Edwy PLENEL, fondateur et Président de MEDIAPART, a conclu le Colloque de manière passionnante sur la promesse démocratique induite par internet : « épouser totalement la modernité pour y défendre le meilleur de la tradition ».
Edwy PLENEL, fondateur et Président de MEDIAPART, a conclu le Colloque de manière passionnante sur la promesse démocratique induite par internet : « épouser totalement la modernité pour y défendre le meilleur de la tradition ».
En reprenant le titre et un extrait du charmant petit livre retrouvé d'Elisée Reclus je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager les mots du Géographe -Poète
"Les nues aiment s'amonceler autour des roches qui se dressent en plein ciel ...
Pourchassés par les vents , que de fois en contemplant la cime ou quelques promontoires avancés .j'ai vu les duvets naissants s'amasser autour de la pointe glacée Une fumée s'élève semblable à celle qui monte d'un cratère
Bientôt chaque piton en est enveloppé et le mont finit par s'entourer d'un turban de nuages qu'il a lui même tissé dans l'air transparent "
Photo AA du Garlaban en Provence souvent cité par Marcel Pagnol(Ci - dessus)
Ciel,
chapeau de la terre,
de soleil ou de pluie,
bleu ou gris,
c’est selon …..
chapeau de la terre,
en soie ou en laine,
froide ou chaude,
c’est selon ……
chapeau de la terre,
léger ou lourd,
clair ou sombre,
c’est selon ……
chapeau de la terre,
de tout l’univers,
multicolore et ouvert
l’identique,
le partageable
à l'infini,
le toucher est possible ;
enfin l’atteindre,
l’écrire d’ici.
Poésie.
Flip flop ronde d'eau
Murmures d'un zéphyr
Vol de plumes d'oies
Galets embaumés
Au travers de l'aber verdis
Celtique tragédie
Raz de la nuit d'Ys
Phares endeuillés
Grondements engloutis
Satan maître pervers
Une clé de tragédie
Sonnent les cloches
Raymond Martin
Le metteur en scène Georges Lini, créateur du « Zut » ne pensait pas un jour mettre en scène au Théâtre du Parc. Je le cite : « Est-ce qu’on va continuer à galérer, est-ce qu’on va jeter l’éponge, ou est-ce qu’on frappe un grand coup et on crée le ZUT ? Et justement, pour que de jeunes compagnies puissent avoir un lieu d’ancrage, nous avons créé le ZUT ! »
Voilà que Georges Lini - vous vous souvenez de « Trainspotting » au Poche ? - fait partie du vent nouveau que Thierry Debroux (auteur de la pièce) et le nouveau directeur du théâtre du Parc après Yves Larec, tente d’insuffler à la deuxième décade de l’an 2000 du plus beau théâtre de Bruxelles.
La pièce « Les cabots magnifiques » a été écrite en hommage à Yves Larec, l’élégant et légendaire directeur du théâtre Royal du Parc qui, des bureaux administratifs se retrouve projeté (une ultime fois ?) sur les planches de son propre théâtre. L’émotion doit être grande quand il s’agit de mettre en scène l’art jubilatoire de jouer la comédie, la passion du métier d’artiste et d’oser poser la question de ce que comédiens deviennent quand ils quittent la scène. Mais la scène ne les quitte jamais. Yves Larec comme les autres. Jean-Claude Frison (Le diable rouge) ou Michel De Warzée. Rien de plus magnifique qu’un trio de cabots. Avec Petits Sabots de Noël ou non, les cabots n’en finissent pas de jouer, car « Le monde entier est un théâtre, – Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. – Chacun y joue successivement les différents rôles – D’un drame en sept âges.».
Touché qu’un jeune directeur pour sa première saison, sans doute la plus délicate, prenne le risque de lui confier l’un de ses spectacles Georges Lini nous confie : « Le temps qui passe est un thème qui nous concerne tous. Le côté éphémère de tout, aussi. » La question se pose comme pour François Villon dans la ballade du temps jadis : « Mais où sont les souffleuses d’antan ? »
Georges Lini : « Notre regard sur nous-mêmes aussi évolue. Il est, quand il est honnête, la plupart du temps sans pitié. Et puis il y a les non dits. Et les faux semblants. Où ce que l’on est n’est pas ce que l’on dit. Ce qui fait pour moi qu’une pièce est une bonne pièce parce qu’elle fait place à l’humain tel que nous sommes. »
Georges Lini avoue avoir eu un plaisir énorme à mettre en forme la rencontre de plusieurs grands noms du théâtre. Le ton de la pièce reste léger. La pièce est donc touchante, élégante, surréaliste et nostalgique. Mais combien humaine. Intelligemment construite, pleine d’inattendus, de mises en abîme. Don Juan à jamais passionnera l’acteur masculin (infidèle, séducteur, libertin, blasphémateur, être de l'inconstance et du mouvement) et Elvire se posera à jamais des questions sur l’amour et les amants inhumains et hypocrites. Mais rien de plus désolant aussi, pour un ancien acteur ou une ancienne actrice, que de perdre la parole… ou la mémoire et de ne plus pouvoir réinventer la fête. Ceci n'est pas une souffleuse.
Extrait : Françoise : Cette nuit, j’ai vingt ans. Je suis légère ! Je n’ai pas encore croisé le regard de l’homme qui me fera souffrir. Cette nuit, j’arpente les couloirs du conservatoire et j’attends mon tour. Cette nuit je suis une mouette… Je suis Marianne, je suis Juliette… je suis toutes les jeunes premières… Cette nuit j’ai le trac de ma vie… Dans quelques minutes, un huissier va prononcer mon nom et mon cœur partira au galop… Une porte s’ouvre… quelques professeurs sont assis derrière une table et me regardent ! Je voudrais n’avoir jamais eu cette idée folle de devenir actrice… Fais demi-tour pauvre gourde ou tu es perdue ! Je suis perdue ! (Soudain elle aperçoit la souffleuse) Qui êtes-vous ?
La Lasouffleuse : La souffleuse !
Françoise : La souffleuse ? C’est impossible ! La souffleuse : Pourquoi ?
Françoise : Une souffleuse, ça n’existe qu’au théâtre. Pas dans la vie!…
Pas sûr, selon les cabots magnifiques !
Distribution
- Michel De Warzée
- Jean-Claude Frison
- Marie-Paule Kumps
- Yves Larec
- Françoise Oriane
du 19 avril au 19 mai
En hommage aux poètes du terroir
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Réveiller ma pensée pour vaincre l’apathie,
Pour ne pas me laisser emporter vers l’absence.
Quelques vers savoureux, puisés dans le silence,
Me voilà en éveil et même en appétit.
....
Pour ne pas me laisser emporter vers l’absence,
J’agite des émois qui s’étaient assoupis.
Me voilà en éveil et même en appétit,
Baignant dans la douceur de mes réminiscences.
....
J’agite des émois qui s’étaient assoupis,
Éclos dans l’harmonie et empreints d’innocence.
Baignant dans la douceur de mes réminiscences,
Je vogue vers le ciel où naît la poésie.
....
Éclos dans l’harmonie et empreints d’innocence,
Des îlots parfumés de pure fantaisie,
Je vogue vers le ciel où naît la poésie,
Là, je capte les chants des poètes de France.
....
.26 mai 2006
RÊVE D'EVASION...
Elle est partie de grand matin...
La veille elle avait fait le plein de reproches...et ensuite d'essence!
Pieds au plancher, la route devant...
Puis l'autoroute vers la mer, vers l'insouciance, seule...
Elle chantonne, vitres baissées, C.D. à fond! Elle rêvasse...
-Je m'arrête quand je veux...un petit gueuleton, un petit hôtel avec piscine pour un plongeon!
-Pas de téléphone, batterie à plat! c'est magnifique, de vraies vacances!
Un coup d'oeil vers le sac de voyage et le rire fuse...
-Pas vraiment pris grand-chose!...
Se faire plaisir en route! Faire chauffer la carte de crédit! Youppie!!!
-Mais c'est quoi ça?
Un bouchon devant? Alors bien sûr, elle ralentit...
.Ah! Oui, il faut rentrer pour le dîner... il est déjà presque midi!
Et...
Ce n'est rien, qu'un bouchon de la vie...
Qu'un rêve d'évasion qui s'est enfui!...
J.G.
Il nous avait démontré qu’il était possible de marcher sur l’eau.
Cela ne l’avait pas empêché de porter sa croix.
Mes rêves me portent au-delà d’une triste réalité… mais la croix me semble de plus en plus lourde à porter. Surtout lorsqu’on n’a de cesse de vouloir à tout prix marcher sur l’eau… Et je plonge.
Je flotte parce que j’ai appris à nager. Mais même le meilleur nageur, arrive à se noyer s’il n’a pas une bouée pour s’y accrocher.
J’ai voulu le meilleur… Et je l’ai. Mais j’avais oublié combien il m’était difficile de faire confiance… Alors, ma bulle, presque vide, ressemble à un grand lac immense et calme… Et je me surprends à vouloir marcher sur l’eau… Mais je suis ma seule spectatrice, seule face à moi-même… Et j’en perds mes moyens. La peur me reprend. Combien de fois, en une journée, je ne plonge pas ? Et je m’accroche à des bouées… Des placebos de l’existence…
J’ai énormément de contacts sur internet… Je les ai toujours amusés par mes écrits… Ils en redemandent à chaque fois… Et ça me fait plaisir… Cela flatte aussi mon ego… Et aussi l’impression de leur démontrer qu’il est possible de marcher sur l’eau ; que le seul miracle est la vie et ce qu’on en fait…
Ces derniers mois, j’ai un peu moins rêvé… Je n’ai écrit qu’aux gens qui m’avaient témoigné de l’intérêt… Mes bouées qui m’avaient aidé à me remettre à flot. Les autres ne se sont pas inquiétés… Ils en avaient le droit. Je n’ai pas la prétention d’imaginer que j’ai une quelconque importance pour qui que ce soit. Mais j’éprouve le besoin qu’on me le dise parfois…
Dès lors, pourquoi m’encombrer de boulets qui m’empêcheraient de réaliser mon rêve de marcher sur l’eau ? J’ai donc profité d’un futur changement d’adresse email pour envoyer un billet d’humeur à tous mes contacts… Du genre « si vous avez un chouia d’intérêt pour ma petite personne, faites-le moi savoir et je songerai à vous envoyer mes nouvelles coordonnées »
Eh bien, contre toute attente, ma connexion a chauffé : des « ouiiiii, je veux rester en contact », des excuses, deux déclarations d’amour et une invitation à un mariage… Eh bien, j’ignorais que j’étais aussi appréciée… Mais ils ont une drôle de manière de le montrer, non ?
Miracle ou nouveau leurre ? Et si, au lieu de vouloir marcher sur l’eau, les flots s’écartaient sur mon passage ? A force de trop vouloir en faire, on finit par ne plus apprécier ces petits plaisirs… Je ne me berce pas d’illusions mais je vais accepter ces témoignages de sympathie et je leur enverrai mes nouvelles coordonnées.
Merci pour ton commentaire sur le travail de (mes vagues) mon tableau; j'apprécie beaucoup.
Issu de la terre
ton pas
soutient le monde
La lune sur la plaine étendait ses longs voiles
A chaque onde qu'imprime une ornière au chemin
Se coulait l'ombre douce Un très léger venin
S'accroupissait dans les buissons et dans leurs moëlles
Faisait couler de lents poisons sans lendemains
En longs sourcils branlaient les aqueducs romains
Claire traînée de nacre au milieu des étoiles
Les rives s'affaissaient en lents coteaux très pâles
Un fleuve bien trop calme agonisait obscur
Une source apaisait ses lévriers d'azur
De grands saules pleuraient La nuit était fatale
Les branches des grands arbres écoutaient le ciel pur
En son silence épais En brefs claquements durs
Craquaient les griffes des profondeurs végétales
L'été venait mourir au seuil noir de l'automne
De hauts châteaux rêvaient sur leurs pics rocailleux
En stalagmites froids les donjons bisaïeux
Laissaient couler l'or blanc de leurs tuiles atones
Les feuilles lentement allaient au fil des cieux
Moi noyé dans l'or blanc je plongeais mes deux yeux
Dans tes deux yeux de braise où le ciel s'abandonne
Qu'il faisait bon rêver tous les deux sur la mousse
Ma chair contre ta chair bercés par l'infini
Sous la voûte des branches enduites d'un vernis
De fils de lune blanche Ah! ta douce frimousse
L'été pouvait mourir tes yeux avaient uni
Cette nuit pour moi seul la chaleur des midis
L'or des épis et la fraîcheur des jeunes pousses
T'en souvient-il ô toi de ces étreintes lentes
Qui alors écrasaient nos corps blonds tout en feu
Sur un brasier d'amour? T'en souvient-il ce voeu
Que tu balbutias aux étoiles filantes
C'était ce temps où deux rimait avec heureux
Et comme pour bénir nos baisers d'amoureux
Vint se poser sur nous une feuille tremblante
L'aqueduc écroulé dans la vallée verte
Me parle encor de toi et quand siffle le vent
Je pense à l'or soyeux de tes cheveux mouvants
Hélas tu n'es plus là et les pentes désertes
Ont beau dire ton nom aux oiseaux du levant
Jamais je n'entendrai ta voix dorénavant
Tant que je chercherai encor ta découverte
(inédit)
es pétales, d'un blanc rosé, Des merveilleuses fleurs brisées, En gros éclats gisent à terre, Témoins d'une gloire éphémère. Sur le gazon vert, que la pluie A rafraîchi pendant la nuit, Larges morceaux de porcelaine Et sur l'arbre, des fleurs en peine. Hier, il était magnifique, Lumineux, quasiment magique, Un ravissement pour les yeux. Il me semblait si vigoureux! Le voilà en métamorphose, Lors, la nature qui dispose, Le vêtira dans peu de temps D'un nouvel habit attrayant. Mais ce matin, il est en pleurs, Dépouillé de nombreuses fleurs. J'en recueille tous les débris Et rêveuse, je m'attendris. 5 mai 2006 |
ussi imprévue qu'un oiseau, Ma pensée furète et s'envole. Elle plane ou bien caracole, Quand je suis en parfait repos. ... Ma pensée furète et s'envole, Sans s'attarder plus qu'il ne faut, Quand je suis en parfait repos. Elle est tendre, claire, frivole. ... Sans s'attarder plus qu'il ne faut, Elle me présente des rôles, Elle est tendre, claire frivole. Des images flottent sur l'eau. ... Elle me présente des rôles, Que j'ai tant aimés ou pas trop. Des images flottent sur l'eau, J'entends des sons et des paroles. ... 11 janvier 2006 |
Avez- vous regardé hier à la télé
une rue bombardée, des êtres éplorés?
On a nommé la ville où nous avons vécu
et précisé l’endroit
était-ce dans ma rue?
...
Et voilà que soudain il est question de nous.
Il était une fois la Méditerranée,
des plages et des bois
des chanteurs d’opéra
des cafés animés aux terrasses bondées
des miséreux aussi qui ne se plaignaient pas.
...
Il était une fois, dans le vent et le froid,
et quelques mois plus tard
sous un soleil ardent
une fille amoureuse qui montait dans un tram
en pensant à l’ami qu’elle allait retrouver,
qui l'accompagnerait le soir jusqu’à sa porte.
...
Il était une fois dans cette ville blanche,
qui nous semblait bénie,
un ciel où scintillaient d’innombrables étoiles
et nous deux, qui émus, nos doigts entrecroisés,
savourions le présent sans oser nous parler.
...
1\9\98
Grâce au souffle de l’espérance,
L’âme soudain ragaillardie,
Sans sortir d’une maladie,
Je me sens en convalescence.
...
L’âme soudain ragaillardie,
Délivrée de l’indifférence,
Je me sens en convalescence,
Joyeuse et un peu étourdie.
...
Délivrée de l’indifférence,
J’émerge enfin de l’apathie,
Joyeuse et un peu étourdie.
L’énergie s’est faite brillance.
...
J’émerge enfin de l’apathie.
Lui échapper semble une chance.
L’énergie s’est faite brillance,
J’ai foi en la télépathie.
...
31 janvier 2011
C"est un recueil de chroniques de Jacques Chessex (Suisse, 1934- 2009), publié à Lausanne aux Cahiers de la Renaissance vaudoise en 1969.
C'est sur la suggestion de l'éditeur Bertil Galland, qui republiera le texte en 1972, que Jacques Chessex, pour répondre au Portrait des Valaisans de Maurice Chappaz paru en 1965, écrit les trente-deux chroniques de Portrait des Vaudois. Déjà rééditée huit fois, traduite en allemand, c'est l'oeuvre la plus populaire de Chessex, notamment parmi les Vaudois. Après le scandale déclenché par la Confession du pasteur Burg en 1967, il semble que ses compatriotes retrouvent ici le Chessex qu'ils aiment. Entre l'écrivain et son pays, la «réconciliation» sera pourtant de courte durée puisque ses écrits suivants (Carabas, l'Ogre ou Judas le transparent) choqueront davantage encore.
«Le printemps du fond de la terre». Le jour de Pâques, toute la nature est en travail. Le pasteur Amédée attend ses ouailles dans l'air tiède. Les cantiques montent par tout le pays et le pasteur appelle la bénédiction de Dieu sur son village. Après l'église, c'est Paschoud qui boit son demi de Féchy avec «le poète» qui veut chanter son pays.
«Gros-de-Vaud». Ce nom «fait voir d'abord le veau gras et fort broutant une prairie verte». Les paysans y sont silencieux, boivent du vin, le sang de leur terre, y mangent du cochon. Le dimanche, les vieux s'installent au café tandis que les jeunes sautent sur leurs motos pour aller au cinéma à Yverdon.
«Les Italiens». Il y a toujours un Italien dans une histoire suisse. Ouvrier saisonnier, il obéit. Il est seul et travaille dur avant de retourner chez lui. Le dimanche, les Italiens vont par groupe, bruyants, bavards.
«Qui veut chasser le Dari?» L'humour vaudois est une distance de plus: ni tragique ni sauvage, il a les nuances de la mesure. Tous les Vaudois ont en commun la moquerie à l'égard des beaux parleurs, la méfiance de l'aventure et de l'«étrange». Ils craignent les excès. Le Dari égorge les poulets et pousse des cris affreux; c'est un sorcier... Quand un hôte joue au plus fin, on l'envoie chasser le Dari. On ne peut confondre le Vaudois avec le Valaisan ou le Genevois: du premier, il n'a ni la rusticité ni le type, ni l'hérédité religieuse; du second, il n'a pas l'usage de la ville. Il admire le «cogneur» valaisan qui lui fait un peu peur. A l'encontre du Genevois, il a plutôt du mépris et une espèce de colère. Entre les deux, le Vaudois est poli, de polissage plus que de politesse: frotté, érodé, nettoyé de toute aspérité.
A la fois chant épique, recueil de tournures idiomatiques, carnet du quotidien vaudois, l'ouvrage est avant tout une histoire entre un homme et ses racines, qui «s'inscrit dans la tradition des chants populaires de ce pays», dit Chessex. «Jean-Jacques Rousseau a écrit une chanson qui est encore chantée chez nous dans les petites classes, "Allons danser sous les ormeaux" [...]. Ramuz et Stravinski ont écrit l'Histoire du soldat, une des plus jolies oeuvres qu'on a écrites pour la scène populaire.» Chessex s'est donc glissé dans cette lignée et a prêté son oreille aux parlers, aux façons de sentir, de dire d'un peuple. Et l'auteur de préciser: «Nous ne sommes pas Suisses au sens ethnique... Nous ne sommes Suisses que depuis 1803. L'ethnie vaudoise existe depuis toujours, depuis les Gaulois, les Burgondes, les Savoyards.» L'âme bucolique qui s'exprime dans les premiers textes chante une nature où les «pléiades glaciales» et l'«immense ciel paysan qui coule sur vous» sont baignés de la lumière orangée de l'aube. Le pays vaudois saisi en ses aspects campagnards et montagnards est dépeint en de très belles pages, où il apparaît comme une sorte de centre originel.
Au fil de ces chroniques parle la tendresse de Chessex pour ces terres, ces gens, ces rituels, ces moeurs qui sont les siens, qu'il observe depuis si longtemps. Son engagement affectif pour son canton est évident; un engagement d'autant plus fort qu'à la patrie s'associe la figure du père suicidé, évoqué dans le dernier chapitre, «Voir sa mort». «Mon père est devenu ce pays», écrit-il, aussi sa quête prend-t-elle l'aspect d'une seconde naissance. Pleines d'humour sarcastique ou satirique, ces chroniques proposent, au fil d'histoires imaginées ou vécues, une fresque du caractère populaire vaudois. Les chansons enfantines, l'abattage du porc au village, la laideur des hôtels de Montreux, les sectes religieuses, le travailleur italien, sont autant de composants de cette mosaïque, dont les mots sonnent juste et permettent d'appréhender le caractère à la fois latin et nordique, la sensibilité primitive et la réflexion protestante du peuple vaudois. Le ton de Chessex, où alternent la colère, la caricature, la complicité ou la tendresse, est le reflet de cette ambiguïté. Si certains de ces portraits n'échappent pas au ressentiment que l'auteur nourrit à l'égard de l'austérité calviniste, d'autres mettent en lumière un sens de la fête où tous sont conviés: «Il n'y a pas de folklore vaudois, dit Chessex, mais des coutumes douces comme des habitudes de tribus.»
Orchestre National de Belgique
Sensualité et pudeur Vendredi 20.04.2012 20:00 Palais des Beaux-Arts / Salle Henry Le Bœuf
Andrey Boreyko direction - Anna Vinnitskaya piano – Orchestre National de Belgique , Chor der Städtischen Musikverein Düsseldorf
Nikolay Rimsky-Korsakov, La grande Pâque russe, Ouverture, op. 36
Maurice Ravel, Concerto pour piano et orchestre en sol majeur
César Franck, Psyché, poème symphonique
Réputé tant pour sa baguette expressive et raffinée que pour ses choix de programme palpitants, Andrey Boreyko, 53 ans, sera à partir de septembre 2012 le nouveau directeur musical de l'ONB. Cette fois, il place une œuvre de César Franck aux côtés d'un Rimski-Korsakov éclatant d'imagination, et du Concerto pour piano en sol majeur de Ravel, tour à tour exubérant et soudainement sensuel. Qui d'autre que la ravissante Anna Vinnitskaya pour susciter des émotions si disparates ?
Au centre du programme, une étoile filante, car porte-bonheur musical : Anna Vinnitskaya (°1983 Novorossisk , Russie). Cette jeune femme a remporté le premier prix au Concours Reine Elisabeth de piano en 2007 et elle interprète cette fois-ci le Concerto pour piano en sol majeur de Ravel (1929-1931). Cette œuvre de Ravel mêle fantaisie, turbulence des extrêmes et fines lignes harmoniques. Le concerto très versatile, partant, plein d’humour, comporte une foultitude d’ambiances où l’on décèle l’influence du séjour du compositeur en Amérique. Un claquement de fouet a donné le signal du départ du premier mouvement, l’Allegramente qui invite la pianiste à engager une course frétillante avec le piccolo. Exécutant avec maîtrise des changements incessants de tempos, batifolant avec les arpèges, Anna Vinnitskaya nous offre un ballet de parfums légers comme des plumes. L’abondante chevelure bouclée retenue par une barrette, elle chevauche son clavier comme une amazone, étincelante d’énergie et d’espièglerie mais aussi, émouvante de douceur. La pianiste au visage extatique adressé au ciel, laisse courir ses doigts sur le clavier dans l’extraordinaire Adagio Assai comme mille chevaux s’éparpillant dans la liberté de la steppe. Et à la fin de ce prodigieux adagio, elle produira une sorte de ruissellement lumineux d’une rare élévation. Le dernier mot revient au chef d’orchestre, Andrey Boreyko dont le frémissement imperceptible de la main gauche suspendue au-dessus de l’orchestre marque la dernière note avant le silence. La prestation sera saluée avec chaleur par le public ravi d’une salle Henry le Bœuf presque comble.
Sans se faire prier, la délicieuse pianiste se rassoit et c'est Ravel encore pour "l'encore!"
Retour sur ce non moins séduisant chef d’orchestre, Andrey Boreyko. Dès son entrée en scène, ses gestes enveloppent, diffusent la vénération de la musique et de l’harmonie. Nous sommes devant la Délicatesse personnifiée. Dans la Grande Pâque russe (1887-1888), poème symphonique de Rimski-Korsakov, Andrey Boreyko se fait maître radieux de la féerie printanière. Il donne relief et transparence, puisque les arbres ne portent encore que de légers feuillages tendres. Ses dons d’enluminure détaillent chaque timbre avec minutie, révèlent les couleurs, exhortent les rythmes. Les dialogues légers des violons et violoncelles laissent la place à un puissant souffle général en crescendo qui se fond dans l’or des cuivres. Chant orthodoxe? La voix profonde d’un cor soulignée par les violoncelles s’élève avant le martèlement rythmé de pieds païens. Après un bref solo de violon, c’est l’élan vital tous azimuts : batterie imposante, le triangle, la cloche, le xylophone et les cymbales.
En dernière partie du programme Psyché (1887-1888) de César Franck achève l’enchantement de la lumière du printemps. Cela commence par un long murmure avant que les vents ne s’emparent de la musique. Les violons festonnent les cuivres donnent le crescendo, et ce sont des vagues paresseuses qui éclaboussent la scène musicale. Construction progressive de l’évocation de Psyché transportée par les zéphyrs auprès d’Eros son amant, mais avec l’interdiction de voir son visage. Le magnifique chœur de Düsseldorf entonne avec ferveur la certitude que « l’amour est source de toute vie quand sur elle descend l’ineffable caresse du grand ciel inondé de rayons ». La lumière est visiblement le thème du concert. L’orchestre reprend avec force la phrase d’avertissement « Rappelle-toi ! » Le ton joueur des violons, les vents insouciants, précèdent les vagues profondes du désir jusqu’à la transgression fatale. « Amour, Elle a connu ton nom, malheur sur elle ! » Mais Franck, profondément chrétien, ne pouvait se contenter du châtiment. Une complainte majestueuse des violons prie Eros de « lui rendre l’accès aux bleus jardins et aux parvis sacrés ». Les arpèges sublimes de la harpe accompagnent le dernier arc-en-ciel musical qui élève le couple divin dans la lumière. Le miracle de l’amour est enfin accompli. Le pardon, sans nul doute.
"Clochemerle" est un roman de Gabriel Chevallier (1895-1969), publié à Paris aux Éditions Rieder en 1934.
Après Durand, voyageur de commerce (1929), la Peur (1930), Clarisse Vernon (1933), ce roman, vendu à plusieurs millions d'exemplaires et traduit en vingt-six langues, apporta à son auteur notoriété et fortune.
Lorsque, en octobre 1922, Piéchut, le maire de Clochemerle-en-Beaujolais, confie à Tafardel, l'instituteur, son projet de faire construire un urinoir public place de l'Église, il ne mesure pas l'ampleur de la tempête qu'il va déchaîner. Le succès de l'édicule, inauguré le 7 avril 1923, déclenche les passions. Justine Puchet, vieille fille indignée de voir exhibées sous ses fenêtres tant de «choses» dont elle s'était jusqu'alors préservée, entre en croisade, aidée de pieuses femmes. Les passions exacerbées des «pour» et des «contre» éclatent le 16 août, lors de la grand-messe de Saint-Roch, en une bagarre générale dans l'église même. La presse et l'opinion publique s'émeuvent, et, alors qu'un certain nombre de scandales privés excitent les commérages à Clochemerle, l'affaire est portée à la connaissance de l'archevêque de Lyon par la baronne de Courtebiche, et transmise au ministre de l'Intérieur. Paris envoie la troupe au village. Nouveau scandale: les villageois se battent avec les soldats pour venger l'honneur d'Arthur Torbayon, cocufié par sa femme Adèle et le capitaine Tardivaux qui loge chez eux. En septembre, un orage, occasionnant de nombreux dégâts dans le village et détruisant les vignes, apparaît aux Clochemerlins comme une punition du Ciel: la paix revient. Elle devient définitive quand Clochemerle se purge de son mauvais démon: Justine Puchet, le dimanche 16 octobre, devenue folle, se rend «toute à poil», «avec juste un chapelet sur le ventre et un petit chapeau planté haut sur le crâne», à l'église, monte en chaire et commence «un sacré sermon de toquée». Elle est transportée et enfermée à l'asile de Bourg. Le chapitre 20 forme épilogue sur les principaux personnages et se clôt par une conversation, dix ans après ces événements, entre Piéchut, devenu sénateur et Tafardel, demeuré instituteur et attendant une légion d'honneur...
Même si le narrateur prétend à plusieurs reprises faire oeuvre d'historien (plan de la ville, généalogies, datation précise, etc.), la supercherie ne trompe personne. Cette chronique imaginaire se place résolument sous le signe de la satire sociale.
Il serait exagéré de parler d'intrigue. Les péripéties engendrées par la construction de l'urinoir servent surtout de fil fédérateur à une succession chronologique d'incidents divers et de scandales privés, chacun donnant l'occasion de compléter la corrosive galerie de portraits des Clochemerlins, généralement maltraités en raison inverse de leur situation sociale. La baronne de Courtebiche, hautaine, et son gendre Oscar de Saint-Choul, imbécile phraseur, veulent ignorer la Révolution française; l'ignare ancien ministre Bourdilhat et l'arriviste député Focart («une sacrée fripouille!») font piètre figure; le représentant de la bourgeoisie, l'avare notaire Girodot, a des «charités secrètes» pour des prostituées de Lyon, avec lesquelles le pharmacien Poilphard «étrange, maigre, incolore et consterné» assouvit des fantasmes nécrophiles; les trois curés ont forniqué avec leurs servantes (chap. 3), etc. Les relations entre personnages sont tout aussi caricaturales: le docteur Mouraille «robuste, rouge, gueulard, libre penseur, et brute», le pédant instituteur Tafardel, à l'haleine redoutable, haïssent le curé Ponosse, représentant «le fanatisme et l'ignorance»; Rose, enfant de Marie, se fait engrosser non par vice mais par niaiserie; la fille du notaire Girodot s'enfuit avec le poète Denis Pommier, etc. Les maris sont balourds; les épouses, des garces qui les manoeuvrent. D'un côté, les pieuses commères venimeuses, étiques et rebelles au sexe; de l'autre, leurs cibles, celles peu farouches qui font fructifier leur capital de rotondités...
De fait, à travers tous ces stéréotypes, les véritables cibles du roman ont pour nom Bêtise, Mesquinerie, Pruderie, Hypocrisie... Les hiérarchies ecclésiastique, militaire, politique à tous les niveaux sont clouées au pilori par l'acuité voltairienne d'un regard décapant. Il y a du Candide jusque dans l'onomastique souvent signifiante (Ponosse = Pangloss?); du Flaubert dans les portraits et dans les discours affligeants prononcés lors de l'inauguration de l'urinoir (chap. 5) ou par Oscar de Saint-Choul sur l'éducation (chap. 12), qui rappellent les comices agricoles de Madame Bovary ou de Bouvard et Pécuchet. La verdeur du langage (joutes verbales, insultes, ragots intimes, conversations sur les génitoires enflées du suisse Nicolas, etc.), et la verve de certaines scènes font irrésistiblement penser à Rabelais: la mêlée de l'église (chap. 10) évoque le combat du frère Jean des Entommeures dans Gargantua. Clochemerle, malgré certains aspects IIIe République d'un comique quelque peu suranné, par son rythme et son ironie souvent paradoxalement chaleureuse, par son amour du vin (le 15 août: concours du Premier Biberon), des femmes rebondies et libérées, demeure un puissant hymne à la vie.
Métamorphose d’une chenille,
apparition d’une robe chatoyante,
la première et l’unique,
l’éphémère.
Naissance d’un papillon,
la mélodie des lys ça et là,
l’accompagne, la célèbre,
aérienne et diaphane.
Puis sans bruit,
Le monde franchi en quelques jours,
une palette de couleurs,
l’éternité pour lui,
le frôlement de sa robe
contre nos lèvres nues ;
Euphorie est son vol,
Amertume de l’orange,
hier pourtant si douce,
est sa chute.
Voilà la vie d’un papillon !
Une abeille je voudrais être,
pour butiner le monde,
vous donner tout l’or blond,
dont l’enfance est féconde !
Globetrotteuse, régaleuse je serais.
Une abeille je voudrais être,
pour m’endormir un peu,
contre le cœur soyeux d’une fleur tranquille,
berçante et claire,
enclose en elle je serais.
Savez-vous que la fleur et l’abeille
dorment ensemble,
depuis la nuit des temps ?
Une abeille je voudrais être,
pour sortir de la fleur,
dès l’aube inanimée et bleue,
puis m’envoler joyeuse,
vers les mirabelliers et les
vignes liquoreuses.
Une abeille je voudrais être,
pour fredonner à tue-tête,
le chant de notre Reine,
puis faire l’équilibriste sur le
rebord d’un bocal de gelée
de roses et d’angélique.
Une abeille je voudrais être,
pour vous piquer le cœur, l’âme,
enfin vous tout entier,
avec douceur et habileté ;
ainsi, m’aimerez-vous enfin ?