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Clochemerle

12272801499?profile=original"Clochemerle" est un roman de Gabriel Chevallier (1895-1969), publié à Paris aux Éditions Rieder en 1934.

 

Après Durand, voyageur de commerce (1929), la Peur (1930), Clarisse Vernon (1933), ce roman, vendu à plusieurs millions d'exemplaires et traduit en vingt-six langues, apporta à son auteur notoriété et fortune.

 

Lorsque, en octobre 1922, Piéchut, le maire de Clochemerle-en-Beaujolais, confie à Tafardel, l'instituteur, son projet de faire construire un urinoir public place de l'Église, il ne mesure pas l'ampleur de la tempête qu'il va déchaîner. Le succès de l'édicule, inauguré le 7 avril 1923, déclenche les passions. Justine Puchet, vieille fille indignée de voir exhibées sous ses fenêtres tant de «choses» dont elle s'était jusqu'alors préservée, entre en croisade, aidée de pieuses femmes. Les passions exacerbées des «pour» et des «contre» éclatent le 16 août, lors de la grand-messe de Saint-Roch, en une bagarre générale dans l'église même. La presse et l'opinion publique s'émeuvent, et, alors qu'un certain nombre de scandales privés excitent les commérages à Clochemerle, l'affaire est portée à la connaissance de l'archevêque de Lyon par la baronne de Courtebiche, et transmise au ministre de l'Intérieur. Paris envoie la troupe au village. Nouveau scandale: les villageois se battent avec les soldats pour venger l'honneur d'Arthur Torbayon, cocufié par sa femme Adèle et le capitaine Tardivaux qui loge chez eux. En septembre, un orage, occasionnant de nombreux dégâts dans le village et détruisant les vignes, apparaît aux Clochemerlins comme une punition du Ciel: la paix revient. Elle devient définitive quand Clochemerle se purge de son mauvais démon: Justine Puchet, le dimanche 16 octobre, devenue folle, se rend «toute à poil», «avec juste un chapelet sur le ventre et un petit chapeau planté haut sur le crâne», à l'église, monte en chaire et commence «un sacré sermon de toquée». Elle est transportée et enfermée à l'asile de Bourg. Le chapitre 20 forme épilogue sur les principaux personnages et se clôt par une conversation, dix ans après ces événements, entre Piéchut, devenu sénateur et Tafardel, demeuré instituteur et attendant une légion d'honneur...

 

Même si le narrateur prétend à plusieurs reprises faire oeuvre d'historien (plan de la ville, généalogies, datation précise, etc.), la supercherie ne trompe personne. Cette chronique imaginaire se place résolument sous le signe de la satire sociale.

Il serait exagéré de parler d'intrigue. Les péripéties engendrées par la construction de l'urinoir servent surtout de fil fédérateur à une succession chronologique d'incidents divers et de scandales privés, chacun donnant l'occasion de compléter la corrosive galerie de portraits des Clochemerlins, généralement maltraités en raison inverse de leur situation sociale. La baronne de Courtebiche, hautaine, et son gendre Oscar de Saint-Choul, imbécile phraseur, veulent ignorer la Révolution française; l'ignare ancien ministre Bourdilhat et l'arriviste député Focart («une sacrée fripouille!») font piètre figure; le représentant de la bourgeoisie, l'avare notaire Girodot, a des «charités secrètes» pour des prostituées de Lyon, avec lesquelles le pharmacien Poilphard «étrange, maigre, incolore et consterné» assouvit des fantasmes nécrophiles; les trois curés ont forniqué avec leurs servantes (chap. 3), etc. Les relations entre personnages sont tout aussi caricaturales: le docteur Mouraille «robuste, rouge, gueulard, libre penseur, et brute», le pédant instituteur Tafardel, à l'haleine redoutable, haïssent le curé Ponosse, représentant «le fanatisme et l'ignorance»; Rose, enfant de Marie, se fait engrosser non par vice mais par niaiserie; la fille du notaire Girodot s'enfuit avec le poète Denis Pommier, etc. Les maris sont balourds; les épouses, des garces qui les manoeuvrent. D'un côté, les pieuses commères venimeuses, étiques et rebelles au sexe; de l'autre, leurs cibles, celles peu farouches qui font fructifier leur capital de rotondités...

 

De fait, à travers tous ces stéréotypes, les véritables cibles du roman ont pour nom Bêtise, Mesquinerie, Pruderie, Hypocrisie... Les hiérarchies ecclésiastique, militaire, politique à tous les niveaux sont clouées au pilori par l'acuité voltairienne d'un regard décapant. Il y a du Candide jusque dans l'onomastique souvent signifiante (Ponosse = Pangloss?); du Flaubert dans les portraits et dans les discours affligeants prononcés lors de l'inauguration de l'urinoir (chap. 5) ou par Oscar de Saint-Choul sur l'éducation (chap. 12), qui rappellent les comices agricoles de Madame Bovary ou de Bouvard et Pécuchet. La verdeur du langage (joutes verbales, insultes, ragots intimes, conversations sur les génitoires enflées du suisse Nicolas, etc.), et la verve de certaines scènes font irrésistiblement penser à Rabelais: la mêlée de l'église (chap. 10) évoque le combat du frère Jean des Entommeures dans Gargantua. Clochemerle, malgré certains aspects IIIe République d'un comique quelque peu suranné, par son rythme et son ironie souvent paradoxalement chaleureuse, par son amour du vin (le 15 août: concours du Premier Biberon), des femmes rebondies et libérées, demeure un puissant hymne à la vie.

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