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Prendre un billet d’avion, quoi de plus courant, même si Marienka avait perdu depuis longtemps l’habitude des voyages. Le pain passait à sa porte ainsi que le boucher. Le journal n’était pas pour elle. Ce qui se passait dans le monde s’arrêtait à son jardin et encore il n’allait pas au-delà de quelques pots de géraniums. Alors, assise ainsi dans un avion, mise à part la première surprise de découvrir une planète extra-terrestre, elle s’endormit comme un enfant bercé par le bruit des vagues. Curieusement, même si cette destination complètement inattendue relevait pour elle d’un conte de fées, elle était habitée d’un sentiment étrange : celui d’un chemin qu’elle devait accomplir, portée tout bêtement par une photographie en noir et blanc. Une carte au trésor dont les maigres indices la mèneraient peut-être vers son premier vrai amour. Et si le premier indice se trouvait ici sur cette route alors il fallait aller vers lui. A travers le hublot, pendant la descente, ses yeux réveillés fouillaient le ciel et l’île qui se dessinait pendant la descente ,risquant à travers ce brouillard de la pensée de confondre l’homme agitant le drapeau sur la piste avec un premier indice ! Les deux tourtereaux à l’origine de cette sarabande avaient déclenché sans le savoir un film interrompu qui se remettait à tourner sur le visage de la brave femme assise près d’eux. Eux ne pensaient maintenant qu’à la vie dorée qui les attendait, à la page qu’ils écriraient ensemble, aux cocotiers…
Applaudissements.
L’aéroport Gustave III se remplissait maintenant au rythme de l’avion qui se vidait, des au-revoir soulagés, des sourires des stewards et hôtesses rompus à ces soulagements et ces bravos. Les tenues estivales que certains arboraient déjà exerçaient chez Marienka une autre forme de soulagement : une distance raccourcie comme celle de son village à la mer du Nord quand elle avait pris l’autobus à son certificat d’études pour fouler pour la première fois le sable de Berck -Sur-Mer. Il ne manquait plus que les seaux et les pelles ! Après les valises, la porte automatique déversa ses 30°. Bienvenue à l’étuve se dit-elle. Ils quittèrent aussi Radio Tropik FM qui diffusait dans le hall et un taxi s’avança.
Marienka régla les 500 mètres jusqu’à l’hôtel non sans faire répéter le prix de la course. Bienvenue chez les milliardaires lui susurra l’étuve ! Pour le prix des chambres elle n’en sut rien de suite car Judith et Guillaume qui voulaient lui faire une surprise avaient tout réglé au départ ! Le quartier Saint Jean qui abritait l’hôtel donnait un avant-goût de ce paradis à vivre : une haie de palmiers séculaires bordait de chaque côté d’un sentier dallé de marbre une flore luxuriante où se mêlaient hibiscus rouges, mimosas, bougainvilliers, frangipaniers, oiseaux de paradis et envoyaient leurs capiteuses senteurs au gré d’une brise changeante. Deux” arbres du voyageur “, variantes géantes de nos chamaerops attendaient les touristes à l’entrée de la Réception aussi fastueuse qu’un palais élyséen. Elle s’inquiétait de connaître le prix de tout ce luxe qui lui serait facturé quand un garçon d’étage, sapé comme un prince, les invita à le suivre jusqu’à leur réservation. Une fois dans la chambre ses nerfs lachèrent et se mit à sangloter. L’émotion était trop forte : le cadre, le luxe, la chaleur, la fatigue, le prix d’un tel voyage qu’on lui cachait et qui devait être exorbitant. Elle voyait le capital fondre. Plus de maison, bientôt plus d’argent- totalement entre les mains de sa fille et de son ami ” bricolo” - et cet endroit, cet endroit … Elle s’endormit désemparée. Etrangement il y a aussi des angoisses sous le soleil des Antilles !

Elle prit le chemin du port .Quand le réel nous tue, le rêve nous sauve entendit-elle.

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