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Arrivée sur le seuil

Arrivée sur le seuil de la maison, je la regarde, je la vois contempler cette bâtisse avec un air satisfait. Ses yeux vont et viennent et cherchent les changements, les petites choses qui lui rappellent tant de souvenirs.

Debout devant elle, j’attends qu’elle ait repris possession de cet espace pour la faire pénétrer dans ce qui fut jadis sa demeure, son quotidien.


Elle, silencieuse, ne sachant pas trop comment se comporter, attend des larmes dans les yeux. Oui, c’est bien chez elle.

Revivre ces images qui malgré les souffrances, les doutes lui ont tellement manqué. Toutes ces années de solitude, de tristesse, de réflexion sont maintenant derrière elle. Reprendre sa place et essayer de trouver enfin cet équilibre qui lui a tant fait défaut.

Elle hésite encore. Difficile de dire que tout s’est arrêté quand elle a quitté cette maison.

Les enfants sont là, debout. A peine a-t-elle fait qq pas que ceux-ci se jettent à son cou, et la couvrent de baisers. Oui, ce sont bien ses petits. La poussant vers le salon, ils l’entraînent vers le canapé et l’installent avec tendresse.

Te voilà enfin dit le petit garçon. Tu m’as manqué tu sais. La petite fille se blottit contre elle et la tient serrée contre sa joue. Es-tu revenue pour toujours ? demande l’enfant.

Je sais que oui. Je l’ai compris à son regard. Je lui demande de s’installer. J’ai suffisamment d’espace pour elle et ses rêves. Elle doit penser que je n’ai pas compris son attitude, ses envies, son départ. J’ai trop souffert comme elle de cette séparation que j’avais voulue aussi. Je voulais être libre et vivre ma vie sans elle.

J’ai assumé une partie de mon existence, seule jusqu’à cette heure pour enfin la retrouver. La vie est compliquée et laisse les choix, les doutes nous aveugler.

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Un mari fidèle

Un jour, elle était assise sur le seuil du café de la grosse Lulu alors que la plupart des membres de l’équipe de hockey, debout devant le comptoir, avalaient bières sur bières, tout heureux d’avoir vaincu. Cela n’arrivait pas souvent.

- Qu’est-ce que tu fais là ?

- J’attends.

Je me suis assis auprès d’elle, j’ai entouré ses épaules et je l’ai embrassée. Il y a longtemps que nous étions amoureux l’un de l’autre mais nous étions trop timides pour nous déclarer. Nous avions un peu bu ce soir-là pour fêter la victoire du Club.

Malou, je l’avais connue dans le magasin de chaussures que possédait mon père. Elle essayait les escarpins bleus que je lui avais proposés.

- Ils sont trop étroits ?

Elle fit non de la tête. Elle se regardait dans le grand miroir sur pied et s’efforçait de sourire. Il lui aurait fallu une pointure plus grande mais les jeunes filles avaient le sentiment qu’au delà de la pointure 36, les jeunes gens se seraient moqués d’elles. 

Je l’ai revue deux jours plus tard, elle se promenait dans la rue en regardant les vitrines. Je l’ai saluée. Puis, je ne l’ai plus revue d’une semaine entière.

Je ne connaissais même pas son nom, je me demandais comment la retrouver et je me reprochais de ne pas lui avoir parlé davantage. Les jeunes gens sont bêtes, souvent. Puis, ils se reprochent les propos qu’ils n’ont pas tenus, ou qu’ils n’ont pas osés tenir à haute voix en présence de celles qu’ils aiment.

J’étais membre du club de hockey. Un joueur médiocre mais assidu. Hélas, même chez la grosse Lulu, je n’étais pas le meilleur. Ni le plus habile pour jouer au carton mouillé. Ce carton que l’on imprègne de bière avant de le lancer sur le sol d’un geste adroit, et d’écarter celui d’un concurrent.

C’est chez la grosse Lulu que je l’ai revue à la veille d’un match important. J’avais ignoré jusque là qu’elle était la cousine de Richard, un des membres de l’équipe.  Le soir même, Richard m’avait dit tout ce qu’il savait de sa cousine. Je connaissais l’essentiel : elle n’avait pas de petit ami.

- Vous me reconnaissez ? Les chaussures ne vous font pas mal ?

- Vous jouez au hockey, vous aussi ? Non, elles ne me font pas mal. Au contraire.

Nous avons parlé de Richard dont elle pensait autant de bien que j’en pensais moi-même. Elle irait voir le match du lendemain.

- J’adore le hockey.

Le lendemain nous étions côte à côte le long du terrain pour encourager les joueurs. Malou comme moi admirait le style de Richard.   

- Match splendide.

- Splendide en effet.

Nous sommes rentrés ensemble et nous nous sommes mariés trois mois plus tard.  Nous nous sommes aimés durant vingt ans. Elle est morte d’un cancer.

Ma seconde épouse, celle qu’on appelait la belle Aimée, était une femme divorcée. Elle m’invitait dans son appartement. Elle disait :

- Je n’aime pas vous savoir seul chez vous. Tout vous rappelle votre femme. Vous devez souffrir beaucoup.

- C’est vrai, Aimée. Mais souffrir me rapproche d’elle.

Aimée aussi aimait le sport, c’est au bar du club que je l’avais connue. Elle avait été la femme de Richard. Hélas pour Richard et pour elle, elle avait été la maîtresse de certains de ses co-équipiers. Il avait demandé et obtenu le divorce.

Depuis Aimée s’était éloignée du sport. Elle me l’avait confié un soir que nous prenions un verre chez elle :

- Je ne sais pas ce que tu en penses, mais le hockey est un sport aussi brutal que le rugby. Pire encore, ils se munissent d’un stick pour jouer.

Je la tutoyais désormais. Les confidences que nous nous faisions étaient celles d’amis. Notre situation en était plus claire et sans équivoque. Sinon qu’un jour d’été elle était en train de se bronzer sur sa terrasse en maillot deux pièces dont elle avait ôté la pièce du haut.

- Pourquoi ne pas profiter du soleil ? Tu peux te déshabiller dans le salon.

Je me suis déshabillé dans le salon. J’ai eu un moment d’hésitation au moment d’ôter mon slip, je l’ai ôté puis remis, avant de m’allonger auprès d’elle sur son drap de bain. C’est vrai qu’elle était belle et plus que séduisante.

Je l’ai épousée et, entourés de quelques amis du club, à l’exception de Richard, nous avons soupé dans un restaurant renommé. Puis, je ne sais plus qui nous y avait invités, nous avons terminé la soirée chez la grosse Lulu.

Une nuit, après nous être aimés, elle me demanda s’il n’était pas préférable que nous nous séparions.

Je l’avoue, ces actes d’amour que nous exécutions chaque nuit avant de nous endormir avaient fini par nous fatiguer. Elle y mettait cependant beaucoup de cœur mais il y manquait la surprise et la jouissance des premiers jours. Lorsque se confondent les plaisirs de la chair et ceux de la raison.

A son comportement face aux hommes, et plus encore à son comportement face aux maris de nos amies, je devinais combien Aimée avait besoin d’être désirée. Au bout de quelques années, les courses qu’elle faisait se prolongeaient. J’ai voulu savoir ce qu’elle faisait lors de ses sorties. Je l’ai suivie. Jusqu’à l’hôtel de la gare.

Un jour elle m’a demandé si je l’aimais ? Elle faisait allusion à l’ardeur que je manifestais. Malou ne m’avait jamais posé cette question. La réponse allait sans doute de soi. Elle n’avait aucune connotation sexuelle. Je l’aimais. Je l’aimais tout simplement. Peut être que j’ignorais ce que le mot aimer signifiait. Aimée est morte elle aussi. Elle s’était dressée dans le lit et le temps d’avoir saisi mon bras elle était morte.

Durant quelques jours, je suis resté enfermé chez moi puis j’ai commencé à sortir, puis à me rendre dans un café à la clientèle constituée de femmes seules et de quelques hommes en quête de bonnes fortunes.

Un soir parce que le café était plein, je me suis assis en face d’une jolie femme dont l’âge ne devait pas dépasser les quarante à quarante cinq ans. Nous avons bavardé. Très rapidement elle a avancé les pieds entre les miens. Elle me regardait dans les yeux. Nous avons continué de bavarder.

- Je vous invite à dîner ?

- Je veux bien.

Après le repas, je l’ai ramenée chez elle, elle m’a demandé si je voulais prendre un dernier verre, et nous sommes montés chez elle. C’est elle qui s’est serrée contre moi pour m’embrasser la bouche ouverte et, corps contre corps, nous nous sommes rendus dans la chambre à coucher.

- Je suis heureuse, tu sais. J’ai tellement peur toute seule. Tu es content ?

Elle s’était découverte, la poitrine dressée.

- Tu aimes mes seins ?

Puis, elle a demandé si j’étais marié. J’ai répondu que j’étais veuf. Elle a paru soulagée et s’est serrée contre moi à nouveau.

- Tu vas rire, mais j’en étais sûre. Je ne t’aurais pas laissé monter, sinon. Faire l’amour, ce n’est pas tout dans la vie.

Je me suis marié pour la troisième fois. C’est de tendresse qu’il s’agissait cette fois. Le soir, je pouvais enfiler mes pantoufles.

Vraisemblablement, nous finirons notre vie ensemble. Le plus ingambe veillerait sur l’autre. Je pourrai lui raconter les péripéties de ma vie avec mes épouses pour étoffer nos conversations. Et, de temps à autre, sans craindre les faiblesses soudaines, lui montrer que l’amour, le vrai amour, constitue un tout.

Elle est morte, elle aussi. 

Mais, elles auraient pu en jurer : j’ai été un mari fidèle.

 

 

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L'implacable saison

 

 

 À mon amie Liliane Magotte

 

Des flocons qui fondent en tombant,

Semblent des larmes de tendresse.

Dès janvier, triomphe le blanc;

Parfois, il cause de l'ivresse.

En couches épaisses, agglutinées,

La neige au soleil éblouit.

Ô ces grisantes matinées,

Offrant des grâces inouïes!

Ceux qui se sentent protégés,

Attendent chaque hiver sans crainte.

Et l'accueillent d'un coeur léger.

Leur ferveur ne s'est pas éteinte.

Les sans abris, face aux outrages,

Restés sensibles à la beauté,

Quand les vents soufflent avec rage

Sont meurtris par leur cruauté.

Pas de complainte nostalgique

De l'être emmuré sous la terre.

Il endure des maux critiques,

Luttant affaibli, solitaire.

10 février 2014

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Mérites et médailles

 

 Soliloque

 

Tous ceux qui participent aux luttes olympiques

Veulent se surpasser en redoublant d’efforts.

Ce ne sont certes pas des rêveurs chimériques.

Ils épuisent leurs corps pour être les plus forts.

Demi-dieux adulés, ils savourent la gloire.

Ébahis et ravis, les peuples les contemplent.

Leurs exploits, c’est certain, chassent les idées noires.

On leur bâtit partout d’immenses nouveaux temples.


Sans doute devrait - on frapper d’autres médailles

A remettre en public et solennellement

Aux chercheurs remportant de fameuses batailles

Victoires célébrées toujours modestement.


Ces héros inconnus sont peu fort applaudis.

On ne soupçonne pas leurs épuisants efforts

Pour combattre, acharnés, des ennemis maudits

Et faire reculer la détestable mort.


Les humains bien des fois se sentent vulnérables.

Les comblent des exploits qui sont réconfortants.

Inconnus restent actifs des êtres indispensables,

Auxquels importe peu la gloire d'un instant.

 

10 février 2014

 

 

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Pourquoi j'écris, pourquoi je n'écris plus...

Je me sens le plus souvent d’humeur très artistique lorsque je suis triste et déprimée.


J’ai par ailleurs réalisé la plupart de mes textes dans un état de chagrin, de solitude ou, paradoxalement, d'extrême exaltation.


L'âme vide ou trop débordante, la tristesse comme la sublimation sont, selon moi, les sentiments qui rendent le plus vulnérable et lorsqu'on est trop vulnérable, on cherche à combler ce manque par l'écriture, la peinture ou tout autre forme d'art...

Aujourd'hui, heureuse, très occupée par mes petits enfants comme depuis plus de deux ans par mon compagnon, je n'écris plus ou alors très rarement. Je me suis même remise à tricoter!!! (humour)

Par contre, lui, mon ami, mon amour tardif, depuis qu'il a pris connaissance de mes textes, il poétise pratiquement chaque jour... (plus de 800 textes aujourd'hui)

12272993278?profile=originalL'an passé en ...mars 2013

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Ce sont des recueils d'extraits, augmentés d'un florilège de sentences, d'Epicure (342-270 avant J.C), qui nous ont été transmis par des écrivains anciens. De tous, le plus important est le manuscrit des "83 Sentences vaticanes", lequel fut découvert par Wotke dans un Codex Vaticanus grec du XIVe siècle qui porte le n° 1950. Dans ce manuscrit l'on trouve une compilation faite par un copiste éclectique de l'époque impériale, qui aurait choisi les sentences les plus propres à susciter la sympathie des non-épicuriens: des sentences "pleines d'herbes et de fruits sauvages, et de joie de l' abstention" (saint Jérôme).

C'est, en fait, un témoignage de l'admiration suscitée dans le monde classique par l'ardent culte du bonheur que préconisait Epicure, et de l'attrait exercé par ses "remèdes de l' âme" ainsi que par le caractère intime de son enseignement, ressortissant plutôt du domaine de la direction des consciences.

En voici quelques témoignages, cueillis dans ce qu'on appelle aujourd'hui les "Paroles" d'Epicure: "Il ne faut pas forcer la nature, mais la persuader" (21); "Nous n'avons pas tant besoin des services de nos amis, que d'êtres assurés qu'ils seraient prêts à nous servir" (34); "...les plaisirs de l' amour ne nous ont jamais servi, et il faut s'estimer heureux s'ils ne nous nuisent pas" (51); "Dans la discussion en commun, celui qui est vaincu obtient le plus grand profit, parce qu'il apprend ce qu'il ne savait pas encore" (74); "Quand on se suffit à soi-même, on arrive à posséder ce bien inestimable qu'est la liberté" (77). Un autre groupe de "Fragments" provient de quelques-unes de ses oeuvres perdues, cités par différents écrivains de l' antiquité, mais qui ne rendent que très imparfaitement l'enseignement de ce philosophe, parce qu'il s'agit soit d'un choix fait par des disciples que leur admiration aveuglait, soit par des adversaires qui, parmi les phrases écrites par Epicure, ont choisi avec soin celles qui pouvaient susciter le moins de sympathie. Plus importants sont les fragments de lettres adressées à Pythoclès, à Mécénée, à Hérodote, à Colotès et à des disciples inconnus: "Si tu vis conformément à la nature, tu ne seras jamais pauvre; si conformément à l' opinion, tu ne seras jamais riche"; "C'est un grand bien, à notre sens, de savoir se suffire à soi-même, non pas qu'il faille toujours vivre de peu, mais, afin que, si nous ne possédons pas beaucoup, nous sachions nous contenter de peu, bien convaincus que ceux-là jouissent le plus de l'opulence, qui ont le moins besoin d'elle"; "Tout plaisir, est, de par sa nature propre, un bien, mais tout plaisir ne doit pas être recherché; pareillement, toute douleur est un mal, mais toute douleur ne doit pas être évitée à tout prix".

Enfin, il faut mentionner les "Fragments d'origine incertaine", dans lesquels on peut trouver des affirmations de ce genre: "Si Dieu voulait écouter les voeux des hommes, il y a longtemps que tous auraient péri, étant donné qu'ils demandent sans cesse beaucoup de choses qui sont nuisibles à leurs semblables"; "Le prinicpe et la racine de tout bien, c'est le plaisir du ventre"; "Les grandes souffrances te font périr en peu de temps et les souffrances qui durent ne sont pas grandes"; Il est ridicule de courir à la mort par dégoût pour la vie, surtout lorsque la mort est devenue nécessaire de par le genre de vie que l'on mène"; Il appartient au sage de distinguer entre l' opinion et l' évidence"; "Vis caché". De ces "Fragments", de toute l'oeuvre d'Epicure, se dégage une tendance vers un bonheur serein et austère, qui ne manque pas de points de contact, ni avec l' ascèse chrétienne, ni avec les enseignements bouddhistes, points de contact nés d'une foi profonde quant aux possibilités sous-jacentes du domaine souverain de la volonté et à une correspondance analogique entre la nature et l'âme humaine. Quant à ses doctrines hédonistes, l'opinion du vulgaire qui représente les doctrines d'Epicure autant d'incitations à un plaisir effréné et incessant (d'où la naissance du mot "épicurien"), elle est mal fondée: le plus haut plaisir se trouve, d'après notre philosophe, dans l'équilibre complet de l' âme, condition sine qua non pour acquérir la sérénité. C'est une savante synthèse de joie et de tristesse que cette "voluptas dolendi", par exemple, que nous retrouvons dans le sentiment inspiré à Epicure par le souvenir des dernières paroles de son frère mourant: "Je me sentis envahi par cette intense langueur de joie, que ne peuvent donner que les larmes".

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Cela remonte si loin. J’ai été terriblement malheureux.  Ne riez pas, je souhaitais mourir. Aujourd’hui, je souris, c’est vrai. Pas du jeune homme niais que j’ai été mais de l’impossibilité dans laquelle je me trouve d’être aussi malheureux à nouveau.

J’avais vingt ans. Je me rendais à Paris pour y passer le week-end chez ma tante. Elle avait mis à ma disposition une chambre de bonne gentiment meublée dans le quartier de l’Odéon.

J’avais l’intention de me promener à travers le quartier latin, de visiter un musée, d’aller au théâtre le soir. Le samedi, j’avais rendez-vous avec Julien Lenoir, un ami que je m’étais fait, à peine plus âgé que moi, un séducteur-né.

Nous devions passer la soirée dans ce qu’on qualifierait aujourd’hui de discothèque, le « bal à Jo », rue de Lappe. On y dansait le tango et la java entrainé par des joueurs d’accordéon qui enchaînaient les danses sans répit. Les filles en devenaient soûles et les garçons, légers comme des bulles, s’élevaient vers le ciel de toutes les espérances.

Julie se serrait contre moi et lorsque la danse cessait, elle me prenait la main jusqu’à ce qu’une autre recommence.

- Tu as une touche.

Julien avait dansé avec d’autres filles. Quelques fois, il  invitait Julie.

- Elle est drôlement bien foutue. J’imagine que tu vas la mettre dans ton lit, veinard.

Finalement nous sommes restés à trois, assis à une table, devant un verre de vin pour Julien et Julie, un whisky pour moi. Julie dansait avec chacun de nous, l’un après l’autre, elle était infatigable.

Elle avait la joue contre la mienne en dansant le tango. De la langue, elle me mouillait l’oreille en parlant.

- Je veux rester avec toi.

- Et Julien ?

- Julien, ça m’est égal.

J’étais devenu profondément amoureux. Nous avons bu quelques verres encore, ma timidité avait disparu, et nous sommes sortis. Julie, entre Julien et moi, nous tenait par le bras. En marchant, de la cuisse, nous nous frottions contre les siennes.

Lorsque nous sommes arrivés dans ma chambre, Julie s’est tournée vers moi.

- Nous restons tous les trois ?

Julien avait commencé de se déshabiller. J’étais paralysé. Julie me fixait sans sourire. Elle avait ôté son pull, et dégrafé son soutien-gorge. J’ai ôté mon pull moi aussi. Julien s’était glissé sous les draps à l’extrême bord du lit.

- Vous venez, il ne fait pas très chaud.

- Tu viens ?

Julie était en culotte, les seins dressés qu’elle caressait d’une main en me tendant l’autre.

- Je ne sais pas ce que j’ai, c’est le whisky, j’ai besoin de prendre l’air.

- Reviens vite. Nous allons réchauffer le lit en attendant.

Je suis sorti. Rue Croix des petits champs, au rez-de-chaussée de l’immeuble, il y avait un café où tous les matins lorsque je logeais chez ma tante je prenais un œuf dur, puis un café et un croissant. Ou un verre de vin blanc comme le faisaient d’autres consommateurs. Le café était fermé.

J’étais prêt à remonter dans la chambre mais j’avais besoin de boire ne serait-ce qu’un verre d’eau. Il suffisait de marcher un peu, l’air était tiède et le ciel particulièrement clair, je trouverais facilement un café encore ouvert.

Paris, la nuit, était à cette époque une ville merveilleuse. A croire qu’il y avait deux villes qui se substituaient l’une à l’autre en fonction du jour ou de la nuit. Peut être que c’est le cas de toutes les villes ? Ou à cause de ceux qui marchent la nuit et qui sont différents de ceux qui marchent le jour.

J’étais exalté. J’avais envie de rire. Julie était nue devant mes yeux. Les seins dressés, elle me tendait la main. J’ai marché jusqu’au pont de l’Alma. Puis plus loin encore en longeant la Seine. Peu de gens se promènent la nuit. Ceux qui le font se croisent parfois mais ne se voient pas. C’était comme si la ville ne se déroulait que pour vous au fur et à mesure de vos pas. A un certain moment, il était trois heures du matin, je me suis senti fatigué. Je voulais rentrer mais il n’y avait pas de rame de métro avant six heures. Je me suis assis sur un banc pour l’attendre. Sur le quai d’en face un homme était assis qui somnolait. Il aurait pu être mon reflet.

Il était près de sept heures lorsque je suis arrivé rue Croix des petits champs. Le café du coin était déjà ouvert. Je suis monté directement à ma chambre. La porte était fermée mais je n’ai eu qu’à la pousser.

Il n’y avait personne. Le lit avait été refait. Je suppose que Julien et Julie étaient rentrés chez eux après m’avoir vainement attendu.

Je me suis assis sur le bord du lit. Soudain, la tête entre les mains, je me suis penché en avant et je me suis mis à pleurer.

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administrateur théâtres

Propos très vrais… à propos de l'Art du Mensonge!

Il y a quelques temps, on jouait  à la Comédie Claude Volter « Si tu mourais » une autre  pièce de Florian Zeller d’une très belle facture. Et déjà, le mensonge n’était pas une vérité en l’air ! Aujourd’hui, au théâtre des Galeries la nouvelle pièce de Florian Zeller « La Vérité » qui est encore une comédie sur le mensonge, est  résolument moderne. C'est l'histoire d'un menteur … à qui tout le monde ment. Sa femme sa maîtresse, son meilleur ami. Cette pièce légère et très cohérente est admirablement servie par un quadrille de comédiens chevronnés, tous plus justes (vrais?) dans leur interprétation les uns que les autres. Remarquez, on s’en doutait un peu, car la distribution cinq étoiles ne peut pas faillir. MARIE-PAULE KUMPS, MARIE-HELENE REMACLE, MICHEL PONCELET et PIERRE PIGEOLET (qui s’appelle Michel) réalisent un sans-faute pour interpréter magistralement, la vitalité et le charme piquant des dames, et le contraste entre l’honnête homme et le mufle, du côté hommes. Des personnages humains et attachants, même celui de Michel qui nous tend son miroir grossissant !

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Le spectateur suit l’évolution de l’intrigue l’œil amusé car c’est à lui de deviner la vérité. Pour une fois, contrairement aux ressorts habituels du théâtre de boulevard, les personnages sur le plateau tournant ne sont jamais sérieux. Tout est faux ! Seriously ? Une pièce poisson d’avril avant l’heure… et une réflexion véritable sur l’approche Voltairienne du mensonge : « Le mensonge n'est un vice que quand il fait mal. C'est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment, et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai à l'occasion. » Une phrase en exergue de la pièce dans l’édition de chez Flammarion en 2011.

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Mais ce qui frappe surtout, c’est la peinture du monstrueux égocentrisme du personnage de Michel, surjoué à dessein par PIERRE PIGEOLET afin que nul n’en n’ignore. Cette masse d’égocentrisme pervers est tellement déferlante et irritante qu’elle contribue à faire accepter encore plus facilement la théorie de Voltaire ! Alors que le personnage de Michel utilise le mensonge uniquement à des fins personnelles. Sous le couvert du mensonge, cette pièce nous dit donc la vérité sur le plus grand défaut de l’homme. No kidding !


Cette comédie dont la mise en scène est signée Patrice Mincke amuse vraiment et pose en filigrane la question du mensonge sous toutes ses formes dans notre société.   Comme le dit très bien George Orwell : "A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire." ...Et dans les relations intimes,  connait-on jamais la vérité de l'AUTRE?


THEATRE ROYAL DES GALERIES, Galerie du Roi 32 1000 Bruxelles, Infos Réservations: 02 / 512 04 07

http://www.trg.be/saison-2013-2014/la-verite/en-quelques-lignes__4585

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Féerie hivernale

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Que s’est-il passé cette nuit?

Ce matin, tous les arbres ont des branches de verre

Et le soleil y joue comme sur du cristal.

Les haies sont devenues buissons de plantes rares.

Lors les passants surpris par ce jardin d’hiver,

S’immobilisent et s’émerveillent.

 

 

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Hommage à Robert Paul sous forme d'acrostiche

 

Rien ne pouvait jamais distraire son ardeur

Ordonnant ses journées pour que jamais ne flanche

Bannissant de ses nuits les futiles langueurs

En écran de lumière et sa beauté si blanche

Rêvant d'un bel outil aux accents novateurs

Tourné vers l'A-Venir, telle était sa devise

 

Pour échanges courtois sans distiller les peurs

Avec dextérité il cueillait la surprise

Unissant Arts et Lettres en hymne à la Beauté

Liant dans l'Infini des réseaux d'Amitié.

 

Rolande Quivron Dimanche 9 février 2014

 

 

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Il neige cette nuit

Il neige cette nuit, de beaux flocons soyeux

Descendent avec lenteur des profondeurs des cieux.

Ils viennent se poser, doux comme une caresse

Sur les grands sapins noirs qui à l’horizon se dressent,

Sur les toits des masures, sur les champs endormis.

Un grand tapis, tout blanc, s’étend à l’infini,

De ses reflets brillants trouant l’ombre profonde.

Mais que deviendra demain, cette féerie du monde ?

Quand le jour ternira ce sol immaculé,

Quand le vent furieux aura tout dépouillé,

Quand l’homme sera passé, l’homme ce virtuose

Dans l’art de tout souiller et les êtres et les choses  ………!

                                                        DanJam (Farnière) Février 1969


(J'avais 19 ans, j'étais en retraite avec ma classe au Château de Farnière. Sortie à peine d'une grosse désillusion de jeunesse, j'ai laissé ce texte dans le livre d'Or de ce centre spirituel au grand dam de mon professeur de français)

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Werbomont, l'an passé, mars 2013

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Essai : « Tanka (Renku) » Souffrance.


A l’appel d’un pleur,
Les horizons ont perdu
Leur vive couleur

Sur un sucre blanc.
Et les oiseaux tombent nus
Car s’est tu leur chant.

Les plages sont vides,
Les embruns n’ont plus de sel,
Tout devient livide

Sous le voile des morts.
Le décor perd l’aquarelle
De plus en plus fort,

Soulevé, craintif,
Car l’ombre s’est installée.
Les échos plaintifs

De cet au revoir,
Imprime cette anxiété
Sur le corps mouroir.

Et c’est un calvaire
Que de souffrir en silence,
D’avoir toujours l’air

Sur une coquille,
En état de transparence,
Petites béquilles

Pour un cœur lassé.
Une à une, les artères vident
Leurs eaux polluées

Sur des mots vacants
De tout réconfort, et guident
Les âmes au néant,

A la douleur vive
D’un cœur, d’un corps, d’un néant
Sous lequel arrive

Le pas de l’oubli,
Pour nier, recrudescent,

La mort dans son nid  (Salobreña 2010)

Essai : « Tanka (Renku) », Le tanka est la forme poétique classique la plus ancienne et on la retrouve dès les premières anthologies japonaises; ainsi, il y en a 4,170 dans le Manyôshû (vers 760).
Le tanka est un poème à forme fixe construit en deux parties, la deuxième venant comme réponse, ou relance, à la première; cette première partie est un tercet de 17 (5/7/5) syllabes et la deuxième est un distique de 14 (7/7) syllabes, ou vice versa. Si ces deux parties sont généralement écrites par un même poète, il n'est pas rare de voir des tankas écrits par deux poètes.Le tanka classique n'était pratiqué qu'à la Cour impériale; il est toujours considéré comme la forme la plus élevée de l'expression littéraire. Poème lyrique, exquis, raffiné, il explore des sentiments "nobles", tels l'amour, la solitude et la mort, selon un ensemble de règles des plus sophistiquées.

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administrateur théâtres

Dans un rythme d’enfer, sortir du cadre!

Je danse donc je suis…

Bob'Art et Pop art, Béjart et Béchart, Danse et Pense : jusqu’où iront les jeux de mots ? Voici un spectacle rebelle très fignolé, monté avec un dynamisme de feu et l’énergie salvatrice du rire. Sortir du cadre : imaginez des cascades de corps sur des miroirs, des tableaux de maître au murs qui s’animent, les faux –semblants d’un cocktail de vernissage, une parodie du boléro de Ravel a capella, et quatre hommes et une femme bobstyle, coiffure au carré, dans un même bateau.

156226_536581049686198_109301172_n.jpg?width=180Ils sont tous animés par la flamme artistique et se connaissent depuis qu’ils ont quitté l’école. Up and down, ils dansent sur l’eau ! C’est leur quatrième spectacle qui se joue actuellement à bureau fermé au théâtre Marni. Les 5 danseurs sont issus de la compagnie mondialement connue que le très regretté chorégraphe français Maurice Béjart fonda à Lausanne, en Suisse, en 1987, lorsqu'il quitta Bruxelles et le Théâtre de la Monnaie, mettant ainsi un terme au prestigieux Ballet du XXe siècle. Jeunes, débordants de talent et d’idées, ces danseurs ont choisi de créer leur propre compagnie il y a trois ans : Opinion Public.

Audacieux plongeon dans l'inconnu, ils ont fait le choix de développer leur propre style, dans un cadre où les danseurs se sentent responsables de toute la production: musique, texte, chorégraphie, lumières... Avec beaucoup de brio ces jeunes artistes, quatre hommes une femme, décortiquent la vanité et les hypocrisies de la société dans ce dernier spectacle. On est éclaboussé par le surréalisme d’une histoire de chat qui danserait sur l’eau en portugais - mais les mimiques font mouche - et le spectacle traduit avec grande sensibilité corporelle l'inquiétude devant la manipulation de nos vies. Ne veut-on pas bientôt d’abord savoir ce que l’emploi de demain réservera à nos jeunes, avant de dispenser l’indispensable enseignement de notre culture ?

Corps à corps en accords et désaccords, rotations et glissages vertigineuses au sol, retour à la vie au fil de l'eau. Les corps flottent et se conduisent comme des chevelures. Abandons et envols. La souplesse vitale suspendue par le fil d’un vêtement ! Esquives étreintes, violences, prises improbables, les couples éphémères dansent leurs batailles sur des crescendos musicaux et dans des creux de silence. Les changements de costumes sont émaillés de confidences : « le bonheur est enterré au fond du jardin! » Des groupes de pingouins, morses, phoques, et autres grenouilles se dandinent sur la noire banquise du plateau. Les voilà qui roulent leur miroir et cela devient un travail de percussions à la chaîne ou une Parodie de clowns sur chaises musicales…. Les grimaces snob sont artistiquement décapées par une attitude poétique très perceptible dans la chorégraphie et dans les mouvements en canons. A la fin c'est le corps humain dans toute sa sacralité qui a le dernier mot.

Cela se passait il y a quelques soirs  au Théâtre Marni:

http://www.theatremarni.com/spip.php?page=detail_event&date=2014-02-05

http://www.opinionpublic.be/BOBART.html

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Une passion ordinaire

 

 

J’ai fait la connaissance de Julie un dimanche après midi alors que j’étais attablé à la terrasse du Wellington.

Il y avait toujours beaucoup d’hommes au Wellington, la clientèle féminine préférait la taverne voisine. Des hommes seuls, plus très jeunes, des hommes sans femme, pas nécessairement des veufs.  C’est d’un même mouvement de la tête qu’ils suivaient du regard celles qui empruntaient le boulevard.

Ils me rappelaient mon adolescence lorsque dans les boites,  le samedi soir, se réunissaient les jeunes gens que nous étions alors. Avant même qu’ils n’aient jeté leur dévolu sur une fille, après les avoirs examinées toutes, une sorte de compétition s’instaurait entre nous. C’était un duel informel fait de mots et de rires.

La fille avait conscience d’être l’objet consentant de notre désir et la fierté comme un fard de lumière illuminait son visage.

Finalement, un seul d’entre nous s’avançait vers elle et laissait au comptoir un groupe de garçons meurtris, et soudain moins bruyants.

Moi non plus je n’avais pas de femme. Durant vingt ans j’ai pensé de Cécile qu’elle était une compagne provisoire en attendant le grand amour. En réalité j’ignorais à quoi je pourrais le reconnaitre, et je suis resté avec Cécile jusqu'à sa mort. Elle apaisait mes besoins sexuels, j’avais une compagne quand je rentrais chez moi, c’était une situation confortable.  La plupart de nos relations croyaient que nous étions mariés. Pendant longtemps j’ai pensé que notre liaison s’achèverait dès que j’aurais rencontré la femme avec laquelle j’aimerais vivre et vieillir.

Lorsque Julie est passée son visage m’a paru familier sans que je puisse le situer. Elle devait avoir une quarantaine d’années, je n’ai jamais pu estimer l’âge des femmes, elle souriait et je l’ai trouvée séduisante.

C’est elle qui s’est approchée de ma table.

- Vous ne me reconnaissez pas ?

- Oui, mais…

Je me suis levé, les mains appuyées sur la table. Un vrai abruti, ai-je pensé.

- La maman de Christian, votre élève.

Je me souvenais à présent. Une dizaine d’années auparavant, elle assistait à des réunions de parents d’élèves. J’avais rarement eu affaire à elle.

- Vous voulez vous asseoir ?

J’ai écarté la chaise voisine de la mienne. Elle s’est assise, le visage tourné vers moi. Elle souriait.

- Vous savez, je vous cherchais.

-Vous me cherchiez ?

- Je ne vous cherchais pas mais j’avais envie de vous revoir. Vous allez rire de moi mais c’est parce que je vous avais reconnu dimanche dernier que je suis revenue aujourd’hui. Vous aviez l’air de vous ennuyer tellement. Je ne vous dérange pas au moins ?

- Vous ne me dérangez pas. Je n’attendais personne.

Le temps était doux bien que l’après-midi fut déjà bien avancée. Julie portait une robe légère dont le col s’ouvrait jusqu’à la hauteur de la poitrine.

Nous sommes restés silencieux jusqu’à ce que Julie me dise :

- J’ai appris que votre compagne était morte, je suis désolée.

J’ai été surpris de la facilité avec laquelle, pour lui répondre, je lui ai parlé de Cécile, de la vie que nous menions, de la solitude dans laquelle je me trouvais. Est-ce qu’au fond, ce n’était pas une preuve d’amour que de se sentir seul à ce point ?

- C’est drôle, je vous parle comme si nous connaissions depuis des années.

- Je vous comprends. A qui peut-on parler sinon à un inconnu ? Mon mari est mort lui aussi. Parfois, je lui reproche de m’avoir laissée. Je me demande s’il  n’eût pas mieux valu qu’il m’eut laissée pour une autre.

Je lui ai demandé si elle accepterait de dîner avec moi.

Après le repas, je l’ai raccompagnée chez elle, elle m’a demandé si je voulais prendre un dernier verre. J’ai hésité, et nous avons fini la nuit ensemble.

Le lendemain, j’ai décidé de ne l’appeler que plus tard. J’avais besoin de réfléchir. Tout me paraissait trop rapide ou trop différent de ce à quoi je m’attendais. D’ailleurs, est-ce que j’attendais quelque chose ?

Le téléphone a sonné. C’était Julie.

- Tu as passé une bonne journée ?

J’avais reconnu sa voix à cette raucité que le téléphone amplifiait, et qui  avait été une caresse supplémentaire durant la nuit.

- J’avais des choses à mettre en ordre, je viens à peine de rentrer.

- Moi aussi, je viens à peine de rentrer. C’est fou ce qu’il y a à faire.

Je ne savais pas ce qu’il fallait dire. J’attendais qu’elle raccroche.

- A demain.

Après un moment de silence, elle a ajouté encore.

- J’espère que tu as passé une bonne nuit.

Pendant deux jours nous ne sommes pas revus. Elle avait téléphoné le lendemain pour me demander de mes nouvelles et le soir, c’est moi qui l’avais appelée pour lui souhaiter une bonne nuit. Puis, elle m’a téléphoné pour m’inviter à dîner le soir même, et j’ai apporté un disque, je craignais que des fleurs aient un caractère trop convenu.

Elle avait dressé la table, mais nous avons pris l’apéritif dans un coin du salon devant le poste de télévision, c’est là qu’elle devait s’asseoir lorsqu’elle était seule.

- Tu veux aller au lit maintenant, nous mangerons après ?

J’ai fait oui de la tête, et elle m’a entrainé en me prenant la main.

Durant deux à trois semaines, nous nous sommes retrouvés chez elle, et notre rencontre se déroulait de la même  façon. Ce qui changeait cependant à mesure que le temps passait, c’était l’intensité de nos rapports physiques. Deux êtres affamés qui s’ingéniaient à des gestes, à des baisers, à des propos capables de leur procurer des sensations à chaque fois plus puissantes. Je n’avais jamais imaginé que le corps pouvait être, c’est Julie qui le disait, un violon dont il fallait se servir en artiste créateur.

- Tu n’aimes pas faire l’amour ?

- Si, si.

Elle y mettait tant d’ardeur que j’avais parfois le sentiment de participer à nos ébats comme un voyeur  avide. Nous reposions côte-à-côte. Elle disait que je lui appartenais davantage quand elle me touchait.

Je ne voyais pas Julie tous les jours mais tous les jours nous nous téléphonions. Lorsqu’ elle m’invitait ou que j’avais envie de passer la nuit avec elle, nous nous retrouvions chez elle ou dans un restaurant où nous avions pris nos habitudes.

Un jour, Julie m’a demandé de l’accompagner à une soirée organisée par une de ses amies à l’occasion de son anniversaire.

- Ce sera l’occasion de connaitre mes amis.

Elisabeth  avait invité Julie, son amie la plus proche, moi et deux couples  dont Julie m’avait dit qu’ils couchaient parfois à quatre.

- Ils sont bien plus heureux que lorsque la timidité les retenait encore.

La soirée avait été fort agréable, nous avions un peu bu, nous avions dansé, nous avions beaucoup  ri de tout et de rien. A un moment de la soirée, Elisabeth avait dit à Julie :

- Tu veux bien ?

Elle m’avait entrainé pendant que Julie diminuait l’intensité de la lumière. Puis elle n’avait plus rien demandé et s’était abandonnée contre moi, la tête sur mon épaule.

Un soir que je me rendais chez Julie, c’est Elisabeth qui se trouvait dans l’appartement. Julie était absente.

Durant huit jours nous ne nous sommes pas revus, Julie et moi. Peut être qu’elle avait pensé que c’était mieux comme ça, que les choses finissent d’une manière ou d’une autre, allez savoir pourquoi ?

Elisabeth avait du lui raconter comment s’était déroulée notre soirée. Elle avait du lui dire que je m’étais littéralement enfui comme si j’avais risqué d’être violé.

Le huitième jour, je lui ai téléphoné.

- Je peux venir chez toi, ce soir.

- Je ne suis pas libre ce soir.

Puis, j’étais sûr qu’elle avait hésité, elle a ajouté :

- J’ai promis à Elisabeth d’aller la voir.

Je me suis rendu dans sa rue en face de la maison. Il y avait de la lumière dans son appartement. J’ai sonné à plusieurs reprises mais personne n’a répondu. Lorsque je suis parti, il y avait toujours de la lumière. Elle ne s’était pas donné la peine d’éteindre avant de soulever les rideaux.

Je suis venu de nombreux soirs. De ma voiture, je regardais ses fenêtres.

Un soir, elle a téléphoné.

- Ca ne peut pas continuer. Tu te conduis comme un enfant.

- Parce que je veux te parler, j’ai besoin de toi.

Elle a presque crié :

- Tout le monde a besoin de quelqu’un. C’est fini, je t’en prie.

- Je veux te parler et je veux te voir, tu comprends

J’ai ajouté :

-  Même si c’est la dernière fois.

-  Tu me jures que c’est la dernière fois.

Je l’ai juré, et Julie m’a dit qu’elle m’attendait. Il était presque minuit quand j’ai sonné. Elle avait posé deux verres sur la table basse 

Je me suis avancé pour l’embrasser, elle a détourné la tête et c’est sur la joue que j’ai déposé un maigre baiser.

- Je voulais te voir. Nous sommes des amis, non ?

- Des amis, oui.

Je me sentais aussi gauche que lorsque nous nous étions rencontrés à la terrasse du Wellington et que je m’étais levé, les mains appuyées à la table pour l’inviter à s’asseoir. Il y avait de la compassion dans ses yeux.

- Tu veux t’asseoir, je t’ai préparé un verre.

J’ai secoué la tête.

- Je veux faire l’amour avec toi Julie, même si c’est la dernière fois.

J’ai mis les mains sur ses hanches,  elle y était aussi sensible qu’à la pointe des seins. Elle avait dit un jour que c’était son petit moteur que je déclenchais, et les yeux de Julie s’étaient enflammés autant pour le geste que pour le mot.

C’est parce que j’ai répété : la dernière fois, qu’elle a porté son ventre contre le mien. Nous avons fait l’amour comme ces jours de grâce où chacun d’entre nous était l’esclave reconnaissant de l’autre. Le visage de Julie était livide, ses traits saillaient sous la  peau.  Je la forçais comme si je la violais. Son visage était devenu laid. Je savais qu’elle jouissait. J’ai serré son cou, et j’ai compris que je l’aimais.

 

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administrateur partenariats

Chers amis,

La saison hivernale nous laisse un peu de répit.

Les frimas ne nous tiennent pas calfeutrés

au coin du feu, et notre blog hivernal

semble s'endormir dans une tranquille béatitude.

Néanmoins, certains membres

sont venus lui rendre visite et ont déposé qui, une peinture ,

qui , un poème , qui, une aquarelle sentant bon la neige

et les beautés qu'elle nous offre souvent....

Nicole Duvivier, Joelle Diehl , ainsi que tous les membres du groupe "Partenariats "

et moi-même avons le plaisir de vous inviter à découvrir et éventuellement commenter

d'une de vous oeuvres , passée ou récente, ce blog qui sera clôturé au printemps

par une belle video reprenant toutes les publications.

Cette aventure des quatre saisons sera unique en son genre et sera

le seul partenariat entre les membres qui vous sera proposé cette année 2014 !

N'hésitez pas à la rejoindre !

Elle vous permettra de découvrir d'autres membres, d'autres talents !

A bientôt !

 

Le lien vers le blog hivernal :

" La battue " Interprétations poésie, peinture et photos entre les membres d'Arts et Lettres, sur un poème de Joelle Diehl et une peinture de Nicole Duvivier

et le blog automnal:

" L'automne est un chant de couleurs"

Les quatre saisons:

"Les quatres saisons sur Arts et lettres"

Liliane

Les partenariats

Arts

12272797098?profile=original

Lettres

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Des vers de Constantin Balmont

 

*

J'ignore la sagesse, utile pour les masses,
Et ne mets dans mes vers que ce qui fuit et passe,
Car l'instant passager, pour moi, contient un monde
Empli de jeux changeants et d'opalines ondes.

Ne me maudissez pas, vous qui vous croyez sages,
Je porte en moi la flamme et ne suis qu'un nuage ...
Et comme le nuage orageux mais si tendre,
Je parle aux seuls rêveurs qui seuls peuvent m'entendre.


Les roseaux

Lorsqu'arrive minuit dans les marais déserts
Les roseaux doucement soupirent dans les airs,
Que disent les roseaux, pourquoi donc ces murmures ?
Pourquoi des feux follets brûlent dans leur verdure ?
Ces errantes clartés sur le miroir des eaux
Se rallument ou bien s'éteignent de nouveau.
Les roseaux de minuit s'inclinent et bruissent,
Ils cachent des crapauds, de longs serpents y glissent.
Le visage penché d'un livide croissant
Se mire dans les eaux, tremblant, évanescent.
Oh ! l'odeur de la vase, étrangement sauvage,
Il aspire, il étreint, l'attirant marécage...
"Qui donc est-ce ... Pourquoi ? demandent les roseaux.
Pourquoi brûlent ainsi des flammes sur nos eaux ?"
Mais le croissant se tait tristement qui l'ignore,
Et penche son profil plus bas, plus bas encore ...
Les roseaux chuchotant dans la nuit de saphir,
D'une âme disparue évoquent les soupirs.

 

Constantin Balmont

(In Anthologie de la poésie russe/ Edition de Katia Granoff/ NRF/Poésie/ Gallimard)



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La meilleure façon d'aimer

 

Je le guettai de ma fenêtre.

Il me dit, d'un air entendu:

Homme ne fut tant attendu!

Et il me tendit une lettre.

...

Mon attitude impatiente,

Il l'avait bien vite perçue.

Ne pensant pas être déçue,

Je me présentai souriante.

...

Non! ce ne fut pas ce matin,

Ni hier, ni dans la semaine.

Mais je suis devenue sereine.

Mon ardent désir s'est éteint.

Le véhicule ailé, ce jour

S'est arrêté loin de ma porte.

Je fus aimée, ce qui m'importe

Est de n'avoir pas le coeur lourd.

...

La meilleure façon d'aimer

Est un échange de tendresse.

La mort ne fait pas qu'elle cesse;

Je la garde vive à jamais.

...

17 septembre 2012

 

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