Qui es-tu, si différent de moi que parfois je t'oublie? Qui es-tu avec ton orgueil bardé d'acier, tes yeux froids, tes mains chaudes, tes colères? D'où viens-tu? De quelle maison en ordre, de quel passé sévère, de quelles amours faciles? Quand vais-je te joindre pour ne plus te perdre? T'avoir en moi comme l'hostie, effacer nos frontières de peau, toucher ta bouche et la reconnaître. T'oublier à jamais dans un sommeil mélangé... J'ai perdu des jours et des jours à te poursuivre alors que tu m'étais donné, à t'appeler pendant que tu me parlais. Je suis lasse de Toi, comme d'un chemin qu'on fait les pieds blessés et cependant j'ai faim de Toi, la stupide faim sans nom. Quand t'aurai-je ouvert jusqu'à l'âme? Quand serai-je devenue si faible, si consentante, si donnée que tu ne sauras plus que faire de moi? je suis patiemment, ton ennemi et ton amour, le guet. Es-tu entré une seule fois à l'intérieur de toi-même pour t'y rencontrer, t'y parler, m'accorder à Toi entre Toi et Toi? Dépêche-toi : je m'occupe à mourir.
Publications en exclusivité (3136)
Voici un nouvel extrait du spectacle que j'ai cosigné (j'ai écris les textes) avec Marielle Vancamp (musique, chant), un site promotionnel bientôt à venir :D
« Qu’il est doux à deux de s’aimer
Et que notre amour fusse ou non courtois
Précipité ou de mauvais aloi
Le premier battement de mon cœur
Est à dater de toi
L’amour ici n’est pas à rendre
Un philtre aura suffit pour nous éprendre
Nulle prison je te le dis
Jamais n’eut la beauté de tes yeux
Ni la blondeur de tes cheveux
Je suis d’un pays ménestrel
Qui tisse des liens éternels
Mille ans n’est pas assez
A tes pieds je me dépose
La même histoire toujours recommencée
De toi je suis le pendu éperdu
L'amant indomptable et magnifique
Qui tel un opéra enchanté
A fait de ton cœur sa douce musique
Je me sens Vigne et toi la Rose
Sur ce chemin qu’on nous impose
J’irai jusqu’à lier racines
Pour que notre amour on n’assassine
Pour que notre amour on n’assassine
Je suis d’un pays ménestrel
Qui tisse des liens éternels
Mille ans n’est pas assez
A tes pieds je me dépose
( Tristan et yseut, extrait de « sur un nuage » spectacle musical
parole : pascal Feyaerts
musique, composition et chant : Marielle Vancamp)
MIROIRS DE FERNANDO PESSOA
MIROIRS DE FERNANDO PESSOA
Pessoa est une mauvaise conscience plurielle et monstrueuse : la vôtre, la nôtre. Pessoa est un cri de douleur et un bêlement, un chant très pur et une grimace, un ongle qui raye le tableau où un bon professeur voulait inscrire la sécurisante démonstration de son théorème.
« Une dramaturgie s’efforçant de rendre compte de l’univers de Pessoa se doit de donner une place essentielle à la multiplication du poète en ses principaux hétéronymes. Le sujet est éminemment théâtral, nous place au coeur de l’oeuvre et permet d’en faire miroiter les diverses facettes.
Mais, pour ne pas nous limiter à un simple montage de fragments venus des diverses voix pessoennes, nous avons inventé une articulation narrative qui organise quelque peu le jeu d’échos, de mises en parallèle et mises en opposition qu’il est passionnant de dresser entre Pessoa, Caeiro, Reis, de Campos, Soares, Quaresma, et aussi les grands personnages comme Faust ou le Banquier anarchiste. Cette articulation, nous nous proposons de l’organiser à partir d’une sorte d’enquête, aux aspects ludiques, bien entendu, menée par celui des hétéronymes qui paraît tout désigné à cet effet : le docteur Quaresma, déchiffreur d’intrigues ; car c’est bien à une énigme des plus étranges qu’aura affaire ici ce personnage voué à la rationalité et à l’esprit de déduction : qui est ce singulier Fernando Pessoa qui se fragmente de la sorte en des doubles à la fois si semblables et si différents ?
Et qui, en fin de compte, est-il lui-même, Abilio Quaresma, sinon, comme il le découvrira au terme de son enquête, un double supplémentaire et une créature de Fernando Pessoa ? Entre un Pessoa perdu dans son rêve et Quaresma cherchant à comprendre le pourquoi et le comment du fonctionnement poétique de son interlocuteur se développe ainsi à intervalles réguliers un jeu de questions-réponses et de réparties dessinant peu à peu quelques contours thématiques de cet univers magnifique et si complexe.
Alternent avec cette confrontation, pour prolonger et concrétiser en différents échos ce qui s’y dira, l’apparition des autres hétéronymes, de brefs débats entre eux, ainsi que nombre d’extraits de prose et de poésie, tant des hétéronymes que de Pessoa lui-même : il y avait tant et tant de passages à faire entendre que le choix n’a pu être que douloureux… »
Paul Emond
Miroirs de Fernando Pessoa de Paul Emond
Un spectacle du THEATRE DU SYGNE
au théâtre des Martyrs jusqu'au 9 février
Du 15 janvier au 9 février 2013 Dim 27/01 et 03/02 Je ne suis personne
Je ne peux être personne car je porte tous les rêves du monde « Je ne suis personne » confie Pessoa. Intuition essentielle qui l'amène à écrire sous l'effet « incontrôlable » de multiples dédoublements de sa personnalité (certains spécialistes de l'œuvre en ont compté jusqu'à cent vingt). A plusieurs de ces hétéronymes, il ira jusqu'à attribuer une véritable biographie et fera même de l'un d'entre eux celui qu'il appelle son maître. Ainsi s'organise un formidable théâtre mental où la fiction de ces personnages écrivains devient réalité, tandis que l'auteur Pessoa lui-même se glisse dans l'évanescence d'une vie rêvée (« Je suis, dit-il encore, le personnage d'un roman qui reste à écrire. ») Tout cela se passe à Lisbonne, que le poète a chanté comme nul autre et dont l'évocation constitue souvent le décor imagé du spectacle.
Mise en scène : Elvire Brison Texte : (adaptation d'après l'oeuvre de Pessoa) Paul Emond Distribution: John Dobrynine, Emmanuel Dekoninck, Itsik Elbaz, Idwig Stephane Guitare : Renaud Dardenne Décor : Philippe Hekkers Costumes : Myriam Deldime
Ils furent nombreux les photographes de la ruée vers l'or du Klondike (Yukon, Canada) et le l'Alaska. Mais combien connaissent leurs noms ? d'autant que nombre d'entre eux sont oubliés, leurs clichés éparpillés. Je veux rendre hommage aujourd'hui à deux d'entre-eux, et des plus talentueux. Et loin d'être les plus renommés, mais pour moi les plus fameux. Je veux parler de Case & Draper. Mais patientons un peu...
Le plus connu est certainement Eric A. Hegg, certainement parce que Ethel Anderson Becker lui consacra une monographie, Klondike'98, dès 1949 (chose peu courante un photographe à l'époque), et aussi pour ses cartes postales qui ont beaucoup circulé. Il faut dire qu'il avait du talent, notamment celui d'être toujours là au bon moment, le premier le plus souvent. Et qu'il a laissé dans l'imaginaire collectif la photo la plus célèbre de la ruée vers l'or (cf. mon billet intitulé "La pépite"). Charles Chaplin s'en souviendra...
Citons encore Benjamin W. Kilburn, Benneville L. Singley (les plus productifs, mais pas les moins doués), William H. Rau, Harry C. Barley, Veazie Wilson, Louis H. Pedersen, Joseph Burr Tyrrell, H. J. Goetzman, T. W. Ingersoll, R. Y. Young, Walter Strand, Wolfe, Graves, Griffith & Griffith, Robertson & Darms, Larss & Duclos, George Hicks, Ernest Keir, Wilfred et Ed McDaniel, Frank La Roche ou Asahel Curtis (oui, le frère d'Edward S. Curtis, excellent photographe lui aussi, hélas laissé dans son ombre). Mais je vous fais mariner... (si vous me pressez je pourrais y revenir...)
William H. Case et Herbert H. Draper s'associèrent et travaillèrent dans leur studio de Skagway (Alaska) de 1898 à 1908 et conjointement à Juneau de 1905 à 1907, jusqu'à leur séparation, Draper restant à Skagway jusqu'en 1913 et Case à Juneau jusqu'en 1920, dates de leurs morts respectives.
Oui mais leur travail ?
Case & Draper furent certainement les plus novateurs, les plus modernes, explorant des domaines variés avec un sens du cadrage hors du commun.
Dans leurs vues en extérieur, paysagistes hors pair, ils apportaient souvent un détail, arrière ou avant-plan, qui donne vie à leurs clichés. Une vue du fleuve Yukon avec un esquif passant entre deux rocs les rapides de "Five Fingers", alors que d'autres, je pense à la même prise par Barley, ne faisaient pas vivre le site, ou de simples cabanes de mineurs :
Yukon River (Canada, photo Case & Draper, ca 1900 ; collection L.M)
Pour les intérieurs, froids, mécaniques, désincarnés, comme leur série "Treadwell Gold mines", un sens de la perspective, de la composition, de la lumière, qui en font des oeuvres presque abstraites, "cubistes", qui font penser tant à Vasarely, le père de l'art optique, qu'à M. C. Escher, fou de figures spatiales mathématiques abstraites, à Léger...Intemporel miroir magique mais combien humain ainsi définirai-je leur travail.
Treadwell mines. Douglas island, Alaska (Etats-Unis, photo Case & Draper, 1906 ; coll. L.M)
Comme on le voit, un photo "industrielle" permet à nos photographes d'exercer leur talent, perspectives, contrastes, lumière, profondeur, offrent une image d'une grande modernité.
Pendant la ruée vers l'or en Alaska, la "Treadwell gold mine" fut la plus grande mine d'or du monde, tournant 24h sur 24. Son propriétaire, John Treadwell (1842-1927), dirigea son activité de 1881 à 1922, employant jusqu'à 2000 personnes.
Enfin et surtout ils furent des ethno-photographes avant l'heure. Bien que réalisées en studio, leurs photos sont loin de maints clichés d'alors où le "sauvage" est montré comme ours en foire ou larron sur toile de fond. Déjà ombres et lumières dessinent les Indiens comme le feraient les grands maîtres du portrait pour des princes de cour (il faudra attendre les célèbres studios Harcourt créés en 1934 pour ainsi mettre en valeur les vedettes avec ce sens du noir et blanc), témoignant d'un respect pour le modèle qui force l'admiration. De plus ces portraits ont une valeur ethnographique incontestable, témoignages uniques des indiens Tlinglit (ou Thlinkit) au début du vingtième siècle. Je pense notamment aux portraits des chefs Ano-Thlosh ou Cow-Dik-Ney, ou d'autres membres de cette nation, hommes ou femmes, ainsi que les objets de leur quotidien captés comme les objets d'art qu'ils sont, mais perçus alors comme des curiosités incongrues, pris en 1906-1907. C'est là qu'ils rejoignent l'immense Edward Sheriff Curtis (1868-1952), oublié à sa mort, emporté par une crise cardiaque autant que par la fièvre de l'or, mais heureusement redécouvert dans les années 1970.
Sur le vif, ils ont également beaucoup photographié les travailleurs, les gens de peu, les anonymes, mineurs ou pêcheurs, employés ou charpentiers, du Grand Nord.
Dire qu'à ma connaissance aucune monographie, aussi bien en français qu'en anglais, n'existe de ces deux grands noms de la photographie ! Même dans la littérature la plus pointue, consacrée aussi bien à l'histoire de la photographie qu'à la ruée vers l'or du Klondike ou aux Indiens d'Amérique du Nord, on ne les trouve que rarement ne serait-ce que mentionnés (néanmoins certaines photos sont visibles en ligne, notamment sur le site de l'Alaska Historical Collection de l'Alaska State Library).
Lignes de fuite (aéroport d'Abu Dhabi, 2012 ; photo L.M prise en hommage à Case & Draper).
Lansardière Michel
Les photographies proviennent de ma collection personnelle. Je dois néanmoins la photo n°2 à Chantal Roussel qui m'en fit cadeau et que je remercie ici.
Un air du XVe siècle interprété par Hilda Van Eyck dont j'ai eu le plaisir de parler dans un CD-ROM de la série des 74 CD-ROM que j'ai consacré aux écrivains belges (Le testament des poètes).
C’est en 1943 que Saint-Exupéry publie « Le petit prince » à l'adresse des enfants, mais où se mêlent au merveilleux, certains traits de psychologie qui révèlent une connaissance délicate des relations que créent l' amitié et l' amour. Saint-Exupéry n'avait pas accoutumé d'écrire pour des enfants (voir "Vol de nuit", "Terre des hommes", "La citadelle"): "Le petit prince" n'emprunte rien à la littérature spécialement conçue pour les enfants et s'adresse moins à un certain âge qu'à tous les êtres restés, par aptitude, vulnérables, attentifs et voués à une tendre solitude.
Aviateur avant que d'être écrivain, Saint-Exupéry imagine qu'une panne de moteur l'a forcé d'atterrir au Sahara, et qu'à "mille milles de toutes régions habitées" il voit apparaître un garçon d'allure fort singulière, visiblement à l'aise dans cette solitude. L'enfant tout entier a des soucis que l'auteur ne devine pas, se découvre peu à peu et pose des questions grâce auxquelles Saint-Exupéry reconstitue son histoire. Seul habitant d'une planète exiguë dont il ramonait chaque jour les trois volcans, le Petit Prince avait profité pour son évasion d'une migration d'oiseaux sauvages. Il s'y était résolu pour couper court aux tristes discussions, aux malentendus qui l'éloignaient toujours d'avantage d'une rose, dont il était amoureux et à laquelle il avait jusque-là prodigué ses soins. La rose, fière de sa beauté et se croyait unique au monde, entendait le tenir étroitement assujetti à ses moindres caprices. Ce n'était là qu'une attitude de défense, car elle se savait faible. Désemparé, le Petit Prince parcourt successivement six planètes, avant de gagner la Terre. Au cours de ce voyage, dont les détails et l'allure rappellent quelque peu les "Contes" de Voltaire" (mais sans la virulence goguenarde, les traits acérés), le Petit Prince entre en relations avec un roi, un vaniteux, un buveur, une homme d'affaires, un allumeur de réverbères et un géographe. L'activité des uns et des autres lui semble plus ou moins extravagante, et il s'en étonne avec la douceur dont il ne se départit jamais. Enfin, il prend pied sur la Terre, et après de longues pérégrinations, se trouve au milieu d'un jardin fleuri de roses. "Et il se sentit très malheureux", sa fleur lui ayant fait accroire qu'elle était seule de son espèce dans l'univers. C'est alors qu'il rencontra le renard, ou plus exactement le fennec, cet animal aux longues oreilles qui vit dans le désert. La scène la plus émouvante du livre débute alors, scène qui semble l'explication, la clé d'une oeuvre où affleure continûment la nostalgie de l' amitié. Le renard prie le Petit Prince de bien vouloir l'apprivoiser; et il s'explique ainsi: "Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde." -"Je commence à comprendre, dit le Petit Prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé." Hanté par le désir de rejoindre sa planète, le Petit Prince se fera mordre par un serpent venimeux, et s'évanouira dans la nuit, après avoir tant bien que mal consolé l'aviateur qui s'était attaché à ce petit personnage étrange, passionné et tranquille. Les symboles dont ce livre est tissé restent indéchiffrables et il est bon qu'il en soit ainsi. Le style, à la fois alerte et confidentiel, garde au récit cette allure familière des propos tenus à haute voix devant des êtres simples, dont la logique s'accomode de l'imaginaire, et exige toutefois des détails d'une extrême précision.
Cette fois-ci j'insiste, les gens sont tristes.
Je demande participation pour cette action.
Ce serait mondial, les habitants de la terre entière.
Des millions de participants, une loterie extraordinaire.
Je vois trop souvent, chaque matin.
Des gens exporter en train leurs chagrins.
Il faudrait se dire plus souvent bonjour.
Pour participer à ce grand concours.
N'ayez pas peur de tenir enfin la porte.
A cette personne derrière vous à la poste.
Ce serait bien de se lever un peu plus tôt.
Pour céder sa place assise dans le métro.
Aidez votre prochain comme c'est inscrit.
Encouragez-le souvent, ne restez pas ainsi.
Au nom du Père et du fils et de cette demoiselle.
Je vous salue Marie, exquise, ainsi soit-elle.
Tout le monde gagnerait du respect, de la courtoisie.
De la reconnaissance, des gestes positifs et des sourires.
Nos coeurs chanteraient des mélodies nouvelles.
Retour des hommes et femmes dans les chapelles.
Enfants qui chantent et peuples qui s’entendent à l’unanimité.
Cela demande juste un petit effort, on pourrait tous y gagner.
Un magnifique concours ou le gain final serait Amour et Fraternité.

Philippe Jaccotet, par Erling Mandelmann
Né le 30 juin 1925 à Moudon, Philippe Jaccottet est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur vaudois.
"Ce livre est un recueil de chroniques de poésie publiées en revue ou en journal entre 1955 et 1966 (la plupart à La Nouvelle Revue Française ou à la Gazette de Lausanne) ; quelques études et notes inédites les complètent. Elles concernent des oeuvres de poètes français ou suisses-français parues entre 1910 et 1966 (de Claudel à Paul Oster).
L'absence de morts illustres (Valéry, Fargue, Artaud, entre beaucoup) et de grands vivants (Aragon, Queneau - mais la liste de ceux qui ont droit à l'attention serait longue) suffira, je l'espère, à faire comprendre que ce livre ne prétend en aucune façon dresser un panorama de ce demi-siècle de poésie. Le fait même de la chronique a voulu que le hasard de l'actualité joue un rôle dans le choix ; le plus souvent, des raisons toutes subjectives en ont décidé.
Jamais un livre de poèmes n'aura été pour moi l'objet de connaissance pure : plutôt une porte ouverte, ou entrouverte, quelquefois trop vite refermée, sur plus de réalité. Tout simplement, je n'ai commencé d'écrire ces chroniques que pour avoir été attiré, éclairé, nourri par certaines oeuvres, pour m'être attristé ou indigné de les voir méconnues, pour avoir espéré leur gagner quelques lecteurs. Aussi s'agissait-il moins, pour moi, de bâtir une œuvre critique à leur propos que d'essayer d'ouvrir un chemin dans leur direction, en souhaitant que ce chemin, une fois l’œuvre atteinte, fût oublié.
Il se trouve néanmoins qu'à partir de là j'ai aussi été amené tout naturellement à m'interroger sur ce qui, dans telle ou telle de ces œuvres (qui m'avaient toutes, à divers degrés et diverses raisons attiré), me tenait à distance. De sorte que, des lacunes du choix comme du rapport des éloges et des réserves, de l'adhésion et du refus, finit par s'ébaucher une figure (entre plusieurs) de la poésie, figure dont les remarques finales dégagent quelques traits." (Philippe Jaccottet)
Philippe Jaccottet nous parle de Paul Claudel, Jules Supervielle, Saint-John Perse, Pierre-Jean Jouve, Pierre Reverdy, Paul Eluard, André Breton, E.-H. Crinisel, Gustave Roud, Henri Michaux, Francis Ponge, Jean Follain, Jean Tardieu, Armen Lubin, Jean Tortel, René Char, Guillevic, Pierre Delisle, Jean Grosjean, Henri Thomas, J.-P. de Dadelsen, Alain Borne, Maurice Chappaz, Anne Perrier, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Jacques Dupin, Michel Deguy et Pierre Oster.
Le titre du livre est emprunté à une pièce de clavecin de Rameau.
Au-delà du fumet de ce bon pot-au-feu,
Qui s’insinue au loin, une cour étrange,
Pourchasse un petit chien aux longs poils glutineux,
Et tâches de couleurs tirant sur l’orange.
Le monde des dindons court après la frousse,
Qu’il compte lui donner pour ne plus le revoir,
Une dinde blanche, est devenue rousse,
Sous les pots de pigments tombés sur son perchoir.
De sottises en gâchis les heures sont courtes,
Pour ce petit fripon avide de jouer,
Jamais las ni repu se goinfre de tourtes,
Les jeudis de cuisson qu’il peut déjouer.
C’est un petit malin au regard un peu fou,
Qui court après le vent à toute vitesse,
Au rire des enfants qui le rende tout-fou,
L’encourageant toujours aux scélératesses.
Les fruits sont mûrs sans lui, dont la tête est vide,
Et sont tombés depuis dans les confitures,
Mais son cœur débordant d’affection torride,
A grandi tant et plus qu’en lui tout est droiture.
L’automne a ramené, des bois feuilles et boue,
Comme bain de jeunesse admit avec humeur,
Par le carrelage des maîtres de gadoue,
Surnom bien mérité dans ses jeux aboyeurs.
Crinière de cristaux quand l’hiver déboule,
Aux attraits des grands froids et doux flocons fondants,
Les oreilles en sapin, chargés de neige en boules,
Epaisses de glace lui font de lourds pendants.
L’avez-vous reconnu ce charmant coquinou,
Cocker ou bien bâtard il niche dans nos cœurs,
Devine nos chagrins, surgit sur nos genoux,
Nous promène en laisse, indocile et vainqueur.
Claudine QUERTINMONT D’ANDERLUES.
Si sur les mots on veut surfer
Pour affiner notre langage...
Déjà, on pourrait commencer
Par ceux enfuis de nos parages...
Bref, tous ceux qu'on a démodés!
Premier exemple : Lucidité...
Cette lueur dans le regard!
Mais non, il ne faut pas paniquer
Si on le cite, c'est au hasard,
Loin de l'idée de critiquer!
Et puis, un verbe comme : Prévoir!
Là, le regard se fait dément
On n'a pas de temps pour y croire...
Pourquoi pas, en s'organisant?
Il sonnerait comme un espoir!
Naturellement, en vient un autre...
Mais, c'est bien sûr, lui, c'est : Penser!
On a beau faire le bon apôtre...
Celui-là, on ne peut l'éviter,
Obligation de le faire nôtre!
On finira par : Courtoisie...
Et, le regard se fait moqueur!
Pourtant la rime est bien choisie...
Elle pourrait réchauffer les coeurs
En vibrant à nos fantaisies!
J.G.
J'apprend à l'instant la mort du peintre graveur Francis Brichet.
Il fut mon professeur de gravure durant quatre ans, aux Beaux Arts de Bruxelles, le plus humain de tous, en tout cas l'un des plus compréhensifs, il a toujours défendu mon travail, surtout au début quand les autres professeurs ne comprenaient pas que l'on puisse avoir envie de commencer par des sujets réalistes et non pas se lancer directement dans des sujets abstraits.
C'était un bon professeur, et j'aime son travail de peintre.
Malheureusement il est plus connu pour le malheur arrivé à sa fille que pour son travail d'artiste. La disparition d'un enfant dans ces conditions est terrible, durant ces quatre années, j'ai pu voir les ravages que cela peut causer au quotidien. Les moments de désespoir, les moments d'espoir surtout, suivi après d'un profond désarroi.
Je garderai toujours un bon souvenir de vous Mr Brichet.
Peintre-graveur, Francis Brichet était diplômé du cours supérieur de gravure et du cours supérieur en peinture décorative et monumentale de l'Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles dans laquelle il exercera, de 1978 jusqu'en 2003, comme professeur et chef d'atelier du cours supérieur de gravure. Il s'était également vu décerner de nombreux prix pour son travail.
Sa fille, Elisabeth, avait été enlevée à Saint-Servais le 20 décembre 1989 à l'âge de 12 ans. Son corps ne sera retrouvé qu'en 2004.
eau-forte sans titre de Francis Brichet
(article repris de mon blog Histoires d'encres et de papiers)
ROMANIN alias Jean Moulin
Une facette peu connue de Jean Moulin (1899-1943) le célèbre résistant.
Le fait est que cet homme avait une passion pour le dessin et pour la gravure, art qu'il a talentueusement exercé sous le pseudonyme de ROMANIN
un extrait d'une émission consacrée à Jean Moulin alias Romanin
http://www.eclecticprod.com/#/film/338/la-pastorale-de-conlie-de-romanin-jean-moulin
Le musée de Quimper consacre une page à une de ces oeuvres les plus bouleversantes: la pastorale de Conlie.
http://musee-beauxarts.quimper.fr/htdocs/pgoeu1298.ht

Il publiait également des dessins humoristiques dans la revue Le Rire.

Dans les années 1930, il grave huit planches inspirées de poèmes de Tristan Corbière, d'origine Bretonne: "La Pastorale de Conlie".
voici quelques extraits à lire sur :
http://fr.wikisource.org/wiki/La_pastorale_de_Conlie
.....
– Va : toi qui n'es pas bue, ô fosse de Conlie !
De nos jeunes sangs appauvris,
Qu'en voyant regermer tes blés gras, on oublie
Nos os qui végétaient pourris,
La chair plaquée après nos blouses en guenilles
– Fumier tout seul rassemblé...
– Ne mangez pas ce pain, mères et jeunes filles !
L'ergot de mort est dans le blé.
Ce poème évoque un épisode tragique de la guerre de 1870 et des relations entre la Bretagne et la République française.
Sur ordre de Gambetta, des dizaines de milliers de Bretons sont parqués dans un camp, à Conlie, près du Mans.
Les conditions de vie y sont innommables : Beaucoup d'entre eux meurent. Les rescapés sont expédiés, quasiment désarmés, face aux Prussiens. C'est la boucherie.
Jean Moulin/Romanin en tire une eau-forte à la limite du soutenable : des corps d'hommes et de femmes entassés dans une fosse commune, au bord d'un champ de croix de bois à perte de vue..
Une notice très complète de Jean Moulin, artiste est lisible au lien suivant:
http://www.cg06.fr/cms/annexes/jean-moulin/riche.html
Je vous propose donc aujourd'hui d'admirer les huits gravures illustrant le recueil de poèmes ARMOR de Tristan Corbière (1935)








"La légende des siècles" est un recueil poétique de Victor Hugo (1802-1885), publié à Paris chez Michel Lévy et Hetzel en 1859 (première série avec le sous-titre Histoire - les Petites Épopées), chez Calmann-Lévy en 1877 (nouvelle série) et en 1883 (série complémentaire). Une version refondue en 61 sections paraît en 4 volumes chez Hetzel et Quantin la même année.
Si les Contemplations se définissaient comme les «Mémoires d'une âme», ce nouveau recueil, répondant au souhait de l'éditeur Hetzel d'une oeuvre narrative, retrace en une suite d'épisodes marquants, l'Histoire humaine travaillée par deux forces, l'amour et la justice, en lutte avec la volonté de puissance. Par ces 26 000 vers (45 000 si l'on y ajoute la Fin de Satan et Dieu, le triple de la Divine Comédie de Dante et le double du Paradis perdu de Milton), Hugo s'approprie à son tour le projet d'une grande épopée de l'humanité qui hante le XIXe siècle romantique, et dont Vigny (Poèmes antiques et modernes), Quinet (Ahasvérus) ou Lamartine (la Chute d'un ange et Jocelyn, prévus pour l'immense ensemble avorté des Visions), parmi d'autres, ont donné des exemples de réalisation.
La première série comporte 38 poèmes, composés pour la plupart pendant l'exil, parfois amples ("Eviradnus" dépasse 1 000 vers) ou fort courts ("le Temple" et "Mahomet" en ont quatre), et mène en 15 sections très inégales d'«Eve à Jésus» jusqu'au «Vingtième Siècle», puis «Hors des temps», en passant par «la Décadence de Rome», «l'Italie» ou «Maintenant». Elle abonde en pièces célèbres: "la Conscience", "Booz endormi" (I), "Aymerillot" (IV), "le Petit Roi de Galice" (V), "la Rose de l'infante" (IX), "Après la bataille" ou "les Pauvres Gens" (XIII). "Le Satyre" (VIII), «miroir condensateur de la pensée de Hugo» (P. Albouy), met en scène, à travers la difficile libération humaine, le «rayonnement de l'âme universelle», trajet décrit par le poète, porte-parole des exclus, jusque vers l'avenir de "Plein Ciel" (XIV).
Plus contemplative, la deuxième série comprend un poème liminaire, "La vision d'où est sorti ce livre", puis 84 poèmes composés avant et après l'exil, répartis en 28 sections allant de la Genèse au Cosmos, parfois situés à leur place chronologique dans l'édition définitive, mais y formant souvent des blocs non assimilés. On y trouve plusieurs pièces célèbres, comme "le Romancero du Cid" (V), "l'Aigle du casque" (IX), "l'Épopée du ver" (XI) ou "le Cimetière d'Eylau" (XXI).
La troisième série rassemble 39 poèmes disposés en 23 sections explorant l'univers des Enfers à l'Océan, également replacés selon le même principe dans l'édition définitive. S'y trouvent notamment "les Quatre Jours d'Elcis" (VIII), "la Vision de Dante" (XX) et "Océan" (XXII), datés respectivement de 1857, 1853 et 1854.
Dès Odes et Ballades, Hugo avait retracé en vers trois étapes de la civilisation, pour développer ensuite la fresque du génie humain dans la «Préface» de Cromwell et pour travailler en historien l'intrigue de ses romans, de Notre-Dame de Paris à Quatrevingt-Treize. En 1848, il conçoit un vaste projet dont il a déjà écrit plusieurs fragments. Cette entreprise ne lui laisse plus de répit, et il la mène de front avec ses autres ouvrages, au travers de multiples vicissitudes. L'écriture de la Légende des siècles gagne lentement son autonomie dans l'immense production textuelle des années d'exil. "Le Satyre", ce microcosme achevé le 17 mars 1859, donne enfin son unité au recueil, en rendant sensible la marche dialectique de l'Histoire des siècles, et le titre définitif est trouvé. La Préface de 1859 explique le caractère fragmentaire de la première série, et la rattache à la Fin de Satan et à Dieu, «dénouement» et «couronnement» de la Légende des siècles. La structure de ce premier recueil est supérieurement travaillée, mais, par le jeu des interpolations, l'adjonction des deux séries suivantes la perturbe fortement, d'autant que celle de 1877 accentue la satire en multipliant les allusions à Napoléon III et à la proscription. Quant à celle de 1883, elle renforce ce phénomène, et le titre devient une simple commodité, un principe de classement qui affecte le lien organique nécessaire à la constitution d'un recueil proprement dit. L'édition «ne varietur», tout en proposant un ordre chronologique, n'occulte pas le caractère irrémédiablement lacunaire de l'ouvrage. Cependant, des déroulements somptueux y composent des harmonies symphoniques, où, sur un thème donné, varient genres ou types de poèmes. S'entrelacent morceaux épiques, dramatiques, narratifs ou lyriques, où se modifient constamment les formes. On ne saurait même énumérer les mètres et les strophes utilisés. On a pu dire que Hugo déployait avec la Légende des siècles une musique wagnérienne.
L'Histoire se définit comme espace humain, lieu du concret et des mythes. Hugo exerce un perpétuel va-et-vient de la réalité aux constructions imaginaires, en une totalisation vertigineuse éclatée en récits exemplaires ou visions symboliques. Les personnages valent souvent comme types génériques, ainsi ces «Chevaliers errants» (première série, V) qui représentent tous les défenseurs des opprimés. "La vision d'où est sorti ce livre" aurait dû inaugurer le recueil, et l'Épilogue, "la Trompette du Jugement" (première série, XV), lui faire contrepoids, comme "Nox" et "Lux" se répondent dans les Châtiments. Dans cette architecture, on peut rapprocher "le Sacre de la femme" (première série, I) du "Satyre", naissance et renaissance du genre humain: entre ces deux points se déroule la maturation de la religion, l'apparition de l' islam (première série, III), le cycle héroïque chrétien (IV), le combat de la cruauté et de la justice parfois immanente et vengeresse (" Ratbert", première série, VII, "l'Aigle du casque"), la mort des tyrans, le drame des civilisations, le tout présenté en une superbe imagerie romantique, travaillée par enluminure de la couleur locale. Au-delà de l'intervention des héros (Eviradnus, Roland), la justice se déploie dans les accents vengeurs de poèmes comme "Welf, Castellan d'Osbor" (deuxième série, VIII), faisant du recueil un livre de colère.
Cette évolution créatrice n'aboutit pas, dans le premier recueil, à la Révolution: on passe sans transition du XVIIe siècle du "Régiment du baron Madruce" (XII) au XIXe. Cependant, "Maintenant" (XIII) se compose de chants de bonté rendus possibles par les révolutions en cours, bonté du père, de l'enfant, de la femme, de la bête qui n'exclut pas l'héroïsme. C'est que les siècles se confondent, pour engendrer la douloureuse libération humaine. A cette vision historique vient s'ajouter une philosophie de l'univers, où la pensée de Dieu s'énonce dans un culte naturiste de la vie et selon une loi de pitié.
La Légende des siècles illustre superbement la conception hugolienne du poète épique, celui qui résout le problème de «la génération du réel dans l'art» (William Shakespeare). Parlant par paraboles et par hyperboles, il transfigure toute scène en vision légendaire, pénétrée de mystère et d'infini. De l'humain, il s'agit toujours de s'élever au symbole par le surhumain. «Confluent d'Homère et d'Eschyle [...] où Dante se heurte à Shakespeare», comme le disait le projet de Préface, le recueil privilégie le contraste entre les hommes et les tons, les lieux et les époques, mais accumule en même temps les correspondances. La chaîne des êtres, plongeant jusque dans l'invisible, unit l'ordre spirituel à l'ordre physique. Le langage poétique transcrit cette unité par les alliances de mots, où l'abstrait se lie au concret: «La terre avait, parmi des hymnes d'innocence, / Un étourdissement de sève et de croissance» ("le Sacre de la femme", «D'Eve à Jésus»). L'épopée se fait alors lyrique et conforte les correspondances de sens par les effets musicaux. La Légende des siècles dit aussi la gloire de la poésie.
"Au crépuscule" Poème de Joelle Diehl sur extrait de peinture de Liliane Magotte
Un partenariat d'
Vous avez sans doute vu les affiches. Il vous reste deux bonnes semaines pour aller voir la magnifique rétrospective de Constant Permeke au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Cette exposition réunissant quelque 130 œuvres a été organisée à l’occasion du 60e anniversaire de sa mort et se tiendra aux Beaux-Arts jusqu’au 20 janvier.
Chef de file des peintres expressionnistes flamands, Constant Permeke s’intéresse à l’humain (« het menselijke »), aux petites gens, aux travailleurs de la terre et à ceux de la mer. La matière épaisse et la palette sombre soulignent leur condition de vie douloureuse. Permeke inaugure une nouvelle façon de regarder le peuple, refuse les règles et se veut avant tout l i b r e. Il travaille sa « Marine » avec d’énormes brosses gorgées de couleurs terre avec une énergie folle : l’homme est aux prises avec les éléments qui le meurtrissent.
Voici « Marietje » (sa femme Marie Delaere) vue de dos avec châle, pour l’anonymat, peinte en 1907 à Gand dans une tradition encore impressionniste. Une femme qui deviendra un archétype humain. La grossesse est toujours une source d’angoisse dans les campagnes… Toute sa vie, ce peintre volcanique armé de brosses et de matière picturale lourde comme de la lave peindra la femme avec générosité. Son inspiration, Marietje, était une délicate dentelière qui lui donna six enfants dont quatre survécurent. Les émotions du peintre se pétrifient soudain dans le béton et revoilà Marietje symbolisant la fécondité. Permeke fuit l’anecdotique, aime déformer les corps de ses personnages monumentaux. C’est l’émotion qui le pousse dans l’exagération picturale. Il aime leur donner des traits rudes, des épaules carrées et des mains démesurées. Il les faire bouger ou les cloue sur la glèbe avec des pieds de géants. Il dit peindre « ce qu’il croit avoir vu.» Il n’a cure de l’érotisme de l’expressionisme allemand et ne veut rien prouver.
L’exposition suit donc le peintre, l’évolution de son style au rythme des lieux où il séjourne : Ostende, sa ville natale, Gand où il rencontre ses amis Frits Van den Berghe, les frères Gust et Léon De Smet. Puis c’est la communauté d’artistes de Laethem-Saint-Martin jusqu’en 1912. Puis l’Angleterre où il est envoyé pour soigner sa blessure de guerre au siège d’Anvers et où il séjourne 3 ans. Naissent trois enfants. Il découvre Turner, il peint la Moisson dans le Devonshire. Marin le jour pour nourrir sa famille, il peint le soir. Retour au plat pays qui est le sien en 1919. Il a vendu « Les deux frères marins » et le voilà à Jabbeke où il se fait construire une maison et un atelier, transformés en Musée provincial Constant Permeke en 1959.
Regardez cette famille autour de la table au bout d’une journée harassante et le drame de la mort prochaine du 4e enfant. Voici l’homme à table sous la suspension qui lit le journal à la famille « A propos de Permeke » (« Over Permeke ») Une pointe d’humour, c’est de lui que parle le journal ! Une pointe de cubisme semble intensifier l’émotion. Une pointe d’espoir : le nœud vert dans les cheveux de la petite fille et la lumière sur son visage et dans son regard intense ! Mais voyez plutôt ce pêcheur qui continue à avancer. La force vitale de la main et du panier est saisissante.
Plus loin, vous avez « Le mangeur de bouillie » ( « De papeter »). Les personnages sont déformés par le primitivisme et la fatigue mais, miracle, il y a de la lumière intérieure qui se dégage. C’est le chant du terroir: les soins aux bestiaux, les repas rustiques des gens simples , les promenades des dimanches où l'on s'ennuie, les retours de vêpres, la kermesse…
Puis il y aura cette sixième grossesse de Marietje. Le blanc c’est la mort. La toile Maternité (avec enfant blanc, 1929) montre un corps disloqué par le malheur. C’est le drame, mais pas la désespérance. Voyez le cheval du cabriolet, il est d’un jaune solaire. On sert le café. Souvenir de Van Dijk, le chien sous la table est le symbole de la fidélité conjugale. En 1927, il peint cette extraordinaire « Roulotte » de gitans qui vivent de façon libre et primitive. Le père et l’enfant s’arc-boutent pour empêcher la roulotte de s’enliser. Le jaune lumineux est vibrant d'énergie.
En 1936 Permeke se consacre avec fougue à une commande de 100 paysages. Le peintre se fait aider de ses fils… « De ene boer is beter dan den Anderen ! » Humour à la James Ensor dans ce tableau satyrique du nouveau riche. Furieux contre la critique il troque le pinceau pour travailler, avec une force monumentale comme il se doit, l’argile, le plâtre et le béton au ciseau. Son style est vigoureux mais il invite au rêve avec une Belle au bois dormant, toute douceur. Regardez le dessin préparatoire de Niobé, sa sculpture la plus célèbre, le corps féminin forme une longue vague sensuelle. On pourrait comparer ces sculptures avec celles de Maillol.
Las ! La deuxième guerre mondiale fait des Polders une zone interdite. Il se retire à Bruxelles. Ses fils de nationalité anglaise sont dénoncés et emprisonnés. Son art est taxé de « dégénéré » (Entartete Kunst) sous le régime nazi. Une exposition rétrospective de ses œuvres se tient à Paris en 1947-48. Son fils Paul est revenu des camps de travail. Bonheur éphémère, Marietje est atteinte d’un cancer. Il s’en occupe mais n’échappe pas à la dépression. Il lui fait un dernier A dieu noir et blanc, en 1948. Un tableau émouvant où la mort est encore et toujours, blanche comme de la craie.
«Le pain quotidien, Het dagelijkse brood», peint en 1950, exprime la grâce lumineuse du partage dans la détresse la plus profonde. En 1951 il est envoyé par son ami Devlaeminck à Pont-Aven avec son fils Paul. Ils achètent des cartes postales et de retour Permeke peint des paysages bretons de mémoire. Constant Permeke mourra le 4 janvier 1952 et sera enterré quatre jours après aux côtés de sa femme au cimetière de Jabbeke.
Le palais des beaux-Arts de Bruxelles a l’intention de faire circuler cette exposition impressionnante et pour souligner sa pertinence dans notre monde contemporain a tenu à y adjoindre quelques œuvres monumentales paysagères de Thierry De Cordier et des nus de Marlene Dumas.
http://www.bozar.be/activity.php?id=12489
![]() |
Il s'agit d'un jeu théâtral comprenant cri, sottie, moralité et farce et en vers de Pierre Gringore (vers 1475-1538), créé le mardi gras 24 février 1512, et publié la même année.
La devise figurant au frontispice de l'ouvrage: «Tout par Raison; Raison par tout; Par tout Raison» invite le public à écouter sérieusement les Sots qui s'entretiennent joyeusement des affaires politiques de l'époque.
Le cri appelle tous les Sots à se rassembler. On apprend que le Prince des Sots doit tenir sa cour: débute alors une revue des états, à laquelle prennent part nobles, puis prélats, avant qu'apparaisse le peuple, sous les traits de Sotte Commune. Survient Mère Sotte, dont les vêtements symbolisent la papauté; elle expose ses ambitions. Ses acolytes, Sotte Fiance [confiance] et Sotte Occasion, ainsi qu'un astrologue, tâchent de gagner seigneurs et prélats à ses projets. Ceux-là résistent; ceux-ci sont séduits. Ils combattent entre eux jusqu'au moment où l'on découvre Mère Sotte sous le costume de l'Église.
La moralité met en présence Peuple français et Peuple italique, tous deux sommés par Punition divine de se convertir au plus vite et d'abandonner leurs démérites. Tant de réflexion appelait détente: telle est la charge assignée à Doublette, épouse insatisfaite qui préfère les services amoureux de Faire à ceux de Dire, car «dire sans faire, il n'est rien pire».
Comme dans la Chasse du Cerf des Cerfs (1510), Pierre Gringore fait l'apologie de la politique de Louis XII, monarque qui s'emploie à contrer les effets de l'ambition du pape Jules II. Mais le jeu renforce la satire de l'Église: légèreté du prélat qui «mieux se connaît à chasser / Qu'à dire matines», vente des pardons, arrivisme du clergé évoqué sous les traits de Sotte Occasion, ambitions temporelles d'une Église qui fait concurrence au pouvoir du Prince, telles sont les allusions qui font dire que «l'Église a de mauvais piliers». Le peuple, à qui l'on reconnaît un certain bon sens, notamment quand il attaque l'Église, n'est pas épargné dans la satire de Gringore: ses préoccupations matérielles qui lui font soupirer que «faute d'argent, c'est douleur non pareille», son indifférence quant aux questions d'intérêt national lui valent quelque réprobation dont la moralité se fait elle aussi l'écho. Politique, ce théâtre l'est à plus d'un titre: la satire est explicitement au service de l'éloge royal. Louis XII, «lequel se fait craindre, douter, connaître», ennemi de bigoterie, est seul gardien de l'ordre et de la paix. Cette justification valait peut-être d'être précisée en une conjoncture économique difficile que le jeu évoque à plusieurs reprises.
La tension entre les réalités de la vie du temps, rendues avec une certaine licence, et le double masque, que constituent le personnage du sot et l'univers carnavalesque, laissent entrevoir le statut ambigu du théâtre de Gringore, en cet automne du Moyen Age. Le propos sérieux se déploie dans la fête du jeu verbal en un bouquet de calembours, et ce, dans l'immédiate proximité des débordements grivois de la farce justifiés par le pouvoir seigneurial chargé de juger le cas de Doublette à qui son mari demande raison de ses fredaines. «Ce n'est que jeu»: telle est l'expression qui clôt la farce et peut bien renvoyer à l'ensemble de l'ouvrage. Une signature de Sot, qui, quand tout est dit et qu'il va quitter la scène, prétend n'avoir exprimé aucune vérité qui vaille.
"Derniers poèmes d' amour" est in recueil poétique de Paul Éluard, pseudonyme d'Eugène Paul Grindel (1895-1952), publié à Paris au Club des libraires de France en 1962. Cet ensemble regroupe les principales plaquettes de poésie amoureuse publiées par Éluard après Poésie ininterrompue: le Dur Désir de durer, paru en 1946 avec un frontispice de Chagall chez Pierre Bordas; Le temps déborde, publié en 1947 sous le pseudonyme de Didier Desroches aux Cahiers d'Art de Zervos, avec des photographies de Dora Maar et de Man Ray, et réuni au recueil précédent chez Seghers en 1960; Corps mémorable, dont l'originale sous le pseudonyme de Brun est parue chez Seghers en 1947; le Phénix, publié en 1951 chez Guy Lévis-Mano avec des dessins de Valentine Hugo.
En 1946, lassé de la célébrité, Éluard adopte un nouveau pseudonyme, Didier Desroches, mais sa «manière» ne change pas pour autant. Quoique rassemblé par les éditeurs de manière posthume, ce recueil est homogène par l'unité chronologique de composition, puisque les trois premières sections, dédiées à Nusch, datent des années 1946-1947. «Le Phénix», hymne à Dominique, la dernière compagne d'Éluard rencontrée à Mexico en 1949, se rattache à l'ensemble par sa thématique amoureuse, formant un ultime canzoniere. L'ordre suivi n'est pas seulement chronologique: au chant d'amour du «Dur Désir de durer» succède la tragédie du «Temps déborde», traversée du «désert pourri désert livide» après la mort de Nusch, qu'il s'agit de faire revivre par la mémoire dans «Corps mémorable», avant de renaître à l'amour grâce à Dominique dans «le Phénix». Le recueil ainsi conçu retrace donc un itinéraire dialectique - bien que la logique n'en soit pas interne comme dans Poésie ininterrompue - où la mort est vaincue par l'amour.
Le recueil se construit donc autour de l'admirable «Le temps déborde», composé après la mort de Nusch, brutalement emportée le 28 novembre 1946, alors qu'Éluard se soignait à Montana, dans le Valais. Ainsi que l'observe le critique Georges Poulet, l'événement singulier, anecdotique fait irruption dans la lyrique amoureuse d'Éluard, qui jusque-là affranchissait l'amour des lieux et des circonstances pour le vouer à l'intemporel et à l'universel. «Le temps déborde» rejoint ainsi au plan personnel la «poésie de circonstance» collective de Cours naturel et d'Au rendez-vous allemand. Cet événement inacceptable, impensable même, qui faillit plonger Éluard dans la folie, est au coeur du poème, qui tente d'approcher l'indicible:
Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six
Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour
En trop: le temps déborde
Mon amour si léger prend le poids d'un supplice.
Unique dans l'oeuvre d'Éluard, la précision chronologique, faisant écho au «21 du mois de juin 1906», date de la naissance de Nusch évoquée dans Poésie et Vérité 1942, témoigne de l'irruption du «réel» annoncée par Poésie ininterrompue _ de la finitude dans un univers jusque-là optimiste. Le dernier vers, dont le vocabulaire perpétue la tradition pétrarquiste de l'Amour, la poésie, n'est cette fois, ni métaphorique ni hyperbolique. Le sens littéral marque le triomphe de la «dure réalité» sur l'image: à la mort figurée - «mourir de ne pas mourir» - succède la mort effective.
Le topos de la précarité de l'amour se trouve ainsi renouvelé par les circonstances. Par sa méditation douloureuse sur le temps - qui joue un rôle sans cesse grandissant depuis les Yeux fertiles - Éluard retrouve la grande tradition de l'élégie, dont la tristesse n'a d'égal que la simplicité de ton. Mais contrairement aux plus beaux poèmes de Chénier, de Lamartine, de Hugo, le temps poétique n'est pas celui de la mélancolie, nostalgique du passé révolu, mais plutôt de l'«excès», du «jour en trop» qui barre l'avenir, anéantit le présent et, même, invalide le passé: «Le temps me file entre les doigts / La terre tourne en mes orbites», «mon passé se dissout», «Et l'avenir mon seul espoir c'est le tombeau.» D'où l'admirable formulation du décalage: «La vie soudain horriblement / N'est plus à la mesure du temps.»
L'excès du temps arrêtant le cours d'une poésie qui se voulait «ininterrompue», comme l'amour qualifié de «poème vivant», ouvre le royaume des ombres. Éluard, ici encore, reprend les motifs de la poésie élégiaque pour les intégrer à son univers imaginaire, dominé par la lumière et par le regard, dont l'échange est la vie même. La mort de Nusch plonge donc le poète, «ombre dans le noir», dans les ténèbres et la cécité:
Mes yeux soudain horriblement
Ne voient pas plus loin que moi
Je fais des gestes dans le vide
Je suis comme un aveugle-né
De son unique nuit témoin
("les Limites du malheur")
La violence des images s'écarte alors toutefois de la douceur élégiaque, comme l'atteste la fascination pour le cadavre en décomposition de l'aimée mais aussi du poète. Éluard se souvient de la poétique baroque de J.-B. Chassignet («Mortel pense quel est dessous la couverture...») ou de Jean de Sponde («Mais si faut-il mourir...»), abondamment cités dans la Première Anthologie vivante de la poésie du passé:
Doux avenir, cet oeil crevé c'est moi,
Ce ventre ouvert et ces nerfs en lambeaux
C'est moi, sujet des vers et des corbeaux,
Fils du néant comme on est fils de roi
("Un vivant parle pour les morts")
Après avoir tenté de dire non pas tant la mort de Nusch que le retentissement de celle-ci sur la conscience poétique, la poésie est vouée à la mémoire. C'est le propos de «Corps mémorable», qui tente de ressusciter la splendeur du corps disparu que les éléments ont assimilé. L'union cosmique présente dans tous les recueils reçoit ici une signification nouvelle, littérale: «Elle ne vit que par sa forme / Elle a la forme d'un rocher / Elle a la forme de la mer / Elle a les muscles du rameur / Tous les rivages la modèlent» ("Mais elle").
Quant à la dernière section, consacrée à la célébration de l'amour rené de ses cendres - «le Phénix», selon une image fréquente chez Maurice Scève (voir Délie) - grâce à Dominique, elle énonce une dialectique, toute baroque, métaphorisée par le feu. La mort de Nusch y est en effet surmontée par l'amour: «Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille» ("Je t'aime"). Ce nouvel amour par lequel le monde recommence transcende aussi la mort du poète vieillissant, dans son «dernier combat pour ne pas mourir» ("le Phénix"): «L'éternité s'est dépliée» ("Dominique aujourd'hui présente").
"Le pur et l'impur" est un essai de Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette (1873-1954), publié à Paris dans Gringoire du 4 décembre 1931 au 1er janvier 1932, et en volume sous le titre Ces plaisirs aux Éditions Ferenczi en 1932. Le titre actuel est celui d'une version augmentée, parue aux Armes de France en 1941.
Commencé dès 1930, cet essai est, avec Chéri, le seul ouvrage auquel Colette, très sévère à son propre égard, vouait une véritable estime. Il connut, lors de la parution en revue, des difficultés semblables à celles qui advinrent au Blé en herbe: Bunau-Varilla, le directeur de Gringoire, suspendit, sous la pression de ses lecteurs scandalisés par le caractère immoral, selon eux, de l'oeuvre, la publication de Ces plaisirs après le quatrième chapitre.
Le Pur et l'Impur est une méditation, abondamment agrémentée d'exemples, sur le plaisir amoureux. A travers portraits, dialogues, anecdotes et souvenirs, Colette propose une réflexion sur le désir, la jouissance et l'amour tels que les vivent - différemment - l'homme et la femme. Le livre s'ouvre sur l'énigmatique et attachante figure de Charlotte, rencontrée, en compagnie de son très jeune amant, dans une fumerie d'opium. Puis avec le vieux séducteur Damien, Colette s'interroge ensuite sur Don Juan, et se livre à un long examen des amours saphiques. Elle puise pour cela dans ses propres souvenirs - ceux de la période de sa liaison avec Missy, la duchesse de Morny - et s'attarde à décrire deux figures connues, celle de la Chevalière et celle de la poétesse Renée Vivien. Elle évoque aussi, notamment à l'aide du journal tenu par l'une d'entre elles, la vie des demoiselles de Llangollen, deux jeunes filles de l'aristocratie anglaise qui, au siècle dernier, s'enfuirent de chez elles pour partager, durant cinquante ans, une tendre et paisible existence. L'écrivain dépeint ensuite l'homosexualité masculine, radicalement différente des amours de Lesbos. L'ouvrage, après avoir étudié les rouages de la jalousie, se termine par un dernier hommage aux amours secrètes et pures des demoiselles de Llangollen.
Avec le Pur et l'Impur, Colette prétend «verser au trésor de la connaissance des sens une contribution personnelle». Sa réflexion s'étaie sur une expérience personnelle puisée dans la vie ou dans les livres, et que l'auteur évoque à l'aide de récits pittoresques, plaisants et émouvants, exemples destinés à illustrer la démonstration et à convaincre. Ils confèrent à cet ouvrage un tour concret qui en constitue le charme mais en approfondit aussi le sens: Colette cherche moins à proposer des vérités universelles et figées qu'à étudier les méandres mystérieux et complexes du comportement humain.
Pudique et vrai, ce livre, qui «tristement parlera du plaisir», sait faire fi des préjugés mais évite toujours l'écueil de la complaisance et du voyeurisme. Au fond, n'en déplaise aux pudibonds et obtus lecteurs de Gringoire, le Pur et l'Impur est un ouvrage très moral. Colette y présente moins le plaisir comme une fin en soi que comme une quête de la plénitude et du bonheur, en somme du véritable amour. Ainsi, Charlotte, qui feint le plaisir avec son jeune amant, fait preuve d'une abnégation et d'une délicatesse amoureuses exemplaires: rien de pervers dans cette attitude mais, au contraire, un tact et une tendresse extrêmes. De même, c'est comme malgré elle que la Chevalière inspire aux femmes le désir, car «la séduction qui émane d'un être au sexe incertain est puissante». «Ce qui me manque ne se trouve pas en le cherchant», confie-t-elle à l'amante dont «la petite main impure» veut l'entraîner vers le plaisir.
C'est cette soif d'un absolu encore à découvrir qui transmue l'impureté en pureté. Le Pur et l'Impur n'est ni un traité ni un plaidoyer mais véritablement un essai, au sens où l'entendait déjà Montaigne, c'est-à-dire le fruit des expériences d'une vie ainsi qu'une quête de la sagesse qui ne s'immobilise pas sur des certitudes définitives. Au terme de ses analyses, Colette, qui a contribué à lever certains préjugés à l'égard d'attitudes trop vite taxées d'«impures», avoue humblement que le pur, entrevu, demeure encore hors d'atteinte. Après avoir cité ces mots de l'une des demoiselles de Llangollen qui vient de perdre son amie - «Notre infini était tellement pur que je n'avais jamais pensé à la mort» -, elle laisse son livre ouvert sur une poétique aporie: «Le mot "pur" ne m'a pas découvert son sens intelligible. Je n'en suis qu'à étancher une soif optique de pureté dans les transparences qui l'évoquent, dans les bulles, l'eau massive, et les sites imaginaires retranchés, hors d'atteinte, au sein d'un épais cristal.»
Je ne laisserai pas endormi ton esprit,
Immergées tes raisons dans un épais silence,
Égarés les apports de ton intelligence.
Je me sens apaisée et crois avoir compris.
Doux ami, tu n'es pas devenu qu'une chose,
Sans beauté, périssable, abandonnée, sans prix.
Ta ferveur semble intacte en tes nombreux écrits,
Ton âme repoussait l'ennui rendant morose.
Je t'accueille chez moi, où tu restes présent.
Tu vivais à Paris, ville à longue distance,
Ton portrait qui faisait échec à ton absence
Défie certes le temps et le vieillissement.
En mains, un téléphone, attentif, tu écoutes.
La photo a fixé un décor, une pose,
Un instant de ta vie, ailleurs, pour une pause.
Nous avions fait ensemble un bon bout de la route.
Puisque je suis en vie, je fais, ce jour, le voeu
De sauver par mes soins l'amitié amoureuse,
Qui me rendit longtemps créative et heureuse.
Je ne voudrais pas voir s'étouffer un beau feu.
4 janvier 2013
Parce qu'au bout du temps
Le soleil se couchant
On ne veut plus souffrir
Surtout ne pas gémir...
Parce qu'en y pensant
La révolte va grondant
On a appris enfin...
A ignorer demain!
Parce que rien n'est fini
Tant qu'en nous brûle la vie
Son pouvoir nous surprend...
Le regard dans le vent!
Parce que le mérite
Un beau jour nous invite
A brutalement pensé...
Qu'on est digne d'être aimé!
Parce que liberté
Cesse d'être un mot rêvé
Mais devient le moteur
Qui brûlera nos peurs...
Parce qu'être une femme
Se décline sur une gamme
Dont la force va croissant...
S'approchant du néant!
Parce qu'abandonner
Non plus que renoncer...
Sont des mots vides de fièvre
Qui ne franchissent pas nos lèvres...
Nous sommes depuis toujours
Le refuge de l'amour
Dans une continuité
Qui ne cesse d'étonner!
J.G.
