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Parle-moi de toi. JGobert

 Viens t’assoir près de moi, sur ce banc qui a entendu tant de confidences et de secrets, sur lequel nous avons si souvent rêvé notre vie.
Parle-moi de toi et de ce qui t’obsède, de ce mal qui te ronge, de tes silences assassins.

Parle-moi de moi, de ma peine, de mes sentiments perdus, du temps d’avant et de ces jours présents à ne savoir que faire.

Parle-moi de nous et de ce monde étonnant que nous reformions sans cesse avec tant de ferveur et de la vie qui s'y inscrivait merveilleuse.
Devant ce vieux miroir éteint, l’image jaunie d’un bonheur perdu que le temps des mensonges a effacé.
Toi, moi, et nos mains séparées, égarées dans des vies oubliées, dans des vagues d’incompréhension, d’indifférence.
Parle-moi de cette histoire qui devait durer toujours, que du bout des doigts, elle a touché, troublé mille fois en rêve.
Parle-moi de toi, de moi et de nos désirs engloutis dans le tumulte d’une vie trop active, trop pressée.  De toutes ces années devenues muettes que le renoncement a envahi et détruit.
De ce bonheur facile qui a échappé à nos esprits épris de liberté et qui ne laisse que des plaies douloureuses, de ces départs tueurs qui ont abattu notre histoire.
Parle-moi de ce plaisir perdu, tendre et joyeux qui nous a fait tourner la tête le temps d’été, de ce bonheur cueilli d’espoir et d’amour.
De nos engagements que les jours ont réduits en poussière. De tous ces regrets de n’avoir pas été plus vigilant envers nous-même et d’avoir laissé s’échapper l’essence même de notre vie. Que toi et moi, nous avons précipité dans l’automne de la nuit.

L’image de deux créatures blessées, mutilées qui jouent, frôlent par moment le désespoir et la haine.
Cette façon de cacher au visage du monde le mensonge et l’échec derrière des larmes contenues.

Parle-moi du temps qui nous reste, toi et moi et dis-moi que nous le voulons ensemble malgré tout, pansés, recollés de toute part. Une histoire nouvelle renaissant de cendres encore chaudes.
Parle-moi du printemps qui arrive et de cette douce chaleur qui envahit le monde.
De ta main prenant la mienne sur ce chemin de campagne.

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  QUAND LE MYTHE S’INCARNE DANS L’ART : L’ŒUVRE D’ODILE BLANCHET

Du 20-10 au 06-11-16, s’est tenue à l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), une exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste française, Madame ODILE BLANCHET, intitulée INTERSTELLAIRE.

L’expression picturale de cette artiste repose non pas sur une tradition mythologique que le ressassement par l’esprit a rendu « classique » mais bien par l’envol créateur que la profondeur de son approche personnelle suscite. Cet envol créateur est, notamment, provoqué par l’élasticité des figures mythologiques étirées par la tension plastique à l’origine du mouvement.

MORGANEZ (80 x 120 cm- acrylique sur toile)

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nous offre un décorum céleste, campé en son milieu, par un personnage féminin dont nous ne voyons que le buste, lequel étire ses bras de telle façon que ceux-ci se confondent dans un chromatisme à dominante dorée (en dégradés), lui conférant ainsi l’envol d’un génie ailé. Techniquement parlant, cette figure féminine s’inscrit dans un réseau de raccourcis, lesquels, dans un premier temps, figent le personnage au niveau du buste et de la tête, pour le libérer dans un geste ascensionnel par l’étirement des bras, tendus vers le haut, formant ainsi des ailes culminant avec le soleil. Ces raccourcis se perçoivent à hauteur du buste dans une ligne qui le comprime, mettant en relief les seins du personnage, tout en alternant le mouvement du torse entre le profil et le trois quart. Du cou, inexistant, surgit un visage conçu de profil dont les attributs sont absents. L’absence, volontaire, du cou permet au visage de reposer sur un fin trait duquel prend naissance son bras gauche. La chevelure, tirée vers le haut, offre au bras droit, à peine perceptible, une assise lui assurant son envol vers un chromatisme extrêmement travaillé, évoquant le déploiement de l’aile, typique de la Niké grèque. Une constante régit l’œuvre de l’artiste : la présence physique d’une matière largement travaillée. L’univers mythologique de l’œuvre est agrémenté d’une paire de masques sur la droite de la toile, vers le bas, personnifiant des Gorgones,

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reconnaissables à cette matière, à la fois compacte et filandreuse, évoquant des serpents. Bien que les personnages appartiennent au monde gréco-romain, leur conception plastique pourrait, esthétiquement, être considérée comme un clin d’œil à la Commedia dell’Arte, par conséquent à la Renaissance italienne. Une autre figure, « mythologique » au sens qu’elle est issue de la mythologie personnelle de l’artiste (vers le haut à gauche de la toile), fait irruption sous la forme d’un profil pouvant évoquer le museau de cheval, symbolisant l’image du « Naissant », dont le graphisme est proche de l’esthétique d’un Chagall.

Cela se perçoit essentiellement par la finesse d’exécution du museau, longiforme, tout en délicatesse. Il s’agit d’un cheval descendant en droite ligne de l’imaginaire de l’artiste, lequel n’a rien de commun avec un graphisme qui s’efforcerait de respecter ses proportions morphologiques originales.

Il est intéressant de noter que les seuls personnages à avoir des traits faciaux sont les masques et le cheval. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la femme, elle, en est privée. Les masques, même conçus comme tels, évoquent par leur traitement graphique, des visages anatomiquement humains : le nez, la bouche et les joues sont délimités par un réseau de traits au fusain, finement ciselés et fortement appuyés, mettant en exergue le grand talent de dessinatrice de l’artiste. Notons, néanmoins, cette constante, à savoir qu’à toutes les époques, de l’Antiquité classique à nos jours, les traits du visage de la Gorgone ont toujours été extrêmement prononcés et précis.

Une vaste note brune (en dégradés) s’étale sur le museau du cheval, lui laissant au niveau des yeux et des narines, traités en noir très vif deux zones, restituant la réalité morphologique qui lui sied. MORGANEZ est une œuvre « bouillonnante ». Le mouvement qu’elle dégage est le résultat du mariage rythmique entre la forme et la couleur. Le jaune, à outrance, se mêle au bleu, au vert et au rouge vif, formant ainsi l’image mythologique du ciel en convulsions, vers lequel tend l’ensemble de la composition.

PSYCHE (100 x 80 cm-acrylique sur toile)

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Avec cette œuvre, l’artiste réinterprète une thématique qui fit fureur pendant toute l’Histoire de l’Art, depuis l’Antiquité classique en passant par Raphaël jusqu’à Canova, pour trouver son heure de gloire dans l’Angleterre des préraphaélites (19ème siècle) avec, notamment, les œuvres de Waterhouse ou de Burne-Jones. A la période romantique (18ème siècle), des artistes tels que le sculpteur italien Canova, ont immortalisé l’étreinte amoureuse entre Amour et Psyché dans une posture délicieusement charnelle. En matière de peinture, Amour s’est souvent manifesté sous les traits d’un « putto », un ange-enfant se blottissant contre Psyché.

Ici, l’artiste revient aux origines mythiques de la nymphe sur son rocher mais dans une écriture contemporaine, en lui conférant une angoisse existentielle exprimée dans une vision du souvenir à jamais perdu.

Ce souvenir, est pour ainsi dire, guidé par les yeux de la femme-Psyché, à demi-nue, tournés vers la gauche.

En fait, elle n’existe que par le regard, les autres attributs du visage étant absents. Elle regarde. Mais que regarde-t-elle, en réalité ? Elle regarde un reflet qui se profile derrière elle rendu silhouette. 

De plus, voilà qu’au détour d’un coin, vers le haut à gauche, apparaît un deuxième reflet qui se dérobe au regard. Dans cette œuvre, deux éléments créent le rythme, à savoir le contraste saisissant entre la couleur chaude partant du bas de la toile inondant la femme et les teintes ternes, attribuées aux reflets. Les teintes chaudes centrées sur le jaune et le bleu sont fortement marquées par la présence de la matière incrustée, par rapport à la pâleur presque cadavérique des reflets, constitués de vert et de bleu, à peine émoussés au chiffon, pour rendre la forme évanescente. Ensuite, le rythme s’affirme par le traitement du buste de la femme, plongé dans la chaleur chromatique des teintes chaudes. Il y a une compression rythmique à partir du buste du personnage, produisant le sentiment d’une légère surélévation entre l’épaule gauche (droite pour le visiteur) et celle de droite (gauche pour le visiteur). Cela constitue un véritable tour de force, car en réalité, il n’en est rien. Tout en conservant les épaules au même niveau, son bras droit, légèrement avancé par rapport au gauche, amorce une cassure rythmique, à l’origine d’un mouvement donnant au buste une légère rotation de trois quarts. Le tout étant appuyé par la posture directionnelle du regard de la femme ainsi que par son visage, légèrement tourné vers sa gauche. Quel discours véhicule cette œuvre ? Les reflets, derrière la femme, évoquent les souvenirs d’un amour perdu. Le troisième personnage (celui qui s’apprête à  fuir au regard), est en réalité l’être aimé, personnifié en une créature hybride, se perdant dans la brume de la mémoire. Consciemment ou non, l’artiste renoue avec le mythe original, en ce sens qu’une fois emportée de son rocher vers un palais merveilleux, Psyché rencontre un être mystérieux qui lui promet un amour éternel, à condition qu’elle ne cherche pas à voir son visage. De fait, le visiteur ne l’aperçoit pas non plus.

Dans le mythe, le personnage mystérieux est hideux, sur la toile il est hybride, ou pour mieux dire, hermaphrodite, car son dos masculin est couvert d’une longue chevelure féminine. Il n’y a plus d’approche charnelle entre Psyché et Amour mais bien un rapport basé sur la mémoire, elle-même à la base de toute construction mythologique. Le personnage de Psyché, tout en demeurant mythique, échappe au récit classique en s’auto psychanalysant : elle se retourne sur un passé qui fut le sien et ne cesse de fuir. D’où sa participation à la tragédie contemporaine. Dans le bas à droite, un détail se laisse percevoir : la présence d’une page d’un livre. Ce détail est un rappel à la mémoire active qui raconte le mythe de Psyché sur son rocher.  L’artiste a voulu, en partant du bas, effectuer un passage allant de la matière symbolisant la terre (la solidité, la stabilité), pour rejoindre, vers le haut, le domaine du lisse, de la douceur du souvenir à jamais enfoui. Cette quête de la douceur révèle, néanmoins, une tentative d’espoir dans le traitement plastique du récit, ce qui nous renvoie à l’interprétation néo-platonicienne du mythe, à savoir un message d’espérance.

L’HEURE BLEUE (97 x 130 cm-acrylique sur toile)

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. Il y a comme une transition stylistique dans l’œuvre de l’artiste, en ce sens qu’à partir d’un même style, émerge une deuxième écriture.

Une écriture faite de réminiscences rappelant les « collages » des années ’20. En effet, des extensions en papiers apportent à la composition une esthétique qui déroute le visiteur.

L’HEURE BLEUE comporte sur sa droite (en haut et en bas), des fragments de plans de villes, associés à des zones chromatiques réalisées par collages, conçues de couleurs différentes. La philosophie des couleurs demeure la même : des teintes vives, proches du fauvisme, avec dans cette œuvre une dominante bleue enveloppant les autres teintes, traitées de façon à ce que celles-ci soient subordonnées à la couleur dominante. Aucune d’entre elles ne dépasse en intensité la teinte enveloppante. Dès lors, quelle surprise de voir, sur la gauche de la toile une série de constructions cubiques conçues en des proportions différentes.

Bien qu’elles soient parfaitement alignées, elles distillent un goût d’inachevé. Cela est dû au fait que chacune appartenant à cette série est encadrée à l’intérieur d’une zone particulière.

Centrée au cœur d’un univers froid, dominé par le gris, une construction géométrique, basée sur le module du rectangle, nous dévoile la façade d’un immeuble comportant dix fenêtres qui scandent le rythme d’un mur blafard. En bas, une deuxième zone oppose une série de maisonnettes dont trois d’entre elles sont surmontées d’une toiture de couleur noire, rappelant l’atmosphère d’un hameau. Malgré l’absence de voiles ou de vagues, cette composition exhale un parfum de mer.

Cela s’explique à la fois par la puissance que le bleu a sur notre imaginaire mais aussi parce que la scène se déroule dans un paysage breton. Une fois encore, la mythologie personnelle de l’artiste l’emporte sur le reste. La présence de fragments de plans de villes provient d’un souvenir pénible, celui d’un tremblement de terre que l’artiste vécut au Guatemala avec son mari, il y a des années. Ces fragments cartographiques sont à la fois, les résidus que le phénomène tellurique a laissés de la ville qu’il a ravagée, mais aussi des peurs non assouvies ressenties par l’artiste. D’autre part, le titre de l’œuvre (L’HEURE BLEUE) définit en réalité, l’heure du matin, plongée dans l’incertitude de ce que sera le jour : fera-t-il beau ou pleuvra-t-il ? La série des éléments architecturaux cubiques traduisent, à la fois l’amour de l’artiste pour le cubisme mais aussi ce qui est ressenti par elle comme une particularité bretonne, à savoir une uniformité presque maladive d’une certaine forme d’habitat local. Ce qui traduit dans son discours la présence d’une menace.

Cette même écriture se retrouve dans la réalisation de TOHU BOHU (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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où nous constatons cette association de peinture et de collages, à l’intérieur d’un univers au désordre extrêmement maîtrisé. Des fragments de plans de villes évoluent avec des zones aux couleurs incandescentes, alternant avec des teintes plus douces, particulièrement au bas de la toile.

Il y a dans l’œuvre d’ODILE BLANCHET une tentation de la forme révélée par une abondance de couleurs insufflée dans la plasticité de la matière.

La dimension mythologique, l’artiste la traduit de façon « biblique », selon son expression, voulant insister par là sur le côté « cosmologique » du créé. Sa peinture traduit les temps du « commencement ».

Et comme pour tous débuts, elle se questionne sur l’origine mytho-physiques de ces débuts, que l’on retrouve dans la personne de la Femme, la matrice de laquelle est issu le créé. MORGANEZ (cité plus haut), est une expression bretonne signifiant : « Née de la mer ». Elle distille une douceur maternelle, signifiée par cette image du « Naissant » exprimée dans les traits du profil d’équin. Tandis que la douceur maternelle confine avec la lumière céleste.

L’artiste qui s’exprime à l’acrylique, a suivi trois années d’études aux Beaux Arts de Clermont-Ferrand, sans pour autant porter son cursus à terme, pour éviter le professorat. Après un intervalle de dix ans, elle a renoué avec la peinture en repartant de zéro. Son talent de dessinatrice (révélé dans le traitement du visage des Gorgones de MORGANEZ – cité plus haut), s’est affirmé après avoir suivi un atelier de dessin pendant sept ans. Par conséquent, elle possède une formation académique, à la base, tout en poursuivant son parcours en tant qu’autodidacte. Ses influences sont multiples, de Chagall en passant par de Chirico, tout en vouant une véritable admiration à Picasso pour sa liberté créatrice.

Le titre de son exposition : INTERSTELLAIRE n’aurait pu mieux convenir, car il résume parfaitement la conception, à la fois cosmique et créatrice de la peinture : à l’instar de l’étoile, la peinture est un concentré de matière en perpétuelle errance, à la recherche constante de sa propre vérité.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Odile Blanchet et François Speranza  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(6 novembre 2016 photo Robert Paul)

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Signature d'Odile Blanchet

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Exposition Odile Blanchet à l'Espace Art Gallery en octobre-novembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

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L’IDEE, ARCHITECTURE DE LA FORME : L’ŒUVRE DE BERNARD BOUJOL

Pour son dernier vernissage avant son déménagement au 83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles, l’ESPACE ART GALLERY a consacré, du 22-03 au 22-04-18, une exposition dédiée au peintre suisse, Monsieur BERNARD BOUJOL, intitulée AU FIL DU TEMPS.

L’art de BERNARD BOUJOL se concrétise avant tout par la maîtrise de l’artiste sur la matière. Il apparaît, à la vue de son œuvre la conscience de la matière créée. Mais que l’on ne s’y trompe pas! Ce n’est pas la matière pour la matière mais bien la matière au service de l’imaginaire. Elle propose des formes et le visiteur les interprète au fil des couleurs. Car formes et couleurs (souvent fort vives) ne font qu’un.

Ce large espace qu’est la toile se résume, à première vue, par une plage de couleur verte où la tonalité se décline en dégradés sur une toile traversée en son milieu par une diagonale bleue. Il s’agit d’une coupe en plongée d’une zone géographique traversée par un long cours d’eau. Lorsqu’on se penche sur son titre, l’on remarque que le tableau s’intitule AMAZONIA. Mais déjà le simple fait d’être confronté à cette vaste étendue verte, fait que l’idée de la coupe géographique vient s’introduire dans l’esprit.

      AMAZONIA (80 x 80 cm-pigments naturels) 

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Idée et forme font que les œuvres atteignent souvent une dimension cosmique.

Avec SPIRALE et NOCTURNE INDIEN nous atteignons le cosmos par la magie du chromatisme bleu nocturne qui parsème le ciel de variations sur le bleu et le noir.

NOCTURNE INDIEN (60 x 60 cm-pigments naturels)

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donne la sensation, à partir de l’avant-plan noir, d’une fenêtre ouverte sur la nuit, basée sur la dominante bleue avec des effets tachistes noirs, blancs et rouges, donnant le sentiment d’avoir été conçus comme une coloration par projection. Une sorte de léger « dropping » extrêmement contrôlé.  

   

      SPIRALE (80 x 80 cm-pigments naturels)

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se définit par un mouvement rotatoire, appuyé par de fins traits blancs, accompagnés de légères touches blanches associées aux cercles reprenant leur trajectoire. Une note jaune à l’intérieur d’un carré de petites dimensions amplifie le mystère de la création cosmique.

Idée et forme s’interpénètrent dans LA CROISEE DES CHEMINS où deux chemins, réalisés volontairement de façon fruste, se croisent sur la partie gauche de la toile, submergée par une vaste étendue jaune (en dégradés) pouvant engendrer dans l’imaginaire du visiteur l’idée d’une vacuité tangible.

      LA CROISEE DES CHEMINS (60 x 60 cm-chaux et pigments naturels)

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L’artiste étant architecte de formation, cela se constate dans EQUILIBRE PRECAIRE. Nous avons le sentiment de nous trouver face à une construction mégalithique, soutenue par une base puissante qui s’élève en s’affinant, jusqu’à ne compter plus qu’un élément lithique terminant la composition. Ce qui singularise cette œuvre, réside dans le fait qu’elle est suspendue, en diagonale, dans les airs. Trois niveaux chromatiques structurent la composition :

  • brun, en dégradés, à l’avant plan
  • brun-clair au centre
  • blanc terminant l’ensemble

Ceci n’est pas un hasard car ces trois niveaux chromatiques « neutres » mettent en exergue la dimension cyclopéenne du mégalithe. L’équilibre, même précaire, est là pour soutenir l’ensemble, pouvant se disloquer à tout moment. L’équilibre n’est pas statique. Il est tributaire des lois physiques. Et la dimension cosmique revient : cet ensemble lithique pourrait aisément passer pour un ensemble de météorites en équilibre dans l’espace. La forme est à la fois abstraite et figurative. Mais ici le figuratif prend des dimensions abstraites. Mais que faut-il entendre par « abstraites »? S’agit-il de formes culturellement ininterprétables? Pas forcément. Car aujourd’hui, les formes ont acquis un langage que la psychanalyse a rendues, sinon universelles, du moins accessibles grâce, notamment, à un vocabulaire onirique, lequel permet à chacun une interprétation personnelle, axée sur l’intime. Comme il l’affirme lui-même, l’artiste « détourne » le figuratif en abstrait.

      EQUILIBRE PRECAIRE (60 x 60 cm-pigments naturels)

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Un exemple flagrant se matérialise avec LES TROIS SŒURS dans lequel trois formes verticales et statiques sont placées en bas sur la gauche du tableau. Trois formes pour trois couleurs : bleu, rouge et vert. La matière explose, pour ainsi dire, à partir d’un fond noir. Elle se présente carrément « brodée » comme du tissu.

Les trois formes s’inscrivent à partir de l’arrière-plan noir comme des figures sculptées au couteau sur l’écorce d’un arbre. Les motifs « brodés » semblent avoir été incisés en relief, conférant à l’œuvre le caractère métallique d’un fer forgé.

Une caractéristique de l’artiste s’exprime dans le fait que la peinture s’étale sur la surface entière jusqu’à déborder sur les côtés. Cela traduit une volonté de prolonger l’œuvre à l’infini et non de la circonscrire aux limites de l’espace scénique.

      LES TROIS SOEURS (60 x 60 cm-pigments naturels)

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      AVANT LA NUIT (80 x 80 cm- chaux et pigments naturels)12273281653?profile=original

AVANT LA NUIT représente une gestation se déroulant sur trois plans :

  • l’étendue de la mer touchant une ligne d’horizon très haute, à l’avant-plan
  • les feux du crépuscule, dans la zone médiane
  • le ciel conçu comme un cosmos étoilé, à l’arrière-plan

La gestation se produit au moment où la mer et le ciel (tous deux d’un noir intense) « accouchent » de ce magma chromatique, composé de rouge et de jaune vifs. Ce magma de couleurs signifiant le crépuscule est souligné par un long trait blanc matérialisant le volume de la forme. Malgré un calme apparent, il s’agit d’une œuvre d’une grande nervosité visuelle. A’ ce stade, l’artiste nous entraîne deux siècle en arrière dans l’élaboration du crépuscule, lequel possède le même chromatisme tourmenté d’un Turner. Sauf qu’à la différence du peintre anglais, la scène ne se déroule pas en plein jour mais juste « avant la nuit ». Les couleurs usitées par l’artiste sont généralement très vives carrément fauvistes dans leur conception expressive. Le rouge, le jaune vifs, le bleu obscur expriment une rare force. Le noir est également présent. Mais contrairement à la fonction que lui attribuent la majorité des peintres, il ne sert pas à faire ressortir le sujet de façon violente. Il se limite à mentionner sa présence en tant que « personnage » complétant l’ensemble (à l’exemple des LES TROIS SŒURS et NOCTURNE INDIEN, mentionnés plus haut). AVANT LA NUIT symbolise la rencontre charnelle entre deux univers : la mer et le ciel de laquelle émergent les feux du crépuscule. Dans l’évolution de l’histoire de l’Art, la couleur jaune a le mieux été interprétée par deux peintres, respectivement, Turner et Van Gogh.

La dimension passionnelle qu’elle dégage a considérablement influencé la peinture du 20ème siècle. Il y a dans la couleur jaune (comme dans les autres tonalités) une mythologie qui remonte au tréfonds des civilisations. La lumière et l’or jouent notamment une part considérable dans cette mythologie car ils symbolisent dans l’esprit humain les notions de pureté et d’incorruptibilité.  La lumière joue un rôle capital dans la naissance de l’image. C’est elle qui détermine sa viabilité. Eliminez la lumière et l’image n’existe plus. Faut-il rappeler son rôle lors de la première étape cosmologique vétérotestamentaire ? « Que la lumière soit ! » Quant à l’or, il possède une fonction philosophique plutôt contradictoire : depuis l’Antiquité classique et proche-orientale, il symbolise le pouvoir par le biais de sa nature organique, au fil du temps, incorruptible…alors qu’il n’y a rien de plus corruptible que le pouvoir! Mais la couleur jaune possède aussi une dimension de joie de vivre et d’exaltation (Van Gogh). Cela dit, comme nous l’évoquions plus haut, une concentration excessive de cette tonalité met en exergue la consistance passionnelle de l’âme humaine pouvant atteindre l’abîme (Turner).

Le crépuscule d’AVANT LA NUIT est composé de deux tonalités, à savoir le jaune et le rouge, faisant partie de ce que l’on nomme « les couleurs primaires »  (la troisième étant le bleu). La symbolique du rouge est celle du feu, du changement d’état mais aussi du sang, c'est-à-dire de la vie. Le crépuscule émerge à partir de trois éléments évoquant le chaos : le noir du ciel, signifiant la profondeur, le noir de l’eau considérée dans beaucoup de cosmogonies comme étant l’origine du monde à l’état anarchique, en pleine germination. De cette pénétration naissent les derniers feux du jour. Comme un cri avant la nuit.

L’artiste met en exergue la dimension cosmique et terrestre, l’une participant de l’autre.

Mais à ce stade, il est impératif de souligner l’erreur éventuelle que pourrait commettre le visiteur, laquelle serait de passer devant ces peintures trop rapidement, sans prendre le temps de s’arrêter systématiquement devant chacune d’entre elles. Car le sentiment d’être « envahi » par la maîtrise technique de l’artiste pourrait l’emporter sur son discours.

BERNARD BOUJOL est un peintre qui exploite la technique jusqu’à ses dernières limites pour arriver à concrétiser une idée. D’où cet appel à cette même idée demandée au visiteur par l’artiste (évoquée plus haut) pour concrétiser l’œuvre dans son existence à la fois charnelle et visuelle. Il y a, au contact d’une peinture de cet artiste, une adéquation émotionnelle et tactile entre l’œuvre et l’idée. Entre l’idée et l’œuvre par le biais de la forme. Contrairement aux apparences d’une première approche, il ne s’agit aucunement d’une peinture « intellectuelle ». Tout part et aboutit au ressenti.

Ayant fréquenté l’Ecole d’Architecture de Genève, l’artiste possède la formation d’architecte. Cela se remarque, notamment, en observant des œuvres telles qu’EQUILIBRE PRECAIRE. Son premier choix fut celui de faire de la peinture. Néanmoins, acceptant de suivre le conseil de ses parents pour qui le métier de peintre n’avait aucun avenir, il se tourna vers l’architecture et la pratiqua pendant quarante ans. Arrivé à un stade où le besoin de peindre se fit sentir, il se consacra entièrement à la peinture, sans pour cela devenir un « architecte qui peint ». Il dut pour cela « désapprendre à dessiner », comme il le dit lui-même, pour en finir avec les plans et les droites, afin de trouver sa propre liberté d’écriture picturale. Ceci dit, l’architecte n’a pas totalement disparu. Vous aurez remarqué que souvent, en indiquant sa technique, il est fait mention de pigments naturels accompagnés de chaux. Cette chaux est une réminiscence de l’architecture du Moyen Age. Les bâtisseurs l’utilisaient énormément pour consolider les éléments des cathédrales. Le peintre s’en sert comme fond fin pour absorber l’humidité ambiante une fois que les pigments recouvrent l’espace de la toile. A’ travers le pigment, la chaux réagit à l’humidité ambiante pour épaissir la couche. Le choix des pigments est capital, en ce sens qu’il les choisit naturels. Pour cela, il lui est arrivé d’aller jusqu’en Inde pour en trouver.

L’abstraction est pour lui une façon de se défaire de l’architecture en tant que tentation picturale. En détournant le figuratif de son signifié culturel, il entame une démarche qui fluidifie la forme et la soustrait à un vocabulaire préconçu. 

Cela se perçoit d’autant mieux si l’on considère le fait qu’il ne prend jamais de photographies comme support de travail.

BERNARD BOUJOL se sert de la mémoire comme miroir déformant une réalité à déconstruire pour la recréer. Néanmoins, même s’il est établi que l’artiste n’est pas un « architecte qui peint », n’y a-t-il pas dans le tréfonds de chaque peintre la flamme du démiurge, organisateur de son univers, déformant à volonté l’architecture d’un monde révolu?   

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Bernard Boujol et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles. 

       

                                                         Une publication
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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul.

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Signature de l'artiste Bernard Boujol

Collection "Belles signatures"  © 2017 Robert Paul

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Photos de l'exposition à l'ESPACE ART GALLERY

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Bienvenue

Ô vous tous qui passez au devant de ma porte,
Enfants de misère, compagnons de la lune,
Si le frimas vous glace, si la peur vous emporte,
Entrez sans sonner car notre vie est commune!

Et vous, poètes fous que l’on voit passionnés
Sur le flanc de le muse, votre seule fortune,
Quand tous ignoreront vos mots, chez moi, laissez
Entrer cent sonnets car notre vie est commune!

A vous oiseaux d’hiver qui cherchaient un abri,
Finissant votre vol au gré de l’infortune,
Je vous offre mon toit, mon salon et mon lit !
Entrez, sansonnets, car notre vie est commune!

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Il s'avère que des membres me questionnent au sujet de 2 zones du réseau qu'ils savent consuler, mais non commenter ou publier.

La première zone se trouve au milieu de la page de garde du réseau. C'est une zone de remarques qui m'est excusivement réservée. Toute spéciale car elle apparaît directement lors de l'arrivée de tout visiteur. J'y place généralement des petits textes de membres, ainsi que des vidéos et des oeuvres de membres, documents que j'estime devoir mettre ainsi en lumière. 

La deuxième zone de publication exclusive  se trouve être la colonne de droite. C'est un emplacement particulièrement précieux, car il apparaît sur  chaque page du réseau. 

J'y place en premier lieu des liens et logos d'organisations pour lesquelles j'ai de l'esime, comme par exemple Child Focus.  D'autres avis et liens comme les rencontres littéraires de Bruxelles que j'ai initiées. Etc...

Voilà donc les 2 zones d'exclusivité édiroriale que je me réserve.

Tout le reste du réseau est accessible aux membres pour s'exprimer au moyen de riches outils éditoriaux: billets de blogues, vidéos, espace de téléchargement de photos d'oeuvres, tant visuelles que musicales.

Voila donc la structure du réseau un peu plus explicitée.

Ne manquez donc pas de vous en servir.

Robert Paul   12273375285?profile=original

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12273213256?profile=originalCréation de printemps

Je voudrais écrire le printemps

avant qu'il éclose

les fleurs éparpillées

comme des friandises

les fragments bleus

dans les branchages neufs

les averses du cerisier

sur l'herbe nue

le soleil bas dans le ciel

la lumière qui s'attarde

Je voudrais écrire un printemps

qui soit plus qu'un printemps qui passe

Je voudrais ne penser aujourd'hui

qu'à ce que je veux penser

Martine Rouhart

 

 

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À défaut de pouvoir présenter au public une pièce prête à être jouée, Le Rideau de Bruxelles a permis à un public restreint de découvrir la dernière mise en scène de Robert Bouvier.

Fruit de la collaboration entre la Compagnie du passage et le Rideau, « Kvetch » de l’auteur britannique Steven Berkoff est une fresque jubilatoire de nos frustrations les plus animales. Elle est servie par une palette de comédiens à la hauteur du défi.

Robert Bouvier ne s’est pas trompé en choisissant cette pièce de Berkoff car les « kvetches » en yiddish, ce sont ces moments de rupture, de doutes générateurs d’angoisse qui nous font perdent les pédales et passer à côté des choses authentiques de la vie, ce que Berkoff appelle « le dialogue à l’arrière de nos têtes ».

Qui n’a pas été submergé par des pensées parasites lors d’un diner, d’un entretien ou d’une rencontre, qui n’a pas éprouvé cette sensation traumatisante d’avoir été nul, ridicule au regard de l’autre, d’avoir mis les pieds dans le plat, d’avoir manqué de répartie.
Ce sont ces failles où l’éprit s’emballe et déforme la réalité que Robert Bouvier choisit d’explorer avec cinq comédiens rigoureusement sélectionnés pour nous offrir un spectacle où les émotions les plus inavouables se chevauchent, filent en montagnes russes prenant le pas sur la bienséance et la retenue. Cinq comédiens qui nous livrent ici une performance où le mental s’empare du physique pour délivrer ces démons qui naissent de l’angoisse. Car ils sont mis à rude épreuve ces interprètes de nos fantasmes intimes. Si les pensées se bousculent dans la tête, les acteurs en épousent le tempo dans une course effrénée à la recherche de soi.

On est de suite emporté dans les délires de ce monde petit-bourgeois où les convenances annihilent les vraies rencontres. Entre l’épouse frustrée voulant se montrer parfaite, le mari fier de l’ascendant qu’il a toujours eu sur sa femme mais envieux d’un collègue qui de son côté n’assume pas sa virilité, et la belle-mère pétomane, l’hystérie retombe comme un soufflé sous un choc thermique et on se retrouve prisonnier de la fragilité, de la vérité de ces êtres qui s’effritent à force de vouloir se dépasser.
Une pièce qui touche au plus profond de notre essence et de la conscience de soi, un voyage dans l’univers de nos peurs où désir de plaire et libération des tabous s’affrontent de façon abrupte. Une occasion de rire de nous-mêmes car il s’agit bien d’une comédie avec toutes les ficelles du genre. Et Robert Bouvier réussit son pari de nous attendrir des faiblesses et des incohérences de ces personnes trop ordinaires prisonnières de leur quotidien. Il est d’ailleurs familier de mises en scène où le dialogue intérieur s’exprime sur scène, n’oubliant pas que le mot « théâtre » vient du grec « theatron », le lieu où l’on voit. C‘est donc naturellement qu’il aime à explorer les pensées intimes d’un personnage pour les intégrer dans l’espce scénique, jouant sur les métaphores, les transformations de lieux, les rythmes et les variations de tonalités, alternant scènes burlesques et moments de sincérité et de mises à nu.

De ce cocktail nait un spectacle subtil entre tragédie et comédie qui nous tient en haleine de bout en bout.

À savourer dans un proche avenir. On l’espère tous...

Palmina Di Meo
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UNE INTERVIEW DE ROBERT BOUVIER

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Rencontre avec Robert Bouvier metteur en scène, comédien, à l’occasion de la présentation par Le Rideau de « Kvetch », la pièce que Steven Berkoff a dédiée à tous ceux et celles qui ont peur.

Robert Bouvier, qu’est-ce qui vous a séduit dans la pièce de Steven Berkoff et vous a donné envie de la monter avec la Compagnie du Passage ?

Robert : Étant comédien, j’ai trouvé que c’est une pièce cadeau pour des comédiens. Les personnages sont comme des comédiens ayant toujours ce besoin de répondre au désir de l’autre, c’est maladif chez Berkoff ! On devient des personnages pour un metteur en scène et peut-être les choisit-on parce que ces personnages nous attirent ou nous touchent. Personnellement, j’ai toujours une part de projection dans les personnages quand j’ai envie de jouer. Dans cette pièce les personnages se sentent toujours observés comme des acteurs obsédés par le regard du metteur en scène et qui se répètent : « Je n’aurais pas dû faire ça comme cela »... Ils se contrôlent, ils ont l’impression de ne pas être à leur place, de ne pas correspondre au désir de l’autre. Cela m’émeut parce que ces personnages deviennent inconsistants à force d’espérer être autrement. Cela requière un travail profond d’apprendre à devenir soi-même et plus peut-être pour un comédien de s’accepter, d’accepter sa singularité, sa différence, sa folie car ces personnages ne cessent de se censurer, ils ont des lapsus, ils font des gaffes tout simplement parce qu’ils ont peur. Moi, cela m’arrive souvent de dire un mot pour un autre, de faire des gaffes et plus je le redoute, plus cela devient un cercle vicieux.
Mais il s’agit aussi d’une réflexion sur les rapports entre les êtres. Dans la vie sociale, par exemple. Au cours d’un repas, on aimerait être drôle, avoir davantage les projecteurs braqués sur soi, on aimerait avoir dit ce que l’autre a dit... Au lieu d’écouter l’autre, on pense à ce qu’on voudrait dire et donc on oublie d’être dans le rapport avec l’autre. Dans la vie intime, la scène de ce couple qui fait l’amour mais où chacun fantasme sur quelqu’un d’autre est terrible. Dans la vie professionnelle, le protagoniste doit plaire à la personne à qui il doit vendre un produit et s’il est humilié, il n’ose pas réagir parce que cela ne se fait pas mais aussi parce qu’il y a des enjeux économiques. On ne se permet pas de dire à l’autre ce qu’on pense.

Vit-on dans une société autocensurée selon vous ?

Robert : Je pense que le problème vient du rapport de soi à soi, de nos éducations. Quand j’étais petit, j’entendais comme recommandations d’être « doux », « poli », « modeste », « charmant ». On est pris dans des sortes de carcans. Comme si la vie se joue en trois étapes : d’abord découvrir qui on est, puis accepter qui on est et enfin faire accepter qui on est. Pour certains, cela se résout très vite, d’autres vont mettre un temps fou à s'accepter eux-mêmes. Dans cette pièce, il est question de psychanalyse, Berkoff se moque beaucoup de lui-même et de ses proches. Mais je n’ai pas voulu m’axer sur les juifs new-yorkais, même s’il fait une sorte de portrait à la Woody Allen de ces gens qui sont tout le temps en analyse avec des questionnements récurrents sur l’argent, le sexe. Ce qui me touche beaucoup plus, c’est leur vulnérabilité car ils sont tous très touchants. Que peut-on dire d’une femme qui se sent obligée d’être toujours parfaite. Il y a des traits misogynes chez ces hommes assez lourds et la femme se croit obligée d’obéir à certains stéréotypes. Il y a hélas encore beaucoup de femmes dont l’univers se réduit parce qu’elles sont obsédées par l’idée de la ménagère idéale, par la perfection du repas à préparer, etc. Ces personnages m’attendrissent parce que même imbuvables parfois, on a envie de les prendre par la main, de leur dire : « Calme toi, tout va bien ! ».

La mise en scène expressionniste, c’est un choix personnel ?

Robert : J’aime beaucoup ces cinq comédiens parce qu’ils sont très vrais et simples. Contrairement à vous, je trouve qu’il y a plein de moments chez eux de jeu très cinéma. Je les trouve d’une justesse énorme. Or la vis comica exige d’aller à fond dans la peinture de ces diables qui sont en nous, de ces fantasmes qui nous habitent. Le comique vient des contrastes, des ruptures, de ces moments qu’on appelle « kvetch ». Ainsi quand Frank a envie de tuer sa belle-mère, il s’agit de vraiment montrer qu’il va lui arracher son cœur, le bouffer et le déchirer et devenir monstrueux et ridicule. A un autre moment, Hal dans son rêve se met à sauter, il devient un enfant, il est comme un chien qu’on libère. Donc oui, il y a de l’expressionisme contrastant avec plein de moments de grande vérité. Une scène comme celle de la femme qui, avant de se mettre au lit, demande à son mari : « Embrasse-moi, j’ai l’impression que je n’existe pas »... Je la trouve hyper touchante.

Les comédiens viennent d’univers, de pays différents. Comment les avez-vous choisis et avez-vous travaillé notamment avec les deux comédiennes qui sont belges ?

Robert : J’ai eu la chance de rencontrer une quarantaine de comédiennes en Belgique. D’ailleurs j’ai trouvé que le niveau ici est excellent. On a fait un gros travail sur l’intériorité, la sincérité. J’ai eu envie lors de ces auditions de faire des improvisations. Je voulais être très ému, découvrir chez les comédiennes un univers et aussi une réelle disponibilité, une humilité à accepter de se montrer tel qu’on est. Par exemple, dans la pièce, il y a une belle-mère qui doit roter et péter. Pour moi c’était un traitement difficile parce que je trouvais vulgaire de simplement montrer cela alors on a ajouté quelqu’un avec un micro qui amplifiait le son des rots et des pets (et vous avez raison il s’agit alors là d’un geste expressionniste) parce que si à table quelqu’un malencontreusement fait un rot, on a l’impression de l’entendre à travers un haut-parleur, de n’entendre plus que cela. C’est cette théâtralité-là que je cherchais mais en même temps la comédienne doit oser jouer ce personnage, être là et dire : « J’ai besoin de faire caca ». Quand je parle d’humilité, il s’agit de cette simplicité de dire : « Je joue quelqu’un qui est parfois grotesque et parfois touchant ». Quand Donna dit qu’elle n’a plus qu’un seul sein et qu’elle a peur de ne plus être aimée, quand elle se met à fantasmer sur la manière dont elle voudrait qu’on embrasse son sein, c’est presque un moment d’onanisme. Il faut que la comédienne soit à la hauteur d’elle-même. Il était essentiel d’être ludiques, joueurs, complices. C’est de la dentelle. Chaque regard est important. Il n’y a pas de décor, on doit tout suggérer avec les mots. Il y a aussi un travail d’éclairage à souligner, c’est un artiste belge qui l’a réalisé, Benoît Théron, il a aussi conçu la scénographie. Le travail sur l’écoute a été important. Il faut inventer les mots au moment où on les dit, imaginer ce qui peut amener des lapsus, il faut qu’on sente qu’ils ont des révélations où moment où ils parlent, quand les mots leur échappent Dès que nous avons trouvé une grande vérité entre nous, nous avons pu chercher une dimension théâtrale, aller vers l’excès, la folie, la démesure.

Ce sont les exercices d’improvisation qui ont permis d’arriver à ce résultat ?

Robert : On a fait quelques impros lors des auditions pour imaginer par exemple le quotidien de Donna, que fait-elle si son mari s’endort sans la regarder et puis on a improvisé pendant les répétitions pour la scène qu’on appelle « le chœur des peurs » où tous les personnages disent leur peur en même temps. On est parti du principe qu’on peut avoir peur quand on est dans une fête où tout le monde doit danser, où on est dans la joie et où paradoxalement on se dit : « Je me sens mal », on a envie d’éclater en sanglots, de ne pas être là, on se sent à côté. On a donc cherché comment cette peur se traduit. Un rideau qui se lève devient une toile d’araignée, quelqu’un qui monte sur une chaise se voit sauter du 17ème étage...
La scène du restaurant avec l’univers du match de foot qu’on entend à la radio dans la cuisine, c’est notre invention. Une trouvaille que j’aime, c’est l’idée de la vie professionnelle qui envahit le lit du protagoniste. On a cherché d’abord à montrer un couple dans un lit en les montrant debout derrière un drap qui se transforme ensuite en tissu de gabardine que le protagoniste doit vendre. En l’absence de décor, tout devient virtuel, mental. On peut être en train de s’endormir et déjà se projeter dans l’angoisse de la vente du lendemain alors que cela naît de votre lit. J’aime ces glissements où sans cesse on a l’impression que l’imaginaire génère l’après.

En quoi cette pièce d’actualité selon vous ?

Robert : Pour moi, ce qui est important c’est d’être dans un rapport vrai, authentique, mais il y a parfois des vérités cruelles à dire à l’autre. Ce couple en train de se déliter aurait pu aller mieux s’il y avait eu de la communication. S’ils avaient essayé de retrouver le contact avec l’autre et d’être à l’endroit juste. Souvent, on cherche à correspondre à l’image qu’on imagine que l’autre se fait de nous. On se dit que face à l’autre il faut être comme ci ou comme ça alors que ce n’est que projection. Très souvent notre esprit divague, l’objectif c’est aussi de rire de notre esprit qui va à cent à l’heure.

La pièce est effectivement drôle. Avez-vous pousser la mise en scène en ce sens ?

Robert : J’ai essayé que ce soit une tragi-comédie. Que l’on puisse rire et en même temps qu’on ait envie de protéger ces personnages, qu’on ait envie de les prendre par la main car ils sont pathétiques. Cela fait rire bien sûr de voir les autre souffrir. Le type qui est invité et qui se dit qu’à son tour il doit rendre la pareille... Mais s’il invite, où manger ? À la cuisine ou au salon ? Il se fait une montagne au point de vouloir en finir avec la vie alors qu’il pourrait simplement jouir du moment. Comment jouer cette liberté sinon comme un enfant avec un côté histrion ?

Le jeu est aussi physique car on passe par plusieurs genres : pantomime, comédie musicale...

Robert : J’avais envie de quelque chose de moderne dans le jeu. La grande tentation, c’était la vidéo. Montrer que quand on parle, dans notre tête, il y a d’autres images, Mais c’était trop simple. Donc je demandais par exemple tantôt à un des comédiens d’évoquer par sa position tel tableau de Egon Schiele. Et cela peut illustrer une projection mentale. Dans la scène du restaurant, on est dans un registre proche de la commedia dell’arte. Il fallait un jeu très physique chez le garçon. Pour signifier les moments de pensées intérieures, on n’a jamais été systématique, on ne s’est pas contenté d’une bascule de lumière. Pour raconter chaque « kvetch » et pour chaque situation, il fallait trouver une solution spécifique, c’est précis, nerveux, et il faut être attentif. Que font les acteurs pendant que s’exprime la pensée intérieure d’un personnage ? Les autres doivent rester vivants. J’ai vu une mise en scène où les comédiens étaient paralysés, gelés pendant que l’un d’eux parlait en pensée intérieure, puis ils reprenaient vie quand ils parlaient à leur tour. Je voulais quelque chose de plus fluide. Je voulais créer des vertiges chez les spectateurs. Au début de la pièce, on joue avec l’ambigüité, on ne sait pas si un personnage parle aux autres ou si c’est intérieur.

Avez-vous d’autres projets, dans cette veine peut-être ?

Robert : Je vais retravailler sur ce thème avec une pièce comprenant une dizaine de personnages, de la musique de la danse... L’idée de départ s’interroge sur ce qui est se passe dans la tête d’un comédien avant son entrée en scène. Nous sommes dans une écriture de plateau mais j’ai déjà bien travaillé le scénario. Il y a des scènes de Ruy Blas, une fanfare, c’est un projet farfelu...
Je joue aussi dans un spectacle qui s’appelle « Nous l’Europe, banquet des peuples » qu’on a joué dans le IN d’Avignon et qui va être repris.
Et en Suisse, je répète actuellement une pièce de Dürrenmatt pour les cent ans de sa naissance, « Nous roulons sur des rails donc ce tunnel doit conduire quelque part » où un train fonce à vive allure sans conducteur. C’est une métaphore de notre société qui va allègrement droit dans le mur.

Propos recueillis par Palmina Di Meo

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administrateur partenariats

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"Normandie"

Le vent porte la musique de l’orgue à plusieurs kilomètres à la ronde. Les arômes de barbe à papa, de croustillons, de pommes d’amour se mélangent et font saliver les papilles.
Les chevaux de bois montent et descendent au rythme du manège.

« Approchez, approchez, messieurs dames ! » s’écrie le propriétaire du carrousel.
Manon a tout juste seize ans. Les mille lumières de la fête foraine scintillent dans ses yeux  menthe à l’eau. Un jeune homme soigné, au sourire de prince charmant, se penche vers elle :

« Un petit tour de manège, mademoiselle ? »


La belle met le pied gauche dans l’étrier et lance la jambe droite par dessus l’animal. Aussitôt, la
quarantaine de chevaux sculptés et les deux chariots dorés s’ébranlent ; le plateau circulaire
commence sa rotation. L’orgue limonaire entame une valse de Strauss. Au plafond du manège, des angelots folâtrent parmi les fleurs et les oiseaux ; ces peintures masquent la mécanique qui actionne la machine. Le jeune-homme constate qu’il est difficile de voler un baiser à la jeune-fille quand l’un des chevaux de bois monte alors que l’autre descend ! Au tour suivant, il la guide dans un chariot, à l’abri des regards... 

Manon a compris son manège, mais elle a hâte de voir s’il en vaut le coup !
Aujourd’hui, cela fait quarante ans...Avant de lui donner un baiser doux et chaud, au goût de
chausson aux pommes, il lui a murmuré en se penchant vers elle : « Je t’aime, toi ! »
Trois mots et le trouble de toute une vie...         

Aujourd’hui, les chevaux de bois sont abîmés et fatigués.
Mais, même si certains sont remisés dans un vieux hangar, attendant une réparation pour une mise aux enchères, ils la font toujours rêver...Elle ferme les yeux, pour voir si leur amour tourne et tourne encore ; ça lui met le cœur à l’envers et la tête dans les nuages...Tournez, tournez, beaux chevaux de bois...Tournez, tournez; dans ma tête et mon cœur, c’est pour toujours...


Suzel Swinnen

Un partenariat

Arts

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Lettres

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QUINZE RENCONTRES ARTISTIQUES VOLUME 3


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QUINZE RENCONTRES ARTISTIQUES - VOLUME 3

Auteur ; Daniel Bastié

Editions Ménadès - 166 pages

Quinze personnalités artistiques, toutes différentes et uniques, et un regard sur leur manière de procéder. Qu’ils soient écrivains, compositeurs ou peintres. Il s’agit de rencontres qui présentent succinctement les activités de chacun au rythme de questions-réponses conviviales et participatives. Les quinze artistes sélectionnés apparaissent par ordre alphabétique.

Bien entendu, à l’ère d’Internet, on ne peut que vous inviter à découvrir davantage de leur production par le biais d’un ordinateur. Bandes musicales, panorama de dessins et couvertures de livres foisonnent sur la toile. En quelques clics de souris, vous pouvez les atteindre via des sites personnels, Youtube, Amazon, Babelio, etc.

Voici un ouvrage sans autre prétention que celle de faire partager des coups de cœur et des élans d’amitié. Surtout, ne vous privez pas de plonger dans leur vie de plain-pied, faisant mentir le dicton qui clame que personne n’est prophète dans son pays !

Au menu de cet opus : Federico Ariu, Marie-Céline Bondue, Hamsi Boubeker, Bénédicte Chabot, Jerry Delfosse, Sophie Dubois, Nicolas Géal, Marcel Ghigny, Salvadore Gucciardo, Georges Lebouc, Jean Lhassa, Sarah Lounici, Victor Ntacorigira, Nipanki Orei et Fernando Pampliega.

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ENTRE SURREALISME ET METAPHYSIQUE : L’ŒUVRE DE GHISLAINE LECHAT

Du 31 – 03 au 24 – 04 - 16, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de vous proposer une exposition intitulée ETERNITY-SERENITY, consacrée à l’œuvre de l’artiste française, Madame GHISLAINE LECHAT.

Entre équilibre et déséquilibre discursif, GHISLAINE LECHAT associe symbolique chrétienne, surréalisme et métaphysique à l’intérieur d’une même interprétation plastique.

Qu’entendons-nous par « équilibre-déséquilibre » ? Il y a dans le langage de l’artiste un point de non retour entre rationalité et irrationalité, exprimé de façon savante, en associant plusieurs écritures à l’intérieur d’un même style.

L’artiste connaît sa matière ou plus exactement, l’histoire de cette matière que l’on appelle l’Art.

Dans LA CHUTE DE GABRIEL (150 x 150 cm - acrylique),

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l’image de la rationalité est exprimée dans le thème de l’échiquier que nous retrouvons, comme un leitmotiv, dans l’ensemble de l’œuvre exposée. A cette image s’ajoute celle du cercle (compris dans un autre cercle). Le cercle englobant est de couleur rouge vif, tandis que le cercle englobé est de couleur noir intense. A y regarder de près, il s’agit en réalité, de deux demi-sphères, créant la figure du cercle complet dans l’imaginaire du visiteur. Nous nous trouvons face à une vision chaotique où tout périclite : l’échiquier sur lequel est posé l’ange effectue un mouvement incliné comme pour amorcer une descente aux enfers. L’ange, de conception néo-classique, est appuyé sur un globe terrestre en miniature. Il semble être précipité vers l’abîme par une figure surgissant du cercle noir, dont seulement le bras, issu de l’obscurité, mélange sa blancheur à celle du corps de Gabriel. Pour exprimer cette dialectique basée sur « l’équilibre-déséquilibre », l’artiste a installé un jeu de droites et de diagonales à l’intérieur de l’espace. La droite est assurée par la figure, statique, issue du cercle noir (de laquelle on ne voit que le tronc : le reste du corps est laissé à l’imaginaire du visiteur). Tandis que la diagonale prend forme à la fois dans la posture de l’ange ainsi que dans le mouvement de l’échiquier basculant dans le vide. Quelque part, cette allégorie, issue de l’imaginaire de l’artiste, pourrait s’inscrire aisément dans le prolongement de l’iconographie dantesque, car dans l’esprit, nous ne sommes dimensionnellement pas loin de la vision fantastique d’un William Blake illustrant l’Enfer de la Divine Comédie.

Le geste du  bras tendu de l’ange, l’expression torturée de son visage ainsi que le traitement de sa chevelure viennent tout droit de l’iconographie romantique tributaire du néo-classicisme : on pense à Canova.  S’il y a une expression sur le visage de l’ange, il n’y en a aucune sur celui du personnage issu de l’arrière-plan. S’il est « esprit », la seule « matérialité » révélée au visiteur se concrétise dans la présence lumineuse de son bras, dont la main se pose sur la tête de l’ange.

Concernant le décodage symbolique, le cercle noir englobé dans le rouge, participe d’un langage complexe. Il représente à la fois le temps, le trou noir et la Terre. Dans le cas de la chute de l’ange Gabriel, le globe terrestre miniaturisé repose sur l’échiquier, autrement dit, sur le terrain du rationnel. Mais celui-ci périclite dans l’abîme. Il s’agit du traitement personnel d’un thème biblique. Thème extrêmement surprenant, puisque s’il s’agit d’envisager une possible chute, celle de Lucifer sublimant sa beauté face à celle de Dieu, semblerait, à priori, plus adéquat. Mais c’est ici qu’intervient le ressenti de l’artiste. Si dans le récit vétérotestamentaire, Lucifer plonge des cieux jusqu’à l’abîme, Gabriel, lui, est chassé par l’artiste de cet amalgame symbolique, à la fois temps, trou noir et Terre, pour disparaître dans le même abîme. Cet ange est déjà plus « homme » que créature céleste par l’expression de sa peur. Observez la façon dont il prend appui de sa main gauche sur le globe terrestre en réduction. Le geste de la main droite signifie non seulement la peur de la chute mais peut-être aussi le refus de sa propre image. Car il y a un rapport symbolique entre la posture de la main droite du refus et celle de la gauche agrippée au globe terrestre, en équilibre entre la déchéance de l’ange humanisé et celle du Monde courant à sa perte. Remarquez également le traitement du bras de la créature qui le pousse. Du noir le plus intense, il passe au blanc le plus diaphane, comme pour signifier tant à l’ange qu’au visiteur que la déchéance devient l’essence même de leur identité commune. Notons la grande beauté virile dans le rendu du corps de l’ange Gabriel : une ligne droite associe le torse (de trois-quarts) à la créature maléfique. Tandis qu’à partir du bassin, les jambes prennent une position oblique. Les pieds posés sur l’échiquier, en déséquilibre, signent la diagonale annonçant la tragédie.

LE QUATRIEME JOUR (150 x 150 cm - acrylique)

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participe d’un autre thème d’inspiration biblique traité à partir d’un ressenti personnel.

Il s’agit de l’image du Christ méditatif, penché sur le Monde et s’interrogeant sur le futur de celui-ci. Cette œuvre est un mélange de symbolisme et de surréalisme, c'est-à-dire de rationnel et d’irrationnel. Le côté rationnel est représenté par l’image du sol en damier (rappelant l’échiquier) ainsi que par le rôle tenu par l’architecture : six colonnes (trois à droite, trois à gauche) partant des bords de la toile assurent deux lignes droites jusqu’à la limite de l’arrière-plan. Les quatre dernières colonnes portent une coupole en haut de laquelle une petite ouverture inonde de lumière le personnage du Christ. La coupole est en réalité une stylisation héritée de l’architecture gothique avec une ordonnance ramassée soulignée par de petits arcs traversant la croisée des voûtes.

Le côté irrationnel est représenté par l’élément surréaliste symbolisé par la mer dont l’eau déferle jusque vers la moitié de l’espace scénique. L’eau est un symbole de pureté (l’eau baptismale) lequel renoue avec une spiritualité ante chrétienne de conception classique et proche-orientale. N’échappant pas à l’iconographie néo platonicienne, le Christ (vêtu de blanc – autre symbole de pureté) devient ici un philosophe. Mais il s’agit d’un philosophe qui n’enseigne plus comme dans l’iconographie paléo chrétienne. De même que sa personne n’est plus associée à celle du « Pantocrator » de l’Orient chrétien présidant le Jugement Dernier et qui de son air sévère demande des comptes à l’humanité. Il s’agit d’un Christ méditatif qui par son questionnement sur la portée de son sacrifice exercerait son esprit critique. Un jeu savant de perspective introduit deux trouées lumineuses (une à droite, l’autre à gauche), au fond desquelles se dessine une issue, donnant au visiteur le sentiment d’avoir deux tableaux par démultiplication de l’image. Quelle voie choisir ? se demandera le visiteur. Celle de gauche, présentant un escalier ascendant, offre une grande trouée lumineuse. Celle de droite se réduit à une fente de laquelle s’échappe de la lumière. Laquelle choisir pour accéder à la béatitude ? Celle de gauche avec sa grande trouée lumineuse est bien tentante. Quoique, sans vouloir être gidien  à outrance, celle de droite est….étroite !  De chaque côté de la composition pendent deux encensoirs, statiques, pour stabiliser l’espace.

VENUS TEMPTATOR (150 x 150 cm - acrylique)

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est une vue de dos de la Vénus de Milo à qui l’artiste a donné un buste dénudé recouvert au niveau du coccyx par une tunique descendant jusqu’aux pieds.

Cette Vénus, dont le titre indique qu’il s’agit d’une tentatrice, campée au centre du tableau, est associée à celle de Botticelli (emprisonnée à l’intérieur d’un cadre faisant office de fenêtre, derrière qui se profile un personnage inconnu, stylistiquement fort proche de la figure située derrière l’ange Gabriel). Il s’agit de la confrontation de deux nudités procédant de la même mythologie. Dans cette œuvre très métaphysique, la symbolique des couleurs est primordiale : le blanc est associé à la peau laiteuse des deux Vénus dont la destination psychologique est tout aussi symbolique : celle campée au centre de la toile est statufiée, l’autre, à l’intérieur du tableau est portraiturée. La tentation procède de la sensualité dégagée par les œuvres. La Vénus inspirée de Botticelli, présentée au bord du tableau-fenêtre est portraiturée sans son coquillage sur un parterre en forme d’échiquier. Il s’agit d’une vision calme et heureuse de la féminité. La sensualité de la Vénus statufiée est concentrée sur les plis nerveux de sa tunique. Une fois encore, rationalité et irrationalité s’affrontent, si l’on compare les plis fébriles presque chaotiques de son vêtement avec ceux extrêmement bien ordonnés de la tunique du Christ du QUATRIEME JOUR (mentionné plus haut), conçus en forme de « M » (c'est-à-dire dans une géométrie s’appuyant sur l’image philosophique de la raison). L’élément surréaliste s’exprime dans la présence de la mer, sur la gauche de la composition ainsi que dans la conception de la lumière, conçue dans un chromatisme associant le bleu, le vert et le jaune clairs. La dimension métaphysique résulte de la conception de l’architecture, unissant colonnes antiques sur la gauche de la toile avec à l’opposé, un mur avec en hauteur sur quatorze dalles tout un panel de hiéroglyphes égyptiens accentuant l’élément mystique. La Vénus statufiée, au pinacle de sa sensualité fébrile, évolue sur l’échiquier de la rationalité. Non loin d’elle, au premier plan, le globe  miniaturisé, comme pour rappeler son essence terrestre associé à son humaine vulnérabilité. Elle semble se diriger vers une arcade surmontée par un arc en plein cintre donnant sur un fond noir. Est-ce la porte donnant sur le vide ? Est-ce la peur de l’inconnu qui se niche en nous ? Le visiteur donnera sa propre réponse.

GHISLAINE LECHAT est une autodidacte. Oui…oui, vous avez bien lu : autodidacte ! Elle peint depuis des années en répondant à l’idée de ce qu’elle perçoit. Dans son œuvre, le temps en suspension, est sublimé dans un univers où le symbole se marie aux écritures surréaliste et métaphysique. Elle affectionne particulièrement l’acrylique et l’huile. Les personnages qu’elle peint appartiennent à une mythologie bien souvent explorée par l’histoire de l’Art.

A titre d’exemple, le personnage ailé, que ce soit l’ange sous la forme de Lucifer ou d’Icare, se brûle au feu de ses propres limites. L’artiste confère au Sacré de nouveaux territoires balisés sur le terrain fertile de sa propre humanité.

François L. Speranza.

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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Ghislaine Lechat et François Speranza:  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(30 mars 2016 - Photo Robert Paul)

                                      

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Exposition Ghislaine Lechat à l'Espace Art Gallery en mars-avril 2016 - Photo Espace Art Gallery

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Lumière de la nuit de Bruno Lemasson

Lumière de la nuit

Bruno LEMASSON 

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La nuit

Gilbert Czuly-Msczanowski

Pour connaître la nuit il faut avoir vu le jour et sa vie,

Et enfin le soir qui en est la porte d'entrée.

Comme tout naturellement la brillante lueur qui naît

Se voit-elle aller, paraît-il, vers un peu moins d'énergie !

Mais la nuit n'est pas un grand trou noir

Où il faudrait craindre d'y voir.

Ou encore y passer le clair de son temps à dormir,

Tirer les rideaux, fermer les volets pour ne rien voir venir.

Non, la nuit existe pour les curieux, les inquiets, les penseurs,

Voyant en le sommeil une perte de temps,

Sans oublier d'heureux" fêtards qui grillent les heures

Comme des pétards qui claquent à tout vents.

Mais ceux-là ont encore beaucoup à apprendre de la nuit,

Ils se trompent d'heure, le manteau nocturne n'est pas pour eux.

Qu'ils entendent la chouette qui hulule, voient la biche qui se hasarde sans bruit

Ou le hérisson qui ose enfin ouvrir les yeux !

Car le silence sous la voûte étoilée, l'orage, les nuages noirs

N'ont de pareils que lorsque le voile de la nuit est tiré.

Et nos sens apaisés des aléas et du temps creusé

Font de la nuit un refuge serein qui ressemble à l'espoir.

Nuit blanche.

"Nuit blanche"

Gilbert Jacqueline

Les marraines de la nuit. gouache.

"Les marraines de la nuit"

lucien georges meert 

Dans la tiédeur de la nuit

"Dans la tiédeur de la nuit"

 David VIRASSAMY 

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"Nuit"

BEGUIN Marie-Bernadette

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La nuit ne s’endort jamais,

elle écoute nos pensées

berce nos rêves

nous ouvre les yeux

Elle parle tout bas

dehors dans le noir

aux choses invisibles

qui lui répondent,

allume le ciel,

éveille l'eau dormante,

soulève des fantômes,

fait bouger les ombres

La nuit avance pas-à-pas,

ensommeillée,

au petit matin

ce n’est pas le jour qui vient

c’est elle qui s’en va


Martine Rouhart

CIEL COLORE DE LA NUIT

"Ciel coloré de la nuit"

Arlette A

Une ville la nuit

"Une ville la nuit"

Raymond MARTIN

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En hommage à un poète Arts & Lettres 

ayant généreusement contribué à l'aventure "Partenariats"

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"Quand revient la nuit"

Olivier Dumont

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"Nuit sur la Sérénissime"

Isabelle Becker- Conraud

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"Jour et nuit je pense à toi"

Olivier Lamboray

Lumière dans la nuit

"Lumière dans la nuit"

Michel Marechal

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 Suzanne Walther-Siksou 

Haïkus

 

Je ne peux dormir,

Douillettement dans mon lit

Je pars en voyage.

...

Mon guide me mène,

Ouvre les portes fermées,

A toutes les clés.

...

Mon ami arrive

Il va jouer du violon.

Ma joie est immense.

...

J’écoute ravie;

Des airs de valses m'enchantent

Mon âme s’endort.

...

24 mai 2009

"Nocturne"

"Nocturne"

BOVY Bernadette

Minuit sur la Seine de Paris

"Minuit sur la Seine de Paris"

Thierry Duval

Un partenariat

Arts

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Lettres

 

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DOMINIQUE PERREARD OU L'ELOGE DU MASQUE

                                                  DOMINIQUE PERREARD OU L’ELOGE DU MASQUE

Du 03-11 au 25-11-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter l’œuvre de l’artiste français Monsieur DOMINIQUE PERREARD, intitulée : EN TETE A’ TETE.

Auréolé d’une atmosphère carnavalesque, l’univers de DOMINIQUE PERREARD arpente des dimensions rarement atteintes dans la conception du masque. En vérité, l’univers de cet artiste oscille entre la sculpture et la peinture, en ce sens que chaque masque est limité dans son espace par un cadre. A’ un point tel qu’il devient difficile pour le visiteur de définir où commence le tableau et où émerge la sculpture. L’un étant l’alter ego de l’autre. Le tableau en tant que tel est le terreau à partir duquel prend naissance le masque. Par son œuvre, l’artiste recule les frontières dans la représentation du visage humain. Il y a du burlesque qui nous replonge dans les carnavals de notre enfance, à l’instar de VISAGE 04 (109 x 90 cm - techniques mixtes, papier, pigments…).
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Mais il y a aussi de l’« abstrait » (faute de le qualifier autrement) dans cette série de visages aux traits évanescents, baignant dans un blanc laiteux, contrastant avec un chromatisme bariolé, évoluant du jaune vif vers le rouge, alterné de touches blanches, traitées au couteau dans le bas et s’évanouissant vers le haut. Remarquez de quelle façon les visages émergent de l’espace : ils ressortent à la manière des bas-reliefs expulsés de la pierre. Ceux-ci apparaissent de façon saillante, à partir du trait noir extrêmement prononcé, amplifié par du papier chiffonné.

Le visage démultiplié régit la composition de NAISSANCE (124 x 69 cm- techniques mixtes, papier, pigments…).12273328491?profile=original

Elle se situe à un stade de son évolution où « tout peut arriver ». Le visage et ses attributs se mettent en place mais leur emplacement demeure encore anarchique : tout est imbriqué dans tout. De prime abord le visiteur se trouve face à un conglomérat, une masse informe de laquelle jaillissent les éléments constitutifs du visage, lequel trouvera son aboutissement discrètement coincé entre plusieurs éléments vers la gauche, au centre de l’œuvre. Il devient, dans l’imaginaire du visiteur, la concrétisation du « naissant », en ce sens qu’à de nombreuses reprises, l’idée embryonnaire du visage achevé se profile sur divers côtés du tableau. Même discours, en haut, sur la droite de l’œuvre : le profil exprimé par le bas se manifeste, donnant à ce dernier une allure faisant penser à un visage ornant une poterie Nazca (céramique précolombienne).

La force caractérisant l’œuvre de DOMINIQUE PERREARD est constituée à la fois par le volume et par la couleur, généralement très vive, renforçant de ce fait la puissance même du volume.

Une série de six petits formats représentant des visages, évoquant la volonté de « portrait », apparaît pour la première fois dans cette exposition. A’ l’exception d’un visage campé de profil, tous les autres fixent le visiteur. Même si ces portraits sont imaginaires ou symboliques, leur conception est une réminiscence contemporaine des masques de James Ensor, tels que la FIGURE 6, particulièrement dans l’expression et le chromatisme.

FIGURE 6 (39 x34 cm - techniques misxtes, papier, pigments...) 

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Mais il y a également une évocation de l’expressionnisme allemand des années ’20 et ’30, notamment dans les FIGURE 2  et FIGURE 4  ainsi que de Francis Bacon.

FIGURE 2 (44 x 36 cm - techniques mixtes, papiers, pigments...)12273329661?profile=original

FIGURE 4 (40 x33 cm - techniques mixtes, papaiers, pigments...)

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Ces petits formats exposés ne sont qu’un échantillon de sa production, comportant quelque soixante oeuvres de cette dimension. La notion du « portrait » est flagrante, à la fois dans sa présentation que dans ses références historiques. Néanmoins, rien n’a été voulu car tout est le fruit de l’inconscient. L’importance de ces petits formats réside dans le fait de nous faire comprendre que nous sommes toujours bel et bien dans le masque dans toute sa dimension mythologique. En effet, ces visages grimaçants et déformés, drôles ou tristes ne sont que l’expression de ce qui s’abrite derrière l’écran du masque, à savoir la Persona.

Le sentiment de la pierre nous est rendu par BAS-RELIEF 0 (68 x 48 cm – techniques mixtes, papier, pigments…).

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Le côté « argileux » qui se dégage de cette pièce est dû à la magie de la technique mixte utilisée par l’artiste. Les deux visages (sculptures) ressortent au regard à partir d’un arrière-plan brun-ocre, renforçant au sein de l’inconscient l’idée tangible de la pierre sculptée.

LA DAME (94 x 74 cm – techniques mixtes, papier, pigments…) constitue l’exemple parfait du tableau sculpté.12273331070?profile=original

Des résidus de matière conçoivent et décorent la robe du personnage. Son rôle est celui d’accrocher la lumière. Des notes rouge vif affirment le corsage de sa robe.

Sa chevelure s’éparpille à l’intérieur d’un halot lumineux dominé par le jaune or, le noir le plus sombre et le rouge vif. Le visage respecte cette ligne de démarcation infime entre peinture et sculpture : jaillissant à peine de la toile, seuls le nez, les arcades sourcilières, la bouche et le menton ressortent de l’espace pictural pour trouver leur identité plastique propre, à l’intérieur de cette polysémie chromatique.

L’idée du « portrait » est à nouveau présente dans le regard de la dame fixant le visiteur. Sa particularité consiste dans le fait de s’éloigner de la toile pour que celle-ci se dévoile dans tous ses atours.

Il n’y a pas vraiment un nom pour qualifier l’art de DOMINIQUE PERREARD. « Modeleur » ferait sans doute l’affaire, puisque la construction du masque est une affaire de « modelage ». Et l’artiste s’exprime dans une discipline associant relief « sculpté » (étant donné qu’il s’agit de « bas-reliefs » en masques) et peinture, puisque l’œuvre s’enserre à l’intérieur d’une toile peinte. Il s’agit ici d’un art original puisqu’il s’écarte des sentiers battus pour avancer vers d’autres dimensions créatrices.

Avec FOULE 08, nous retournons dans l’interprétation inconsciente. En effet, parmi les visages entourant le personnage central, il y en a un dont le menton termine en pointe son faciès émacié, accusant un prognathisme prononcé. Là aussi une référence à l’histoire de l’Art proche-oriental s’affirme lorsque nous le comparons à la statuaire égyptienne de la 18ème dynastie.

FOULE 08 (118 x 75 cm - techniques mixtes, papiers, pigments...)

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FOULE 08 (autre tableau - 102 x 67 cm – techniques mixtes, papier, pigments).

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Seize variations sur le thème du masque-visage se déclinent en une infinité de modulations dans lesquelles la matière imprime l’idée de la forme, presque en s’effaçant, tellement elle devient fragmentaire sans que jamais celle-ci l’emporte sur le dessein à l’origine de la forme. Nous restons dans l’idée ou plutôt dans l’esthétique de l’idée car à chaque reprise, l’artiste s’arrête avant la forme « achevée ». Elle se suffit à elle-même, la matière, n’étant là que pour souligner l’idée : nez, bouche, regard…jamais la matière, finement étalée, presque poudreuse, ne rivalise avec le dessin servant de limite au champ expérimental.  

DOMINIQUE PERREARD peint depuis l’âge de dix-neuf ans. Bien qu’il soit passé maître dans l’art du modelage, il a peu pratiqué la sculpture.

Sa rencontre avec le masque s’est faite par le biais du théâtre en tant que scénographe. En effet, il a pratiqué le théâtre de marionnettes ainsi que celui de rues, dans lesquels le rôle du masque est fondamental depuis la tragédie grecque en passant par la Commedia dell’Arte dans la culture occidentale. Il a d’abord pratiqué la peinture avant de se diriger vers la scène. Il a d’ailleurs monté plusieurs compagnies. L’artiste ne fait aucune distinction entre peinture, sculpture et modelage étant donné qu’il les pratique indistinctement.

Lorsqu’on lui demande s’il a eu la volonté de « portraiturer », il répond par la négative. Le « portrait » se réalise donc de façon inconsciente par le biais de la culture emmagasinée dans le domaine artistique depuis des années. Le dénominateur commun à tout cela étant, évidemment, le théâtre. Néanmoins, il est indéniable que l’œuvre de l’artiste ait été influencée, notamment, par l’art brut. Cela se perçoit dans la conception plastique de cet ensemble que l’on pourrait qualifier de « peinture sculptée ». Sa technique est principalement basée sur le papier pour dessin. Il s’agit essentiellement d’une technique mixte, conçue à base de sable, de papier, de pigments, de poussière de bois et de liant. La matière (la conception même du papier), est réalisée sur base de feuilles encollées, malaxées en pâte.

DOMINIQUE PERREARD poursuit une tradition artistique et culturelle séculaire : celle de rendre vivante la partie enfouie en nous-mêmes que la tragédie et la Commedia dell’Arte ont offert au peuple pour qu’il y perçoive son reflet humain à l’intérieur de tous ses possibles.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures"  ©  2020 Robert Paul 
                                                   

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L'artiste DOMINIQUE PERREARD et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistes et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de DOMINIQUE PERREARD à l'ESPACE ART GALLERY 

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DE LA VARIATION DES FORMES : L’ONDE MAGNÉTIQUE DE DIELLE

Du 05-03 au 28-03-21, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de présenter l’œuvre du peintre belge, DIELLE dans une exposition intitulée : ONDES DE FORMES.    

Il y a des expositions dont l’intitulé épouse magiquement le but escompté par l’artiste. L’adéquation de « ondes » et « formes » illustre parfaitement l’âme de ces œuvres. 

ONDES. Il y a, effectivement, du magnétisme dans cet univers infini de volutes virevoltantes, définissant la FORME qui les assemble et leur confère le mouvement. Des ondes créant des formes entrelacées à l’origine d’un discours pictural où les corps dansent et se dilatent à l’intérieur d’une musique ondoyante de laquelle la forme, réduite à l’état de silhouette, capture l’espace en s’étirant à l’intérieur du cadre. Si nous osons le terme de « silhouette », c’est parce que les corps composant la forme, ne sont qu’esquissés. Filiformes, élancés, leur volume n’est qu’à peine perceptible, tellement la délicatesse du trait, à la fois léger et prononcé, les enserre dans une verticalité vitale. A’ l’exception d’un couple, le personnage de référence est assurément la Femme. Une « Femme-fleur » dont la sophistication s’avère être la signature de l’artiste. Cet élancement de la forme s’inscrit à la fois dans la dimension verticale même de la toile (souvent longue et rectangulaire) mais aussi dans le chromatisme de l’arrière-plan, lequel est toujours monochrome, quelle que soit l’intensité de la couleur. Ce qui assure à la forme sa mise en relief. De plus, la couleur définissant l’arrière-plan, est toujours douce, qu’elle soit claire ou sombre. Une ligne médiatrice scinde la forme en son milieu, l’isolant du reste de l’ensemble.

INNER WALTZ (80 x 30 cm-huile sur toile)

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Perdue dans une myriade d’entrelacs, un trait, partant du haut de la tête, signifiant la chevelure (presque une tresse), tombe le long des épaules pour arriver au creux des reins. Un espace laissé vide, suggérant la forme, indique le coccyx, lequel est immédiatement réinvesti par la continuation du même trait, affirmant la jambe gauche du personnage, scindant et terminant derechef, la forme. En réalité, deux lignes esquissent l’arrière du personnage : celle que nous venons d’évoquer et une autre, prenant son point de départ à partir du bas du visage (privé d’attributs), se prolongeant sur la tête pour descendre sur le dos avant d’aboutir dans le creux des reins et reprendre da course à partir du coccyx pour descendre vers la jambe droite jusqu’à atteindre ce que le visiteur imagine être l’aboutissement de la forme car à aucun moment (et c’est là un trait de son originalité), les pieds ne sont jamais indiqués.

Signalons, au passage, que dans les mains sont également absentes du vocabulaire pictural de l’artiste. L’avant du corps est conçu de façon moins complexe : une simple ligne part du haut du bras (privé de main) lequel descend de façon abrupte pour aboutir au torse (de profil) et terminer sa course sur la jambe droite avant d’atteindre le bas. 

LA VALSE (68 x 57 cm-huile sur toile)

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Les personnages sont, pour ainsi dire, imbriqués l’un dans l’autre. Le pas de danse devient le moteur fusionnel. L’arrière du corps de la femme « coupe » la composition en deux parties distinctes. Chaque partie répond à l’autre : la jambe droite (gauche par rapport au visiteur) de l’homme répond à la jambe gauche (droite par rapport au visiteur) de la femme. De même qu’à la jambe droite de la femme répond la jambe gauche (droite par rapport au visiteur) de l’homme. Une spirale prenant naissance au niveau du torse des personnages, englobe le couple, ce qui accentue le rythme envolé et saccadé de la valse. Symboliquement, dans bien des cultures, la spirale est l’image de l’infini. Le couple évolue dans les méandres des ondes magnétiques d’un espace se perpétuant à l’infini. La finesse du rendu plastique s’exprime dans la façon dont le couple s’enlace : le bras droit (gauche par rapport au visiteur) de l’homme enlace la femme, tandis que le bras droit (gauche par rapport au visiteur) de la femme enlace l’homme. Le bras de l’homme achevant le geste enveloppant s’affirme en une fine terminaison. Cette œuvre est issue d’un rêve, lequel s’est concrétisé dans la réalité, par une rencontre. Même éphémère, l’artiste a senti la nécessité de la retranscrire sur toile en assumant à la fois le rôle de l’homme et celui de la femme. Il s’agit de la concrétisation éveillée de l’activité onirique dans tous ses mécanismes, au cours de laquelle le rêveur s’incarne dans chacun de ses personnages.

 

MAJESTÉ (72 x 62 cm-huile sur toile)

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Cette œuvre est une étude sur la démultiplication du visage. Un personnage féminin bicéphale, aux attributs finement esquissés, scindé en deux parties au centre de la toile est le point de départ d’une série de démultiplications sur ses deux côtés. Seule la bouche demeure le vestige d’un visage « oublié », délesté de ses attributs, au fur et à mesure qu’il se démultiplie.

La couleur blanche est le point de départ chromatique du visage originel. Progressivement, les démultiplications se fondent dans l’arrière-plan, adoptant ainsi un chromatisme sombre, conçu en violet, une couleur nocturne, accentuant l’effacement du visage, à l’instar d’une mémoire qui s’estomperait. Il ne demeure de cet être bicéphale à la sensualité crépusculaire qu’une bouche charnue et sensuelle, laquelle déjà vire au bleu à partir du rouge vif, présent sur le visage de droite, fusionnant avec l’univers nocturne de l’arrière-plan, qui se dissipe au fur et à mesure que l’onde magnétique s’élargit.

Ce qui fascine chez cette artiste, c’est la finesse déployée à l’extrême de son trait, associée à cette verticalité évoquée plus haut, donnant au visiteur l’illusion que ces personnages-silhouettes sont, au premier regard, privés de volume.

Autodidacte, DIELLE se définit comme étant née artiste. Bien qu’elle dessine depuis son enfance, beaucoup de temps s’est écoulé avant qu’elle ne se serve de l’Art comme véhicule de son humanité. Ayant réalisé des croquis de mode, elle privilégie, comme le démontre la qualité de son œuvre, la ligne. Ces croquis sont à la base de ses productions transposées sur la toile. Un autre élément discrètement présent dans son œuvre actuelle et qu’elle a l’intention de développer dans le futur est la calligraphie. En effet, son grand intérêt pour la ligne se traduit par les volutes et les entrelacs laissés par les circonvolutions du trait, à l’origine d’une calligraphie embryonnaire, laquelle ne demande qu’à éclore. Elle privilégie la peinture à l’huile. A’ la question : « avez-vous des influences? », elle répond par la négative. Il est vrai que même si tout artiste est influencé, souvent à son insu, par l’œuvre d’un autre, force est de constater l’originalité ainsi que la mise en scène spatiale de son trait.    

DIELLE trouve son alter ego dans ses personnages-silhouettes, en tant qu’expression d’une humanité tendue au fil duquel elle est issue, se répercutant en ondes sonores au regard, dans les clapotis magnétiques d’une eau cosmique.   

François L. Speranza.

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 Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste DIELLE et François Speranza : interview (masquée !) et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de DIELLE à l' ESPACE ART GALLERY  

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Ecorces de vie


Lande sablonneuse de mon cœur,
Une petite fille en manteau rouge
Ramasse des pommes de pin.


Lande sablonneuse de mon cœur,
Du fond de l'enfance douce,
Une aquarelle et un souvenir se peint.


Lande sablonneuse de mon cœur,
Je revois, roses aux joues,
La silhouette d'un être éteint.


Lande sablonneuse de mon cœur,
Sous tes dunes de velours,
Quelques graines germent ce matin.


Lande sablonneuse de mon cœur,
Tes racines s'ébrouent
Et un bonheur m'étreint.


Lande sablonneuse de mon cœur,
D'autres pas courent,
Sentier et trésor pour demain.

Sandra Dulier 

Dans le domaine de Lagland

Dans le Domaine de Lagland

Adyne Gohy

Aquarelle 75/50

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