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A la Sama! "Ripaille" du mardi 2 au 13 février 2016

...De et avec  Christian Dalimier

D'abord à la Samaritaine (Bruxelles) du mardi 2 au 13 février

Avec Laurence Warin / Mise en scène : Emmanuelle Mathieu / Scénographie : Maurice Van den Broek

Ensuite: du 18 au 27 février 2016

Au Théâtre Jardin-Passion

r. Marie-Henriette, 39 5000 Namur

Ripailles un peu « grasses »

12273151285?profile=original« Entre deux verres », un premier travail sur la subtilité et la délicatesse fut créé à La Samaritaine nous rappelle Huguette, la grande ordonnatrice des lieux. Et nous revoici, entre deux bières, pour venir applaudir le nouveau spectacle de Christian Dalamier : « Ripaille », une proposition qui ne manque ni de sel ni de piment.

Déjà les papilles gustatives se réveillent. Car il s’agit, on s’en doute, de faire le tour des saveurs, parfums et épices, de tous ce que l’on  peut se  mettre sur et sous la langue. Il s’agit même de très belle langue, quand on en vient à cette merveilleuse interprétation de la Madeleine de Proust. Applaudissements nourris - si l’on peut dire – car la diction est belle, la voix s’est posée enfin avec douceur, plus l’ombre d’une hésitation, les poses pleines d’expectative gustative et littéraire font battre le cœur. « Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »

Le spectacle a de la tenue, du rythme et de l’inventivité. Les comédiens jouent une belle complicité et se font des surprises. On ouvre un tiroir et hop voilà des bribes de Tchékhov, deux tabliers rouge, du beure de ferme, des luttes conjugales, et un soupçon de jalousie maladive. « C’est bon un peu de douceur » mélancolise la belle. Et de se mettre aux fourneaux pour créer une saveur inégalée! Comment mieux mettre les gens dans d’excellentes dispositions? Mmmh ! Elle sait qu’en faisant griller du cramique dans un appartement, on le vend dans l’heure!

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Les deux compères, le professeur et sa maîtresse - journaliste mémère et tendre - , se pourlèchent les babines devant des mangues citronnées sur lit de …basilic? On ne vous en dira pas plus. Le spectacle a de quoi ébaudir presque jusqu’au bout entre bonne chère et plaisirs de la chair. Il balaie large, faisant feu de toute gastronomie. Seul le chapitre «ripaille(s) » proprement dit, nous a donné quelque indigestion. « Ripaille » sans ripaille aurait été fort bien comme cela, laissé à l’état brut! Trop d’ingrédients nuit à l’omelette, même à celle de la mère Poulard ! On ne la reconnaît plus. Ainsi le titre "Les très joyeuses histoires de Mmmh..."  nous aurait mieux convenu, mais de gustibus non est disputandum! Ce n’est pas que nous ne causions pas  Pirlouit wallon, c’est que la série d’accessoires plutôt vulgaires et criards, fouets et entonnoirs, faisait un peu coup de poing dans le décor d’une soirée qui voulait butiner les sensations et les souvenirs littéraires, de la framboise à la fine fleur d’oranger.

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Hommage à Beethoven

Une aquarelle d'Adyne Gohy

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inspirée

par un poème de

Raymond Martin

Pêle-Mêle

Un errant hérétique chemine son destin futur

Chaussé d'injustices, vêtu de calomnies hideuses, regarde Montségur.

 

 

Acre, non venue, la pomme blette menue

Chut dans la main d'un moine gras et velu.

 

 

Ciboire argenté à l'aspect d'un grimoire,

Taquine la bigote au regard plein d'espoir.

 

 

Le frêle esquif, souffreteux et chétif s'évanouit

Dans la chaleur vibrante de l'azur infini.

 

 

Quaternaire, binaire, centenaire ou ternaire,

L'ère évolue et l'ours pépère a perdu ses repères.

 

 

Des champs de blé aux chants du geai, chantonne

Le vent fougueux vers le ciel qui moutonne.

 

 

Qu'importe le déluge pourvu qu'on ait l'ivresse

Du sang, par le cep planté en signe d'allégresse.

 

 

Une vieille femme décharnée, courbée sous son fagot

Songe au bienfaisant fumet de son prochain fricot.

 

 

Soleil, foyer solaire plébiscite des dieux,

Ecrase le désert de ses traits rigoureux.

 

 

Un chaland nonchalant opine du chef

Au toucher de la gemme inondée de scintillants reliefs.

 

 

L'Italie tarentelle au pied du  boutonneux Vésuve,

Chauffée au chianti dont on hume les effluves.

 

 

Blanches, noires, touches effleurées par les doigts effilés

De mains volontaires pour sonates affirmées,

Pathétique au tempo décidé, funèbre pour prince mécène,

Résonance des opus d'un génie sans limite : Beethoven.

 

 

Le flûtiste à la flûte de pan, chapeau à plume,

Egrène ses triolets en cherchant fortune.

 

 

Chapeau à plume ou chapeau de paille,

Ventre affamé quémande ripaille.

 

 

Vertige ! Voici que frissonne

Le minois bien né

A l'allure polissonne

De Mademoiselle Mallarmé.

 

 

Temple du temps qu'un seul soupire résume,

S'évanouit l'amour au-delà de l'écume.

Cette*, antique, parée pour l'infini

Des fols émois marins de Valéry.

 

 

Raymond MARTIN

 

 

* ancienne orthographe de la ville de Sète

Un partenariat d'

Arts 

12272797098?profile=originalLettres

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LA POESIE...

La poésie

Est graine de vie...

Musique agile

Langueur subtile...

Elle chante en moi

Recrée l'émoi...

Le rêve bleu

Le doux aveu!

Si les mots pensent

Avec cadence

Alors on peut

Se sentir mieux!

Quand jour se lève

Si plein de sève

Un potentiel

Regarde le ciel!

Même s'il est vide

Et moi timide...

Plus de rejet

Aucun regret!

La poésie

Est graine d'envie...

J.G.

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En deux langues, la littérature canadienne exprime l'âme d'un peuple. Les textes français antérieurs à 1760 sont pour l'essentiel des récits de voyage et constituent une «prélittérature». Ce n'est qu'après les guerres de la conquête que les Canadiens français, coupés de leurs élites, obligés de s'adapter pour ne pas périr, doivent se défendre par la parole ou l'écrit. Journalistes et orateurs parlementaires produisent une littérature de combat.

Au siècle dernier, la poésie se cantonne soit dans l'exaltation de la patrie, soit dans des imitations de la poésie française. Les premiers romans, idylliques et moralisateurs, empruntent souvent la forme de Mémoires ou de récits épistolaires. Leur documentation réduite, leur partialité et leur absence de méthode font des diverses «histoires du Canada» plutôt de simples chroniques. Le mouvement des idées est dominé par un nationalisme revendicateur, qui se traduit surtout par des efforts pour le maintien de la langue française. Cependant, plusieurs essayistes sont des critiques lucides et acerbes de la société bourgeoise du XIXe siècle.

Depuis dix ans à peine, il existe un ensemble d'études qui permet une analyse systématique de la littérature canadienne-anglaise. Elles semblent dominées par le souci de considérer cette jeune littérature, non plus selon les normes d'une esthétique traditionnelle, mais en fonction de son apport original à la culture nationale. On cherche donc moins à comparer les oeuvres indigènes avec les chefs-d'oeuvre de la littérature anglaise ou américaine qu'à suivre la marche d'une expérience spécifiquement canadienne.

La vie musicale canadienne est celle d'un pays-continent. Seuls les moyens modernes de communication ont pu le ramener à une échelle humaine. La musique y connaît un nouvel essor grâce à des échanges artistiques de plus en plus intenses entre les provinces.

L'histoire des arts plastiques au Canada comprend plusieurs étapes. D'abord l'Église favorise la sculpture et l'architecture. On rencontre ensuite une «époque» du portrait qui durera jusqu'à la fin du XIXe siècle. Les artistes d'origine britannique seront surtout des peintres paysagistes. Depuis le milieu du XXe siècle, on assiste à un surprenant renouveau dans tous les domaines des arts plastiques.

 

 

1. Littérature de langue française

 

La poésie

 

Au moment où, en France, le romantisme subit un net déclin, il connaît, sur l'autre rive de l'Atlantique, une étrange survie, avec un retard d'au moins une génération. Le chef du mouvement est Octave Crémazie (1827-1879), qui traduit la voix de son peuple à l'aube de sa renaissance, se faisant l'interprète de ses regrets, de ses espoirs, de sa nostalgie des couleurs françaises. Il s'émeut des moeurs rudimentaires des paysans et affirme son attachement aux valeurs religieuses. Plus prolifique, Louis Fréchette (1839-1908) a voulu, avec La Légende d'un peuple, doter ses compatriotes d'une épopée faisant revivre les nobles gestes et les hautes figures des ancêtres. William Chapman (Feuilles d'érable, Fleurs de givre) est porté à la grandiloquence; Pamphile Lemay (Les Gouttelettes) est un poète spontané et mélancolique, Alfred Garneau, un artiste raffiné, Nérée Beauchemin (Floraisons matutinales, Patrie intime), un parfait artisan du vers.

Avec le siècle naît un courant nouveau. Des poètes d'une culture plus vivante, d'un goût plus affiné, se refusent à chanter les gloires gémelles de Dieu et de la patrie. Ils ont découvert d'autres sources d'inspiration et entendent accueillir l'humain, tout l'humain. Ils rêvent d'une forme plus souple, recherchent des innovations stylistiques, imaginent ce qu'ils n'ont pu expérimenter.

Le chef de cette pléiade est, sans aucun doute, Émile Nelligan (1879-1941). Dès l'enfance, il s'enfonce dans une tristesse morbide, et la pensée de la mort hante ses poèmes. Inlassablement il répète son désenchantement, son refus désespéré de la vie. Rompant avec les thèmes du terroir, Nelligan libère la poésie canadienne et lui ouvre la voie du XXe siècle. Il se tait avant d'atteindre vingtans.

Albert Lozeau (1878-1924) est lui aussi un homme blessé et, de sa résignation, naît un art intimiste. La nature l'émeut, qu'il ne connaît que par l'imagination, et la «bonne souffrance» acquiert dans ses vers la voix feutrée de l'apaisement. Dans le même groupe on rencontre: Gonzalve Désaulniers (Les Bois qui chantent), un humaniste serein, une sensibilité lamartinienne; Jean Charbonneau (Les Blessures, Sur la borne pensive) qui, par le moyen d'obscurs symboles, reprend les grands mythes religieux et métaphysiques; Charles Gill, chez qui le clinquant dépare une oeuvre épique dont l'ambition, du reste, dépasse son talent; Blanche LamontagneBeauregard, d'une inspiration exclusivement régionaliste, Englebert Gallèze (La Claire Fontaine), dont le rythme enjoué s'associe à une émotion discrète; Lucien Rainier (Avec ma vie), poète du recueillement et de la méditation mystique; Albert Ferland enfin.

Paul Morin (1889-1963) s'affirme le poète exotique par excellence. Dans Le Paon d'émail et Poèmes de cendre et d'or, il traduit l'éblouissement d'un jeune homme raffiné, livré aux multiples ivresses des dépaysements, amoureux des rythmes et des formes, épris du chatoiement des syllabes, jouant d'une rare virtuosité verbale. Également maître du rythme mais plus sincère, René Chopin (1885-1953) ne s'éloigne pas de son pays, et son exotisme sera d'ordre moral. Poète de la nature (Le Coeur en exil, Dominantes), il l'interprète plus qu'il ne la décrit; son talent se fonde sur une sensibilité intense, mal adaptée au quotidien. Robert Choquette, né en 1905, a séduit ses contemporains par le romantisme juvénile d'À travers les vents; par la suite, les vers nobles et un peu froids de Suite marine ont paru correspondre à un exercice, grandiose certes, mais dénué de nécessité profonde. Alfred Desrochers (À l'ombre de l'Orford) est un poète viril, peintre réaliste de la nature, au demeurant, soucieux de la forme. Le premier tiers de notre siècle compte encore: Simone Routier, Rosaire Dion-Lévesque, Cécile Chabot, Josette Bernier, Medjé Vézina.

L'époque contemporaine marque le début d'une ère nouvelle: la naissance d'une poésie authentique, où il ne s'agit plus d'imiter ou de versifier, mais d'atteindre à l'expression originale de sentiments et d'expériences personnels. L'oeuvre poétique d'Alain Grandbois (Les Îles de la nuit, Rivages de l'homme, L'Étoile pourpre) est l'écho de son aventure humaine. Cette poésie ample et frémissante exprime un rêve lucide. Elle joue avec les mots comme avec des objets précieux; mais cette danse devant l'arche dissimule mal une inquiétude jamais apaisée. Grandbois reprend les thèmes universels, le désir, l'amour, la nostalgie, insistant sur le rendez-vous inévitable avec la mort. Pour Saint-Denys Garneau (1912-1943), l'art constitue une activité spirituelle, il ne le conçoit que dans un climat de pureté. Regards et jeux dans l'espace laisse transparaître intacte, une âme d'enfant. Il rejette les mètres traditionnels et recourt aux mots humbles, les disposant en un ordre imprévu qui suscite une émotion étrangère aux engouements passagers.

Après avoir fait ses gammes (Les Songes en équilibre), Anne Hébert atteint, dans Le Tombeau des rois, à une haute et exigeante poésie, dépouillée de tout élément adventice, et formule les interrogations les plus profondes. Elle possède un sens aigu de l'incommunicabilité avec autrui. Rina Lasnier (Le Chant de la montée, Escales, Présence de l'absence, Les Gisants, L'Arbre blanc) a progressivement rendu son inspiration plus hermétique. La femme s'enfonce dans la solitude et murmure des confidences voilées, d'une mélancolie résignée. Ses nombreux recueils frappent par la justesse de l'expression, son intransigeante sobriété, le refus de toute complaisance; ils sont le témoignage d'une expérience spirituelle poursuivie sans la moindre tricherie.

François Hertel excelle aux acrobaties de la pensée et de la phrase. Dans Mes Naufrages, il traduit son désarroi et le tohu-bohu d'une existence tourmentée, à la recherche d'un port d'attache. Parmi les principaux poètes contemporains, on rencontre Roger Brien, fougueux partisan de l'alexandrin, Gilles Hénault, inventif et fervent, Jean-Guy Pilon, Pierre Trottier, Roland Giguère, Fernand Dumont, Maurice Beaulieu, Gatien Lapointe, Paul-Marie Lapointe, Fernand Ouellette, Luc Perrier...

 

Le roman

 

Le roman fait son entrée dans la littérature canadienne avec l'oeuvre d'un vieillard cultivé, Philippe Aubert de Gaspé (Les Anciens Canadiens): il se penche sur le passé franco-canadien. Antoine Gérin-Lajoie (Jean Rivard), journaliste-juriste, également épris du passé national, se fait l'avocat de la colonisation et du retour à la terre. Célibataire sensible et mélancolique, Laure Conan (Angéline de Montbrun) est la première à tenter de démêler, bien que naïvement, l'écheveau des problèmes psychologiques.

Pendant le premier tiers du XXe siècle, les écrivains canadiens-français ne possèdent pas un métier assez solide pour s'attaquer à la tâche de construction concertée qu'exige le roman. Ils se bornent à raconter de petites histoires sans conséquence; la puissance créatrice leur fait défaut pour camper des personnages vivants engagés dans des situations concrètes. Ils souffrent également de timidité. Souvent découragés d'avance par la comparaison avec les oeuvres françaises, ils ne paraissent pas convaincus que des êtres de chair et de sang soient susceptibles, au Québec aussi bien qu'ailleurs, de retenir l'attention du lecteur. Ces rares romanciers hésitent à aborder l'univers complexe des agglomérations urbaines et se rabattent, non sans une arrière-pensée d'édification, sur les milieux ruraux toujours artificiellement idéalisés. D'où de nombreuses oeuvres qui se répètent les unes les autres, assurant la survie de légendes déjà fort éloignées de la réalité. C'est notamment le cas d'Adjutor Rivard (Chez nous, Chez nos gens) et de Marie Victorin (Récits laurentiens, Croquis laurentiens).

Léo-Paul Desrosiers (1896-1967) emprunte à l'histoire un cadre, des personnages, des situations, il imagine une intrigue fictive dans un décor vrai. C'est le cas de Nord-Sud, des Engagés du grand portage, où revivent les voyageurs des pays d'en haut, des Opiniâtres. Sa réussite la plus éclatante, dans une veine spiritualiste, demeure L'Ampoule d'or, poème en prose. Robert de Roquebrune (1889-1978), cultive, lui aussi, l'évocation historique, comme le manifestent Les Habits rouges, qui se rapportent à la rébellion de 1837, La Seigneuresse et surtout Testament de mon enfance, témoignage attachant sur un type de civilisation locale disparue au début de ce siècle. Plus affranchi des conventions et des préjugés, Jean-Charles Harvey (1891-1967) vise à combattre le conformisme et la médiocrité par la satire, le fantastique ou le pamphlet (Les Demi-Civilisés, Les Paradis de sable). Claude-Henri Grignon (1894-1976) est l'homme d'un seul roman, Un homme et son péché, peinture âpre de l'avarice paysanne; il a créé un type, Séraphin Poudrier, devenu l'Harpagon ou le père Grandet du pays laurentien. Avant tout poète et critique, Louis Dantin (1865-1945) a laissé un roman posthume et à demi autobiographique, Les Enfances de Fanny, un ouvrage plein d'une douloureuse présence humaine. Mentionnons également Harry Bernard (Les jours sont longs) et Rex Desmarchais (La Chesnaie).

C'est pendant la Seconde Guerre mondiale que s'opère un puissant renouveau romanesque. Toutefois, quelques années plus tôt, Philippe Panneton (1895-1960) s'était imposé par un réalisme lucide; dans Trente Arpents et Le Poids du jour, l'auteur ignore ses états d'âme, et son intelligence du coeur humain anime une oeuvre attentive aux problèmes sociaux; il est plus architecte que musicien. Bien différent s'affirme Félix-Antoine Savard (1895-1982), un maître de l'incantation verbale; Menaud, maître draveur et surtout La Minuit sont pleins d'un lyrisme cosmique; dans un climat d'exaltation intense, ses personnages représentent plutôt des allégories, des types que des individus concrets.

Germaine Guèvremont (1900-1968) a porté le roman paysan à un rare degré d'excellence; Le Survenant et Marie-Didace demeurent des réussites exceptionnelles. L'auteur possède un sens aigu de l'observation; elle regarde ses personnages colorés et truculents d'un oeil précis et d'un coeur indulgent, non sans une malice amusée. Avec Bonheur d'occasion, Gabrielle Roy (1909-1983) a banni toute préoccupation édifiante; le récit se rapproche parfois du document, mais évite la sécheresse, grâce à la tendresse dont l'auteur ne cesse d'entourer ses créatures. La petite Poule d'eau, éclairée d'un humour discret, souligne le monotone écoulement des ans, accordé au rythme des saisons et des événements familiers. On retrouve les mêmes qualités d'émotion intime dans Rue Deschambault, avec une pointe de détresse pitoyable dans Alexandre Chênevert. Romancier populiste, Roger Lemelin, né en 1919, est un conteur joyeux et inventif plus qu'un styliste raffiné. Au pied de la pente douce et La Famille Plouffe bouillonnent de vitalité, les cocasseries et les incongruités de l'existence quotidienne s'y déroulent à une allure endiablée. En revanche, plus ambitieux, Pierre le Magnifique est alourdi d'une idéologie peu convaincante.

Robert Charbonneau (1911-1967) a ouvert la voie au roman d'analyse psychologique. Dans Ils posséderont la terre et Fontile, Les Désirs et les jours et Aucune Créature, les mêmes personnages se retrouvent, intensifiant l'unité d'atmosphère. C'est le procès de l'homme moderne, souvent mystérieux à soi-même, qui s'instruit devant nous, et cet homme demeure la proie d'une inquiétude spirituelle qui inspire toutes ses démarches. C'est cette tension permanente qui entretient un climat dramatique exceptionnel. Dans une veine très voisine, occupent une place importante André Giroux (Au-delà des visages, Le gouffre a toujours soif) et Robert Elie (La Fin des songes, Il suffit d'un jour), deux romanciers qui scrutent avec perspicacité les replis les plus secrets de l'âme humaine. Même pénétration psychologique chez André Langevin, né en 1927, qui garde le silence après avoir publié trois romans remarquables: Évadé de la nuit, Poussière sur la ville, Le Temps des hommes. Par son intensité, par sa puissance de création, par son acuité introspective, Langevin est le premier romancier de sa génération. Le plus fécond, c'est Yves Thériault (1916-1983). D'une oeuvre abondante, variée, inégale, on retiendra Aaron, Agaguk et Ashini, où sont successivement étudiés les problèmes actuels des juifs, des Esquimaux et des Indiens au Canada.

Dans les oeuvres de Claire Martin: Avec ou sans amour, Soux-Amer, Quand j'aurai payé ton visage, on perçoit une forme séduisante de sensibilité lucide. Rien ne lui est étranger des intermittences du coeur, qu'elle transcrit avec un détachement mêlé de complicité; des hommes et des femmes se cherchent, s'égarent dans les sentiers confus des amours difficiles. Dans une tonalité en grisaille, Jean Filiatrault publie des romans audacieux par leurs thèmes et leurs situations (Terres stériles, Chaînes, Le Refuge impossible, L'argent est odeur de nuit). Il s'attaque avec virulence aux problèmes sexuels et met en scène des cas limites, qu'il traite dans un style frémissant et dépouillé.

Marie-Claire Blais (Tête blanche, La Belle Bête, Une saison dans la vie d'Emmanuel) nous plonge dans un monde noir, sans espoir de rédemption. Les êtres se déplacent dans un univers irréel, plongé dans une atmosphère sulfureuse. Ce fantastique morbide atteint à une poésie sauvage et désolée; dans ce climat asphyxiant, la liberté cède la place à un fatalisme implacable. Jacques Ferron est un maître conteur qui met en scène des gens simples et frustes. Avec Le Libraire, Gérard Bessette a signé un roman satirique d'une vérité implacable. Les lettres canadiennes peuvent beaucoup espérer de Jean Simard, ironiste racé et souriant, de Jacques Godbout, Diane Giguère, Paule Saint-Onge, Jean Basile, Hubert Aquin, Claude Jasmin, Gilles Marcotte, Réjean Ducharme, auteur de L'Avalée des avalés, Le Nez qui voque, L'Océantume.

 

L'histoire

 

À un groupe humain abandonné de la métropole, soumis à des vainqueurs restés hostiles, éprouvant le sentiment encore vague de former une entité homogène, il faut un grand courage pour entreprendre le bilan lucide de ce qu'il a accompli. Peuple conquis ou cédé, peuple sans histoire. Blessés dans leur fierté nationale, des historiens surgissent, décidés à relever le défi. Ils le font avec des moyens limités; ils n'ont accès qu'à des archives incomplètes et mal inventoriées, il leur faut éviter les interprétations hâtives ou abusives, se garder surtout d'une conception polémique de l'histoire. Les plus anciens d'entre eux n'y parviennent pas toujours.

L'Histoire du Canada de François-Xavier Garneau (1809-1866) n'est pas un pamphlet, mais un récit fidèle des faits. Il parvient à reconstituer le passé de façon cohérente. Promis à une rapide caducité, cet ouvrage se lit encore, un siècle plus tard, avec intérêt et profit; la science contemporaine a confirmé plusieurs de ses intuitions. Nourri des classiques, Garneau écrit la langue correcte de son temps, plus ferme qu'élégante, moins nerveuse que précise.

Moins bien charpentée, l'Histoire du Canada d'Antoine Ferland (1805-1865) s'en tient au régime français et n'esquisse aucun système philosophique ou historique. Si elle manque souvent d'attrait et de verve, elle s'impose par sa méthode scientifique, par l'exploitation d'archives inédites, par l'abondance des détails.

Connu surtout comme animateur de la vie littéraire, Henri-Raymond Casgrain (1831-1904) a publié des Biographies canadiennes, des ouvrages sur l'Acadie et des études consacrées à Montcalm et Lévis.

De l'oeuvre considérable de Lionel Groulx (1878-1967), il restera L'Enseignement français au Canada, lumineux exposé d'une lente montée vers la culture, et, plus sûrement encore, les quatre volumes de l'Histoire du Canada, synthèse de ses recherches où l'érudition se présente sereine et claire. Convaincu que l'histoire est maîtresse de vie et d'action, il s'attache à dégager l'âme canadienne-française, autonome avant la cession du pays, et devenue plus jalouse de son originalité au cours de sa résistance opiniâtre à l'anglicisation. S'il lui arrive de porter des jugements sévères sur les Anglais, il n'épargne guère ses compatriotes. Méthode historique d'une probité rigoureuse et puissance rayonnante d'un verbe conquérant caractérisent cette grande oeuvre. Grâce à Groulx, la doctrine nationaliste n'est plus étroit repli sur soi-même mais expansion généreuse aux dimensions de l'humain.

Après deux biographies, Jean Talon intendant de la Nouvelle-France et Le Marquis de Montcalm, Thomas Chapais (1859-1946) a donné son Cours d'histoire du Canada, qui s'étend de 1760 à la Confédération de 1867. Il est porté à la grandiloquence et envisage les événements dans une perspective trop officielle. Archiviste de profession, Gustave Lanctôt, né en 1883, a publié des ouvrages estimables: L'Administration de la NouvelleFrance, Filles de joie ou filles du roi, Faussaires et faussetés en histoire canadienne. Plus récemment, il a fait paraître une Histoire du Canada, limitée au régime français.

Guy Frégault (1918-1977) est un historien aussi savant qu'artiste. On lui doit des ouvrages sans doute définitifs: Iberville le conquérant, La Civilisation de la Nouvelle-France, François Bigot, Le Grand Marquis, La Guerre de la conquête. Jean Bruchési (1901-1979) s'est affirmé comme un vulgarisateur élégant et concis, Robert Rumilly (1897-1983) comme un chroniqueur intarissable (Histoire de la province de Québec, en une quarantaine de volumes), Marcel Trudel comme un érudit solide et minutieux, Michel Brunet comme un historien polémiste.

 

Le mouvement des idées

 

Comme journaliste et comme sociologue, Étienne Parent (1801-1874) tente de raison garder dans le tumulte des passions et de bousculer les routines pour imaginer l'avenir. Journaliste de combat, il prêche la modération, défend les droits imprescriptibles de ses compatriotes. Il élargit peu à peu son horizon et aborde les problèmes d'un ordre plus général. Il est le premier à deviner l'importance croissante des sciences sociales et économiques.

La littérature d'idées à la fin du XIXe siècle est animée par des écrivains conscients de leurs faiblesses et de leurs déficiences, inquiets de voir s'étioler la langue française au Canada. Ils protestent contre les outrances, contre les anglicismes et les solécismes, les exagérations néo-romantiques devenues presque une tradition dans les lettres. Ils s'élèvent contre la partialité des critiques contemporains; ils sont les premiers vrais critiques littéraires. Avides de pureté et de vérité, ils sont aussi des chroniqueurs agréables et ont su fixer en des tableaux attachants le charme un peu désuet d'une période révolue. Ce sont les écrivains les plus dégagés de tout conformisme, leur verve les préserve de toute raideur solennelle. Mentionnons Arthur Buies (1840-1901), pamphlétaire fiévreux, d'un entrain endiablé, esprit progressiste; Faucher de Saint-Maurice (1844-1897), grand voyageur; Hector Fabre (1834-1910), critique littéraire perspicace; Oscar Dunn (1845-1885), défenseur du français et des humanités classiques; Jules-Paul Tardivel (1851-1905), journaliste qui a l'âme d'un apôtre et professe un ultramontanisme intransigeant.

Journaliste, tribun, homme politique, Henri Bourassa (1868-1952) domine de haut un demi-siècle de la vie canadienne. Par le discours et par l'éditorial, il agit avec plus de force parfois que de finesse. Sa rigueur discursive reste inégalée; s'il lui arrive de s'appuyer sur des prémisses discutables, le raisonnement n'offre aucune faille. Plus nuancé, nature anxieuse, d'une ironie ravageuse, Jules Fournier (1884-1918) dénonce les travers de ses compatriotes et ne tolère que la perfection dans tous les domaines. Ses critiques littéraires sont d'une justesse féroce. Olivar Asselin (1874-1937) poursuit, dans la presse, une oeuvre analogue, avec une dialectique rageuse et efficace, sans oublier ses foucades et ses mots méchants.

Édouard Montpetit (1881-1954) marque une étape dans l'évolution du Canada français. Son action est féconde, dans sa discrète ténacité. Ennemi du médiocre et du banal, il prêche à ses compatriotes le culte de la supériorité. Homme de vaste culture, il s'initie à toutes les formes du savoir; à l'époque de la spécialisation, il reste le type de l'humaniste. On lui doit notamment: Pour une doctrine, Les Cordons de la bourse, Sous le signe de l'or, La Conquête économique, D'azur à trois lys d'or, et surtout trois volumes de souvenirs: Vers la vie, Vous avez la parole, Aller et retour.

 

Le théâtre

 

Le théâtre canadien-français compte peu d'oeuvres pouvant prétendre à quelque longévité. Parmi les auteurs dramatiques, les uns cherchent à élaborer un théâtre littéraire, plus soucieux de la forme que de l'action: Paul Toupin (Brutus, Le Mensonge, Chacun son amour), Éloi de Grandmont; les autres exploitent avec talent la veine populaire: Gratien Gélinas (Tit-Coq, Bousille et les justes, Hier les enfants dansaient), le prolifique Marcel Dubé (Zone, Le Temps des lilas, Un simple soldat, Florence, Les Beaux Dimanches). À mi-chemin entre ces deux pôles, Françoise Loranger aborde des thèmes psychologiques et Jacques Ferron invente des farces fantaisistes et ironiques.

 

 

2. Littérature de langue anglaise

 

Écrits des explorateurs

 

À la fois histoire et littérature, les rapports des marins et explorateurs des XVIe et XVIIe siècles constituent les premières oeuvres. Les impressions des narrateurs sont variées. Le Français Cartier décrit la côte du Labrador comme «la terre que Dieu donna à Caïn». À l'opposé, on possède les rapports enthousiastes, destinés aux futurs colons, tel celui où Robert Haydon, en 1628, déclare les hivers de Terre-Neuve «courts, sains et constamment dégagés et non épais, malsains et "traînassants" comme ils le sont en Angleterre». C'étaient de simples relations des faits, dépourvues de tout souci stylistique. Cette sobriété et ce goût du concret caractériseront longtemps les écrivains canadiens de langue anglaise.

Évitant les régions françaises le long du Saint-Laurent, les navigateurs anglais s'intéressèrent au nord et au nord-ouest du pays. À partir du XVIIe siècle, leurs noms -Hudson, James, Baffin, Frobisher - vont illustrer toute la carte de l'Arctique canadien. Leurs journaux de bord ainsi que les journaux plus détaillés tenus au XVIIIe siècle par les grands explorateurs qui parcourent les terres à l'ouest de la baie d'Hudson -Hearne, Henry, Mackenzie et Thompson -constituent la seule vraie épopée de la littérature canadienne-anglaise. Leurs écrits donnent la première image de l'immensité du pays, de ses indigènes, de la beauté grandiose et redoutable de ses sites, et des rigueurs de son climat. On y trouve déjà ce que Northrop Frye a appelé le thème dominant de la littérature canadienne: «l'évocation d'une terreur primitive».

 

Littérature de la colonie et de la jeune nation

 

De petites communautés de pionniers, vivant closes sur elles-mêmes, aux frontières d'une immensité inculte où régnait un esprit que Frye appellera la «mentalité de garnison»: telle est l'expérience des colons.

Le premier roman canadien-anglais, qui est aussi le premier roman nord-américain, est un roman de garnison, The History of Emily Montague, fut publié en 1769, juste après la conquête. L'auteur, Frances Brooke, était la femme du chapelain de la garnison de Québec. Par une facétie du sort, la première description proprement littéraire de la vie au Canada présente un caractère mondain, et une de ses coquettes prédit au pays un piètre avenir artistique: «Les rigueurs du climat suspendent les pouvoirs mêmes de l'entendement [...]. Le génie ne prendra jamais grand essor où les facultés de l'esprit restent transies la moitié de l'année.»

Effectivement, à part plusieurs romans historiques de valeur contestable, dont le plus connu est The Golden Dog (1877) de William Kirby, le Québec ne devait guère servir de cadre à la littérature anglaise avant l'ère moderne où Montréal s'est acquis le titre de centre littéraire anglais autant que français.

 

Pionniers du Haut-Canada

 

À cette époque, ce furent plutôt les colonies du Haut-Canada et de la Nouvelle-Écosse qui contribuèrent à la littérature naissante. Dans le Haut-Canada (actuellement la partie sud de l'Ontario), la première vague d'immigrants anglais qui déferla après les guerres napoléoniennes comprenait nombre de gens d'une certaine culture dont les efforts pour s'adapter à une nouvelle et rude existence nous sont rapportés dans des oeuvres telles que Roughing it in the Bush (1852) de Susanna Moodie, ou le livre de sa soeur, Catherine Parr Traill, The Backwoods of Canada (1836). Ces oeuvres contiennent des informations très vivantes sur les pionniers de l'Ontario, mais racontent également l'humour, le courage, l'endurance, et parfois la détresse intime qui composaient l'âme secrète des garnisons.

Exilés du Vieux Continent, ces émigrants n'appartenaient pas encore au Nouveau, et un amalgame d'impatience et d'espoir, de désorientation et d'orgueil anime leur oeuvre. Cette ambiguïté caractérise souvent, encore de nos jours, les écrivains immigrants.

 

Colons de la Nouvelle-Écosse

 

À l'est du pays, dans les colonies maritimes, vinrent s'établir quelque soixante-dix mille sujets demeurés fidèles à la couronne britannique après la révolution américaine.

Ce noyau de colons déjà habitués à la vie nord-américaine forme la base de la première vraie communauté britannique au Canada. Lorsque ces citoyens purent s'occuper de littérature, ils suivirent le courant néo-classique du XVIIIe siècle. The Rising Village (1825) d'Oliver Goldsmith, petit-neveu du poète anglais du même nom, est un exemple de ce genre d'imitation directe. The Stepsure Letters (1821) de Thomas McCulloch est une satire, dans un style ironique qui rappelle celui de Swift. Mais Thomas Chandler Haliburton, avec la création de son personnage Sam Slick, un Américain colporteur d'horloges en Nouvelle-Écosse, fait preuve d'une réelle originalité. Après son apparition dans The Clockmaker (1836), ce rusé Sam Slick devait être le héros d'une demi-douzaine d'autres livres et valoir à son auteur d'être reconnu comme le premier homme de lettres canadien de réputation internationale. La popularité de Haliburton égala, de son vivant, celle de Dickens, et on peut le comparer à Mark Twain ou à cet autre grand écrivain humoriste canadien, Stephen Leacock.

 

Poètes de la Confédération

 

Les manifestations de la fierté nationale seront cristallisées, vers 1880, dans les oeuvres d'un groupe de poètes connus sous le nom de Poètes de la Confédération. Deux d'entre eux, Bliss Carman et son cousin Charles D.G.Roberts, étaient originaires des provinces maritimes; deux autres, Duncan Campbell Scott et Archibald Lampman, étaient fonctionnaires gouvernementaux à Ottawa. Ces auteurs chantent les forêts, les fleuves, les rivages ou les saisons de leur patrie; ils furent les premiers à prêter une voix au paysage canadien. Leur poésie est influencée par le romantisme anglais, mais se distingue pourtant de celle des lakistes par un caractère nettement moins philosophique. Elle cherchait plutôt à exprimer, au moyen d'images et de cadences concrètes, l'âme des paysages nordiques. Cette réticence à moraliser et cette fidélité au fait observé sont un héritage que les poètes canadiens continuent à exploiter.

Vers la même époque naissait le mythe du Canada pays d'aventure, qui devait alimenter une abondante production d'oeuvres rentables. Beaucoup d'écrivains anglais, tels R.M. Ballantyne, G.A. Henty et Robert Service, ou américains, tels James Oliver Curwood et Jack London, commencèrent à situer leurs histoires au Canada en utilisant sa réputation de «dernière frontière». Plusieurs écrivains canadiens exploitèrent la même veine: parmi ceux-là, le clergyman Ralph Connor dont les romans de «plein air» connurent un vif succès. Dès les premières années, on vendit près de cinq millions d'exemplaires de ses trois premiers volumes. À cette époque de succès commerciaux mais de médiocrité artistique, les romans de valeur sont ceux qui expriment la satire sociale. En 1904, The Imperialist de Sara Jeannette Duncan révéla un talent qui fut comparé à celui de Henry James. Cependant au faîte de sa carrière, S.J. Duncan se fixa aux Indes, devenant ainsi un des premiers écrivains canadiens expatriés. En 1910, Stephen Leacock publia son premier livre d'essais humoristiques, Literary Lapses, qui fut suivi d'oeuvres de la même veine à la cadence d'un livre par an jusqu'à la mort de l'auteur en 1944. Bien que son génie excelle dans ces courts récits humoristiques, l'oeuvre de Leacock la plus chère aux Canadiens est son unique roman, Sunshine Sketches of a Little Town (1912), le portrait d'une petite ville dans l'Ontario.

 

Romanciers des prairies

 

La différence entre le tableau de la vie dans la brousse décrite par Susanna Moodie et celui de la petite ville ensoleillée de Leacock illustre l'extraordinaire développement de l'Est canadien à l'ère victorienne. Le tournant du siècle correspond aux débuts de l'ouverture massive de l'Ouest canadien et, vers 1925, toute une série de romans de la terre évoquèrent ce chapitre de l'histoire du Canada. Des romans comme The Viking Heart (1923) de Laura Salverson, Wild Geese (1925) de Martha Ostenso, Grain (1926) de Robert Stead, et surtout les essais et les romans de Frederick Philip Grove, Over Prairie Trails (1922) et Settlers of the Marsh (1925), décrivirent les espérances de divers groupes ethniques, scandinaves, islandais, anglais. Ces livres révèlent un nouveau style réaliste, très différent de la fiction romantique qui fut exploitée avec tant de succès par Mazo De La Roche à partir de Jalna (1927).

 

Littérature contemporaine

 

Poésie moderne

 

Les premières oeuvres véritablement modernes marquant la fin de l'époque pionnière et rurale seront des poèmes et non des romans. E.J. Pratt est considéré comme le premier des poètes modernes canadiens. Dans Newfoundland Verse (1923), on remarque déjà les qualités qui, dans les dix-huit volumes suivants, firent de Pratt le poète le plus important de sa génération: la solidité de l'observation scientifique, un grand intérêt pour les triomphes techniques de l'homme moderne, une vision cosmique de l'évolution, ainsi qu'un esprit plein de verve et d'humour. Dans ses dernières oeuvres: The Titanic (1935), Brébeuf and His Brethren (1940) et Towards the Last Spike (1952), l'histoire de la construction du chemin de fer transcontinental, Pratt narre avec talent les efforts héroïques de l'homme aux prises avec le temps et l'espace dans le contexte canadien.

Mais Pratt était un solitaire. Le premier groupe de poètes modernes se trouvait à Montréal. F.R. Scott, A.J.M. Smith, Leo Kennedy et A.M. Klein commencèrent à écrire et à publier ensemble à la fin des années vingt. Une anthologie de leurs oeuvres parut en 1936 sous le titre de New Provinces. Leurs poèmes étaient modernes, autant par leur forme que par leur contenu, écrits en vers libres, empruntant le rythme et le vocabulaire de la langue courante, ainsi qu'une imagerie relevant de la vie urbaine contemporaine. Influencés par les réformes d'Eliot, de Yeats et d'Auden, ces poètes se servaient de toute une gamme d'éléments nouveaux puisés non seulement dans la nature mais dans les aspects politiques et sociaux de la vie moderne, ce qui donnait souvent à leur poésie le ton d'une satire mordante.

Le groupe montérégien de 1920 s'était rallié à la révolte poétique anglaise; les poètes de la génération suivante se tournèrent plutôt vers les poètes américains William Carlos Williams et Ezra Pound, Montréal devenait le centre de la création poétique pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale, avec de jeunes poètes tels que P.K. Page, Patrick Anderson, Louis Dudek et Irving Layton, qui écrivaient dans une série de «petites revues» dont les principales étaient Preview et First Statement (1942-1945), ainsi que Northern Review (1946-1956) dont le directeur dynamique était John Sutherland.

Ces poèmes étaient certes variés, mais reflétaient pourtant une tendance commune à l'engagement et au non-conformisme; ils exprimaient un intérêt commun pour la ville et dévoilaient les misères humaines qu'elle sécrète. Le groupe acceptait certaines contributions de l'extérieur, telle celle de Raymond Souster, le troubadour des rues de Toronto.

Une nouvelle génération de poètes se déclare au commencement des années soixante. Des provinces atlantiques, avec les poèmes engagés de Milton Acorn et Alden Nowlan, à la côte pacifique où le groupe Tish, mené par George Bowering, inaugure un style dépouillé, frondeur, personnaliste, l'activité poétique bat son plein. Le critique George Woodcock a recensé plus de 1125recueils parus entre 1960 et 1973. Partout de nouvelles voix se font entendre, de nouvelles revues et maisons d'édition surgissent, et un sain régionalisme vient remplacer les tendances nationalistes ou internationalistes de la première vague de poésie moderne. À Vancouver, appuyés par les expériences constamment renouvelées de leur aîné Earle Birney et l'exemple de Phyllis Webb, de jeunes poètes tels que Bill Bisset, Nichol, Pat Lane, Lionel Kearns et Daphne Marlatt se lancent dans la poésie typographique et surréaliste. Les prairies s'expriment dans les vers de Dorothy Livesay, John Newlove, Dale Zieroth, Andrew Suknaski et Robert Kroetsch. À Toronto, centre traditionnel de culture anglo-canadienne, toute une école se forme sous l'égide du célèbre critique Northrop Frye. Parmi les plus connus on peut citer Margaret Atwood, James Reaney, Jay Macpherson et D.G. Jones. Il y fleurit également des talents aussi divers que ceux de Margaret Avison, Michael Ondaatje, Dennis Lee, Al Purdy, Christopher Dewdney ou Gwendolyn MacEwen. Malgré la présence du chanteur-poète Leonard Cohen, du poète-traducteur John Glassco et du poète-éditeur Louis Dudek, Montréal s'éclipse pendant un certain temps, mais semble retrouver un regain de vie avec les jeunes poètes du groupe Véhicule vers la fin des années quatre-vingt.

 

Théâtre

 

Le théâtre canadien ne compte que peu d'oeuvres marquantes avant 1960. On peut citer les comédies urbaines de Robertson Davies et les pièces poétiques de James Reaney. Plusieurs facteurs ont contribué depuis, pourtant, à un essor remarquable: la fondation du Stratford Shakespearian Festival en 1953, l'appui du Conseil des arts, la construction de théâtres dans la plupart des grandes villes et la formation de compagnies dramatiques professionnelles à travers le pays. Les jeunes dramaturges font preuve d'une conscience sociale aiguë. Leurs pièces exposent les problèmes des populations indigènes (George Ryga, The Ecstasy of Rita Joe, 1967); l'aliénation des immigrants terre-neuviens déplacés dans la métropole de Toronto (David French, Leaving Home, 1972); les difficultés des victimes de la paralysie cérébrale (David Freeman, Creeps, 1972); l'homosexualité dans les prisons (John Herbert, Fortune and Men's Eyes, 1967); la vie précaire des classes dépourvues à Montréal (David Fennario, Balconville, 1979); ou le conflit entre générations à propos d'une ferme dans les Prairies (Sharon Pollock, Generations, 1982). D'autres encore mettent en scène des personnages légendaires tels George F. Walker, Zastrozzi (1977), Michael Ondaatje, Billy the Kid (1973), Carol Bolt, Red Emma (1974) ou John Gray, Billy Bishop (1981).

 

Le roman aujourd'hui

 

Si quelques-unes des oeuvres les plus importantes de la littérature canadienne-anglaise sont de la poésie, il n'en reste pas moins que le roman reflète mieux la diversité du pays. La plupart des romanciers sont d'inspiration régionaliste, mais on compte deux exceptions. Morley Callaghan a toujours revendiqué le titre d'écrivain international. Pendant ses années de formation, vers 1929, il connut Hemingway, Fitzgerald et Joyce, expérience qu'il décrira dans son livre autobiographique, That Summer in Paris (1963). La plupart de ses romans, tels que Such Is My Beloved (1934) et More Joy in Heaven (1937), se situent pendant la dépression économique des années trente dans un milieu urbain et sont marqués d'un caractère social et religieux. Le critique américain Edmund Wilson présente Callaghan comme un génie méconnu; on découvre en effet que ses oeuvres principales, The Loved and the Lost (1951) et Morley Callaghan's Stories (1959), sont, dans la tradition réaliste universelle, des oeuvres de grande valeur.

L'autre écrivain qui a tenté de dépasser le cadre régional est Hugh MacLennan. Dans plusieurs de ses romans, il s'est efforcé de définir le caractère national canadien: dans Barometer Rising (1941) par rapport à l'Angleterre, dans The Precipice (1948) par rapport aux États-Unis et dans The Watch that Ends the Night (1959) par rapport à l'Europe de l'après-guerre. Two Solitudes (1945) et The Return of the Sphinx (1967) traitent de la dualité culturelle au Canada et Voices in Time (1980) prophétise sur l'avenir du pays dans un style de science-fiction.

Parmi les autres romanciers, il en est peu qui cherchent, comme MacLennan, à analyser le caractère national si ce n'est Hugh Hood qui dans son roman-fleuve The New Age (1975), dont huit volumes ont déjà paru, fait la chronique de sa génération. Pour la plupart, les romanciers canadiens se contentent de décrire le caractère géographique, culturel et social de leur propre région. Les romans historiques de Thomas Radall, le livre vibrant et intime de Ernest Buckler, The Mountain and the Valley (1952), et le récit sobre et réaliste de David Adams Richards, de The Coming of Winter (1974) à Evening Snow Will Bring Such Peace (1990), nous font pénétrer dans les provinces maritimes. Un groupe de romanciers juifs dont les plus importants sont A.M. Klein, The Second Scroll (1951), Leonard Cohen, Beautiful Losers (1966), et surtout Mordecai Richler, Son of a Smaller Hero (1955), The Apprenticeship of Duddy Kravitz (1959), St. Urbain's Horseman (1971) et Solomon Gursky Was here (1989), ont choisi Montréal comme le centre vital de leur création.

Plusieurs écrivains nous donnent de l'Ontario des visions saisissantes: l'un est Robertson Davies dans ses satires de la vie bourgeoise, soit dans The Salterton Trilogy (1951-1958), soit dans une oeuvre plus dense et plus imaginative, The Deptford Trilogy (1970-1975), soit dans The Cornish Trilogy (1981-1988); un autre est Hugh Garner dans ses contes naturalistes sur les classes pauvres de Toronto. Un troisième, Michael Ondaatje, nous donne le grand roman poétique de la ville de Toronto avec In the Skin of a Lion (1987).

Sinclair Ross dans As for Me and my House (1941) ainsi que la plus grande romancière des prairies, Margaret Laurence dans The Stone Angel (1965), A Jest of God (1966) et The Diviners (1974), évoquent la monotonie, la solitude et l'hypocrisie qui règnent dans les petites villes de l'Ouest canadien. Cette même région est dépeinte avec plus d'humour et de poésie par W.O. Mitchell dans Who Has Seen the Wind (1947), qui raconte l'éveil au monde d'un jeune garçon vivant dans la province de Saskatchewan. Enfin les paysages montagneux de la Colombie britannique servent de cadre aux oeuvres du peintre Emily Carr, Klee Wyck (1941), de Ethel Wilson, dont l'esprit et la culture animent Hetty Dorval (1947) et Swamp Angel (1954), ainsi qu'au roman de Sheila Watson, The Double Hook (1959), dont l'art dépouillé atteint l'universel au-delà de la petite communauté qu'elle décrit.

On ne doit pas sous-estimer l'apport de certains écrivains immigrants à la littérature canadienne-anglaise. Bon nombre de romans contemporains reflètent ce phénomène d'une transplantation culturelle. Adèle Wiseman décrit les aventures d'une famille de juifs ukrainiens dans The Sacrifice (1956), John Marlyn celles d'une famille hongroise dans Under the Ribs of Death (1957); Henry Kreisel expose le sombre retour d'un émigrant autrichien dans son pays d'origine dans The Rich Man (1948), et Austin C. Clarke analyse la situation équivoque d'un groupe d'immigrants de La Barbade à Toronto dans The Meeting Point (1967).

Plusieurs romanciers ont fait leur marque depuis 1960. Margaret Atwood est connue aussi bien pour sa poésie et sa critique (Survival, 1972) que pour ses romans, dont les plus importants sont Surfacing (1972), The Handmaid's Tale (1985) et Cat's Eye (1988). Alice Munro, de Lives of Girls and Women (1971) à Friend of My Youth (1989), dépeint la petite ville ontarienne avec lyrisme et justesse. Mavis Gallant, qui situe la plupart de ses nouvelles en France, donne pourtant un portrait fictif de sa jeunesse à Montréal dans Home Truths (1981). Robert Kroetsch crée une nouvelle mythologie comique dans Badlands (1975), Alibi (1983) et The Studhorse Man (1968), tandis que Rudy Wiebe explore l'histoire de ses ancêtres mennonites dans The Blue Mountain of China (1970), du peuple amérindien dans The Temptations of Big Bear (1973) et du Nord canadien dans The Mad Trapper (1980). Jack Hodgins célèbre l'île de Vancouver dans The Invention of the World (1977) et Timothy Findley évoque brillamment les deux guerres mondiales dans The Wars (1977) et Famous Last Words (1981).

Depuis 1970, les meilleurs auteurs francophones du Québec sont régulièrement traduits, et Marie-Claire Blais, Roch Carrier, Gabrielle Roy et Michel Tremblay sont aussi connus en anglais qu'en français. Plusieurs immigrants récents- Leon Rooke et Audrey Thomas des États-Unis, Joseph Skvorecky de Tchécoslovaquie- enrichissent également le patrimoine littéraire, et on compte comme faisant partie de la littérature canadienne l'importante contribution de certains résidents temporaires, tels John Buchan, Wyndham Lewis, Malcolm Lowry (Under the Volcano, 1947), Brian Moore (The Luck of Ginger Coffey, 1960, et Black Robe, 1985).

Les littératures

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Propos en hommage affectueux et reconnaissant à Madame Marguerite Badiou

Alors que j 'étais élève au Lycée de jeunes filles de Casablanca, les cours de français me fascinaient.
Notre professeur me paraissait être une Muse.
Nous devions lui remettre chaque semaine une composition française qu'elle nous incitait à illustrer. Je n'ai jamais su dessiner or j'avais dû décalquer et colorier l'image du jeu de colin-maillard. pour embellir une rédaction.
Je me souviens qu'en me rendant ma copie corrigée, elle me dit : votre dessin a fait la joie de mon petit garçon. Il avait quatre années, je pense.
Je le connaissais car il traversait la cour auprès de son élégante maman pour aller au jardin d'enfants. C'était un petit prince d'un blond vénitien. Il se nommait Alain.
J'ai pu lui parler par la suite car il était invité avec ses parents chez des collègues de ceux-ci Mme et M .Hoyo dont la fille était mon amie. Alain avait un petit frère aussi beau que lui.
En l'An de grâce 2016, je découvre sur l'écran de mon ordinateur un géant aux yeux bleus
philosophe très connu. Aucun doute n'est possible ce vieillard fut le petit prince de mon enfance.
Je l'ai entendu dire que son père était un mathématicien lui ayant donné le goût de son savoir. J'aurais aimé l'entendre faire aussi l'éloge de cette remarquable personne qui lui a
certainement transmis la maîtrise du beau - parler.
Dans la biographie d'Alain Badiou le prénom de sa mère ne figure pas.
Elle portait le nom d'une fleur qu'on effeuille pensant à l'amour

3 février 2016

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Un souhait entretenu avec ferveur


 

Rêverie

 

Ô la force de l'innocence!

Elle entretient la confiance,

Fait penser qu'on est écouté.

Il est bon de n'en pas douter.

 

Quand une solution surgit

D'une idée qui soudain jaillit,

Et dans l'allégresse, s'impose.

L'esprit satisfait se repose.

 

On fait sans tarder ce qu'il faut,

 Se pressant souvent un peu trop,

Alors qu'il n'y a pas urgence.

La manière a de l'importance.

 

Ma naïveté qui persiste

Malgré tout me garde optimiste.

Inconsciente de ma candeur,

                                                          J'ose parfois avec ardeur.

 

Par habitude et vanité,

   Certes, je demeure entêtée.

                                                       Je souhaite que mes poèmes

Défient le temps et qu'on les aime.

 

3 février 2016

 

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Cléopatre à Bruxelles en mars 2016

L'installation aquatique ATLANTES
poursuit son voyage vers Bruxelles
A l'occasion de la journée mondiale de l'eau le 22 mars, "ATLANTES", l'installation aquatique de Jérôme CLOCHARD, après l'Aquarium tropical de la Porte Dorée pendant la COP21, sera accueillie et scénographiée au sein de l'Aquarium et centre d' Aquariologie de Bruxelles pour continuer à sensibiliser  le public à la préservation de notre planète.

Dans le cadre d'une recherche esthétique, Jérôme CLOCHARD, artiste, artisan d'art mosaïste et plongeur, a choisi l'élément aquatique qu'il connait bien pour imaginer une œuvre : immerger et scénographier une mosaïque emblématique* au sein d'Aquariums publics. Il souhaite ainsi attirer l'attention d'une façon insolite et très personnelle sur les enjeux écologiques de notre époque.
* Interprétation par Jérôme Clochard du visage de Cléopâtre réalisé par le maitre mosaïste Gian Domenico Facchina qui s'inspira de la fresque  de Tiepolo au palais Labia à Venise.

          Jérôme Clochard a eu la chance de plonger sur des vestiges archéologiques submergés et a conservé une vive émotion de cette expérience merveilleuse et inquiétante. La montée des eaux liée aux changements climatiques et les risques de submersion qu'elle pourrait engendrer lui ont naturellement suggéré cette installation très symbolique. Le geste de l'artiste vise à surprendre, émouvoir et interroger.
Ce visage féminin, grandeur nature, nous invite à contempler le magnifique espace aquatique de l'aquarium qui symbolise la beauté de la nature.

          Ce regard énigmatique nous suggère de prendre conscience de cet équilibre unique, précieux, menacé par les changements climatiques et d'agir à titre individuel et collectif. "Atlantes" va être doucement biologisée par le milieu aquatique et entamer une lente métamorphose qui participe au projet de l'installation.

Aquarium et centre d'aquariologie de Bruxelles Avenue Emile Bossaert 27, 1081 Koekelberg, Belgique

L'oeuvre sera exposée à partir du 22 mars à l'occasion de la journée mondiale de l'eau, journée destinée à sensibiliser le grand public à la nécessité de préserver cette précieuse ressource.

Contact : Jérôme Clochard Tél: +33 663290405
Plus d'infos : http://www.absolutmosaique.com

Partenaires :
Aquarium de Bruxelles : http://www.aquariologie.be/
Folies Royales, cosmétiques Bio : http://www.folies-royales.fr/
Crédit photo : Sylvie Curty


Cet évènement est suivi par France 3, Télérama sortir, Ministère de la culture, Ministère de l'environnement, INMA (Institut national des métiers d'Art), Radio RCF, Radio France Bleu, Sud ouest.12273150864?profile=original

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administrateur partenariats

Mon tiroir à craies...mon métier.

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Mon tiroir à craies, marqueurs craies et effaçables etc...
pour de super croquis au tab
leau !


L'organisation !

Quel beau mot, mais qui signifie aussi "travail" !
Ranger, ranger, changer de place, réorganiser, jeter ce qui est inutile, recommencer encore et toujours, tous les jours, en fin de journée, prendre le temps nécessaire et fermer la porte sur une classe en ordre, armoires rangées, tables propres, tableau fait, sol balayé. Ouf.

Et le matin, arriver dans un paradis de propreté, faire entrer les élèves un à un, qu'ils essuient les pieds sur le grand paillasson, et exiger le respect d'un lieu sacré: ma classe. Bien plus facile alors de raconter la couleur, le dessin, la peinture, et tous les objets dont nous avons besoin pour réaliser un moment de créativité, petit entracte dans une journée rythmée par la sonnerie et les changements de classe.

Organiser le travail, donner des consignes, disposer le matériel ... Toute une méthode, qui permet de rassurer, coordonner, rendre confiance.


Mon métier.


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administrateur théâtres

30/40 Livingstone ?


Un spectacle  bourré de vitalité et de poésie loufoque… Lopez est ici étourdissant.

Le Canard Enchaîné


L’un des spectacles les plus courus cette année.

Le Monde


Un duo qui fait penser aux grands burlesques américains.

Sceneweb.fr


Le malicieux Catalan emballe son monde.

L’Express


Cette fable surréaliste est le must d’Avignon à la Catalane. Les spectateurs jubilent.

Les Échos


Mieux vaut cervitude que servitude! Parole de cerf !
Arts et lettres


Sergi López, acteur catalan bien connu du cinéma, et Jorge Picó son alter ego, atteignent des sommets de poésie, de délire et de vérité dans leur farce-à-farce magnifiquement monté !

Ne cherchez pas l’histoire dans ce spectacle sportif, il y a juste le sens. Le sens critique, le sensoriel , le sensitif, le sensationnel, le sans dessus dessous, le sans tambour ni trompette, le sang versé, le sentiment, le sans pareille, le bonheur théâtral au centuple. Il y a ce vieux fils qui parle à son père sans âge ni visage ( Bonjour les sens interdits!), et son père ne le voit pas, ne l’entend pas, ne le sent pas! Mais le vieil enfant bedonnant sent ce creux infini au fond de son ventre et veut désespérément trouver son ‘truc’, le but dans sa vie, sa raison d’être.  Il part à la recherche mais, comme il a du mal à quitter sa famille pour aller vers l’inconnu qui l’aspire! Bouleversant Anthropologue vouant  son corps, son être  au service des autres, il entreprend une chasse légendaire, loin des sentiers battus,  il est à la recherche ... d'un animal  fabuleux, excentrique?  Et voilà  soudain la  Rencontre, dans un paradis vert, pavé de rêves d’enfant. Une créature  mythique à tête de cerf, muette, craintive et joueuse de tennis lui apparaît. Sans blague.


Une histoire qui fait penser au Petit Prince et à sa rose, 30/40 Livingstone est la chronique intelligente et drolatique d’un voyage initiatique à la découverte de soi et des autres.« Mieux vaut la cervitude que la servitude! Parole de cerf ! » « Mais pourquoi m’as-tu abandonné ? Mon ami, mon frère ? » La morale de l’histoire vous prendra aux tripes, tout au fond de l’intime, sans mentir, foi d'animal!


Depuis sa création, 30/40 Livingstone connaît un succès international : en Espagne, en France (Festival OFF d’Avignon en 2014), en Suisse et en Amérique latine, à Santiago?  A chaque fois, les éloges pleuvent pour ce spectacle fin et surprenant, où les interprètes se donnent sans compter! (...Un petit dernier pour la route, sans rancune!)

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Auteurs - metteurs en scène – interprètes :
Sergi López, Jorge Picó
Création musicale : Oscar Roig
Lumière : Lionel Spycher
Costumes : Pascual Peris


Renseignements :
Du 2 au 6 février 2016
A l'Atelier Théâtre Jean Vilar
Rue du Sablon (derrière la Place Rabelais)
B-1348 Louvain-la-Neuve
www.atjv.be

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   CHRISTIAN BAJON-ARNAL : LA LIGNE ET LA COULEUR : L’ART DE L’ESSENCE

Du 27 – 01 au 14 – O2 - 16, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, Bruxelles, 1050) vous propose la découverte de l’œuvre du peintre français CHRISTIAN BAJON-ARNAL, intitulée : BUTTERFLY PALETTE.

Parler, voire décoder l’œuvre de CHRISTIAN BAJON-ARNAL, peut sembler  simple à première vue. Mais à y regarder de près, il n’est rien de plus complexe que de souligner les variations de l’écriture picturale de cet artiste. Une question peut laisser le visiteur médusé, à savoir : peut-on parler de « styles » en ce qui le concerne ? Oui et non. On peut, en effet, parler de « styles » si l’on se laisse emporter par la variété des sujets techniquement abordés. A titre d’exemple, BENDOR CHRISTO (80 x 130 cm – cônes d’huile au pinceau sur toile)

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et VENISE YIN ET YANG (60 x 80 cm – huile sur Arches encadré bois),

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n’ont d’un point de vue technique rien de commun. Néanmoins, malgré ces différences le dénominateur qui les réunit, demeure la ligne de laquelle émerge la couleur. Mieux ! La ligne devient l’assise de la couleur. Et cette ligne, laquelle s’affirme dans deux directions opposées dont nous parlerons plus loin, s’organise tant dans le trait conçu dans ECHAFAUDAGE EMBOUTEILLAGE (80 x 100 cm – huile sur toile),

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c'est-à-dire, dans une succession de droites et d’horizontales, lesquelles structurent la forme vers un véritable processus géométrique. Remarquons, notamment, en haut sur la gauche du tableau, cette série de rouleaux à dominante bleue, lesquels sont enserrés à l’intérieur d’une suite d’espaces carrés, renforçant la dynamique de la composition. Tout à l’intérieur de cette œuvre semble « ficelé », provocant ainsi une atmosphère assez étouffante. Les deux personnages, en bas, aux extrémités de la toile, n’existent qu’en tant que référents dimensionnels à l’univers géométrique. L’artiste s’est complu dans l’élaboration d’une ligne essentiellement rigide, évoquant l’aspect du monde moderne, à la limite du camp concentrationnaire.

Tandis que dans la direction étirée des gondoles de VENISE YIN ET YANG (cité plus haut), dont la superposition des proues laisse deviner le rythme de l’eau, la ligne adopte un autre langage, totalement délié, permettant à la couleur, vive, d’exister à l’intérieur du support linéaire. Tout dans cette œuvre est une question de strates chromatiques. Il s’agit d’une ligne ondulée, évoquant ce même monde mais dans une vision romantique de l’esprit. Nous retrouvons cette ligne ondulée, c'est-à-dire de paix, à la fois dans COCO AND COCO (80 x 80 cm – huile sur toile),

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où l’arbre souligne sa sensualité dans une suite ordonnée, menant vers un point de fuite plongeant, aboutissant vers la mer, comprise dans un cadrage étroit, englobant le ciel, à partir d’une ligne d’horizon très basse.

Cette même sensualité de la ligne se retrouve, notamment, dans FEMME BLEUE (80 x 80 cm – huile gravée sur bois),

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où la ligne ondule sur elle-même. Comme dans toute création, la mythologie – qu’elle soit personnelle à l’artiste ou celle véhiculée par la culture – se retrouve cachée derrière le symbole, non directement révélée à la conscience du visiteur. Le titre de ce tableau peut induire en erreur, en ce sens que le bleu ne sert que de support à l’allégorie de la Femme. A la question : « le bleu est-il pour vous la couleur de la Femme ? », l’artiste répond par un « non ! » catégorique. Car pour lui, le bleu reste une couleur trop « froide » pour être associée au langage de la passion incarné par la Femme. Par contre, à l’analyse des lignes ondulantes incarnant la sensualité féminine, quelque chose interpelle le regard. Entre les lignes s’insinuent des stylisations géométriques. Cela est dû au fait que l’artiste a beaucoup voyagé. Lors de ses périples, il a côtoyé l’art des Aborigènes d’Australie. L’art millénaire australien a, depuis ses origines, parlé du « Temps des rêves », époque idéalisée que nous retrouvons, d’ailleurs, dans toutes les cultures, sous la forme de « l’Age d’or », mettant en exergue l’ « âge cosmologique » où régnait le terrain fertile des origines, proche d‘une perfection primitive. Les Aborigènes Australiens ont exprimé cette époque mythique, notamment, dans l’art pariétal, en illustrant le monde des esprits « Mimis », monde duquel s’est inspiré l’artiste. Les stylisations blanches que l’on retrouve à l’intérieur des lignes ondulées, épousent l’arrière-plan de la toile, lequel présente à son tour, des ondulations de tailles différentes, dominées par le bleu, en dégradés, alternant avec des notes noires et vertes. 

Une autre mythologie, personnelle celle-là, nous donne la clé nous dévoilant l’accès à VENISE YIN ET YANG (mentionné plus haut). Cette œuvre se lit dans le sens rotatoire, à savoir de droite à gauche. L’Homme, en bas à droite, est représenté par le seul attribut qui l’associe à Venise : son chapeau de gondolier, lequel est centré à l’intérieur d’une forme rappelant celle du cœur. La Femme est située en haut vers la gauche, dans un symbole circulaire associant l’image d’un ventre fécond.

Chemin faisant, le regard atteint en haut, vers la droite, une gondole vide que seul l’imaginaire du visiteur peut associer au véhicule que prendront les amants. 

Tout est conté de façon non dite, en laissant à l’imaginaire la tâche de compléter l’histoire. Les couleurs, joyeuses et vives, à l’avant-plan que l’on retrouve dans la conception chromatiques des proues : rouge-vif, bleu intense, violet, jaune-vif contrastent avec celles de l’arrière plan : noir intense et reprise, en dégradés des couleurs de l’avant-plan, confinées dans de petites zones. La gondole (vide), répond à une composition bi-chromée, associant le gris et le noir : deux couleurs volontairement « neutres » permettant à l’imaginaire de la peindre aux couleurs d’un romantisme personnel. L’accès par le biais du périple rotatoire, associé à la symbolique des couleurs et des instants, participe de la mystique orientale du yin et du yang, en ce sens que tout est dans tout.

Ligne et couleur définissent l’écriture de cet artiste. Ligne et couleur avec pour dénominateur commun la révélation de la matière. Cette dernière est primordiale dans son œuvre, car elle leur assure l’autonomie nécessaire à la prise de conscience par le biais du regard.

QUIETUDE D’AUTOMNE (60 x 50 cm – huile au couteau sur bois).

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Le cadrage « impressionniste » de ce tableau est un savant mélange de couleur traitée au couteau dans sa partie supérieure. Tandis que la spatule a servi pour le « balayage » de la diffusion chromatique dans sa partie inférieure.

Il s’agit d’un travail énorme sur la matière. Le visiteur ne manquera pas de remarquer la correspondance admirable entre la forme des arbres, débordants de matière, étalée au couteau et leur frêle reflet dans l’eau, légèrement souligné par une spatule au diapason de l’ensemble harmonique. La terre ferme est conçue de la même manière que les arbres : en agglutinant la matière en petits tas, au couteau. Si le cadrage est de conception « impressionniste », l’atmosphère est on ne peut plus « fauve » : vert, rouge, jaune et orange, vifs, se déclament en dégradés sur la surface de l’espace. 

L’artiste nous invite aussi à une réflexion sur l’idée même de la notion de l’ « abstrait » par une composition intitulée OU VA LA VAGUE MAMAN II (100 x 73 cm – huile sur toile).

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Le choc que procure cette œuvre réside dans le fait de se demander si elle est le pur produit de l’esprit de l’artiste ou si d’une vue prise dans la réalité, elle a été composée dans un langage abstrait. De plus, il est possible de l’accrocher aux cimaises, soit de façon horizontale ou verticale, sans que cela n’altère la perception du choc.

Il s’agit, en fait d’une vision issue de la réalité, retranscrite dans un langage abstrait. Néanmoins, si on l’ignore, il est parfaitement licite de se poser la question de son origine sémantique. D’un point de vue technique, cette œuvre est d’une maîtrise sans égal. Trois zones structurent le tableau, lequel, observé verticalement, présente une zone bleu, à droite, symbolisant la mer. Une zone blanche, en dégradés, au centre, soulignant la formation de l’écume, relâchée par la vague en mutation. Une troisième zone noire, à gauche, symbolisant le rivage. Le mouvement se créé à partir du moment où l’écume se métamorphose en son centre. En s’infiltrant progressivement à l’intérieur de la zone bleue, l’artiste a abandonné le pinceau conventionnel pour utiliser une série de pinceaux de petite taille et affirmer ainsi les nervures de l’écume, permettant au regard de pénétrer à l’intérieur des nombreux contrastes et s’imprégner, de ce fait, du mouvement de la vague.

BENDOR CHRISTO (mentionné plus haut), nous offre une technique qui tranche littéralement avec tout ce qui a été montré : les cônes d’huile au pinceau sur toile. Il s’agit d’un mélange d’huile avec un medium sélectionné. L’artiste installe la toile en aplat et pose la pointe du pinceau sur un point précis de l’espace pictural pour la retirer aussitôt. Le titre de cette œuvre est un hommage à l’artiste Christo qui a (notamment) recouvert de plastique de couleur rose l’île de Bendor. Malgré le changement de la technique, le style, en tant que tel, demeure le même. L’on y retrouve la ligne ondulée séparant l’espace en plusieurs zones. Malgré cette différence, l’artiste rend également hommage à Seurat, en concevant par l’intermédiaire de la matérialité des cônes, un « pointillisme » surprenant. De même, il met en exergue, que ce soit au centre, en haut à droite, des rappels de notes rouges, bleues et blanches pour rendre hommage à Piet Mondrian, dont ces trois couleurs trônent dans sa série des VICTORY BOOGIE WOOGIE. Il s’agit de l’évocation de moments de bonheur vécu. Une fois encore, la ligne en est la preuve : elle est ondulée, comme dans FEMME BLEUE, COCO AND COCO ou  VENISE YIN ET YANG  (mentionnés plus haut). Associée à la couleur vive, elle exprime la vie, le soleil et la joie de vivre.

CHRISTIAN BAJON-ARNAL, a pour le trait, à l’origine de la ligne, une passion particulière, en ce sens que celui-ci représente une forme de rationalité, étant donné que l’artiste a une formation scientifique, axée sur les mathématiques et qu’il a toujours voulu s’exprimer à travers l’architecture. Par la suite, il s’est dirigé vers la peinture en s’attaquant d’abord aux figures à deux dimensions pour aller enfin à la recherche de la troisième. Lorsque en guise de présentation, nous disions que la ligne est dans sa peinture l’assise de la couleur, à travers laquelle celle-ci se développe, l’artiste affirme devant l’Eternel que « peindre, c’est avant tout utiliser la couleur ! » et qu’entre la ligne et cette même couleur, « aucune ne prend le dessus sur l’autre ! ». Si d’aucuns se demande comment s’est effectué le passage d’une écriture vers une autre, l’artiste répond qu’il est guidé par le tableau. Que celui-ci lui impose sa propre écriture.

Que d’expressions du mythe dans l’œuvre de CHRISTIAN BAJON-ARNAL ! C’est au visiteur à présent de se confronter à son univers pour le découvrir et y retrouver sa propre essence.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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François Speranza::et Christian Bajon-Arnal;  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(27 janvier 2016 - Photo Robert Paul)

                                      

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Exposition Christian Bajon-Arnal à l'Espace Art Gallery en janvier 2016 - Photo Espace Art Gallery

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Prendre un billet d’avion, quoi de plus courant, même si Marienka avait perdu depuis longtemps l’habitude des voyages. Le pain passait à sa porte ainsi que le boucher. Le journal n’était pas pour elle. Ce qui se passait dans le monde s’arrêtait à son jardin et encore il n’allait pas au-delà de quelques pots de géraniums. Alors, assise ainsi dans un avion, mise à part la première surprise de découvrir une planète extra-terrestre, elle s’endormit comme un enfant bercé par le bruit des vagues. Curieusement, même si cette destination complètement inattendue relevait pour elle d’un conte de fées, elle était habitée d’un sentiment étrange : celui d’un chemin qu’elle devait accomplir, portée tout bêtement par une photographie en noir et blanc. Une carte au trésor dont les maigres indices la mèneraient peut-être vers son premier vrai amour. Et si le premier indice se trouvait ici sur cette route alors il fallait aller vers lui. A travers le hublot, pendant la descente, ses yeux réveillés fouillaient le ciel et l’île qui se dessinait pendant la descente ,risquant à travers ce brouillard de la pensée de confondre l’homme agitant le drapeau sur la piste avec un premier indice ! Les deux tourtereaux à l’origine de cette sarabande avaient déclenché sans le savoir un film interrompu qui se remettait à tourner sur le visage de la brave femme assise près d’eux. Eux ne pensaient maintenant qu’à la vie dorée qui les attendait, à la page qu’ils écriraient ensemble, aux cocotiers…
Applaudissements.
L’aéroport Gustave III se remplissait maintenant au rythme de l’avion qui se vidait, des au-revoir soulagés, des sourires des stewards et hôtesses rompus à ces soulagements et ces bravos. Les tenues estivales que certains arboraient déjà exerçaient chez Marienka une autre forme de soulagement : une distance raccourcie comme celle de son village à la mer du Nord quand elle avait pris l’autobus à son certificat d’études pour fouler pour la première fois le sable de Berck -Sur-Mer. Il ne manquait plus que les seaux et les pelles ! Après les valises, la porte automatique déversa ses 30°. Bienvenue à l’étuve se dit-elle. Ils quittèrent aussi Radio Tropik FM qui diffusait dans le hall et un taxi s’avança.
Marienka régla les 500 mètres jusqu’à l’hôtel non sans faire répéter le prix de la course. Bienvenue chez les milliardaires lui susurra l’étuve ! Pour le prix des chambres elle n’en sut rien de suite car Judith et Guillaume qui voulaient lui faire une surprise avaient tout réglé au départ ! Le quartier Saint Jean qui abritait l’hôtel donnait un avant-goût de ce paradis à vivre : une haie de palmiers séculaires bordait de chaque côté d’un sentier dallé de marbre une flore luxuriante où se mêlaient hibiscus rouges, mimosas, bougainvilliers, frangipaniers, oiseaux de paradis et envoyaient leurs capiteuses senteurs au gré d’une brise changeante. Deux” arbres du voyageur “, variantes géantes de nos chamaerops attendaient les touristes à l’entrée de la Réception aussi fastueuse qu’un palais élyséen. Elle s’inquiétait de connaître le prix de tout ce luxe qui lui serait facturé quand un garçon d’étage, sapé comme un prince, les invita à le suivre jusqu’à leur réservation. Une fois dans la chambre ses nerfs lachèrent et se mit à sangloter. L’émotion était trop forte : le cadre, le luxe, la chaleur, la fatigue, le prix d’un tel voyage qu’on lui cachait et qui devait être exorbitant. Elle voyait le capital fondre. Plus de maison, bientôt plus d’argent- totalement entre les mains de sa fille et de son ami ” bricolo” - et cet endroit, cet endroit … Elle s’endormit désemparée. Etrangement il y a aussi des angoisses sous le soleil des Antilles !

Elle prit le chemin du port .Quand le réel nous tue, le rêve nous sauve entendit-elle.

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Le travail de sape exercé par celui qui est fortement motivé à réaliser son projet à l’encontre de celui qui en détient la clef produit généralement ses fruits. Les personnes sans but, sans destin bien ancré sont des proies faciles pour ceux qui ont une vision. Bonne ou mauvaise d’ailleurs. On assiste souvent aux raz de marées que les enfants provoquent dans les vies de leurs parents vieillissants en quête d’une dernière tranquillité. En l’occurrence, ici, c’en était un sacré ! Faire gober l’idée qu’il fallait se loger, qu’il n’y avait pas de place et qu’il fallait en créer une , que l’on avait toute la compétence pour le faire, que cela coûterait moins cher et qu’au bout du compte l’on n’avait créé qu’un ramdam sans queue ni tête où cette compétence se révélait au fur et à mesure du temps une vaste fumisterie pour aboutir au désarroi de Marienka qui contemplait désormais, anéantie, le visage du sacrifice de toute sa vie devenu un champ de ruines. Ce bric-à-brac portait le sceau de Judith et Guillaume complices ou non, complices par la force des choses en tout cas. Pour Marienka, elle en devenait certaine, son entourage portait la marque d’un bric-à-brac maintenant insoluble à ses yeux. Allez savoir si c’était vraiment pour lui déplaire puisqu’il y avait un amateur pour acheter ce bidule enfantin ! Les secousses produites par les plus jeunes sur les habitudes stratifiées des plus vieux ne sont pas forcément négatives. Elles ont peut-être le mérite de provoquer un nouvel élan quand on pensait tout fini. Il n’y avait peut-être pas lieu de s’en faire. Avec la petite somme du prix de la maison et sa petite retraite sans oublier la détermination de sa fille et de son gendre tout pouvait repartir autrement. Le bonheur était peut-être celui-là et n’était-il pas venu à un moment qu’elle n’attendait plus au prix d’abandonner sa maison et sa rue ? Elle se vit convaincue par la force des évènements qui se déroulaient tels un livre d’images grand ouvert sur une vie nouvelle. Curieusement, comme saisie par la hantise du temps qui passe trop vite, elle voulait désormais ficher le camp d’ici, retrouver un lit pour rêver car son univers perdu la rendait honteuse aux yeux des autres, des voisins, de la rue ,confortablement lotis, honteuse de les effrayer aussi car les départs font toujours peur aux autres et se tourner sans se retourner vers cette promesse de bonheur que lui avaient faite les deux « aventuriers de l’Arche perdue « . Dehors, la valise à la main, sur le trottoir, comme après la guerre attendant son soldat, elle attendait le taxi.
Où allaient donc ces trois naufragés ? A l’aéroport, cela était sûr et après ? Oh, Guillaume et Judith s’étaient chargés de rendre la situation joyeuse. Et comment ne pouvait-elle pas l’être au fond ? Marienka voyait toute sa vie dans une valise, dans une boîte à biscuits et elle la sentait légère à présent en comparaison des derniers mois et même des dernières années passées à rêvasser sans qu’il se passe quelque chose. Elle n’avait plus de maison, de cave à stocker des charcuteries le week-end, plus d’histoires de famille comme il y en a dans toutes les familles le dimanche après-midi quand on ne travaille pas pour se reposer, des réparations de vieilles portes qui croulent sous les années. Une valise, c’est tout. Et sa fille, bien le plus précieux qui lui indiquait ce chemin tant convoité que l’on n’ose s’avouer, le chemin des îles enchantées où les oiseaux et les plantes multicolores nous apportent ce paradis qu’il nous faut tant de courage à construire, au prix de tant de souffrances, alors qu’un seul billet d’avion permet d’y accéder plus vite. Ce paradis là trottait maintenant dans son esprit à toute allure. Judith et Guillaume lui avaient bien résumé les prospectus des agences de tourisme dont ils étaient eux-mêmes complètement imprégnés !

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Absence

Absence

Au plus noir de ma nuit

À la recherche de paix

Je t'appelle ma belle, ma douce, ma mie.

 

Du fond de ta nuit tu m'apparais,

Ma mie, si douce, si belle

Et ton sourire me reconstruit.

 

1996-05-25

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Tu me diras

Tu me diras.

Tu me diras l’avenir

Et je vérifierai

Tant de jours à venir

Qui me feront t’aimer

Tes yeux et ton sourire

Dans mon cœur à jamais

Merveilleux souvenirs

De ta rêvalité.

 

2015/06/02

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Partir encore

Partir encore

 

Dunkerque dans la nuit noire,

Vides la ville et son port,

Je marche vers sa gare,

Quand toi tu dors encore.

 

Vides la ville et son port,

Je m’éloigne de toi,

Quand toi tu dors encore,

Tu envahis mon rêve

 

Je m’éloigne de toi,

En douces images brèves,

Tu envahis mon rêve,

Je te sens près de moi.

 

1974-09-07

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Errance dans le vide

Songerie

Tant que j'aurai l'esprit lucide,
Aimerai rester en éveil,
Jouir des effets du soleil,
Occulter les maux qui trucident.

Aimerai rester en éveil.
Croire que seule je décide,
Occulter les maux qui trucident,
De jour, triompher du sommeil.

Croire que seule je décide,
Colorant ma vie en vermeil.
De jour triompher du sommeil,
Ô ne pas errer dans le vide!

Colorant ma vie en vermeil,
Des splendeurs demeurer avide.
Ô ne pas errer dans le vide!
L'oubli au zombie rend pareil.

Des splendeurs demeurer avide,
Comblée aux saisonniers réveils!
L'oubli au zombie rend pareil,
Dépend d'un sort certes perfide.

1 février 2016

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Pendant longtemps, l'étude du phénomène messianique a été l'apanage quasi exclusif de la christologie, c'est-à-dire d'une théologie appliquée au personnage central du christianisme tenu et retenu, sinon exclusivement du moins archétypiquement, pour le Messie. Dans l'entre-deux-guerres, néanmoins, les sciences humaines des religions -histoire, sociologie, ethnologie, anthropologie - élaborent peu à peu les éléments d'une approche inductive et comparative de ce phénomène messianique définitivement pluralisé. Ainsi se présente toute une population de personnages -des messies-, de mouvements spécifiques -des messianismes -ou de mouvements apparentés -des millénarismes. C'est à partir de ces populations que peuvent être envisagés la définition, les cycles et la typologie du messianisme.

 

 

1. Définition du messianisme

 

On a défini le messianisme comme étant «essentiellement la croyance religieuse en la venue d'un rédempteur qui mettra fin à l'ordre actuel des choses soit de manière universelle soit pour un groupe isolé et qui instaurera un ordre nouveau fait de justice et de bonheur» (H. Kohn, «Messianism», in The Encyclopædia of Social Sciences). Pratiquement, ce terme revêt souvent une signification voisine de celle de «millénarisme», qui désigne le mouvement socio-religieux dont le Messie est le personnage. Les deux notions, en tout cas, impliquent une liaison essentielle des facteurs religieux et des facteurs sociaux, du spirituel et du temporel, des valeurs célestes et des valeurs terrestres, aussi bien dans le désordre dont ils préconisent l'abolition que dans l'ordre nouveau dont ils annoncent l'instauration. À la différence du prophète, qui se réclame seulement d'une mission reçue de Dieu ou de l'agent surnaturel suprême, la messianité implique un lien d'identification plus poussé avec ce dieu, généralement un lien de parenté: si le prophète est uni au dieu par un lien électif, le Messie est uni à Dieu par un lien natif.

L'étymologie des termes «Messie» et «messianisme» (hébreu: mâshîakh; grec: christos -l'oint; latin: messias) semblerait montrer que l'Occident a connu le personnage et la doctrine qu'ils désignent sous l'influence d'Israël et du christianisme (le christianisme est la religion du christos). Cependant, les idées et les faits recouverts par ces mots dépassent largement l'aire judéo-chrétienne. Ainsi le messianisme recouvre en réalité deux concepts distincts: un concept théologique normatif lié à la proclamation de l'unicité messianique du fondateur du christianisme, tous les autres personnages messianiques étant classés comme prémessies ou faux messies; un concept sociologique comparatif appuyé sur une population de situations dans lesquelles un personnage fondateur d'un mouvement historique de libération socio-religieuse s'identifie ou est identifié à une puissance suprême «émettant» sur l'ensemble de l'histoire des religions comme des sociétés.

 

Le sens théologique

 

Le sens théologique est propre à l'aire culturelle dominée par le christianisme. Dans son acception absolue, le messianisme désigne ici l'ensemble des croyances juives relatives au Messie promis dans l'Ancien Testament. Dans un sens moins strict, il s'applique aux enseignements ou aux mouvements qui promettent la venue d'un envoyé de Dieu appelé à rétablir sur terre la justice et l'innocence premières. Les controverses ont surtout porté sur le contenu de ce messianisme, soit entre la tradition chrétienne du Messie «déjà venu» et la tradition juive du Messie «encore attendu», soit à l'intérieur de la tradition chrétienne, où se rencontrent, d'une part -surtout dans une tradition patristique des trois premiers siècles-, l'attente futuriste d'un retour messianique en gloire et en majesté pour l'instauration d'un millenium terrestre, d'autre part -surtout après saint Augustin -, la prédominance des thèses prétéristes: thèse de la révélation close, fixation du retour messianique aux moments de la fin du monde et d'une unique résurrection, identification du régime ecclésiastique avec le royaume en transition, etc. Bien que parvenue à une position dominante, la seconde conception n'a cependant cessé d'être investie par des filières de dissidences surgies autour des trois grandes confessions chrétiennes (catholicisme, protestantisme, orthodoxie).

 

Le sens historico-sociologique

 

Au sens historico-sociologique, le messianisme représente le fonds commun des doctrines qui promettent le bonheur parfait sur terre sous la direction d'une personne, d'un peuple, d'un parti, de mouvements collectifs, au sein desquels les réformes tant ecclésiastiques que politiques, économiques ou sociales sont présentées sous la forme d'ordres ou de normes identifiés à des «missions», voire à des «émissions» divines. Ce bonheur peut d'ailleurs, selon les cas, être présenté sociologiquement, soit comme un radical retrait du monde, soit comme une non moins radicale transformation de ce même monde, tandis que, psychologiquement, il peut être situé tantôt au sommet mystique d'une bienheureuse délectation, tantôt dans les âpres profondeurs d'un ascétisme de néantisation, ou encore au confluent de cette exaltation et de cette abnégation -todo y nada -jusqu'à confiner parfois au nihilisme. Ce messianisme, considéré comme mouvement à caractère essentiellement constructif et transformateur, comme «force agissante, vivante et pratique» (selon les termes de Kohn), est le domaine spécifique de l'investigation sociologique.

Jusqu'à une date relativement récente, la sociologie générale des messianismes comparés ne reposait guère que sur les deux ouvrages, fort riches, de Wilson D. Wallis: Les Messies chrétiens et païens (Messiahs: Christian and Pagan, 1918), et surtout Les Messies et leur rôle dans la civilisation (Messiahs: Their Role in Civilization, 1943). Mais depuis lors, cette étude scientifique, à laquelle on proposera de donner le nom de messialogie, connaît un renouveau spectaculaire. Un de ses champs les plus saisissants a sans doute été le foyer océanien, avec la luxuriance de ses cultes du cargo ou de l'avion miracle: les richesses, dont le débarquement est escompté sur un quai ou un terrain d'atterrissage dûment préparé, seront remises non plus aux Blancs mais aux autochtones, car les Ancêtres auront repris aux Blancs les secrets d'une prospérité et d'une abondance qui étaient bien à eux, in illo tempore, en ce temps bienheureux qui précéda la colonisation européenne. Les travaux de J. Guiart et de P. Worsley, entre autres, ont dessiné la géographie de ces attentes multiformes dans l'aire océanienne. Parallèlement, des phénomènes analogues étaient relevés dans les grandes aires de développement, en particulier en Afrique avec les revendications de dieux noirs ou de christs noirs, et en Amérique du Sud, avec l'orchestration eschatologique de jacqueries en chaîne. Les Indiens de l'Amérique du Nord avaient déjà connu ces paroxysmes avant leur parquage en réserves, et les Chinois avaient eu leurs Taïping avant que leurs insurrections ne se cristallisent en révolution. Ainsi, d'un bout du monde à l'autre, protestations ou révoltes sociales apparaissent à la fois amorcées et masquées dans une revendication religieuse: des hommes veulent un dieu qui soit le leur; et cela entraîne soit l'apparition de ce dieu dans un personnage (messianisme), soit son annonce imminente par un messager (prophétisme), soit l'avènement d'un règne ou d'un royaume (millénarisme) antécédents ou conséquents à une telle apparition (post ou prémillénarisme); une telle revendication implique, d'ailleurs, par choc en retour les postulats d'une politique d'émancipation sociale, économique et nationale.

Autour de cette constellation de phénomènes contemporains ou quasi contemporains, les recherches se sont prolongées dans deux dimensions, l'une historique, l'autre comparative. Car l'intérêt ainsi éveillé sur les messianismes de la géographie ou de la conjoncture allait se répercuter sur les messianismes de l'histoire, malgré des oblitérations attribuables à leur classement sommaire par des cultures dominantes dans des catégories tératologiques: filières médiévales étudiées par N. Cohn et E. Werner; filières juives aux cadences parfaitement continues; filières des left-wingers anglo-saxons; filières concentriques à la Révolution française; filières nationalistes européennes; filières du socialisme utopique (avec, en particulier, ses messianismes féminins), etc. Presque partout, au creux de ces vagues et aux points où elles se ramassent in statu nascendi, se laissait déceler, en clair ou en filigrane, l'acte messianique, avec ou sans son personnage historique, historisé ou historialisé avec ou sans son royaume (belliciste ou pacifiste, micro-ou macromillénaire).

La dimension comparative fait l'objet entre autres d'une enquête publiée dans les Archives de sociologie des religions, et qui doit beaucoup aux tentatives qui l'ont accompagnée ou précédée, notamment le colloque de Chicago sur les «rêves millénaires en action», l'ouvrage de V.Lanternari sur les mouvements religieux des peuples opprimés, ceux de G. Guariglia, de W. Mühleman ou de M.I. Pereira de Queiroz. Dans cette ligne, il convient de souligner l'importance de deux oeuvres adventistes: les Lacunziana de A.F. Vaucher et la grande encyclopédie de H. Froom. L'intérêt porté par les historiens de la religion aux messianismes devait, en effet, conduire à étudier l'adventisme pour lui-même et à y déceler une des traditions centrales d'un messianisme conséquent.

 

2. Les cycles messianiques

 

Messianismes et religions

 

L'aire des messianismes ne se confond pas mais interfère largement avec celle des religions. Wallis remarque que si les messies ont été plutôt rares dans le shintoïsme, le taoïsme et le confucianisme, ils ont été nombreux dans le judaïsme, l'islam et le christianisme. Il relève aussi des traces de messianisme dans l'ancienne Égypte et à Sumer et estime même qu'il n'est pas absent de cette religion de soumission qu'est le bouddhisme (attente des Bodhisattvas et particulièrement du millième et dernier Bouddha à venir, dont l'apparition provoquerait l'instauration d'un Âge d'or), et S. Fuchs a pu identifier des mouvements messianiques dans les religions indiennes. Quant à la religion zoroastrienne, elle entretenait spécialement la croyance en la naissance miraculeuse d'un descendant du prophète, descendant qui inaugurerait un règne de salut lié à des supputations millénaristes. En Extrême-Orient, les religions chinoises ont vu apparaître périodiquement sur leurs franges toute une tradition de sociétés secrètes et conspiratrices souvent liées à des jacqueries, et il n'est pas rare d'y relever des syncrétismes dont le noyau contient, peut-être à la suite de l'imprégnation chrétienne, quelque espérance messianique.

Pour la période judaïque préchrétienne, le fait messianique a été étudié par M.J. Lagrange dans un ouvrage qui demeure classique: Le Messianisme chez les juifs. Cependant, la découverte des manuscrits du désert de Juda a ravivé l'attention tant sur l'éventualité d'un messianisme pacifiste et ésotérique que sur l'existence, par contrecoup, d'un messianisme zélote. Pour expliquer ce messianisme juif préchrétien, on a souvent évoqué l'influence des bouleversements du VIIe siècle avant J.-C., la référence à la période davidique, la royauté se trouvant stimulée, en outre, par l'eschatologie des peuples orientaux rencontrés au cours de l'exil. Mais d'autres historiens, comme A. Lods, relèvent, avant même cette période, une espérance messianique dans la religion populaire.

À partir de l'ère chrétienne, le messianisme juif et le messianisme chrétien se différencient. W.D. Wallis a pu consacrer un chapitre de son investigation aux messies juifs. Ceux-ci ont été nombreux, en effet, non seulement autour des origines chrétiennes mais ultérieurement de siècle en siècle. A. Silver en a présenté également une large rétrospective allant des messies juifs préchrétiens et immédiatement postchrétiens (Bar Kokhba et la grande révolte de 135) jusqu'aux précurseurs du sionisme contemporain.

Si le fait messianique a connu dans le judaïsme et dans le christianisme son développement le plus important et le plus original, certains ont pu voir dans l'islam une branche du messianisme judéo-chrétien ou, du moins, de sa dimension apocalyptique concernant l'établissement d'un royaume (de Dieu) sans Église. «La mission de Mahomet est une page, la plus inattendue et la plus décevante pour les juifs, des antiques espérances messianiques» (Lagrange, Le Messianisme chez les juifs). En tout cas, ce messianisme est un fait (S. Friedländer, L'Idée messianique dans l'islamisme) et il a proliféré dans l'«hétérodoxie musulmane» comme dans l'«hétérodoxie» chrétienne (E.Blochet, Messianisme dans l'hétérodoxie musulmane). Sa plus célèbre manifestation est l'attente du Mahdi, qui a donné naissance à de multiples mouvements dont certains, plus spectaculaires ou plus récents, sont mieux connus, tels le babisme et le béhaïsme. On a même suggéré que la doctrine islamique du Mahdi pourrait représenter, hors de l'aire spécifiquement judéo-chrétienne, la conception la plus proche du messianisme juif.

 

Les cycles de l'aire chrétienne

 

C'est néanmoins dans les aires culturelles où le christianisme est devenu religion dominante que le fait messianique est particulièrement riche, ou du moins mieux connu. Après le cycle primitif des messies judéo-chrétiens, après le messianisme impliqué dans toute la tradition patristique du second retour ou du second avènement, apparurent en ces régions des cycles fort divers parmi lesquels on peut relever:

-Le cycle impérial dominé par le mythe de l'Empereur des derniers jours, mythe concernant non seulement le culte de Charlemagne mais les représentants ultérieurs de telle ou telle dynastie, et particulièrement virulent dans les controverses sur le leadership des croisades.

-Le cycle populaire du non-conformisme médiéval, dont N. Cohn a présenté une excellente rétrospective depuis les premiers messianismes médiévaux comme ceux des tanchelmites, jusqu'au règne messianique de Jean de Leyde dans le millénarisme égalitaire de Münster assiégée. Leur paroxysme est sans doute atteint dans la grande guerre des paysans allemands, étudiée par F. Engels, et chez son leader Thomas Münzer, dont E. Bloch a analysé la théologie de la révolution; il y a là également un chaînon important dans l'histoire des messianismes, si c'est bien par ce mouvement, comme le propose Karl Mannheim, que le soulèvement chiliastique médiéval et la révolution moderne furent structuralement intégrés.

-Le cycle de la post-Réforme, plus particulièrement repérable chez certains left-wingers -levellers, diggers, premiers quakers -en liaison avec la révolution politique et industrielle anglaise, ou dans certains conventicules piétistes allemands.

-Probablement un cycle plus typiquement janséniste, étrangement lié au triple thème de la conversion des juifs, de leur retour en Judée et de la reconstruction du Temple.

-Un cycle missiologique catholique, où se rangent des nouvelles chrétientés latino-américaines. Ce cycle a comme objectif soit la rechristianisation de l'Ancien Monde, soit l'arrêt de la perversion du christianisme qu'aurait impliquée et véhiculée la colonisation. Telle est, par exemple, la position de Jérôme de Mendieta. Ce messianisme catholique d'inspiration joachimite ou iñiguiste a même pu, en certains cas, revêtir des formes autochtones, ainsi dans la fondation des réductions guaranis.

-Le cycle d'Amérique du Nord du XVIIe au XIXe siècle; il représente souvent l'aboutissement de la post-Réforme à travers des micro-expériences sociales qui constituent vraisemblablement le chaînon intermédiaire entre les dissidences religieuses et les socialismes utopiques (par exemple labadistes, kelpiens, ephrata, shakers, rappites, zoarites).

-Le cycle russo-polonais: la situation ecclésiologique créée par le Raskol suscite mainte effervescence messianiste dans des sectes ou des mouvements populaires russes (cf.E. Sarkisyanz, Russland und der Messianismus des Orients); de même, à partir de la situation politique engendrée par le partage de la Pologne, apparaissent des messianismes divers (Towianski, A. Mickiewicz) annonçant la résurrection de la nation victime.

-Le cycle de la Révolution française: celle-ci, en effet, a été interprétée comme un événement messianique non seulement en France, avec Suzette Labrousse, Pontard et son Journal prophétique, mais aussi, et peut-être surtout, dans le christianisme anglo-saxon, plus ou moins héritier des left-wingers.

-Les cycles postrévolutionnaires, qui comprennent celui du Grand Monarque ou du Monarque fort, lié à des tentatives de réhabilitation ou de restauration de certaines lignées monarchiques (vintrasisme), et celui des nouveaux christianismes, qui, à travers les courants français, anglais ou allemands du socialisme utopique, annonce une ère «messiaque».

-Les cycles contemporains des pays sous-développés, qui apparaissent dans trois aires principales: dans l'aire océanienne, où l'on a pu établir une première géographie de quelques dizaines de messianismes véhiculés à travers les cultes du cargo (cf.Archives de sociologie des religions, V, pp.38-47); dans l'aire africaine sud-saharienne, domaine des messianismes noirs analysés par G. Balandier et par E. Anderson entre autres, ainsi que des messianismes sud-africains, qui sont plutôt des prophétismes que des messianismes, et ont été examinés par B. Sundkler; dans l'aire sud-américaine, qui a donné lieu à de nombreuses études, citées, reprises, prolongées ou renouvelées par les contributions de R. Bastide, A. Metraux, M.I. Pereira de Queiros. À ces aires, où les faits messianiques se présentent avec une étonnante densité, il conviendrait d'adjoindre celles de l' Italie du Sud ou de l' Andalousie, explorées récemment par Eric Hobsbawm, et celle de l'Amérique du Nord, avec ses messies indiens du siècle dernier ou avec ses messies noirs contemporains.

Il n'existe pas encore aujourd'hui d'inventaire systématique des faits messianiques à travers ces différents cycles de l'ère chrétienne, et M. Eliade écrit même: «L'interprétation historico-religieuse de ces microreligions millénaristes est à peine commencée.» Mais il ajoute: «Tous ces phénomènes ne deviennent complètement intelligibles que dans la perspective de l'histoire des religions.» C'est à cette perspective historique et comparative que se réfèrent, sinon l'interprétation, du moins les classifications ou propositions de classifications qui suivent.

 

 

3. Typologie du messianisme

 

Les matériaux concernant les faits messianiques non chrétiens et chrétiens se présentent aujourd'hui encore en ordre dispersé et avec des contenus hétérogènes. Cependant cette sociographie descriptive suggère une certaine typologie du phénomène messianique qui pourrait se construire selon trois lignes essentielles.

 

Les personnages

 

Le personnage historiquement présent

 

Le personnage du Messie peut être soit prétendant, soit prétendu. Le prétendant à la messianité se réclame généralement d'un lien natif avec la puissance divine suprême, maîtresse de l'histoire universelle. Il est son père, sa mère, son fils, son épouse, etc. Ou encore, il apparaît, sous la forme d'un être redivivus, comme le dieu lui-même ou l'ancêtre divin. Dans tous les cas, la prétention personnelle à la messianité s'accompagne d'une certaine autodéification. Cette prétention peut être explosive (à la suite d'un songe, d'une révélation); elle est le plus souvent progressive: on est d'abord messager, envoyé, prophète de Dieu, et c'est peu à peu que la conscience de la mission se métamorphose en conscience de la messianité. Cette prétention, enfin, peut être exclusive (messianité d'un individu) ou partagée (messianité d'une lignée, d'une ethnie ou d'une ecclesiola).

Le Messie prétendu ne revendique pas lui-même son titre de Messie, qui lui est attribué soit par le cercle, soit par la postérité de ses disciples. À la limite, ce cercle ou cette postérité non seulement lui donnent le titre de Messie, mais encore lui confèrent ou lui inventent son historiographie ou son historialisation. Le plus souvent, cependant, cette attribution subséquente se greffe sur un personnage historiquement présent mais dont la conscience n'était encore que celle d'un être chargé d'une mission divine, sans prétendre lui-même à la conscience proprement messianique. La conscience collective précède ainsi et catalyse la prétention de la conscience individuelle à la messianité. L'individu est d'abord Messie prétendu avant d'être prétendant.

 

Le personnage historiquement absent

 

Il existe des cas où le phénomène messianique repose soit sur une historicisation subséquente, soit sur une sublimation perspective ou rétroactive. Souvent alors, le personnage messianique ne se laisse définir et désigner que par la présence de l'antipersonnage ou Antimessie (Antichrist) ou même par l'imminence et la surabondance des événements qui constituent un antitype du royaume messianique (thème du «débordement de la coupe»). Mais on trouve également d'autres «formules» relativement fréquentes selon les types de messages messianiques. Elles représentent, pour ainsi dire, un calcul des degrés de l'absence et peuvent prendre, par exemple, les expressions suivantes: le personnage est venu mais personne ne le connaît; à la limite, il ne se connaît pas lui-même. Il est venu mais il demeure caché, seuls quelques-uns le connaissent. Il n'est pas encore venu mais il est imminent (attente et supputations concernant la mère). Il est venu mais il est reparti et il attend pour reparaître. Il est là, il attend, mais ceux pour qui il est venu ne veulent pas le reconnaître. Il est définitivement ailleurs mais sa place doit demeurer libre et personne ne saurait l'occuper, etc.

 

Les vicaires du personnage

 

Entre la présence ou l'absence radicalement différenciées, il y a place pour bien des solutions intermédiaires. Elles peuvent se regrouper autour de la conception d'une présence vicariale, antécédente, concomitante ou subséquente. Les types de personnages les plus fréquemment rencontrés sous cette rubrique sont les suivants: le prédicateur-ascète itinérant qui se hissera ou sera hissé jusqu'à la conscience messianique sous la pression de la conscience et de l'effervescence collectives; le prophète ou simplement la prophétie; le précurseur (sans parler du «postcurseur» revendiqué par C. Fourier); l'allié consentant (généralement un lieutenant habilité à être le bras séculier de la démarche messianique); l'allié malgré lui (le fléau de Dieu); enfin le pontife théocrate.

 

Les règnes ou les royaumes messianiques

 

Même si ces nouveaux règnes impliquent toujours un lien entre des facteurs religieux et des facteurs sociaux également nouveaux, ils peuvent être caractérisés par la prédominance de tel ou tel niveau d'intérêt.

Le messianisme peut être dominé par un projet de réforme religieuse, ecclésiologique ou culturelle; mais ce projet s'accompagne d'une abstention ou d'une «grève» socio-religieuse plus ou moins radicale à l'égard du monde existant, au moins vis-à-vis des «cultes» dominants. On en vient même parfois à la vente de tous les biens et au refus du travail, comme dans l'expectation adventiste primitive; le plus souvent, on se retranche dans une vie «hors du monde» en fondant des conventicules.

Le règne peut prendre un aspect principalement politique. L'établissement de dynasties, l'achèvement de régimes ou même l'éclosion des nationalités s'accompagnent fréquemment de spéculations et de dimensions messianiques ou paramessianiques, qui s'observent, par exemple, dans l'histoire de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, de la Pologne ou de la Russie. Ce phénomène rejoint et prépare l'attribution de droits divins à l'autorité politique, ainsi qu'on le voit par l'histoire des religions.

Dans d'autres cas, on rencontre un messianisme économico-social. En effet, l'histoire des révoltes sociales, comme celle des nationalités, manifeste souvent une affabulation messianique. On a même prétendu que la révolution soviétique elle-même aurait reposé sur un phénomène de ce genre; cette corrélation est particulièrement claire lorsque la révolte sociale se conjugue avec la lutte pour l'indépendance nationale. Ainsi en est-il des messianismes contemporains dans les pays sous-développés d'Océanie ou d'Afrique.

Le nouveau règne est souvent conçu, selon une perspective sexuelle et familiale, comme étant celui où il n'y aura plus «ni homme ni femme». Cette conception donne à son tour naissance à des variantes dans les régimes proposés: ascétisme monastique ou néo-manichéen, affinitarisme libertaire ou combinaisons mixtes avec des prescriptions variables portant sur l'endogamie, l'exogamie, la polygamie (mormons) ou le mariage plural (onéidistes); à la limite, affabulations sur l'androgynie.

L'ambition du nouveau règne peut aller jusqu'à des visées naturistes et vouloir affecter des régimes encore plus fondamentaux; régimes de la consommation alimentaire (tabous ou antitabous de tels ou tels aliments) ou vestimentaires (adamites, doukhobors, naked cults); régime de reproduction (fréquence du thème des vierges mères); ou même régime de la mort et de l'immortalité (métempsycose, résurrections successives, autorité du personnage ou de l'antipersonnage redivivus).

Le nouveau règne peut enfin prendre une signification cosmique et s'étendre au monde végétal, animal et astral, en rejoignant les prédictions poétiques, profanes ou sacrées de l'Âge d'or: économie d'abondance, paix universelle, modification des climats, redressement de l'axe terrestre, nouveaux rapports des vivants et des morts, etc. À ce stade, la sociologie du messianisme rejoint la sociologie de l'utopie.

Cette diversité de niveaux est cependant traversée par un trait à peu près constant: celui du retour ou de la répétition. Le nouveau règne messianique est une réédition en avant d'un régime plus ou moins identique expérimenté en arrière. Cette référence peut concerner une fondation antérieure: celle, par exemple, du christianisme dit primitif, celle d'une période économico-sociale d'avant les catastrophes déplorées, celle d'un monde originel (paradis perdu) ou celle du monde, submergé par la colonisation ou les guerres, des ancêtres vertueux et indépendants. Il est rare que, dans sa nouveauté même, le règne messianique n'en appelle pas du présent à un passé lointain, inconnu, oublié ou inconscient pour fonder son projet d'avenir. Il n'évoque un point oméga qu'en invoquant un point alpha.

 

Les supputations

 

Les deux typologies précédentes se retrouvent et se redistribuent dans quelques classifications communes aux «personnages» et aux «royaumes».

 

Messianismes et millénarismes

 

La conscience messianique surgit souvent dans le milieu historique et social avant de se cristalliser sur un personnage et, a fortiori, avant d'être entérinée ou revendiquée par celui-ci; et il y a tant de manières d'être un personnage divin (envoyé de Dieu, homme de Dieu, descendant ou ascendant de Dieu) que, souvent aussi, par une connivence ambiguë, un même titre peut recouvrir des significations totalement différentes aux yeux de l'initiateur ou de ses adeptes. Mais, d'une part, le contexte millénariste peut demeurer en deçà du messianisme: tantôt le personnage ne surgit pas, tantôt, s'il surgit, il fait lui-même obstruction à la qualification messianique, ou bien il en obtient le transfert à une entité suprahistorique, se cantonnant personnellement dans la fonction de précurseur. D'autre part, le surgissement du personnage peut précéder la nostalgie milléniale, voire la provoquer, et ainsi ce dernier trouvera ou non audience, risquant encore, s'il y réussit, d'achopper sur une distorsion entre l'émission et la réception des messages. Les relations entre le personnage et le royaume n'obéissent pas à une logique unilatérale: elles sont complexes, variables et la plupart du temps réciproques.

 

Prémillénarisme et postmillénarisme

 

La distinction entre prémillénarisme et postmillénarisme alimenta des controverses copieuses. Elle connote approximativement deux caractéristiques concernant respectivement un processus social d'intervention et une conception théologique de la grâce.

Dans le prémillénarisme, le royaume de Dieu intervient ex abrupto par un processus révolutionnaire, rompant la chaîne des causalités naturelles et historiques, visitant le monde par une véritable effraction pour le désintégrer en le réintégrant ou non à un niveau plus ou moins proche de l'ici-bas ou de l'au-delà. D'autre part, cette intervention est le fait d'une initiative caractérisée par une other worldness (miséricorde ou colère); sans elle, l'action de l'homme ne peut rien pour le royaume millénial; elle vient avant (pré), lui, et seule elle le rend possible.

Dans le postmillénarisme, le royaume de Dieu s'instaure progressivement par un processus évolutif qui s'intègre dans l'enchaînement des faits historiques (sociaux et ecclésiastiques) et oriente le monde, selon la logique interne de son évolution sociale et religieuse, vers un point de maturité où il portera le royaume millénial ou messianique ainsi qu'un arbre porte un fruit. En second lieu, l'action de l'homme, religieusement animée et contrôlée, non seulement ne s'oppose pas à cet avènement ultime mais elle est de nature à en accélérer le rythme: en tout cas, le millenium vient après (post) cet effort humain collectif, qui est une de ses conditions préalables.

On pourrait également ajouter: ce que le prémillénarisme attend d'une descente de haut en bas dans l'espace, le postmillénarisme l'escompte d'une progression de bas en haut dans le temps. Pour l'un et pour l'autre, cependant, l'Âge d'or est en avant.

C'est sans doute en pensant à leur dimension commune -le millenium comme Eden en avant de l'histoire humaine -que E.L. Tuveson s'est efforcé d'y discerner une source théologique -avant l'acculturation -des philosophies ou des théosophies du progrès. Encore conviendrait-il de distinguer entre les deux filières de l'acculturation et de se demander: si les théories optimistes et linéaires du progrès continu trouvent, en effet, leur arrière-plan (background), comme le propose Tuveson, dans des postmillénarismes peu à peu sécularisés, les prémillénarismes ne seraient-ils pas, eux aussi, de nature à fournir, moyennant leur propre sécularisation, un arrière-plan à certaines pratiques pessimistes et tranchées d'une révolution discontinue?

 

Micromillénarisme et macromillénarisme

 

Le projet de renouvellement -«cieux nouveaux et terres nouvelles» -spécifique du règne messianique peut affecter de deux manières le régime socio-religieux établi: ou bien, il agit au maximum sur l'ensemble, et éventuellement de l'intérieur de ce régime, de façon à le transformer en royaume de Dieu, les armes de ce macromillénarisme pouvant d'ailleurs, selon les cas, être non violentes ou violentes; ou bien, au contraire, en se distinguant le plus possible du régime, il forme à l'extérieur de celui-ci une micro-société qui, pour être exiguë, n'en prétend pas moins à être globale. Si l'on prend comme exemples le macromillénarisme de la théologie münzérienne et le micromillénarisme des sociétés shakers, on voit que dans les deux cas il s'agit bien d'un «royaume de Dieu» dans la catégorie de l'immanence, mais, dans le premier, il s'agit de la société elle-même à transformer en théocratie et dans le second, d'une société théocratique en marge d'une société jugée comme rédhibitoirement non transformable. Cette opposition fut peut-être celle qui différencia messianisme essénien et messianisme zélote, messianisme chrétien paulinien et messianisme juif de Bar Kokhba, ou, ultérieurement ce qu'il y a de millénarisme dans le manichéisme et ce qu'il y a de manichéen dans le messianisme mazdakite.

 

Violence et non-violence

 

Il est assez rare de ne pas déceler, même dans les micromillénarismes, une intention d'absorber finalement, par la logique même de la non-coopération, la société dans les marges de laquelle le mouvement s'inscrit. Réciproquement, on trouve assez souvent dans un macromillénarisme la constitution d'un corps minoritaire sélectionné, soumis à une discipline propre et destiné à actionner ou contrôler la transformation projetée: Joseph Smith, apôtre de ce macromillénarisme qu'est le mouvement des mormons ou Église des saints du Dernier jour, avait, par exemple, un corps apostolique, une garde et même une police secrète. T. Münzer avait également constitué une ligue de ce genre. Aussi bien, le principe de la «minorité agissante» se retrouvant ici ou là, une distinction supplémentaire peut être relevée dans la nature des moyens, violents ou non violents, mis en oeuvre par telle ou telle minorité.

La tradition millénariste des moyens violents peut se réclamer d'une longue tradition. Sans remonter jusqu'à Bar Kokhba ou aux divers messies militaires des guerres juives, le chiliasme médiéval fournirait un bon échantillonnage de messies ou pseudo-messies prêchant l'inauguration du royaume dans un bain de sang «jusqu'au poitrail des chevaux»; il est vrai que l'antichiliasme représenté par l'appareil inquisitorial ne se signalait pas non plus par une particulière douceur. N. Cohn a exhumé le projet indubitablement millénariste d'une Fraternité de la croix jaune qui donne, avec des analogies stupéfiantes, un avant-goût de sa postérité, le parti de la Croix gammée. Plus tard, la Ve monarchie (Fifth Monarchy Men) se signala comme organisatrice d'émeutes et de conspirations. Et cet authentique chiliaste que fut W. Weitling ne rêvait-il pas d'ouvrir les prisons et de convier les criminels libérés à l'extermination du désordre existant?

La tradition non violente est pour le moins aussi ancienne et aussi continue. Son arme est la non-coopération, forme quasi ontologique d'une grève gestionnaire qui peut entamer plus ou moins profondément les dispositifs biologiques, moraux, cultuels ou culturels de l'environnement. Le refus de la manipulation de la monnaie en est une des formes les plus régulières (y compris la forme du frater bursarius chez les fraticelles). Mais il en est d'autres qui caractérisent cette tradition: refus de la nourriture carnée, de la reproduction, du mariage, du commerce, de la médecine, de la production industrielle ou du voisinage des villes, refus du culte ecclésiastique et d'un clergé ministériel, des tribunaux et du serment, du service militaire, de l'

impôt, de l'électorat et de l'éligibilité, de l'alcool et du tabac, etc. Il n'est pas un de ces refus qui ne soit l'envers négatif dont une structure ou un régime positifs entendent constituer l'endroit par la découverte ou la redécouverte d'un mode de vie jugé édénique ou chrétien primitif.

De ces quelques codifications grossières suggérées par la population messianiste ou messianisante (telle qu'elle a été recensée par H. Desroche, Dieux d'hommes. Dictionnaire des messies, messianismes et millénarismes de l'ère chrétienne), il convient de souligner encore les limites et la relativité. En effet, malgré l'intensité des explorations et des compilations, une inconnue subsiste toujours, qui peut être une infraction à la règle cartésienne des dénombrements entiers. On n'est jamais certain d'un tel dénombrement, non seulement en raison de la multitude ou de la difficulté des sources, mais aussi parce que les faits messianiques sont de ceux qui sont le plus facilement transformés par la mémoire collective: en effet, s'ils peuvent être créés ou promus par cette mémoire collective, ils peuvent être aussi refoulés ou éliminés par elle. Ainsi, devant une aire culturelle ou une phase historique apparemment sans faits messianiques, comme d'ailleurs devant le fait d'une «combinaison messianique» sans réalité correspondante offerte à l'observation, se demandera-t-on toujours si ce «sans» est le fait d'une réalité initialement nulle ou bien d'une réalité finalement annulée.

 

Les littératures

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administrateur théâtres

4e921a77.jpgth?&id=OIP.M0f5267a9334a4243adf106db281a60b2o0&w=213&h=300&c=0&pid=1.9&rs=0&p=0Un conte chinois en hiver

Au Théâtre National, à Bruxelles. Musique tonitruante, comme en Chine. Mais pas vraiment les instruments traditionnels, ni les voix étranges de l’opéra. Dans la salle comble et sur scène, de vrais chinois fiers de leur patrimoine, venus fêter le printemps qui pointe déjà, rien qu’à l’évocation la Chinese New Year, toute proche  et qui tombe cette année le 8 février. Elle s’annonce sous le Signe du Singe. Un excellent signe où prédomine le sens de l’excellence et de l’intelligence. La troupe aura fait une courte halte dans notre capitale européenne avant de rejoindre Beijing.


Le spectacle dansé est dédié à la Route de la Soie maritime qui a été créée au premier siècle de notre ère. L'histoire se déroule au cours de la dynastie des Song, temps de l'expansion du commerce entre la Chine et le reste de l'Asie jusqu’en Afrique et en Europe. Sous la dynastie des Song, la ville de Quanzhou, dans l'actuelle province du Fujian, a été l'un des plus grands ports du monde. Les navires transportaient la soie, la porcelaine et le thé, faisant route en bravant tous les dangers, vers les ports éloignés du monde. La Route de la Soie par voie de mer a eu un rôle crucial en reliant l'Est et l'Ouest, et a été une source majeure de revenus pour les dynasties chinoises. Certains se rappelleront peut-être la magnifique exposition qui a eu lieu à Bruxelles sur ce sujet en 2010 : « A Passage to Asia,
25 Centuries of Exchange between Asia and Europe”. *

Revenons à l’histoire, ... très sentimentale.  Les artistes ont endossé les maquillages, les costumes chers à Pearl Buck, les étoffes soyeuses virevoltent, la taille parfaite des princesses s’élève à bout de bras amoureux. Tout un village ancestral s’anime et au loin la mer, les voiles, l’aventure. Une tempête se lève, le capitaine qui a juré fidélité à sa jeune épouse sauve une jeune femme des flots en colère. Elle voudra le retenir sur les côtes hospitalières de Ceylan, Il est le capitaine de son cœur. Le rendra-telle à son épouse adorée ? La magie est-elle au fond d’un mystérieux mouchoir  ou dans le creux des voiles? Les tableaux artistiques étrangement muets racontent tous les émois, la chorégraphie et le talent artistique des danseurs sont fascinants.

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Les corps en mouvement sont bien ceux d’un 21e siècle vigoureux, rompu à l’endurance et la souplesse, mais il se son prêté avec grâce pour raconter des millénaires de civilisation basée sur le commerce et sur le vivre ensemble harmonieux à l’intérieur de la cité. Les valeurs n’ont pas pris une ride : la fidélité en amour, la loyauté à la cité, le courage devant les éléments déchaînés, la solidarité, l’oubli de soi, le sens de la fête et l’hospitalité. Un programme éblouissant d’optimisme, qui célèbre la vie. Ce morceau d’Odyssée chinoise inventé en 2014 pour rapprocher les cultures extrême orientales et occidentales vaut le détour. Vous passerez une soirée de contes de fées, grand format, et vous vous délecterez de ces corps parfaits qui rivalisent d’agilité et de présence théâtrale. Des prouesses physiques, plus belle que le patinage artistique et les dernières étreintes du couple romantique qui se retrouve nous plongent au plus profond de l’imaginaire. Ils ne sont qu’une trentaine sur scène, mais leurs mimes et leurs postures sont aussi belles que certaines peintures murales que l’on rencontre souvent en Asie.

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Atlas presents ... "The Silk Road on the Sea" ! January 27 at Théâtre National in Brussels
27 / 01 / 2016   http://bcecc.be/index.lasso?Lang=Lang1&PageID=44&ID=1391

Trailer: https://www.youtube.com/watch?v=w_fJBAZkCeE

Les superbes photos: "Chinese dance drama performed in Brussels" http://www.china.org.cn/arts/2016-01/28/content_37682489_4.htm

Infos sur les festivités du Nouvel An. C’est une initiative de l’Ambassade en collaboration avec le Centre Culturel Chinois. Voici les infos du programme : http://www.chinaembassy-org.be/eng/zt/2016ChineseNewYearParade/t1331168.htm

Billetterie et presentation du spectacle: http://www.fnacagenda.be/fr/concours/97-silkroadonthesea

référence:

*A Passage to Asia
25 Centuries of Exchange between Asia and Europe
  https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-passage-to-asia-a-labour-of?id=3501272%3ABlogPost%3A70507&page=2

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Vous écrire.

 

Je me donne du soleil en écrivant,

en même temps qu'à vous-même,

une énergie sereine, un ciel tout au dedans,

une occasion de vous parler plus fort,

ce corps à corps subtil

 entre mon encre noire et votre grand silence.

Le noir joyeux et le blanc lumineux.

Je me donne de la joie en écrivant,

en même temps qu'à vous-même,

une dimension plus large, un monde tout au dedans,

une occasion de vous faire don de cela,

cette rencontre invisible

entre mon esprit solaire et le vôtre écoutant.

la clarté blonde et vos yeux attendris.

NINA

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