Autrefois, parcourant les campagnes de France, Humant l'air parfumé, les trouvères chantaient. Ils avaient le talent et l'art de raconter, La douceur que confère à des élus, la chance.
La nature n'a rien perdu de ses attraits, Ne cesse d'étonner tout en restant pareille. L'âme restée sensible s'attendrit, s'émerveille, Alors que, fulgurant, s'impose le progrès.
La vie sur la planète a pris un autre aspect. Il y a du génie et de l'obscurantisme, De la sauvagerie défiant l'humanisme, Les fous se manifestent, abondent les suspects.
Dépaysés, les vieux ne savent que penser, Ne comprennent que peu ou prou à cette époque. Les artistes nouveaux s'insurgent et provoquent. Leurs discours quelques fois paraissent insensés.
Les êtres esseulés, qui s'expriment en vers, Ceux qui vont par les rues encombrées et bruyantes, Ont d'étranges émois, des pensées éprouvantes, Tentent de transcender le mal vil et pervers.
Sur les ondes, partout, la poésie ruisselle. Littéraire plaisir ou besoin du moment. Or n'arrivera pas un tendre avènement Point de prince à nommer en cette ère nouvelle.
Un silence verdoyant enveloppe l’immense lac, paisible, délivré de son manteau glacé et cotonneux, qui laisse place à l’espérance lumineuse d’un été prometteur en bienfaits colorés.
On peut soupçonner un léger bruissement dans les branchages des épinettes ragaillardies par le soleil, au mitan de sa course généreuse.
Un cri sec, furtif, se fond dans l’espace serein, où l’onde tranquille ressent un frémissement dans son reflet de la vie. Castor surpris par une chose plate et rougeâtre flottant à la surface du lac avec dedans comme un sémaphore envoyant des signaux, prévient sa tribu de l’intrusion dans leur domaine, de cet objet flottant.
Clip, clap ! Clip fait la pagaie de gauche, clap fait la pagaie de droite, animées par les bras du sémaphore, délivrant un message secret.
Etonnée, la tribu surveille ce frêle esquif ondoyant vers l’immensité du lac, bien aise enfin, de ne plus être dérangée dans sa sieste.
L’onde généreuse ne prend pas ombrage de cette coque de noix profitant de sa quiétude
Pour flotter vers un monde inconnu, à priori tranquille.
La navigatrice sans soucis, solitaire, goûte à souhait au charme indicible de cette symphonie Pastorale, que n’aurait pas reniée Beethoven.
Belles heures silencieuses passées à voguer en ce monde enchanteur, végétal, minéral, fluide des gracieuses et paisibles, antiques, Laurentides.
La première des « Pêcheurs de Perles » a eu lieu en 1863, Bizet avait alors tout juste 24 ans. L'opéra est ramené à Paris en 1889 pour l'Exposition Universelle, l’exotisme oriental est à la mode. L'histoire se déroule à Ceylan avant l’occupation anglaise. Une communauté de pêcheurs-plongeurs en apnée affronte durement la nature, les tempêtes et les cyclones pour vivre de la pêche de l’huître perlière. Chaque année une nouvelle prêtresse vierge est invitée au village pour prier Brahma et repousser par ses chants les esprits maléfiques. Elle prête le triple serment de rester voilée, vierge et sans tache, de prier jour et nuit et de n’avoir ni ami ni amant. La mort la menace si elle en vient à transgresser le serment. Les deux indéfectibles amis, Nadir et Zurga évoquent leurs souvenirs de voyage où ils sont tombés amoureux jadis de la même femme mais ils se sont juré mutuellement une fidélité éternelle qui ne saurait être entravée par des liens amoureux. Bien sûr, l'amour entre Leila, la jeune prêtresse vierge, et l’élégant chasseur de fauves Nadir renaît lorsqu’il entend sa voix et sera jalousé par son ami Zurga, devenu chef de la communauté. La palette de la couleur des sentiments du triangle amour , amitié et jalousie vaut bien celle des perles : du noir le plus sombre, quand le cœur crie vengeance pour la trahison, aux rutilantes couleurs de verts et violets pour la souffrance et les doutes qui s’insinuent, aux éclats nacrés de l’amour pur, du sacrifice librement consenti, et finalement du pardon, de la clémence et de l’oubli de soi.
Ces couleurs nacrées, délicates, voire étincelantes dans l’évocation du coup de foudre des amoureux sous la lumière des tropiques, ou celles de l’épouvante, sont rendues avec intensité par l’orchestre dirigé par Paolo Arrivabeni qui fait vibrer la texture orchestrale. Les mélodies lancinantes et mystérieuses sont pleines de raffinement et de recherche. L'atmosphère languissante du premier acte est particulièrement envoûtante. La présence des courbes mélodiques du chœur souvent en coulisses, entretient l’atmosphère poétique et finit par ensorceler. Sortilège malais ?
Le metteur en scène japonais Yoshi Oïda a relevé le défi de recréer l’exotisme imaginaire d’un Bizet qui n’a jamais quitté la France. C’est beau, dépouillé et intemporel. Cela donne l’impression de se passer sur une île lointaine du Japon, cela semble frôler les côtes indiennes ou du Sud-Est asiatique, toucher peut-être l’Afrique et refluer jusqu’aux confins de la Polynésie, sans que le rêve ne s’arrête. Quelques barques en forme de feuilles de palmier, creusées dans le bois sauvage, quelques nasses, des perches de bambous, l’esquisse d’un ponton qui se transforme en temple ou en couche sommaire, dans un univers de bleus et de couleurs Chagalliennes, du sol au plafond et dans les miroirs. Les jeux de lumières sont fascinants. L’esquisse d’un horizon flottant est-il le bord d’une falaise? Ou la ligne entre ciel et mer ? Les travailleurs de la mer habillés de couleurs océanes disparaissent au fond du plateau dans un jeu de bras et de jambes lent et poétique. L’esprit flotte sur un plateau vivant et vibrant de couleurs et de sonorités, comme la lumière qui traverse un vitrail. Est-on entre ciel et terre, sous un croissant de lune couché à l’horizontale ou dans la féerie d’un royaume sous-marin pardessus lequel flottent de frêles esquifs sur une eau transparente?
La superbe texture vocale et dramatique des quatre personnages dissipe le flou. Anne-Catherine Gillet, Marc Laho, Lionel Lhote et Roger Joachim sont tous des artistes belges francophones qui tous font preuve d’une diction impeccable. En effet, chaque tessiture articule la prosodie française avec une étonnante limpidité, sans le moindre relent de français chanté affecté et vieillot. Quel collier de perles, ces voix nuancées, ces timbres parfaits, cette prosodie célébrée avec ravissement ! « O nuit enchanteresse, divin ravissement ! » se joue de part et d’autre de la rampe. La maîtrise vocale de Leila (Anne-Catherine Gillet) est remarquable : de très belles notes de tête, rien de forcé, de la souplesse dans la virtuosité, une très belle variété dans le phrasé et la couleur. Son jeu physique est tout aussi empreint de grâce et d’humanité. « Accorde-moi sa vie, pour m’aider à mourir », plaide-t-elle pour sauver Nabir. Tout est prêt pour le sacrifice. Roger Joachim interprète le rôle de Nourabad le grand-prêtre de Brahma comme s’il endossait le rôle du Destin. Quelle puissance tranquille, quelle imposante autorité dans sa somptueuse voix de basse! Le ténor Marc Laho, originaire de Liège, livre un Nadir très vaillant, habité par le désir, incapable de se tenir à ses promesses, incroyablement humain, offrant sans compter le velours palpitant de ses émotions. Au cours de l’action, la voix chaude et cuivrée du baryton, Lionel Lhote rassemble dans le noble personnage de Zurga, toutes les tempêtes mais aussi la sagesse de l’homme maître des émotions les plus déchirantes. Son ultime « A Dieu ! » est majestueux, il a renoncé aux deux seules choses qui comptaient dans sa vie, l’amitié et l’amour, après avoir découvert en Leila celle qui lui avait sauvé la vie des années auparavant.
A tous points de vue, cette dernière création toute en finesse de L’Opéra de Liège force l’admiration et se range au niveau des plus belles performances internationales. La saison prochaine du MET a mis « Les pêcheurs de perles » dans sa programmation en janvier 2016, ils auront fort à faire pour égaler la beauté et la tenue de ce spectacle ciselé avec le plus grand art.
Paolo Arrivabeni, direction musicale • Yoshi Oïda, mise en scène • Tom Schenk, décors • Richard Hudson, costumes • Daniela Kurz, chorégraphie • Fabrice Kebour, lumières • Marcel Seminara, chef des choeurs
Anne-Catherine Gillet, Leïla • Marc Laho, Nadir • Lionel Lhote, Zurga Roger Joachim, Nourabad
Liège, Théâtre royal, du 17 au 25 avril. Réservation : 04-221.47.22 ou www.operaliege.be
Charleroi, Palais des Beaux-Arts de Charleroi - PBA le 30 avril à 20h
L’Espace Art Gallery a le plaisir de vous présenter du 29/04 au 17/05/2015 l’exposition événement des artistes suivants : Guy Béraud (Fr) peintures, Liliane Magotte (Be) peintures, THALOU (Be) céramiques, Marian Sava (Be) sculptures en marbre, Chantal Fourdrin (Fr) peintures, Christa Finzl (Fr) peintures et Dominique Dauvert (Fr) peintures .
Le VERNISSAGE a lieu le 29/04 de 18h 30 à 21h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11h 30 à 18h 30. Et sur rendez-vous le dimanche.
Vernissage qui sera agrémenté d’extraits de Musique Celtique interprétés par la harpiste Françoise MARQUET.
Le FINISSAGE a lieu le 16/05 de 11h 30 à 18h 30.
Guy BÉRAUD (Fr) peintures
« Les Caprices de l’Âme »
Liliane MAGOTTE (Be) peintures
« Spirales »
THALOU (Be) céramiques
« Les âmes et les corps »
Marian SAVA (Be) sculptures
« Caresses du marbre »
Chantal FOURDRIN (Fr) peintures
« Couleurs, mouvements et vibrations »
Christa FINZL (Fr) peintures
« Emotions et sensibilité »
Dominique DAUVERT (Fr) peintures
« Mouvement, lumière et émotion »
A voir également « Lagrande table en bois » réalisée par l’artiste
Louis de VERDAL (Fr) sculpture
Exposition du29 avril au 17 mai 2015.
Espace Art Gallery 35 rue Lesbroussart 1050 Bruxelles. Ouvert du mardi au samedi de 11h 30 à 18h 30. Et le dimanche sur rendez-vous. GSM : 00 32 (0) 497 577 120
Bien qu'ayant suivit un cursus particulièrement classique tant à l'académie qu'au Conservatoire Royal de Mons, Dominique se démarque par ses interprétations d'œuvres modernes ou ses choix de répertoire. Choix qui le conduiront aux termes de ses études classiques au jazz, dans la classe de Steve Houben durant 2 années.
C'est finalement dans le rock celtique qu'on le remarque, sa dextérité et son souffle qui semble infini servent à merveille les mélodies ternaires des gigues et autres tarentules.
Aujourd'hui leader de son groupe Electroll, il prépare un premier album pour Juillet 2015.
A propos de Françoise Marquet
Françoise Marquet est comédienne, conteuse et harpiste celtique. Elle se produit dans de nombreux événements, festivals et spectacles.
Cela fait six ans que la musique fait partie de sa vie et est devenu son métier au même titre qu'actrice. La culture celtique et l'univers de la mythologie l'inspirent intensément pour ses créations. Elle participe à plusieurs projets et travaille aujourd'hui pour le théâtre et le cinéma.
Voyageuse dans l'âme, Françoise jouera avec le groupe Brigantia Belgae lors du Festival de l'Ourthe Bleue cet été et accompagnera Olivier de Robert lors de son spectacle au château de Quéribus dans le Sud de la France le 17 juillet prochain.
An "Angelic" harpist and a "Demonic" Flute Player
Françoise Marquet et Dominique Harpigny se sont rencontrés lors de différentes festivités, dans une ambiance médiévale et fantastique.
Au fil du temps, leurs échanges musicaux, le plus souvent improvisés, se sont transformés en une complicité nourrie par une sensibilité et une musicalité accrue par cette volonté commune de mettre leurs talents au service d'une musique issue des traditions ancestrales.
Bien que n'étant pas issus de la même "école", ces deux artistes se complètent, se regardent, s'écoutent et se suivent sur le chemin sinueux d'une mélodie celtique au pouvoir enivrant.
Caressée par le souffle infini de la flûte qui dérivera au gré de sa fantaisie, la harpe, fidèle, marquera le temps et soutiendra l'harmonie essentielle sans jamais fléchir.
C'est dans ce répertoire intimiste qu'ils vous convient ce vendredi 8 Mai 2015 pour une traversée au cœur des pays celtes et de leur répertoire chaleureux et poétique.
Du 26-02 au 16-03-14, l’ESPACE ART GALLERY (35, rue Lesbroussart, 1050, Bruxelles) propose l’œuvre de l’artiste Autrichien GERT SALMHOFER dans une exposition intitulée PALIMPSESTE.
Quelle est la nature profonde des œuvres de GERT SALMHOFER ? Cette question est fascinante par l’impact de l’interrogation que chacune d’elles suscite. Au-delà de la dimension symbolique et humoristique qui se dégage de ses thématiques, c’est avant tout une mise en conscience que l’artiste provoque chez le visiteur. Et cette interrogation sur la nature profonde de ses œuvres se retrouve exprimée par une savante technique mixte qui brouille les pistes du regard. Car brouiller les pistes s’avère être la mission première de l’artiste, précisément pour inciter le regardant à prendre conscience par la réflexivité issue de l’œuvre (servant de miroir), de sa propre condition humaine, laquelle par toute une myriade de symboles, devient à la fois philosophique, par conséquent politique. Cette technique mixte déconcerte le visiteur dans la perception de ce qu’il a sous les yeux car à de nombreuses reprises, la tentation de vouloir toucher la surface du tableau le saisit, exaspéré par la nature, en apparence absconse de ce qu’il voit. L’artiste insiste, d’ailleurs, pour que l’on touche ses œuvres afin que la dimension tactile fasse partie du vocabulaire cognitif. Est-ce encore de la peinture que le visiteur regarde ou bien est-ce autre chose ? Au fur et à mesure qu’il s’avance, des détails prenant la forme de ciselures et de fines incrustations apparaissent, révélant plus que de la peinture au sens classique du terme, de la matière peinte, donnant naissance à une œuvre dont la consistance est pleinement picturale dans laquelle chaque élément occupe son propre espace.
EUROPICTUM (60 x 85 cm – technique mixte – 2003)
Avec GERT SALMHOFER, le « tableau » perd de son esprit strictement esthétique pour aborder une dimension essentiellement tactile. Cette dimension tactile se décline à partir d’un cinétisme presque abyssal où tout se confond dans tout, créant un sentiment d’effondrement.
PALIMPSESTE SPIRALE XVIII (75 x 74 cm – technique mixte – 2013)
ainsi que STELE (65 x 85 cm – technique mixte)
mettent en exergue la problématique de l’écrit.
PALIMPSESTE SPIRALE XVIII prend, de prime abord, l’aspect d’une sorte de jeu de l’oie pour former une spirale à l’intérieur du cadre. L’artiste nous offre un panorama historique de l’écriture. Il aborde le hiéroglyphe égyptien, l’écriture cunéiforme des cylindres-sceaux mésopotamiens, les glyphes aztèques, la calligraphie chinoise, etc. Notons la présence de la figure humaine comme référant à la fois historique et discursif accompagnant les glyphes égyptiens et aztèques ainsi que sur des coupures de presse contemporaines.
Même discours avec STELE qui nous montre une pièce antique rappelant vaguement la pierre de Rosette égyptienne avec son cortège d’écritures appartenant à l’Histoire, encadrée d’une page de journal.
URBANO (104 x 95 cm – technique mixte - 1996 )
est une symbiose entre une coupe de Sainte-Sophie de Constantinople et deux buildings modernes. Les couleurs sont tendres : le blanc pour les immeubles, le bleu pour le ciel ainsi que pour l’édifice byzantin, le jaune – de part et d’autre de la composition – pour renforcer le rythme ascendant de l’ensemble scandé par la présence des fenêtres. Le rouge vif de la grue précise toute la symétrie de l’immeuble. Conçue en plan, l’artiste confère à Sainte-Sophie le rôle d’arrondir les angles en la contenant à l’intérieur d’une structure carrée, elle aussi de couleur bleu. Juste en dessous de l’édifice figure, en relief, le plan basilical d’origine de l’actuelle mosquée.
PICTOTHEQUE (91 x 100 cm – fermé) – (45 x 100 – 90 x 105 cm) (45 x 100 cm – ouvert –technique mixte – 2001)
Ce triptyque est un condensé de symbolisme. Il pourrait même être l’expression d’une parabole, en ce sens qu’il appelle de ses vœux un futur lequel verrait l’Art contemporain atteindre la sphère du Sacré, en se libérant du Musée, que l’artiste considère comme une boîte de conserve. Cette œuvre est une satire sociale prenant la forme d’un empilement de musées (le profane), matérialisé à l’intérieur d’un retable (le sacré). La partie extérieure des panneaux nous montre la façade du Louvre devant laquelle trône la fameuse Pyramide de l’architecte Leoh Ming Pei. En haut, à droite sont représentés le devant et l’arrière du Centre Beaubourg. Tandis qu’en haut, à gauche figurent la coupe du Musée Guggenheim de Bilbao ainsi que celle du Musée Ludwig de Cologne.
L’intérieur du triptyque est parsemé d’images-référents faisant partie du patrimoine mondial de l’Art, telles que le DAVID de Donatello, l’HERMES de Praxitèle, La BATAILLE de Paolo Uccello, le portrait d’ELIZABETH TAYLOR de Warhol ou l’URINOIR de Marcel Duchamp. Des phrases issues de propos d’artistes majeurs sont reprises ça et là à l’intérieur du triptyque : il y a plus d’esthétique dans unsous-marin nucléaire que dans tout l’art contemporain. (Joseph Beuys).
Comme nous l’avons spécifié plus haut, le pilier qui soutient l’édifice créatif de GERT SALMHOFER, c’est la force du symbole : la symbolique est une signature récurrente dans l’œuvre de cet artiste. Elle est à la fois discrète et présente. Néanmoins, transcendant un langage déjà évocateur, à l’exemple de la structure en plein effondrement d’EUROPICTUM,
cette symbolique trouve sa destination percutante dans la présence de ce drapeau de l’Union Européenne flottant en haut à droite de la composition : le symbole est l’image d’une E.U. en pleine déliquescence. Il en va de même pour URBANO où la référence : « une réalisation SALM et HOFER – SARL promoteurs » associe, par le biais de l’humour, le sacré de la basilique primitive de Sainte-Sophie convertie en mosquée avec le gratte-ciel moderne, aliénant et concentrationnaire, défigurant le paysage humain. Le symbole parcourant l’ensemble de sa peinture estpolitiqueau sens étymologique du terme : dans le premier cas, il dénonce l’instabilité de l’U.E. Dans le second cas, il prend en compte lapolis(la cité), dans son acception humaine, intellectuelle et dynamique. Bien que l’artiste n’ait jamais étudié l’architecture, il ne cesse de s’y intéresser car ce qui est urbanistique témoigne de l’activité humaine. Sa démarche, comme nous l’avons souligné, se distingue par le désir de créer de la confusion en brouillant les pistes cognitives tout en aboutissant vers une lecture simple. Une foule de signes constellent son œuvre. Ces signes, posés pêle-mêle dans l’espace pictural, sont les composantes d’une sémantique appartenant à l’Histoire, dans une perspective laquelle ne devient évolutive que dans la culture personnelle du visiteur. Aucune chronologie ne régit ses tableaux. Ici encore, le symbole se manifeste dans la représentation : la spirale constituant l’œuvre éponyme, formée d’une myriade de signes est une image de l’infini dans de nombreuses mythologies. Il y a, par conséquent, une adéquation entre le bouillonnement créatif de l’écrit à l’intérieur de la forme et la spirale aboutissant sur l’infiniment possible. Il en va de même avecSTELEoù le réceptacle du signe (la pierre – l’archaïque) débouche sur la souris de l’ordinateur censée contenir le support technologique moderne ordonnant le savoir.
Comme à son habitude, l’humour n’est jamais loin : une image de Dominique Strauss-Kahn sert de clin d’œil au regardant. Cet engouement à brouiller les pistes est un incitatif à l’endroit du visiteur à rechercher la vérité du discours par lui-même. On retrouve cette volonté de l’égarer volontairement même dans la façon qu’a l’artiste de cacher sa propre signature apposée sur le tableau, en la « symbolisant » par le monogramme « S » atrocement déformé, placé généralement du côté gauche de la composition, auquel répond sur la droite, la date d’achèvement.
La consistance des tableaux exposés qui fait que l’œil du visiteur est trompé par ce qu’il voit, en ce sens qu’il n’arrive pas toujours à déterminer la matière avec laquelle l’œuvre a été réalisée, est en fait une pâte que l’artiste fabrique lui-même. Lorsque celle-ci est sèche, il taille dedans et la ponce ensuite. De sorte qu’il n’est pas toujours aisé de reconnaître l’élément peint du sculpté, comme pour EUROPICTUM, où l’architecture enchevêtrée est en réalité, un collage extrêmement subtil, associant peinture, bois et pâte (la colonne de droite, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, n’est pas de la peinture à l’huile mais bien de la pâte travaillée). D’où une forme de cinétisme qui n’a rien à voir avec la perspective proprement dite.
Sa peinture est également une œuvre philosophique, en ce sens qu’elle propose tel thème, préalablement exploré, pour le reproposer sous un éclairage nouveau, d’où l’intitulé de son exposition : PALIMPSESTE, à savoir, un manuscrit sur parchemin dont on a préalablement gratté le contenu existant pour en rédiger un autre. Cette technique était usitée par les moines du 7ème au 12ème siècle. L’inconvénient majeur à cette façon de procéder est que tout ce qui fut écrit auparavant s’avéra définitivement perdu.
Du grec ancien, « Palipsêstos » signifie « gratter à nouveau ». Or, le grattage fait précisément partie de la technique d’approche du matériau par l’artiste, lorsque la pâte qu’il a conçue est à demi-sèche et prête à être poncée.
Le parcours de GERT SALMHOFER est typique de l’artiste ayant fréquenté les Beaux Arts mais qui pour trouver sa propre voie a dû s’en distancier.
Excellent orfèvre au demeurant, il habite Bordeaux. Lorsqu’on lui demande de nous parler de ses projets immédiats, il nous répond tout de go : « retourner à Bordeaux ! » Humour quand tu nous tiens…
PALIMPSESTE participe d’une volonté de connaissance dans laquelle le signe, produit culturel, renouvelé par l’œuvre dans son intemporalité, devient, par le biais d’une fine poésie, le véhicule d’une conscience qui nous implique, au détour de chaque regard que nous portons sur l’œuvre profonde et prolifique de GERT SALMHOFER.
Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.
François Speranza et Gert Salmhofer: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles (26 février 2014).
Burro train - Gold from Virginius mine near Ouray, Col. , U.S.A. (1898)
C'est qu'il apprenait vite le bougre !
Etudiant en Pennsylvanie de 1886 à 1889, B. L. Singley comprit très vite l'impact éducatif et commercial que pouvaient avoir les vues stéréoscopiques.
Son professeur, James M. Davis*, lui montra alors des photos stéréos, notamment de B. W. Kilburn (voir mon billet : "Benjamin West Kilburn : l'oeil révolver.") et le déclic se fit.
En 1892, il photographie les crues qui inondèrent Meadville (Pennsylvanie) et fonde la Keystone View Company* pour vendre sa production.
En 1898, il fabrique et distribue des stéréoscopes pour les visionner, ainsi que des lanternes magiques et leurs plaques de projection.
Et en 1905 la firme devenait le numéro 1 mondial du secteur, détrônant la B. W. Kilburn Co., l'élève dépassant le maître.
Hi-han...
1936, il se retire des affaires et décède le 15 novembre 1938.
Mais ce qui nous intéresse ici c'est la qualité de ses images, le pouvoir qu'elles exercent encore sur nous, leur valeur patrimoniale et artistique.
Car, si Singley fut peut-être un suiveur, il ne manquait pas de talent.
Pour cela nous lui emboîterons le pas, pas qu'il avait lui-même mis dans ceux de Kilburn et Davis.
Ses premiers grands pas, du Colorado...
Chargé comme une mule.
To the gold mines - Burro supply train, Colorado, U.S.A. (1897)
Jusqu'aux tréfonds des veines.
In the "Bobtail" mine, Black Hawk Canyon, Col. , U.S.A. (1898)
Sortie de burros.
Burro train with ore from the gold mines, Col., US.A.(1898)
... jusqu'en Alaska.
En passant par l'Oregon, pour une vue plongeante qui exploite au maximum l'effet tridimensionnel de la stéréoscopie...
Vertigineux !
Fluming lumber from the mountains in Oregon, U. S. A. (1898)
... ou le Klondike, Canada (c'est notre dada, on ne se refait pas !), en suivant le fleuve Yukon.
Clair de lune sur le Yukon (qui vaut bien celui de Maubeuge).
Going up the Yukon river by moonlight to Dawson City, Alaska (1898).
A pied, burro (âne) ou bronco, en traîneau, en radeau ou en bateau à voile...
1400 miles à l'intérieur de l'Alaska.
Prospectors starting for Home, 1400 miles in the interior of Alaska (1899).
... avec la mort qui rode.
La morgue, après l'avalanche, 3 avril 1898.
The morgue, after the snowslide, Aprl 3rd, 1898, Sheep Camp, Alaska.
Et vous admettrez qu'il fallait le suivre, le gaillard ! sur ces pentes escarpées en compagnie des 'stampeders', ces pionniers partis à la conquête d'un hypothétique nouvel Eldorado.
Mais, point de vue photo, c'est banco !
A suivre...
Michel Lansardière (texte et photos ; doc. coll. L. M.).
* James M. Davis était associé avec Kilburn dans les années 1880. Il fit breveter une lunette stéréoscopique, la Saturn Scope, en 1883. Un modèle populaire, un sorte de face-à-main portant sur une réglette la photo à observer. Modèle pourtant déjà présenté sous une forme très similaire par Oliver Wendell Holmes en 1859. Curieusement cet appareil fut surnommé en France le "Mexicain".
Stéréoscope et photo stéréoscopique (Prospectors burning down a hole, North Artic Circle, Alaska. 1898).
* La Keystone, qui deviendra une filiale de la New York Motion Pictures et qui produisit les premiers courts métrages de Charlot en 1914-1915. Voir mes articles consacrés à Chaplin avec de nombreuses photos de Singley et de Kilburn, entre autres, qui lui inspirèrent "La rue vers l'or". Et la bobine continue de défiler.
Pour les linguiste friands d'étymologie, le terme "topiaire" provint du latin "toparius" (jardinier), dérivé à son tour de "topia" (jardin). Ce terme trouve ses racines dans le mot grec "topos" signifiant "endroit". La villa toscane de l'écrivain romain Pline le Jeune recelait une multitude de buis et cyprès sculptés en forme d'animaux sauvages et de figures mythologiques. Les jardiniers de Pline étaient en fait des esclaves égyptiens, syriens et perses. Peut-être ont-ils introduit à Rome la passion de la taille végétale ?
Quoiqu'il en soit, l'art topiaire fut oublié après l'époque romaine et ne réapparut qu'après la Renaissance. Les jardins français et anglais regorgeaient alors de buis taillés en formes géométriques.
L'art redevint particulièrement populaire à partir du 17e siècle, surtout en France, en Angleterre et aux Pays-Bas.
L'art topiaire s'est essoufflé après la première guerre mondiale, accentuant l'oubli des techniques. Pendant la seconde guerre mondiale, aux Pays-Bas, des milliers de buis taillés furent arrachés et brûlés pour faire place à des plantations de pommes de terre et de tabac.
En ce début de 20 ème siècle, cet art redevint à la mode surtout avec l'étude des jardins classiques.
Un éléphant ancien de 90 ans...
Agrémenté de panneaux didactiques sur la flore et la faune de la région,le parc regorge d'informations très intéressantes sur les plantes aromatiques et médicinales. Les enfants y trouvent leur compte dans la découverte des nombreux animaux représentés dans ces tailles artistiques !
Les commissaires, Guy Cogeval, président des musées d'Orsay et de l'Orangerie, Isabelle Cahn, conservateur en chef au musée d'Orsay, présentent les partis-pris de l'exposition Pierre Bonnard.
LA FORME ENTRE RETENUE ET DEVOILEMENT : L’ART DE JEAN-PAUL BODIN
Du 25–09 au 13-10-13, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050, Bruxelles), nous propose de découvrir les nouvelles créations de Monsieur JEAN-PAUL BODIN, artiste Français que l’EAG avait déjà eu le plaisir d’exposer en 2011.
SURREALISTE ET SUAIRIQUE. Tel est le titre de cette exposition. Titre qui soulève un questionnement bien légitime. Doit-on voir dans le terme SUAIRIQUE la volonté d’un quelconque néologisme ?
Le style suairique résulte de la complexité du mystère, offert dans son expression. Largement inspirée de l’image radiographique que l’on a du Saint Suaire de Turin, l’œuvre de JEAN-PAUL BODIN se veut une iconographie de l’onirique où la forme corporelle, diluée dans l’éphémère du linceul, se mélange à la matière translucide, matérialisée par le « suaire », lui-même traité comme une réalité évanescente et fuyante. Car il s’agit, pour le propos, d’une « forme corporelle » ainsi que d’un « suaire » rêvés, exprimés dans la réalité d’une vision plastique.
Cette expression des formes offre des moments où la dimension mystique se reflète dans le travail de l’œil à découvrir la genèse de la matière, progressivement et partiellement révélée. Partiellement, parce que toujours enveloppée dans la chrysalide du « suaire », traité comme une matrice, à travers laquelle apparaît l’image en suspension du mystère.
Les œuvres se scandent sur un chromatisme de fond, monochrome, tel que le bleu, le jaune ou le rouge, sur lequel se déploie le trait.
Est-ce, d’un point de vue technique, un travail sur le relevé photographique de la fin du 19ème siècle, laissant apparaître la forme humaine qui justifie ce néologisme d’art suairique, en rapport avec le Saint Suaire de Turin? Oui et non. Car l’aventure créatrice aboutissant à ce résultat a commencé par une erreur de manipulation de la part de l’artiste. Des produits chimiques tombés sur les glacis à même la toile ont fait, le plus accidentellement du monde, apparaître la silhouette d’un visage humain. En travaillant sur cet accident de parcours, l’artiste a élaboré progressivement un langage fouillé et personnel, aboutissant vers un univers fantastique CITE ENGLOUTIE (150 x 120 cm – huiles sur toile)
et abstraitLE GUERRIER(65 x 81 cm – huiles sur toile).
A la question, subsiste-t-il encore des traces (même subconscientes) de surréalisme dans son art suairique, l’artiste répond par l’affirmative, en insistant sur le fait que ces traces demeurent néanmoins passagères mais bien réelles pour certains tableaux, tels que précisément CITE ENGLOUTIE (cité plus haut), lequel nous offre une vision apocalyptique d’un moment absolument intemporel, puisque la cité n’en finit pas d’être engloutie dans les flots, que le visiteur pourrait aisément interpréter comme des flots de feu, suggérés par la couleur rouge fauve qui se déploie sur la partie inférieure de la composition symbolisant l’abîme.
Cette atmosphère tragique est obtenue par une longue succession de couches, étalées les unes sur les autres, comme autant de compositions chromatiques superposées, assurant à la fois transparence et lumière par superposition des glacis.
L’artiste s’intéresse-t-il à la photo, comme certaines œuvres pourraient le laisser penser ? EMOTION (33 x 41 cm – huiles sur toile).
A cette question, ce dernier avoue, plus que tout, son intérêt affirmé pour les représentations stylisées qu’offre la technique de la radiographie médicale. Bien entendu, il s’agit, en ce qui concerne son œuvre, de la radiographie d’un monde intérieur, qui se décline à travers les nuances infinies du pathos.
Loin du discours tournant autour du mystère du Saint Suaire de Turin, son œuvre émane d’une démarche mystique, nourrie de questionnements existentiels, qu’une écriture basée sur une approche abstraite, sans aucune influence essentiellement chrétienne, affirme au sein d’un mystère conçu en formes vaporeuses et confuses. Une grammaire axée sur l’antiforme (par opposition à la notion de la forme conventionnellement pensée).
JEAN-PAUL BODIN insiste sur le fait qu’au début, il n’aimait pas vraiment l’abstrait mais qu’au fil de son évolution personnelle, il a fini par y trouver une voie créatrice.
Venons-en à un autre aspect de la palette créatrice de cet artiste, à savoir sa dimension surréaliste.
Il s’agit d’un surréalisme personnel tendant vers le naïf, tant dans le style que dans le référant iconologique, exprimé dans sa symbolique.
Avec LE PARADIS (72 x 112 cm - x 2) – (132 x 112 cm), l’artiste a voulu, dans son propre langage pictural, rendre un hommage vibrant à Breughel l’Ancien.
Il s’agit d’un triptyque où le panneau central est axé sur la présence d’Eve évoluant au cœur de l’Eden. Celle-ci figure au centre d’une bulle, en bas sur la gauche de la composition, émergeant dans sa nudité, entourée d’une végétation assez tourmentée. Chose inhabituelle, la présence d’Adam n’est signalée à aucun moment. Sa moitié évolue au cœur d’un univers lacustre, où les tonalités chromatiques majeures sont le bleu, le jaune et le vert, conjugués en dégradés. Elle ne semble pas naître pas d’une côte d’Adam mais de la Nature même.
Le panneau de gauche est exclusivement consacré aux mondes animal et végétal.
Ce n’est que dans le panneau de droite que le couple mythique fondateur, Adam et Eve apparaît.
Celui-ci est, entre autre, représenté dans un premier médaillon, en bas à gauche (comme pour le panneau central avec Eve) ainsi que dans un second médaillon, en bas à droite de la composition. De plus, ce panneau revisite dans une écriture contemporaine, une forme esthétique issue de l’art religieux de la Renaissance qui consistait à « démultiplier » les mêmes personnages sur une même surface, évoluant dans des scènes différentes. Adam et Eve sont ici représentés, soit accouplés, soit individuellement, à l’intérieur du même cadre scénique mais plongés au sein de situations différentes.
Cette œuvre est une réinterprétation du PARADIS TERRESTRE de Breughel l’Ancien (ca. 1607–08 – 48 x 65 cm). Une réinterprétation qui « déséquilibre » tout en « rééquilibrant » l’œuvre originale, en ce sens que le tableau de Breughel, construit en un plan d’ensemble dans lequel figurent tous les éléments, est si on le regarde de près, un triptyque qui ne dit pas son nom. En effet, l’œuvre initiale est construite en trois plans : 1) les animaux de la création, en avant-plan
2) la création d’Eve sortie de la côte d’Adam, au centre
3) le reste du paysage lacustre confinant avec le ciel, à l’arrière-plan.
JEAN-PAUL BODIN a, dans un premier temps, « désarticulé » l’ensemble original pour le « réarticuler » en un triptyque, comportant trois ensembles distincts. On peut même dire qu’il l’a « amplifié », en ce sens qu’à partir d’un tableau d’aussi petites dimensions (48 x 65 cm), il en a fait une œuvre d’aspect presque monumental.
Qu’est-ce qui dans ce triptyque est surréaliste et qu’est-ce qui est naïf ?
Rappelons qu’il s’agit ici de l’expression d’un langage personnel, lequel s’écarte singulièrement des conventions formelles du surréalisme.
Dans le panneau central, cette pénétration du soleil (en jaune très vif) dans la mer au large (dans un bleu presque blanc), renoue avec le vocabulaire surréaliste « classique », tout en demeurant très personnel. Tandis que ce même bleu de la mer devient de plus en plus épais, au fur et à mesure qu’il s’approche de la présence physique d’Eve et de celle du visiteur qui entre en contact visuel avec le tableau, c'est-à-dire avec la réalité picturale du récit symbolique.
La dimension naïve, elle, se manifeste surtout d’un point de vue stylistique dans l’élaboration de la végétation, inquiétante, fantastique et luxuriante ainsi que par le rendu plastique des animaux. Ce choix stylistique n’est pas sans rappeler l’art du Douanier Rousseau. Un art ancré dans un fantastique tendre et joyeux.
La présence de ce triptyque s’explique en tant que facteur de comparaison entre les styles surréaliste et le suairique de l’artiste. Cela s’imposait, surtout si l’on songe que JEAN-PAUL BODIN a eu l’occasion de pratiquer un surréalisme plus conventionnel proche, notamment d’un Magritte, pour des œuvres qui ne sont pas exposées actuellement à l’EAG et qui mériteraient pleinement d’y figurer.
Autodidacte de formation, JEAN-PAUL BODIN a néanmoins fréquenté les Beaux Arts où il s’est formé dans la technique du dessin. Il peint essentiellement à l’huile, dans une technique axée sur un mélange savant d’huiles diverses.
Ce qui fait de lui un véritable maître dans la brillance de la lumière, grâce à la maîtrise qu’il a de la composition des glacis.
Un dénominateur commun réunit les styles surréaliste et suairique : une recherche absolue du sacré dans ses formes les plus insensées.
Artiste de l’introspection mais aussi du rêve en fête, son art entretient le dialogue séculaire entre l’Homme et ses fins dernières.
Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.
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HENRIETTE FRITZ-THYS : DE LA LUMIERE A LA LUMINESCENCE
Du 16 – 10 au 03 – 11 – 13, l’ESPACE ART GALLERY (35, Rue lesbroussart, 1050, Bruxelles), a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’œuvre de Madame HENRIETTE FRITZ-THYS, intitulée LUMINESCENCE.
HENRIETTE FRITZ-THYS est une artiste Belge, qui au cours d’un long cheminement, est passée d’un style à un autre pour aboutir aujourd’hui à un langage où la lumière prime dans sa dynamique.
Elle a débuté par le figuratif, particulièrement en tant que portraitiste, en se basant sur des photos de famille et des tableaux de Maîtres pour découvrir et affiner sa technique. A partir de là, elle a dû trouver sa voie personnelle. Et cette voie ce fut celle d’une abstraction donnant libre cours à un univers de formes inconnues de la culture figurative du visiteur.
Les moteurs qui animent sa création sont essentiellement la Philosophie et la Psychanalyse. La Philosophie lui a fourni les questionnements sur la notion du mouvement. Quant à la Psychanalyse, elle lui a posé la question du transfert dans l’exploration picturale du manque pour en cerner ses arcanes.
L’élément architectural n’est pas exclu de son œuvre (HELICE – 100 x 120 cm –huile – 2010)
exprime le sentiment du refuge. Cette composition à l’architecture affirmée se veut la projection d’un désir, celui d’un bungalow issu du tréfonds onirique de l’artiste. L’élément poétique anime l’architecture. La géométrie assure la spatialité de la surface picturale. L’œuvre, témoigne d’une subtilité des couleurs très tendres, telles que le vert-clair, le rose ou le bleu azur. Elle assume une volonté cubiste créée à la base tel un socle qui nous propulse vers le haut, là où se trouve précisément l’hélice, laquelle fait penser à une aile calme et majestueuse. Il y a là l’expression d’une recherche de la sérénité, soit acquise, soit sur le point de l’être. Jamais l’élément figuratif n’est recherché.
La spécificité de cette exposition est celle de distinguer deux périodes cruciales de l’artiste : celle qui a trouvé son expression picturale de 2002 et l’actuelle.
Un premier exemple illustre éminemment cette première période, celui de OSIRIS (80 x 100 cm – huile - 2002),
lequel repose sur une structure mythique dont la base (que l’on retrouvera, bien qu’exprimée différemment, dix ans plus tard dans l’œuvre précitée, HELICE, sur laquelle repose la composition) représente un pentagramme en attente de notes musicales.
La cosmologie égyptienne est représentée par le disque solaire (celui du dieu Râ). Une dynamique sous-tend l’ensemble de l’œuvre, une rythmique musicale, soulignée par le papier à musique. La musique est d’ailleurs le compagnon de l’artiste lorsque celle-ci s’adonne à la création. Face à la toile, elle affectionne surtout le Baroque (particulièrement Haendel).
Il s’agit d’une œuvre à la fois sobre et extrêmement structurée. Une œuvre où l’on sent l’apport granuleux de la matière déposée sur la toile. Adéquation totale entre matière et géométrie, ce tableau évoque le mariage mystique entre le chtonien (la Terre) et l’ouranien (le Ciel), en une musique qui se nourrit des éléments. La Terre, proche de l’œil du visiteur (de sa perception) par rapport au soleil, situé plus loin dans le cosmos. Cette matière, travaillée et tactile ajoute à la dimension mystique de l’image.
OSIRIS est le produit d’une technique mixte, composée notamment, de sable, de plâtre et de fusain pour la division de l’espace. A partir de cette étape, un duel s’impose entre l’artiste et la matière qu’elle manipule, en ce sens que comme celle-ci sèche très vite, une lutte contre le temps s’engage pour la vie de l’œuvre. Cette lutte contre les éléments chimiques se retrouve très souvent dans le processus créatif de beaucoup d’artistes. On ressent physiquement la matière labourer la toile. La même démarche technique se retrouve avec PYRRHON (80 x 100 cm –huile – 2002).
Démarche technique mais aussi philosophique car si Osiris est le dieu de la vie, de la mort ainsi que des crues du Nil, s’unissant à Isis, symbolisant l’harmonie cosmique, le philosophe Grec du 2ème s. Av. J. C., Pyrrhon d’Elis, représente l’intrusion du doute dans sa consistance philosophique et créatrice.
En ce qui concerne la période actuelle (2012-13), le même rapport vital à l’œuvre s’installe mais il diffère néanmoins, dans le soin apporté à la recherche pour le déplacer vers plus de mécanicité. Il n’est plus question de mettre en avant une quelconque notion de transfert mais bien de se poser un questionnement sur le monde moderne, « froidement » comme le dit l’artiste, « statistique », « calme », car tout est à plat.
Nous avons dit plus haut qu’outre la Psychanalyse, la Philosophie guidait également sa quête. Ce passage entre l’extériorisation du transfert vers le questionnement calme sur le Monde, s’apparente à la conception nietzschéenne du dionysiaque vers l’apollinien. Le calme se manifeste ici par un agencement recherché des couleurs en quête d’équilibre.
TUMULTE (80 x 100 cm –huile – 2013)
Tout baigne dans la brillance. La forme éclatée, au centre de la composition, assure une dynamique centrale, interagissante, qui se propulse sur le reste. Ce tableau constitue d’un point de vue chromatique une véritable mosaïque aux multiples couleurs vivaces, avec en son centre, une forme dilatée qui par le jeu précis du trait s’ « agrippe » à la toile, telle une araignée pour la coloniser.
Nous sommes frappés par la mise en contraste entre les couleurs, rehaussées par la brillance apportée. L’artiste est ainsi passée d’une démarche personnelle aux extrêmes les plus fous. Elle invoque Gustav Klimt qui fait habiter des espèces avec des mondes différents qui n’ont plus rien à voir avec l’idée de la forme conçue à l’origine. A titre d’exemple, si l’on observe LE BAISER (1907-8), nous nous rendons compte de l’existence de deux dynamiques : une dynamique du geste (l’homme enlaçant la femme – premier tableau) et une dynamique des couleurs, vibrant dans leur brillance, créant à elle seule un second tableau. C’est une dynamique du geste et de l’enveloppant. L’artiste appuie son propos en évoquant la lumière d’une bougie que l’on fixe jusqu’à ce qu’elle ne soit plus elle-même mais bien une forme distordue.
FACETIES (80 x 100 cm –huile – 2012)
constitue également une mosaïque faite de contrastes, mais bien plus calme, travaillant principalement sur les tonalités bleu, vert et violet, où chaque tesselle se fond dans l’autre, créant des modulations vibratoires.
Si pour la période précédente l’artiste a dû se battre contre le temps, dévoreur de matière, cette nouvelle phase la voit dans la contrainte de devoir s’adapter aux propriétés des produits chimiques trouvés sur le marché, censurés pour des raisons de sécurité mais avec lesquels elle assurait un travail excellent, ce qui l’oblige à une réadaptation forcée.
LA NAPPE (80 x 100 cm – huile – 2011)
est inspirée de l’esthétique du Bauhaus, étape artistique pour laquelle l’artiste éprouve un grand respect. Si elle s’est permise de surenchérir sur l’esthétique de Klimt, en ce qui concerne l’étape du Bauhaus, axée sur le côté artisanal, très proche du peuple dans son design, elle ne change rien et l’accepte pleinement. Par la représentation d’un outil domestique, l’artiste aborde le langage d’un mouvement artiste et intellectuel, une étape au service du peuple, alliant pour le bonheur collectif, esthétique et fonctionnalité.
Pratiquant également la sculpture, HENRIETTE FRITZ-THYS qui a été formée à l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts Visuels de la Cambre de Bruxelles, est avant tout une peintre de la lumière, ou comme l’explicite éminemment l’intitulé de l’exposition qui lui est consacrée, de la luminescence. Lumière-luminescence. L’une peut-elle aller sans l’autre ? La luminescence est l’explosion de la lumière. Sa force atomique. Elle exprime l’infini de son origine. Sa cosmicité.
Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.
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CHRISTIGUEY : MATIERE ET COULEUR AU SERVICE DE L’EXPRESSION
Du 16-10 au 03-11-13, l’ESPACE ART GALLERY (35, Rue Lesbroussart, 1050 Bruxelles) organise une exposition proposant les œuvres picturales ainsi que les bijoux des CREATIONS CHRISTIGUEY.
La peinture de CHRISTIGUEY, alias Madame Christine Guérit, une peintre Belge dont le talent éclot au fur et à mesure que l’on découvre l’œuvre, se définit au premier contact, par l’importance de l’apport de la matière, considéré comme un élément solide « accroché » à la surface de la toile, pensée comme un terrain de recherche. Des apports de matière filandreuse (dont l’artiste ignore elle-même l’origine), trouvée ça et là sur plusieurs œuvres, attestent de l’existence d’un dialogue en perpétuel mouvement entre le peintre et la matière. Il s’agit d’un dialogue plastique fort pertinent entre la peinture, pensée en tant qu’élément liquide et la volonté d’un apport sculptural apporté à la toile, par la présence de la matière solide.
Mais quel rapport l’artiste entretient-elle avec la matière ? Est-ce un rapport plastique ressenti ou simplement l’idée de la matière en tant que servante de l’expression ? A cette question, elle répond en insistant sur le fait qu’à aucun moment elle n’a voulu ajouter de la matière pour la seule envie d’en mettre. Il faut que cette matière obéisse à un impératif créateur.
Il y a manifestement la volonté de prolonger l’œuvre peinte par un apport sculptural certain. Cela n’est nullement étonnant, puisque le mouvement est le point central de son art. Qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, le mouvement, celui qui oblige le visiteur à circuler physiquement autour de la pièce ou celui qui conditionne le regard par des perspectives ou des points de fuite, ce mouvement là se retrouve, en quelque sorte, « figé » par la main de l’artiste qui le fixe dans l’instant où le visiteur l’appréhende. C’est en se décomposant en images étrangères à l’esprit du visiteur que ce même mouvement prend forme.
Une belle connaissance des couleurs mise en exergue par le contraste sur des notes de même tonalité, telles que le bleu EMOTIONS (50 x 100 cm – photo-acrylique),
TRAPEZISTE (70 x 90 cm – tableau-sculpture),
le vert FRUIT DEFENDU (80 x 80 cm – photo-acrylique)
VOLTIGEURS (80 x 110 cm – photo-acrylique), témoigne de son désir d’allier couleur et mouvement dans un même élan dynamique.
L’univers du cirque est (comme pour beaucoup de plasticiens) prétexte à décomposer le mouvement en un compromis savant entre abstraction et art figuratif sans qu’aucune ligne de démarcation vienne scinder les deux styles. Ce besoin de le cerner s’est amplifié par l’intérêt qu’elle a toujours porté à Maurice Béjart, par conséquent, à la danse laquelle permet au peintre, au sculpteur ou au cinéaste de décanter ce même mouvement en segments figés dans l’instant.
CHRISTIGUEY a d’abord commencé son travail par le figuratif pour se diriger par la suite vers un abstrait qui ne n’en est pas vraiment, en ce sens que tout est interpellé (« tant la feuille qui tressaille sous le vent que son ombre », comme elle se plaît à dire), tout ce qui est apparemment « inutile », à la recherche constante de la 3ème dimension.
Sa rencontre avec Chagall, à Paris fut pour elle un cap déterminant, car à l’observation du peintre, elle fut fascinée par tout le déploiement de techniques ainsi que par la variété de ses matériaux. Cette rencontre fut hautement bénéfique puisque alors qu’elle était encore élève à l’Académie de Mons, on la qualifiait de « touche à tout ». Ressentant précisément ce besoin de « toucher à tout » pour des raisons esthétiques, elle fut en quelque sorte « libérée » par Chagall qui par ces paroles : « tu le fais quand tu as envie de le faire » la désinhiba et l’encouragea à poursuivre sa route.
TRAPEZISTE est une œuvre alliant peinture, orfèvrerie et sculpture. L’orfèvrerie domine en quelque sorte la composition puisqu’elle représente, à l’intérieur d’un premier cercle, trois trapézistes prêts à se lancer dans le vide. Le second cercle évoque le Monde. Un troisième cercle symbolise le monde intérieur des artistes réalisé à l’aide d’un vinyle 33 tours brûlé à l’acide, conférant à ce dernier l’aspect d’une forme torturée. Cet ensemble de trois cercles symbolise à la fois le Monde ainsi que l’éternel retour.
A son contact, VOLTIGEURS procure une foule de sentiments et d’aperceptions possibles. Il suffit juste de savoir, sans rompre la magie poétique, qu’il s’agit d’une pomme coupée au couteau. La forme enlevée du sujet nous plonge dans mille et une interprétations possibles.
MAIN A MAIN(80 x 80 cm – photo-acrylique)
– SUSPENSION (80 x 80 cm – photo-acrylique)
reprennent l’univers du cirque. Les couleurs sont tendres ou fortement atténuées comme le rouge qui revêt une tonalité légère. L’utilisation du blanc usitée dans le rendu du corps du trapéziste (MAIN A MAIN) fait écho avec l’éclat de lumière jaillissante de SUSPENSION, lequel donne à la composition une dimension diaphane.
CHRISTIGUEY qui fut, notamment, l’élève d’Edmond Dubrunfaut et de Gustave Camus à l’Académie de Mons, utilise pour sa peinture une technique mixte. Elle a étudié la céramique et la conception des émaux. L’orfèvrerie est sa deuxième voie d’expression. Elle la conçoit comme une forme de sculpture, recherchant là aussi la 3ème dimension, accentuée par la recherche du mouvement fixé dans l’éphémère. Son geste est guidé dans l’espace par la musique et par la poésie. Son crédo se limite à ceci : « le visiteur doit se reconnaître dans son œuvre ».
Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.
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Les billets critiques de François Speranza deviennent de plus en plus connus et attendus avec impatience par les artistes qui font l'objet de commentaires ainsi que par ceux qui ont pu contempler de visu toutes les oeuvres mentionnées et qui attendent des suppléments d'informations afin de compléter leurs ressentis, et d'approfondir leur rencontre avec les artistes.
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Du 16 – 10 au 03 – 11 -13, l’ESPACE ART GALLERY (35 Rue Lesbroussart 1050, Bruxelles), se propose de vous faire découvrir les œuvres de Monsieur CHRISTIAN LEDUC, un peintre Belge à la croisée de deux styles fort distincts, dans une exposition dont l’intitulé se justifie amplement au fur et à mesure de la découverte, à savoir LA SECONDEVIE.
Il faut comprendre la création de CHRISTIAN LEDUC comme la prise de conscience d’une seconde chance, traduite dans un langage plastique, que la vie a offert à ce dernier. En effet, ayant récemment bénéficié d’une greffe du foie, l’artiste renaît, si l’on peut dire, de ses cendres.
Le terrain sur lequel germe cette renaissance, ce sont les sujets touchant à l’existentiel. Toute sa production exposée à l’EAG est centrée à la fois sur les thèmes de la recherche, de l’interrogation et de l’aboutissement.
Il n’est pas exagéré de qualifier chacun de ses tableaux comme des « paraboles symboliques » dans leur expression discursive. La recherche (notamment celle du temps passé), l’interrogation, l’aboutissement (image de la liberté), se déclinent d’un point de vue technique en deux langages, parfois séparés, parfois enchevêtrés, laissant apparaître un style surréaliste « classique » (en référence à Magritte, LA SECONDE VIE (80 x 60 cm – huile sur toile)
et un style cubiste de conception cinétique faisant penser à Vasarely, LE VIRUS PICTURAL (60 x 80 cm –huile sur toile).
Une symbiose entre ces deux styles trouve également son expression dans LA FEMME PAON (60 x 60 cm – huile sur toile)
ainsi que dans LE MUR DU TEMPS (60 x 50 cm – huile sur toile).
Son langage s’exprime dans un jeu savant de perspective, par la présence, notamment, de sols en damier, parfois creux (comme dans LA FEMME PAON), symbolisant la difficulté de gravir un chemin tortueux. De même que dans LE MUR DU TEMPS, le personnage se fondant dans l’arrière-plan disparaît absorbé dans le mur, dont la construction géométrique évoque un ensemble cubique, contre lequel évoluent des montres signalant chacune une heure différente, jusqu’à vouloir comme le désire le personnage-créateur, quitter le temps. L’œil pleurant, à la fois dans et hors le cadre – effet en trompe-l’œil – pleure le temps défunt.
Cette construction cubiste se retrouve dans LA FEMME PAON dont le chapeau en éventail fait la roue.
Elle se trouve au bout d’un chemin initiatique semé d’embûches que le visiteur doit suivre pour pouvoir l’atteindre. Le trompe-l’œil du sol en damier confine avec le mur de briques ce qui confère à l’œuvre son atmosphère labyrinthique.
LA SECONDE VIE est une parabole « surréaliste » au sens premier du terme. L’œil sorti de l’œuf, ne pleure plus (contrairement au MUR DU TEMPS) mais rayonne, témoignant de l’avènement d’une vie nouvelle. Tout dans cette œuvre est surréaliste. Le cadre « démultiplié » au centre duquel surgit l’œil, placé entre ciel et mer, se confondant dans le même chromatisme. Le lierre grimpant symbolisant la vie. Le livre de l’existence dont les pages s’envolent vers le ciel. Tout cela témoigne de la projection d’un Sacré personnel.
LE REVE OU LA LIBERTE (60 x 60 cm – huile sur toile)
a été inspiré à l’artiste par la mise en détention de l’un de ses amis. Le rêve est en lui-même une forme de liberté mais ici il est pensé comme la liberté du pauvre : l’individu est enfermé dans la cage tandis que l’oiseau, lui, se trouve dehors. Bien que la cage soit ouverte le personnage semble pris à l’intérieur d’une pomme tel un fœtus dans un ventre de femme. Il faut considérer cette image comme une allégorie : pour l’artiste, la liberté s’exprime dans l’innocence de mordre dans une pomme, c'est-à-dire dans la jouissance de la liberté d’y mordre. Nous retrouvons à l’intérieur d’un jeu de perspective, le sol en damier. Le personnage dédoublé, campé en plan dans le corps de la pomme.
Le cubisme « pur », si cubisme « pur » il y a, se remarque dans LE VIRUSPICTURAL (60 x 80 cm – huile sur toile)
ainsi que dans LE KALEIDOSCOPE (60 x 60 cm – huile sur toile).
Un cinétisme vasarélyen (LE VIRUS PICTURAL) « déconstruit » l’image en l’évidant de l’intérieur, créant ainsi des formes géométriques nouvelles, à l’origine d’autres perspectives.
Construit dans l’esthétique du jeu de l’oie, KALEIDOSCOPE est l’expression à la fois ludique et géométrique d’un souvenir d’enfance.
LE TIGRE MAGIQUE (40 x 50 cm – huile sur toile)
est un masque conçu de la forme jaillissant dans la forme en un enchevêtrement conduisant au Tout. Comment entrer dans ce masque ? La ligne est construite de telle façon qu’elle forme une série de barrières laquelle à la fois construit la structure de la gueule tout en la camouflant au regard du visiteur. Un fil d’Ariane invisible conduit le regard dans les méandres du félin.
La palette des couleurs utilisée par l’artiste est une musique joyeuse témoignant de la joie de vivre (de revivre !).
Il s’agit de couleurs à la fois tendres et vives (sans jamais être féroces), savamment orchestrées sur la toile, impulsant la sève vitale dans chacune de ses créations.
CHRISTIAN LEDUC qui a été formé à l’Académie de Bruxelles peint depuis dix-huit ans. Il affectionne la technique à l’huile. Son discours dépasse le cadre personnel. Certes, il s’agit de l’œuvre d’un homme qui revient de loin : il est redevable à la greffe qu’il l’a sauvé. Néanmoins, au-delà de son vécu personnel, son œuvre nous parle d’un autre Sacré : celui de l’Homme élémentaire.
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