LES COURBES DE L’AME DANS L’ŒUVRE DE SABINE MORVAN BINDSCHEDLER
Du 30-11 au 30-12-18, L’ESPACE ART GALLERY (83, Rue de Laeken, 1000 Bruxelles), a présenté une exposition consacrée à l’œuvre de la sculptrice française, Madame SABINE MORVAN BINDSCHEDLER, intitulée : LES COURBES DE L’IMAGINAIRE.
L’artiste SABINE MORVAN BINDSCHEDLER qui exposait dans un espace adjacent à celui exposant l’œuvre de son mari, le peintre ERIK MORVAN, nous a étonné par le véritable amour qu’elle témoigne envers les courbes conçues de façon antithétique (voire antagoniste), qui s’inscrivent dans la restitution de la sensualité sensible. Les angles serrés contrastent avec les angles ouverts réalisés dans des attitudes ramassées, rentrées en elles-mêmes. Entre ces deux attitudes plastiques, la ligne affirme une présence effective. Elle se développe en gardienne comme pour mieux tracer la voie au volume.
TRANSFERT (bronze-46 cm)
répond à cette expérience esthétique en alliant, derechef, la courbe pleine avec à l’avant de la pièce, la forme concave, conçue comme l’image d’un retour en soi-même. Cette partie concave présente trois excroissances, l’une reposant sur l’autre, évoquant presque des créatures dormantes. Sur la droite, en bas, le volume naissant s’achève par une forme connue que l’on pourrait interpréter comme évoquant la pointe d’un sein. L’artiste a tenu à apporter une explication personnelle à cette œuvre : « l’univers sidéral uni à la matière provoque un espace de sensibilité où les êtres peuvent arriver à se comprendre. Les fractures de la vie font sublimer l’esprit.» Ces « fractures de la vie » structurant le volume ressemblent à ces hachures qui fractionnent la pièce dans l’attente future d’une unité.
Les angles aigus se retrouvent, notamment, dans PUISSANCE SEREINE (bronze-42 cm).
L’artiste pose son intention : « Le repos avant l’effort». Cette démarche est un avant goût à la pensée nietzschéenne, laquelle préconise le « repos apollinien » après l’ « effort dionysiaque ». Le corps « disparait » en quelque sorte. L’Homme n’est plus qu’une suite de formes synthétiques incarnées dans l’angle en totale métamorphose. La posture du personnage, tendue vers l’arrière, incite effectivement au repos. Les pleins et le vides suggèrent une musculature inexistante.
Le visage est absent, ou plutôt, il somnole dans un espace rectangulaire comportant, en son milieu, une excroissance vertébrale, le séparant en deux axes. L’artiste a-t-elle toujours été sculpteur?
Ce trait, d’une extrême finesse, séparant les zones planes des zones convexes, délimitant les espaces, témoignent d’une grande sensibilité picturale dans la conception de la pièce sculptée.
INTROSPECTION (bronze-16 cm)
L’artiste précise sa démarche en ce sens : « se concentrer, se retourner contre soi-même, certes c’est une recherche de la vie, de l’éternité. Se protéger contre les agressions, élaborer une carapace de protection pour affronter, sans crainte, le monde qui nous entoure ». Nous sommes, par conséquent, dans l’intime. Dans un intime qui refuse de se dévoiler au Monde. Une intimité qui jamais n’aurait souffert de se manifester dans une œuvre de grandes dimensions. Dans cette pièce, l’intime, pour conserver son humanité, se manifeste dans l’écrin d’une œuvre en réduction.
Elève à l’atelier Paul Bigorre, au Maroc ainsi qu’à l’atelier Jean-Jacques Hamard, faisant partie de la Fondation Rothschild/Paris-Est, les œuvres exposées expriment à la fois différents états d’âme ainsi que plusieurs étapes qui ont structuré son travail. Après des études littéraires, elle s’est immédiatement dirigée vers la sculpture. Le but de son travail exposé (que l’on retrouve tout particulièrement dans PUISSANCE SEREINE-mentionnée plus haut) consiste dans une stylisation travaillée de la figure humaine. A’ la question que nous nous posions plus haut, à savoir le rôle de la ligne dans le tracé de sa sculpture est certainement le fait d’une influence exercée par sa mère, artiste-peintre. Néanmoins, son souci principal de sculptrice est celui de la représentation de la pièce dans ses trois dimensions ainsi que le rapport harmonieux entre les pleins et les vides. Quant aux ombres et aux lumières, l’artiste s’en sert comme d’un matériau jouant sur la plastique. Sa philosophie de la forme est centrée sur le sentiment libérant le visiteur au contact avec la pièce, en insistant sur le fait que, bien entendu, aucune réponse n’est préconçue et qu’il lui incombe de la vivre. Sa technique consiste dans le bronze, additionné de terre et de résine. L’artiste évite systématiquement toute forme d’influences, voulant garder, comme elle le spécifie, son regard « vierge ». Depuis peu, elle évolue dans une esthétique excluant la forme lisse, apportant à la pièce plus de matière.
L’œuvre de SABINE MORVAN BINDSCHDLER est avant tout un voyage au cœur d’une introspection.
Et cette « introspection », déclamée sur plusieurs niveaux, nous offre, tant dans son « transfert » que dans sa « puissance sereine », un portrait vivant de la sensibilité de cette excellente artiste.
Collection "Belles signatures" © 2020 Robert Paul
N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.
Robert Paul
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L’artiste française Sabine Morvan-Bindechedler a exposé ses œuvres dans la galerie en 2018. Et son billet d’art du critique d’art François Speranza sera publié dans le « Recueil n° 7 de 2018 » par « Les Éditions d’art EAG » dans la Collection « États d’âmes d’artistes » en 2021.
Lien vers la vidéo lors du vernissage de son exposition dans la galerie :
https://youtu.be/3zzaFbAmDRE