenne: mythique, magique et chamanique, fantastique, historique et guerrière, etc.

La poésie mythique peut, sur la base de critères linguistiques, être rapportée à l'époque dite préfennique (env. 1000-500 avant J.-C.). Dans les mythes caréliens de la création, deux héros, Väinämöinen et Ilmarinen, symbolisent le duel ancestral de l'épopée animale (aigle-ciel/poisson-eau), tandis qu'un troisième représente la gent oiseau (Joukahainen, de joutsen, cygne). «Väinämöinen jouant du kantele» est l'un des poèmes angulaires de l'épopée: un trait archaïque, la naissance de l'instrument, est modernisé par l'adjonction ultérieure du motif d'Orphée, connu des ballades scandinaves comme des boulin russes. Le poème est formé de deux autres poèmes originellement distincts («La Fabrication de la barque», thème fennique ancien, et «La Naissance du kantele», thème présent autour de la Baltique) puis combinés par un barde de talent.

Avec la poésie magique et chamanique, le Kalevala médiéval s'humanise en se dramatisant: l'esprit guerrier de l'âge viking se substitue aux influences pacifiques baltes. Väinämöinen erre en quête d'aventures, Ilmarinen l'assiste dans la préparation d'une expédition hasardeuse en direction du Grand Nord lointain (Pohjola), destinée à récupérer le trésor du Sampo (objet magique, moulin à produire de l'or, ou effigie de culte?). Le cycle du Sampo, imprégné de croyances animistes (objets investis d'esprits tutélaires, rites de fertilité), suit aussi le canevas de légendes scandinaves anciennes (comme la Bósa Saga). Métrique et stylistique évoluent: le vers trochaïque comprend généralement quatre pieds (influence du fornyrddislag scandinave?), l'apparition du dialogue est un critère de datation. La performance généralement choisie se déploie en «joute oratoire» chantée: ce duo-duel était aussi pour les chanteurs aguerris une situation favorable à la création de chants nouveaux (invention en alternance).

 

Le «corpus» épique

 

Deux aspects essentiels de l'univers kalévaléen sont souvent oblitérés par l'ombre géante de l'épopée publiée et traduite. D'une part, le Kalevala (la première édition date de 1835, la deuxième, augmentée, de 1849) et la Kanteletar (1840-1841) ne sont que le sommet visible d'un iceberg dont les folkloristes finlandais s'évertuent depuis le XVIIIe siècle à dégager la partie immergée. Plus de quatre-vingt-cinq mille variantes ont été ainsi collectées et annotées (1270000 vers, recueillis en Finlande, Carélie et Ingrie, ont été édités).

Par ailleurs, qu'ils soient récités, déclamés ou théâtralisés à l'intention d'un public, les poèmes du Kalevala sont généralement présentés sous la forme invariable de la mélodie dite kalévaléenne, devenue canonique. Or leur mode naturel de performance était le chant, y compris le chant à répons, dont les choeurs ingriens sont un vestige pur.

Le Kalevala et le Kalevipoeg sont-ils des compositions savantes ou des épopées populaires authentiques? Il s'agit avant tout de sommes de la tradition et de la mythologie finnoises et estoniennes, synthèses qui se prêtent mal à l'étude en «genres» distincts. La composition est certes romantique -de nombreuses chansons lyriques sont insérées dans les poèmes épiques-, mais cela revient à conserver l'esprit d'oeuvres populaires de tradition orale. L'objectif commun est clair: réveiller la confiance du peuple par l'exposé d'une histoire collective et des conditions de vie ancestrales de deux peuples frères. La force inspiratrice des deux oeuvres prend appui sur une collecte unique de matériaux traditionnels.

 

L'Asie intérieure

 

Presque tous les peuples d'Asie intérieure (de la Sibérie au Tibet) font, en certaines saisons surtout, résonner leurs veillées de longs récits chantés ou rythmés, glorifiant des actes individuels de valeur héroïque. Il s'agit avant tout d'accomplir un acte rituel, servant les idéaux collectifs. Véhiculant des valeurs d'autodéfense et de perpétuation, ces récits sont censés être doués d'efficacité symbolique: ils attirent ce qui favorise la vie, écartent ce qui la met en péril. Cependant, ils varient d'un peuple à l'autre par la forme (d'une simple psalmodie à une stricte versification soutenue musicalement), par l'ampleur (de quelques centaines de vers à plusieurs dizaines de milliers) et par la portée dans la vie et la pensée de la société (d'une tradition ressentie désuète car liée à un mode de vie archaïque, à un emblème d'identité ethnique toujours actuel).

Les auteurs divergent sur le seuil qui sépare l'épopée du chant épique ou du récit héroïque. Tous conviennent que c'est dans les steppes et les hauts plateaux que le genre épique est le plus développé, chez les peuples des familles turco-mongole et tibétaine, pasteurs nomades surtout. La richesse de leur tradition épique est notoire en Occident dès le milieu du XIXe siècle, mais également en ex-U.R.S.S. et en Chine. Quant aux peuples vivant plus au nord de chasse et d'élevage du renne dans la taïga et la toundra, le caractère épique de leurs traditions a été reconnu dans les années 1950 par la recherche académique soviétique et a donné lieu à la création d'une série, publiée par l'Institut de littérature mondiale. Discutable pour certains textes qui y sont présentés, la qualification d'épique prend sens à la lumière de l'ensemble, qui s'offre comme un éventail de variations des traditions épiques et de leurs rapports avec les types de société où elles se manifestent.

 

Un héros majeur: Gesar

 

Une différence frappe d'emblée. Certains peuples (les Sibériens: Samoyèdes, Toungouses, Altaïens...) connaissent plusieurs épopées et plusieurs héros. D'autres (ceux des steppes et des hauts plateaux) accordent à une épopée et à un héros une supériorité qui frise l'exclusivité: c'est le cas du Gesar tibétain comme du Geser mongol, qui s'en inspire. Cette différence en recoupe de nombreuses autres. La pluralité d'épopées et de héros qui caractérise le genre épique en Sibérie va de pair avec une organisation clanique ou tribale (plus ou moins préservée au sein de l'État russe puis soviétique) et avec l'oralité. Elle n'entraîne pas une pluralité de contenus et de valeurs. Dans des récits différents se raconte un même type d'histoire. Sous des noms différents se profilent des héros interchangeables qui incarnent l'homme idéal traditionnel; sans être pris pour des ancêtres, ils sont associés à un passé révolu. La voix du barde porte le chant, qui est syllabique, allitéré et rythmé sur une mélodie simple; celle-ci est reprise par l'assistance pour des refrains ou des devises.

Le genre à héros unique va de pair avec une organisation étatique (empire mongol, royaume tibétain), avec l'usage de l'écriture et de la musique, ainsi qu'avec l'historicisation du héros. Celui-ci incarne un idéal de chef. L'individualité de sa biographie est accentuée, une naissance miraculeuse lui est attribuée. La figure du héros vaut aujourd'hui indépendamment de l'épopée et de son exécution rituelle: ainsi des posters le représentant, qui foisonnent à Lhassa.

La version écrite la plus ancienne, celle du xylographe de Pékin (1716), est un Geser mongol traduit du Gesar tibétain. L'usage de l'écriture n'entraîne pas l'uniformité de contenu: les histoires écrites diffèrent. Il n'entraîne pas non plus l'absence d'une tradition orale d'exécution, de transmission ou même d'innovation: l'écrit alimente et relance l'oral, surtout au Tibet, où les textes abondent. Le barde tibétain ne fait jamais usage d'un instrument de musique. Chez les Turco-Mongols, l'accompagnement musical, à la vielle ou au luth, tend à professionnaliser le barde, mais l'exécution de l'épopée, qui exige la participation de l'assistance, reste un rite.

Bien que son nom vienne du Caesar romain, Gesar-Geser a été identifié à des personnages historiques (au roi de Ling au Tibet, à Genghis Khan en Mongolie, et même à Ungern-Sternberg, Russe blanc. Son ennemi principal a, lui, été identifié par les Bouriates à la divinité lamaïque Zamtsarano (en tibétain: L Cam srin) et à Hitler. L'écriture et l'histoire ne font pas perdre à l'exécution de l'épopée son efficacité symbolique: son manuscrit protège le bétail d'une épidémie, une peinture du héros prévient la famine, la guerre ou la maladie; sa mélodie fredonnée redonne courage. D'un type intermédiaire, le Dzangar kalmouk est un cycle réunissant les gestes autonomes des douze compagnons de Dzangar, dont Khongor est le plus familier, préféré au héros central même; les versions écrites sont récentes; en 1940, le héros a été identifié au chef oïrate qui en 1440 fit prisonnier l'empereur de Chine, pour justifier de fêter le cinq centième anniversaire de l'épopée.

 

Rites et thèmes

 

Les Bouriates de la forêt sibérienne ont plusieurs épopées similaires de petite dimension, ceux qui sont proches de la steppe mongole ont une préférence pour Geser, mais n'en ont que des versions orales, divergentes entre elles et ne devant aux versions tibétaine et mongole guère plus que le nom du héros. Bien documenté, leur cas illustre les constantes et les facteurs de variation. La tradition prescrit de réciter l'épopée durant la saison de la chasse au cervidé, pour la favoriser, et interdit de le faire l'été ou sans raison, sous peine d'orage, de maladie.... L'exécution est un «devoir collectif»; aussi le barde, choisi parmi les bons chanteurs, n'est pas rétribué; il doit chanter jusqu'au bout, et l'assistance doit l'y aider; il chante d'une voix grave ancrée dans un son de bourdon, assimilée à celle du chamane -condition de l'efficacité rituelle. Dans les milieux proches des Mongols, le barde voit son statut s'affirmer, étayé par le succès aux joutes oratoires préalables et par la maîtrise de la vielle; il reste néanmoins un üligersin, un homme de tradition orale populaire (différent du barde mongol, tuul'cin ou gesercin, qui s'inspire de versions écrites et qui, avant le régime communiste, se mettait au service d'un chef pour sa course au prestige). Le héros commun est soit un bon tireur, mergen, soit un fils, xübüün, qui venge son père aidé de son seul cheval. Geser, fils vengeur, est en outre chef politique (car fils de l'aîné du lignage ou fils d'un être céleste) et chef militaire, entouré de preux baatur-bagatar.

Le thème de la quête en mariage est présent dans toutes les épopées, mais sous des formes qui varient avec le type de société. Thème principal en Sibérie, il recule au profit du thème de la vengeance dans les steppes, puis de la guerre là où la société a été centralisée. Partout, la quête en mariage est une longue et dure campagne: la promise du héros est lointaine, son futur beau-père l'accable d'épreuves. Dans le type sibérien d'épopée, le héros a une femme et un fils -le récit couvre deux générations. Dans sa variante bouriate archaïque, Geser a deux femmes, et deux de ses fils sont héros à leur tour. Dans les versions mongoles lamaïsées, il accumule les femmes (jusqu'à treize, chez les Monguor) et n'a pas d'enfant (parfois, un fils qui meurt aussitôt); il est, là, décrit comme un chef religieux qui répand la doctrine. Partout, le héros venge son père agressé, reprend sa soeur enlevée, restaure l'intégrité de son groupe. Il gagne parce qu'il est dans son droit, malgré ses faiblesses. Ses adversaires sont aussi braves que lui et souvent plus forts, mais, agissant pour un autre groupe ou à l'encontre des règles communes, ils doivent perdre. La stratégie de Gesar-Geser, défensive chez les Bouriates, est en outre punitive et même conquérante dans les versions écrites mongoles et tibétaines lamaïsées. Ses combats sont conçus comme visant à «dompter des démons» (Tibet) ou à «éliminer des monstres» (Mongolie), termes englobant les notions d'ennemi et de maladie; conception révélatrice, car la plupart de ces combats, décrits dans des épisodes autonomes, débouchent seulement sur la reprise d'une épouse ravie, sur un mariage secondaire ou une prise de butin (et à la conversion au bouddhisme dans des versions tibétaines lamaïsées).

La conjugaison des valeurs de défense et de perpétuation de la société fait de l'épopée, dans ces régions, un fondement de l'identité et de l'intégrité, que ce soit au niveau clanique, ethnique ou national. Par là, l'épopée est un enjeu idéologique potentiel, comme le montre son histoire chez les peuples à héros unique ou prédominant. Elle a été combattue par le lamaïsme là où elle n'avait pu être récupérée comme outil de propagande. Au Tibet, elle ne pouvait être récitée dans certains monastères où, pourtant, les écrits devaient être conservés; malgré son abondance en préceptes lamaïques, elle était parfois réprimée par le clergé, qui la savait ressentie comme une glorification de l'homme idéal tibétain. Elle a été dénigrée puis réhabilitée en U.R.S.S. De nombreux colloques ont eu lieu en Chine et au Tibet. Que l'épopée se maintienne, se transforme ou disparaisse, son héros perdure, véritable emblème de l'identité populaire.

 

L'Asie du Sud

 

L'idée de tradition épique en Inde

 

Les plus anciens monuments littéraires indiens qui nous sont parvenus sont les Veda, recueils d'hymnes et textes religieux qui ne sont pas dénués de matière épique. Il faut attendre les environs de l'ère chrétienne pour avoir de véritables récits suivis et pouvant recevoir la dénomination d'épopée: le Mahabharata et le Ramayana sanskrits, le Cilappatikaram tamoul, etc. La conscience de la narration épique comme genre littéraire remonte plus haut. Une Upanisad ancienne comme la Chandogya dans une énumération des branches du savoir mentionne après les quatre Veda «en cinquième, itihasa et purana». Le terme «itihasa» («information par ouï-dire») exprime le caractère traditionnel du récit. Il est appliqué notamment au Mahabharata et au Ramayana. «Purana» est un adjectif dont le sens premier est «ancien». Substantivé, il réfère, comme «itihasa», au récit d'un passé immémorial, avec des caractéristiques de composition plus définies.

Le premier caractère commun de ces deux genres est l'occultation des auteurs historiques réels des textes qui se donnent comme une matière épique sans âge, où la transmission par voie orale est elle-même intégrée dans un cycle mythique. C'est ainsi que Vyasa, un des protagonistes de l'histoire du Mahabharata, est donné comme le narrateur originel du texte. La plupart des purana sont donnés comme récités originellement par un barde mythique du nom de Suta Lomahar@sa@na à des ermites. Le prophète ou premier récitateur (pravaktr) garde une dimension mythique. Et la longueur de la chaîne de transmission jusqu'aux hommes ordinaires est donnée comme la plus longue qui soit. D'autre part, le premier récitateur, même s'il appartient au monde des sages surhumains, ne fait que reproduire tel quel le récit d'un être d'ordre surnaturel d'un plan encore plus élevé que le sien, le monde des dieux ou l'être suprême.

Cette représentation mythique de l'idée de tradition n'exclut pas l'idée de l'intervention de rédacteurs humains, appartenant à une période historique plus ou moins proche. Mais celle-ci ne concerne que la forme du texte. Et, surtout, tout nom d'un tel rédacteur, toute information biographique sur lui sont totalement occultés. Dans la plupart des cas, on décèle des remaniements de diverses époques et en diverses régions de l'Inde. Un cas exceptionnel est celui du Bhagavata Purana, qui se signale par la rigueur de sa composition et son unité de style, ce qui fait penser à un auteur unique qui aurait soigneusement caché tout de son existence. On a pu à partir de critères indirects faire l'hypothèse très valable que ce texte a été composé au Xe siècle de notre ère dans l'extrême sud de l'Inde.

L'épopée «sans auteur» en sanskrit a exercé une très grande influence sur la culture de l'Inde à tous les niveaux sociaux, dans toutes les religions de l'Inde, y compris chez les Jaina et dans toutes les langues populaires. Dans le domaine littéraire, cette influence se traduit par une production très abondante de versions nouvelles dans les formes les plus diverses, les auteurs étant dès lors reconnus, Kamban pour le Ramayana tamoul, Pampa pour un Mahabharata kannada, etc. Il y a enfin dans des langues régionales des oeuvres indépendantes d'originaux sanskrits, glorifications de héros de ces provinces, telles les remarquables épopées de l'antiquité tamoule.

 

L'univers épique

 

Le contenu de cette tradition épique est un tissu de mythologie et d'histoire inscrites dans des conceptions définies des êtres, de l'espace et du temps. Les êtres qui animent les récits sont d'espèces très diverses. Les dieux sont les principaux protagonistes. Ils sont hiérarchisés en classes et en fonction de leur personnalité. Il y a un être suprême, Siva, Visnu ou Devv, etc., selon la religion particulière dont relève le texte, puis d'autres figures souveraines, puis des groupes de divinités, définis par un nombre consacré et une fonction, les huit Vasu, les cent Rudra, etc. Au-dessous d'eux se trouvent des êtres intermédiaires entre dieux et hommes, généralement en groupes, avec relativement peu de personnalités portant un nom propre, tantôt bénéfiques, voués à la jouissance des plaisirs, yaksa, gandharva, apsaras, etc., tantôt maléfiques, raksasa, etc. Au-dessous viennent les hommes, puis des êtres du règne animal, notamment les naga, serpents ou dragons. Chacune de ces classes d'êtres a son monde. Deux conceptions de l'espace se superposent. L'une envisage des étages correspondant à la hiérarchie des dieux et des classes d'êtres; plusieurs schémas sont attestés: l'un en trois niveaux, terre des hommes, espace intermédiaire des yaksa, gandharva, etc., ciel des dieux; un autre en sept niveaux, les précédents plus quatre autres ciels; ou la même série avec des mondes souterrains, royaumes des naga, des Enfers; etc. L'autre conception de l'espace le représente en sept anneaux concentriques sur un même plan, séparés par autant de mers, avec pour centre une montagne appelée Meru, plus large au sommet qu'à la base; les dieux habitent le Meru; les hommes le premier anneau, appelé Jambu-dvvpa, «continent du Jambosier», lui-même divisé en sous-continents dont le plus méridional est le Bharata-varsa, territoire de l'Inde.

Le temps est conçu comme un cycle de périodes récurrentes de vie et de mort de l'univers. Il y a une création, charge du dieu Brahman, suivie d'une période de maintien, assuré par le dieu Visnu, aboutissant à une destruction confiée au dieu Siva, laquelle n'est pas définitive, parce que, après la période de sommeil de Visnu, Brahman reprend son activité, et ainsi de suite. Il y a aussi plusieurs échelles de temps selon les catégories d'êtres, un temps des dieux, différent de celui des hommes: par exemple, ce qui est une journée de Brahman est 4    320 millions d'années humaines.

Cet univers mythologique est étroitement relié à l'univers historique et au vécu des hommes, de façon à constituer un tout où ils ne sont pas séparables et qui constitue le fond des textes. Tout d'abord, les classes d'êtres ne sont pas étanches. Les dieux descendent dans le monde des hommes. Leur «descente», tel est le premier sens du mot «avatara», est conçue comme une incarnation à part entière où le dieu descend dans une autre espèce ou bien place une part de son essence dans un corps humain (cas des héros du Mahabharata), ou encore une hypostase où de l'essence du principe suprême émane un être à son tour essentiellement distinct, une création d'un être par un dieu à partir d'une substance extérieure à lui. Les descentes de Visnu en Krsna, etc., sont faites pour sauver les hommes des maux qui les oppressent. Krsna, Rama ont ainsi une dimension proprement humaine. Inversement, il y a des hommes qui sont hommes, mais prennent une dimension mythique par des caractères surnaturels ou des exploits surhumains. D'abord, des rois appartenant à deux dynasties, l'une issue du Soleil, l'autre du dieu Lune. Chacune fournit la matière d'un cycle épique inépuisable. Celle du dieu Lune a produit le Mahabharata, celle du Soleil le Ramayana. Ensuite, il y a des sages qui par leur yoga ou leurs pénitences acquièrent des pouvoirs surnaturels leur permettant d'agir parmi les dieux, aussi bien que parmi les hommes. Par leur intermédiaire, on passe de l'univers mythique à l'univers historique. Les dynasties royales de l'histoire se donnent généralement des origines mythiques en se rattachant par une légende aux dynasties du Soleil et du dieu Lune.

 

L'épopée dans la vie religieuse

 

L'espace et le temps de l'épopée sont un élément important de la vie religieuse. L'épopée a souvent donné comme théâtre aux récits des lieux et des sites de l'Inde l'Himalaya, la Ganga, Ceylan, etc. Inversement, la dévotion a situé dans le territoire indien les lieux des grands événements et exploits des héros, tels qu'Ayodhya, lieu de naissance de Rama, le Kuruksetra, site de la grande bataille du Mahabharata     (un peu au nord de Delhi). Ces lieux prennent ainsi un caractère sacré et deviennent le but de pèlerinages. Le récit épique est pour le dévot l'outil fondamental. Il peut en extraire des idées et les intégrer dans un rite. Il y a des cultes que l'on qualifie de «puraniques» parce que les divinités auxquelles ils s'adressent, les formules qui y sont prononcées sont tirées de purana, au lieu d'être prises dans les autres textes canoniques que sont les Veda et les tantra. La récitation du texte épique peut être exécutée comme un rite. Tel culte tire sa matière d'un purana et doit rituellement être suivi de la récitation du texte, dans l'original sanskrit ou dans un abrégé en langue provinciale. La fête annuelle anniversaire de la naissance de Rama se célèbre par la lecture complète du Ramayana, étalée sur plusieurs jours en raison de la longueur du texte. Les récitations de textes épiques peuvent être également le fait de voeux individuels. Par exemple, un texte aussi populaire que la version hindi du Ramayana de Tulsidas est souvent chanté par des groupes de fidèles, de tout niveau social, se réunissant le soir en groupes après leur travail quotidien. Il y a enfin des professionnels de la récitation, dans toutes les régions de l' Inde, qui mettent leur talent de conteur, de musicien, voire de danseur au service de la diffusion des épopées ou jouent pour ainsi dire le rôle de prêtres, exécutant pour des commanditaires le rite de récitation. On attribue une valeur rédemptrice des péchés et purificatrice du psychisme à toute récitation ou mise en scène rituelle, ainsi qu'à l'audition.

 

L'Asie du Sud-Est

 

L'épopée en Chine n'a pas toujours été clairement perçue en tant que telle. De nos jours, les grands cycles narratifs se présentent d'abord sous la forme de «romans» écrits - «récit transmis» (zhuan), «histoire» (ji) ou «narration amplifiée» (yanyi) - de type chantefable. Les recherches historiques ainsi qu'ethnologiques ont permis de connaître les versions manuscrites et orales qui sont à la base des romans écrits du XIVe au XVIe siècle, tels L'Histoire des Trois Royaumes, Le Voyage vers l'ouest ou Au bord de l'eau. En Inde et en Asie du Sud-Est, jusqu'au XXe   siècle, les valeurs de l'oralité et celles de l'écriture ne s'excluent pas mutuellement mais au contraire s'entrelacent l'une à l'autre. Les épopées sont l'expression la plus émouvante des arts de la performance et de la composition. Musique, chant et poésie ont rayonné sur des modes infinis non seulement à partir des cultures de cour, mais encore des cultures paysannes, villageoises et de quartiers en milieu citadin: théâtres d'ombres, de marionnettes, de masques et d'acteurs ont chanté, mimé et dansé les épopées. Toutefois, c'est dans les cultures minoritaires des montagnards sédentaires ou nomades qu'on entend l'expression la plus dépouillée des arts de la performance, l'épopée orale chantée par un aède, seul, avec parfois un accompagnement vocal ou instrumental très simple.

 

Les influences chinoise et indienne

 

Plusieurs familles linguistiques s'imbriquent de la manière la plus complexe sur le continent. La péninsule est le lieu où les familles tibéto-birmane, karen, sino-tibétaine, miao-yao, thaï-kadaï, austro-asiatique et austronésienne se jouxtent dans l'espace et le temps, tandis que la situation est plus homogène dans les archipels, avec la famille austronésienne. Sur les populations animistes dites de substrat (mais qui ont elles-mêmes effectué des migrations antérieures, continentales et maritimes), depuis le début de notre ère, diverses civilisations ont déposé leur sédiments: les épopées l'attestent. En fait, elles forment un ensemble de récits héroïques et poétiques qui sont le réceptacle d'une histoire orale ou semi-littéraire, selon les contextes culturels. La civilisation chinoise a étendu une emprise militaire et politico-administrative le long de la partie orientale de la péninsule jusqu'au IXe siècle, marquant la culture vietnamienne du sceau de la sinisation (écriture en idéogrammes, morale confucéenne), tandis que la civilisation indienne a déployé une influence culturelle, artistique et religieuse, marquant d'abord le Fou-nan, le Tchen-la (qui devait devenir le Kambuja, ou Cambodge) et le royaume Môn ou Pyu (le Siam), puis, vers le IVe    siècle, Sumatra, Java et les côtes de Kalimantan, du sceau de l'indianisation. Les épopées du Mahabharata, du Ramayana et les syllabaires dérivés de l'écriture brahmi en témoignent. Selon la stèle de Veal Kantel au début du VIIe siècle, l'épopée fut donnée en intégrale à un sanctuaire du Kampuchéa. Au Xe siècle, on connaît une version en kawi d'un des livres de cette épopée: Bishmaparvan. Il y a d'autres versions attestées au Siam et en vieux malais ainsi qu'en Birmanie et au Tibet. De nombreuses compositions littéraires et des épisodes entiers en sont dérivés.

Le Ramayana attribué aux Rsi Valmiki a été adapté et traduit en version javanaise dès le IXe siècle (temple de Prambanan). On a des versions khmère, thaïe, lao, kawi (javanais, balinais) et malaise de ce grand cycle épique. Par rapport au récit sanskrit, il est nécessaire de distinguer les adaptations poétiques tardives, souvent effectuées pour des rois poètes, des premières traductions effectuées dans les langues vernaculaires à partir du texte original sanskrit.

Au Cambodge, jusqu'en 1975, le répertoire de cette épopée était très vivant tandis que celui du Mahabharata, attesté sur les bas-reliefs d'Angkor, semblait avoir disparu de la culture de cour et des cultures paysannes. Le héros du Ramaker, Preah Ram, avatar de Visnu, devient progressivement «être illuminé». Les grands cuirs, leurs ombres, les danseurs-porteurs accompagnaient le récit du maître conteur, tandis que musique et poésie en cette nuit de chant et de danse de l'épopée avaient le pouvoir de donner la prospérité aux villages. Telle est bien l'efficacité symbolique dont l'épopée est toujours dotée. Le rayonnement de la civilisation d'Angkor avait suscité l'adaptation et la mise en valeur de certains épisodes par les cultures voisines thaïe et lao. Le roi Rama Ier au XVIIIe     siècle a donné la seule traduction intégrale en thaï, tandis que l'on connaît trois versions singulières de l'adaptation lao. Hikayat Sri Rama     est la version en vieux malais, illustrant ce même cycle épique. On connaît plusieurs manuscrits en caractères jawi depuis le XVIe siècle.

 

L'influence islamique

 

À partir du XIIe siècle à Aceh, et surtout aux XVe et XVIe siècles jusqu'à nos jours, l'islam n'a cessé de progresser dans l'archipel nusantarien. Par la lecture du Livre (al-Kitab), l'écriture en caractères arabes s'est diffusée, d'abord vers Malacca, Riau, Sunda, dans la partie ouest de Java, suivant les cités-comptoirs du Pasisir. À Sunda, le répertoire du Mahabharata et du Ramayana est interprété par les golek, marionnettes en bois sculptées en ronde bosse, tandis que plusieurs dizaines d'épopées chantent le cycle de Panji, prince de Koripan, et ce répertoire est authentiquement javanais. Les pantun, épopées orales sundanaises, sont de très longues compositions en vers octosyllabiques rimés. Elles sont psalmodiées par un barde qui s'accompagne au kacapi, une cithare horizontale de six à dix-huit cordes. En des milliers de vers et prêtant des voix particulières aux divers personnages, le chant glorifie soit le royaume de Galuh, soit le royaume de Pajajaran. Le chant des épopées clôt le repas de moisson. Désormais, il est entouré de prières musulmanes et se déploie du soleil couchant jusqu'à l'aube. Le Catalogue raisonné des manuscrits musulmans atteste cent quatorze épopées en pays Sunda. Elles relatent la période hindo-bouddhiste, puis elles deviennent des chroniques de l'islamisation. La lecture respectueuse des manuscrits, strophe par strophe, par le copiste, est reprise par le barde selon la technique vocale beluk, et l'auditoire, hommes et femmes, ponctue en choeur la fin de l'énoncé. Le patrimoine de la littérature orale et écrite malaise, qui s'étend d'Aceh jusqu'aux Moluques, englobe des épopées qui relèvent du modèle indien et des épopées qui, en chantant la conquête de l'islam, relèvent d'un modèle musulman, tel Hikayat Amin Rajah.

 

Peuples de forêt

 

L'épopée trouve son expression la plus dépouillée en forêt chez les «    hommes des hauts     », Dayak de Bornéo, montagnards de Palawan, de Mindanao, de Luzon et des hauts plateaux des péninsules indochinoise et malaise. Ici, pas de théâtralisation mais un aède allongé qui, la nuit durant, relate en son plain-chant les épreuves d'un héros et sa quête en mariage. La crise - guerre ou duel - est suivie d'une mort à soi-même et d'une renaissance (alliance, avènement, ordre nouveau). Si, dans les sociétés à État, le héros épique devient emblème au niveau national, dans les sociétés d'échange, le héros est aussi un modèle qui, respectueux des droits et des devoirs entre germains et affins, jette les fondements de la vie familiale et de l'organisation sociale au niveau clanique ou ethnique.

 

Le Japon

 

L'épopée au Japon ne se situe pas au début de la littérature japonaise. Autre particularité, la trame n'en est pas constituée par une guerre contre un ennemi extérieur, mais par une guerre civile historiquement bien connue par d'autres sources.

 

Le «Heike monogatari»

 

Le japonais classique ne connaît pas de terme spécifique pour désigner un genre qu'il a pourtant cultivé. La langue moderne utilise le mot jojishi, vocable forgé pour traduire le terme occidental de poème épique. Les titres des ouvrages que les manuels de littérature classent comme «épopée», ou «récits de guerre», gunki monogatari, renvoient à un genre beaucoup plus large, celui du récit, le monogatari. Ce terme englobe aussi bien un véritable roman comme le Genji monogatari que des recueils d'anecdotes pieuses. Les récits de guerre eux-mêmes, souvent trop rapidement assimilés à l'épopée, englobent en réalité des textes de natures très diverses, particulièrement dans leur rapport à l'oralité. En fait, il n'existe peut-être qu'une seule oeuvre, le Heike monogatari (l'histoire de la maison des Taira) qui, par le sujet, la forme et l'ampleur, puisse être d'emblée qualifiée d'épique. D'un autre côté, les autres récits que l'on classe parfois dans cette catégorie sont presque tous liés à cette oeuvre, qui narre le récit de la rivalité de deux clans, les Taira, ou Heike, et les Minamoto, ou Genji, pour le contrôle du pouvoir dans le Japon de la fin du XIIe siècle. Mais la matière de ce texte dépasse de loin l'histoire d'une guerre civile. Le Heike monogatari met en scène une crise qui embrasa tout le Japon depuis les provinces du Nord-Est, qui semblent tout à coup émerger sur la scène nationale, jusqu'aux îles du Sud, derniers refuges des Heike. Elle est fondatrice d'un nouvel ordre, celui des guerriers. On y pleure la chute des orgueilleux Heike, mais aussi celle d'un monde qu'ils ont contribué à ruiner par leur démesure, celui de la Cour et de ses rites, qui paraissent par contre-coup coupés de la vie réelle et appartenir au passé. Si elle ne fonde certes pas la culture japonaise, l'épopée inaugure une nouvelle phase qui n'est plus centrée sur la capitale, mais sur l'ensemble du pays, et qui voit les guerriers occuper la première place dans la société.

La version classique en treize livres du Heike monogatari fut fixée à la fin du XIIIe siècle à partir des récitations des moines aveugles au luth à quatre cordes (biwa böshi). Il est à peu près certain qu'il a existé antérieurement un texte écrit concis du même type que deux autres monogatari, le Högen et le Heiji, qui racontent la genèse de la rivalité des deux clans. Ce premier texte d'auteur inconnu a disparu. D'autres oeuvres comme le Genpei seisui-ki   (chronique de la grandeur et de la chute des Minamoto et des Taira) donnent une version longue de la même matière, mais, cette fois, l'amplification n'est plus liée aux récitants, elle est le fait des seuls spécialistes de l'écrit. Le nouveau monde qui émerge avec l'épopée est chanté dans une langue rénovée, qui se crée autour du Heike monogatari. Fruit du brassage de populations, ce n'est plus la langue de la seule capitale, mais de l'ensemble du pays. Elle se révéla à son tour unificatrice du fait de l'énorme diffusion de cette oeuvre, écoutée et lue dans tout le Japon. Si le texte est en prose, il n'en est pas moins souvent fortement rythmé par l'alternance de membres de phrase de cinq et de sept syllabes. Les récitants, moines aveugles, avaient pour fonction première de psalmodier des sutras ou des incantations pour célébrer les divinités ou prier pour le repos des défunts. Le bouddhisme imprègne cette oeuvre. La récitation du Heike monogatari, le heikyoku, devint par la suite l'occupation principale de groupes de récitants spécialisés qui transmirent jusqu'à nos jours leur technique dans sa forme du XIVe siècle. La matière du Heike monogatari a servi de source non seulement aux autres gunki monogatari, mais aussi à une grande partie de la littérature postérieure, à commencer par le théâtre no et le théâtre de marionnettes.

 

Les épopées des Ainu

 

Dans la masse considérable de la production littéraire entièrement orale des Aïnous, on distingue des récits versifiés qui se subdivisent en récits à contenu mythique, kamui yukar et oina, d'une part, et en récits des hommes, les yukar proprement dits, d'autre part. Ce sont ces yukar qui se rapprochent le plus des poèmes épiques d'autres cultures. Ce ne sont pas seulement les acteurs qui diffèrent entre les kamui yukar et ces récits. Les yukar humains sont beaucoup plus longs et atteignent parfois quinze mille vers. Autre particularité, les yukar ignorent les sakehe des kamui yukar, sortes de bourdons répétés entre chaque vers. Le héros des yukar est presque toujours le même, Poiyaunpe, «le jeune maître du pays de la terre», dont on raconte les combats contre l'ennemi, «le peuple de la mer», le Repunkur. On a tout d'abord cru que ces guerres d'épopée étaient purement fictives. Mais l'archéologie a montré l'existence de populations non aïnoues, plus tournées vers la mer, et qu'on a baptisées le peuple de la culture d' Okhotsk, du nom de leur centre de diffusion.

Si l'on en croit un dessin japonais du XVIIe siècle, le récitant (yukar-kur) semble à l'origine avoir psalmodié son texte allongé près du foyer, marquant la mesure en se frappant sur le ventre. Les derniers témoignages de la tradition vivante au début du XXe siècle montrent le récitant, en réalité le plus souvent une femme, assise en tailleur au bord du foyer et marquant la mesure en frappant le bord de l'âtre avec une baguette. Les auditeurs font de même en poussant régulièrement des cris d'accompagnement.

La langue des yukar est très différente de la langue ordinaire tant par le vocabulaire que par la syntaxe. C'est une langue littéraire, d'une oralité de haut niveau. Comme pour les autres poèmes des Aïnous, les vers sont le plus souvent de cinq syllabes, mais oscillent entre quatre et sept. On ne note pourtant aucune alternance de longueur comme dans la poésie japonaise. Le rythme restant le même, c'est le débit de la voix qui absorbe les différences de longueur.

Les littératures

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La ballade des si

Le si est note de musique.
Son homonyme un petit mot
Qui en surgissant nous indique
Qu'il faudra agir comme il faut.

Savoir ce qu'il convient de faire
Dépend des données du moment,
Pouvant changer subitement.
Être attentif est nécessaire.

Les rêveurs, eux, dans leurs errances,
Se veulent redresseurs de torts
Pour cela comptent sur le sort.
Imaginent sa connivence.

Si au lieu d'un feu ravageur,
Qui triomphalement progresse,
Un afflux d'intense tendresse
Désormais répandait des pleurs.

Si dans l'espace d'infamie
Où un million d'êtres périssent
Venait le dieu de la justice,
Il rendrait les guerriers amis.

Si un grand malade en sursis,
Par une inexplicable chance
Se trouvait en convalescence
Il déborderait de mercis.

Abondants demeurent les si.
Ils s'imposent aux gens prudents
Qui pour agir mettent du temps.
Les si les rendent indécis.

16 mai 2016

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J'aurais voulu.

J'aurais tellement voulu,

 

J'aurais tellement voulu que mes parents

m'aient fait don d'une belle et longue histoire ;

la leur, cette saison qui aurait défié toutes les autres,

les aurait détrônées.

J'aurais tellement voulu que cette chaleur,

cette douceur là, se soient mêlées à mes premiers instants,

puis à tous les autres, à tous mes moments de vie,

à mes rires, à mes larmes, à ces mots gigantesques,

bien trop lourds pour moi,

pour qu'ils aient pu jaillir de ma bouche minuscule

de petite fille à la fois secrète

et loquace de mots substitutifs , d'apparat !

Ces mots qui cachent.

J'aurais tellement voulu que cette belle et longue histoire ait existé,

qu'elle ait pu s'exprimer  au fil du temps,

s'imprimer dans mon regard,

dans mes gestes, dans ma façon d'être ;

qu'elle m'ait reliée

à cette femme, à cet homme,

aux antipodes l'un de l'autre,

parents tout désarmés, mais néanmoins aimants.

J'aurais tellement aimé ne pas avoir à l'écrire aujourd'hui,

ne pas réentendre leurs voix de cette manière là,

mais avec dedans une musique qu'ils auraient partagé,

  cette cinquième saison à moi seule destinée.

 

NINA

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I. SCIENCES HUMAINES 
  • PHILOSOPHIE

♦ Théorie du kamikaze

De Sutter, Laurent

PUF

Hors collection

108 p. ; 12 x 18 cm

11,00 €

Et si nous nous trompions ? Et si les attentats-suicides n’avaient rien à voir avec la guerre ? Et s’ils n’avaient rien à voir avec la religion ? Et si, même, ils n’avaient rien à voir avec quelqu’idéologie que ce fût ? Que se passerait-il si, en réalité, ce dont les kamikazes se voulaient les terrifiants acteurs était une simple surenchère appartenant au domaine des images ?

ISBN : 978-2-13-074994-3

  • RELIGIONS

♦ Croire malgré certains dogmes

Leroy, Gérard

Avant-propos

12 x 21 cm

11,50 €

Nombre de personnes d’origine chrétienne s’éloignent de l’Eglise, rebutées par les dogmes. Dans le Credo, nous lisons que Jésus-Christ «est né de la Vierge Marie». Cette notion est de moins en moins acceptée. Ne parle-t-on pas à ce propos d’une erreur de traduction ? On nous apprend aussi que le Christ est mort pour sauver l’humanité réprouvée à cause du péché originel de nos premiers parents. Mais comment comprendre que nous subissons les conséquences des actes de nos ancêtres ? Et comment peut-on dire que nous « bénéficions » de la mort du Christ ?

ISBN : 978-2-39000-032-7

  • HISTOIRE

♦ L’église Notre-Dame au Sablon à Bruxelles

van Steenberghe, Daniel

Avant-propos

176 p. ; ill. ; 24 x 24 cm

39,95 €

Cet ouvrage nourrit deux desseins : offrir un descriptif de l’église Notre-Dame au Sablon ainsi qu’une narration de sa vie au cours des siècles.

ISBN : 978-2-39000-038-9


 

II. ARTS
  • URBANISME

♦ Being Urban. Pour l’art dans la ville

Grimmeau, Adrien ; de La Boulaye, Pauline

CFC

224 p. ; 15 x 23 cm

24,00 €

L’expérience Being Urban, laboratoire pour l’art dans la ville, proposée par l’ISELP, s’est déroulée à Bruxelles en mai et juin 2015. Elle a réuni des artistes et des acteurs de la ville, ainsi que des habitants autour d’une inquiétude commune : la place de l’humain dans notre devenir urbain. Les textes réunis dans ce recueil ont été écrits suite au laboratoire.

ISBN : 978-2-87572-018-4


III. LITTÉRATURE POUR LA JEUNESSE

♦ Les aventures de Bob Tarlouze Volume 4. Fais pas l’andouille !

Andriat, Frank

Ker éditions

Double jeu

148 p. ; 13 x 20 cm

10,00 €

Les vacances ! Bob a emmené son ami La fouine en Bretagne où il a décidé d’oublier ses enquêtes. Mais voilà que Crac, la corneille, disparaît. Bob est appelé à l’aide par sa propriétaire, car Crac n’est pas n’importe qui : animal de compagnie et médiatrice thérapeutique !

ISBN : 978-2-87586-128-3

♦ Sur la route

Delabre, Céline

Esperluète

24 p. ; ill. ; 22 x 30 cm

18,00 €

La voiture démarre, tourne et s’élance : le voyage commence ! Pour le petit voyageur, la route est longue. Elle s’étire ou se contracte au gré des moments.

ISBN : 978-2-35984-066-7


IV. LITTÉRATURE GÉNÉRALE
  • POÉSIE

♦ De mémoire longue

Colmant, Philippe

Demdel

104 p. ; ill. ; 16 x 24 cm

12,00 €

Dans «De mémoire longue», les échos du passé résonnent distinctement comme des pas dans le couloir du présent.

ISBN : 978-2-87549-119-0

♦ La Vallée des épices

Derèse, Anne-Marie

Le Coudrier

Préface de Jean-Michel Aubevert

Illustrations de Joëlle Aubevert

66 p. ; ill. ; 14 x 20 cm

16,00 €

« Ton corps flotte en apesanteur, / ton corps de marbre se teinte de rose. / Ma langue retrouve ton odeur de fleur. / Ton odeur de fruits et d’algues.// Le jour a déserté la crypte. / Les feuilles bruissent dans leur sommeil, / les arbres sont les cierges de l’amour, / les branches s’accouplent pour une oraison de nuit. »

ISBN : 978-2-930498-61-4

♦ Extraire

Nisse, Tom

L’Arbre à paroles

92 p. ; 13 x 16 cm

11,00 €

Ce livre fait suite à une dizaine de plaquettes et plusieurs recueils publiés depuis 2007. Il contient une cinquantaine de poèmes écrits entre 2011 et 2014.

ISBN : 978-2-87406-629-0

  • CONTES ET NOUVELLES

♦ Paons et autres merveilles

De Boschère, Jean

Klincksieck

Illustrations de Bernard Duhem

176 p. ; ill. ; 12 x 18 cm

17,50 €

« On connaît la couleur de l’œil de son chien, mais celle de l’iris de l’ours, de l’émeu, des lamas ? Et si on en connaît les nuances, s’est-on souvent arrêté avec surprise, et pendant de longues minutes, à étudier cette merveille inouïe qu’est l’œil de certaines grenouilles, de certains oiseaux ? »

ISBN : 978-2-252-04019-5

♦ Le petit Jésus et la vie sexuelle des poètes

Dejaeger, Eric

Cactus Inébranlable

Nouvelles

130 p.

15,00 €

Dans ce recueil de 22 nouvelles, l’écrivain Edgar Skomanski est omniprésent! Mais qui est cet auteur qu’un des protagonistes est occupé à lire lorsque survient l’inattendu, ce romancier dont il faut embarquer l’œuvre intégrale avant de prendre la fuite, cet homme de lettres qui a son fan-club et qu’un commissaire voudrait lire plutôt que de perdre son temps avec un témoin larmoyant, ce poète qu’Antoinette dévore dans son lit, se battant contre le sommeil, ce Skomanski que personne n’a jamais vu, mais qui est capable de fasciner des lecteurs bien différents ?

ISBN : 978-2-930659-45-9

♦ Divers faits

Sternberg, Jacques

Cactus Inébranlable

Les p’tit Cactus

61 p. ; 10 x 19 cm

7,00 €

Des contes ultra brefs (presque inédits) de Jacques Sternberg. On pourrait les appeler contes GSM ou contes texto, la plupart rédigés en une phrase, dont moins de la moitié est parue jadis dans quelques revues que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître.

ISBN : 978-2-930659-49-7

♦ Un dernier ver ?

Thauvoye, Michel

Cactus Inébranlable

Nouvelles

159 p.

15,00 €

L’existence de Michaël, le fil rouge de ce recueil, n’aurait-elle pas été plus tranquille sans ces parasites, ces individus qui vont s’installer dans sa vie pour l’empoisonner, la gâcher, la détruire ? Même s’il est vrai que lui-même n’est pas totalement clean…

ISBN : 978-2-930659-48-0

  • ROMANS ET RÉCITS

♦ Fisterra blues : carnet d’initiation d’un chemineau de Compostelle

Cliquet, Michel

Académia

Littératures

206 p. ; 14 x 22 cm

19,50 €

« La grande leçon de ce chemin a été de m’inculquer la capacité de lâcher prise, nous confie l’auteur. Lâcher prise signifie ne plus retenir ce qui tente de me fuir, ne plus être enchaîné à rien ni à personne, afin de pouvoir offrir en cadeau aux choses, aux événements, aux êtres aimés, une liberté totale : aimer c’est offrir sans réserve la liberté d’être. »

ISBN : 978-2-8061-0274-4

♦ Nocéan

Delaive, Serge

MaelstrÖm reEvolution

204 p. ; 14 x 21 cm

16,00 €

Une femme et un homme vont s’aimer à travers la distance et le temps, dans la chair et le verbe. Le puzzle dont le lecteur est invité à rassembler les pièces dévoile une passion sauvage. Une expérience brute et brève. Les deux protagonistes en sont-ils les acteurs ou les sujets ? Les flammes ou la cendre ?

ISBN : 978-2-87505-231-5

♦ My Brussels Beauty

Duvivier, Anne

Murmure des soirs

228 p. ; 14 x 20 cm

19,00 €

Un quartier animé de Bruxelles. Dans le salon de coiffure de Jackie, c’est tout un petit monde qui évolue. On s’y confie, on drague, on médit, on aime, on se compare, on rêve d’une vie meilleure … tandis qu’on se fait coiffer ou tailler la barbe. Sur fond d’amitié, la vie d’une femme telle qu’on en rencontre dans la vie de tous les jours. Et si au fil des pages l’aventure est au rendez-vous, parfois de façon brutale, l’amour ne se laisse pas usurper son rôle de joker.

ISBN : 978-2-930657-30-1

 Eh bien dansons maintenant !

Lambert, Karine

Lattès

282 p. ; 13 x 21 cm

17,00 €

Elle aime Françoise Sagan, les éclairs au chocolat, écouter Radio Bonheur et fleurir les tombes. Il aime la musique chaâbi, les étoiles, les cabanes perchées et un vieux rhinocéros solitaire. Marguerite a toujours vécu dans l’ombre de son mari. Marcel a perdu celle qui était tout pour lui. Leurs routes se croisent, leurs cœurs se réveillent. Oseront-ils l’insouciance, le désir et la joie ?

ISBN : 978-2-7096-5664-1

♦ Un cratère à cordes ou La langue de ma vie

Moreau, Marcel

Lettres vives

128 p. ; 15 x 22 cm

18,00 €

Un récit consacré aux ardeurs du corps et de l’écriture dans lequel l’auteur aborde avec ferveur ses thèmes de prédilection : le livre, la femme, les morts, l’amour, le verbe, la création, l’ivresse, le rythme, les sens, la musique ou encore le langage. (Electre ©)

ISBN : 978-2-914577-60-1

♦ Coup fourré rue des Frigos

Tenret, Yves ; Amariglio, Alain

La Différence

Noire

320 p. ; 12 x 19 cm

19,00 €

Walter, l’anti-héros de Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles de Yves Tenret, a de nouveau quitté le domicile familial et vit, cette fois-ci, seul dans un infâme gourbi de la rue de Patay quand il est appelé au secours par son vieux pote Abel Paoli, instituteur dans une école primaire de la rue des Frigos, dans le nouveau XIIIe, dit Paris Rive Gauche. Abel, l’enseignant modèle, est accusé d’avoir volé un tableau, une vieille croûte sans valeur qui traînait dans sa classe. Walter, la peinture et l’art moderne, ça le connaît. Lorsqu’il se rend compte que la toile est l’œuvre du grand peintre chinois Yu Hao, classé 17e dans la liste des artistes les plus chers du monde, il comprend qu’Abel est mal barré…

ISBN : 978-2-7291-2261-4

♦ (réédition) La passe-miroir Volume 1. Les fiancés de l’hiver

Dabos, Christelle

Gallimard

Folio

608 p. ; 11 x 18 cm

8,70 €

ISBN : 978-2-07-046921-5

♦ (réédition) Les Sentiers des Astres 1. Manesh

Platteau, Stefan

J’ai lu

Fantasy

736 p. ; 12 x 18 cm

9,90 €

ISBN : 978-2-290-12795-7

  • ESSAIS

♦ Inde : miscellanées

Deltenre, Chantal

Nevicata

224 p. ; ill. ; 17 x 19 cm

15,00 €

Les miscellanées de l’Inde tentent quelques pistes non pas érudites, mais sensibles pour rêver l’Inde, la comprendre ou l’arpenter.

ISBN : 978-2-87523-081-2

♦ Le cerveau noir de Piranèse

Yourcenar, Marguerite

Pagine Arte

Sur papier

96 p. ; 15 x 20 cm

18,00 €

La présente édition du texte de M. Yourcenar est accompagnée par l’ensemble des planches de la série « Les Prisons », l’œuvre de Piranèse publié en 1745 et qui a valu à l’artiste une immense célébrité. En soulignant le rapport entre images et texte, entre Piranèse et Marguerite Yourcenar, ce livre propose une traversée de l’univers imaginaire de l’artiste avec sa relecture de Rome et du monde antique.

ISBN : 978-88-96529-82-9

♦ Lettres de T… à V… poste restante

Cordier, Jacques

Ed. du Cerisier

Hors collections

80 p. ; ill. ; 11 x18 cm

7,00 €

ISBN : 978-2-87267-195-3

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Qui a écrit "Les Ecritures" ?

Tu ne tueras point!
C'est le cinquième commandement. Mais qui à écrit ...les Écritures

Qui à écrit les Écritures, sous la dictée de qui, et pourquoi tant de mystères sur l'origine de l'invisible qui dirige les prières des ayants droit de croire?

Les Dieux réclameraient-ils le sang des hommes pour asseoir leurs puissances, et si cela est ou a été le cas, dans quelles Écritures peut-on lire clairement: Si tu m'aimes, moi ton Dieu, tu dois tuer pour moi!

Je dis "lire clairement" car dans beaucoup d’Écritures, toutes religions confondues, les homélies ou autres versets sont souvent rédigés de façon à être interprétés sur plusieurs échelles de valeurs. Un texte littéraire clair, ne peut pas être à double sens ou alors il est volontairement ou inconsciemment conçu pour perturber, influencer ou diriger les « écoutants et entendants » vers l’approbation, voulue ou non, d’une doctrine sectaire. En fait, n’y a t-il pas endoctrinement quand on impose un rituel répétitif par le geste et par la parole ? Certains diront qu’il n’y a que les « esprits faibles » qui se laissent influencer, et d’autres diront que c’est la foi ou la croyance en ces Écritures qui rend les fidèles attentifs. Pourtant tous ces textes sacrés, du Coran à la Bible en passant par toutes les autres ethnies, sont, si l’on veut bien entrer dans le vécu du livre, faciles à lire et souvent extraordinairement riches en émotions ressenties, lors de l'absorption intellectuelle des pages.

Les Dieux sont imaginairement conçus dans le cœur des femmes et des hommes, pour assurer leur protection et les diriger dans le droit chemin. Pourtant ces mêmes femmes et hommes se réfugient souvent derrière des phrases à double sens, et par cette confusion ou incertitude, massacrent leurs semblables ou imposent des lois dégradantes pour l'intelligence humaine que nous sommes pourtant censés représenter sur cette planète ! Et dans ces lois ou préceptes, il faut admettre que c’est toujours les femmes qui ont le vilain rôle ou qui sont les « oubliées » de l’histoire. Ne citons qu’en exemple l’absence féminine depuis deux mille ans à la tête de la Chrétienté ou dans un passé plus récent, l’entrée interdite dans …les écoles pour les femmes afghanes, pour ne citer que ces deux exemples non représentatifs des centaines de tabous entourant notre compagne. La volonté dominatrice de l’homme et son refus légendaire à partager ses pouvoirs et droit d’Amour, n’a pourtant rien de glorifiant au regard de l’histoire de nos passés historiques, récents ou non. L’homme écrit les lois, principalement à son avantage, l’homme déclare les guerres, mais se sert des femmes pour soigner les blessés.

Tous les écrits, quels qu’ils soient, ainsi que les théories sur la présence d'un Dieu qui serait plus fort et meilleur qu'un autre, n'ont toujours servi qu'à déchirer les peuples et à les diviser. Les Égyptiens croyaient en un Dieu soleil, et autres divinités serpentines ou à tête de chacal. Les Chrétiens ne voient que par et avec Jésus, pendant que les Vikings invoquaient Odin, et au nom d'Allah on coupe encore aujourd'hui la main de celui qui a volé un pain. Dans les Écritures on dit: le Dieu des Chrétiens est amour, mais au nom de cet amour, les conquistadors espagnols ont massacré le peuple inca, tandis que les bons inquisiteurs torturaient et soumettaient à la question des hommes et des femmes sous la croix du Christ, et en toute impunité puisqu'ils s'en étaient octroyés le droit.

Même si l’humanité toute entière part à la recherche du Graal, elle ne le trouvera jamais sur cette terre, pas plus que la pierre philosophale. Gardons l'espoir qu'un seul de nos atomes soit synonyme d'amour et gardons-nous d’obéir sans comprendre, de boire sans soif et de copier son voisin pour être aussi bien ou mieux que lui.

Comme de l’individualisme né la créativité, le regroupement entraîne des modifications morphologiques et éthologiques, provoquées par la proximité de plusieurs individus de la même espèce dans un espace restreint.


Pourtant comme l’intellect humain est composé de noir et de blanc, de gauche et de droite, de force centripète et centrifuge, de pôle négatif et positif, en bref de tout et son contraire, quand j'entre dans une église, une mosquée ou tout autre lieu de culte, une impression d'apaisement s'impose en moi. Comme si ce petit bout de terre où je venais de poser mes pieds et mon regard m'imposait le silence et la réflexion !

Magie des lieux ? Magie des hommes ? Ou respect de la croyance des autres ? Tous les endroits où l’humain se réfugie pour entrer en communion avec lui-même, est empreint de sérénité et de calme! Pourquoi quand on entre dans un de ces lieux, on ne parle plus mais on chuchote. Pourquoi les enfants ont le droit de hurler sans obéir dehors, et à la première remontrance se taisent à l’intérieur d’un de ces endroits que l’on dit « bénie des Dieux » !


Endroits bénie des Dieux… Pas tous hélas car sur les murs de ma ville « fleurissaient » encore il y a peu d'années, la photo en noir et blanc de deux enfants se tenant par le cou, Deux petits cousins par alliance, en blouse et culotte courte dont les yeux interrogateurs semblaient dire au photographe : C’est notre dernier printemps. Un matin la barbarie des hommes a une fois de plus démontré son omniprésence, et ces deux enfants sont morts ce jour de juin 1944 dans une église du Limousin parmi les cris d’agonie de leurs camarades d’école et de leurs Mamans.

Alors que la magie des mots et la magie des lieux semblent pouvoir s’appliquer dans un texte positif, cette magie n’opère plus dans un lieu Saint, souillé par l’homme appliquant systématiquement une violence gratuite et sans nom pour en qualifier l’horreur.

Ce jour-là les Dieux devaient refaire le monde… en tournant le dos.

Pendant plus de trente ans un panneau routier est resté fiché en terre à l’entrée d’Oradour sur Glane, il n’y avait qu’un mot : REMEMBER. Ce panneau en bois est encore aujourd'hui gravé au plus profond de ma mémoire,

REMEMBER ! Souviens-toi ! C’est ce que semblent nous dire les Écritures au cinquième commandement dans la religion catholique : Tu ne tueras point.


Alors ! L’écriture est-elle au service de l’homme, ou l’homme est-il au service des Écritures ?


Il n’empêche qu’une petite église ou tout autre lieu de culte, au fond d’un village paisible, c’est le bonheur des Dieux même si l’on n’y croit pas, et …C’est justement ce qui est inexplicable. 

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Requête à mes lecteurs

Je viens de faire un constat consternant. M'étant rendue à la librairie Renaud-Bray de Montréal

avec l'intention d'y trouver au moins un recueil de poésie publié par la maison des Éditions David et n'en ayant trouvé aucun, je me suis étonnée de ne voir, dans le petit espace récemment consacré à la poésie québécoise, aucune anthologie de poèmes contemporains. Il s'y trouvait un essai intitulé «Pour une poésie impure».

L'auteur Robert Melançon y révèle sa déception: aucun livre de poésie québécoise contemporaine n'a été vendu selon ce qui lui fut dit par des éditeurs d'ici.

Certes il est triste de savoir que seulement un pour cent des lecteurs de poésie dans le monde
achètent ce qu'ils aiment lire sur la toile. J'avais, en parfaite ignorance de ces faits, travaillé à une anthologie de mes poèmes, confiée en avril dernier aux éditions David. Ce recueil de
cent-soixante-six poèmes sera certainement refusé à moins que je puisse avoir l'assurance de mes lecteurs virtuels qu'ils feraient l'effort de l'acheter connaissant mes choix poétiques.

J'ai la naïveté de vous inviter à vous manifester auprès de l'éditeur qui a mon manuscrit pour lui signifier votre intérêt à voir mes poèmes publiés sur papier. Le Québec se trouve dans un vide poétique qu'il ne mérite pas.

Les éditions David reçoivent des subventions des deux gouvernements.

Bonne soirée à tous

Références de mon livre à éditer;
À Capella
Poèmes de Suzanne Walther-Siksou
Pour Voix intérieures
Éditions David.com
Directeur littéraire Marc Pelletier
e.mail
marcpelletier@editionsdavid.com

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DE LA MATIERE ENTRE LES GOUTTES DE L’ESPACE : L’ŒUVRE DE FRED DEPIENNE

Du 27 - 04 au 15 – 05 - 16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart 35, 1050 Bruxelles) vous propose une exposition consacrée à l’œuvre du peintre français, Monsieur FRED DEPIENNE.

Ce qui fait la force de l’œuvre de FRED DEPIENNE, c’est cette irrésistible symbiose entre la matière et l’espace dans la composition de ses toiles. Outre cette maîtrise affirmée de la dimension spatio-temporelle, la toile répond aux exigences de toute une mise en scène dans laquelle le décorum ressort dans toute sa force. Le « décorum » en question, c’est la ville dans ce qu’elle a d’essentiel, à savoir l’architecture et son équilibre dans l’espace. Tous ces éléments sont reliés par la puissance chromatique du bleu, conçu comme couleur d’unité autour de laquelle tout se matérialise et se met en place.

D’un point de vue esthétique, une magie cueille le visiteur dans le questionnement de savoir à quel moment de la journée certaines scènes représentées se déroulent.

Comment se structure l’espace sur une toile de FRED DEPIENNE ? Que ce soit sur un grand format comme sur un petit, la mise en espace est identique.

Un large avant-plan dans lequel quelques personnages s’éparpillent, ça et là, ouvrent la voie vers un second plan (le milieu) dans lequel se construit l’appareil architectural servant de signifié au tableau. L’arrière-plan est constitué par le ciel, lequel répond au bleu de l’avant-plan par sa puissance évocatrice. En réalité, le rôle de la couleur bleu est celui de faire ressortir les éléments foisonnant dans l’espace et en premier lieu, l’architecture sans laquelle il n’y aurait pas d’œuvre car elle confère au tableau son identité.

GRAND’PLACE (huile sur toile – 1,46 x 1,14 cm)

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grouille d’éléments « éparpillés » dans l’espace. Mais à la lecture de l’œuvre, tout est d’une rigueur spartiate. En fait, le coup de maître n’est pas d’ériger une architecture massive mais bien, par le biais d’une écriture stylisée à l’extrême, reprendre tous les éléments architecturaux selon une stricte ordonnance. Les personnages de l’avant-plan sont d’une importance capitale parce qu’ils s’enserrent dans le corps même de la ville. En fait, c’est par le travail au couteau qu’ils acquièrent leur matérialité.

Cela se vérifie également dans 104 METRES (huile sur toile – 60 x 60 cm)

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dans lequel la matière insuffle le mouvement, que ce soit pour les personnages comme pour souligner la puissance d’autres éléments tels que les voitures et, bien entendu, l’architecture. En réalité, c’est la matière qui structure l’espace.

Dans EN PLACE (huile sur toile – 90 x 90 cm),

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personnages et architecture existent par un trait lumineux soulignant leur contour.

Le mot « décorum » usité plus haut n’est pas une exagération. LOUVRE (huile sur toile – 8O x 80 cm)

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représentant la Pyramide du Musée du Louvre, ressemble à un décor de théâtre, soulignant de façon stylisée, les éléments néo-classiques de la façade du bâtiment. Tout cela, contrastant avec la géométrie rehaussée par des lignes droites et carrées augmentant la nature cubique de la Pyramide. A côté de celle-ci, une statue équestre dont la stylisation répond à celle des personnages de l’avant-plan. Dans la réalité, entre la Pyramide et l’esplanade, il existe une voie permettant aux voitures de passer. Pour répondre à un besoin de cohérence spatiale, l’artiste a choisi d’éliminer cette voie de transit pour réunir le tout en un seul espace. Intéressante est la mise en perspective de la foule, au-delà de l’avant-plan, devant la Pyramide. Dans le traitement de l’espace, ce tableau apporte certaines modifications par rapport au reste de son œuvre, en ce sens que, généralement, l’avant-plan est parsemé de personnages épars ouvrant la voie à l’essentiel de l’œuvre, ex. : la Maison du Roy pour GRAND’PLACE (mentionné plus haut). Il en va de même avec le Beffroi de Lille pour 104 METRES (mentionné plus haut). En ce qui concerne LOUVRE, les personnages épars de l’avant-plan, ouvrent la voie vers d’autres personnages : ceux-ci font corps avec la Pyramide. Ils ont autant d’importance que le monument puisqu’ils viennent à lui. Ici, le bleu est différent, en ce sens  qu’il tend vers le gris. Nous sommes en plein jour et ce qui est paradoxal c’est que le bleu usité pour les vues nocturnes (bleu de Prusse), devient très « chaud », conférant à l’œuvre la dimension féerique de la nuit, laquelle semble porter en elle quelques rayons du jour. L’artiste trouve que le bleu est une couleur généralement « froide » que seule l’intensité chromatique peut ensoleiller. En fait, ce qui dans LOUVRE donne son éclat au jour, c’est le jaune usité pour relever la matérialité de l’architecture.

En réalité, la place de l’architecture est toujours comprise entre l’avant et l’arrière-plan pour mieux ressortir de l’espace.

Concernant le rôle de la lumière, elle n’existe que pour mettre en exergue la réalité architecturale dans ses aspects les plus fuyants, tels que les niches du balcon de la Maison du Roy dans GRAND’PLACE. La note jaune utilisée est là pour contraster avec le bleu duquel ressort la bâtisse, exprimant toute sa matérialité.

Dans EN PLACE, cette même lumière sert à définir la perspective, au centre de la toile, en créant un point de fuite. Cette note jaune, en dégradés, donne la profondeur nécessaire à l’intégration de l’élément architectural dans l’espace. L’architecture, même stylisée, arrive à affirmer sa force, tout en lui permettant de se fondre dans l’arrière-plan et capter ainsi le regard. Il en va de même pour BRUXELLES (huile sur toile – 90 x 30 cm)

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où la couleur jaune met en exergue la présence de l’architecture flamande du 17ème siècle.

Un autre coup de maître de la part de l’artiste, réside dans le fait que tous les personnages, même traités au couteau pour rehausser leur puissance physique, sont conçus comme des « silhouettes ». Leur matérialité imposante, évoluant dans l’espace, n’enlève en rien le côté « frêle » que contient toute silhouette s’aventurant dans la nuit.

FRED DEPIENNE, qui affectionne la technique de l’huile sur toile, se définit comme un « peintre citadin ». La ville est sa Muse car elle lui offre ses rues, ses façades et ses recoins, lui permettant l’audace des perspectives, des symétries et des répétitions. Il travaille à la fois sur place ou d’après photos. Comme on peut le deviner aisément, son rapport avec l’architecture vient du fait qu’il l’a étudiée. Il a par la suite entrepris des études de publicité. L’artiste vit à Lille. Ce n’est pas n’importe quelle ville de France. Si celle-ci est culturellement française, elle n’en demeure pas moins flamande par son empreinte architecturale, témoin de son histoire.

Force est de constater que de la ville, l’artiste est plus concentré sur le décorum. Le passant n’est qu’une « silhouette ». Est-ce un manque d’intérêt pour le citadin ? Certainement pas ! Celui-ci est compris dans la ville. Mieux, il en devient la chair vive.

Car comment expliquer alors ce magistral travail au couteau, unissant dans une même matérialité, l’individu dans sa puissance physique et l’architecture dont chaque aspect exprime sa puissance d’Etre ?

FRED DEPIENNE porte en lui un projet extrêmement intéressant : réaliser un travail sur la musique dans l’observation minutieuse du rapport entre les musiciens et leur instrument. Gageons que se sera un travail où l’émotion vibrera par la note et la couleur. Car s’il y a bien un lien entre la musique et la ville, c’est précisément l’architecture qui impose ses rythmes, toujours égaux, toujours changeants, au fil des siècles.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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François Speranza et Fred Depienne:  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(27 avril 2016 - Photo Robert Paul)

                                      

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Exposition Fred Depienne à l'Espace Art Gallery en avril-mai 2016 - Photo Espace Art Gallery

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Sa beauté n'aura pas de fin

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Je regarde l'épais gazon,
Incrusté de morceaux d'assiettes.
Ne sais si je suis inquiète

Car cela serait sans raison.

Un magnolia est dépouillé
De sa parure somptueuse.
La pluie tombe silencieuse,
M'incite à rester éveillée.

Du vert apparaît sur ses branches,
Étoffe d'un nouvel habit.
En lui s'active l'énergie.
Jamais le vent ne la débranche.

Tout autre, dans bien peu de jours,
L'arbuste deviendra superbe.
Auront séché ses pleurs sur l'herbe.
Semble illimité son séjour.

14 mai 2016

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administrateur théâtres

«Mitridate, cérémonie politico-musicale »

13221336_10153632774056297_8540514091759340485_o.jpgNotre présent  ne se mire-t-il pas inévitablement  dans le miroir du passé, ou est-ce le passé qui n’en finit pas de nous hanter?  Nous voici en 2016, real time,  invités dans le Nymphea Building niché dans  un immense chapiteau de 40 m de haut,  sis en bordure  de Tour et Taxis, loin du Quartier européen. Première prise de conscience : sur les  murs de la salle de concert en gradins, flottent  à contre-coeur 28 drapeaux européens: ils rêveraient d’être mieux connus du public! L’accès  en esplanade au chapiteau a  quelques ressemblances avec les bâtiments du Rond-point Schuman. Mais au pied de l’escalier, voilà  des messages,  la plupart en anglais,  des bougies des gerbes de fleurs, en témoignage de deuil. « Le roi Mithridate est mort! » Aussitôt se superposent  les images de deuil  des victimes des attaques terroristes qui nous ont tous frappés, en France comme en Belgique, et aussi celles des rassemblements de l’espoir, place de la République ou place de la Bourse. Et partout le slogan : «Save Pontus, Change Europe». Une Europe, oui, mais pas celle de l’impérialisme romain! Une Europe, oui, mais pas celle d’une dictature de droite. C’est là que se glisse une malencontreuse erreur de couleurs… car  l’impact visuel du drapeau du royaume du Pont n’est pas  sans rappeler les bannières nazies de la deuxième guerre!

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Mithridate VI, roi et despote est en guerre avec la Rome antique qui veut annexer ses territoires. Il est aussi en lutte avec ses propres démons: l’orgueil du pouvoir, l’amour déçu, la jalousie et l’absence de miséricorde. Néanmoins, effet d’admiration pour le ténor, Michael Spyres, ou de compassion pour l’imperfection humaine, ce personnage est  rendu  très attachant, car il s’oppose à une  Rome impérialiste. « Ne cédons pas face au Capitole, résistons à cet orgueil qui ne connait pas la mesure, répondons toujours par la guerre, jamais par la paix au génie altier qui prétend ravir la liberté au monde entier! » chante le chœur final (Acte 3, Scène 25) après son abdication  et non sa mort.

13221278_10153632774046297_2474660340207964144_o.jpg La belle grecque Aspasia est son épouse promise. Une très royale Lenneke Ruiten.   Elle est déjà déclarée reine mais elle est amoureuse du fils cadet de Mitridate Re di Ponto, Sifare (Myrto Papatanasiu, qui recevra des tonners d’applaudissements pour sa prestation d’une sensibilité remarquable). Il partage avec  son père  la même soif d’indépendance  politique. Son frère aîné Fernace (David Hansen), est politiquement opposé à son père et, ne jurant que par Rome, complote avec Marzio, le tribun romain. Bien sûr, lui aussi est amoureux d’Aspasia. Double conflit entre frères dont  le langage corporel et vocal est particulièrement éloquent. Son style de chant est sur le fil de la parodie, versant parfois carrément dans une voix de fausset! On doit aussi souligner la très belle prestation d’Ismène (Simona Saturova) qui personnifie la raison et la tolérance. Le parallèle entre rivalité politique et amoureuse est habilement mis en valeur par Christophe Rousset et l’Orchestre de la Monnaie. L’emploi brillant des cors en dialogue avec les voix (élément neuf apporté par Mozart par rapport à l’opéra italien) donne une réelle  résonance à l’œuvre. L’interprétation chatoyante de Christophe Rousset souligne avec fougue juvénile toutes les charges émotionnelles de la partition.

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L’aspect novateur de cette production  est de rendre le spectateur partie intégrante du jeu. A lui de repérer activement la superposition voulue entre  les codes de l’opéra et ceux de la scène politique moderne.

On finit par oublier complètement que le livret est basé sur la pièce de Racine :  il y a une  nouvelle crise au sommet suite à l’annonce de la mort de Mitridate. Sur scène, on assiste aux débats d’une réunion d’urgence round the clock  qui oppose ‘The Roman Union’ et ‘The Pontus Kingdom’. Ceux-ci veulent évidemment le Brexit, tant qu’à pousser l’actualisation jusqu’à à son breaking point!

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Au public de savourer le « feel real » d’une mise en scène à l’américaine hyper détaillée. Les moindres détails y sont: les breaking news et les live de la CNN,  les journalistes qui mitraillent, qui se bousculent, brandissant leurs micros à l’arrivée des grands pontes, les intervenants filmés en close up pendant les débats autour de la table ovale où ils siègent, chacun avec sa bouteille d’eau. La mise en scène de  Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil (« le lab ») expose toute une grammaire de la mise en scène politique : les poignées de mains assassines, les sourires toutes griffes dehors, la théâtralisation intense de la chose politique.  Rien n’a finalement vraiment changé depuis le cher William: "All the world's a stage". Hopper version 21eme siècle a-t-il encore frappé ? Chaque tableau est un éclat du miroir de notre époque.

A la recherche d’une nouvelle plate-forme citoyenne européenne, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil ne cessent d’ironiser sur la Res Publica. Leur but avoué est d’éveiller la conscience de citoyen européen du spectateur, lui rappeler peut-être que c’est chacun de nous  qui détenons le vrai pouvoir. Susciter notre réflexion, quitte à aller jusqu’à  nous redonner le goût de l’action politique, en proposant une parodie chantante et musicale de ce que ne devrait pas être le pouvoir! Dans le miroir qu’ils nous tendent, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil nous soufflent : « l’Europe est complexe parce que nous, les Européens, sommes complexes ! » La recherche d’harmonie passe par la polyphonie!

  

Mozart, qui écrit ce premier opera seria à l'âge de quatorze ans en 1770, témoigne d'une maturité exceptionnelle, à la fois musicale et psychologique pour exprimer les sentiments qui animent le père et ses fils et pour explorer leurs relations «compliquées».  Mozart universel, Mozart intemporel, Mozart indispensable  nous aura une fois de plus illuminés par son inventivité inépuisable, sa grâce musicale et la clarté de son propos humaniste. Le thème de « l’oubli de la vengeance » que l’on retrouvera  plus tard dans la Clémence de Titus est déjà omniprésent. Et le compositeur a à peine 14 ans…   

DATES DE REPRÉSENTATIONS

05 mai 2016 19:00:00

08 mai 2016 15:00:00

10 mai 2016 19:00:00

12 mai 2016 19:00:00

15 mai 2016 15:00:00

17 mai 2016 19:00:00

19 mai 2016 19:00:00

DISTRIBUTION
Direction musicale : Christophe Rousset
Mise en scène et costumes : Jean-Philippe Clarac & Olivier Deloeuil
Scénographie et lumières : Rick Martin
Vidéo : Julien Roques & Jean-Baptiste Beis
Collaboration artistique : Lodie Kardouss
Michael Spyres (Mitridate), Lenneke Ruiten (Aspasia), Myrto Papatanasiu (Sifare), David Hansen (Farnace), Simona Saturova (Ismene), Sergei Romanovski (Marzio), Yves Saelens (Arbate)
Orchestre symphonique de La Monnaie

Crédit photos: ©BUhlig

PRODUCTION
La Monnaie-De Munt, avec la participation de Clarac-Deloeuil > le lab

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/578/Mitridate-Re-di-Ponto

 

Palais de la Monnaie, Tour et Taxis, du 5 au 19 mai à 19 h. A 15 h les dimanches 8 et 15 mai.

En savoir plus sur la mise en scène: L'article de Serge Martin: http://www.lesoir.be/1200985/article/culture/musiques/2016-05-04/nous-jouons-avec-codes-du-monde-politique

 

 Enregistrement Arte: http://concert.arte.tv/fr/mitridate-re-di-ponto-de-wolfgang-amadeus-mozart-au-theatre-de-la-monnaie

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Le silence à perte de vue


J'embrasse la vue du silence,
Baignée d'une vive clarté.
Ne me laisse pas épatée
Une grâce de l'existence.

Baignée d'une douce clarté,
Ma rue est privée de présences.
Une grâce de l'existence
Chasse la quotidienneté.

Ma rue est privée de présences.
Pas d'ombres aux teintes bleutées.
Chasse la quotidienneté
La muse de la transcendance.

Pas d'ombres aux teintes bleutées.
Je me plie à l'accoutumance.
La muse de la transcendance
Jamais ne vint me visiter.

14 mai 2016

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Humeur rétro...

Humeur rétro...

Relire Prévert

Se mettre au vert

Couleurs fluo!

Mélancolique...

Non sans emphase

Relire des phrases

Aux sons magiques!

Figure de proue...

Douceur éclate

Cela m'épate

Je fais la roue!

Le cœur en fête...

Alors l'envie

D'un brin de vie

L'amour en tête!

J.G.

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Béatrice Joly, poétesse,
Est d'une indicible richesse
Ses écrits demeurent troublants.
L'amour pour elle est l'important.

Il existe, on sait, des espaces
Recevant un courant de grâce.
Son lieu de travail, inspirant,
En est baigné certainement.

Dans notre monde occidental,
Le poète transcendantal
S'exprime en un souverain style
Émois en images défilent.

Celui qui écoute attendri
S'émeut si lui n'a pas compris,
Tant était nouveau le langage,
L'esprit sublime des messages.

Transcender est certes un pouvoir,
Une façon de concevoir
Qui résulte de la culture,
Et d'un talent de la nature.

12 mai 2016

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