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                       LES COURBES DE L’AME DANS L’ŒUVRE DE SABINE MORVAN BINDSCHEDLER

Du 30-11 au 30-12-18, L’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles), a présenté une exposition consacrée à l’œuvre de la sculptrice française, Madame SABINE MORVAN BINDSCHEDLER, intitulée : LES COURBES DE L’IMAGINAIRE.

L’artiste SABINE MORVAN BINDSCHEDLER qui exposait dans un espace adjacent à celui exposant l’œuvre de son mari, le peintre ERIK MORVAN, nous a étonné par le véritable amour qu’elle témoigne envers les courbes conçues de façon antithétique (voire antagoniste), qui s’inscrivent dans la restitution de la sensualité sensible. Les angles serrés contrastent avec les angles ouverts réalisés dans des attitudes ramassées, rentrées en elles-mêmes. Entre ces deux attitudes plastiques, la ligne affirme une présence effective. Elle se développe  en gardienne comme pour mieux tracer la voie au  volume.  

TRANSFERT (bronze-46 cm)

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répond à cette expérience esthétique en alliant, derechef, la courbe pleine avec à l’avant de la pièce, la forme concave, conçue comme l’image d’un retour en soi-même. Cette partie concave présente trois excroissances, l’une reposant sur l’autre, évoquant presque des créatures dormantes. Sur la droite, en bas, le volume naissant s’achève par une forme connue que l’on pourrait interpréter comme évoquant la pointe d’un sein. L’artiste a tenu à apporter une explication personnelle à cette œuvre : « l’univers sidéral uni à la matière provoque un espace de sensibilité où les êtres peuvent arriver à se comprendre. Les fractures de la vie font sublimer l’esprit.» Ces « fractures de la vie » structurant le volume ressemblent à ces hachures qui fractionnent la pièce dans l’attente future d’une unité.

Les angles aigus se retrouvent, notamment, dans PUISSANCE SEREINE (bronze-42 cm).

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L’artiste pose son intention : « Le repos avant l’effort». Cette démarche est un avant goût à la pensée nietzschéenne, laquelle préconise le « repos apollinien » après l’ « effort dionysiaque ».  Le corps « disparait » en quelque sorte. L’Homme n’est plus qu’une suite de formes synthétiques incarnées dans l’angle en totale métamorphose. La posture du personnage, tendue vers l’arrière, incite effectivement au repos. Les pleins et le vides suggèrent une musculature inexistante.

Le visage est absent, ou plutôt, il somnole dans un espace rectangulaire comportant, en son milieu, une excroissance vertébrale, le séparant en deux axes. L’artiste a-t-elle toujours été sculpteur?

Ce trait, d’une extrême finesse, séparant les zones planes des zones convexes, délimitant les espaces, témoignent d’une grande sensibilité picturale dans la conception de la pièce sculptée.

INTROSPECTION (bronze-16 cm)

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L’artiste précise sa démarche en ce sens : « se concentrer, se retourner contre soi-même, certes c’est une recherche de la vie, de l’éternité. Se protéger contre les agressions, élaborer une carapace de protection pour affronter, sans crainte, le monde qui nous entoure ». Nous sommes, par conséquent, dans l’intime. Dans un intime qui refuse de se dévoiler au Monde. Une intimité qui jamais n’aurait souffert de se manifester dans une œuvre de grandes dimensions. Dans cette pièce, l’intime, pour conserver son humanité, se manifeste dans l’écrin d’une œuvre en réduction.  

Elève à l’atelier Paul Bigorre, au Maroc ainsi qu’à l’atelier Jean-Jacques Hamard, faisant partie de la Fondation Rothschild/Paris-Est, les œuvres exposées expriment à la fois différents états d’âme ainsi que plusieurs étapes qui ont structuré son travail. Après des études littéraires, elle s’est immédiatement dirigée vers la sculpture. Le but de son travail exposé (que l’on retrouve tout particulièrement dans PUISSANCE SEREINE-mentionnée plus haut) consiste dans une stylisation travaillée de la figure humaine. A’ la question que nous nous posions plus haut, à savoir le rôle de la ligne dans le tracé de sa sculpture est certainement le fait d’une influence exercée par sa mère, artiste-peintre. Néanmoins, son souci principal de sculptrice est celui de la représentation de la pièce dans ses trois dimensions ainsi que le rapport harmonieux entre les pleins et les vides. Quant aux ombres et aux lumières, l’artiste s’en sert comme d’un matériau jouant sur la plastique. Sa philosophie de la forme est centrée sur le sentiment libérant le visiteur au contact avec la pièce, en insistant sur le fait que, bien entendu, aucune réponse n’est préconçue et qu’il lui incombe de la vivre. Sa technique consiste dans le bronze, additionné de terre et de résine. L’artiste évite systématiquement toute forme d’influences, voulant garder, comme elle le spécifie, son regard « vierge ». Depuis peu, elle évolue dans une esthétique excluant la forme lisse, apportant à la pièce plus de matière.

L’œuvre de SABINE MORVAN BINDSCHDLER est avant tout un voyage au cœur d’une introspection.

Et cette « introspection », déclamée sur plusieurs niveaux, nous offre, tant dans son « transfert » que dans sa « puissance sereine », un portrait vivant de la sensibilité de cette excellente artiste.   

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2020 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

12273335875?profile=originalLa sculptrice SABINE MORVAN BINDSCHEDLER dans son atelier 

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DOMINIQUE PERREARD OU L'ELOGE DU MASQUE

                                                  DOMINIQUE PERREARD OU L’ELOGE DU MASQUE

Du 03-11 au 25-11-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter l’œuvre de l’artiste français Monsieur DOMINIQUE PERREARD, intitulée : EN TETE A’ TETE.

Auréolé d’une atmosphère carnavalesque, l’univers de DOMINIQUE PERREARD arpente des dimensions rarement atteintes dans la conception du masque. En vérité, l’univers de cet artiste oscille entre la sculpture et la peinture, en ce sens que chaque masque est limité dans son espace par un cadre. A’ un point tel qu’il devient difficile pour le visiteur de définir où commence le tableau et où émerge la sculpture. L’un étant l’alter ego de l’autre. Le tableau en tant que tel est le terreau à partir duquel prend naissance le masque. Par son œuvre, l’artiste recule les frontières dans la représentation du visage humain. Il y a du burlesque qui nous replonge dans les carnavals de notre enfance, à l’instar de VISAGE 04 (109 x 90 cm - techniques mixtes, papier, pigments…).
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Mais il y a aussi de l’« abstrait » (faute de le qualifier autrement) dans cette série de visages aux traits évanescents, baignant dans un blanc laiteux, contrastant avec un chromatisme bariolé, évoluant du jaune vif vers le rouge, alterné de touches blanches, traitées au couteau dans le bas et s’évanouissant vers le haut. Remarquez de quelle façon les visages émergent de l’espace : ils ressortent à la manière des bas-reliefs expulsés de la pierre. Ceux-ci apparaissent de façon saillante, à partir du trait noir extrêmement prononcé, amplifié par du papier chiffonné.

Le visage démultiplié régit la composition de NAISSANCE (124 x 69 cm- techniques mixtes, papier, pigments…).12273328491?profile=original

Elle se situe à un stade de son évolution où « tout peut arriver ». Le visage et ses attributs se mettent en place mais leur emplacement demeure encore anarchique : tout est imbriqué dans tout. De prime abord le visiteur se trouve face à un conglomérat, une masse informe de laquelle jaillissent les éléments constitutifs du visage, lequel trouvera son aboutissement discrètement coincé entre plusieurs éléments vers la gauche, au centre de l’œuvre. Il devient, dans l’imaginaire du visiteur, la concrétisation du « naissant », en ce sens qu’à de nombreuses reprises, l’idée embryonnaire du visage achevé se profile sur divers côtés du tableau. Même discours, en haut, sur la droite de l’œuvre : le profil exprimé par le bas se manifeste, donnant à ce dernier une allure faisant penser à un visage ornant une poterie Nazca (céramique précolombienne).

La force caractérisant l’œuvre de DOMINIQUE PERREARD est constituée à la fois par le volume et par la couleur, généralement très vive, renforçant de ce fait la puissance même du volume.

Une série de six petits formats représentant des visages, évoquant la volonté de « portrait », apparaît pour la première fois dans cette exposition. A’ l’exception d’un visage campé de profil, tous les autres fixent le visiteur. Même si ces portraits sont imaginaires ou symboliques, leur conception est une réminiscence contemporaine des masques de James Ensor, tels que la FIGURE 6, particulièrement dans l’expression et le chromatisme.

FIGURE 6 (39 x34 cm - techniques misxtes, papier, pigments...) 

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Mais il y a également une évocation de l’expressionnisme allemand des années ’20 et ’30, notamment dans les FIGURE 2  et FIGURE 4  ainsi que de Francis Bacon.

FIGURE 2 (44 x 36 cm - techniques mixtes, papiers, pigments...)12273329661?profile=original

FIGURE 4 (40 x33 cm - techniques mixtes, papaiers, pigments...)

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Ces petits formats exposés ne sont qu’un échantillon de sa production, comportant quelque soixante oeuvres de cette dimension. La notion du « portrait » est flagrante, à la fois dans sa présentation que dans ses références historiques. Néanmoins, rien n’a été voulu car tout est le fruit de l’inconscient. L’importance de ces petits formats réside dans le fait de nous faire comprendre que nous sommes toujours bel et bien dans le masque dans toute sa dimension mythologique. En effet, ces visages grimaçants et déformés, drôles ou tristes ne sont que l’expression de ce qui s’abrite derrière l’écran du masque, à savoir la Persona.

Le sentiment de la pierre nous est rendu par BAS-RELIEF 0 (68 x 48 cm – techniques mixtes, papier, pigments…).

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Le côté « argileux » qui se dégage de cette pièce est dû à la magie de la technique mixte utilisée par l’artiste. Les deux visages (sculptures) ressortent au regard à partir d’un arrière-plan brun-ocre, renforçant au sein de l’inconscient l’idée tangible de la pierre sculptée.

LA DAME (94 x 74 cm – techniques mixtes, papier, pigments…) constitue l’exemple parfait du tableau sculpté.12273331070?profile=original

Des résidus de matière conçoivent et décorent la robe du personnage. Son rôle est celui d’accrocher la lumière. Des notes rouge vif affirment le corsage de sa robe.

Sa chevelure s’éparpille à l’intérieur d’un halot lumineux dominé par le jaune or, le noir le plus sombre et le rouge vif. Le visage respecte cette ligne de démarcation infime entre peinture et sculpture : jaillissant à peine de la toile, seuls le nez, les arcades sourcilières, la bouche et le menton ressortent de l’espace pictural pour trouver leur identité plastique propre, à l’intérieur de cette polysémie chromatique.

L’idée du « portrait » est à nouveau présente dans le regard de la dame fixant le visiteur. Sa particularité consiste dans le fait de s’éloigner de la toile pour que celle-ci se dévoile dans tous ses atours.

Il n’y a pas vraiment un nom pour qualifier l’art de DOMINIQUE PERREARD. « Modeleur » ferait sans doute l’affaire, puisque la construction du masque est une affaire de « modelage ». Et l’artiste s’exprime dans une discipline associant relief « sculpté » (étant donné qu’il s’agit de « bas-reliefs » en masques) et peinture, puisque l’œuvre s’enserre à l’intérieur d’une toile peinte. Il s’agit ici d’un art original puisqu’il s’écarte des sentiers battus pour avancer vers d’autres dimensions créatrices.

Avec FOULE 08, nous retournons dans l’interprétation inconsciente. En effet, parmi les visages entourant le personnage central, il y en a un dont le menton termine en pointe son faciès émacié, accusant un prognathisme prononcé. Là aussi une référence à l’histoire de l’Art proche-oriental s’affirme lorsque nous le comparons à la statuaire égyptienne de la 18ème dynastie.

FOULE 08 (118 x 75 cm - techniques mixtes, papiers, pigments...)

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FOULE 08 (autre tableau - 102 x 67 cm – techniques mixtes, papier, pigments).

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Seize variations sur le thème du masque-visage se déclinent en une infinité de modulations dans lesquelles la matière imprime l’idée de la forme, presque en s’effaçant, tellement elle devient fragmentaire sans que jamais celle-ci l’emporte sur le dessein à l’origine de la forme. Nous restons dans l’idée ou plutôt dans l’esthétique de l’idée car à chaque reprise, l’artiste s’arrête avant la forme « achevée ». Elle se suffit à elle-même, la matière, n’étant là que pour souligner l’idée : nez, bouche, regard…jamais la matière, finement étalée, presque poudreuse, ne rivalise avec le dessin servant de limite au champ expérimental.  

DOMINIQUE PERREARD peint depuis l’âge de dix-neuf ans. Bien qu’il soit passé maître dans l’art du modelage, il a peu pratiqué la sculpture.

Sa rencontre avec le masque s’est faite par le biais du théâtre en tant que scénographe. En effet, il a pratiqué le théâtre de marionnettes ainsi que celui de rues, dans lesquels le rôle du masque est fondamental depuis la tragédie grecque en passant par la Commedia dell’Arte dans la culture occidentale. Il a d’abord pratiqué la peinture avant de se diriger vers la scène. Il a d’ailleurs monté plusieurs compagnies. L’artiste ne fait aucune distinction entre peinture, sculpture et modelage étant donné qu’il les pratique indistinctement.

Lorsqu’on lui demande s’il a eu la volonté de « portraiturer », il répond par la négative. Le « portrait » se réalise donc de façon inconsciente par le biais de la culture emmagasinée dans le domaine artistique depuis des années. Le dénominateur commun à tout cela étant, évidemment, le théâtre. Néanmoins, il est indéniable que l’œuvre de l’artiste ait été influencée, notamment, par l’art brut. Cela se perçoit dans la conception plastique de cet ensemble que l’on pourrait qualifier de « peinture sculptée ». Sa technique est principalement basée sur le papier pour dessin. Il s’agit essentiellement d’une technique mixte, conçue à base de sable, de papier, de pigments, de poussière de bois et de liant. La matière (la conception même du papier), est réalisée sur base de feuilles encollées, malaxées en pâte.

DOMINIQUE PERREARD poursuit une tradition artistique et culturelle séculaire : celle de rendre vivante la partie enfouie en nous-mêmes que la tragédie et la Commedia dell’Arte ont offert au peuple pour qu’il y perçoive son reflet humain à l’intérieur de tous ses possibles.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures"  ©  2020 Robert Paul 
                                                   

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable 

 

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza                                     

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L'artiste DOMINIQUE PERREARD et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistes et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de DOMINIQUE PERREARD à l'ESPACE ART GALLERY 

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                                               LES VOIES DU SURREALISME : L’ŒUVRE DE MAX PARISOT

Du 05-10 au 25-11-2018, l’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) a consacré une exposition au peintre français, Monsieur MAX PARISOT, intitulée : EQUILIBRE FINAL.

Nous nous situons, avec MAX PARISOT à la charnière entre surréalisme et esthétique numérique. Onirisme surréaliste et cinétisme numérique s’entrecroisent pour former un Tout paisible, annonçant déjà un premier équilibre, essentiellement stylistique. Vient ensuite un deuxième équilibre, strictement sémantique. L’œil parcourant le lexique pictural apprivoise l’univers de l’artiste, essentiellement composé de personnages tels que l’arbre, la lune et la mer.

L’arbre peut se présenter squelettique, comme dans VUE DE LA FENETRE D’UN TRAIN (65 x 95 cm).

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A’ travers une coupe radiographique évoquant l’intérieur d’une cage thoracique humaine, proposée dans POUMONS (60 x 85 cm).

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Sous la forme d’une composition cinétique blanchie par la neige à l’instar de PAYSAGE DE NEIGE AVEC LUNE (45 x 65 cm).

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La lune a pour constante d’être pleine et radieuse.

SORTIR (60 x 85 cm).  

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Malgré l'atmosphère nocturne, elle revêt totalement  son rôle d'astre, tellement sa présence est solaire. Quant à la mer, elle apparaît toujours calme pour ne pas dire immobile, sur laquelle tout ce qui s'y aventure est comme retenu en suspension. Cette oeuvre est une invitation au voyage. Une vague, d'un bleu "magrittien" déferle, à partir d'une zone obscure, renforcée en puissance dans le haut par le noir intense, vers une mer calme que l'écume engendrée par l'ivresse du bateau rend agitée. Cette vue à partir de la vague originelle est une métaphore de l'Homme qui veut sortir de sa condition pour toucher l'Absolu. Cette image porte en elle le mysticisme surréaliste. Un mysticisme axé sur l'introspection. Avec son univers filandreux, POUMONS (cité plus haut) pourrait, à l'extrême limite, être interprété comme une radioscopie de l'âme.  

La naissance de tout équilibre est garantie par le calme. Dans VUE (cité plus haut), la garantie de cet équilibre est assurée par la silhouette impassible et frêle du moine bouddhiste se profilant au loin sur la ligne d’horizon, vers la gauche de la toile. Cette œuvre est remarquable à plus d’un titre. Premièrement, elle distille un fabuleux trompe-l’œil par le fait que le cadrage de la scène se réalise, non pas à partir de l’arbre, lequel se trouverait à l’avant-plan mais bien par la présence matérielle de la fenêtre métallique, faisant office d’écran, à partir duquel l’image est, pour ainsi dire, projetée. Une autre métaphore de la présence du calme est suggérée par la nature profonde du chromatisme usité par l’artiste. Même conçus de brun vif (en dégradés), les nuages brûlés par le crépuscule, conservent une attitude de recueillement ne prêtant jamais à une narration dramatique. 

LE PRINTEMPS (45 x 65 cm) 12273316271?profile=original

nous transporte dans un monde inconnu, en ce sens que nous ne savons plus où nous sommes. Le premier plan, constitué par les fleurs rouges (des coquelicots) nous conduit vers un espace aquatique buriné par des ondulations aux tonalités bleu et vert que la lumière dorée du soleil, conçue en filigrane, a rendu brillantes comme les reflets d’un miroir.

CHAPELLE SOUS LA LUNE (80 x 120 cm)

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est une invocation à la nuit. A’ partir d’un paysage hivernal, la chapelle, traitée comme une ombre, avec sa masse architecturale sombre, surmontée d’une toiture noire, timidement illuminée par une lampe, se détache de l’arrière-plan nocturne pour acquérir son identité plastique et spirituelle propre. Aux deux extrémités de l’espace pictural, s’affirment deux formes : l’une figurative (sur la droite), l’autre abstraite (à l’avant-plan sur la gauche). La fonction du chromatisme consiste à appuyer la spécificité de ces formes. Le rouge vif indique qu’il s’agit d’une forme connue : celle d’un ensemble de fleurs (sur la droite). Tandis que le blanc à la consistance cinétique « électrise », en quelque sorte, l’idée de l’arbuste squelettique transi par l’hiver. Une opposition, à la fois symbolique et chromatique, s’installe dès lors entre le rouge de la vie (les fleurs) et le calme blanc de la mort augmentée par la conception serpentine du tronc de l’arbre. 

Conception picturale d’un rapport entre la notion d’un paysage « classique » et l’utilisation du traitement digitaliste dans son expression graphique.

EQUILIBRE FINAL (60 x 85 cm)

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synthétise tous les éléments évoqués dans l’œuvre de l’artiste, à savoir la mer, les rochers, le ciel, les nuages (ici menaçants), le bateau et la terre ferme. Un seul élément apparaît pour la première fois : la présence d’oiseaux toujours au nombre de huit, comme le montrent d’autres toiles sur lesquelles ils figurent, sans qu’il y ait (aux dires de l’artiste), la volonté d’une signification symbolique concernant le chiffre « huit ».  

Mais ce qui frappe avant tout c’est l’image du mariage mystique entre deux mondes : celui du haut et celui du bas exprimé par ces quatre rochers, divisés en groupe de deux, dont l’un provenant du haut « atterrit » sur celui du bas.

MAX PARISOT est à la base d’un mouvement qui utilise le digitalisme dont le but est celui d’assurer à l’artiste une liberté sans limites dans ses moyens d’expression. Né en 1950 du travail commun de deux mathématiciens, l’américain Ben Laposky et l’allemand Manfred Frank, cette forme d’art essentiellement numérique, peut être élaborée à partir de la scansion des photos, prises individuellement. Ce qui permet d’effectuer des retouches. Et nous savons que l’artiste dispose de toute une collection de « stills » qu’il retravaille à sa guise. Depuis maintenant des années, l’ordinateur a fait son entrée à la fois dans la peinture ainsi que dans la musique. Que ce soit dans cette deuxième discipline comme dans la peinture, cette nouvelle technologie assure leur essence contemporaine à la fois dans leur dynamique comme dans leur esthétique. De plus, le stockage des images permet à l’artiste de les modifier indéfiniment, exprimant sa volonté de les recréer. Evoluant simultanément entre surréalisme et numérique, force est de constater que ces deux écritures sont consubstantielles l’une par rapport à l’autre. Son but est, comme il le dit lui-même, celui de créer un « choc » chez le visiteur dans sa révélation de la beauté. Conscient, comme tout véritable artiste, de la complexité de la condition humaine, il s’efforce par son œuvre à donner de la joie. Cette joie, l’artiste l’exprime avant tout par sa connaissance des couleurs, laquelle lui vient de son parcours professionnel lorsqu’il s’occupait de la fabrication de meubles au sein de son entreprise familiale. Son travail consistait à s’occuper des couleurs et des formes. Sa technique se focalise principalement dans l’assemblage de photos considérées comme les collages d’antan, sur base d’une technologie nouvelle.

Il travaille, comme spécifié plus haut, à partir de sa propre photothèque en détournant les sujets de leur propre contexte pour les aligner vers une autre réalité. Surréaliste avant tout, il révère Dali (cela se voit, notamment dans la CHAPELLE, cité plus haut : sujet « classique » plongé dans une nature qui le transcende) mais il est également très attiré par les Impressionnistes (comme le démontre sa conception chromatique concernant LE PRINTEMPS (cité plus haut) ainsi que par Picasso. A’ la question de savoir s’il compte poursuivre ce chemin, il répond par l’affirmative. MAX PARISOT est un artiste qui a trouvé sa voie dans la matérialisation d’une poétique savante, héritière d’une culture qui a façonné le siècle dernier, mise en exergue par la technologie du 21ème siècle, exprimée dans l’intemporalité naturellement humaine de son essence.

François L. Speranza.

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Photo de l'exposition consacrée à Max Parisot à l'ESPACE ART GALLERY

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                        L’AUTOPORTRAIT PAR LE BIAIS DU SUJET : L’ŒUVRE D’ANIK BOTTICHIO

Du 01-08 au 30-09-18, l’ESPACE ART GALLERY (83 Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) vous a présenté une exposition dédiée à l’artiste peintre française Madame ANIK BOTTICHIO, intitulée FILIGRANE.

La question que nous pose FILIGRANE se résume à ce qu’est, en définitive, un sujet. Sans nul doute, il s’agit ici de la FEMME. Une Femme déclinée en plusieurs fractions psychologiques, traduites dans une série de poses, conçues dans une intimité à chaque fois renouvelée, qui s’affirme dans plusieurs étapes de sa vie : de l’enfance en passant pas l’adolescence pour terminer à l’âge adulte. Ses étapes, ou pour mieux dire, ses états d’âme, se muent en une série d’interrogations exprimées dans une série d’attitudes, lesquelles prennent pour cible des personnages ayant marqué l’Histoire de l’art, tels que Frida Khalo.

Cette série d’interrogations, plastiquement soulignées par un chromatisme généralement sombre, nous présente un visage féminin campé de profil, à la blancheur immaculée.

NOUS (120 x 90 cm-acrylique sur toile).

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Cette œuvre a quelque chose de sculptural, en ce sens que jaillissant de la robe tout de noir conçue et surplombée d’une coiffure dont la couleur brune épouse celle du vêtement, la blancheur carrément translucide du cou, issue d’une échancrure laissant deviner une partie du tronc aboutit sur un visage à la lucidité désarmante. L’œuvre est parsemée, sur la gauche (par rapport au visiteur) par un ensemble calligraphique en évanescence. Sur la droite de la composition, apparaît le visage furtif d’un homme à peine ébauché. Il fait office d’apparition. Sa position face à celui de la femme laisse penser à un rapport étroit, soit terminé, soit amorcé. L’idée du baiser, à venir ou passé, affleure l’imaginaire du visiteur. La conception de la composition est tout simplement magistrale : une zone rouge au centre de la toile, délimite deux cadres – un cadre extérieur et un cadre intérieur. La zone rouge se trouve en fait à l’intérieur, laquelle forme un deuxième cadre. Le visage de l’homme, à peine esquissé, se trouve à l’intérieur de ce cadre. Celui de la femme irradiant l’espace domine la zone extérieure. Tout en étant rapprochés, ils appartiennent à deux univers différents.

Le visage de la femme est souligné par un trait fortement prononcé pour bien en faire ressortir le volume.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (120 x 60 cm-collage et acrylique sur toile)

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Ici encore le sujet se démultiplie en une seule image : la petite fille qui regarde le ballon s’envoler, la position de son corps traduisant l’attente de quelque chose. Le titre d’un journal sur ce qui peut être une palissade : « Rêvons ». Enfin, la couleur blafarde, évoquée par un blanc laiteux à outrance, traduisant par sa consistance, la symbolique de l’innocence.

Ayant pour sujet la profondeur du Moi dans tous ses abîmes, la symbolique tient dans l’œuvre de l’artiste une place capitale. Une de ces images symboliques est celle du carré. Plus exactement, le carré dans le carré. Il est semblable à un jeu de poupées russes, l’une emboîtée dans l’autre, jusqu’à atteindre le tréfonds (si tréfonds il y a!) de l’âme de l’artiste. Le carré dans sa valeur symbolique se retrouve constamment imprimé vers le bas des toiles. Soit il recouvre la forme de six petits cubes (à l’instar de NOUS, cité plus haut), associés à la signature (trois fois gravée verticalement) de l’artiste : le logo se trouvant dans chaque carré. 

LES AUTRES (120 x 90 cm-acrylique sur toile)

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évoque une fois encore un discours similaire. Un personnage féminin délimité par deux espaces, enjolivés par un subtil jeu de perspective à peine visible, lequel est placé à gauche de ¾ par rapport à celui de droite, conçu en plan. Celui-ci émerge de la zone rouge apparaissant déjà présente dans NOUS. Mais ici son rôle est plus puissant, en ce sens qu’étant enserré dans un demi carré de couleur blanc-cassé, délimitant l’espace vers la droite, le visage du personnage n’apparaît qu’à moitié. Ce qui donne le sentiment d’être en retrait par rapport à celui de gauche. Tous deux fixent le visiteur instaurant un dialogue intérieur. La femme de droite devient le double de celle de gauche. Elle la représente en tant que masque, assurant le rôle de la « Persona ». Remarquez la façon de mettre en valeur les visages : à l’instar de NOUS, un trait puissant en délimite les contours tandis que l’expression faciale émerge du chromatisme uniforme composant la coiffure ainsi que la robe : blanc pour le personnage de gauche, brun-foncé pour celui de droite. Bien que la dialectique ne soit pas la même, le visage scindé en son milieu du personnage de LES AUTRES répond en quelque sorte au visage de l’homme, à peine esquissé de UNE HISTOIRE SANS FIN (120 x 7O cm- collage et acrylique sur toile). Une calligraphie évanescente se superpose sur la toile.

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UNE HISTOIRE SANS FIN contient également une zone rouge comprise dans un carré de laquelle émerge la femme dont l’expression traduit une certaine inquiétude (position de la main droite devant la bouche). Le bras, légèrement avancé pour atteindre la bouche, n’existe que comme un jeu de propulsion du corps en tant qu’émergence de l’Etre vers la réalité sensible.

Son visage jaillit, si l’on ose dire, du « fait divers », puisque en tenant compte du titre inscrit sur le panel, il participe comme tout un chacun d’une histoire. La coupure de presse lui concède le passage vers la réalité immédiate. Tourné vers sa gauche, son visage évite pudiquement celui du visiteur.

C’TE VAS ? (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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demeure globalement sombre dans son chromatisme, à l’exception des quatre bagues, de la boucle d’oreille et des deux fermoirs fixant la chevelure : le turquoise, le bleu, le jaune et le rouge sont esquissés.

FRIDA (120 x 70 cm-acrylique sur toile)

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par contre, laisse littéralement exploser la couleur, renouant avec la psychologie de Frida Kahlo. Particulièrement lorsque l’artiste fait pousser des plantes à l’intérieur de son corps.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (cité plus haut) met avant tout sa technique en relief. Elle se définit à la fois par le collage, l’acrylique et l’huile. Sa peinture est avant tout très diluée. Elle frotte énormément sur la toile avec toutes sortes de brosses pour rendre la forme la plus lisse possible. Comme elle dit d’emblée, sa technique s’applique à fuir la ligne car elle s’évertue à fuir l’académisme. Néanmoins, elle y revient car en le fuyant, elle ne reconnaît plus son travail. L’académisme devient dès lors un référent à son écriture picturale.

La Femme, comme vous l’aurez remarqué, est le véritable sujet de son œuvre. L’Homme est très peu présent. Sans doute n’est-il là que pour la mettre en exergue. Ce furent ses états d’âmes qui ont motivé sa production car il faut, aux dires de l’artiste, considérer son œuvre comme un ensemble d’autoportraits soulignant diverses étapes de sa vie. Cette mise en scène est précisée par un cadrage extrêmement rigoureux, lequel contient, délimite et structure la composition. Le titre de l’exposition, FILIGRANE, souligne la transparence ainsi que la profondeur qu’exige la prise de conscience exprimée par tout véritable autoportrait. Un élément ne manquera pas d’interpeller le visiteur, à savoir la présence d’une calligraphie qui refuse de se laisser lire, n’entraînant ainsi aucune interprétation. Les carrés sont (comme nous l’avons spécifié plus haut) sa signature en forme de logo. 

ANIK BOTTICHIO a suivi une formation académique à Nancy et à Metz. Outre sa trajectoire artistique, elle pratique également l’art-thérapie en milieu hospitalier. Et lorsqu’on lui demande si l’art, en lui-même, n’est pas une forme de thérapie, elle répond par la négative, en affirmant qu’il faut un tiers pour être à l’écoute de la souffrance. Que le simple contact avec l’œuvre d’art n’apporte rien en matière de résilience. La création devient alors un exutoire permettant à l’artiste de redimensionner la souffrance vécue par l’intermédiaire du sujet.

Germain Bazin disait à très juste titre que le précurseur de l’autoportrait est Rembrandt car la suite de visages qu’il exposait de lui-même mettait sa conscience à nu, à la fois pour lui-même et pour le regardant en qui l’acte d’introspection rejaillit à l’intérieur de sa propre conscience. Faut-il, dès lors, s‘étonner de voir Frida Kahlo représentée? Elle personnifie à la fois la souffrance ainsi que l’émergence de la révolte face à l’inéluctable. Le refus de capituler face à sa condition de femme castée à la fois par le handicap physique ainsi que par les conventions d’une société mexicaine conservatrice peu enclin à accepter sa liberté assumée, exprimée par son homosexualité. Son corps à l’intérieur duquel naissent des fleurs est une évocation de sa volonté de renaissance. Thématique qu’elle utilisa bien souvent tout au long de sa trajectoire créatrice. 

L’artiste n’en finit pas de nous interpeller au travers de ses visages féminins en attente de sortir enfin de leur ombre blanche et froide. Derrière le « sujet » il y a ANIK BOTTICHIO qui, par de-là la condition humaine, se fait l’étendard de l’universalité de la condition souffrante.

Acte courageux et diaphane qu’exprime la translucidité de chaque visage féminin à la souffrance interrogative.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" ©  2019 Robert Paul

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

                                                        

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Anik Bottichio et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de ANIK BOTTICHIO à l'ESPACE ART GALLERY 

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                ABSTRACTION LYRIQUE - IMAGE PROPHETIQUE : L’ART DE KEO MERLIER-HAIM

Du 04-05 au 03-06-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’artiste-peintre française, Madame KEO MERLIER-HAIM, intitulée LES LUMIERES DE L’AME.

Le propre de l’abstraction lyrique c’est qu’elle peut prendre bien des aspects. Elle se définit, néanmoins, par cette éclosion de couleurs chatoyantes aboutissant à cette forme que l’on définit « abstraite ».

L’abstraction de KEO MERLIER-HAIM a ceci de particulier qu’elle ne laisse rien transparaître au premier contact. Il ne s’agit pas pour autant d’une peinture à l’approche « difficile ». Néanmoins, elle laisse de prime abord un goût « hermétique ». Peut-être parce que la plupart des œuvres exposées partent d’un arrière-plan noir duquel émergent les couleurs extrêmement vives, à certains moments aveuglantes, pour les faire ressortir de la manière la plus abstraitement fauviste possible. Les couleurs semblent, à première vue, se bousculer, devenir chaotiques. Mais ce n’est qu’une impression que le visiteur dépasse aussitôt, une fois qu’il immerge son regard à l’intérieur de la toile. Ce sentiment de chaos est rapidement dépassé lorsqu’on s’aperçoit qu’en réalité, chaque élément chromatique s’enserre dans la zone qui lui est destiné.

Partons de CLAUSE SUSPENSIVE Les couleurs émergent d’un arrière-plan noir intense, interrompu de violet et de mauve en son centre. De la partie supérieure gauche tourbillonne un halot doré. Cette particularité à part, tout est en quelque sorte, mathématique en ce sens qu’il permet une lecture à partir de l’avant-plan vers le bas : trois zones chromatiques se définissent, annonçant une quatrième recouvrant la majorité de l’espace. Une première zone dominée par le violet amène, tel un premier gradin, le regard vers le haut, suivie d’une deuxième zone jaune-or. Celle-ci annonce un troisième espace dominé par le rouge vif. A’ partir de cette étape, une quatrième zone chromatique monopolise l’espace par le noir. L’on a le sentiment que ces quatre strates représentent des étapes, des moments de conscience mûrement réfléchis sur la toile. Tout créateur porte en lui sa mythologie personnelle.    

 CLAUSE SUSPENSIVE (89 x 116 cm-huile sur toile de coton)       

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Nous ne faisons que créer à partir de notre propre mythologie. Le discours qui sous-tend l’œuvre de cette artiste est empreint de ce qui concrétise et anime son for intérieur.

Dans cette œuvre se dessine, à l’arrière-plan du visible, un désir d’encouragent, compris comme une adjonction au dépassement de soi. 

FRACTION DE SECONDE  est la seule œuvre exposée à se définir à travers une véritable géométrie.

FRACTION DE SECONDE (80 x 116 cm-huile sur toile de" coton)

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Un triptyque en un seul plan décompose trois zones. Chacune d’elles définit deux couleurs : bleu-vert pour la partie droite. Rouge-vert  pour la gauche.

Le centre réunit une ramification de tonalités essentiellement composée de vert-clair, de blanc vaporeux, de mauve-clair sur le haut comme sur le bas, l’un répondant à l’autre. Le tout étant structuré par un cercle projeté depuis l’avant-plan noir, lequel est divisé par deux barres noires dans sa partie médiane. Si une impression de chaos submerge CLAUSE SUSPENSIVE (cité plus haut) un sentiment de rationalité dicté par la matérialité sauvage de l’œuvre envahit FRACTION DE SECONDE. Le titre, très explicite, appuie picturalement la scansion du temps. Il est d’ailleurs rarissime qu’une œuvre picturale déconstruise le temps d’une façon aussi chirurgicale. Les trois espaces sont scindés sur des proportions exactes. L’on pourrait carrément évoquer une œuvre musicale.

TRIOMPHER DU SCHEMA (116 x 89 cm-huile sur toile de coton) 12273295660?profile=original

nous propose le même discours, à un point tel que nous pourrions parler d’une œuvre architecturale, en ce sens qu’à partir d’une progression par le bas, à l’avant-plan, l’ensemble s’étale progressivement vers le haut. A’ partir d’une zone à dominante verte, en bas à l’avant-plan, des ramifications  éparses conçues sur le jaune donnent le sentiment de se trouver face à trois terrasses savamment reliées par ces mêmes ramifications. Il y a une sorte d’atmosphère « champêtre » évoquant le souvenir d’une « agriculture en terrasses », au-dessus de laquelle s’étale un jeu de formes jaunes, rouges (en dégradés) entrelacées de reliefs bruns, appuyés par un trait noir, suivis d’un vaste espace bleu confinant vers le haut. Ces ramifications sont comme des ancres qui nous retiennent à notre humanité. Sur cette même partie supérieure se trouvent des ramifications bleues répondant aux ramifications jaunes de l’avant-plan, situées vers le bas. L’œuvre est également propulsée vers le regard du visiteur à partir d’un arrière-plan noir. L’artiste l’a conçue sur le principe de l’encouragement, en ce sens qu’elle incite à n’être autre que nous-mêmes dans notre parcours à la fois humain et créateur.   

 Avec FULGURANCE DU VERRE (100 x 81 cm-huile sur toile de coton) 12273296077?profile=original

nous sortons du schéma que nous propose l’artiste pour aboutir vers un univers feutré, dominé par le blanc diaphane, entrecoupé de jaune-clair à partir duquel se propulse la forme. Cette forme se déploie à partir d’un trait noir intense, partant de la droite, en haut et descendant abruptement vers le bas. A’ partir de ce trait, se développe une forme de « végétation » fouillée. Nous nous trouvons ici au cœur de l’abstraction lyrique « classique », en ce sens qu’une certaine douceur domine la composition et qu’une idée de forme culturellement « connue » surnage au milieu de l’espace pictural. Ce n’est pas involontaire si nous parlons de « végétation » car cette forme sortie de l’inconscient nous ramène à l’idée de l’arbre. A’ tel point qu’il serait légitime de se demander si l’œuvre n’aurait pas été mal accrochée aux cimaises : on voudrait presque la redresser! Sortie tout autant que les autres de sa mythologie personnelle, elle joue avec l’espace à l’intérieur d’un dialogue qui touche à la maladie. Car l’artiste représente ici la pathologie se profilant vers le haut tout en descendant vers le terrain de la guérison symbolisé par l’espace blanc-diaphane purifiant, en quelque sorte, l’espace.

 QUE LE VENT L’EMPORTE (81 x 100 cm-huile sur toile de coton). 12273295893?profile=original

Comme pour FRACTION DE SECONDE (cité plus haut), définissant picturalement le temps, le vent, pris comme personnage dans son individualité, est très rarement représenté plastiquement. Il sert souvent d’alibi pour illustrer le mouvement conséquent d’une tempête. Le temps et le vent expriment ici deux manières de saisir l’intangible : une fois de façon mathématique et rationnelle avec FRACTION DE SECONDE, ensuite de façon furtive et sauvage avec QUE LE VENT L’EMPORTE. La manière d’aborder la thématique consiste à épouser la nature du sujet. L’artiste épouse la mathématique du temps ainsi que l’intangibilité du vent. Un splendide ballet fait de brun (en dégradés) et de blanc fouette l’espace, entrainant dans cette collusion chromatique le mouvement nécessaire à la dynamique voulue pour créer l’idée projetée dans la forme du tourbillon.

 AINSI FUT FAIT (116 x 89 cm-huile sur toile de lin).

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Le titre est incontestablement d’inspiration biblique. L’œuvre se dessine par le bas à partir d’une note bleu (en dégradés) s’élevant vers le haut.

Au fur et à mesure que l’ascension s’amorce, le chromatisme s’intensifie, tout en laissant apparaître un faisceau blanc partant également du bas. Une fois rejoint la crête de la vague, celui-ci coïncide avec la trouée exposant le ciel. La vague atteint son sommet et à ce moment là, toutes les interprétations sont permises. Soit elle se referme sur elle-même, engloutissant tout ce qui lui est en-dessous. Soit elle s’ouvre pour révéler la lumière du ciel. La consonance biblique se réalise non seulement par le titre mais aussi par l’évocation d’un sujet biblique. En effet, interprétée de la sorte, comment une œuvre pareille peut ne pas évoquer l’épisode-clé de l’Exode au cours duquel l’armée de Pharaon est décimée par la mer? Et comment, cinématographiquement parlant, ne pas évoquer les deux versions des DIX COMMANDEMENTS de Cecil B. de Mille?  Cette séquence cinématographique représente la thématique de l’espoir, ainsi que l’artiste la reprend dans son écriture picturale.

KEO MERLIER-HAIM s’intéresse d’ailleurs beaucoup à l’histoire des Religions. QUE LE VENT L’EMPORTE, comme nous l’avons souligné plus haut, traduit également des réminiscences bibliques, ne fût-ce que par son titre.

En effet, comment ne pas penser à l’Ecclésiaste 1 :14, au cours duquel Salomon s’abandonne à cette célèbre méditation : « J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil et voici, tout est vanité et poursuite du vent ».  L’artiste a configuré cette œuvre dans le cadre de l’espoir. Si le vent efface le sable pour nous offrir une rémission, alors que le vent l’emporte… 

Le titre de l’exposition est, comme nous l’avons précisé, LES LUMIERES DE L’AME. KEO MERLIER-HAIM a voulu mettre en exergue la puissance de la lumière conçue comme le vecteur qui transcende le tréfonds de notre intériorité. En effet, la lumière joue le rôle principal dans l’œuvre de l’artiste.  Une question peut être posée, à savoir la lumière est-elle une matière à l’instar du vent et du temps? L’atteignons-nous de plein fouet ou tout comme ce que nous appelons « la vérité », il nous faut obligatoirement la contourner pour pouvoir l’atteindre? L’artiste commence sa quête devant la toile blanche en se demandant de quoi elle va, comme elle le dit, « parler ».

Sans aucune idée préconçue, elle attend que l’émotion la submerge pour l’exprimer sur la toile à partir de trois phases : un début, un milieu et une fin. Verbe, sujet, complément articulent le « parler » du discours pictural.

Le voyage créateur débute par la pensée et se termine par la main. Les titres de ses tableaux ont un rapport étroit avec le message exprimé. Comme elle l’avoue d’entrée de jeu, son art est intellectuel.

Elle n’est pas instinctive dans son travail. Son émotion, car émotion il y a, est immédiatement mise en forme. Ce qui relance l’œuvre engagée dans une sphère largement poétique. Cela se constate dans son approche du lyrisme : à la question de savoir si son écriture picturale est plus abstraite ou lyrique, elle répond d’emblée, plus abstraite car elle cherche à donner corps à une idée. Néanmoins, la dimension poétique transparaît lorsqu’elle affirme que c’est avant tout l’imaginaire qui la guide. La toile blanche lui donne la possibilité de saisir l’espace, en ce sens qu’elle cherche la meilleure façon de cadrer tel sujet intellectuel en fonction de ce qu’elle doit raconter. Comme nous l’avons spécifié plus haut, elle n’est pas une instinctive car elle réfléchit beaucoup avant de risquer le premier coup de pinceau. Son œuvre est avant tout un travail sur l’émotion. Un travail essentiellement poétique lequel se garde de rationaliser l’humain.

KEO MERLIER-HAIM qui peint depuis une dizaine d’années, a débuté par le figuratif mais l’a rapidement déserté pour l’abstrait en raison de la liberté qu’il offre. Autodidacte, sa technique de prédilection est l’huile sur toile de lin. Ses influences embrassent une palette de styles. L’impressionnisme de Cézanne la fascine et cela se remarque dans le traitement fauviste des couleurs que nous évoquions plus haut. Mais elle est également fascinée par le lyrisme du peintre franco-chinois Zao Wou Ki, dont on comprend que le chromatisme ainsi que la l’esthétique l’aient particulièrement influencée. Néanmoins, son activité créatrice ne se limite pas à la peinture. En effet, elle travaille aussi dans la sphère théâtrale en tant que metteur en scène en plus d’une activité d’écrivain.  

KEO MERLIER-HAIM nous offre un lyrisme prophétique dont l’abstraction nous incite à la connaissance et au dépassement de nous-mêmes, image sine qua non à la condition humaine.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2017 Robert Paul

 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Kéo Merlier-Haïm et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

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Photos de l'exposition de Keo Merlier-Haïm à l'ESPACE ART GALLERY

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                                        DE L’ABSTRACTION DES CORPS : L’ART DE DEJAN ELEZOVIC

Du 08-06 au 30-06-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a eu le plaisir de vous proposer une exposition dédiée à l’œuvre du sculpteur suisse, Monsieur DEJAN ELEZOVIC intitulée LA PORTE DU REVE.

Il y a des moments où, une fois entré dans la dimension onirique, l’ « abstraction » (faute de la définir autrement) se dilate en un ensemble de formes que seul le rêve, en tant que véhicule vers une dimension transcendantale, se risque dans une interprétation subjective. Et cela rejoint l’objectif de la sculpture moderne naissante des années ’20.

Des artistes tels que Brancusi se livrèrent à ce travail de mise en parallèle entre formes issues du vocabulaire culturel et onirisme. Il est merveilleux de constater qu’à partir de formes échappées du classique, les œuvres se sont dirigées vers une élongation, pour ne pas dire un étirement à outrance, conduisant à des résultats à première vue non aboutis, parce qu’aux antipodes de ce qui était considéré comme « connu » par une société bourgeoise engoncée dans un conformisme qualifié de révolu par l’avant-garde et fuyant les mutations de toutes sortes, en particulier le changement d’elle-même. Mais ce qui était « connu » et considéré comme définitif était, en dernière analyse, le corps humain restitué dans les proportions établies par le classicisme gréco-romain. Dès lors, l’apparition de l’abstraction en matière de sculpture au début du 20ème siècle, va bouleverser la perception totale de l’œuvre sculptée. Il en va de même pour la peinture sauf que la sculpture va carrément s’introduire dans la pierre, en débusquer toutes ses caractéristiques minéralogiques pour mieux les soumettre aux impératifs techniques et symboliques de la création. L’abstraction appliquée au corps humain brisera à tout jamais l’illusion de la connaissance dans la représentation du corps, à partir d’une rupture sémantique.   

DEJAN ELEZOVIC nous rappelle que son œuvre « contemporaine » par la date, participe de la philosophie du début du siècle dernier. Il nous offre des pièces sur bois qui adoptent souvent des torsions du buste, à la base « classique », pour se perdre dans les méandres que seul le rêve peut à la fois animer, interpréter et prolonger. Dire que l’essentiel de son œuvre est constitué de « pleins » et de « vides » résulterait à s’engouffrer dans la banalité. Mais à y regarder de près, ces pleins et ces vides, constitués de courbes et d’évidements, évoquent une nostalgie de la figure humaine transcendée par une esthétique à l’écoute de l’art moderne.

Ne perdons jamais de vue qu’en matière de sculpture, le mouvement se produit par la rotation du visiteur autour de l’œuvre. SOUVENIR présente deux surfaces enflées : la première dans le bas, l’autre dans le haut de la pièce. Au milieu de celle-ci, une surface évidée unit les deux parties.

      SOUVENIR12273292269?profile=original

Est-ce l’évocation d’un buste? Est-ce simplement un travail sur la forme? Néanmoins, LE DISCOBOLE de Myron (5ème s. avant J.C.) n’est-il pas, lui aussi, un travail sur la forme à partir du corps? Myron reprend une forme connue, l’image de laquelle nous sommes issus : le corps humain. Le corps humain aux prises avec une action socialement connue : celle de lancer un disque, dont l’issue aura des connotations religieuses donc politiques.  

DEJAN ELEZOVIC évoque une idée traduite dans une langue onirique laquelle demande une interprétation plastique subjective, à la fois de la part de l’artiste comme du visiteur. Cela dit, la dialectique demeure la même, en ce sens que derrière le DISCOBOLE s’abrite une idée, non seulement physique du corps mais aussi psychique de ce dernier.

Un parallèle intellectuel (même idéalisé) entre beauté extérieure (le corps) et beauté intérieure (l’Etre). L’artiste, lui, émet un parallèle unissant le corps dans son idée avec la Nature dans sa totalité sensible en se focalisant sur les propriétés spécifiques du bois qu’il traite. Car, délaissant la pierre qu’il trouve moins vivante, il donne la priorité au bois qui, par ses anneaux séculaires, porte en lui la trace visible du temps.

L’OISEAU PENSIF nous ramène à une réalité transcendée. Le discours esthétique demeure le même : deux formes de dimensions opposées, une grande vers le bas signifiant le corps, une autre plus petite signifiant la tête, composant non pas l’oiseau mais bien l’idée de l’oiseau. Un savant jeu de torsions fait que la tête du volatile est tournée à la fois sur sa droite (vue de derrière) et sur sa gauche (vue de devant). La patine joue un rôle primordial dans l’élaboration de la forme en faisant coïncider l’avant du bec avec (dans le bas) la proéminence du ventre de l’oiseau.

      L'OISEAU PENSIF

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COLOMBE DE LA PAIX. L’œuvre a ceci de commun avec L’OISEAU PENSIF (cité plus haut), à savoir qu’elle est associée au piédestal (également de bois) qui la soutient, prenant la forme d’un tronc fendu sur ses deux côtés en son milieu. Ces deux pièces expriment la démarche créatrice de l’artiste : sa prédilection pour le bois par rapport à la pierre (signalée plus haut), le conduisant à créer un assemblage d’images mentales par le biais de la matière. L’oiseau, qu’il soit colombe, perroquet ou moineau, participe comme le bois de la Nature. Posé sur le bois du piédestal, il symbolise l’union entre l’arbre et le volatile. L’un participant de l’autre. Si le piédestal portant la colombe demeure simple, celui de l’OISEAU PENSIF est conçu de façon complexe. Scié en son milieu, une structure cubique en plomb sépare le volatile de son tronc.

      COLOMBE DE LA PAIX

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Cette structure se prolonge dans la fente provoquée par la scie jusqu’à se prolonger vers le bas. La couleur cendre de la structure en plomb résulte du ponçage ainsi que de l’effet de l’air sur la pièce polie.

ELLE DORT présente à l’instar de SOUVENIR (cité plus haut) une forme languissante, abandonnée au sommeil. Sont-ce des jambes?  La partie arrière d’un torse touchant le coccyx? Le haut de la pièce présente un plan incliné, lequel renverse son rythme pour lui accorder une sorte de balancement, accentué d’angles en pointes, vers le bas et vers le haut, comme pour souligner une forme vivante affaissée par le poids du sommeil. La coloration du bois révèle, dans sa partie gauche (par rapport au visiteur) l’éveil d’une sensualité.

      ELLE DORT 

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GARDIENS DU REVE Cette piève unique est sans doute la quintessence de l’exposition car elle allie ce qui confère l’âme de la sculpture moderne occidentale, héritée des arts dits « primitifs », à savoir l’interaction vitale entre pleins et vides. Les vides épousant les pleins dans leur intériorité, ceux –ci se multiplient à l’extérieur par des excroissances rappelant les membres, à la fois osseux et musclés d’un corps humain. Remarquez cette dichotomie ressentie entre l’extrastructure et l’intrastructure de la pièce, accentuée par la patine noire qui recouvre l’intérieur de la sculpture. Cette partie intérieure se différenciant de l’extérieure sert d’ouverture béante -« un ventre »- autour duquel s’organise ce qui sera la forme : un ensemble architectural unissant intérieur et extérieur dans un tout formel. L’ouverture en son milieu n’existe que pour dévoiler les mécanismes internes d’une gestation.

      GARDIENS DU REVE

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REVE est la seule pièce de l’exposition qui ne soit pas en bois mais en albâtre, un minéral extrêmement malléable. Sa blancheur irradiante, sa dimension diaphane, offrent au visiteur l’occasion de « rêver », c'est-à-dire de fixer longuement un nuage jusqu’à ce que l’œil médusé s’abandonne à des aperceptions et prolonge son voyage onirique.

      REVE

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DEJAN ELEZOVIC, qui a fréquenté l’Académie de sculpture de Pristina, sculpte depuis plus de vingt ans. La sculpture a toujours été son moyen d’expression par excellence puisque étant enfant, il sculptait déjà lui-même ses jouets. Le bois est, par conséquent, un matériau sacré pour lui. Les matériaux usités sont principalement le saule, le tilleul, le cerisier et l’orme. Ses pièces ont une hauteur moyenne d’une trentaine de centimètres, à l’exception de GARDIENS DU REVE (cité plus haut) laquelle totalise environs une soixantaine de centimètres.  

Comme pour la pierre, il veut dévoiler la forme qu’elle cache. L’artiste voit dans son élongation la meilleure façon de présenter la noblesse du matériau.

Il y a dans sa façon de sculpter ce que l’on pourrait appeler la « nostalgie du corps humain », car soucieux d’impulser la vie, l’on trouve dans ses formes des parties non précisément anatomiques mais que l’imaginaire du visiteur peut interpréter comme telles. Il ne représente jamais la réalité mais s’en inspire par le rêve dans son rendu esthétique.

A’ ce titre, il coupe le bois sur sa longueur pour la dégager sur quatre pièces, toujours soudées, puis il tourne le rendu sur lequel sculpter et le lisse. Nous envisagions, plus haut, la dialectique du beau dans la Grèce antique. Cette dialectique passait de l’Agora à l’atelier du sculpteur. DEJAN ELEZOVIC entreprend un itinéraire différent mais qui l’amène au même résultat : il part de la forêt (la Nature) pour atteindre l’atelier. Evidemment, la présence de la Nature fait aussi partie de cette même dialectique dans la Grèce antique, puisque la pierre, en l’occurrence le marbre (particulièrement celui de Paros) participe également de la Nature. Cela dit, la suprématie de l’intellect sur la matière l’emporte sur le reste. Et c’est précisément contre cette suprématie de la matière l’emportant, notamment, sur les sens que la sculpture moderne du début du 20ème siècle s’est attaqué avec des sculpteurs tels que Brancusi (cité plus haut) et surtout Hans Arp que notre artiste a beaucoup étudié au point d’en subir son influence. Aujourd’hui, le combat est gagné, ce qui a permis à des artistes tels que DEJAN ELEZOVIC de tourner leur interrogations vers la Nature en accordant à la forme une dimension polymorphe. Le bois rejoint la pierre dans un retour vers une esthétique « moderne ».

Peut-il y avoir derrière cette sculpture une volonté de retourner vers un certain « classicisme moderne » ? Le titre choisi par l’artiste pour illustrer son exposition est LA PORTE DU REVE. Son acte créateur symbolise cette porte. Car le rêve (éveillé ou en phase paradoxale) est en lui-même une création puisqu’elle implique l’imaginaire et le vécu émotionnel de l’artiste (ou du rêveur). Et c’est par la grande porte que l’artiste nous invite à rejoindre son univers.

DEJAN ELEZOVIC part de la Nature pour y retourner dans une conception rêvée touchant souvent à l’abstrait pour en exulter le créé.   

François L. Speranza.

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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Dejan Elezovic et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

R.P. 

 

                                                   

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N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul 

12273293856?profile=originallogo de l'artiste Dejan Elezovic

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L’ESPACE ART GALLERY, située désormais à la Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles, a inauguré du 04-O5 au 03-O6-18, sa première exposition intitulée TROPISME, consacrée au peintre français, Monsieur ARNAUD CACHART.

Ce qui dans l’œuvre d’ARNAUD CACHART frappe au premier contact, c’est la mise en scène d’une atmosphère « endiablée ». Une atmosphère endiablée, adoucie par la présence de la Femme, conçue comme le produit d’une nature mythifiée. A certains moments, le visiteur est saisi par la force de la représentation chorégraphique, mettant en scène la transe ou l’endormissement. Deux états, en apparence opposés, réfléchissant les deux états du récit mythologique soulignés par Nietzsche : le déchaînement dionysiaque suivi du repos apollinien. L’un procédant de l’autre dans l’accomplissement du geste créateur.

LES EPIGEES (DANSEUSES) (73 x 100 cm- huile sur toile de lin).

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Il y a une dimension bachique dans cette œuvre. Un feu dionysiaque anime la composition. Dans une série de contorsions  chorégraphiques, nous ressentons l’écho de la Grèce antique dans une transposition moderne faisant référence à l’adoration archaïque de l’Homme pour le cosmos. Adoration perdue que la musique et le théâtre associés ont retrouvé au début du 20ème siècle dans des œuvres telles que LE SACRE DU PRINTEMPS de Stravinski et Diaghilev. Cette œuvre se distingue par une série de contorsions chorégraphiques dont on retrouve l’écho dans la nervosité des drapés. Un trait culturel de l’art consiste à donner au vêtement une dimension sociale et morale. Dans cette œuvre, le vêtement au drapé torturé sert de miroir à la nudité psychique des corps.

PROMESSES NOCTURNES (50 x 100 cm-huile de lin sur toile)

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Ce même vêtement, ici lacéré, recouvre le visage des deux personnages féminins au centre de la toile et sur la gauche. La lacération du linceul témoigne du déchirement passionnel des personnages. Car la caractéristique majeure de l’œuvre de l’artiste est celle de traiter de l’aspect le plus symbolique du récit mythologique : celui des passions traduites dans l’image du divin aux prises avec le labyrinthe pulsionnel. A’ l’instar du théâtre et de la danse (ou pour mieux dire, la transe), la passion a pour effet d’étirer les corps, de les rendre convulsifs.  

Et surtout, comme en témoigne l’œuvre de l’artiste, de masquer les visages, soit en les enfouissant dans le sol, soit en les occultant par la chevelure en bataille, soit en les effaçant dans l’étoffe d’un voile.

Le repos apollinien trouve son expression dans LE PARADIS RETROUVE (106 x 89 cm-huile sur toile de lin)12273289452?profile=original

Les corps recroquevillés des deux personnages féminins à l’avant-plan, témoignent d’un intérêt certain pour la sculpture, considérée comme un instantané du mouvement saisi de la danse, centré dans les poses du repli et de l’étirement. Observez particulièrement le personnage de gauche : remarquez le repli des bras se terminant par les mains renfermées sur elles-mêmes, laissant entrevoir un espace comme couvé entre les doigts. Remarquez également la conception des jambes dont la gauche rejoint le bras gauche dans une symétrie parfaite. Notez la façon dont la tête, inclinée, est comprise entre l’omoplate et la terminaison des mains. Le personnage féminin de droite, toujours à l’avant-plan, témoigne du même intérêt pour la sculpture dans la mise en exergue des os structurant la colonne vertébrale. L’image de la Femme se confond avec celle de la nature dans un rapport mythologique avec la phase sacrificielle : tout contribue à célébrer la vie et la Femme en est l’Alpha et l’Omega. Mais autour d’elle, quelle explosion symphonique de couleurs! Orchestrées autour d’une dominante jaune vif, des notes à la fois vives et chaudes, telles que le rouge, le brun, le  bleu et le vert contrastent avec le noir, placé à des endroits stratégiques comme à la gauche de la toile, à partir du bas vers le haut. Le feu enflamme la toile. Il ne s’agit pas d’un feu destructeur mais bien d’un feu de vie, à l’intérieur duquel volent des oiseaux. Le feu est partout présent, engendré, notamment par des calices de fleurs expulsant des bougies allumées (avant-plan à droite). Par la présence de femmes, sur le plan moyen vers la droite, vêtues d’une robe dont les plis s’envolent telles les volutes d’un feu follet. Néanmoins, cette œuvre nous permet de comprendre qu’elle est avant tout celle d’un dessinateur. Un dessinateur pour qui le trait est capital pour circonscrire la matière une fois posée sur la toile. A’ titre d’exemple, l’œil nu peut encore percevoir le dessin sous-jacent qui dépasse très légèrement de la position actuelle vers le haut de la jambe gauche du personnage féminin recroquevillé, sur la gauche, à l’avant-plan.

Même si le dépassement du trait est à peine perceptible, cela offre une rare opportunité pour le visiteur de se rendre compte de son importance dans la conception et l’éclosion de la forme.

Cette curiosité s’observe également chez bien des maîtres de la peinture classique.

La couleur trouve son expression de la symbolique associée à l’image de la Femme. En l’occurrence, la couleur marron-ocre (brun rehaussé de rouge vif), créant la matière du sol terreux envahissant le corps de deux personnages féminins à l’avant-plan.

Dans bien des mythologies, la Femme est une terre parce qu’elle enfante. Ces deux personnages féminins semblent émerger de la terre nourricière. Sur la gauche, la divinité statufiée de Zeus assure la continuité mythologique de la scène. Au fur et à mesure que la communion mystique avec Zeus s’affirme, le chromatisme change. La lumière recouvre le corps du troisième personnage féminin agenouillé aux pieds du dieu. A’ un point tel que la blancheur, presque virginale, se marie avec celle baignant le torse de la divinité grecque. Remarquez la dextérité du dessin faisant partir la toge du dieu à partir des broussailles. Observez la haute qualité quant au traitement des plis typiques de la sculpture classique. A’ ce titre, la morphologie de la divinité traduit l’intérêt de l’artiste pour l’art grec revu par la Renaissance, car à y regarder de près, ce Zeus en majesté a des traits proches de ceux du MOISE de Michel-Ange (1513-1515), particulièrement dans le traitement laineux et touffu de la barbe.    

LES GEISHAS-LES RIVALES (73 x 92 cm-huile sur toile de lin12273289097?profile=original

apportent à cet ensemble toute la délicatesse orientale qu’exige la conception d’un visage asiatique dans sa sophistication. Notez l’expression lointaine des regards. Le personnage de gauche a les yeux mi-clos, tandis que celui de droite fixe un point indéfinissable. Jamais leur regard ne se croise. Intéressant est également le jeu des mains : une main saisit trois doigts de l’autre. Remarquez aussi le statisme des deux femmes : il y a manifestement occultation du sentiment dans le rendu à la fois psychologique et corporel. Mais comme le titre l’indique, ces femmes sont des rivales et ce calme apparent ne fait qu’annoncer la tempête.

Il serait inexact de parler de « deuxième écriture » car bien des détails sémantiques se retrouvent dans l’extension de cette œuvre, tels que le chromatisme.

Néanmoins, KALEIDOSCOPE PRIMITIF (89 x 116 cm-huile sur toile de lin)

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évoque un Eden qui se réfléchit de façon subconsciente dans l’image de cette femme mythologique qui depuis des millénaires structure le récit, à la fois onirique et littéraire. KALEIDOSCOPE traduit un art que les historiens qualifient erronément de « naïf ». Et cette appellation a subsisté, faute de mieux. Il n’y a rien de « naïf » à se projeter dans le temps de l’Eden. Car toute civilisation, aussi technologiquement développée soit-elle, a conçu un « Age d’or ». La preuve en est qu’elle ne manque jamais une occasion de s’y référer. Et ce, depuis le 18ème siècle, dans la création rousseauiste du mythe du « bon sauvage », mettant en exergue les tares inavouées de la civilisation occidentale, à l’aube de ce que sera ultérieurement la Révolution industrielle. Dans cette œuvre, la dominante jaune vif s’atténue jusqu’à disparaître partiellement. Elle est remplacée par le vert (en dégradés), contrebalancé par des notes bleues, rouges et blanches concrétisant la matérialité de la cascade se diluant dans l’élément liquide. La Femme est absente mais elle est remplacée par la virginité de la nature. Cette œuvre, réalisée suite à un voyage au Venezuela, traduit la pureté de l’émotion.

L’œuvre picturale exposée met en exergue l’expérience du voyage de la part de l’artiste. Ce dernier a fait des études littéraires jusqu’à devenir professeur de Littérature. Vous l’aurez bien évidemment remarqué, la Mythologie classique tient une place prépondérante dans son œuvre picturale. Outre la poésie qui se dégage des toiles, apparaît une intellectualisation du rôle de la Mythologie par le biais du personnage de la Femme : elle donne le meilleur d’elle-même en renforçant le sentiment d’appartenir à un Tout empirique à l’intérieur duquel hommes et femmes participent de la même tragédie. Nous sommes en plein dans la pensée grecque que le théâtre antique a si merveilleusement exprimé en explorant des personnages féminins tels que Médée. Ces femmes sont, dans leur féminité, des référents masculins devant faire ressortir le courage des hommes aux prises avec des situations dramatiques. Les femmes du PARADIS RETROUVE (cité plus haut) saisissent Zeus dans sa plénitude. Elle s’échappent de toute possibilité de possession et si elles s’offrent, ce n’est qu’à partir de leur volonté. Le classicisme a toujours fasciné l’artiste par sa beauté. Il voit dans Rodin le continuateur du beau et de l’intemporel. De formation autodidacte, il peint depuis l’âge de vingt-six ans. Sa technique de prédilection est l’huile sur toile de lin.

L’artiste a une particularité qui consiste à dissimuler sa signature à l’intérieur de sa toile. Il ne la place pas en évidence comme la majorité des peintres. Ses initiales s’enserrent toujours à l’intérieur d’un détail de l’œuvre. Ce système convient parfaitement car le regard, d’abord happé par une myriade de détails, se laisse tout doucement absorber dans les méandres chromatiques de l’espace pictural.

ARNAUD CACHART, renoue avec l’humanisme classique, dans l’image ainsi conçue de la Femme en tant qu’élément fondateur de la civilisation humaine

François L. Speranza.

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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste, Arnaud Cachart et François L. Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(03-06-2018)   

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul

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Signatures de l'artiste Arnaud Cachart.

Collection "Belles signatures"  © 2017 Robert Paul 

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Photos de l'exposition à l'ESPACE ART GALLERY

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L’IDEE, ARCHITECTURE DE LA FORME : L’ŒUVRE DE BERNARD BOUJOL

Pour son dernier vernissage avant son déménagement au 83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles, l’ESPACE ART GALLERY a consacré, du 22-03 au 22-04-18, une exposition dédiée au peintre suisse, Monsieur BERNARD BOUJOL, intitulée AU FIL DU TEMPS.

L’art de BERNARD BOUJOL se concrétise avant tout par la maîtrise de l’artiste sur la matière. Il apparaît, à la vue de son œuvre la conscience de la matière créée. Mais que l’on ne s’y trompe pas! Ce n’est pas la matière pour la matière mais bien la matière au service de l’imaginaire. Elle propose des formes et le visiteur les interprète au fil des couleurs. Car formes et couleurs (souvent fort vives) ne font qu’un.

Ce large espace qu’est la toile se résume, à première vue, par une plage de couleur verte où la tonalité se décline en dégradés sur une toile traversée en son milieu par une diagonale bleue. Il s’agit d’une coupe en plongée d’une zone géographique traversée par un long cours d’eau. Lorsqu’on se penche sur son titre, l’on remarque que le tableau s’intitule AMAZONIA. Mais déjà le simple fait d’être confronté à cette vaste étendue verte, fait que l’idée de la coupe géographique vient s’introduire dans l’esprit.

      AMAZONIA (80 x 80 cm-pigments naturels) 

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Idée et forme font que les œuvres atteignent souvent une dimension cosmique.

Avec SPIRALE et NOCTURNE INDIEN nous atteignons le cosmos par la magie du chromatisme bleu nocturne qui parsème le ciel de variations sur le bleu et le noir.

NOCTURNE INDIEN (60 x 60 cm-pigments naturels)

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donne la sensation, à partir de l’avant-plan noir, d’une fenêtre ouverte sur la nuit, basée sur la dominante bleue avec des effets tachistes noirs, blancs et rouges, donnant le sentiment d’avoir été conçus comme une coloration par projection. Une sorte de léger « dropping » extrêmement contrôlé.  

   

      SPIRALE (80 x 80 cm-pigments naturels)

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se définit par un mouvement rotatoire, appuyé par de fins traits blancs, accompagnés de légères touches blanches associées aux cercles reprenant leur trajectoire. Une note jaune à l’intérieur d’un carré de petites dimensions amplifie le mystère de la création cosmique.

Idée et forme s’interpénètrent dans LA CROISEE DES CHEMINS où deux chemins, réalisés volontairement de façon fruste, se croisent sur la partie gauche de la toile, submergée par une vaste étendue jaune (en dégradés) pouvant engendrer dans l’imaginaire du visiteur l’idée d’une vacuité tangible.

      LA CROISEE DES CHEMINS (60 x 60 cm-chaux et pigments naturels)

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L’artiste étant architecte de formation, cela se constate dans EQUILIBRE PRECAIRE. Nous avons le sentiment de nous trouver face à une construction mégalithique, soutenue par une base puissante qui s’élève en s’affinant, jusqu’à ne compter plus qu’un élément lithique terminant la composition. Ce qui singularise cette œuvre, réside dans le fait qu’elle est suspendue, en diagonale, dans les airs. Trois niveaux chromatiques structurent la composition :

  • brun, en dégradés, à l’avant plan
  • brun-clair au centre
  • blanc terminant l’ensemble

Ceci n’est pas un hasard car ces trois niveaux chromatiques « neutres » mettent en exergue la dimension cyclopéenne du mégalithe. L’équilibre, même précaire, est là pour soutenir l’ensemble, pouvant se disloquer à tout moment. L’équilibre n’est pas statique. Il est tributaire des lois physiques. Et la dimension cosmique revient : cet ensemble lithique pourrait aisément passer pour un ensemble de météorites en équilibre dans l’espace. La forme est à la fois abstraite et figurative. Mais ici le figuratif prend des dimensions abstraites. Mais que faut-il entendre par « abstraites »? S’agit-il de formes culturellement ininterprétables? Pas forcément. Car aujourd’hui, les formes ont acquis un langage que la psychanalyse a rendues, sinon universelles, du moins accessibles grâce, notamment, à un vocabulaire onirique, lequel permet à chacun une interprétation personnelle, axée sur l’intime. Comme il l’affirme lui-même, l’artiste « détourne » le figuratif en abstrait.

      EQUILIBRE PRECAIRE (60 x 60 cm-pigments naturels)

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Un exemple flagrant se matérialise avec LES TROIS SŒURS dans lequel trois formes verticales et statiques sont placées en bas sur la gauche du tableau. Trois formes pour trois couleurs : bleu, rouge et vert. La matière explose, pour ainsi dire, à partir d’un fond noir. Elle se présente carrément « brodée » comme du tissu.

Les trois formes s’inscrivent à partir de l’arrière-plan noir comme des figures sculptées au couteau sur l’écorce d’un arbre. Les motifs « brodés » semblent avoir été incisés en relief, conférant à l’œuvre le caractère métallique d’un fer forgé.

Une caractéristique de l’artiste s’exprime dans le fait que la peinture s’étale sur la surface entière jusqu’à déborder sur les côtés. Cela traduit une volonté de prolonger l’œuvre à l’infini et non de la circonscrire aux limites de l’espace scénique.

      LES TROIS SOEURS (60 x 60 cm-pigments naturels)

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      AVANT LA NUIT (80 x 80 cm- chaux et pigments naturels)12273281653?profile=original

AVANT LA NUIT représente une gestation se déroulant sur trois plans :

  • l’étendue de la mer touchant une ligne d’horizon très haute, à l’avant-plan
  • les feux du crépuscule, dans la zone médiane
  • le ciel conçu comme un cosmos étoilé, à l’arrière-plan

La gestation se produit au moment où la mer et le ciel (tous deux d’un noir intense) « accouchent » de ce magma chromatique, composé de rouge et de jaune vifs. Ce magma de couleurs signifiant le crépuscule est souligné par un long trait blanc matérialisant le volume de la forme. Malgré un calme apparent, il s’agit d’une œuvre d’une grande nervosité visuelle. A’ ce stade, l’artiste nous entraîne deux siècle en arrière dans l’élaboration du crépuscule, lequel possède le même chromatisme tourmenté d’un Turner. Sauf qu’à la différence du peintre anglais, la scène ne se déroule pas en plein jour mais juste « avant la nuit ». Les couleurs usitées par l’artiste sont généralement très vives carrément fauvistes dans leur conception expressive. Le rouge, le jaune vifs, le bleu obscur expriment une rare force. Le noir est également présent. Mais contrairement à la fonction que lui attribuent la majorité des peintres, il ne sert pas à faire ressortir le sujet de façon violente. Il se limite à mentionner sa présence en tant que « personnage » complétant l’ensemble (à l’exemple des LES TROIS SŒURS et NOCTURNE INDIEN, mentionnés plus haut). AVANT LA NUIT symbolise la rencontre charnelle entre deux univers : la mer et le ciel de laquelle émergent les feux du crépuscule. Dans l’évolution de l’histoire de l’Art, la couleur jaune a le mieux été interprétée par deux peintres, respectivement, Turner et Van Gogh.

La dimension passionnelle qu’elle dégage a considérablement influencé la peinture du 20ème siècle. Il y a dans la couleur jaune (comme dans les autres tonalités) une mythologie qui remonte au tréfonds des civilisations. La lumière et l’or jouent notamment une part considérable dans cette mythologie car ils symbolisent dans l’esprit humain les notions de pureté et d’incorruptibilité.  La lumière joue un rôle capital dans la naissance de l’image. C’est elle qui détermine sa viabilité. Eliminez la lumière et l’image n’existe plus. Faut-il rappeler son rôle lors de la première étape cosmologique vétérotestamentaire ? « Que la lumière soit ! » Quant à l’or, il possède une fonction philosophique plutôt contradictoire : depuis l’Antiquité classique et proche-orientale, il symbolise le pouvoir par le biais de sa nature organique, au fil du temps, incorruptible…alors qu’il n’y a rien de plus corruptible que le pouvoir! Mais la couleur jaune possède aussi une dimension de joie de vivre et d’exaltation (Van Gogh). Cela dit, comme nous l’évoquions plus haut, une concentration excessive de cette tonalité met en exergue la consistance passionnelle de l’âme humaine pouvant atteindre l’abîme (Turner).

Le crépuscule d’AVANT LA NUIT est composé de deux tonalités, à savoir le jaune et le rouge, faisant partie de ce que l’on nomme « les couleurs primaires »  (la troisième étant le bleu). La symbolique du rouge est celle du feu, du changement d’état mais aussi du sang, c'est-à-dire de la vie. Le crépuscule émerge à partir de trois éléments évoquant le chaos : le noir du ciel, signifiant la profondeur, le noir de l’eau considérée dans beaucoup de cosmogonies comme étant l’origine du monde à l’état anarchique, en pleine germination. De cette pénétration naissent les derniers feux du jour. Comme un cri avant la nuit.

L’artiste met en exergue la dimension cosmique et terrestre, l’une participant de l’autre.

Mais à ce stade, il est impératif de souligner l’erreur éventuelle que pourrait commettre le visiteur, laquelle serait de passer devant ces peintures trop rapidement, sans prendre le temps de s’arrêter systématiquement devant chacune d’entre elles. Car le sentiment d’être « envahi » par la maîtrise technique de l’artiste pourrait l’emporter sur son discours.

BERNARD BOUJOL est un peintre qui exploite la technique jusqu’à ses dernières limites pour arriver à concrétiser une idée. D’où cet appel à cette même idée demandée au visiteur par l’artiste (évoquée plus haut) pour concrétiser l’œuvre dans son existence à la fois charnelle et visuelle. Il y a, au contact d’une peinture de cet artiste, une adéquation émotionnelle et tactile entre l’œuvre et l’idée. Entre l’idée et l’œuvre par le biais de la forme. Contrairement aux apparences d’une première approche, il ne s’agit aucunement d’une peinture « intellectuelle ». Tout part et aboutit au ressenti.

Ayant fréquenté l’Ecole d’Architecture de Genève, l’artiste possède la formation d’architecte. Cela se remarque, notamment, en observant des œuvres telles qu’EQUILIBRE PRECAIRE. Son premier choix fut celui de faire de la peinture. Néanmoins, acceptant de suivre le conseil de ses parents pour qui le métier de peintre n’avait aucun avenir, il se tourna vers l’architecture et la pratiqua pendant quarante ans. Arrivé à un stade où le besoin de peindre se fit sentir, il se consacra entièrement à la peinture, sans pour cela devenir un « architecte qui peint ». Il dut pour cela « désapprendre à dessiner », comme il le dit lui-même, pour en finir avec les plans et les droites, afin de trouver sa propre liberté d’écriture picturale. Ceci dit, l’architecte n’a pas totalement disparu. Vous aurez remarqué que souvent, en indiquant sa technique, il est fait mention de pigments naturels accompagnés de chaux. Cette chaux est une réminiscence de l’architecture du Moyen Age. Les bâtisseurs l’utilisaient énormément pour consolider les éléments des cathédrales. Le peintre s’en sert comme fond fin pour absorber l’humidité ambiante une fois que les pigments recouvrent l’espace de la toile. A’ travers le pigment, la chaux réagit à l’humidité ambiante pour épaissir la couche. Le choix des pigments est capital, en ce sens qu’il les choisit naturels. Pour cela, il lui est arrivé d’aller jusqu’en Inde pour en trouver.

L’abstraction est pour lui une façon de se défaire de l’architecture en tant que tentation picturale. En détournant le figuratif de son signifié culturel, il entame une démarche qui fluidifie la forme et la soustrait à un vocabulaire préconçu. 

Cela se perçoit d’autant mieux si l’on considère le fait qu’il ne prend jamais de photographies comme support de travail.

BERNARD BOUJOL se sert de la mémoire comme miroir déformant une réalité à déconstruire pour la recréer. Néanmoins, même s’il est établi que l’artiste n’est pas un « architecte qui peint », n’y a-t-il pas dans le tréfonds de chaque peintre la flamme du démiurge, organisateur de son univers, déformant à volonté l’architecture d’un monde révolu?   

François L. Speranza.

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Bernard Boujol et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles. 

       

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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul.

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Signature de l'artiste Bernard Boujol

Collection "Belles signatures"  © 2017 Robert Paul

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Photos de l'exposition à l'ESPACE ART GALLERY

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                   LE THEATRE DES SENS : L’ŒUVRE D’ALEXANDRE PAULMIER

Du O1-03 au 18-03-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a eu le plaisir de vous proposer une exposition consacrée à l’œuvre du dessinateur français, Monsieur ALEXANDRE PAULMIER, intitulée PHANTASMA.

PHANTASMA. Un tel titre semble, à première vue, inutile puisque la seule vue d’un dessin de cet artiste plonge le visiteur dans un monde abyssal : celui de l’Eros. Dans un voyage entre le sien et celui de l’artiste qui, en quelque sorte, le guide dans ses fantasmes. Cet univers fantasmagorique s’articule sur un terrain « classique » infiniment exploré : celui de la Femme. Du corps de la Femme devenant le terrain des fantasmes « masculins » repris dans la sphère des codes sociaux.

Notons, d’emblée, l’orthographe que l’artiste apporte au titre de son exposition : PHANTASMA, écrit avec « ph », reprenant par là le concept grec de la notion du spectacle associée à celle de la vision spectrale, voire de l’illusion. Il ne s’agit, en aucun cas du « phantasme », considéré comme « hallucination », participant de la pathologie.

Aborder l’univers du fantasme érotique dans l’Art nous ramène à des piliers incontournables ayant jalonné bien des disciplines. Comment concevoir le fantasme au cinéma sans évoquer le nom de Fellini et sa conception de la Femme-matrone, plantureuse, maternelle et sensuelle à souhait? Comment évoquer ce même fantasme, en matière de peinture, sans considérer le nom de Dali où désir, masturbation et pulsion de mort alternent sur la toile? Comment, concernant la littérature, ne pas penser à Bataille reclassant le fantasme érotique dans les arcanes de l’Humanité, au-delà de ce que nous qualifions étymologiquement d’ « Histoire »?

Concernant ALEXANDRE PAULMIER, il convient de se tourner furtivement vers Bataille pour voir transparaître sur l’espace scénique des images issues inconsciemment de l’ « Erotisme ». Bien que l’artiste n’ait jamais lu cet ouvrage, il n’est pas étranger à l’univers de Bataille, ayant été influencé par la lecture de « Histoire de l’œil ». Des impressions issues de l’auteur transparaissent chez l’artiste.  

Dans son œuvre, l’image de la Femme s’étale dans un univers vaporeux, évanescent, onirique, évoluant à l’intérieur d’un théâtre fourmillant de symboles, tels que la naissance, le désir ou la mort : Eros et Thanatos, ces deux symboles clés de la psyché humaine. Déjà à ce stade, nous retrouvons Bataille pour qui l’érotisme nous éveille à la prise de conscience de notre propre finitude en tant qu’expérience tragique. De même qu’à une recherche de la volupté comme finalité charnelle comme tentative offerte à l’Homme de se transcender. Ce qui fait de l’érotisme une forme d’exotisme : une tentative de sortir de ses propres limites.

Face à cet artiste, nous nous trouvons face à un érotisme à la fois délicat et sulfureux, présenté de façon poétique. S’agissant de dessins, le contraste savant entre le noir et blanc à l’origine du clair-obscur, produit l’effet d’un décor composé de formes dont la sensualité des entrelacs souligne l’érotisme. Chaque trait réalisé à l’encre de Chine devient, par sa seule présence, une zone graphique érogène par les contorsions qui la définissent. Les postures, les seins volumineux ne sont que des indices articulant la sémantique du désir.

Fourmillant de symboles, l’œuvre d’ALEXANDRE PAULMIER se veut, avant tout, une interrogation sur la notion de l’érotisme. Cette interrogation, personnelle, n’existe qu’en accord avec l’évolution historique, culturelle et politique qui soutient cette notion. Bien que contemporain dans son écriture, le sujet évoqué remonte à l’aube de l’humanité par le biais de la figure de la Femme. L’on pourrait même affirmer que derrière cette œuvre se cache une anthropologie de la Femme par l’exploration d’une autre notion : celle du désir. Le véhicule permettant l’éclosion de ce désir est le rêve. Le rêve pris comme facteur de l’univers au-dessus duquel trône la déesse Femme. Mais comme toutes les divinités, celle-ci nous renvoie à nous-mêmes. A’ notre propre désir, à notre vulnérabilité. Comme toutes les divinités, elle existe, souffre et meurt à notre image.

EROTISME 2 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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L’extase se produit dans l’étreinte  amoureuse. L’artiste dévoile sa musique langoureuse faite d’entrelacs, à la fois suaves et nerveux où le trait assure l’existence de la sensualité. Par sa finesse, mêlée à une luminosité dominée par le clair-obscur, parsemée d’un brouillard pointilliste, plus ou moins accentué, le trait se faufile, accentuant délicatement les courbes du mouvement amoureux.

La souffrance est présente dans VAGUE INQUIETUDE 2 (42 x 59,4 cm-encre de Chine).

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Avec cette figure masculine souffrante décomposée au point de présenter un faciès féminin transformé, au visage explosé, à la bouche ouverte comme dans un cri, avec ses seins terminés par une paire d’yeux, l’artiste exprime une image antagoniste au désir. Une image destructrice de la féminité prise en tant qu’objet. Les yeux terminant les seins sont ceux de l’homme au cœur d’une société malade de voyeurisme. Le trait prend ici une toute autre tournure. Il est épais, pâteux. Il prend l’aspect d’artères reliées à des organes vomis du corps. Il ressemble à des câbles. La féminité n’est plus qu’un corps-objet, malade dans son essence, indéfinissable. Car pour l’artiste, la féminité peut parfaitement se réfugier à l’intérieur d’un corps masculin.  

L’effacement se produit avec EFFEUILLAGE (29, 7 x 42 cm-encre de Chine)

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où la Femme, devenue masque, se fond dans le décor, considéré comme un vide qui dissèque, pour ainsi dire, le corps, tuant ainsi la sensualité de l’Etre féminin, conçu  par l’homme comme le réceptacle du désir. Pour l’artiste, ce corps fondu dans l’espace acquiert une non identité : il devient indéterminé. Et c’est bien là que se situe le nœud du problème car si le corps est indéterminé, l’objet du désir l’est également. L’ « impossible » étant alors le seul territoire où résiderait le désir.   

D’autres facettes de l’Etre féminin sont prises en considération, telles que l’enfantement : EROTISME 1 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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où l’enfant glisse de l’utérus vers la lumière. L’artiste nous conduit à l’intérieur de la coupe d’un fœtus où le trait définit des membranes schématisées.

EROTISME 3 (29,7 x 42 cm-encre de Chine)

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nous conduit au cœur d’une mythologie assurément universelle, à savoir la dangerosité supposée de la Femme en période de menstruation. Les menstrues du personnage féminin expulsent, à l’avant-plan, un corps de femme acéphale possédant deux paires de seins. Cette scène symbolise l’incompréhension de l’homme face à un phénomène qui le dépasse et qu’il craint. Ne perdons jamais de vue que cette crainte existe encore au sein de certaines sociétés dites « traditionnelles » où il est interdit à une femme réglée d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Le sang menstruel participe de la notion fondatrice de toute civilisation : celle du « pur et de l’impur », sans laquelle aucune loi, aucun interdit fondateur n’existerait.

L’artiste ne s’éloigne pas de la mythologie en rejoignant la Grèce antique lorsqu’il reproduit le visage de la Gorgone, avec son regard privé d’yeux et sa chevelure serpentine pour évoquer son personnage féminin.

DESIR D’EROS (50 x 65 cm-encre de Chine)

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aborde un autre aspect de l’érotisme : celui de la mort. Eros et Thanatos en tant que deux extrêmes se rejoignent pour souder une image. Un concept. La composition est d’une rare nervosité. Le trait est torturé. Des têtes de morts ainsi que des yeux voyeurs et des masques grimaçant parcourent l’espace.

ESQUISSE EROTIQUE (41 x 56 cm-encre de Chine)

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est la seule œuvre de l’exposition qui ne soit pas un dessin mais une peinture réalisée à l’encre de Chine. Le pinceau est d’une finesse telle que le trait n’est plus qu’une nervure à peine suggérée. Au premier contact, le regard peine à se frayer un chemin parmi cet ensemble d’entrelacs délicats. Mais au fur et à mesure qu’il s’affirme, voilà que la forme apparaît, magique! Elle survient dans une succession de segments indépendants l’un par rapport à l’autre, sans qu’aucun fil conducteur ne relie la composition dans son ensemble. Cette œuvre nous subjugue et nous déroute, en ce sens qu’elle est pleinement aboutie, malgré le piège que nous tend son titre. Car c’est précisément par cette confusion ontologique que la création se réalise. Le visiteur s’abandonne à cette musique de lignes, au rythme des courbes à peine définies, jusqu’à ce que le regard condense cet ensemble abstrait en une réalité en plein accomplissement. L’inachevé s’achève dans la forme confuse d’un rapport amoureux.

L’importance du clair-obscur dans l’œuvre de l’artiste est primordiale car elle définit l’érotisme comme un univers total. Un monde à soi et pour soi, au même titre qu’un Gustave Doré, par son propre style, aborderait chaque giron de la Divine Comédie de Dante. L’érotisme reste en suspens car l’artiste refuse sciemment de le définir. Il l’interprète par le biais du trait qu’il considère aussi érotique que le sujet puisqu’il incarne la sensualité. Concernant le discours, il se sert de l’apport mythologique pour souligner l’aspect négatif de ce qu’il est convenu d’appeler la « perversion de l’érotisme », en mettant en scène la Femme en tant qu’objet de consommation. Cette perversion est celle d’un langage social qui souille l’image de la Femme.

Son œuvre se trouve à la charnière de la peinture et du dessin trahissant une influence certaine de la bande dessinée. Malgré les apparences, ce n’est pas une forme de BD hybride. Le sujet occupe tout l’espace, laissant une marge entre la composition et le cadre.

Néanmoins, les personnages dans leur anatomie fantasmagorique ainsi que les décors relèvent pleinement de la peinture.

A’ titre d’exemple, la colonne de feu qui s’élève sur la gauche de DESIR D’EROS (cité plus haut) ne peut être conçue que par un peintre habitué à traiter la masse dans le volume amplifié par la matière.

Ainsi certaines ondulations d’ESQUISSE EROTIQUE (cité plus haut) rappellent les envolées bleues de Matisse. De fines envolées tracées sans la lourdeur de la matière. Mais légèrement soulignées à la pointe du pinceau.

L’artiste dessine depuis environ sept ans. Il a obtenu une formation académique en fréquentant l’Atelier Hourdé à Paris. Il a été, néanmoins, fortement influencé par la liberté que prenait, dans les années ’80 le dessinateur Philippe Deville dans la conception spatiale de ses bandes dessinées. D’où une sorte d’esthétique mixte alliant tradition picturale dans le cadrage et expression dessinée dans la plastique des personnages.

L’œuvre d’ALEXANDRE PAULMIER nous interroge sur le mystère du désir. Franchira-t-il un jour l’écueil de l’amour? Et comment l’explorera-t-il au cœur de cette pyramide sensuelle? De quelle façon abordera-t-il le mystère amoureux? Si l’ « impossible » est la source du désir, l’ « indicible » sera-t-il celle de l’amour? Souhaitons à cet excellent dessinateur de poursuivre sa quête par-delà les mers oniriques.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
12272797098?profile=originalLettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul


12273279679?profile=original                                 Signature de l'artiste - ALEXANDRE PAULMIER,

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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DU CIEL INTERIEUR A LA CHAISE HUMAINE : L’ŒUVRE DE NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE

Du 01-02 au 25-02-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart 35, 1050 Bruxelles) propose une exposition divisée en deux thématiques, consacrée à la photographe française, Madame NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE, intitulée : LES CIELS INTERIEURS et LA THEORIE DE LA CHAISE,  laquelle s’avère être une réflexion complexe sur la condition humaine.

Illustrer une humanité prise dans ses propres problématiques par le biais de la photographie. Voilà une tâche considérable! Surtout si l’on limite la photographie au reportage d’actualité montrant souvent une humanité en guerre, s’entredéchirant dans la tragédie quotidienne. L’optique abordée par cette exposition nous montre une vision de la tragédie totalement différente.

Comme le titre l’indique (LES CIELS INTERIEURS), il s’agit de l’extériorisation des ciels appartenant essentiellement au for intérieur de l’artiste, lesquels prennent leur source dans l’humanité pour s’y réfléchir. Ces ciels sont ceux de l’Homme Elémentaire aux prises avec l’essence même de sa condition. Cette condition est savamment soulignée par une esthétique oscillant entre cinétisme et surréalisme.

Ces œuvres, s’il fallait les analyser d’un point de vue cinématographique, seraient des « fondus enchaînés avec double (voire multiples) exposition ». A’ un point tel que plusieurs plans se superposent, comme pris à travers un prisme posé sur l’objectif de la caméra. L’élément surréaliste apparaît dans les vues du ciel, d’un bleu « Magritte » parsemé de nuages lourds. Au fur et à mesure que le regard se rapproche de la composition, le visiteur se rend compte qu’il n’y a pas de « centre » à proprement parler. Car tout est, pour ainsi dire, « barré » par d’autres plans : en réalité, un plan barre l’autre dans une transparence englobant toutes les données pour aboutir vers une complexité sémantique faisant œuvre de totalité. Le jeu sur les nuages est une constante de l’artiste, au point de provoquer des aperceptions. Mêlé à un océan de cumulus, une forme étrange émerge lentement au regard. Une forme, à première vue, indéfinissable que l’on pourrait aisément prendre pour les plis d’une robe.

En réalité, l’artiste a incorporé les plis d’un drap blanc, ajoutant une part de mystère à ce magma nuageux. (LES CIELS INTERIEURS-n°1-80 x113-argentique sur papier RC satiné)

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Ces compositions acquièrent leur force plastique en superposant, en outre, cadre sur cadre, dans une même transparence. Cette superposition confère à l’œuvre, non seulement une dimension de nature cubiste, combinée à cet univers diaphane se perpétuant encore plus lorsque tout se joue sur un arrière-plan d’un noir absolu. Mais encore il renoue, plastiquement, avec une technique usitée dans les trente premières années du siècle dernier, à savoir le « collage ». Superposés en fondus enchaînés avec multiples expositions, le drap blanc (évoqué plus haut) se confond avec le blanc des nuages, eux-mêmes occultés par l’image fantomatique d’une façade présentée en diagonale dans toute sa force. Cette façade est, selon l’artiste, une image de la modernité devant servir d’équilibre tant au point de vue humain que politique et économique mais le fait qu’elle soit floue fait que le visiteur reste dans l’incertitude du devenir humain. La conception plastique de l’espace composé de figures géométriques à l’intérieur d’une multitude de cadres superposés, traversés par une série de stries a pour effet de « soutenir » la composition par des « échafaudages », renforçant précisément cette nature à la fois diaphane et cubiste évoquée plus haut. Néanmoins, rapportés à la mythologie personnelle de l’artiste, ces stries (des câbles à haute tension) barrant le ciel représentent les obstacles que nous impose l’existence et qu’il faut dépasser. L’artiste nous avoue qu’à la vue d’un ciel bleu barré par ces câbles, l’idée d’intituler cette thématique CIELS ENCHAINES lui a traversé l’esprit. D’une image, elle n’attend aucun émerveillement mais bien le besoin impératif de la concevoir, en la réinterprétant tant dans la forme que dans le sens.

A côté de cet ensemble enlevé par un surréalisme vital, se dessine également une voie essentiellement cinétique. Il s’agit d’un cinétisme renouant à la fois avec les effets lumineux produits par l’aventure expérimentale cinématographique du cinéma muet ainsi que des constructions géométriques à la Vasarely. 

(LES CIELS INTERIEURS n°7-80 x 110 cm-argentique sur papier satiné)

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Le cadre engendre le cadre : à partir de la base s’élèvent quatre cadres.

La base (elle-même servant d’arrière-plan à la totalité de la composition) est irradiée par le premier effet lumineux.

Un second cadre, entre l’intérieur d’un autre cadre intermédiaire portraiturant un ciel gris, prend son essor, dans lequel un deuxième effet lumineux apparaît. Un troisième cadre montrant un ciel orageux laisse deviner le soleil. Enfin, le ciel gris pluvieux servant de quatrième cadre, comprenant les deux autres, termine la composition. Ce dernier cadre est strié de droites, en diagonale. Les sources lumineuses irradiant l’arrière-plan d’un noir intense, rappellent les jeux de lumière réalisés par le cinéma expérimental des années ’20, tant par l’intensité lumineuse que par la forme des faisceaux de lumière déployés dans l’espace de l’image.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, à côté de ce cinétisme cinématographique primitif, figure également des références manifestes avec le cinétisme essentiellement géométrique à la Vasarely. (LES CIELS INTERIEURS n°8-80 x 110 cm- argentique sur papier satiné).

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Dans cette œuvre, géométrie et cinétisme se superposent. Et, pour la première fois (dans le cadre de cette première thématique) l’artiste s’accorde la liberté de jouer avec les couleurs. Des couleurs vives, de surcroit, telles que le rouge (en dégradés), rappelant à la fois par le chromatisme ainsi que par la structure de la forme, la calligraphie cinétique de Vasarely.   

Avec cette artiste, peinture et photographie se confondent. Le socle de l’œuvre est incontestablement la photographie. Néanmoins, des traits à la fois fins et épais, comme chargés de matière, viennent strier la composition. (LES CIELS INTERIEURS n°3-80 x 110 cm-argentique sur papier satiné)

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Le ciel, envisagé en contre-plongée, est pris de telle façon qu’il se présente comme cadré en plan. Le ciel est face à nous et non au-dessus de nous. Le visiteur est confronté à une vision frontale de l’Ether. Il ne se sent pas dominé par ce dernier. Dans l’Histoire de l’Art, et ce à la suite des diverses mythologies, le ciel est avant tout la demeure du divin. Non seulement le ciel nous domine mais il nous observe et nous juge. Ici, nous ressentons l’emprise directe de l’artiste sur l’élément ouranien. Si la terre est invisible, cela ne signifie aucunement qu’elle n’existe pas, car cet espace bleu, tant et tant de fois traité, symbolise l’Etre dans toute sa perfectibilité. Ces traits striant la surface, évoqués plus haut représentant les obstacles existentiels à franchir, en sont la preuve.  

Abordons, à présent, la deuxième thématique de cette exposition, à savoir LA THEORIE DE LA CHAISE.

Même si, d’un point de vue plastique, les œuvres sont d’une autre nature, la philosophie de cette seconde thématique rejoint la première dans sa dialectique.

Cette thématique est animée par la notion de la déconstruction ou si l’on veut, de la construction déconstruite.

De l’ensemble vivant déstructuré tombant en ruines, la chaise acquiert ici une dimension anthropologique mise en exergue par l’élément psychanalytique : la chaise humaine se démultiplie, se dédouble, s’atomise, se dissout en s’anéantissant dans un chromatisme terne : (LA THEORIE DE LA CHAISE n°7-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné).

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Remarquons, d’emblée, l’importance de la position « debout » de la majorité des « personnages » (car la chaise revêt ici la dimension, spirituelle et physique, de l’Homme). Même en perte d’équilibre, la chaise se dresse tel un bouclier de Résistance. A l’instar de cette composition, la chaise bouge debout, presque sur une corde raide, dans un chromatisme symbolisant sa propre détresse tout en affirmant sa volonté de résister. Cette théorie dont l’humanisation de la chaise se veut l’exemple, se révèle être un discours sur la philosophie de l’image. Sur sa surconsommation sans esprit critique de la part de ceux qui la reçoivent, les aliénant de leur intelligence innée. Résister à cela, à notre époque hyper médiatisée et à tous les dangers qu’elle comporte (vitesse de la réception du produit iconique, violence de ses propos…), permettra à l’esprit humain de rester debout.

Néanmoins, l’œuvre ne se cantonne pas dans une tristesse chromatique, elle se dynamise également dans des couleurs fauves, appuyant ainsi ce jeu de construction-déconstruction cubique, à l’instar d’un Braque (LA THEORIE DE LA CHAISE n°8-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné)

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Cette chaise est l’image d’une humanité vulnérable qui s’est perdue et se (re)cherche dans chacun des fragments qui se disloquent de son corps. 

Ce qui témoigne de l’implication de l’artiste dans l’héritage ainsi que dans l’évolution de l’histoire de l’Art consiste dans le fait que le visiteur est pris à témoin de l’abolition de la frontière visuelle entre la plastique du tableau et le relief de la photographie dans la construction d’une œuvre « totale ».  

L’écriture demeure la même : le cadre engendre le cadre, reprenant chaque élément de la chaise en tant que donnée objective, par toute une série d’attributs « physiques » la composant (tels que le dossier démultiplié) (LA THEORIE DE LA CHAISE n° 2 et 3-40 x 60 cm-argentique sur papier satiné).

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Mais, à y regarder de près, construction, déconstruction ne sont-elles pas, en dernière analyse, l’amorce d’un même acte? Un acte que l’artiste applique à la modernité comme un appel, voire une stimulation à faire triompher l’humain, pris comme une dynamique évolutive devant passer par tous les stades pour se retrouver. Néanmoins, même si cela s’accorde à une esthétique contemporaine, cette démarche appartient, en définitive, à tous les siècles. Car si l’Homme a un destin, c’est précisément celui de se renouveler.

Et se renouveler sous-entend se déconstruire pour se ressouder à nouveau, riche d’expériences vécues. Le traitement que l’artiste apporte à l’œuvre efface définitivement toute différence entre la photographie et la peinture. Les notions de « paysage » et de « portrait » demeurent présentes. Le paysage se révèle à travers l’univers surréaliste de l’artiste, symbolisant ses diverses facettes oniriques. Le portrait se distingue par la mise en exergue d’une série d’états d’âme.

L’art numérique s’est, depuis maintenant des années, extrêmement bien implanté dans la sphère des techniques artistiques.

Par le passé, il se cherchait en ayant tendance à aborder des sujets figuratifs réfléchissant, notamment, son intérêt pour la science fiction, le cinétisme ou le conceptuel.

Avec cette artiste, nous entrons de plein pied dans la réflexion humaniste, entreprise comme exploration d’un intime prenant sa force aux sources mêmes du questionnement. De ce point de vue, elle donne à l’art numérique ses lettres de noblesse. Car c’est grâce à des personnalités comme la sienne que cette forme artistique atteint des sommets d’expression. Encore étudiante, elle superposait des diapositives pour arriver à un résultat sans comparaison aucune avec ce qu’elle réalise aujourd’hui. Déjà en gestation, l’idée s’est pleinement concrétisée avec l’arrivée du numérique. Et pourtant (est-ce conscient ou non?) il y a un héritage artistique dans ce qu’elle crée, tel que les collages du début du 20ème siècle, l’association au cubisme de Braque ou les effets lumineux du cinéma muet expérimental, évoqués plus haut.

L’artiste a obtenu un Doctorat d’Etat * ès Lettres et Sciences Humaines à la Sorbonne. Elle a enseigné la Littérature comparée et francophone jusqu’en Master à l’Université de Cergy Pontoise tout en se dirigeant vers la recherche et la photographie qu’elle considère comme consubstantielles à son parcours créateur.

En parlant du numérique, il est  intéressant de constater que cette branche des arts plastiques ne se contente pas d’une appellation aussi simple que « numérisme » à l’instar du « cubisme » ou du « fauvisme ». Il est constamment précédé du mot « art » comme pour appuyer ses potentialités créatrices.

Sans doute a-t-on voulu attribuer au mot « numérique » une dimension ostensiblement technologique à l’heure où l’informatique trône dans presque tous les domaines. Néanmoins, même si cela était le cas, c’est oublier un peu trop vite que le mot « art » vient du latin « ars » lequel provient intellectuellement du grec « technè » (technique). Il n’y a pas d’art sans technique. Le fait de faire précéder le mot « numérique » par « art » est un pléonasme. L’artiste ne sculpte pas, ne joue pas du pinceau. Elle joue de l’ « ordinateur ». Ce mot, créé en 1955 par le philologue Jacques Perret, renoue avec la phraséologie biblique présentant Dieu mettant de l’ordre dans le Monde, à l’instar de l’artiste mettant de l’ordre et de l’équilibre dans l’image qu’elle conçoit après l’avoir reçue. L’émergence du cadre engendrant le cadre, structurant la première thématique, correspond d’ailleurs à une confusion volontaire entre présent, passé et futur que le visiteur reçoit dans l’immédiateté du contact provoqué par l’œuvre.

L’art, en l’occurrence, numérique se veut avant tout une aventure expérimentale mettant en exergue le but de se démarquer des sentiers battus.  Car il n’a jamais été question, du moins pour l’artiste, de noyer une technique des arts plastiques dans le bourbier de la technologie.

L’humanité intense qu’exhale l’œuvre de NEGIN DANESHVAR-MALEVERGNE nous en confère la preuve absolue.  

François L. Speranza.

* N.D.L.R:

Doctorat d’Etat ès Lettres (définition)
Le Doctorat d’Etat est l’héritier du doctorat institué par Napoléon qui conférait le plus
haut grade universitaire destiné à accéder aux postes de Chercheur, de Maître de
conférences ou Professeur à l’Université. Il correspondait à un très long travail
approfondi de recherche sur des sujets rares ou peu documentés. N’ayant aucune
correspondance internationale, il disparaît en France vers la fin du 20 e siècle par souci
d’homogénéisation et correspond actuellement à l’Habilitation à Diriger des Recherches
universitaires du niveau Doctorat.
 Communiqué par Philippe Malevergne

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Une publication
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N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable


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                                       Signature de l'artiste - Negin Daneshvar-Malevergne    

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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            VARIATIONS SUR LE BESTIAIRE : L’ŒUVRE DE ROBERT KETELSLEGERS

Du 10-01 au 28-01-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) ouvre l’année nouvelle en vous proposant l’œuvre carrément époustouflante du peintre belge, Monsieur ROBERT KETELSLEGERS, qui ne manquera pas de faire chavirer vos idées sur la peinture! L’exposition s’intitule TOUTE LA VERITE, CELLE DE L’IMPOSTURE.

Parmi les thématiques qui parcourent l’Histoire de l’Art, ROBERT KETELSLEGERS renoue avec le dialogue unissant l’intimité abyssale de l’Homme avec le royaume dit « animal » que l’Occident a souvent regardé avec condescendance.

L’artiste nous convie à une interprétation contemporaine de la notion du « bestiaire ». En quoi ce bestiaire est-il « contemporain » ? Principalement par les sujets qu’il aborde, lesquels sont essentiellement historiques et politiques. Ceci dit, le bestiaire, étant une extension supplémentaire du théâtre de mœurs  dans la tradition littéraire, il ne pouvait qu’aborder des sujets « contemporains » à toutes les époques. Esope, en l’an 600 avant J.C. dénonçait les tares de son temps. Au 13ème siècle, « Le Roman de Renart » visait l’exemple moral à travers la satyre. Modernisant Esope, reprenant des récits régionaux et s’inspirant des intrigues de son temps, La Fontaine, au 17ème siècle portait au pinacle le bestiaire littéraire, laissant la voie libre à Perrault dans le développement du conte de fées, en tant que genre indépendant.

Concernant les arts plastiques, les choses deviennent explicites. L’image exprime l’hybridisme primordial associant plastiquement l’Homme à l’animal dans un même et unique concept : celui d’un mariage mystique à l’intérieur de l’arène cosmique. Depuis la Préhistoire cette fusion, d’abord concrétisée dans la chasse voyant la suprématie de l’Homme sur l’animal dans le but d’une cohésion sociale centrée à la fois sur l’économie et sur la relation magico-religieuse, s’est progressivement transformée en un rapport mystique, principalement souligné dans les sociétés polythéistes. Pensons à l’Egypte où le dieu Horus était représenté par un corps d’homme surmonté d’une tête de faucon. Pensons également à la Grèce et à ses centaures. Avec le christianisme survient la dichotomie drastique entre l’Homme (créé à l’image de Dieu) et l’animal qui lui est subordonné.

Il n’est plus question d’une quelconque fusion mystique. Du moins, en ce qui concerne les arts plastiques. Car en matière littéraire, l’Occident chrétien entretient le bestiaire mais essentiellement dans la sphère du récit fantastique avec à la clé une finalité morale. Nous avons cité, plus haut, « Le Roman de Renart ». Et cela n’a rien de gratuit, puisqu’il se termine sur une issue morale à destination du peuple.

Si nous faisons exception de l’œuvre surréaliste d’André Masson et de son bestiaire magnifique aux accents fantastiques, ce genre dans l’art contemporain se révèle plutôt timide. Il s’agit surtout d’hybridisme associant des corps d’animaux de diverses origines.

Comment définir le bestiaire de ROBERT KETELSLEGERS? Il s’agit, avant tout, d’un hybridisme, associant l’homme et la bête s’ébauchant sur le modèle de la figure filiforme de conception « aristocratique » par son attitude assez « pincée ». L’artiste aborde, notamment, des sujets qui ont parsemé l’histoire du 20ème siècle, tels que l’attitude du pape Pie XII face à la Shoah. L’avènement du nazisme. Le fascisme italien ou la conférence de Yalta.

Une codification sémantique définit le sujet : le visage (la gueule) du personnage demeure souvent impassible. Il s’agit d’un félin (le guépard) ou d’un rapace (le faucon). Parfois le personnage prend l’aspect d’un pélican. L’immobilité dans l’action en train de s’accomplir est un leitmotiv de l’artiste, en ce sens que nous nous trouvons face à une sorte de photogramme tiré d’un film. Il ne tient qu’au visiteur de pousser sur le bouton de son imaginaire pour que le film redémarre. Seul le décorum replaçant le personnage dans le temps confère l’identité historique à la scène. Le titre joue également un rôle analogue.

Qui se souvient, d’emblée, que JOSSIF DOUGACHVILI (125 x 205 cm-huile sur toile)

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était le véritable nom de Staline (l’acier, en russe) ? Et pour bien insister sur l’identité du personnage, l’artiste lui applique une série d’attributs, tels que la célèbre moustache en pointe, la pipe et l’uniforme blanc qui le distingue du groupe d’officiers qui l’entourent.

Le bras tendu vers l’avant du personnage central de AIELI, AIELO, AIELA (125 x 205 cm-huile sur toile),

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la svastika nazie ainsi que l’uniforme SS donnent le ton de cette peinture.

FIAT VOLUNTAS DEI (QUE LA VOLONTE DE DIEU SOIT FAITE) (124 x 204 cm-huile sur toile) 

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s’afficherait presque comme une parodie si l’on excepte l’issue tragique de la Shoah. Le pontife se présente avec une tête de rapace. Assis sur son trône, entouré de ses Gardes Suisses, il bénit. Tandis qu’à l’arrière-plan se profile l’entrée d’Auschwitz-Birkenau. Quel est le véritable sujet de ce tableau ? Observons que le Pape aussi bien que les Gardes Suisses détournent leur regard de la finalité de leur acte. Aucun des personnages ne s’adresse visuellement au visiteur, c'est-à-dire au regard qui personnifie leur conscience. Ceci est dû au fait que l’artiste n’aime pas trop le regard de face. Il préfère le regard en biais, bien plus chargé de mystère. De vérité cachée. Le sujet est le refus de la responsabilité historique.

YALTA (CHURCHILL, ROOSEVELT, STALINE) (104 x 154 cm-huile sur toile)

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montre trois fauves : Churchill, fumant son cigare, Roosevelt, plutôt apathique et Staline. La direction des visages est fort emblématique. Roosevelt est le seul à regarder droit devant lui. Tandis que Churchill et Staline fixent leur regard vers la droite (par rapport au visiteur). Même si l’artiste n’a jamais songé à cette éventualité politique, le fait que Churchill et Staline regardent vers la droite, pourrait symboliser géographiquement que ceux-ci regardent vers l’Est. Et nous savons tous ce qu’il adviendra de la partition des Balkans à partir de Yalta. Néanmoins, rappelons que cette pensée n’a jamais traversé l’esprit de l’artiste. Si l’humour est sa signature, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu de mains savamment conçu de style expressionniste. Un symbolisme prophétique parsème cette œuvre : Roosevelt, le regard hagard, laisse pendre ses mains vers le bas : la mort est proche. Staline a les mains croisées : signe de satisfaction. Churchill pose sa main (tenant un cigare) sur son béret : signe d’égale satisfaction. Notons qu’en matière d’humour, le personnage de Churchill a été servi : fumeur invétéré, cigare au bec, il tient un deuxième cigare allumé à la main.

Outre l’humour, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu des mains, savamment conçu, de style expressionniste ainsi que le jeu des regards fuyants.

Les quatre personnages entourant Staline, à l’avant-plan de JOSSIF DOUGACHVILI (cité plus haut), présentent leurs doigts en éventail.

Leurs mains sont croisées, déployant leurs doigts. Il s’agit, comme spécifié plus haut, de mains « expressionnistes », donnant vie aux personnages.

Ce jeu de mains croisées s’explique à la fois par leur position ainsi que par leur coloris. En réalité, cette œuvre représente Staline au centre d’une cohorte de généraux qu’il a fait exécuter. Les mains des généraux ont une couleur cadavérique. Leurs yeux sont clos. Seul Staline fixe le visiteur dans l’attitude photographique de la pose. L’arrière-plan est composé d’un mur blanc-cassé, presque diaphane, sur lequel sont gravés les noms de ses victimes. L’artiste en a profité pour placer sa signature à leur côté.

Tandis que le prénom et le patronyme de Staline se distinguent en lettres rouges-sang, juste en dessous de la faucille et du marteau.

Nous retrouvons ce même je de mains dans AIELI, AIELO, AIELA (cité plus haut). A partir du centre, tous les personnages provenant de la gauche de l’image écartent leurs doigts en éventail. Leurs mains sont énormes, à un point tel qu’elles semblent démesurées par rapport aux fusils qu’elles tiennent. Y a-t-il la volonté de renouer avec l’Expressionnisme, considéré comme « art dégénéré » par ces mêmes nazis que l’artiste caricature?

L’artiste répond à cette question par la négative. Il ne se considère pas comme un peintre purement « expressionniste ». Ce style fait simplement partie de son écriture sans pour autant la déterminer. Pour la première fois, le peintre montre les félins (à la gueule assez terne) grimaçant, montrant non pas des crocs de carnassiers mais bien des dents humaines. Il ne s’agit pas de félins déguisés en nazis mais bien d’hommes que la bestialité a rendus fauves. Comme pour YALTA (cité plus haut), humour et tragédie se côtoient. Au fur et à mesure que le regard s’affine, l’on remarque que la ligne d’équilibre exprimée par les jambes tendues se termine par la pointe des bottes touchant le postérieur du soldat de devant : un coup de pied aux fesses pour stimuler la marche! Le personnage central s’apprête à freiner la marche du soldat qui le précède pour lui botter les fesses à son tour. On avance à grands coups de pieds comme pour encourager la fuite en avant. Et c’est précisément ce qu’il s’est passé après 1941 (Stalingrad), lorsque le régime nazi comprit que la guerre était perdue. Pour signifier le mouvement, la parade débute par la gauche et l’on voit tendre vers l’avant la jambe d’un soldat dont nous n’apercevons pas encore la silhouette. Graphiquement parlant, la conception des soldats portant le fusil est très intéressante. D’aucuns pourraient évoquer le bande dessinée. Vrai d’un côté, faux de l’autre.

Une cassure rythmique s’amorce dans l’occultation de l’épaule droite du personnage. Partant de la paume de la main, le fusil s’élance avant d’être arrêté par la cingle reliant les deux extrémités du casque pour réapparaitre sous la forme pointue de la baïonnette, reprenant ainsi le rythme interrompu. La diagonale formée par le bras du personnage central prolongée par l’épée, s’oppose à la raideur de la droite exécutée par le bras tendu. Le tout assure un équilibre total. Rien de tout cela ne se retrouve dans la bande dessinée à proprement parler.

Par ces observations remarquons également que l’œuvre de ce peintre est avant tout celle d’un architecte! Nous l’observons encore par la conception des vêtements laquelle met en exergue un engouement affirmé pour le cubisme.

La robe du Pie XII de FIAT VOLUNTAS DEI (cité plus haut) est constituée d’une suite de triangles séparée par une file de boutons formant une ligne médiane. Le col des Gardes Suisses est constitué d’un losange coupé en son milieu. Dans YALTA, l’artiste reprend la même conception cubiste définissant les vêtements des trois personnages. Celui de Churchill est assurément le plus saillant parce que le plus travaillé, devant faire office de « fourrure » au « vieux lion » comme on le surnommait. Sa tête est d’ailleurs celle d’un lion. Deux parallélépipèdes constituent les pantalons de Roosevelt et de Churchill. Bien sûr, la bande dessinée n’est pas étrangère dans la conception des personnages mais elle n’est présente que dans l’idée.

Un jeu de mains, aussi intéressant que les précédents (mains jointes en prière), se retrouve dans LA TOUTE DERNIERE CENE (104 x 153 cm-huile sur toile).

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A l’instar de FIAT VOLUNTAS DEI, les disciples entourant le Christ évitent de regarder en direction du visiteur. Comme pour insister sur ce détail, l’artiste donne au Christ un double regard en lui conférant deux paires d’yeux. L’humour dénote le personnage de Judas, à l’avant-plan, tenant un cigare. Celui-ci rit et, une fois encore, l’artiste l’affuble de dents humaines. Tragédie et humour ne font qu’un : outre le cigare que fume Judas, le vin porte l’appellation d’origine contrôlée « Noces de Cana ». Dans les assiettes, des crabes tournent leurs pinces en direction du visiteur.

IL DUCE HA SEMPRE RAGIONE (LE DUCE A TOUJOURS RAISON) (105 x 125cm-huile sur toile)

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est en réalité un autoportrait de Benito Mussolini (à droite) affublé de son alter ego (à gauche) présenté sous les traits d’une marionnette surgie d’un recoin de l’arrière-plan. Pour la deuxième fois, concernant cette exposition, le visage (la gueule) du félin prend une expression caractéristique : celle de Mussolini haranguant la foule exprimant ses mimiques suscitant le rire. Il est intéressant de constater que l’artiste accorde deux expressions caractéristiques opposées à des personnages s’inscrivant dans une même séquence historique : des dents prêtes à mordre, signifiant la haine pour ce qui concerne le nazisme et l’expression carrément imbécile s’agissant du fascisme. Tous deux symbolisant une même finalité tragique. Et nous avons là toute la dialectique de l’artiste : la tragédie servie dans un esprit carnavalesque. 

ROBERT KETELSLEGERS qui a une formation académique, ayant fréquenté l’Institut supérieur des Beaux-Arts Saint Luc de Liège, possède une technique à l’huile remarquable dans le résultat qu’elle engendre. Le visiteur a devant lui l’espace ouvert d’une surface entièrement « lisse », en ce sens que très peu de matière est utilisée, l’artiste frottant et grattant au maximum la surface pour éliminer le moindre résidu. Néanmoins, la finesse du trait assurant la formation du volume, la matérialité du sujet transparait par delà la toile. Le résultat est saisissant!

La matière est là sans la moindre trace de couteau ou de spatule. La matière, absente dans sa consistance, apparait dans ce qu’elle suggère, sa matérialité.

En règle générale, et ce pour mieux faire ressortir la scène ainsi que l’ampleur de la tragédie, les arrière-plans sont de couleur gris-blanc.

Détail singulier : la signature de l’artiste est posée presque toujours vers le haut de la toile. Dans LA TOUTE DERNIERE CENE, elle est carrément comprise à l’intérieur de l’auréole entourant le Christ.

En dernière analyse, ces variations sur le bestiaire indiquent que la philosophie couronnant l’œuvre plastique de l’artiste demeure la même par rapport à celle du passé concernant le domaine littéraire. La forme et le fond sont invariables. Ils partagent la satyre comme dénominateur commun. Mais dans ce domaine, le peintre va plus loin.

VERITE et IMPOSTURE (la trame de l’exposition) sont deux vérités opposées parce qu’elles participent de deux réalités opposées : celles de l’engagement et de la trahison au sens le plus large. Avec, néanmoins, cette différence notable, à savoir que l’artiste dénonce. Il ne moralise pas. D’ailleurs, la conception esthétique de sa peinture empêche la moindre moralisation.

Par ce côté « carnavalesque » que nous évoquions plus haut, l’artiste se moque des bourreaux. Il dénonce l’absurdité cruelle d’un siècle laquelle, ne l’oublions jamais, peut parfaitement se répéter. 

ROBERT KETELSLEGERS est un « cynique » dans le sens grec du terme. En exagérant la sémantique d’un langage (plastique, historique et politique) en perte d’humanité, il en décrypte l’absurdité avec une totale indépendance d’esprit.  

François L. Speranza.

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