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Nom de coiffeur ou de maître-nageur? Pierre Kroll, crayons en main et sourire aux lèvres, salue la salle comble du Wolubilis et commence à nous conter son histoire. Il est né quelque part au Congo, quelques jours avant l’ouverture de l’Expo 58. Le choc culturel est immense quand le jeune bambin découvre les européens à son arrivée en Belgique. Entre le grand Saint-Nicolas impressionnant et le drolatique Père Fouettard, le choix est vite fait ! Au gré des mouvements de la famille, l’enfant voyage entre les réseaux d’enseignement belge : plusieurs aller-retours du libre au laïque. Car il est né de parents mixtes (… sans blague) qui de plus, s’entendent bien, l’un athée convaincu et l’autre catholique pratiquante. De quoi alimenter les conversations au dîner du soir et faire fleurir l’esprit de la controverse dès le plus jeune âge. Il se retrouve à l’athénée de Liège pour ses humanités mais le dimanche, se transforme en « belette rayonnante » car bien sûr, il va aux scouts!

11143192_10153810968535995_805020071184839580_o.jpg?width=450Vous vous doutez que depuis sa plus tendre enfance, il dessine pendant les cours, se faisant joyeusement réprimander par tous les corps enseignants. Son goût artistique le mène vers l’architecture à Saint-Luc à Liège en première année, puis les quatre suivantes à La Cambre à Bruxelles. Il cueille ensuite une licence en Sciences de l’Environnement à l’Université de Liège. Objecteur de conscience, il effectue service civil de 22 mois dans un théâtre de marionnettes. Mais à tout prendre il aurait été plus cool cantonné en Allemagne avec ses potes! Il fréquenta alors assidûment Le Cirque Divers, un haut lieu d’avant-garde, contestataire où se croisaient, exposaient, jouaient et buvaient ses copains artistes. Nous le connaissons maintenant comme dessinateur génial, présent dans à peu près tous les journaux et magazines belges francophones. On, le connaît bien sûr à l’antenne de la RTBF, aux émissions débats, à la télé. Partout ses dessins pénètrent au cœur de nos émotions grâce au plaisir immédiat qu’ils suscitent et à la pertinence profonde de leur observation.


Sur scène, l’artiste généreux virevolte entre les mots, les cartoons, et les rires chaleureux des spectateurs qui lui ont donné quelques thèmes sur lesquels improviser : la vague de froid, la semaine de quatre jours, l’inépuisable saga de Molenbeek, les soldats dans les rues, le personnel de la reine Fabiola toujours fidèle au poste… rien de très marquant en somme !

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Et pourtant le spectacle se construit à toute allure, l’artiste lance une à une ses œuvres encore mouillées dans une foule de fans aux anges et les premiers rangs recueillent avec délices les jolis papiers roulés en boule! Mais surtout le sieur volubile se fait l‘apôtre de ce nouvel art. L’art de l’amplification, mais aussi de la simplification à outrance, l’art de la communication fulgurante, et l’art de partager des émotions grâce à la virtuosité du crayon. L’art de percer des lignes de faille dans nos cuirasses. Juste pour y faire passer un peu de lumière… Ou pour aérer nos stéréotypes et nos préjugés ! Pas à pas, il commente sa technique avec humour dans un silence admiratif pendant la transformation de la page blanche sous la caméra. Mais quel nouveau métier passionnant, se dit-on! Quel outil fabuleux au service de la communication efficace ! Entre quelques extraits d’évangiles « revisités », il se lance dans de judicieuses incursions  dans l’histoire de la caricature de la Révolution française à Charlie Hebdo. Et de conclure, pour les allergiques aux « blasphèmes » et autres critiques au vitriol: « Que faites-vous si quelqu’un vous tend un objet dont vous n’avez pas l’usage ou que vous ne souhaitez pas saisir ? » …


Pierre Kroll explique alors le grand pouvoir des petits dessins de presse et des cartoons animés. Plus que des mots, ceux-ci touchent l’émotion et la sensibilité du lecteur dans son subconscient. Quelques traits simplifiés, outrés, ou apparemment imparfaits, quelques taches de couleur ouvrent la porte à cet instant de grâce qu’est l’émerveillement, l’urgence d’un questionnement, la prise de conscience d’une situation humaine intense. L’illustration ne serait-elle pas tout d’un coup une sorte d’illumination ? Une invitation à la détente, au recueillement, au recul, à la subversion ? On se sent soudain parcouru par le plaisir d’une liberté palpable. Que diable, ce diable de bonhomme nous livre des instants mémorables de belle humanité dans la foule de malheurs qui nous assaillent. Voilà que ce dessin primitif communique ce que les mots ne savaient dire! Un message s’est fiché au cœur de nos émotions, et notre mémoire s’en est emparé avidement. Cette soirée à faire des bulles au Wolubilis nous réconcilie avec les caricaturistes de tout poil. Elle a jeté aux orties 30 ans d’attitude politically correct, de pudibonderie et de censures de tous bords, Ouf on respire! L’artiste a réveillé notre humanité profonde et nous a rajeunis. "On ira tous au paradis, c'est vrai! ... " (Chanson) Aussi le titre de son dernier album.  Allez le voir, il est en tournée dans toute la Belgique!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Kroll

http://www.kroll.be/

Prochaines dates: Louvain-La-Neuve, le 21 avril 2016  "Pierre Kroll sur scène - 10 villes, 10 dates, et voilà !"

http://www.out.be/fr/evenements/331090/pierre-kroll-ma-valise-en-cartoon/

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L'implantation de la langue afrikaans

 

L'afrikaans, qui a trouvé son expression littéraire au cours des cinquante dernières années, remonte aux dialectes parlés par les colons établis au Cap depuis 1652.

Malgré l'apport de langues indigènes et européennes comme le hottentot, les langues bantoues, le malais, et le portugais, le français, l'allemand et l'anglais, il reste dans son essence, sa syntaxe et son vocabulaire une langue d'origine hollandaise, et non point une langue créole, comme on a cherché à le démontrer. Un Afrikaner, c'est-à-dire un Blanc ayant pour langue maternelle l'afrikaans, est compris sans peine d'un Hollandais ou d'un Flamand. L'afrikaans et le hollandais diffèrent toutefois de la façon la plus marquée dans le domaine du verbe, qui a subi une simplification notable en afrikaans, changement noté déjà vers le milieu du XVIIIe siècle par les voyageurs hollandais.

Les huguenots français, venus au Cap en 1688-1690, s'assimilèrent assez vite à la population hollandaise. Les mots français qui font partie aujourd'hui de la langue afrikaans lui viennent indirectement du hollandais et l'influence directe ne se reconnaît plus que dans les noms de famille ou de lieux.

L'arrivée des Anglais en 1795 et leur politique impérialiste ont retardé, pendant plus de deux siècles, l'évolution de l'afrikaans. Objet de dérision, en tant que patois et dialecte «bâtard», l'afrikaans sortit revigoré de l'oppression et il est devenu le symbole de l'indépendance nationale et culturelle de l'Afrikaner.

Dans la seconde partie du XIXe siècle, un groupe nationaliste déploie une grande activité dans la communauté rurale de Paarl, située non loin du Cap. Sur son initiative, se forme l'Association des vrais Afrikaners, qui publie pour la première fois des journaux, des livres et des revues en langue afrikaans. À la tête de ce premier «mouvement linguistique», un pasteur de l'Église hollandaise réformée, le révérend S.J.Du Toit (1847-1911), cherchait avec acharnement à répandre par tous les moyens la nouvelle langue et, dans ce dessein, traduisit certaines parties de la Bible. La guerre anglo-boer (1899-1902), qui détruisit l'espoir de coopération culturelle entre Anglais et descendants hollandais, favorisa le développement de l'afrikaans: elle fit de l'Afrikaner un patriote et éveilla en lui une conscience nationale aiguë. Après la guerre, un deuxième «mouvement linguistique» groupe des écrivains animés d'un zèle nouveau pour l'héritage culturel de leur peuple. En 1914, l'enseignement secondaire adopte l'afrikaans comme langue officielle; en 1916-1919, il devient la langue liturgique de l'Église hollandaise réformée, et -consécration finale -en 1925 il remplace le hollandais comme l'une des deux langues administratives. La traduction de la Bible fut terminée en 1933-1935; l'hymnaire afrikaans parut en 1934.

 

L'entre-deux-guerres

 

Il n'y a pas de littérature afrikaans, à proprement parler, avant le début de notre siècle. Au XIXe siècle, ce ne sont qu'écrits de propagande, tracts ou poèmes naïfs de main d'amateur, la seule exception étant constituée par quelques romans historiques. C'est seulement après la guerre qu'apparaissent d'authentiques écrivains et une littérature digne de ce nom.

Un triumvirat littéraire: Celliers, Totius, Leipoldt

Tous trois poètes, Jan Celliers, Totius, C. Louis Leipoldt donnent un nouvel essor à l'afrikaans en tant que langue littéraire. Jan Celliers (1865-1940) était un poète pastoral plein de regrets pour un ordre de choses en voie de disparition. Son pays déchiré par la guerre lui apparaît comme l'illustration même de la Cité de Dieu; il tient l'ennemi pour responsable d'une véritable infraction au droit divin. Totius (1877-1953), poète et professeur de théologie, se rapproche du poète flamand Guido Gezelle; croyant sincère comme celui-ci, il emploie des rythmes instinctifs et traite une matière simple et sans apprêt. Ses poèmes élégiaques, écrits à l'occasion de la mort de ses enfants, sont d'une émotion prenante. C. Louis Leipoldt (1880-1947) est l'auteur de quelques puissants poèmes sur la guerre, monologues pathétiques d'un libéral qui dénonce la violence avec passion. Il a également créé un genre de poème dense et concis, moitié lyrique, moitié philosophique, auquel il donne le nom difficilement traduisible de salmpamperliedje (approximativement, «chansons d'un riboteur»): la nature, les caprices d'un tempérament original inspirent ces sonnets bizarres. Malgré une oeuvre assez restreinte, Marais (1871-1936) jouit d'une grande réputation auprès du lecteur afrikaans: ses poèmes intenses, remplis de compassion pour les souffrances humaines, sont devenus classiques; il fut également le premier à s'inspirer du folklore bochiman.

Dans l'oeuvre de ces poètes, la beauté du paysage sud-africain, sa rudesse et sa majesté, se trouvent pour la première fois dépeintes, de façon vivante, dans une langue à la fois flexible et puissante: l'Afrikaner y reconnaît sa propre sensibilité; et, du coup, se révèle à lui la beauté insoupçonnée de sa propre langue maternelle.

 

Vers une littérature moderne

 

Vers 1920, les thèmes nés de la guerre et de la souffrance commune étaient épuisés; les écrivains commencent à traiter des sujets plus personnels: le dilemme religieux et les rapports entre individus. C'est en 1925 qu'est publiée l'oeuvre d'Eugène Marais. Le recueil est trop mince pour qu'on date à partir de lui la naissance de la poésie moderne. C'est Toon Van den Heever (1894-1956) qui résume les tendances de l'époque: ses attitudes désabusées, son paganisme le placent dans la lignée non conformiste d'un Leipoldt et annoncent la grande poussée de la «nouvelle poésie» des années trente. Poète personnel lui aussi, A.G. Visser (1878-1929) sait se mettre à la portée de tous par sa simplicité, son humanité, son humour contagieux et sa versification aisée; il réussit également -don rare chez les poètes afrikaans -dans la satire et la parodie.

Deux professeurs d'afrikaans, l'un à l'université de Bloemfontein et l'autre à Johannesburg, se distinguèrent vers la même époque comme représentants d'un nouveau romantisme. D.F. Malherbe (1881-1969), auteur prolixe de romans épiques qu'inspirent aussi bien la Bible que la dure vie des pionniers, propose les exemples d'une morale bien établie. Le second, C.M. Van den Heever (1902-1957), aborde, en une série de romans et d'essais, les problèmes posés à une génération nouvelle tiraillée entre la vie urbaine et la société rurale. Son oeuvre nous montre l'éclosion d'une nouvelle sensibilité, où s'ébauchent déjà les thèmes de l'érotisme, de l'éternel retour de la nature, etc.

 

La nouvelle génération

 

Les années trente ouvrent une période féconde pour la littérature afrikaans. Tandis que les descendants des Boers s'entassent dans les villes, une élite intellectuelle seconstitue, bien décidée à lutter contre la civilisation de masse, à préserver les valeurs et les significations de l'individu. L'examen de soi, l'inquiétude religieuse, l'interrogation métaphysique constituent autant de traits caractéristiques de la nouvelle littérature.

L'événement décisif est l'apparition d'un groupe de poètes de grand talent qui se rendirent célèbres sous le nom de Dertigers («Les écrivains des années trente»). Un volume de poésie, Die Ryke Dwaas (1934), donne le ton; l'auteur, W.E.G.Louw (1913-1979), écartelé entre Dieu et Éros, sait conférer la qualité musicale à un lyrisme sensuel et raffiné.

Son frère aîné, N.P. Van Wyk Louw (1906-1970), lui succède: il s'affirme bientôt chef du mouvement, à la fois son théoricien et le poète doué du talent créateur le plus puissant. Van Wyk Louw confronte la littérature afrikaans à de nouvelles exigences: une expression plus profonde et sincère de l'expérience personnelle, l'évocation de la vie entière sous tous ses aspects, sexualité, philosophie, histoire, expérience mystique. L'oeuvre de Van Wyk Louw reflète de façon parfaite toute l'étendue du renouveau poétique. Son monologue dramatique, Die Hond van God, où se trouvent confrontés le moi et l'existence, l'être et le néant, n'a pas été surpassé dans toute la littérature hollandaise. Le poème épique Raka propose à l'Esprit un symbole éternel: Raka, la bête, vient à bout de Koki, l'aristocrate, qu'elle finit par anéantir. Son drame historique, Germanicus, reste d'une émouvante grandeur. Chacun de ses livres fait époque; il triomphe dans chaque genre: odes, sonnets, ballades et poèmes d'amour. Comme tout vrai poète, Van Wyk Louw est un innovateur: avec un instinct sûr, il a pressenti, exploité les possibilités de l'afrikaans comme langue parlée et langue poétique. La poésie afrikaans lui doit de nouveaux rythmes, des rimes audacieuses, des images éclatantes qui ont fait sentir pour la première fois la saveur des mots.

Ses Nuwe Verse de 1954 furent suivis, en 1962, par un recueil intitulé Tristia, à l'exemple d'Ovide, composé en exil, à l'époque où Van Wyk Louw professait à Amsterdam. Sujets et forme étaient inattendus, car ce recueil expérimental s'adossait à des préoccupations métaphysiques: les poèmes successifs de Tristia confrontent, en une composition dense, l'homme à une histoire qui n'est autre que celle de Dieu dans le monde; les thèmes historiques en sont autant d'exemples, qu'il s'agisse de la Russie tsariste ou stalinienne, de la chrétienté primitive, de la Renaissance, de l'Europe moderne ou de l'Afrique du Sud. L'emploi du néologisme et la scansion très souple correspondent chez lui à une liberté anarchique du vers. Van Wyk Louw apporte à la critique afrikaans -c'est un aspect important de son oeuvre -sa profonde culture. L'un de ses mérites aura été d'avoir détourné la critique afrikaans de l'interprétation biographique et de l'avoir orientée vers des voies plus modernes.

Il faut placer aux premiers rangs des poètes de cette génération une femme, Elisabeth Eybers, née en 1915. Ses premiers poèmes, Die Vrou, Dieu stil avontuur, Die ander dors, traitent de sujets personnels et intimes, les confessions de la femme, épouse et mère. Dans ces sonnets, une légèreté éthérée se mêle à beaucoup de lucidité. Elle est probablement la seule, parmi les poètes sud-africains, à rappeler les exigences d'une clarté classique. Dans ses derniers recueils de poésie, Onderdak et Einder, les problèmes liés à la solitude, à l'amour et à la vieillesse sont traités avec une fine ironie. L'auteur s'efforce aussi d'exprimer à travers sa poésie les expériences du quotidien.

On retrouve l'inquiétude des romantiques dans l'oeuvre d'Uys Krige: nostalgie des pays lointains, wanderlust, goût des déplacements et prédilection pour les figures pittoresques, comme le soldat, le prisonnier de guerre, lefou, l'homme moderne perdu dans la grande ville. Krige se laisse emporter par sa propre volubilité, en des vers qui ne manquent ni de verve, ni de force. Rooidag, Oorlogs-gedigte et Hart sonder hawe sont ses meilleurs poèmes; il a également laissé d'excellentes traductions en afrikaans de Gautier, Villon, Baudelaire, Eluard, Lope de Vega et Lorca.

Dans le renouveau poétique des années trente, la prose joue un rôle assez limité: il semblait que le roman afrikaans ne devait plus sortir des ornières d'un réalisme attardé, lorsqu'une oeuvre d'un style neuf, d'une extraordinaire sincérité et d'un ton violent, fit sensation auprès du public afrikaans: Sy kom met die Sekelmaan, de Hettie-Smit (1908-1973). Ce «best-seller» sud-africain, roman par lettres et journal, dépeint, non sans un certain exhibitionnisme, un amour malheureux qui fait passer l'héroïne par toute la gamme des émotions, dont est capable une femme: tendresse, folie, colère, allant de la sentimentalité la plus fade au sarcasme le plus acéré.

 

La littérature afrikaans depuis 1948

 

Apartheid et littérature: cadres et fonctionnement

La fin de la Seconde Guerre mondiale ne forme pas une ligne de fracture dans le développement de la littérature en langue afrikaans. Le temps fort véritable réside dans le triomphe des nationalistes (c'est-à-dire du Parti nationaliste afrikaner) aux élections législatives de 1948, qui installe au pouvoir le régime dit d'apartheid pour plus de quarante ans. Les hommes de lettres afrikaners peuvent y lire le triomphe de leur langue et des efforts d'acculturation conduits depuis l'installation de l'Académie sud-africaine des lettres et des arts (1910). Il existe, au début des années cinquante, une harmonie presque parfaite entre la vision littéraire afrikaner et l'idéologie politique dominante. Rarement une responsabilité culturelle aura été aussi pleinement revendiquée par une classe littéraire dont il est crucial de concevoir qu'elle est intimement liée aux élites politiques, religieuses (protestantes) et universitaires. Dans ce sens, l'installation constitutionnelle de l'apartheid sous les nationalistes trouve dans la littérature de langue afrikaans une sublimation et un mode essentiel de formation culturelle.

Cette conjoncture est renforcée par le fait qu'entre 1940 et 1957 disparaît la génération des écrivains qui forgèrent l'afrikaans comme une langue de culture, d'administration et d'expression politique: ainsi, Jan Cilliers (1865-1940), Totius (1877-1953), Louis Leipoldt (1880-1947) et C.M. Van den Heever (1902-1957). L'influent D.F. Malherbe (1881-1969) cesse pratiquement d'écrire à cette époque (Rooiland, 1953). La génération de 1948 a donc doublement conscience de devoir rester fidèle à ces fondateurs et de participer à une mission: arrimer au nouveau régime les énergies littéraires. En 1947 sort une bibliographie des sources littéraires afrikaans (Bronnegids by die studie van die Afrikaanse taal en letterkunde). On assiste donc à la mise en place d'un «classicisme» et à l'installation d'un système efficace de prix littéraires récompensant les jeunes écrivains (prix Hertzog, Preller, Stal). En 1970, la littérature afrikaans comptera 25000 ouvrages, dont 5787 dans le domaine littéraire (contre 90 au total en 1900). Les éditeurs encadrent l'activité littéraire (Tafelberg, Human & Rousseau, Perskor, Nasionale Boekhandel), l'Académie publie une liste annuelle des «bons» livres (de 1954 à 1970), et le Musée national des lettres (1969) entretient le culte des auteurs. Deux revues donnent le ton, Poort et Tydskrif vir Geeteswetenskappe.Si la commission de censure (jusqu'à la fin des années 1980) impose des normes de style et de contenu, le contrôle de l'État (en l'occurrence certaines universités et l'Église réformée, lesquelles comptent un critique tel que P.J. Nienaber) sur la radiodiffusion et sur la télévision est une contrainte supplémentaire. L'écrivain afrikaner, de 1948 à la fin des années 1980, opère en champ clos.

 

Traditions poétiques

 

D'une part, il est clair que certains écrivains, mis à part N.P. Van Wyk Louw (1906-1970), choisissent de se retirer dans la littérature. Défiance envers la violence grandissante d'un régime foncièrement oligarchique ou splendide isolement de l'homme de lettres qui laisse au politique le soin des affaires, un certain nombre d'écrivains afrikaners vivent les années 1948-1976 comme l'occasion de construire leur univers littéraire. D.J. Opperman (né en 1914) formule une poétique qui vise a sublimer l'afrikaans en tant que langage quotidien (la Spreektaligheid) et à intégrer en un matériau unique des références intertextuelles empruntées au fonds littéraire européen. Cette entreprise est marquée par Heilige beeste (1945), Negester oor Nivené (1947), Joernaal van Jorik (1949) et Komas uit'n bamboesstok (1979). Opperman crée un «laboratoire» de poésie à Stellenbosch d'où sont issus Lina Spies (Digby vergenoeg, 1971), Leon Strydom (Geleentheidsverse, 1973), Marlene Van Niekerk (Sprokkelster, 1977) et Fanie Olivier (Gom uit die sipres, 1971). Ernst Van Heerden (né en 1916) [Weerlose uur, 1942; Tyd van verhuising, 1975], S.J. Pretorius (né en 1917) [Vonke, 1943] et G.A. Watermeyer (1917-1972) [Sekel en simbaal, 1948] poursuivent, eux, dans la tradition lyrique afrikaans.

Le théâtre, fidèle aux modèles classiques, reste dominé, durant les années 1950, par Uys Krige (1910-1987) avec Alle paaie gaan na Rome, 1949; Die Goue Kring, 1956, N.P. Van Wyk Louw, avec Dias (1952), Germanicus (1956) et Asterion (1957, 1965), D.J. Opperman, avec Periandros von Korinthe (1954), G.J. Beukes (né en 1913) et Henriette Grové (née en 1922).

 

L'obsession romanesque

 

Le roman forme l'essentiel de l'activité littéraire. Le romancier afrikaner choisit, durant cette période, de donner à sa langue une dimension qu'elle ne possède pas encore. Il s'agit de produire, aussi rapidement que possible, l'équivalent d'une quelconque littérature romanesque européenne. Le roman, à la différence de la poésie, est chargé d'une vraie mission culturelle. La plupart des romanciers afrikaners connaissent parfaitement l'histoire littéraire européenne et entendent en tirer le meilleur parti. Le résultat en est une littérature romanesque dont la variété et la richesse semblent presque sans rivale sur le continent africain. On citera Mikro (1903-1968) [sa trilogie, Toiings, Pelgrims, Vreemdelinge, 1934-1935-1944]; Boerneef (1897-1967) [Teen die helling, 1956]; W.A. De Klerk (né en 1917) [Die Wolkemaker, 1949-1962]; Willem Van der Berg (1916-1952) [Reisigers na nêrens, 1946]. Les romancières tiennent un rang important: M.E.R. (1875-1975) [Uit en tuis, 1946], Elise Muller (née en 1919) [Die Vrou op die skuit, 1956], Berta Smit (née en 1926) [Die Vrou en die bees, 1964], Henriette Grové (Winterreis, 1971), Anna M.Louw (née en 1913) [Kroniek van Perdepoort, 1975]. Plus originale, Elsa Joubert (née en 1922) construit son oeuvre autour des Noirs sud-africains (Die Staf van Monomotapa, 1964, et l'immense succès de Die Swerfjare van Poppie Nongena, 1978). Elle rejoint F.A. Venter (née en 1916), dont le roman Swart Pilgrim (1952, 1958) place au premier plan un personnage africain. Cette littérature romanesque se redouble d'une littérature populaire, le kontreikuns (roman rural), ou favorisant l'exotisme: Hennie Aucamp (née en 1934) [N'Baksel in die môre, 1973], Karel Schoeman (né en 1947) [Afrika, 1977], Abraham H. De Vries (né en 1937) [Dorp in die Klein Karoo, 1966].

 

L'alternative soixantiste

 

Toutefois apparaît vers la fin des années 1950 une génération qui offre à l'activité littéraire une nouvelle voie, les Sestigers («soixantistes»). Revenus d'Europe, de jeunes écrivains en rapportent l'absurde, l'existentialisme, la phénoménologie et le structuralisme. Il s'ensuit une crise intellectuelle mise en scène par André P. Brink (né en 1935) dans Die Ambassadeur (1963). Les Sestigers représentent ainsi à la fois le résultat d'un demi-siècle de patient façonnement de la littérature afrikaans et sa trahison politique: passant en Europe, les soixantistes découvrent comment l'Europe postcoloniale considère déjà l'apartheid: les auteurs de référence sont désormais Jean-Paul Sartre, Albert Camus, mais aussi Henry de Montherlant, André Malraux et Eugène Ionesco, puisque ces «ambassadeurs» de la littérature montante afrikaans choisissent d'aller en France pour la plupart.

Trois revues véhiculent l'alternative: Sestiger (1963-1965), Contrast (1961, bilingue), Standpunte (1960) et, sous un nouveau jour, Tydskrif vir Letterkunde (1963). Leur succéderont, dans les années 1970, des revues d'avant-garde (Graffier, Ensovoort, Stet). Des éditeurs voient le jour (Taurus), des prix littéraires (comme le prix Ingrid-Jonker) reconnaissent les nouveaux talents, une guilde rassemble les soixantistes.

Les Sestigers axent leurs créations sur trois points cruciaux: la responsabilité littéraire de l'écrivain face à un régime perçu comme inique: la poétesse Ingrid Jonker (1934-1965), qui se suicide devant l'intransigeance de son père, maître d'oeuvre de la censure; l'identification par les Noirs de l'afrikaans à l'apartheid: le poète métis Adam Small (né en 1936), auteur de Kitaar my kruis, 1961, ne peut être reçu à l'Académie; l'engagement politique (betrokkenheid), avec l'emprisonnement de Breyten Breytenbach (né en 1939). La rupture avec la tradition poétique est annoncée dès 1956 par Jan Rabie (né en 1920) dans son recueil Een-en-twintig. Breytenbach entame une oeuvre de longue haleine, marquée par Die ysterkoei moet sweet (1964), Die Huis van die dowe (1967), Oorblyfsels (1970), Skryt (1972), n'Seisoen in die paradys (1976). Poète, lecteur de Baudelaire et de Rimbaud, il ouvre la voie à la poésie afrikaans contemporaine. Sheila Cussons (née en 1922) offre alors une oeuvre centrée sur la remise en question d'un autre «pilier» de la culture afrikaner, Dieu (Die Swart Kombuis, 1978). Wilma Stockenström (née en 1933) tente, elle, de prendre mesure de son appartenance à l'Afrique (Van vergetelheid en van glans, 1976). La force de la poésie sestiger se lit dans les oeuvres actuelles de D.P.M. Botes, P. De Vaal Venter, Wilhelm Knobel (1935-1974), Henk Rall et Louis Esterhuizen.

L'impact des Sestigers se fait aussi sentir dans la littérature dramatique. Dès 1959, Bartho Smit (né en 1924), avec son examen de la guerre anglo-boer, Moeder Hanna, se crée une réputation d'auteur engagé, souvent satirique: suivront notamment Putsonderwater (1962), Bacchus in die Boland (1974). Chris Barnard (né en 1939) prolonge les voies ouvertes en France par le théâtre de l'absurde (Pa, maak vir my 'n vlieër, Pa, 1964, 1969; N' Man met vakansie, 1977). Plus politique, André P. Brink met en scène Die Verhoor et Die Rebelle (1970), un épisode de l'histoire afrikaner, suivis de Pavane (1974), évocation de l'Amérique du Sud révolutionnaire. Dans une veine similaire, citons George Louw (né en 1939) avec Die Generaal (Napoléon en Égypte, 1972), P.G. Du Plessis (né en 1934)et son Die Nag van Legio (1969) et W. Stockenström (Laaste Middagmaal, 1966, 1978). Les conseils régionaux des arts du spectacle font aujourd'hui place à ces auteurs. Vers 1970 se met aussi en place un théâtre «communautaire» fortement politisé, soutenu par les organisations politiques noires et métisses. A. Small y crée son Cape Flats Players, 1973.

Deux romanciers opèrent une mise à jour de la fiction. Étienne Leroux (1922-1989) publie une oeuvre puissante, parabole politique fondée sur un matériau mythique et psychanalytique: Die Eerste Lewe van Colet (1956), Sewe dae by die Silbersteins (1962), Magersfontein, o Magersfontein (1976, interdit par la censure). André P. Brink s'impose comme un romancier en prise sur l'actualité tant politique que littéraire: Orgie (1965), Kennis van die aand (1973), N'Omblik in die wind (1975), Gerugte van reën (1978). Accompagnent ces deux figures centrales: Chris Barnard [Mahala, 1971], W.F. Van Rooyen (né en 1935), Eleanor Baker (née en 1944), J.C. Steyn (né en 1938). Les Sestigers ont donc opéré pour la littérature sud-africaine une véritable révolution, dont l'impact se fait sentir dans les années quatre-vingt-dix, à la fois dans la diversification des genres, la désintégration des institutions officielles, la redéfinition de l'enseignement littéraire et la mise en oeuvre de ponts communs entre littératures afrikaans anglophones et littératures des langues africaines locales. À ce titre, la littérature afrikaans joue un rôle de pointe qui signe son émancipation d'avec l'idéologie d'apartheid.

 

 

Littérature de langue anglaise

 

Caractéristiques générales

 

Comment peut-on définir une production littéraire sinon comme un désir de communication ou, mieux encore, comme une façon de se représenter sur une autre scène, celle de la fiction, les réalités qui nous entourent; Or les productions littéraires sud-africaines de langue anglaise sont dans l'ensemble assez mal tolérées par la société dont elles émanent. Leur influence, leur impact demeurent faibles, tout particulièrement au sein de la communauté blanche. Le poète écossais Thomas Pringle, venu s'installer en Afrique australe, dut plier bagage au bout de six ans: on lui reprochait ses critiques de l'esclavage alors pratiqué dans le pays. Son ouvrage majeur, Narrative of a Residence in South Africa fut donc publié à Londres, en 1834, l'année même de sa mort. Lors de son séjour, il se heurta sans cesse aux foudres de la censure. Son histoire est exemplaire, et elle se répétera souvent. C'est que cette société engoncée dans son confort et dans ses privilèges n'aime pas que ses écrivains l'interpellent. Comme dans la plupart des sociétés coloniales, on ne sait pas comment vit la majorité noire; mais, du fait d'une culpabilité sous-jacente, on préfère continuer à ne pas savoir. Aussi les littératures d'Afrique australe sont-elles souvent plus connues à l'extérieur du pays que sur place. En dépit d'un développement récent de l'appareil critique et des efforts fournis par des maisons d'édition telles que Donker ou Ravan Press, c'est essentiellement soit à Londres (Heinemann, Faber, etc.), soit à Berlin-Est (Seven Seas) qu'il faut être édité pour être reconnu et sortir du ghetto sud-africain. C'est dire à quel point la situation de ces écrivains est difficile: leur destinataire se situe souvent ailleurs que sur leur propre sol. Dans certains cas, du fait de la censure, le critique européen est mieux placé pour traiter de la littérature noire d'Afrique australe que son confrère sud-africain, tout simplement parce que ce dernier ne peut avoir accès à certainesouvres. C'est ce que constate Stephen Gray dans Southern African Literature. An Introduction, ouvrage paru au Cap en 1979.

À vrai dire, cette situation ne doit pas nous étonner, puisque l'Afrique du Sud est le pays des communications interdites. Peu à peu, au fil des ans, une législation tatillonne a été mise en place. Elle permet au pouvoir d'interdire de publication (Bannings) tout ouvrage qui peut lui sembler séditieux. Dès lors, l'écrivain ne peut survivre, et il se voit acculé à l'exil: c'est le cas de la plupart des romanciers de couleur. Parvenus en Europe, ils pourront enfin s'exprimer et continuer à dénoncer ce régime qui leur a rendu la vie impossible. En 1958, un poète métis, Dennis Brutus, lance une association pour combattre la ségrégation raciale dans le domaine des sports. En 1961, il est assigné à résidence. Arrêté en 1963, il est relâché. Il passe alors au Mozambique, en vain: la police portugaise le rend à son pays. À Johannesburg, lors d'un transfert, il s'évade; il est blessé et condamné, en 1964, à dix-huit mois de travaux forcés. Il s'échappe, et un an plus tard il est à Londres où il publie l'un de ses chefs-d'oeuvre, Letters to Martha, poèmes composés du fond de sa prison. Les Blancs ne sont pas épargnés. En 1973, la romancière Nadine Gordimer publie à Johannesburg un remarquable essai critique: The Black Interpreters. Des passages entiers de son étude sont recouverts d'un cache noir, dès qu'elle prétend citer un poète interdit par la censure. En 1974, Kennis van die Aand (Au plus noir de la nuit), roman d'André Brink traduit de l'afrikaans, est également interdit pour obscénité: il narre l'épopée tragique d'une famille métisse.

Le paradoxe est donc plus profond qu'il n'y paraît. L'écrivain sud-africain entend traiter de communication dans un pays où elle est interdite, où le corps social est cloisonné en blocs ethniques étanches, et oùla ségrégation raciale, le système de l'apartheid sont institutionnalisés. Et pourtant, le désir de rencontrer l'autre demeure très fort. On peut dire de ces littératures qu'elles sont assoiffées et comme obsédées d'un désir de communiquer en levant les barrières établies par l'apartheid. Elles se présentent à nous comme un jeu de miroirs où chacun, qu'il soit Blanc, Noir ou Métis, cherche à retrouver une image spéculaire, à moins qu'il ne tente de lire dans le miroir de l'autre ces représentations qui lui sont justement interdites: écrire, ici, c'est s'engager et prendre un risque. «Cet autre, que pense-t-il de moi, comment vit-il, et qui est-il, au juste; Peut-on se mettre dans sa peau, qui est d'une autre couleur;» Il va sans dire que ce désir d'identification est lourd d'ambiguïtés. Mais il faut aussi reconnaître que la littérature constitue un étrange privilège qui nous permet d'imaginer ce qui n'est pas autorisé par la société, ce qui n'est plus de l'ordre de la réalité. Les écrivains sud-africains ne s'en privent pas.

Au centre de ce jeu de miroirs, une relation fondamentale est toujours présente, comme un ver rivé à son fruit; elle est héritée d'une situation coloniale qui se pérennise, au moment même où le reste du continent vit une indépendance pleine de hasards. Entendons par là une relation entre Européens et non-Européens, entre maîtres et serviteurs. Ce n'est donc pas par hasard que l'on a pu comparer ces productions à la littérature russe du XIXe siècle, le baas (maître, en afrikaans) étant l'équivalent du barine, et lekaffir (caffre), l'équivalent du moujik; Alan Paton serait alors une sorte de Tolstoï sud-africain. Quoi qu'il en soit, cette littérature fascine par l'acuité de ses introspections, par la profondeur de sa sensibilité sociale. Elle constitue également un document sociologique de première main sur tout ce qui peut se vivre au sein d'une société multiraciale.Et sa violence ne fait que répercuter la brutalité des situations que lui impose l'histoire. On ne peut rien comprendre à cette littérature si l'on ne tient pas compte du contexte socio-économique qui agit ici à la façon d'une matrice. Et c'est ce même contexte qui sépare les écrivains. Les Blancs sont souvent d'origine aisée; ils ont connu l'université. Les romanciers de couleur sont souvent des gens du peuple, des enfants du bidonville, tels Ezekiel Mphahlele ou Bloke Modisane. Peter Abrahams a connu le chômage, Alex La Guma est un autodidacte.

Le roman, le poème, l'épopée, la nouvelle ou la pièce de théâtre peuvent-ils constituer, dès lors, une tentative d'évasion; À lire cette production, aussi vaste que diverse, on peut en douter. Car, finalement, ce que nous racontent ces auteurs, c'est presque toujours l'histoire d'une communication difficile, voire impossible, puisque interdite. Et si le rêve se met en place, la réalité a tôt fait de le démentir, de le fracturer, de sorte que cette histoire va se solder par un échec: le narrateur ne parvient pas à fuir un quotidien qui vient interrompre sa vision onirique. Dans A Drink in the Passage (Un verre dans le couloir, 1960), Alan Paton nous rapporte comment un Blanc se prenant de sympathie pour un Noir l'invite à boire un verre. Mais la scène, qui est vue par le Noir, va se dérouler dans le couloir: la loi ne permet pas de franchir le seuil du Blanc. Dans Johannesburg, Johannesburg (1966), récit dû à la plume de l'écrivain noir Nathaniel Nakasa, on retrouvera la même scène; la communication amorcée entre le narrateur et un Afrikaner se retrouve bloquée puisque ce dernier ne peut pas l'inviter chez lui. Les situations se recoupent, et, pourtant, les points de vues ne sont pas interchangeables. Chacun retourne à sa fermeture, à sa solitude de groupe, l'un dans son White Laager (le bastion blanc), l'autre dans son Black Kraal (le parc noir). Aussi nous voyons-nous contraints, à notre tour, de suivre la règle inexorable de l'apartheid en séparant ces deux littératures, la noire et la blanche.

 

Les littératures noires

 

Les débuts: la littérature des missions

 

La naissance de la littérature noire est indissociable de l'oeuvre accomplie par les missions. Cela s'explique aisément: l'accès à la culture passe nécessairement par ces lieux. La mission recueille les trésors de la tradition orale; elle veille à la conservation du vieux fonds africain. En 1916, Solomon Plaatje édite à Lovedale des proverbes séchouanas et leur traduction. Son Mhudi (1930), l'un des tout premiers romans noirs, se ressent de cette proximité culturelle. Mais ce patronage est plein d'ambiguïtés; on a parfois le sentiment que la mission surveille ses écrivains, qu'elle leur souffle sa morale puritaine. Dans An African Tragedy (1928)de Rolfes Dhlomo, Robert Zoulou, qui vient de quitter son village natal, assimile Johannesburg à une nouvelle «Sodome et Gomorrhe». Dans The Traveller to the East (1934), Thomas Mofolo condamne sans rémission le monde de ses ancêtres, qui n'est que noirceur: il lui préfère la pureté des Blancs. On peut douter de sa sincérité; mais on peut aussi s'interroger sur le processus de déculturation dont il est alors la victime. Souvent, les missionnaires tardent à traduire certaines de ces oeuvres. Le roman que nous venons de citer avait été composé en sesothodès 1912. Et que dire du Chaka de Mofolo, composé vers 1908, publié en sesotho dix-sept ans plus tard, traduit en anglais par Dutton vingt-trois ans après; En fait, il faudra attendre la traduction de D. Kunene, en 1981, pour découvrir que, depuis 1931, nous avions admiré sinon un faux, du moins une version édulcorée du chef-d'oeuvre de Mofolo. Ces retards ont de quoi nousinquiéter: serait-ce une forme de censure; Il faut également tenir compte du peu d'intérêt que l'on manifestait alors pour les littératures du Tiers Monde. Mais la mission a aussi publié des oeuvres explosives. Le Mhudi de Plaatje ne saurait se réduire à une histoire d'amour touchante entre l'héroïne et son mari Ra Thaga. Si ce roman est pétri de tendresse pour la vieille Afrique, il comporte aussi un message politique, puisqu'il retrace le Mfecane, c'est-à-dire les bouleversements provoqués par la formation de l'empire zoulou dont Mofolo avait célébré toute la gloire dans son Chaka (1931), fresque épique jaillie tout droit de la tradition orale. Ainsi la littérature née à l'ombre des missions nous propose-t-elle déjà ce qui va constituer l'essentiel des oeuvres à venir: le roman d'une migration vers la ville, qui est en même temps un voyage initiatique, à partir d'éléments autobiographiques (Dhlomo), l'épopée célébrant la grandeur d'une histoire ternie par le Blanc (Mofolo), et un lyrisme puisé aux sources (Plaatje). Les missions doivent fermer leurs portes, victimes de l'apartheid. Au même moment, d'autres écrivains affirment la dignité de l'homme de lettres noir: John Tengo Jabavu, John Dube et surtout Benedict Vilakazi qui enseigne la littérature zouloue à l'université du Witswatersrand de 1936 à 1947. Dans Zulu Horizons (1945, traduit en 1962), ce dernier dénonce l'asservissement du Noir au fond de la mine. Au même titre que Plaatje, il se définit comme un porte-parole de son peuple. Dès le début, l'écrivain noir se considère comme un homme engagé.

 

La littérature des bidonvilles, jusqu'à Sharpeville (1960)

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la république connaît une urbanisation forcenée. Les Noirs s'entassent dans les faubourgs des centres industriels en plein essor. Les réserves deviennent des réservoirs de main-d'oeuvre bon marché. La législation de l'apartheid met en place de nouvelles discriminations qui séparent les habitats. L'Africain se prolétarise. La littérature reflète ces transformations socio-économiques. Partout, on sent l'influence exercée par un périodique comme Drum, lancé en 1950, et qui a bousculé les écritures. Le style se fait volontiers journalistique, accrocheur, provocant, voire tapageur. C'est un cri de souffrance qui jaillit des bidonvilles, avec tout ce qu'un cri peut comporter d'inarticulé. La plupart des écrivains de cette génération sont des hommes du peuple, très proches de ses préoccupations. Le récit se présente comme une tranche de vie. En voici quelques exemples:

-James Matthews, The Portable Radio (1963), nouvelle: un Noir ramasse un portefeuille dans la rue; avec l'argent qu'il contenait, il achète un transistor; dès lors, il s'isole dans une écoute ininterrompue de sa chère radio, pour oublier.

-Can Themba, The Suit (1967), nouvelle: un Noir découvre que sa femme le trompe. Il l'oblige à traiter le costume abandonné par l'amant comme un invité; elle meurt de chagrin.

-Lewis Nkosi, The Prisoner (1967), nouvelle: un Noir introduit dans la maison de son maître une servante très appétissante; le maître ne peut résister à son charme; mais la loi interdit le mélange des races: les rôles sont inversés avec une verve cocasse, puisque le geôlier blanc devient le prisonnier de l'Africain.

-Richard Rive, Riva (1974), nouvelle: un métis préfère s'enferrer dans ses stéréotypes plutôt que de se compromettre dans une liaison qui lui est proposée par une juive blanche.

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le roman devienne le récit d'une vie plus ou moins imaginaire (Peter Abrahams, Mine Boy, 1946) où Xuma, l'homme de la brousse,découvre la ville, la mine et l'action syndicale. Pour les mêmes raisons, l'autobiographie tient ici une place importante (E. Mphahlele, Down Second Avenue, 1959; P. Abrahams, Tell Freedom, 1954; B. Modisane, Blame me on History, 1963). Ces récits frappent par la brutalité de leur propos, leur réalisme cru, leur ironie grinçante, ainsi chez Nkosi. La violence fascine, en particulier celle exercée par les Tsotsis (gangsters noirs). La nouvelle est le genre préféré: sa concision permet de bien restituer la difficulté de la vie au bidonville, la cruauté, mais aussi la chaleur des moeurs: la haine tient chaud au ventre. Le roman donne parfois lieu à de remarquables prouesses stylistiques, ainsi dans Chocolates for my Wife (1961) de Todd Matshikiza, récit secoué par les rythmes syncopés du jazz. Nous sommes bien loin des pudeurs victoriennes de la mission; c'est toute la culture du ghetto qui nous est maintenant restituée. Des préoccupations politiques se font jour. Avec A Wreath for Udomo (1956), Peter Abrahams nous propose un roman politique remarquable, ainsi qu'une interrogation très lucide sur des lendemains qui ne chantent pas. Alex La Guma représente le type même de l'écrivain engagé. Ses activités de militant communiste de l'African National Congress lui ont permis d'acquérir une connaissance précise des petites gens du Cap et de leurs grandes causes. Ses textes sont découpés en séquences brèves qui sont associées à la façon d'un montage cinématographique. C'est en accumulant les détails réalistes ou pittoresques qu'il réussit à insuffler à ses pages un lyrisme frémissant. Écrivain de la fidélité, il est l'homme du «Nous». Peintre de la prison (The Stone Country, 1967), il peut aussi décrire la vie haletante et angoissée du militant, l'accès à la prise de conscience politique, la hantise de la torture (In the Fog of the Season's End, 1972), ainsi que la misère des paysans entassés dans leurs réserves (Time of the Butcherbird, 1979). En dépit de la violence de toutes ces situations, l'espoir fleurit encore. Il n'est pas rare, dans cette production des années soixante, de voir l'homme de couleur tendre sa main au Blanc. Mais à Sharpeville, le 21 mars 1960, quelque chose s'est brisé irrémédiablement. Ce jour-là, la police tire sur un cortège de manifestants non violents qui refusaient de porter en permanence leur laissez-passer.

 

De Sharpeville à Soweto (1976): l'essor poétique

 

Il est vrai que, pendant fort longtemps, les leaders noirs avaient fondé leurs espoirs sur l'aide qui leur était proposée par les libéraux blancs. Mais ces derniers voient leur influence se rétrécir à la façon d'une peau de chagrin devant la montée du nationalisme afrikaner et l'implantation définitive de l'apartheid. La communauté noire durcit ses prises de position et se radicalise: c'est le sens d'un mouvement comme le Black Consciousness, la conscience noire, et des émeutes de Soweto en 1976. On n'accorde plus la moindre confiance au Blanc, on se détourne de lui. Ainsi que l'a déclaré André Brink en 1982 (interview par C.P. Dulac), «les jeunes Noirs refusent désormais toute conciliation. Après avoir vécu la libération du Mozambique, de l'Angola, du Zimbabwe, la libération naissante de la Namibie, ils ne veulent plus attendre». La littérature reflète cette transformation progressive des mentalités. Les voix se font de plus en plus individuelles; la poésie devient le genre dominant; elle est souvent d'une très grande qualité. Le poète, s'il ne craint plus d'affirmer sa haine du Blanc, n'en déplore pas moins l'avilissement, la dévirilisation de l'homme noir. C'est ce que l'on retrouve dans Tsetlo (1974) de Mongane Wally Serote. Dennis Brutus, quant à lui, dénonce ce vaste lieu de surveillance qu'est devenue l'Afrique du Sud, ainsi dans Sirens, Knuckles and Boots (1963).On retrouvera un thème assez similaire dans The Ballad of the Cells (1965) de Cosmo Pieterse. L'écrivain ne peut plus supporter l'enfermement perpétuel dans lequel il se retrouve plongé. Dans Dead Roots (1973), Arthur Nortje nous dit la peine de l'homme de couleur, ses déchirures intérieures, son introspection douloureuse, le désarroi moral de l'exilé. Il suffit de lire l'anthologie publiée en 1974 par Barry Feinberg (Poets to the People) pour découvrir avec quelle intensité les poètes de cette génération se sentent solidaires de leurs frères, auxquels ils s'identifient, et de leurs souffrances, qu'ils partagent. Dans Sounds of a Cowhide Drum (1972), Oswald Mtshali ne veut plus entendre la voix trompeuse du chrétien blanc. L'homme de couleur redresse la tête, il tente de s'arracher à l'humiliation de la ségrégation et de remembrer un passé fracturé. Il ne veut plus dépendre. On comprend alors pourquoi-contrairement à ce qui se passait dans les années soixante - nous assistons à la montée d'une nouvelle négritude. À cet égard, l'oeuvre de Mazisi Kunene (Emperor Chaka the Great, 1979; Anthem of the Decades, 1981) revêt une importance considérable. En s'adossant à un passé prestigieux, en suivant la voie indiquée par Thomas Mofolo, en puisant dans la tradition orale, en célébrant le nationalisme montant, l'épopée connaît ainsi un extraordinaire renouveau littéraire.

Le roman du bidonville, quant à lui, poursuit sa carrière, non sans un certain essoufflement (Modikwe Dikobe, The Marabi Dance, 1973). En fait, de nouvelles questions assaillent les romanciers. Que peut faire une employée de bureau lorsqu'elle accède à la petite bourgeoisie; Parviendra-t-elle à conserver son intégrité morale; C'est le thème de Muriel at the Metropolitan (1979) de Muriel Tlali. Dans The Root is One (1979), Sipho Sepamla, à qui l'on doit également un recueil de poèmes sur Soweto, nous brosse le portrait d'un traître. La survie demeure le sujet obsédant des nouvelles de Mtutuzeli Matshoba (Call me not a Man, 1979). Un Africain peut-il rester un homme, au sens plein du terme, dans une société qui repose sur le racisme; L'histoire du théâtre doit beaucoup à l'oeuvre considérable de Athol Fugard (Boesman and Lena, 1969; Tsotsi, 1980): il a été l'instigateur de nombreuses créations collectives avec des acteurs noirs. Une salle comme le Market Theatre à Johannesburg devient un laboratoire d'expérimentations multiples, fortement politisées, qui étendent leurs ramifications en direction des faubourgs noirs. En alliant textes, musiques, danses ou marionnettes, de nombreuses troupes menées par des auteurs-metteurs en scène fort talentueux (Gibson Kente, Too Late, 1981; Malcolm Purkey, Sophiatown, 1988) renouvellent des genres populaires qui puisent aussi dans une tradition orale (Credo Mutwa, uNosile mela, 1981). Au même instant, d'autres formes d'art (graffiti, peintures murales de quartier, jazz, photo, gravure, etc.) sont en plein épanouissement. Au Natal, un retour aux chants de louanges (Alfred Qabula, Mamba Black Rising, 1986) permet à des ouvriers de célébrer sur un ton épique la montée des luttes syndicales.

 

La critique littéraire noire

 

La littérature noire a sans doute longtemps souffert de la faiblesse, voire de l'absence d'un regard critique. Les articles de A.C. Jordan, parus dans Africa South à partir de 1950 et regroupés dans un ouvrage publié à Berkeley en 1973 (Towards an African Literature, the Emergence of Literary Form in Xhosa), constituent une étape importante. L'étude érudite des sources orales où tant d'écrivains viennent puiser se poursuit avec la parution, en 1971, de The Heroic Poetry of the Basotho de Daniel Kunene. Lewis Nkosi a rendu de grands services à ses confrères sud-africainsnoirs en les mettant en garde contre un certain populisme, ainsi dans Home and Exile (1965), puis dans Tasks and Masks (1981), où il nous offre également un panorama des littératures noires. Un excellent conteur comme Njabulo Ndebele (Fools and other Stories, 1983) procède de même. Cosmo Pieterse multiplie les anthologies. À travers un ouvrage remarquable publié en collaboration avec Dennis Duerden, African Writers Talking (1972), il embrasse sous un même regard l'ensemble des littératures africaines anglophones. Cette critique manifeste une grande curiosité envers tout ce qui se passe à l'extérieur du ghetto sud-africain. On peut aussi constater que les plus lucides de ces écrivains sont en même temps des analystes pertinents. À l'occasion, la critique noire d'Afrique australe manifeste un intérêt très vif pour les écrivains blancs de ce pays. Un livre comme The African Image (1962 et 1974) de Ezekiel Mphahlele demeure riche d'enseignements. À partir de 1978, un périodique comme Staffrider va jouer un rôle assez semblable à celui de Drum, en accueillant les nouvelles formes d'expression de la littérature noire.

 

Les littératures blanches

 

Les débuts: Olive Schreiner

 

Olive Schreiner fait figure de précurseur, voire de fondateur: c'est au travers de son oeuvre que la littérature blanche anglophone acquiert son autonomie. Sa célébrité lui permet d'affirmer son originalité. Elle a toujours fait preuve d'une indépendance farouche. The Story of an African Farm (1883) se déroule dans une ferme déserte du Karoo. Il s'agit moins d'un roman sur l'amour et la mort que d'une lutte menée par des êtres qui tentent de dépasser leurs propres limites, dans un environnement âpre et hostile. Olive Schreiner mérite aussi d'être connue pour son oeuvre de pamphlétaire. Elle prend fait et cause pour les faibles et les opprimés, qu'il s'agisse des femmes, des Boers ou des gens de couleur. C'est ainsi qu'elle écrit, en 1897, Trooper Peter Halket, dénonciation impitoyable du génocide perpétré par Cecil Rhodes lors de l'annexion du Mashonaland. Dans Closer Union (1909), elle lance à sa société un avertissement solennel: jamais le Blanc ne pourra faire oeuvre de progrès tant qu'il traitera le Noir «non pas comme un homme, mais comme un outil». Et c'est dans Thoughts on South Africa, publié après sa mort, en 1923, qu'elle s'interroge sur le rôle du Blanc sur cette terre d'Afrique: qu'attend-il au juste de cette situation coloniale;

Maître et serviteur

Beaucoup d'écrivains vont lui emboîter le pas. Souvent, les romanciers blancs s'attardent sur une enfance ou une adolescence passée à la ferme. Le récit se centre sur ces moments privilégiés de la vie, lorsque l'insertion sociale n'est pas achevée, lorsque la personne demeure capable de découverte, puisqu'elle n'est pas encore figée dans le personnage de l'adulte. L'endoctrinement n'a pas encore produit tous ses effets, de sorte que le champ reste libre pour des amitiés interraciales, en des jeux interdits par le monde austère des aînés. Ce thème a toujours fasciné les littératures coloniales, comme si le Blanc, par le truchement de l'enfance, pensait pouvoir refaire le monde et effacer la «situation». On peut songer ici à la série romanesque des Children of Violence de Doris Lessing, écrivain de Rhodésie, et plus particulièrement à son Martha Quest (1965). Dans la même veine, on citera In a Province (1934) de Laurens Van der Post, récit poignant des illusions perdues. On sent chez nombre d'écrivains sud-africains un attachement viscéral à la terre, qui va se manifester par une poésie des lieux, un chant des paysages. Chaque romancier définit un espace géographique très particulier qui devient indissociable de son univers romanesque. Pauline Smith demeurera le poète du Karoo, au même titre que Schreiner (The Little Karoo, 1925). Les romans de Sarah Gertrude Millin célèbrent les beautés du Cap, les récits de Alan Paton ont pour cadre le Natal, ceux de Nadine Gordimer le Transvaal. Quant à Herman Charles Bosman, ses contes, empreints d'une rouerie toute paysanne, se situent immanquablement dans son Groot Marico (Mafeking Road, 1947). L'Afrique du Sud, si profondément industrialisée, vit encore dans un rêve nostalgique de cette époque bénie où la terre appartenait aux pionniers audacieux, où tous les espoirs étaient permis, en une sorte de paradis perdu, du temps où les crassiers n'encombraient pas l'horizon. C'était avant le Trekking, avant l'arrivée du libéralisme importé d'Europe. On peut constater, à la lecture de The Paradise People   (1962) de David Lytton, que sa tentative de reconstitution de l'univers traditionnel de l'Afrikaner est quelque peu idéalisée. Cela se comprend très bien si l'on songe à l'ancienneté de cette colonie de peuplement: c'est en avril 1652 que Jan Van Riebeeck installe au Cap le premier bastion blanc.

Mais ce genre de rêveries ne peut pas durer très longtemps. En accédant à l'âge d'homme, le héros se heurte à la brutalité des rapports sociaux, puisque, sur cette terre située à l'autre bout du continent, on assiste à d'étranges recoupements entre races et classes sociales. La situation change, elle se referme comme un piège dont on ne peut plus s'extraire. Et l'écrivain se lamente sur le calvaire des communications avortées, sur ses rêves piétinés par la réalité, sur l'appauvrissement de ses rapports avec les autres communautés. Dans The Trap (1955) de Dan Jacobson, le maître écrase le serviteur de toute sa cruauté sadique. On retrouve cette relation empoisonnée dans les nouvelles de Nadine Gordimer (A World of Strangers     , 1958). Un roman de Doris Lessing comme The Grass is Singing (1950) est centré sur une relation névrotique entre une maîtresse blanche et son boy noir. On trouve également dans ce roman un fantasme qui hante le Blanc   : la terreur du sang mêlé. Tout l'oeuvre de Sarah Gertrude Millin, de The Dark River     (1919) à King of the Bastards (1950), est traversé par ce thème. Le métissage est perçu comme une dégénérescence morale et comme une déchéance sociale. Pieter, le héros de Paton dans Too Late the Phalarope (1953), est dévoré par sa culpabilité: ce policier afrikaner a des rapports charnels avec une femme de couleur. Il n'est pas rare de voir ces itinéraires romanesques se terminer par des visions de cauchemar, des scènes de cannibalisme au cours desquelles le Noir dévore le Blanc, et plus spécialement la Blanche. Ainsi Mary, l'héroïne de The Grass is Singing  , est-elle assassinée par son boy et engloutie par la brousse.

 

La contestation et son renouvellement

 

Dès 1964, dans son premier roman, The Ambassador  , André Brink formule une question qui ne cessera de le hanter, et qui jaillit tout droit de sa culture afrikaner     : «Si seulement on pouvait se débarrasser de ce concept de péché pour pouvoir vivre librement, vivre à fond... mais Meum Peccatum contra me est semper.» Il n'y parviendra pas, et une culpabilité écrasante traverse son oeuvre, de A Chain of Voices  (1982) à Looking on Darkness    (1974). Ces romans, en dépit de leur qualité inégale, ont connu un vif succès, au pays comme à l'étranger, ce qui a permis à leur auteur de réveiller bien des consciences. Breyten Breytenbach, également de culture afrikaner, procède autrementpuisqu'il va jusqu'à identifier sa cause à celle des Noirs, ce qui lui vaudra sept ans de prison (The True Confession of an Albino Terrorist, 1984). Auteur qui joue beaucoup de son art de la provocation, fasciné par Goya et Rimbaud, Breytenbach, qui est également un grand poète, déploie d'une oeuvre à l'autre une écriture hallucinante et toute frémissante d'émotions fortes, voire morbides (A Season in Paradise     , 1980; End Papers, 1985). J.M.   Coetzee (également afrikaner), quant à lui, se lance dans d'inépuisables métaphores qui disent les malheurs de ce pays. Contrairement à Brink, qui a la symbolique pesante, Coetzee procède par allusions, en créant des situations romanesques qui pourraient se dérouler en Afrique du Sud tout autant qu'ailleurs, partout où les droits de l'homme et sa dignité sont foulés aux pieds par des dictateurs impénétrables et glacés, de Desklands (1974) à Waiting for the Barbarians (1981). Coetzee est l'homme de la concision, de l'émotion contrôlée   ; rompu à toutes les roueries universitaires de l'écriture, fasciné par Kafka auquel il doit beaucoup, il ne fait pas de doute qu'il est un écrivain de premier plan qui mériterait d'être plus connu. Son dernier roman, Age of Iron (1990), dépasse les prouesses stylistiques avortées de Foe (1996): le ton se fait plus limpide, plus direct dans ce récit d'une vieille dame sud-africaine qui se meurt du cancer qui la ronge, tandis que monte la violence noire. La représentation de la «situation», au moment précis où elle est en voie de disparition, gagne en transparence. On peut dire qu'avec ces trois romanciers on assiste à une sorte d'invasion de la littérature anglophone par des Afrikaners qui viennent chercher ici un autre accueil linguistique. Nous sommes très loin, maintenant, des provocations juvéniles d'un William Plomer dans son Turbott Wolfe, en 1925 (Turbott voit ses amours interraciales bénies par un pasteur compatissant), ou des railleries acerbes de Roy Campbell (The Wayzgoose, a South African Satire, 1928). Cette veine satirique, ce sens du grotesque qui étaient pourtant présents dans l'oeuvre d'Anthony Delius (The Last Division, 1959) n'ont finalement pas connu une grande fortune littéraire, contrairement à ce qui a pu se passer ou se passe dans une Europe de l'Est qui a également subi la dictature d'une minorité. C'est que l'apartheid a rendu la vie quotidienne si étouffante et si angoissante qu'on ne peut plus s'en extirper par le rire du bouffon: l'allégorie sied mieux à une vision qui demeure tragique.

 

La critique littéraire

 

Les écrivains participent souvent aux activités de la critique, ainsi W. Plomer et N. Gordimer. L'intérêt manifesté à l'égard des littératures noires est allé croissant: l'anthologie publiée par le poète Guy Butler en 1959 ne comprenait pas le moindre auteur noir. Celle composée en 1968 par J.    Cope et Uys Krige leur accorde une large place. Il existe actuellement une critique universitaire d'un haut niveau. Ainsi la Préface rédigée par Jean Marquard pour son anthologie A Century of South African Short Stories, publiée à Johannesburg en 1978. On étudie les langues et les littératures africaines. Les périodiques ont toujours joué un rôle considérable dans l'animation de la vie littéraire. Citons, pour mémoire et dans le camp blanc: South African Opinion et Trek; dans le camp noir, outre Drum, Zonk, Contrast et Classic.

 

Bilan général

 

Tout au long de cette étude, le lecteur a pu constater à quel point ces littératures sont marquées par un environnement qui force les écrivains à s'engager, à se situer, quelle que soit la couleur de leur peau: l'apartheid a politisé ces productions en profondeur. Par ailleurs, ce système inique a exercé unepression si forte sur les écritures que dans certains cas il les a écrasées, et comme aplaties sous son fardeau. Il en résulte des récits qui se veulent fidèles, mais qui ne réussissent qu'à reproduire servilement la réalité, quitte à s'y enliser, ce qui n'est certainement pas fait, comme l'a observé N. Ndebele, pour élever le niveau de conscience politique des masses. Cela pourrait s'appliquer à nombre d'écrivains africains (M. Tlali, L. Ngcobo...) et à quelques écrivains blancs. Dans d'autres cas, cette pression s'est exercée en sens inverse, provoquant une prise de distance à l'égard de ces mêmes réalités, qui se retrouvent alors sublimées ou métaphorisées (B. Breytenbach, J.M. Coetzee). D'un côté, on va jusqu'à affirmer qu'en la circonstance l'esthétique est un luxe superflu dont on n'a que faire (M. Mutloatse, P. Gwala), tandis que de l'autre les préoccupations de ce type demeurent au premier plan. On retrouve, dans ces façons opposées de traiter le réel, des différences qui sont aussi celles qui séparent les écrivains: si les Blancs ont pu pâtir de la censure, leur situation n'est en rien comparable à celle de leurs confrères qui ont connu une véritable persécution. Ainsi ces écarts dans les systèmes de représentations correspondent-ils à des différences majeures dans les situations concrètes.

Le mois de juin 1991 a marqué la fin officielle de l'apartheid et la poursuite d'une longue négociation entre les deux camps: il est plus aisé d'effacer un texte de loi que de transformer des mentalités. En ce qui concerne ces littératures, comme l'a remarqué M. Kunene, la fin de l'apartheid va sonner le glas de toute une production ancrée dans sa dénonciation: elle va perdre son support essentiel, se retrouver vidée du sang qui la nourrissait. Et le public comme la critique qui n'a pas toujours su garder la distance requise devront réviser leurs images de ce pays.

Nul ne peut dire ce que réserve l'avenir. Mais, comme nous l'avons vu, les ressources existant dans des domaines aussi divers que la poésie, l'épopée, la roman ou le théâtre sont telles que l'on peut s'attendre à une renaissance, à une floraison de nouveaux talents, à davantage de richesses.

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Instantané, au Parc Gouin

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À mes amies, peintres de la Nature

Caché dans un immense érable,
Se sentant sans doute à l'abri,
Un gros écureuil est à table.
En photo, il a été pris.

Installé non loin de son nid,
Peut-être sur son pas-de-porte,
Il contente son appétit.
La sécurité lui importe.

Ne pas attirer d'envieux,
Quand on a exclu le partage.
Chacun à son tour est chanceux

Profite seul d'un avantage.

Dans leur grise fourrure épaisse,
En ce temps froid de rareté,
Nombreux sont ceux de son espèce
Glanant en vain sans s'arrêter.

Près des passants, ils font des pauses
En espérant leur charité.
Or ceux-ci nombreuses fois osent
Saisir intacte leur beauté.

21 janvier 2016

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Les philosophies existentielles, les cataclysmes de l'histoire moderne, le sentiment qu'a l'individu d'être jeté dans un monde incompréhensible et dont la représentation échoue par l'inadéquation du langage, telles sont les sources de la vision du monde profondément pessimiste que Camus appelle l'absurde. Le théâtre des années cinquante et soixante, celui de Beckett, Ionesco, Albee ou Pinter, s'en fait l'écho.

 

 

1. À la recherche d'une définition

 

Semper eadem

 

Il n'est pas étonnant que la «génération de l'absurde» soit la nôtre et que nous nous retrouvions, par la grâce d'un livre de Paul Van den Bosch, des «enfants de l'absurde», baptisés dans les fureurs nazies et les fumées d'Hiroshima; des «enfants du bon Dieu» (Antoine Blondin), des «enfants tristes» (Roger Nimier) avec, sur les lèvres, «un certain sourire» de cynisme désenchanté... En effet, chaque génération nouvelle a le sentiment d'être la plus déshéritée; le mal du siècle, à chaque siècle nouveau, recommence. Claudel découvre la première vague exhalation hamlétique dans l'oeuvre d'Euripide, et Eugène Ionesco associe le théâtre de Samuel Beckett aux lamentations de Job sur son fumier.

Comment s'en étonner, puisque l'absurde se manifeste dans un perpétuel recommencement? AlbertCamus déroule, dans Le Mythe de Sisyphe, la chaîne de nos gestes quotidiens, «lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme...» Les générations qui défilent dans La Conversation de Claude Mauriac se relaient pour continuter le même bavardage insipide de l'existence. Les têtes de l'hydre repoussent toujours. Toutes les nuits Estragon est battu, tous les soirs il vient attendre Godot en compagnie de Vladimir, «depuis cinquante ans», c'est-à-dire depuis le commencement du monde. L'absence de changement est la caractéristique même de l'absurde.

 

Le sentiment de l'absurde

 

Mais Vladimir et Estragon n'ont pas conscience de l'absurdité de leur existence. Éveillés, ils sont plongés dans le «sommeil stupide» des «plus vils animaux» dont Baudelaire se prenait à jalouser le sort. Vivant dans l'absurde, ils ne vivent pas l'absurde. Meursault, lui, franchit le pas. Caligula l'a déjà franchi au moment où commence la pièce. En effet, comme le souligne Camus dans Le Mythe de Sisyphe, ce qui est absurde, c'est la «confrontation» de l'«irrationnel» du monde et «de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme».

Il importe moins, alors, d'explorer l'insondable absurde, que d'énumérer les sentiments qui peuvent comporter de l'absurde: la «nausée» qui nous soulève le coeur devant l'automatisme de nos actes, la «révolte de notre chair» à la pensée de la mort dont, par une étrange inconséquence, nos souhaits d'avenir nous rapprochent, etc. Tout commence par une question qui vient rompre la continuité de la chaîne: aussi bien le «Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini?» de Pascal que le «Qui suis-je? où suis-je? où vais-je? et d'où suis-je tiré?» de Voltaire, que le simple «Pourquoi?» instinctivement murmuré par l'homme X d'Albert Camus.

 

Le non-sens

 

Pascal possède une réponse et échappe ainsi à l'absurde dont il a seulement voulu faire passer le frisson chez le libertin pour le conduire à l'ultime recours. L'atmosphère absurde ne saurait s'appesantir que sur un homme «coupé de ses racines religieuses ou métaphysiques», comme l'écrit Ionesco dans Notes et contre-notes, un homme «perdu» dont la démarche devient «insensée, inutile, étouffante».

L'absence de cause ou de finalité, le non-sens du monde sont ressentis comme des conséquences de l'absence de Dieu: après Nietzsche, les «enfants de l'absurde» de Paul Van den Bosch ont l'impression que Dieu est mort, «mort de vieillesse». Lucky, pensant tout haut devant Vladimir et Estragon, s'en prend à la «divine apathie», la «divine athambie», la «divine aphasie» d'un «Dieu personnel quaquaquaqua à barbe blanche quaqua»: un «godot», c'est-à-dire sans doute une dérision de Dieu qui n'est que la figure dérisoire de notre vaine attente de Dieu.

 

 

2. La crise du langage

 

Le paradoxe d'une «philosophie de l'absurde»

 

Il y a quelque audace, et même quelque inconséquence à vouloir exprimer rationnellement l'irrationnel et à user du discours logique pour suggérer l'absurde qui, par définition même, échappe à la logique. Camus s'est, par là même, exposé à de vigoureuses attaques lancées par ceux qu'il avait peut-être engendrés. Caligula reste encore une démonstration bien menée et nous donne peut-être l'exemple extrême d'une tentative littéraire essentiellement paradoxale.

Mais la crise du langage était inévitable, d'autant plus que le sentiment de l'absurde révélait les tares de notre instrument de communication. Cette «cacaphonie», comme disait Julien Torma, est bien absurde puisque l'«on passe sa vie à répéter la même chose. Et pourtant, lorsque l'on meurt, on n'a rien dit, rien» (La Conversation). Dans son essai sur Proust, Samuel Beckett juge que «la tentative de communiquer là où nulle communication n'est possible est une pure singerie, une vulgarité ou une abominable comédie, telle que la folie qui tiendrait conversation avec le mobilier». Et Ionesco conclut: «Les gens sont devenus des murs les uns pour les autres.»

Ce pessimisme est à la fois celui de philosophes du langage (Fritz Mauthner, Wittgenstein), de romanciers (Maurice Blanchot, Louis-René des Forêts), de dramaturges (Beckett, Pinter, etc.). Il pourrait aboutir au silence. Et certains semblent bien près de penser qu'il est, en effet, la meilleure expression de l'absurde. L'Orchestration théâtrale de Fernando Arrabal, l'Acte sans paroles de Beckett réduisent au mime l'expression dramatique.

 

La désintégration du langage

 

Mais il semble plus riche de tenter d'exprimer par un langage désarticulé ou désintégré la désintégration absurde du monde, de l'existence ou du langage. L'évolution de l'oeuvre de James Joyce est exemplaire à cet égard: la confuse masse verbale de Finnegans Wake ne se propose ni d'expliquer ni même d'analyser; elle nous présente le cerveau à nu, les veinules toutes palpitantes du subconscient. Quand Samuel Beckett oblige Lucky à penser en lui ôtant son chapeau melon, il exprime le même phénomène par un symbolisme élémentaire. Dans ce qu'il est convenu d'appeler, depuis l'essai de MartinEsslin, le «théâtre de l'absurde», la désintégration du langage s'opère surtout par appauvrissement. Dans le roman, elle est plutôt le résultat d'une prolifération anarchique.

Il existe une façon inverse de cerner l'absurde par le langage. Il s'agit cette fois, non de se passer de la logique, mais de pousser la logique jusqu'à l'illogisme. Le procédé permet ainsi de découvrir l'une de nos inconséquences, comme dans ce raisonnement d'Ionesco, sorte de syllogisme de l'absurde: «J'ai peur de la mort. J'ai peur de mourir, sans doute, parce que, sans le savoir, je désire mourir. J'ai peur donc du désir que j'ai de mourir.» Appliqué au langage, précisément, le même entêtement s'organise en une véritable chasse à l'absurde dont La Cantatrice chauve est le célèbre résultat: les clichés et les truismes extraits d'une méthode «Assimil», répartis entre deux, puis quatre personnages, deviennent fous en s'enchaînant les uns aux autres; la parole se vide de contenu et dégénère en une querelle où les pitoyables héros se jettent à la figure des syllabes, des consonnes et des voyelles.

On se rend compte que le langage est alors devenu un épiphénomène ou, au théâtre, un geste comme les autres, qui s'intègre tout naturellement au spectacle total prôné par Antonin Artaud dans Le Théâtre et son double. La tradition est d'ailleurs au fond fort ancienne, depuis les myroi et les absurdi jusqu'au «nonsense» anglo-saxon.

La littérature de l'absurde s'engage donc dans deux voies complètement divergentes. Les uns, qui sont soucieux de «dire», mettent au service du thème métaphysique de l'absurde les moyens de la description réaliste (les romans de Gascar) ou du discours (le théâtre de Camus). Les autres, qui se préoccupent davantage d'«exprimer», nous mettent en présence d'une création artistique absurde (le monologue d'Ulysse, la prolifération des meubles dans Le Nouveau Locataire), déréglée ou vaine, pour suggérer l'anarchie du monde ou la vacuité de l'existence.

 

 

3. Vers une solution

 

La tentation de l'espoir

 

La tentation est forte pour l'écrivain d'abandonner son rôle modeste de témoin pour se transformer en apôtre. La littérature de l'absurde offre peu d'exemples d'expression pure de l'absurde. Le plus remarquable reste l'oeuvre de Samuel Beckett, obstiné dans son refus de répondre et de conclure, dans sa volonté de recommencement de chapitre en chapitre, d'acte en acte, de pièce en pièce. Au contraire, la philosophie de l'absurde, chez Camus, évolue vers un humanisme de plus en plus chaleureux. Même Le Mythe de Sisyphe ne se contente pas de diagnostiquer le mal: il condamne les faux remèdes, aussi bien le «suicide logique» de Kirolov analysé par Dostoïevski dans Les Possédés que le «suicide philosophique» de Chestov qui, pour échapper à l'absurde, fait le «saut» et s'en remet à Dieu. Bien plus, Camus incline son lecteur vers ses propres recours: le défi, la révolte, la création. Dans un monde sans cause, l'existentialisme sartrien invite l'homme à être «cause de soi». Dans un monde sans but, la philosophie de Camus place en l'homme même la fin de l'homme. «Il faut imaginer Sisyphe heureux», parce qu'il est devenu «maître de son destin»: mais, à supposer que cela soit possible, Sisyphe échappe à l'absurde en donnant un sens à son effort.

Les tâtonnements des héros de Kafka dans le labyrinthe ténébreux du monde prennent aussi un sens, si on veut bien lire Le Procès ou Le Château à la lumière de la correspondance et du Journal. «Je tente toujours de communiquer quelque chose qui n'est pas communicable, et d'expliquer quelque chose qui n'est pas explicable», écrivait Kafka. Si, derrière cette quête de l'absolu, se profile l'impossibilité pour cet absolu de se communiquer à l'homme, le fait même de la quête demeure. L'arpenteur reprend chaque matin le chemin du château parce que ce cheminement même a pris les proportions d'une éthique. Comme l'a judicieusement noté Albert Camus, ici, parce que «l'absurde est reconnu, accepté, l'homme s'y résigne et, dès cet instant, nous savons qu'il n'est plus l'absurde». L'exploration de l'absurde a abouti à un exorcisme véritable.

 

Littérature salvatrice

 

Faut-il en conclure qu'il y a une fonction cathartique de la littérature? S'emparant de l'absurde, ou bien elle se contente de l'élucider, et par là déjà elle le domine, ou bien elle l'élimine au terme d'un corps à corps. Plus sournoisement encore, elle l'évince par les sortilèges qui lui sont propres: la lente infiltration du langage prépare une communication qui est déjà une remontée de l'angoisse, l'esquisse d'un rapprochement (comme celui du colporteur et de la bonne dans Le Square de Marguerite Duras), le retour à un fonds primitif (rêvé par Artaud, par Ionesco ou par Albee); ou bien, tout simplement, elle crée une distance et, malgré qu'on en ait, une distraction qui nous éloigne de l'absurde ou l'éloigne de nous.

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Beauté de la nature

Une aquarelle d'Adyne Gohy

Inspirée par une photo

de

Raymond Martin

12273147270?profile=original

a inspiré

un poème

de Raymond Martin

Calanche di Piana

Les Calanques de Piana

en Corse

 

Cathédrale Méditerranéenne façonnée  par les âges, aux  parures  d’ocres   de  différentes facettes 

 Selon le bon vouloir de l’astre solaire   ou du courroux sans bornes  de  Poséidon,

Tu nous  offres,  paisible, un peu des entrailles de cette sublime terre  Corse.  

 

Tes  flancs exacerbés  ressemblent aux jambes  des Titans,  dont les pieds  baignent  dans les reflets

D’un bleu profond de l’onde marine ,  calme ou intrépide de cette mer nourricière.

Onde bienfaisante calmant les esprits, face  à  l’ardeur du soleil   à son sommet. .

 

Un mélange de sons  se devine quand, fermant les yeux , on laisse libre cours à   son âme aux   

Aguets. Le dialogue du vent et  de la mer  cher à Debussy, se lie avec  les voix  venues du passé,

De Phéniciens  ou de Génois  ventant leurs marchandises  aux autochtones, myrte et pacotille.

 

Peut-être  aussi la voix allègre du pêcheur  satisfait par ses prises de rougets et  autres  mérous,

Accompagnée de la douceur  fruitée  d’un petit rosé local , pour faire  oublier la fatigue accumulée

A  manœuvrer le « pointu »,   garant d’une pêche respectueuse du  fond marin. 

                       

Nienti sta sera

nienti à punenti

nienti à l’alba

nienti

sta sera m’addurmentu in prosa

Rien ce soir

Rien au couchant

Rien à l’aube

Ce soir je m’endors en prose.

( Poème de Marianne Costa en Langue Corse )

Un partenariat d'

Arts 

12272797098?profile=originalLettres

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Nouvel hiver

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   Cet hiver, au Québec, est débordant de grâces.

   Quasiment chaque jour la lumière éblouit.

    Elle crée  de la joie dans l'air qui se déplace.

    Contemplant la beauté chacun s'épanouit.

20 juillet 2016

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Une manne hivernale

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 Pantoum

Dès le premier flocon de pain,
Comme un seul canard, ils arrivent,
Approchent tout près de la rive.
Ces superbes oiseaux ont faim.

Comme un seul canard, ils arrivent.
Une manne sur leur terrain!
Ces superbes oiseaux ont faim.
Leur énergie demeure vive.

Une manne sur leur terrain!
Rien ne se perd à la dérive.
Leur énergie demeure vive.
Ils glanent jusqu'au dernier grain.

Rien ne se perd à la dérive
La manne en peu de temps prend fin
Ils glanent jusqu'au dernier grain.
L'un d'eux s'envole, d' autres suivent.

 

20 janvier 2016

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Regard d'enfance.

 

Voici l'évanouissement du soir,

le tâtonnement du noir,

une enfance me livre son regard ;

son front lisse et blanc, solaire,

ses yeux menthol,

sa bouche toute neuve et "tagada",

ses longs cils bruns, parsemés de lumière,

sa chevelure déliée et brune, argentée par la lune,

sa peau par le crépuscule, ça et là s'enténèbre,

avec ce rien de neige ; cette clarté persistante :

Une moue d'ange !

visage parfait, partagé à la fois par la nuit et le jour,

célébré et chéri !

Cette enfance toute entière,

 point froissée, ni abîmée encore,

désarmée et à la fois si forte,

me donne son soleil pourpre

de sa bouche jailli !

NINA

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Il y a des fleurs

Il y a des fleurs, oui, en hiver.
Et parmi les arbres décharnés
Une fleur a poussé,
Frêle, tremblante mais l’air si fier.

Une fleur en hiver, quelle surprise !
Les saisons ne sont plus de mise ?
Alors que le ciel est gris et lourd,
La pluie fine sévère et les doigts gourds !

C’est une primevère. Etourdie la gamine,
Voulant danser, balayer l’oubli, l’amoureuse.
Cachée sous les feuilles trompeuses,
La voilà cueillie de grise mine !

Et les bourgeons, là, sont-ils aussi fous,
Que le lilas veuille fleurir en Janvier ?
Malgré le gel et la froideur de ses pieds,
Il joue et risque le tout pour le tout.

Il y a des fleurs, oui, en hiver.
Et parmi les arbres décharnés
Une fleur a poussé,
Frêle, tremblante mais l’air si fier.

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Récent recueil de poésies

Songerie

Un nouveau recueil acheté.
La couverture est certes belle.
Formes et couleurs irréelles.
Je me retrouve à méditer.

Les mots servent l'entendement,
Souvent suggèrent des images
Nombreux sont d'un fréquent usage,
D'autres utilisés prudemment.

L'éloquence belle sans fard,
Flot parfaitement maîtrisé,
Demeurant tout autant prisée,
Ne relève pas du hasard.

Le poète met en vedette
Des vocables doux à entendre.
Sans nullement vouloir surprendre,
Les mariant donne une fête.

L'art fait surgir de la beauté
Sous des formes bien différentes,
Édicte des lois exigeantes
Dont nulle ne peut être exemptée.

Or, beaucoup de créateurs osent
Servir leur seule fantaisie,
Et occulter dans l'hérésie
Les règles du beau qui s'imposent.

Me laisse errer en étrangère,
L'amateur de vers qui n'a cure
Des émois que le vrai procure
Et qui écrit à la légère.

18 janvier 2016

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Manif d'amour

Manif d'amour

 

Fougueuse expression du bonheur,

 Dans une vaste rue d'Espagne.

 Chante une foule de danseurs.

 Leur ferveur circule et se gagne.

 

Ébahissant les gens âgés,

Elle parait époustouflante.

Or, par magie peut voyager

Chaleureuse, réconfortante.

 

Des mots qui émanent du coeur,

L'un d'eux surtout revient sans cesse

Il a un pouvoir cajoleur.

Véhicule de l'allégresse.

 

Enrique Iglesias exulte

Bailando! Bailando!

D'aimer la vie il a le culte,

De la manif est le héros.

 

18 janvier 2016

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Le lecteur amoureux.

 

Une ombre bleue grandit dans mes pensées,

tantôt claires, tantôt sombres, erre, vous

ressemble et invariablement s'éprend de tous

mes mots, pour en faire des soleils d'encre,

qui sur mon île blanche posée sur mon bureau,

font une ronde rayonnante,

et vous parlent en un chant bien rythmé !

Voilà la langue unique dont vous m'avez fait don,

en me touchant sans peine de vos yeux noirs et grands

cernés de bleu, depuis moi insomniaques.

Vous me lisez toujours, nuits et jours.

 

NINA

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Le ciel et la terre.

 

Le ciel lorsqu'il est bas

semble embrasser la terre,

sous la pluie, dans la brume,

lui insuffler son souffle dans

un divin silence.

Le ciel lorsqu'il s'en va,

qu'il s'éloigne, s'éclaircit,

quel que soit l'heure du jour,

semble se défaire d'elle,

mais chauds du grand soleil,

l'un comme l'autre ne sont tristes !

NINA

 

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BLEU COMME UN CIEL BLEU

12273144694?profile=originalEt pour rester dans le bleu , il ne suffit pas d'avoir les yeux bleus

Pour voir la vie en bleu ...

Car le reflet étrange et mystérieux de l'image renversée

Ouvre un autre monde où les rêves  , comme cette silhouette furtive

S'évade vers une autre possibilité

AA

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« Il y a eu, par un après-midi de printemps, sur la pelouse d'un champ de course, ce doux ciel clair, cet attelage arrêté, cette jeune femme heureuse. Il y a eu ces garçons et ces filles autour de la table desservie dans une lumière radieuse, et la Marne à travers les saules, et l'aile blanche entrevue d'une barque, et tous ces jeunes corps transpirant et qui s'attirent : combinaisons fugitives d'air, de lumière, de créatures vivantes, indéfiniment défaites et recomposées depuis trois quarts de siècle, et des millions d'autres se reforment indéfiniment, mais que la plupart des artistes d'aujourd'hui ne cherchent plus à capter. »

Parmi tous les peintres impressionnistes auxquels Mauriac rendait ainsi hommage lors d'une exposition en 1955, Renoir a su exprimer le mieux, parce que ce fut son unique sujet, ce bonheur de l'instant. Son nom seul évoque l'idée d'un paradis. Aucun tourment, ici ; simplement, sous un constant soleil, la joie d'exister. Il connut cependant lui aussi le découragement, traversa de nombreuses crises morales, et vécut ses vingt dernières années sous la souffrance physique, provoquée par les rhumatismes et la paralysie. Il trouvait alors son réconfort dans le travail, et peignit la vie triomphante chaque jour, jusqu'au dernier.

Les débuts

Auguste Renoir est né à Limoges, sixième et avant-dernier enfant de Léonard Renoir, tailleur, et de Marguerite Merlet, couturière ; son grand-père paternel, François Renoir, était sabotier : milieu d'artisans modestes, possédant cette intelligence de la main qui va bien au-delà du métier, et incite au goût des belles choses. En 1844, la famille s'était installée à Paris, non loin du Louvre d'abord, puis dans le quartier du Marais. Après l'école, à treize ans, Renoir qui aimait le dessin fut mis en apprentissage chez un peintre sur porcelaine. Quatre années plus tard, l'impression mécanique remplaçant peu à peu le travail manuel, il dut gagner sa vie en décorant des éventails, puis des stores. Ayant amassé quelque argent, il put bientôt se consacrer à la peinture, devenue sa passion, et allait copier au Louvre, où ses parents l'avaient souvent mené. Il avait été attiré tout de suite par Rubens, et par les peintres français du XVIIIe siècle. « A Watteau et Boucher j'ajoutai Fragonard, surtout les portraits de femmes. Ces bourgeoises de Fragonard !... Distinguées sans cesser d'être bonnes filles. » En mars 1862, il se présentait et était admis à l'école des Beaux-Arts, et s'inscrivait en octobre de la même année à l'académie Gleyre, où il rencontra Claude Monet, Alfred Sisley, Frédéric Bazille. Ce dernier admirait beaucoup Courbet, et aussi Édouard Manet qui l'avait reçu dans son atelier. « Tu comprends, lui dit Bazille, Manet est aussi important pour nous que Cimabue et Giotto pour les Italiens du Quattrocento. Parce que c'est la Renaissance qui est en train de venir. Et il faut que nous en soyons. » A l'exemple de ces peintres, il était nécessaire de s'affranchir des sujets d'autrefois : « Les grandes compositions classiques, c'est fini. Le spectacle de la vie quotidienne est plus passionnant. »

Renoir, désormais, est pris dans le mouvement. Au début de l'année suivante, en 1863, il accompagne Sisley, Monet et Bazille à Chailly-en-Bière, en bordure de la forêt de Fontainebleau ; il y rencontre Narcisse Diaz, qui lui recommande d'éclaircir sa palette. Il quitte en 1864 l'école des Beaux-Arts, fait recevoir par le jury du Salon une Esmeralda dansant  (détruite ensuite) et exécute ses premières commandes, le Portrait de Mlle Lacau  (Cleveland Museum of Art), qui révèle son sens de la grâce féminine, et celui de William Sisley  (musée du Jeu de paume, Paris), le père de son ami peintre, tableau qui sera accepté au Salon de 1865. Ses parents étant retirés à Ville-d'Avray, il est accueilli par Sisley d'abord, puis, après le mariage de celui-ci, par Bazille. Tous ont pris maintenant l'habitude de se rendre à la campagne dès les premiers beaux jours, à Chailly de nouveau, puis à Marlotte, où les rejoint Pissarro et où Renoir fait la connaissance de Gustave Courbet ; à Bougival, Chatou, Argenteuil - sur les bords de la Seine. Renoir a peint ses amis à Marlotte, en 1866, dans le Cabaret de la mère Anthony  (Nationalmuseum, Stockholm), sa première composition importante. En 1867, il peint une Diane chasseresse  (National Gallery of Art, Washington), prétexte à un nu dans la nature vigoureusement traité à la manière de Courbet, et Lise à l'ombrelle  (Folkwang Museum, Essen), grande figure dans une lumière de plein air tamisée par les feuilles des arbres, qui fait suite aux Déjeuner sur l'herbe  de Manet et de Monet. Aux aspirations nouvelles (réalisme et goût de la nature de Courbet, sujets empruntés à la vie moderne de Manet, éclaircissement de la palette conseillé par Diaz) s'ajoute en effet l'intérêt de plus en plus vif pour toutes les variations de la lumière. Travaillant ensemble durant l'été 1869 à « La Grenouillère », dans l'île de Croissy près de Bougival, Claude Monet et Renoir tentent de rendre dans leur peinture le miroitement du fleuve, tous les reflets du soleil multipliés par le frémissement de l'eau. Monet transpose en touche de couleur chaque éclat lumineux, divisant hardiment et franchement les tons pour préserver leur vigueur : « capter la lumière, et la jeter sur la toile », tel est son projet. Renoir, plus sensible à la présence humaine et à celle des objets, attentif à l'ensemble, demeure plus nuancé. Chacun suit sa propre voie : « Ce que je ferai aura au moins le mérite de ne ressembler à personne, parce que ce sera simplement l'impression de ce que j'aurai ressenti, moi tout seul », écrivait Monet quelques mois auparavant, alors qu'il travaillait au Havre. Renoir, très attiré encore par Courbet, comme en témoignent La Nymphe à la source  (1869 ; National Gallery, Londres) et La Baigneuse au griffon  (1870 ; musée d'Art moderne, Sao Paulo, Brésil), analyse longuement aussi Delacroix, s'en inspire et lui rend hommage dans L'Odalisque, ou Femme d'Alger  (National Gallery of Art, Washington) exposée au Salon en mai 1870. En juillet, c'est la guerre. Bazille y trouvera la mort. Renoir, appelé à Tarbes puis à Libourne, est démobilisé en mars 1871. En janvier 1872, le marchand Paul Durand-Ruel, qu'il a rencontré par l'intermédiaire de Monet et de Pissarro, lui achète quelques tableaux ; il travaille en été à Argenteuil, avec Claude Monet et Gustave Caillebotte, et entreprend en octobre les Cavaliers au bois de Boulogne  (Kunsthalle, Hambourg), vaste composition terminée au printemps 1873. Soutenu matériellement par Durand-Ruel et par Théodore Duret, il peut alors s'installer dans un appartement de la rue Saint-Georges, à Montmartre. Il a trente-deux ans. Son tableau de La Loge  (Courtauld Institute, Londres) - admirable image de la fête du soir au théâtre, la femme vêtue d'une robe somptueuse, l'homme en habit - confirme à la fois son admiration pour les maîtres du passé et sa propre virtuosité. Il le présente lors de la première exposition des « impressionnistes » chez Nadar : ce noir qui fait jouer tout l'ensemble de la toile, et dont il dira un jour qu'il est « la reine des couleurs », est alors une note remarquable d'indépendance.

Le temps de l'impressionnisme

Renoir fait venir dans son atelier des modèles, Nini et Margot, Angèle, Estelle ou Jeanne, petites fleuristes, modistes et couturières de Montmartre. Les voici en train de lire, de coudre, d'ajuster un chapeau ; caressant un chat dans leurs bras, arrangeant un bouquet ; surprises encore par le peintre dans la rue ou au théâtre, avec une joie dans le regard et un intérêt passionnés : « Je ne savais pas marcher que j'aimais déjà les femmes », dira-t-il. C'est le début d'une suite éclatante de chefs-d'oeuvre. Anna, qui est aussi un modèle de Manet, a posé pour le Nu au soleil  (musée d'Orsay, Paris) et pour le Torse nu  (musée Pouchkine, Moscou). Dans ces deux tableaux se conjuguent l'ampleur de la forme et la richesse du coloris ; comme autrefois dans les nus de Watteau, un sein apparaît ici sous le bras levé : « Un sein, écrit Renoir, c'est rond, c'est chaud. Si Dieu n'avait créé la gorge de la femme, je ne sais si j'aurais été peintre. » Ces jeunes filles, il les invite à venir poser dans le jardin d'un vieux logis de la rue Cortot, loué par lui pour peindre la grande composition du Moulin de la Galette  (musée d'Orsay, Paris), où il va les voir danser. Renoir réussit à rendre sensible toute la séduction de ce bal par un après-midi de printemps, les taches de soleil se posant à travers les arbres sur les chevelures et les visages, les longues robes claires des danseuses, les vêtements plus sombres des danseurs. L'harmonie des verts et des bleus, ponctués de jaunes et de roses, est obtenue par touches superposées et fondues qui contribuent à restituer une scène pleine de vie et de mouvement. « C'est une page d'histoire, un monument précieux de la vie parisienne, d'une exactitude rigoureuse », écrira Georges Rivière lorsque le tableau sera présenté à la troisième exposition des impressionnistes, en avril 1877. Mais ces peintres rencontrent encore l'hostilité générale de la presse et du public. Pour subsister, Renoir accepte des commandes de décorations et de portraits (de femmes et d'enfants, surtout), que lui font l'éditeur Charpentier, les banquiers Paul Bérard ou Charles Ephrussi, le docteur Émile Blanche. Les figures se détachent sur un fond sobre, la tache rose ou bleu turquoise d'un ruban jouant avec la soie blonde des cheveux, ou sont surprises dans la diaprure de couleurs d'un paysage. Dans ses tableaux de plein air : Déjeuner au bord de la rivière  (Art Institute, Chicago), Sur la terrasse , Près du lac , Les Canotiers à Chatou  (National Gallery of Art, Washington), Renoir continue à utiliser la technique impressionniste qui fait étinceler toutes les lumières. Après un court séjour en Algérie, il termine au printemps de 1881 un tableau de grand format entrepris l'été précédent à Chatou, Le Déjeuner des canotiers  (Phillips Collection, Washington). Modèles et amis sont réunis sous la tente, autour d'une table somptueusement servie, dans la lumière de la belle saison. Sous la liberté apparente, qu'accentuent les attitudes familières des personnages, la composition est très étudiée ; le peintre conjugue ici la richesse de la technique impressionniste et la finesse de ses nuances avec la précision du dessin.

A la fin de l'année, il part pour l'Italie, s'arrête à Venise, dont il peint quelques vues, à Florence, Rome, Naples, Pompéi. L'esprit déjà inquiet d'une exactitude plus grande dans l'interprétation de la forme, il est très impressionné par Raphaël, « admirable de simplicité et de grandeur », et par les fresques de Pompéi, « riches avec si peu ». A son retour, il s'arrête à L'Estaque chez Cézanne, préoccupé lui aussi de donner plus de solidité à sa peinture. Après un second séjour en Algérie où il a, dit-il, « découvert le blanc » (« Tout est blanc, les burnous, les murs, les minarets, la route. Là-dessus, le vert des orangers et les gris des figuiers. »), il regagne enfin Paris au début de mai 1882. Il y retrouve une jeune femme, Aline Charigot, aperçue déjà dans Le Déjeuner des canotiers , qu'il épousera et dont il aura trois enfants, Pierre, Jean et Claude.

Crise et plénitude finale : la volupté de peindre

Les toiles de cette époque laissent apparaître le partage entre cette volonté de rigueur et la spontanéité native. La Baigneuse blonde  de 1882 (coll. G. Agnelli, Turin), variante d'un tableau peint à Naples, Les Enfants Bérard à Wargemont  (National Galerie, Berlin), et La Natte  de 1884 (coll. part., Baden) dénotent une certaine sécheresse par rapport aux paysages du Midi, de Guernesey ou de Normandie datant de la même époque. Renoir évoquera lui-même cette crise : « Vers 1883, il s'est fait comme une cassure dans mon oeuvre. J'étais allé jusqu'au bout de l'impressionnisme et j'arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre ni dessiner. En un mot, j'étais dans une impasse. » La mort de Manet, en avril 1883, l'a aussi vivement atteint, comme tous ses amis peintres. Il ressent une sorte de nostalgie du métier des maîtres anciens, avivée encore par la lecture du Livre d'art  de Cennino Cennini. Il se remet au dessin, utilisant le crayon dur et la plume, préparant d'une manière très serrée chaque tableau, limitant sa palette à quelques couleurs : ocre rouge, ocre jaune, terre verte, noir. Mais le dessin trop régulier des contours détache arbitrairement l'objet ou la figure de l'espace ambiant, et Pissarro peut écrire en 1887 : « Je comprends bien l'effort tenté ; c'est très bien de ne vouloir rester en place, mais il a voulu ne s'occuper que de la ligne, les figures se détachent les unes des autres sans tenir compte des accords, aussi c'est incompréhensible. Renoir n'ayant pas la faculté du dessin, et n'ayant plus les jolis tons instinctivement sentis d'autrefois, se trouve incohérent. » Les Grandes Baigneuses  (Philadelphia Museum of Art), présentées cette année-là, montrent l'importance de la recherche poursuivie, sa réussite dans la pureté formelle et l'harmonie des tons, son échec dans le défaut d'intégration des figures à leur milieu, qui explique la froideur des oeuvres de cette époque. Renoir comprend bientôt que, s'il ne peut laisser la forme se dissoudre dans la couleur, il ne peut non plus l'emprisonner dans un contour : il lui faut réaliser une fusion de ces éléments. De là cette technique de petites touches, lisses, effilées comme des laines, utilisée déjà pour unir les couleurs entre elles, mais plus souple encore, « nacrée », à quoi se substitue peu à peu la transparence des tons par superpositions très légères : « Un jour, je m'aperçois que Rubens avec un simple frottis avait obtenu davantage que moi avec toutes mes épaisseurs... » Renoir réalise ainsi cette unité entre le dessin et la couleur qu'il poursuivra jusqu'à la fin : « Je me bats avec mes figures jusqu'à ce qu'elles ne fassent plus qu'un avec le paysage qui leur sert de fond, et je veux qu'on sente qu'elles ne sont pas plates, ni mes arbres non plus. » Ce souci de liaison et d'unité est une des constantes de l'école française.

Entre-temps, l'intérêt du public est venu. Toujours soutenu par Durand-Ruel, qui avait organisé une grande exposition de Renoir en 1892, le peintre peut travailler librement. Malgré les rhumatismes qui, à partir de 1898, commencent à ruiner son corps et le condamneront à la paralysie, il poursuit jour après jour son effort créateur, à Paris, à Essoyes - le pays de sa femme, en Bourgogne -, dans le Midi surtout, où il se retire à Cagnes, et où il mourra. Paysages, fruits, fleurs : il en transmet la vie dans la lumière. « Il fait chanter la couleur au moyen de procédés renouvelés de Fragonard et de Delacroix : préparation des masses dans le ton, et des passages dans le gris », écrit Maurice Denis. « Si son métier est plus souple que celui de Cézanne, c'est qu'il traduit quelque chose de plus que les volumes : la fluidité de la forme vivante. Il se délectait à l'idée de peindre d'opulentes épaules ; on va pouvoir, disait-il, nager dans les modelés ! » Ses Baigneuses  dans le soleil amplifient ce type de beauté féminine qu'il a créé, « ces torses longs aux hanches élargies » dont parle Albert André, et exaltent dans l'exubérance et la joie « l'idéalisme de sensualité qui était au fond de toutes ses recherches ». « Ce que j'aime, disait Renoir, c'est la peau, une peau de jeune fille, rosée et laissant deviner une heureuse circulation. Ce que j'aime surtout, c'est la sérénité. »

                                   

                                   

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Ainsi parlait mon amie. JGobert

Mon quartier d’antan a pour joli nom le charbonnage. Mon horizon d’enfant bute depuis ma naissance sur un énorme terril. J’habite un coron, non loin de vieux puits d’extraction de la houille. Germinal est passé bien avant moi et a mis en vedette cette société ouvrière difficile. Quand petite, j’écoute ma grand-mère relater la mine, le temps des « fosses », la vie laborieuse des travailleurs de fond, je connais l’histoire de mon grand-père, mort trop tôt, trop jeune de la maladie du mineur. Celui-ci est porion et ses frères sont piqueur, hercheur, boiseur et le dernier entré est galibot.

La famille de ma mère est également de la fosse. Je n’ai pas eu la chance de les connaître. Ils sont tous décédés avant ma naissance. Tous mineurs de fond, hommes et femmes. Une rare photo de ma grand-mère maternelle, près d’un autel monté au fond, fêtant Sainte Barbe dans cette mine de malheur. Photo révélatrice de femmes aux visages émincés, cavés et minés dévoilant la souffrance de cette vie. 

Petite et casse-cou, je n’écoute pas et j’aime déambuler dans la cour fermée du charbonnage. Cela m’est interdit mais, à mon âge, je n’en ai que faire des interdictions. Je visite ainsi le vieux charbonnage fermé depuis des années. Celui-ci est entouré d’un haut mur de protection. Il est rehaussé de défense composée de caissons de bouteille. La grande entrée, imposante à la vue de tous, a ses grandes grilles fermées et cadenassées.  

L’enceinte est entrouverte à différent endroit et laisse s’infiltrer des personnes comme moi. J’y vais avec un cousin de mon âge, curieux lui aussi. J’entre par une ouverture dans le mur. J’examine les choses, les milliers objets abandonnés dans les coins. Je suis directement dans la cour pavé de gros cailloux difformes. Cette cour du charbonnage est encore pleine de wagonnets sur des petits rails, des tas de bois, des tas de ferraille. Tout est triste, à l’abandon.

 La « fosse » est devant moi, fière, et cruelle, comme un gouffre en bois, verrouillé, sombre. Bien qu’arrêtée depuis des années, le noir incrusté du charbon ténébreux est réalité sur tout.

Une allée de pavés, des bâtiments vides, des salles des pendus, la lampisterie et une jolie chapelle jadis accueillante. Faite en brique rouge et accostée à la maison du sacristain, elle s’élève toujours avenante, courtoise dans cet environnement abandonné par les hommes.

C’est là que je fais la connaissance d’un jeune vicaire qui officie là. La chapelle St Georges me parait grande, belle. Les vitraux laissent filtrer la lumière douce de la vie. L’atmosphère est feutrée et ardente, il fait sombre mais lumineux de croyance. Seuls les cierges et les bougies illuminent l’entrée. Le prêtre s’y rend tous les jours à cette époque. Petite fille, je me balade sans faire de bruit dans cet endroit sacré.

En face du charbonnage, une cité ouvrière habitée par des travailleurs immigrés. On l’appelle «  le petit Paris » Elle a toujours ce nom aujourd’hui. Il est interdit d’aller jouer dans cet endroit. On raconte des histoires épouvantables sur ces gens.

A cette époque, chaque quartier a son école communale ou catholique. C’est là que je retrouve ces « étranges enfants venus d’ailleurs »  qui ne parlent pas français. Tous ces enfants deviennent vite des copains et copines. J’en rencontre encore quelques-uns aujourd’hui.

Mon père n’a pas connu la mine, il est faïencier. Il a une entreprise juste à côté de la maison. Ma mère et mes tantes sont aussi dans la faïencerie. Je me souviens des rangées de poteries sur les étagères dans l’usine où encore une fois, je n’ai pas le droit d’aller. Au fond du bâtiment, un énorme four professionnel au mazout où l’on cuit la faïence. Avec la crise du canal de Suez, mon père doit arrêter son activité pour se reconvertir.

C’est à cette époque que les grosses usines s’installent dans le « zoning», dans la banlieue d’un village devenu grand et ravagent les champs de coquelicots installés sur les terres au bord du canal. Tout ce rouge qui disparait ne laissant que du béton. Beaucoup de petites entreprises ferment pour laisser place à des usines modernes et propres pour la santé. C’est inespéré pour beaucoup de personnes.

La famille de ma grand-mère paternelle vient de la campagne, ils sont fermiers. Mes oncles ont tous une petite ferme avec vaches, cochons, poules et quelques terres. Une terre également arrosée de sueur et de larmes. Un autre monde où la vie, bien que difficile aussi, est plus légère. Autour de ces petites fermes, des près parsemés de fleurs sauvages où le vent s’infiltre et balance avec douceur l’herbe tendre..

Ma grand-mère est fleuriste depuis la mort de mon grand-père. Elle cultive des fleurs et en fait des bouquets magnifiques, des gerbes, des couronnes pour les mariages, les enterrements. Elle est toujours dans son jardin avec ses fleurs et ses souvenirs. Elle est née en 1885.

D’autres membres de la famille vivent avec nous. La maison est grande. Ma tante, une personne qui a beaucoup compté pour moi. J’ai vécu ma plus tendre enfance avec elle, une dame charmante, généreuse, tendre. C’est vers elle que je courre me faire consoler quand je fais des bêtises. Je suis constamment en sa compagnie. Elle aime la musique, la poésie.  Elle raconte des histoires avec tant de plaisir que l’on y entre tout de go. Elle chante, elle rit. Elle est gaie comme un pinson, un peu gaffeuse, distraite, rêveuse peut-être. Elle a un cœur si grand que l’on peut y entrer et si perdre. Que de souvenirs vivants.

La vie leur a donné beaucoup de tristesse et de chagrin aussi. Des destinées comme beaucoup, trop vite passées, trop courtes pour certains. Au final, quelques photos jaunies montrent simplement leurs visages sans savoir ce qu’ils ont réellement ressenti, vécu. Les seuls souvenirs qu’il me reste sont ces photos étranges et belles à la fois. Heureusement, ma mémoire se souvient de l’amour que j’ai reçu. Le surplus est un bonheur lointain.

 JGobert

 

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administrateur théâtres

 « Ni toi ni moi ne sommes faits

Pour la guerre »

Un Baby spectacle a  vu le jour hier aux Riches Claires. Baby,  puisqu'il n’avait droit qu’au jour de sa création. Baby, parce qu’on lui souhaite vivement de se retrouver en grand format sur de nombreuses scènes belges ou internationales. Le thème c’est le Temps de guerre lors de cette Première guerre mondiale, un conflit que l’on claironnait être la Der des Der! Et les innombrables Lost Boys! They were so young!

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 Dans ce spectacle dernier-né, beaucoup de fraîcheur vient de la musique et de  la mise en scène de la comédienne. Une musique perdue et retrouvée par les soins de celle qui a fait œuvre d’exploratrice dans les mille et un livres et partitions abrités dans notre Bibliothèque Nationale de Belgique et a retrouvé l’été dernier les partitions originales d’un certain compositeur liégeois, Charles Scharrès (1888-1957). Une entreprise de Marie-Laure Coenjaerts (artiste lyrique belge, mezzo-soprano que l’on a entendue notamment dans le rôle-titre de « L’enfant et les sortilèges » chef d’oeuvre de Ravel sous la direction de Pascal Rophé). Il n’y avait plus qu’à déchiffrer ces partitions jaunies, les mettre au piano avec la complicité de Flavien Casaccio, pianiste concertiste et leur prêter la voix profonde de Marie-Laure. Leur redonner les couleurs et les visages de notre temps en les tressant avec la fibre des mots et des jeux de scène originaux. Aux commandes des textes, on retrouve l’infatigable comédienne, Laurence Briand qui elle, peu friande de bibliothèques, contacte des gens, écrit des mails, reçoit des écrits et s’affaire à un nouveau montage dont elle a le secret, pour sortir l’ensemble de l’oubli. Cent ans ? La Belle au bois a certes bien dormi, mais il s’en est passé des choses depuis 14-18 et le monde n’est plus reconnaissable. Quant au prince charmant qui ramènera l’amour dans le monde, on l’attend encore! … « Cependant que le soldat inconnu a connu l’incandescence trop brève de l’amour » nous souffle la comédienne à genoux sur la scène en égrenant une poignée de sable.  

Ré-envisager cette époque tragique et sortir de l’oubli ses heurs et ses douleurs qui nous ressemblent parfois étrangement a beaucoup de sens. Les pépites exhumées - la musique comme les textes - ont une particularité, elles sont totalement belges et nées quelque part entre 14 et 18. Seul bémol : on remarque une absence criante, celle de l’écriture féminine belge, malgré les recherches intenses de Dame Laurence. A cette époque, mères, filles et épouses avaient bien d’autres chats à fouetter que l’écriture. Et au fond, avaient-elles même une âme ? C’est pourquoi, Laurence Briand en profite pour ajouter des textes d’une romancière contemporaine, Marianne Sluzny (°1954) qui lui donne accès au recueil de ses nouvelles, intitulé « Un bouquet de coquelicots ». Un bouquet impressionnant de « souvenirs » de jeunes gens captés au plus vif de la souffrance.

La musique est bien sûr le baume qui calme et qui réjouit, formant un contrepoint impressionniste dans ce fracas meurtrier. Les chants retrouvés parlent d’amour, de soleils qui hument la rosée…et forment un tableau très contrasté avec la détresse des jeunes gens envoyés se faire tuer au front, souvent à la place des nantis : "La victoire en chantant!" Les échos auxquels vous goûterez sont les accords complexes et les couleurs chromatiques de Ravel et Debussy, à s’y méprendre. Le temps que Laurence Briand, elle-même déguisée en jeune gavroche des tranchées, rende compte de toute l’horreur et de toutes les tragédies humaines de cette terrible époque. Avec poésie et humour et sa savoureuse présence théâtrale, vous vous en doutez!


Vous l’aimerez, ce nouveau Bébé, un trio de clavier bien trempé et de voix féminines chantées et parlées, plein de maturité!


Il n'y aura jamais assez
De caresses, de doux baisers
Sur cette terre
J'aimerais ne partager que
Tendresse, joie, sérénité
Ma vie entière
Ni toi ni moi ne sommes faits
Pour la guerre
Nous sommes faits pour marcher
Résolument vers la lumière
Je n' veux plus entre toi et moi
Une quelconque intifada
Je ne veux plus te parler sabre
Je veux la grande paix sous les arbres

Il n'y aura jamais assez
De caresses, de doux baisers
Sur cette terre
J'aimerais ne partager que
Tendresse, joie, sérénité
Ma vie entière
J' veux respirer l'air du matin
Tout frais, tout neuf, qui fait du bien
J' veux remplir mes poumons d'air pur
J' veux d' l'amour et pas des murs
De janvier jusqu'en décembre
Je ne veux naviguer que tendre
Je n' veux plus la moindre fusée
De longue ou de moyenne portée
Je veux un ciel bleu dégagé
Que le soleil puisse y jouer

Il n'y aura jamais assez
De caresses, de doux baisers
Sur cette terre
J'aimerais ne partager que
Tendresse, joie, sérénité
Ma vie entière
Ni toi ni moi ne sommes faits
Pour la guerre
Nous sommes faits pour marcher
Résolument vers la lumière
Je n' veux plus entre toi et moi
Une quelconque intifada
Je ne veux plus te parler sabre
Je veux la grande paix sous les arbres

Julos Baucarne

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Agréable sérénité

Songerie

Privilège de la retraite
Qui libère et offre des choix!
Dans l'inertie le temps s'arrête.
L'éveil motive maintes fois.

Dépend on ne sait trop de quoi,
L'énergie animant notre être.
La brillance crée de la joie,
Elle l'intensifie peut-être.

Laisser muette la mémoire!
Lentement y meurent les torts.
Chercher ce qu'il est bon de croire,
Remercier tout bas le sort!

Il est des jours du quotidien
Où l'esprit se sent à son aise,
Il ne se soucie plus de rien.
Sur l'âme aucun regret ne pèse.

16 janvier 2016.

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Offrandes subjectives

En hommage aux photographes de la Nature

Les corps célestes existant
En équilibre dans l'espace,
Demeurant chacun à sa place,
Conservent leurs secrets troublants.

L'un d'eux, géode appelée Terre,
Où les humains sont répandus,
A été miné ou fendu.
Son énergie reste un mystère.

Peu nombreux quittent leur demeure,
Des photographes vont ailleurs.
S'ils éprouvent des coups de coeur,
Veulent que la source en demeure.

Leurs fascinantes images,
D'une suprême majesté,
Dans le silence projetées,
Créent l'énergie d'un paysage.

Soumis à son destin, chaque être
Reçoit des bouffées de bonheur,
Se trouvant face à la splendeur
Que le hasard lui fait connaître.

16 janvier 2016

 

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