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Secrets de sculpteur...

Etant très proche de la nature et respectueux envers elle (je sculpte également le bois), j'envisage de partager mes quelques petits trucs de sculpteur avec les membres du site Arts et lettres : trucs, inventions, découvertes comme par exemple le " rocket stove ou poêle fusée " que j'utilise. Les secrets " d'une sorte d'homme des bois ", c'est évidemment un peu hors contexte des arts et des lettres, mais cela vous intéresserait-il ?

Merci de vos réponses. Cordialement, Roger

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WATTEAU : Les Esquisses
à la Royal Academy of Arts de Londres
DU 12 MARS AU 5 JUIN 2011

 

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Jean-Antoine Watteau, Femme portant un manteau sur sa tête et ses épaules, 1718-19. Pierre noire, sanguine et estompe. Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute

 

La Royal Academy of Arts présente pour la première fois en Grande Bretagne une rétrospective majeure des esquisses de Jean-Antoine Watteau (1684 - 1721).

L'exposition rassemble plus de 80 œuvres sur papier produites par l'artiste français. Organisée chronologiquement, elle examine le développement et la maîtrise de ses méthodes de dessin. C'est pour son invention des fêtes galantes , un genre nouveau de peintures de petite taille, représentation de réunions mondaines de gens élégants dans des parcs, que Watteau est peut-être le plus connu. Ces œuvres sont montrées en association avec des scènes de théâtre, des portraits et des intérieurs de magasin.

L'esquisse se trouve au cœur du processus créateur de Watteau;. il accordait une grande valeur a ses dessins et les a conservés dans des volumes reliés dont il se servait comme références pour les postures de personnages dans ses peintures. Tout au long de sa carrière, Watteau a utilisé la craie rouge, dont certaines premières œuvres, comme (1710) et A l'intérieur du magasin d'un Marchand de Tissu (1710), sont exposées

Bien qu'il ait su manier avec excellence toute la gamme de couleurs et de tons possibles avec la craie rouge , il est plus connu pour sa maîtrise de la technique dite des « trois crayons » : une manipulation subtile et une experte mise en équilibre de crayons rouges, noirs et blancs. Il n'a que très peu utilisé le stylo et l'encre mais combinait parfois la craie avec le graphite et a aussi employé la technique du lavis.

Watteau : Les Esquisses, veut montrer la riches se de son œuvre. Les sujets représentés dans ses dessins varient énormément, de l'extrêmement exotique, dans des travaux comme le Persan Assis Portant un Turban (1715), à l'itinérant, comme Le Savoyard Debout (1715) ou encore un esprit joyeux fantaisiste, comme dans Femme sur une Balançoire, Vu de Revers (1715).

L'influence de Watteau a été subtile et profonde, en anticipant l'esprit du Rococo français et en annonçant le travail des Impressionnistes dans l'exécution et le traitement des couleurs. Le travail de Watteau tant comme dessinateur que comme peintre a influencé les générations postérieures d'artistes français, notamment François Boucher et Jean-Honoré Fragonard

L'exposition est réalisée avec le concours de Region Holdings

 

ROYAL ACADEMY OF ARTS Burlington House Piccadilly, LONDRES W1J 0BD
INFORMATIONS : +44 (0)20 7300 8000
HORAIRES : Tous les jours de 10h à 18h, et jusqu'à 22 h le vendredi
Fermeture à 13h le 2 juin
PRIX D'ENTRÉE : ??
COMMISSARIAT : Pierre Rosemberg, de l'Académie Française
Louis Antoine Prat, le Louvre, Katia Pisvin, Royal Academy of Arts
CONTACT PRESSE : Simone SAGI
Tél. 020 7300 5610, Fax 02 7300 8032, E-mail : pressoffice@royalacademy.org.uk

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Belgium in Exile - une exposition aux Archives générales du Royaume
affiche_belgium-in-exile.jpg?width=141Dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l’Union européenne, les Archives de l’État organisent aux Archives générales du Royaume  à Bruxelles une exposition dédiée à la présence belge en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale au sein d’une petite Europe de l’exil libre et combattante.

Au travers des riches archives publiques et privées conservées aux Archives de l’État et récemment ouvertes à la recherche, l’exposition va aborder de façon thématique les multiples facettes de cette société belge de l’exil. Elle tentera aussi de jeter un regard neuf sur l’action du gouvernement belge de Londres qui s’est assigné comme objectif primordial de recouvrer la souveraineté pleine et entière de la Belgique. Cet objectif se trouvera constamment sous la coupe des Grands Alliés anglo-saxons auprès desquels le gouvernement belge doit avant tout restaurer le crédit de la Belgique ruiné par la capitulation de Léopold III, la volonté du roi de rester en pays occupé et les errements gouvernementaux en France non occupée. Il lui faut aussi retrouver une légitimité et rétablir son autorité auprès de ses compatriotes – dans le monde libre et en pays occupé – qui le rejettent et vouent un culte au « roi prisonnier » des Allemands à Laeken.

L’effort de guerre financier et économique, la politique d’encadrement à destination de sa propre population réfugiée en Grande-Bretagne, l’organisation à grands frais d’un ravitaillement limité vers la Belgique occupée ou encore la reconstitution d’une petite armée moderne sur le sol britannique sont symptomatiques de sa volonté de se voir reconnaître par la Grande-Bretagne et les États-Unis le statut d’allié belligérant.


Belgium in Exile, 1940-1944. Gouvernement belge, réfugiés et soldats en Grande-Bretagne

Archives générales du Royaume– Hall d’accueil
Rue de Ruysbroeck, 2 – 1000 Bruxelles

Entrée libre.
Du 9 décembre 2010 au 3 avril 2011.

Heures d’ouverture :
Du mardi au vendredi de 8h30 à 18h00. Le samedi de 9h00 à 12h30 et de 13h00 à 16h00.


Des visites guidées de l’exposition sont organisées sur simple demande via communicat@arch.be
(45 € par groupe et par heure).
 
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Les nuits d'encre

Des auteurs belges à lire, à découvrir, à rencontrer

  • 15.03.2011 - 07.04.2011
  • Gratuit, à l'exception du concert, des pièces de théâtre, des ateliers et soirée de la poésie
  • Ottignies-Louvain-la-Neuve

Du 15 mars au 7 avril 2011, le festival Les nuits d'encre 2011 vous invite à lire, à découvrir et à rencontrer des auteurs belges. Le festival présente pendant plus de trois semaines des rencontres publiques en présence des auteurs dont les textes sont mis à l'honneur, des spectacles, un concert, des expositions et des animations à Ottignies-Louvain-la-Neuve mais aussi à Jodoigne, Nivelles, Rebecq et Wavre.


Placé sous le signe du renouvellement et de la continuité, le festival Les nuits d'encre 2011 offre un programme haut en couleurs et en diversité. Renouvellement car nous y invitons des auteurs qui n'ont jamais fréquenté notre tribune ; continuité puisqu'il s'agit, avec enthousiasme et ténacité, de faire découvrir la littérature francophone de Belgique. Littérature au sens large du terme : nous y incluons, en plus des romans, nouvelles ou essais, la BD, la chanson, la poésie, les expos, la création du spectacle intimiste " Un rendez-vous "... sans oublier les "P’tites nuits d'encre" qui présentent des auteurs et illustrateurs jeunesse de renommée internationale, des lectures et des animations. Une autre manière de découvrir les livres !
 
Les différents artistes belges à découvrir et rencontrer :

Mireille Andries, Henry Bauchau, Geneviève Bergé, Serge Bosmans, Eric Brucher, Clarke, William Cliff, Véronique Daine, Christian Darasse, Valérie de changy, Eric Dejaeger, Paul Dulieu, Ludovic, Flamant, Fred Genet , Bernadette Gervais, Hergé, Karim Gharbi, Roger Leloup, Eric Lenaerts, Dominique Maes, François Maingovall, Dominique Maricq, Maud Milecamps, Florence Noël, Francesco Pittau, Jean-Paul Raemdonck, Greg Shaw, Daniel Tanuro, Claudine Tondreau, Michel Van Zeveren, Marco Venanzi, Virginie Vertonghen, Laurence Vielle, Marcabrune Villa, Véronique Wautier, Catherine Wilkin


Les partenaires :

L’organisation du festival Les nuits d’encre est un partenariat entre la Commission du livre et de l’écriture du Centre culturel d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, les Bibliothèques publiques d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, de Jodoigne, de Nivelles et de Wavre, l’Espace culturel Ferme du Biéreau, UCL Culture et le Centre culturel du Brabant wallon.
Avec la collaboration du Centre culturel de Rebecq, de la Maison du Conte et de la Littérature, du Kot BD, de l’Institut des Langues vivantes de l’UCL, des librairies Agora (Louvain-la-Neuve) et Calligrammes (Wavre), de l’Athénée royal Paul Delvaux (Ottignies-Louvain-la-Neuve), du Collège Saint-Étienne (Les Hayeffes - Mont-St-Guibert), de l’Institut de la Providence (Wavre), de l’Institut Saint-Jean Baptiste (Wavre), du Collège Notre-Dame (Basse-Wavre), du Lycée Martin V (Louvain-la-Neuve), l’asbl Article 27, le CPAS d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, La Tchafouille et quelques amateurs et défenseurs des lettres belges, dont Pierre Tréfois.
Avec le soutien de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, de la Province du Brabant wallon et de la Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.

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Toute la Flandre d'Emile Verhaeren

12272724459?profile=originalRecueil poétique d'Émile Verhaeren (Belgique, 1855-1916), publié à Paris au Mercure de France de 1904 à 1911.

 

Dans le poème "Liminaire", celui qui fut le condisciple de Georges Rodenbach (voir les Vies encloses) annonce son projet de peindre la Flandre dans son éclat passé et son ombre présente, dans les rêves qu'elle fait naître et les désillusions qu'elle engendre. Né à Saint-Amand près d'Anvers, Verhaeren aime cette terre dont le souvenir chauffe ses veines et pénètre ses moelles: amour qui fait du poète de Toute la Flandre un poète national, reconnu de tout un peuple malgré son exil. On retrouve ici cette forme de lyrisme pratiqué par certains romantiques, tels le Hugo de la Légende des siècles ou le Michelet du Tableau de la France (voir Histoire de France), ce lyrisme où l'émotion individuelle sait devenir l'émotion collective.

 

Première partie. "Les Tendresses premières" (1904). Elle rassemble des souvenirs d'une "enfance blonde" où "toute la vie", "avec sa foi naïve et sa timidité", c'est-à-dire où toutes les vraies émotions se sont exprimées. Ce sont les premières tendresses ("Ardeurs naïves"), les premières transformations de la sensibilité ("Convalescence"), les premières frayeurs surmontées ("l'Horloger"), les premiers émois ("Seize, Dix-Sept et Dix-Huit Ans"), les premières amours ("l'Étrangère").

 

Deuxième partie. "La Guirlande des dunes" (1907). Se déployant le long d'un littoral natal baigné par la mer du Nord aux redoutables tempêtes, décrite au fil des saisons (de l'hiver à la belle saison), elle est faite de végétaux marqués par les tempêtes ("Un saule"), d'épisodes rythmés par le temps ("Un coin de quai", "Vents de tempête", "le Péril") et mettant en scène des personnages typiques ("le Ramasseur d'épaves", "Un vieux") ou des sentiments liés à la vie des marins ("les Gars de la mer", "les Fenêtres et les Bateaux", "la Bénédiction de la mer"), d'un paysage enfin qui résume en ses lignes l'âme d'un peuple forgée au contact des éléments ("les Tours au bord de la mer", "les Maisons des dunes", "les Bouges", "l'Été dans les dunes", "les Plages").

 

Troisième partie. "Les Héros" (1908). Jaillis du passé de la Flandre, ils donnent à la race flamande les titres de gloire acquis face aux ennemis venus de Norvège ("Baudouin Bras de Fer"), de France ("Entrée de Philippe le Bel à Bruges", "Guillaume de Juliers"), ou de l'Espagne de Philippe II ("le Banquet des gueux"). L'Histoire donne ainsi des modèles pour les "coeurs nouveaux", deux politiques, "Jacques d'Artevelde", "le Téméraire", des artistes et des scientifiques, "les Van Eyck", "Vésale", "Rubens". Deux fleuves, la "Lys héroïque" et le "Sauvage et bel Escaut" sont les garants du passé glorieux.

 

Quatrième partie. "Les Villes à pignons" (1910). Le poète revient au temps présent et pénètre l'intérieur des terres de Flandre. Du "grand pan de gloire", le lecteur passe à la "vie humble et dérisoire" d'une cité, avec ses vieilles demoiselles dissimulées derrière les fenêtres, ses échevins ou ses petits métiers (les vanniers), ses activités (concours de pigeons voyageurs, de pinsons, kermesses, ripailles), ses cérémonies (les Rois), son architecture (les canaux, la grand-place, l'hospice, la gare). En tous ces poèmes, la gloire passée est sujet de nostalgie et objet de dissémination ("la Vente aux enchères").

 

Cinquième partie. "Les Plaines" (1911). Elles forment le complément attendu de "la Guirlande des dunes" et des "Villes à pignons". Au fil des saisons, les villages s'endorment ou s'animent ("Ténèbres", "Cour de ferme", "Dégel", "le Mardi gras au village", "Premiers Beaux Jours"). Toute une population rurale, avec son avarice, sa dureté, son endurance à la peine ("Fenaison", "Mort du fermier", "les Vieux Paysans"), toute une végétation céréalière ou florale, toute une faune (insectes, oiseaux, "l'Étalon", "les Porcs"), des métiers liés à la vie paysanne ("le Meunier", "les Armes", "les Aoûterons") viennent prendre place dans un décor où la pluie ("les Giboulées", "la Pluie ", "les Chapelles", "les Soirs d'été", "les Beaux Nuages"), l'air ("L'air se durcit", "L'air est humide"), ou le feu ("l' Incendiaire") sont des alliés ou des ennemis redoutés et dont chaque élément ("le Vieux Banc", "le Taillis", "le Vieux Mur") est chargé d'Histoire. Cette vie humble a, malgré tout, une immense saveur: le quotidien peut être beau à qui sait le regarder.

 

Au centre de ce vaste recueil (plus de cent soixante poèmes) se trouvent les "héros". Cette position cardinale donne au lecteur un centre autour duquel disposer les éléments que lui fournissent les poèmes - la progression vers un sommet suivie d'une chute -, et invite à privilégier une lecture historique et éthique du recueil: la Flandre du passé s'illustre par son héroïsme fait de ténacité, d'attachement au droit, d'esprit unitaire face au danger ("les Communiers"), de courage, voire d'intrépidité ("Entrée de Philippe le Bel à Bruges"). Ce sont les mêmes qualités de courage et de santé vigoureuse dont ont su faire preuve les habitants des côtes face aux éléments ("les Tours au bord de la mer", "les Gars de la mer"). Au contraire, dans les villes, ne subsistent que de dérisoires concours de fumeurs de pipes, de colombophiles ou de dresseurs de pinsons. A quoi se réduit "le Grand Serment"? A boire. Dans ces cités, l'homme élu, l'homme du droit, l'échevin est détrôné par le brasseur ("la Bière"). Certains motifs, par leurs transformations, permettent de mesurer cette dégénérescence: telle la fenêtre, qui en une prosopopée invite au repos les bateaux ("les Fenêtres et les Bateaux"), avant de dissimuler, dans la ville, une vieille demoiselle qui épie ses concitoyens et commente les menus faits et gestes des "villes apathiques" ("la Vieille Demoiselle"). Telle aussi la cloche, qui jadis rassemblait ("Mon village", "Bruges au loin", "la Bénédiction de la mer") et ordonnait le paysage autour d'un centre sonore redoublant le centre vertical du clocher, et qui aujourd'hui réunit les buveurs ("le Dimanche") ou s'épuise en un "petit air estropié" ("l'Ancienne Gloire"). Quant aux habitants des plaines, ils sont enfermés dans leur solitude méfiante et leur avarice: les valeurs matérielles (l'or, la terre) se sont substituées à tout absolu; la cupidité divise les familles à la mort d'un père ("la Mort du fermier") et favorise les unions quand l'ancêtre meurt ("Mariages").

 

Est-ce pour autant que Verhaeren condamne ses contemporains? Flamand il se veut, et se sent proche des Flamands ses contemporains. Il nous présente les qualités et les défauts d'une race d'hommes qui s'est façonnée rudement au contact des éléments (l'eau, l'air, la terre). Dans le corps de ces hommes aux goûts grossiers, qui ont su produire des artistes célébrant la chair (Rubens, le modèle de Verhaeren) et dans les formes opulentes des femmes courageuses et toujours désireuses de vivre, s'inscrivent l'histoire d'un peuple, mais aussi les contradictions et les nostalgies intimes du poète. Dans l'habitude et la mort qui étreignent aujourd'hui les cités flamandes, Verhaeren retrouve le spectacle de son propre ennui, comme dans le passé "héroïque" et artistique, il projette ses rêves et ses désirs. Reconstruire "toute la Flandre", c'est se reconstruire soi-même comme une totalité animée d'une vie secrète, en qui cohabitent l'homme amant de sa terre au point d'en être cupide ("la Mort du fermier") et l'animal poussé par un désir fougueux ("l'Étalon"), c'est aussi se situer dans deux temporalités, une diachronie rédemptrice, une synchronie présente, accablante, répétitive, sécurisante aussi.

 

Tout un monde est dépeint dans cette terre faite de la chair des hommes. Les accumulations, les énumérations, l'art subtil du vers court en particulier (vers de deux syllabes par exemple), restituent le spectacle d'une réalité foisonnante et contrastée. La Flandre inspire des modèles esthétiques: le recueil doit beaucoup au modèle pictural flamand, ne serait-ce que dans le titre "la Guirlande des dunes". Les scènes de ferme, les tableaux historiques, les paysages de plaine, les marines, les portraits de gens du peuple sont autant de sujets traités par les peintres flamands. Verhaeren compose ainsi une poésie du concret, voire du trivial: une faune humble (les animaux de basse-cour, les insectes), une flore qui fait une large place aux fleurs des champs, un tas de fumier acquièrent leurs lettres de noblesse. Verhaeren, chantre des rudes pêcheurs et des paysans têtus et rusés, ne compose pas de sages élégies à la manière de Francis Jammes. Il ne renoue pourtant pas avec sa poésie passée, trop descriptive (les Flamandes, 1883) ou trop vouée à célébrer le progrès, nouvelle religion, qui oeuvre dans les villes modernes (les Villes tentaculaires, 1895: voir "les Aoûterons", "l' Usine"). Peu soucieux de religiosité, à l'image des femmes de pêcheurs au catholicisme pratique ("les Chapelles"), il chante ou l'épopée de la nation flamande en lutte contre les éléments déchaînés, ou la vie sordide des paysans attachés à leur or et méfiants à l'égard de tout ce qui les entoure. La charge de concret qui habite sa poésie est considérable: la métaphore ("Le rouet gris des existences") et la métonymie ("L'habitude s'y verrouille") qui lui est souvent associée, unissent intimement l'homme à sa terre, la chair à l'espace, la poésie à la réalité. Bien que choquante, la conduite des paysans de Verhaeren, qui rappellent les paysans normands de Maupassant, voire les habitants de la Beauce de Zola (la Terre), n'est pas sans rapport avec celle des héros du passé animés d'une "haine carnassière": parce que la terre de Flandre impose à l'homme de lutter, elle rend son amour excessif. Dans le glorieux comme dans le sordide, le Flamand sait être grand.

 

L'intérêt d'un tel recueil sera donc aussi esthétique. D'un tas de fumier, on peut faire un poème ("les Fumiers"): "C'est la fête; la fête en or des fumiers gras." Tout est sujet de poésie, puisque tout manifeste une forme de vie qui porte vers l'avant une humanité souffrante et laborieuse, qui se sait séparée de l'absolu et qui veut pourtant retrouver en Flandre le paradis perdu.

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Là-bas

Que vais-je écrire ce soir

Sur le coup de minuit

Sous ce grand ciel si noir

Où seule la lune luit ?

 

Vais-je parler de mes peurs

Face aux ombres maléfiques

Qui empestent le malheur,

Ou du lieu féérique

 

Présent dans tous les rêves

Que toutes les petites filles

Font quand le jour se lève

Pour sourire à la vie ?

 

Emmène-moi là-bas

Sur ta belle monture.

Je veux suivre tes pas

Car j’aime ton allure.

 

Dans ton palais grandiose,

J’entrerais à ton bras.

Il est grand temps que j’ose

Au lieu de rester là

 

À rêver à la vie,

Aux voyages, à l’amour

Refoulant mes envies

Qui veulent renaître au jour.

 

Quand un jour à ma porte,

Tu te présenteras

Espérant que je sorte

Pour te suivre là-bas,

 

J’emporterais une valise

Faite d’eau fraîche et d’amour,

J’enlèverais les balises

Qui traînent aux alentours.

 

14/03/2011

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A l'initiative de Hamza FASSI-FIHRI, Député-Echevin en charge de la Culture de la Ville de Bruxelles.


 Première exposition monographique en Belgique, avant sa présentation au Museum for African Art de New York, les sculptures, installations, photomontages, vidéos plongent le public dans l’univers troublant de Jane Alexander, artiste majeure d’Afrique du Sud.

Née à Johannesburg en 1959, Jane Alexander porte un regard critique sur la situation politique de son pays durant l’apartheid et le post-apartheid ; elle dénonce de manière subversive la violence de la ségrégation, du colonialisme, et plus généralement la domination de certaines minorités.


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journal de bord, lundi 14 mars 2011

 "Tu regardes sans voir"
 
Cette expression, qui balance si bien, musical'ment, dans mon oreille, je la dois à Maxime Leforestier (première époque), dans une chanson intitulée "SI TU ETAIS NE EN MAI"
 
"Tu regardes sans voir"
 
J'imagine que Mai 68 était encore très présent dans l'esprit de son auteur, à l'époque où il a conçu sa chanson.
 
"Tu regardes sans voir"
 
Je retire cette phrase, isolée, de son contexte de départ, peut-être. Dans ma vie de tous les jours, je peux avoir, par périodes, l'impression, le sentiment de marcher ... comme un aveugle.
 
"Prête-moi tes yeux ... pour faire plus ample connaissance de mes propres lieux ..."
 
Georges Chelon, dans une chanson toute simple, évoque aussi ce sujet, cette réalité si proche à mes yeux.
 
De manière naturelle, faut-il le préciser, j'aime regarder ce qui vit autour de moi : les gens, les rues, les façades de maisons, les pots d'fleurs sur les balcons, les quais d'gare, les arbres qui tressaillent derrière les grillages à côté d'un quai d'gare ...
 
Je peux même explorer des lieux que j'ai vu cent fois et les redécouvrir, par un regard (spontané ou décidé), sous un oeil neuf.
 
J'arrive même, avec les années qui passent, à rester immobile dans un endroit où je débarque, à voyager dans ce lieu, même si les objets qui le composent sont ... rares.
 
Cette manière de fonctionner fait partie de mon équilibre (il le nourrit carrément).
 
A tel point que ,,,
 
Dans les periodes ou je vais moins bien, c'est de côté-là que je ressens un manque.
 
Quand j'ai l'impression de traverser ma vie en aveugle, oui.
 
Une chanson a vu le jour, hier :
 
"En bon aveugle ou en bon malvoyant,
Avec ou sans canne blanche, pour paravent,
J'aperçois plus l'orchidée sur ton bar,
Je quitte le bain sans laver la baignoire,
Je reparcoure le marché d'Nivelles
Ou d'Marrakech, en ignorant le ciel,
Dans la rue, les mendiants, les incendies
N'entravent même plus mon anesthésie"
  
"En bon aveugle ou en bon malvoyant,
Avec ou sans canne blanche, pour paravent,
Je m'enfile, j'engouffre mon spaghetti
Comme si j'avais attrapé l'agueusie,
Si, par derrière, quelqu'un vient me parler,
Je ne parviens plus à me retourner,
Je t'embrasse et je regarde le sol
Sans même y détecter les alvéoles"
  
"En bon aveugle ou en bon malvoyant,
Avec ou sans canne blanche, pour paravent,
Je me frotte le nez, je me gratte les puces,
Mes mains, mes doigts végètent autour de mon prépus,
Le moindre incident, le moindre instant présent,
Jadis enivrant, devient soudain transparent,
Le pilotage automatique s'est r'mis
En route depuis ... une semaine et d'mie"



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Humanité…Au lever de ton premier jour, Humainombres et lumières ont essaimé ta vie.Jour après jour tu as construit demainpour faire de cette terre un paradis.Il aurait fallu qu’il n’y ait pas l’envie,pour que tu puisses accomplir ton destin.Mais elle a engendré la jalousie,au lever de ton premier jour.Aujourd’hui à l’avenir incertain,jalousie naissante est l’alibià la haine, préparant le terrain,à la guerre toutes ses ignominies,pour ton âme perdre sur le chemin.Au lever de ton premier jour.Cherche en ton cœur le reste de magieabandonnée au monde souterrain.Celle de l’Amour, afin qu’elle purifiece cœur que les enfants ont dans leurs mains.Alors la vie ne sera qu’harmonie,au lever de ton premier jour.17/01/2007Lunessences

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Constat d’échec

 

Quand geôlière du cœur, raison devient prison,
Partage devient piratage.
La vie n’est alors que vastes perfidies…
Assiégeant le cœur, la morale à l’acte libérateur
Fait la chasse…
Langueurs adultères réprouvées,
Emois libertins bannis
Conscience tue concupiscence…
Restent mélancolie, mensonges d’amour.

Le ciel de l’âme s’assombrit,
Laissant le fleuve noir des reproches
Gonfler le cœur.
Sourdes amertumes, avec perversité
Flagellent la pureté de cet amour défaillant.

Défaite annoncée de la liberté d’aimer….



13/08/2008


Lunessences

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journal de bord, dimanche 13 mars 2011

Un groupe de fleurs, tout au bout du jardin.

 

Même des perce-neiges semblent encore faire partie du voyage, en ce délicieux mois de mars, dont les prémices ensoleillés se font de plus en plus fréquents.

 

Un arbre, avec des plantes de groseilles, qui poussent, qui germent.

 

Des espèces de corbeaux, à deux ou quatre. D’autres oiseaux, de couverture brune, compagnons de fortune (ou d’infortune) des merles courent autour d’un parterre de terre, avec des mouv’ments saccadés qui leur sont propres (comme dans les films muets).

 

De quoi se rincer l’œil, de quoi renaître …

 

« Tu devrais en faire une chanson ! », me dirait une Zoé (ou une de ses consoeurs), rue de Vergnies, un jour où j’en peux un peu moins que d’habitude.

 

T’en fais pas, prunelle, c’est déjà fait.

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LE NUCLEAIRE

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(dessin réalisé dans les années 70

 

LA FIN 

 

 

 

                C'était comme un avion aveugle

                Avec sa charge de neutrons

 

 

                C'était comme un avion aveugle

                Qui glissait dans l'air du matin

                En harmonie avec le monde

 

 

                Inoffensif oiseau splendide

                Cuirassé de gris et d'argent

                Etoilé d'idéaux humains

 

 

                Les hommes qui dormaient là-bas

                En ignorant l'oiseau fantôme

                Etaient enfin au plus haut point

                D'amour et de paix retrouvée

 

 

                Leurs coeurs battaient dedans les villes

                De haute civilisation

 

 

                C'était un avion aveugle

                Avec sa charge de neutrons

                Dans le dernier matin du monde

 

"Poussière d'âme", ed. Chloé des lys 2009

 

 

 

       

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Sur mon chemin...

Sur le chemin…

 

Es-tu sur mon chemin

Pour me dire tout bas,

En me tenant la main

Qu’il règne ici-bas

 

Des êtres remarquables

Qui ne trahissent pas,

Des bonheurs acceptables

Qui ne tarissent pas ?

 

Es-tu sur mon chemin

Pour nourrir mes doux yeux

De ce que le destin

Offre aux gens heureux :

 

L’âme sœur attendue,

Le parfait entendement,

Les promesses tenues,

L’amour passionnément ?

 

Es-tu sur mon chemin

Pour permettre à mon cœur

Se méfiant du malin,

Des menteurs bons charmeurs,

 

D’enlever le cadenas

Du tiroir Confiance

Clos pour tous ces malfrats

Qui m’inspirent la méfiance ?

 

Es-tu sur mon chemin

Pour que de l’exuvie,

Je sorte un beau matin

Pour sourire à la vie

 

Transformée malgré eux

En jolie libellule

Rêvant que les gens heureux

Sur la Terre pullulent ?

 

Peux-tu me dire pourquoi

Nos chemins se confondent ?

Je marche auprès de toi,

Nous sommes sur les mêmes ondes,

 

Celles qui font rêver

Même si le monde a mal,

Celles qui font espérer

Malgré tout ce qui va mal.

 

C’est à n’y rien comprendre,

Sentiment né de rien,

Comment peut-on prétendre

Que nous allons si bien ?

 

Nonobstant les tueries,

Les malheurs, les tempêtes,

Les actes de barbarie,

Nos cœurs restent à la fête.

 

Et pourtant, ça nous touche,

Ça nous crève le cœur

Tous ces coups qui font « mouche »

Et engendrent tant de malheurs.

 

Es-tu sur mon chemin

Pour me souffler tout bas :

« Toi, tu ne risques plus rien.

Maintenant, je suis là.

 

Viens au creux de mes bras,

Mon épaule est pour toi.

Terminés les combats

Qui s’imposaient à toi ! »

 

Est-on sur ce chemin

Pour s’aider à marcher

Dans ce monde de requins

Sans plus s’y trébucher,

 

Nous soutenir, nous relever,

Panser toutes nos blessures,

Mutuellement s’aider

Et vivre belle aventure ?

 

13/03/2011

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Biographie d'Emile Zola (Partie II)

Biographie d'Emile Zola (Partie I)

AFFAIRE DREYFUS

L'affaire qui va alors dévorer la vie de Zola jusqu'à s'identifier durant les trois suivantes années à son existence personnelle, n'éclate pas "tel un coup de tonnerre dans un ciel serein". L'affaire est une crise collective, déclenchée par un fait divers d'espionnage, préparée par toutes sortes de conflits enchevêtrés dont beaucoup ont une centaine d'âge, sans compter les immanents, comme le dialogue de l'ordre et de la liberté.
C'est aussi une crise intérieure du capitalisme : les bourgeois légitimistes, orléanistes, bonapartistes, catholiques, conservateur et réactionnaires, possèdent leur banques et leur hommes ; en face, d'autres bourgeois, protestants, juifs, républicains. Depuis le krach de l'Union générale, les premiers attendent le moment opportun de régler leur compte aux second.
Un élément va rendre le mal irréparable : la presse. C'est elle qui va donner à l'Affaire ses dimensions, accueillir les mensonges les plus effarants, provoquer au meurtre, obéir au cabinets, à l'Etat-major, à la police, aux révolutionnaires et aux banquiers. Par la voix de la presse, la France délire, avec quarante de fièvre, pendant une dizaine d'années.
Quand Zola rentre d'Italie, il ne sait rien. Il déteste toujours la politique. Lorsque quelques jeunes gens lui proposent de se présenter à la députation, en dépit de ses faiblesses pour la jeunesse, il refuse.

Le 5 janvier 1895, Zola dîne chez Alphonse Daudet, malade. Alphonse excusa son fils qui assistait à la dégradation du capitaine Dreyfus. C'est un dîner tranquille, bavard, anecdotique, littéraire. Puis arriva Léon. Avec le fils Daudet, la vie ardente et folle entrait dans la maison du malade. A vingt-six ans, il n'était pas encore l'obèse gastronome de la petite histoire, mais il avait déjà ce profil sémite que la nature s'était divertie à donner à cet antijuif. Et il retrace la dégradation du capitaine. On se hâta de reparler voyages.

En octobre 1897, deux ans et demi plus tard, Zola dînait chez son musicien et ami Alfred Bruneau. Alfred Bruneau et Zola se ressemblaient étrangement. Le romancier était las, miné par une préoccupation intérieure, pâle, d'une blancheur de poisson. En fait l'affaire Dreyfus le préoccupait.
Entre le dîner chez Daudet et celui-ci, trente-trois mois s'étaient écoulés. Il avait fallu ce temps pour tirer Zola de son œuvre.

Voici l'exposé des faits.
Ce n'est un secret pour personne que les Italo-Allemands entretiennent en France un service de renseignements. Leurs chefs sont leurs attachés militaires. Le colonel de Schwartzkoppen pour les Allemands, le colonel Panizzardi pour les Italiens, le colonel Schneider pour les Autrichiens.
L'Etat-major français a un service de contre-espionnage, la Section de statistique. Ce service relève du bureau de l'Etat-major, qui relève lui-même du ministère de la Guerre. Mais il y a eu des fuites ces dernières années.
Sandherr, le chef de la Section, met au courant de ces fuites le général Mercier, alors ministre de la Guerre. Un informateur haut placé avertit le service, au printemps de 1894, qu'un Français renseigne Schwartzkoppen et Panizzardi. En juin, le commandant Henry, l'adjoint de Sandherr, a confirmation du fait. Il organise la surveillance. Sans résultat. Or, il faut savoir que la France entretien des agents au cœur de l'espionnage allemand..."
A la fin de septembre 1894, au ministère de la Guerre, le commandant Henry apporte un papier. C'est un bordereau d'expédition de renseignements, écrit par un agent secret de Schwartzkoppen.
Le bordereau provenant de l'ambassade d'Allemagne est reconstitué, recollé, lu. Il annonce en effet aux Allemands la livraison de notes secrètes. Le général Mercier montre le document à Casimir-Perier, président de la République, et à Charles Dupuy, président du Conseil, qui convoque Guérin, ministre de la justice, et Hanotaux, ministre des Affaires étrangères. Comme le document provient d'un vol à l'ambassade d'Allemagne, Hanotaux préconise l'étouffement. L'avis contraire prévaut.
On a craint que l'Allemagne ne déclare la guerre à la France, mais on s'est décidé à poursuivre quand même... Les parties techniques du bordereau firent penser que l'espion était un officier d'artillerie, attaché à l'Etat-Major. Le 6 octobre, le lieutenant-colonel Daboville se fait fort de découvrir l'auteur. Un juif, sûrement. L'Etat-Major tout entier lit La Libre Parole. Or, tous les jours, La Libre Parole publie des phrases antisémite.
Daboville s'arrête sur les ressemblances qu'offre l'écriture d'un capitaine Dreyfus avec le document volé à l'ambassade. Du capitaine Dreyfus, un juif de l'Etat-Major. Il demande son avis à Gobert, l'expert de la Banque de France, qui conclut que la lettre anonyme parait être d'une personne autre que soupçonnée. Bertillon, lui, chef de l'anthropométrie, prend parti pour l'identité. Bertillon, aussi, est antisémite. Son avis l'emporte sur celui de Gobert. Du Paty de Clam est nommé officier de police judiciaire. Autre antisémite. Le 15 octobre 1894, on convoque le capitaine Dreyfus pour une inspection générale, à neuf heures du matin, en tenue bourgeoise. Du Paty de Clam, pour acquérir la preuve définitive de la culpabilité de Dreyfus, lui dicte une lettre, dans laquelle il a glissé les termes du document même. Dreyfus écrit. Pour Du Paty, pas de doute, c'est bien l'écriture du bordereau. L'indifférence de Dreyfus prouve simplement que c'est un traître endurci. Il inculpe Dreyfus de haute trahison. Il propose un revolver à Dreyfus, pour qu'il se fasse justice...
Et Henry conduit Dreyfus au Cherche-Midi. Mais bientôt, Du Paty doit conclure à la fragilité de la preuve matérielle et à la probabilité d'un acquittement. Hanotaux veut de plus en plus étouffer. Mercier hésite. Alors, La Libre Parole de Drumont, toujours elle, pour lui forcer la main, publie le 29 octobre :"Haute trahison. Arrestation de l'officier juif Alfred Dreyfus."
Le commandant Henry renseignait en sous-main les publicistes qui traînaient tous les jours dans la boue son chef, le général Mercier, surnommé le général Ramollot ! Connaissait-il le vrai coupable?
Le général Mercier, poussé à l'irréparable par ses propres officiers, ne peut plus reculer, Dreyfus acquitté, c'est sa chute. Il fait constituer par son Service de statistique un dossier secret, qu'il soumet au dernier moment, à l'insu de l'accusé et de son défenseur, aux juges du conseil de guerre. A huis clos. Sous le chantage que voici : le huis clos, ou l'Allemagne nous déclare la guerre. Bref, Dreyfus est condamné à la dégradation militaire et à la déportation dans une enceinte fortifiée.
Dreyfus avait des frères. L'un d'eux, Mathieu, dès la fin du procès, quitte son usines d'Alsace. Sa conviction de l'innocence d'Alfred Dreyfus lui donne l'énergie nécessaire à une intervention continue.
Fort de cette conviction, Mathieu Dreyfus se met en contact avec Maître Demange, l'avocat de son frère au conseil de guerre, et demande le dossier. Maître Demange ne peut pas le communiquer : l'avocat a été prévenu, en raison du huis clos, que toute indiscrétion le ferait poursuivre, lui aussi, pour espionnage. Cependant, le commandant Forzinetti, qui a gardé Dreyfus au Cherche-Midi, remet à Mathieu un rouleau que lui a confié son pensionnaire au moment de son transfert. Mathieu Dreyfus prend enfin connaissance de l'acte d'accusation.
Le docteur Gilbert, du Havre, est un ami de Félix Faure, le nouveau président de la République. Mathieu voit le docteur Gilbert. Celui-ci demande audience à Félix Faure. Ennuyé, il confirme la décision. Il autorise Gilbert à confirmer l'existence du dossier secret à Mathieu Dreyfus. Il croit, dans sa cécité juridique, que cet aveu aggrave encore le cas du "traître"! En avril 1895, maître Demange apprend que Ludovic Trarieux, ministre de la justice, aurait confié que la pièce secrète sur laquelle on a condamné Dreyfus serait un document d'origine allemande, dans lequel il est question de "ce canaille de D.". Tracieux confirme. Mais Mathieu ne peut utiliser ces renseignements, sous peine d'être lui-même inculpé d'espionnage. Les portes sont verrouillées.
Une lutte sourde se déroule pour la succession du colonel Sandherr qui va devenir bientôt général, mais en qualité de paralytique, dès juillet 1895. Le commandant Henry, l'homme qui a fait émerger le bordereau à la surface de l'Histoire, veut la place. Cependant, ce n'est pas cet agent de second plan que les grands chefs désignent pour succéder à Sandherr, mais le commandant Georges Picquart, un breveté d'Etat-Major, recommandé par le général de Boisdeffre à Zurlinden, ministre de la Guerre. Zurlinden l'a nommé, après avoir fait vérifier que Picquart n'est pas juif !
Picquart, lui aussi, connaît l'affaire depuis l'origine. Il a suivi le procès pour le compte de Mercier, ministre de la Guerre. Picquart, abasourdi par le vide des débats, croyait à l'acquittement. Pourtant, discipliné, il ne se choqua pas tout de suite de l'emploi du dossier secret. Au contraire, cela le rassurait plutôt. Mais ce dossier, à partir de sa prise de pouvoir, il l'a sous la main.
Picquart sait déjà bien des choses, que Zola ne connaîtra que plus tard. Par exemple, le contre-espionnage qu'on appelle dans le sérail "la voie ordinaire", une femme de ménage, Mme Bastian, engagée à l'ambassade d'Allemagne. La Section de statistique lui donne 250 francs par mois pour qu'elle dérobe le contenu des corbeilles à papier et le fasse parvenir au siège de la Section
Or, vers mars 1896, la voie ordinaire transmet au Service les débris d'un pneumatique, appelé alors petit bleu, rédigé par Schwartzkoppen. Reconstitué, ce document met en cause un commandant Esterhazy, rue de la Bienfaisance. Picquart enquête sur cet officier. Esterhazy, qui a abandonné sa femme et ses enfants, vit avec une ancienne fille publique, Mme Pays. Il est joueur, débauché, sans scrupule, et, justement, il a été candidat à la Section !
La France entretient en Allemagne un agent double dévoué, nommé Cuers. Bon moyen de vérifier ! Picquart organise une entrevue à Bâle avec Cuers, Henry demande à y être envoyé. Picquart expédie son subordonné dont il ne se méfie pas, et Henry décourage simplement Cuers de révéler à ses chefs que les services allemands ignorent réellement tout de Dreyfus. Cependant Picquart compare les écritures d'Esterhazy, de Dreyfus et du bordereau. Il est effaré : le bordereau a pu aussi bien être écrit par Esterhazy que par Dreyfus ! Picquart va soumettre sur-le-champ à Bertillon un échantillon de l'écriture d'Esterhazy.
L'expert confirme sans hésiter qu'il s'agit bien de l'écriture du bordereau.
Quand Picquart lui fait remarquer que le scripteur n'est justement pas Dreyfus, Bertillon répond, imperturbable que les juifs se sont entraînés à imiter son écriture ! Ils sont arrivés à la perfection.
Picquart se décide à ouvrir le dossier secret, en dépit de la consigne permanente laissée par son prédécesseur et selon laquelle le dossier ne peut être consulté qu'en présence du Chef de l'Etat-Major lui-même, alors le général Gonse. Il comporte bien la pièce "ce canaille de D", dont Trarieux a parlé à Mathieu Dreyfus. C'est bien sur elle qu'on a condamné l'officier juif. C'est une lettre adressée par Schwartzkoppen à son collègue italien Panizzardi, pour l'avertir que "ce canaille de D.", avec qui l'attaché italien avait rompu toute relation, désirait les reprendre !
Picquart analysa le reste du dossier. L'officier ressentit un profond malaise :"J'avoue que j'eus un moment de stupeur. Je croyais trouver des choses graves, et je ne trouvai en somme qu'une pièce pouvant s'appliquer au moins aussi bien à Esterhazy qu'à Dreyfus."
Le 3 septembre 1896, Picquart a une entrevue avec le général Gonse, que Boisdeffre, chef d'Etat-Major général, a délégué à ces affaires parce qu'il est son second.
Gonse tient à étouffer l'affaire, Picquart qui a une autre conception de l'honneur veut tout dévoiler ; "Je ne sais pas ce que je ferai, mais je n'emporterai pas ce secret dans la tombe."
Picquart s'est condamné. En novembre 1896, il est expédié en mission d'inspection sur les frontières italiennes et allemandes puis en Tunisie, dans un secteur dangereux. Cependant, Picquart, s'est confié à son ami et conseiller l'avocat Leblois. Il lui a fait jurer de ne se servir ni de son nom ni des secrets communiqués dans une controverse publique, et Leblois respectera son serment. Il est d'ailleurs trop tard pour étouffer.
En effet, le 14 septembre 1896, L'Eclair révèle au grand public l'existence du dossier secret. Le Journal riposte en publiant la pièce ultra-secrète "ce canaille de D". Comment l'a-t-il eue ? Par Henry ! Le 6 novembre, le journaliste Bernard Lazare, fondé de pouvoir des défenseurs de Dreyfus, lance à Bruxelles :"Une erreur judiciaire : La vérité sur l'affaire Dreyfus." Le 10, Le Matin reproduit le fac-similé du bordereau que Bunau-Varilla tient de M. de Teysonnières, un des experts. On s'arrache les éditions, car le public n'a encore rien vu des pièces essentielles.
L'affaire est définitivement sortie de l'ombre.
En automne 1896, Zola n'est toujours devant ce drame qu'un Français moyen, un peu agacé qu'on parle tant de ce Dreyfus, et étonné de la fougue à défendre le proscrit que déploie le romancier Marcel Prévost, par exemple.
En juillet 1897 Leblois agissant pour Picquart alors exilé à la frontière tripolitaine, communique au sénateur, sous le sceau du secret, les renseignements qui fondent la conviction de Picquart. Scheurer agit aussitôt sur Félix Faure, Méline, le général Billot, mais sans indiquer ses raisons. Il espère que toute une vie d'honneur tiendra lieu de caution.
La prise de position de Scheurer-Kestner inquiète l'Etat-Major. Billot, ministre de la Guerre, et Gonse se retournent encore une fois vers la Section de statistique avec cette thèse :"Les juifs vont tenter de sauver Dreyfus ; ils affirment avoir trouvé le vrai coupable, or, celui-ci est un officier loyal et "de nos idées". Il faut empêcher à tout prix les juifs de le dénoncer et étouffer le scandale. Henry compose un nouveau dossier, avec des photographies de fausses lettres de Dreyfus à l'empereur Guillaume II, une fausse lettre de l'empereur d'Allemagne et la photographie d'un faux document portant des annotations marginales de l'empereur lui-même !
Mais un nouveau danger apparaît. Pour que "ça marche", il faut la complicité d'Esterhazy, nerveux et fanatique. Billot charge Du Paty de Clam d'être l'intermédiaire entre l'Etat-Major et Esterhazy. Le 23 octobre 1897, le marquis se munit de lunettes bleues pour rencontrer Esterhazy, au parc Montsouris .C'est la fameuse dame voilée dont parlera bientôt toute la presse. Là, il lui fait comprendre que l'Etat-Major le couvrira. A condition qu'il obéisse. Du Paty suggère à Esterhazy de demander audience au ministre de la Guerre. Esterhazy s'y rend et parle haut :"J'ai un héritage de gloire à défendre. Au besoin, je m'adresserai à l'empereur d'Allemagne. Quoique ennemi, c'est un soldat !"En outre, il fait savoir que la dame voilée lui a remis un document disparu du ministère de la Guerre, accablant pour Dreyfus. Ce document, bientôt dénommé le "document libérateur", Esterhazy le restitue mais il en détient la photographie. Cette lettre de pur chantage adressée à Félix Faure lui-même, c'est Du Paty de Clam qui l'a dictée à Esterhazy.
Pendant ce temps, le général Billot renseigne sans vergogne la presse et fait insulter son ami d'enfance Scheurer-Kestner par les journaux qui émargent aux fonds secrets ! Esterhazy va lui-même porter aux journaux les articles inspirés par l'Etat-Major, au Soir, à La Libre Parole, à l'écho de Paris, à La Patrie. Et Henry s'occupe personnellement de Drumont !
Tandis que, sur les Boulevards, des camelots vendent des placards publiant le fac-similé du bordereau, un banquier, Castro, reconnaît l'écriture d'un de ses clients : le commandant Walsin Esterhazy. Il le proclame. Mathieu Dreyfus bondit chez Scheurer-Kestner qui ne peut parler, lié par sa parole à Lebloir, et à Picquart. Mathieu Dreyfus prononce le premier le nom d'Esterhazy. Scheurer acquiesce.
Le 15 novembre, Mathieu Dreyfus, qui tient le fait nouveau si âprement recherché pour pouvoir obtenir la révision, dénonce M. le comte Walsin Esterhazy, commandant d'infanterie, mis en non-activité pour infirmités temporaires au printemps dernier, comme auteur du bordereau sur lequel on a condamné son frère.
Les Pouvoirs ne peuvent plus reculer.
Cependant, les dreyfusards ont trouvé deux recrues, dont l'alliance va faire basculer l'Affaire. Zola écrit à Scheurer-Kestner :"Votre attitude, si calme au milieu des menaces et des plus basses insultes, me remplit d'admiration. Vous livrez le bon combat pour la vérité : c'est le seul bon, le seul grand."
Quant à l'autre recrue, c'est Clemenceau, véritable antidreyfusard de tempérament, qui grondait encore quelques mois plus tôt :"Ils nous embêtent avec leur juif !"et qui réunissait alors autour de lui et d'Ernest Vaughan la nouvelle équipe de L'Aurore, Urbain Gohier, Lucien Descaves, Mirbeau, Bernard Lazare, Steinlen, et qui venait de demander à celui qu'il connaissait depuis leurs débuts communs au Travail, trente ans avant, de se joindre à eux, Zola.
Dans le tumulte, M. de Schwartzkoppen, obéissant à la prudence qui veut qu'un attaché militaire s'en aille quand un de ses agents est brûlé, nommé commandant du 2e régiment des grenadiers de la Garde à Berlin, déménageait discrètement.
Averti par Scheurer-Kestner, le général de Pellieux, qui est chargé de l'instruction militaire de l'affaire Esterhazy, ne peut refuser de faire saisir un paquet de lettres d'Esterhazy chez une ancienne maîtresse dudit, Mme de Boulancy. Ces lettres sont si effarantes que les dreyfusards eux-mêmes ne voudront pas croire d'abord à leur authenticité.
Cet amoureux du militarisme germanique devait être un bretteur redoutable ? Pas du tout. Félix Faure a peur, Esterhazy bombe la poitrine. Un juge d'instruction l'interroge, sans craindre son regard noir, il se couche. Le loup ? Non, le chacal, nourri de viandes mortes. Réservant la câlinerie
Zola rencontre ces jours-là Fernand de Rodays, directeur du Figaro.
De Rodays lui ouvre les colonnes de son journal. Dans le premier article, Zola fait l'éloge de Scheurer-Kestner, dont il vante "la vie de cristal. Le second "papier" paraît. Zola répond à ceux qui affirment que les amis de Dreyfus sont groupés dans un syndicat clandestin, animé par des banques juives :
On accuse aussitôt Zola d'être vendu à l'or juif, comme Scheurer-Kestner, comme Clemenceau. On donne des chiffres : deux millions. Zola ricane "Ils m'estiment."
Il publie le troisième article contre le "cerveau fumeux de Drumont".
L'ambiance devient menaçante. Les amis se séparent. Les familles se déchirent. On clame, on manifeste. Millerand et Reinach se battent. Le 4 décembre, Méline lance à la tribune de la Chambre "Il n'y a pas d'affaire Dreyfus !"
Naturellement, on se désabonne du Figaro à cause des articles de Zola-la-Honte. Rodays lâche Zola, qui continue sa campagne par brochures. Il se retourne vers l'amie de toujours, la jeunesse, la suppliant de se ranger du côté de la justice. La jeunesse est du côté du chahut, et le chahut avec les antidreyfusards.
Le 20 décembre 1897, un corbillard roule vers le Père-Lachaise. On gronde sur les trottoirs quand on voit passer derrière le D d'argent du pauvre Alphonse Daudet, tenant les cordons du poêle, deux hommes qui se déchirent quotidiennement et qui se taisent, le visage gonflé et les yeux rouges, Drumont perdu dans sa barbe obscène, Zola hagard, tête baissée.
Zola prononce le discours d'usage, sous la mauvaise pluie qui crépite et fait luire la glaise.
C'est le silence sur le cimetière, le calme imprévu au cœur de l'ouragan, l'œil de la tempête.
Le 7 janvier, Zola publie sa nouvelle brochure, Lettre à la France..
Le 10 janvier, Esterhazy comparait devant le conseil de guerre, au Cherche Midi. Tout de suite, l'argumentation de l'Etat-Major s'installe, celle de Henry. On a dissimulé l'écriture d'Esterhazy ? La ressemblance est une preuve de plus de son innocence.
L'armée était alors dominée par un Etat-Major de "brevetés" qui croyaient leur pouvoir de droit divin. Le procès est donc purement formel. Une affaire intérieure. Une affaire de sérail. On entend Mathieu Dreyfus et Scheurer-Kestner, Mlle Pays, Picquart. Huis clos. Picquart est confronté avec Henry. Le S.R. au grand complet vient couvrir Esterhazy et défendre le chef qu'il s'est choisi, Henry, contre le chef officiel qu'il n'a jamais reconnu, Picquart. C'est le général de Pellieux, l'exécuteur du ministère, qui mène le jeu. Le commissaire du gouvernement, constatant qu'il n'y a pas de preuve, acquitté.
Picquart, accusé d'avoir communiqué à des civils des pièces du dossier ou leur contenu, est arrêté et conduit au Mont-Valérien. Les partisans de Dreyfus sont atterrés. Henry se frotte les mains. Tout est dans l'ordre, Esterhazy est acquitté.
Zola a toujours été pour l'individu contre les foules, Il a défendu Manet bafoué. Il s'est indigné à la suite du suicide, en 1866, d'un peintre refusé au Salon. Vingt ans plus tard, il y a eu l'affaire Desprez, parfaitement significative de ses réactions.
L'écrivain se trouvait en disponibilité, dans la situation où il était après les Rougon-Macquart : il venait de finir Les Trois Villes. C'est encore lui-même qui le dit -"Si j'avais été dans un livre, je ne sais ce que j'aurais fait."
Zola va alors se lancer dans cette bataille de la réhabilitation de Dreyfus.
"Il faut amener l'affaire devant les civils. je vais publier une telle brochure qu'ils seront obligés de me traîner aux assises" Clame Zola
Il se met au travail, la nuit du 11 au 12, et toute la journée du 12 janvier 1898. Il est libre. Il éditera chez Charpentier. Mathieu Dreyfus et Reinach l'ont largement informé. Soudain, une idée naît : si la brochure était publiée par Vaughan, la diffusion serait plus rapide et plus puissante. Vaughan, soit.
Le 12 au soir, à L'Aurore, une conférence réunissait Vaughan, Bernard Lazare, Georges Clemenceau, Peinach... La voix blanche, les mains tremblantes, Zola lisait :

"J'Accuse...!"

Lettre au Président de la République

Par Emile Zola

"L'Aurore" jeudi 13 janvier 1898

A Monsieur le Président de la République Félix Faure

Monsieur le Président,

Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m'avez fait un jour, d'avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu'ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ?

Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l'apothéose de cette fête patriotique que l'alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition Universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté. Mais quelle tache de boue sur votre nom - j'allais dire sur votre règne - que cette abominable affaire Dreyfus! Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la France a sur la joue cette souillure, l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis.

Puisqu'ils ont osé, j'oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis.

Et c'est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d'honnête homme. Pour votre honneur, je suis convaincu que vous l'ignorez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n'est à vous, le premier magistrat du pays?

La vérité d'abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus.

Un homme néfaste a tout mené, a tout fait, c'est le lieutenant-colonel du Paty de Clam, alors simple commandant. Il est l'affaire Dreyfus tout entière; on ne la connaîtra que lorsqu'une enquête loyale aura établi nettement ses actes et ses responsabilités. Il apparaît comme l'esprit le plus fumeux, le plus compliqué, hanté d'intrigues romanesques, se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts, les femmes mystérieuses qui colportent, de nuit, des preuves accablantes. C'est lui qui imagina de dicter le bordereau à Dreyfus; c'est lui qui rêva de l'étudier dans une pièce entièrement revêtue de glaces; c'est lui que le commandant Forzinetti nous représente armé d'une lanterne sourde, voulant se faire introduire près de l'accusé endormi, pour projeter sur son visage un brusque flot de lumière et surprendre ainsi son crime, dans l'émoi du réveil. Et je n'ai pas à tout dire, qu'on cherche, on trouvera. Je déclare simplement que le commandant du Paty de Clam, chargé d'instruire l'affaire Dreyfus, comme officier judiciaire, est, dans l'ordre des dates et des responsabilités, le premier coupable de l'effroyable erreur judiciaire qui a été commise.

Le bordereau était depuis quelque temps déjà entre les mains du colonel Sandherr, directeur du bureau des renseignements, mort depuis de paralysie générale. Des "fuites" avaient lieu, des papiers disparaissaient, comme il en disparaît aujourd'hui encore; et l'auteur du bordereau était recherché, lorsqu'un a priori se fit peu à peu que cet auteur ne pouvait être qu'un officier de l'état-major, et un officier d'artillerie: double erreur manifeste, qui montre avec quel esprit superficiel on avait étudié ce bordereau, car un examen raisonné démontre qu'il ne pouvait s'agir que d'un officier de troupe.

On cherchait donc dans la maison, on examinait les écritures, c'était comme une affaire de famille, un traître à surprendre dans les bureaux mêmes, pour l'en expulser. Et, sans que je veuille refaire ici une histoire connue en partie, le commandant du Paty de Clam entre en scène, dès qu'un premier soupçon tombe sur Dreyfus. A partir de ce moment, c'est lui qui a inventé Dreyfus, l'affaire devient son affaire, il se fait fort de confondre le traître, de l'amener à des aveux complets. Il y a bien le ministre de la Guerre, le général Mercier, dont l'intelligence semble médiocre; il y a bien le chef de l'état-major, le général de Boisdeffre, qui paraît avoir cédé à sa passion cléricale, et le sous-chef de l'état- major, le général Gonse, dont la conscience a pu s'accommoder de beaucoup de choses. Mais, au fond, il n'y a d'abord que le commandant du Paty de Clam, qui les mène tous, qui les hypnotise, car il s'occupe aussi de spiritisme, d'occultisme, il converse avec les esprits. On ne saurait concevoir les expériences auxquelles il a soumis le malheureux Dreyfus, les pièges dans lesquels il a voulu le faire tomber, les enquêtes folles, les imaginations monstrueuses, toute une démence torturante.

Ah! cette première affaire, elle est un cauchemar, pour qui la connaît dans ses détails vrais! Le commandant du Paty de Clam arrête Dreyfus, le met au secret. Il court chez madame Dreyfus, la terrorise, lui dit que, si elle parle, son mari est perdu. Pendant ce temps, le malheureux s'arrachait la chair, hurlait son innocence. Et l'instruction a été faite ainsi, comme dans une chronique du XVe siècle, au milieu du mystère, avec une complication d'expédients farouches, tout cela basé sur une seule charge enfantine, ce bordereau imbécile, qui n'était pas seulement une trahison vulgaire, qui était aussi la plus impudente des escroqueries, car les fameux secrets livrés se trouvaient presque tous sans valeur. Si j'insiste, c'est que l'œuf est ici, d'où va sortir plus tard le vrai crime, l'épouvantable déni de justice dont la France est malade. Je voudrais faire toucher du doigt comment l'erreur judiciaire a pu être possible, comment elle est née des machinations du commandant du Paty de Clam, comment le général Mercier, les généraux de Boisdeffre et Gonse ont pu s'y laisser prendre, engager peu à peu leur responsabilité dans cette erreur, qu'ils ont cru devoir, plus tard, imposer comme la vérité sainte, une vérité qui ne se discute même pas. Au début, il n'y a donc, de leur part, que de l'incurie et de l'inintelligence. Tout au plus, les sent-on céder aux passions religieuses du milieu et aux préjugés de l'esprit de corps. Ils ont laissé faire la sottise.

Mais voici Dreyfus devant le conseil de guerre. Le huis clos le plus absolu est exigé. Un traître aurait ouvert la frontière à l'ennemi pour conduire l'empereur allemand jusqu'à Notre-Dame, qu'on ne prendrait pas des mesures de silence et de mystère plus étroites. La nation est frappée de stupeur, on chuchote des faits terribles, de ces trahisons monstrueuses qui indignent l'Histoire; et naturellement la nation s'incline. Il n'y a pas de châtiment assez sévère, elle applaudira à la dégradation publique, elle voudra que le coupable reste sur son rocher d'infamie, dévoré par le remords. Est-ce donc vrai, les choses indicibles, les choses dangereuses, capables de mettre l'Europe en flammes, qu'on a dû enterrer soigneusement derrière ce huis clos? Non! il n'y a eu, derrière, que les imaginations romanesques et démentes du commandant du Paty de Clam. Tout cela n'a été fait que pour cacher le plus saugrenu des romans-feuilletons. Et il suffit, pour s'en assurer, d'étudier attentivement l'acte d'accusation, lu devant le conseil de guerre.

Ah! le néant de cet acte d'accusation! Qu'un homme ait pu être condamné sur cet acte, c'est un prodige d'iniquité. Je défie les honnêtes gens de le lire, sans que leur cœurs bondisse d'indignation et crie leur révolte, en pensant à l'expiation démesurée, là-bas, à l'île du Diable. Dreyfus sait plusieurs langues, crime; on n'a trouvé chez lui aucun papier compromettant, crime; il va parfois dans son pays d'origine, crime; il est laborieux, il a le souci de tout savoir, crime; il ne se trouble pas, crime; il se trouble, crime. Et les naïvetés de rédaction, les formelles assertions dans le vide! On nous avait parlé de quatorze chefs d'accusation: nous n'en trouvons qu'une seule en fin de compte, celle du bordereau; et nous apprenons même que les experts n'étaient pas d'accord, qu'un d'eux, M. Gobert, a été bousculé militairement, parce qu'il se permettait de ne pas conclure dans le sens désiré. On parlait aussi de vingt-trois officiers qui étaient venus accabler Dreyfus de leurs témoignages. Nous ignorons encore leurs interrogatoires, mais il est certain que tous ne l'avaient pas chargé; et il est à remarquer, en outre, que tous appartenaient aux bureaux de la guerre. C'est un procès de famille, on est là entre soi, et il faut s'en souvenir: l'état-major a voulu le procès, l'a jugé, et il vient de le juger une seconde fois.

Donc, il ne restait que le bordereau, sur lequel les experts ne s'étaient pas entendus. On raconte que, dans la chambre du conseil, les juges allaient naturellement acquitter. Et, dès lors, comme l'on comprend l'obstination désespérée avec laquelle, pour justifier la condamnation, on affirme aujourd'hui l'existence d'une pièce secrète, accablante, la pièce qu'on ne peut montrer, qui légitime tout, devant laquelle nous devons nous incliner, le bon Dieu invisible et inconnaissable! Je la nie, cette pièce, je la nie de toute ma puissance! Une pièce ridicule, oui, peut-être la pièce où il est question de petites femmes, et où il est parlé d'un certain D... qui devient trop exigeant: quelque mari sans doute trouvant qu'on ne lui payait pas sa femme assez cher. Mais une pièce intéressant la défense nationale, qu'on ne saurait produire sans que la guerre fût déclarée demain, non, non! C'est un mensonge! et cela est d'autant plus odieux et cynique qu'ils mentent impunément sans qu'on puisse les en convaincre. Ils ameutent la France, ils se cachent derrière sa légitime émotion, ils ferment les bouches en troublant les cœurs, en pervertissant les esprits. Je ne connais pas de plus grand crime civique.

Voilà donc, monsieur le Président, les faits qui expliquent comment une erreur judiciaire a pu être commise; et les preuves morales, la situation de fortune de Dreyfus, l'absence de motifs, son continuel cri d'innocence, achèvent de le montrer comme une victime des extraordinaires imaginations du commandant du Paty de Clam, du milieu clérical où il se trouvait, de la chasse aux "sales juifs", qui déshonore notre époque.

Et nous arrivons à l'affaire Esterhazy. Trois ans se sont passés, beaucoup de consciences restent troublées profondément, s'inquiètent, cherchent, finissent par se convaincre de l'innocence de Dreyfus.

Je ne ferai pas l'historique des doutes, puis de la conviction de M. Scheurer-Kestner. Mais, pendant qu'il fouillait de son côté, il se passait des faits graves à l'état-major même. Le colonel Sandherr était mort, et le lieutenant-colonel Picquart lui avait succédé comme chef du bureau des renseignements. Et c'est à ce titre, dans l'exercice de ses fonctions, que ce dernier eut un jour entre les mains une lettre-télégramme, adressée au commandant Esterhazy, par un agent d'une puissance étrangère. Son devoir strict était d'ouvrir une enquête. La certitude est qu'il n'a jamais agi en dehors de la volonté de ses supérieurs. Il soumit donc ses soupçons à ses supérieurs hiérarchiques, le général Gonse, puis le général de Boisdeffre, puis le général Billot, qui avait succédé au général Mercier comme ministre de la Guerre. Le fameux dossier Picquart, dont il a été tant parlé, n'a jamais été que le dossier Billot, j'entends le dossier fait par un subordonné pour son ministre, le dossier qui doit exister encore au ministère de la Guerre. Les recherches durèrent de mai à septembre 1896, et ce qu'il faut affirmer bien haut, c'est que le général Gonse était convaincu de la culpabilité d'Esterhazy, c'est que le général de Boisdeffre et le général Billot ne mettaient pas en doute que le bordereau ne fût de l'écriture d'Esterhazy. L'enquête du lieutenant-colonel Picquart avait abouti à cette constatation certaine. Mais l'émoi était grand, car la condamnation d'Esterhazy entraînait inévitablement la révision du procès Dreyfus; et c'était ce que l'état-major ne voulait à aucun prix.

Il dut y avoir là une minute psychologique pleine d'angoisse. Remarquez que le général Billot n'était compromis dans rien, il arrivait tout frais, il pouvait faire la vérité. Il n'osa pas, dans la terreur sans doute de l'opinion publique, certainement aussi dans la crainte de livrer tout l'état- major, le général de Boisdeffre, le général Gonse, sans compter les sous-ordres. Puis, ce ne fut là qu'une minute de combat entre sa conscience et ce qu'il croyait être l'intérêt militaire. Quand cette minute fut passée, il était déjà trop tard. Il s'était engagé, il était compromis. Et, depuis lors, sa responsabilité n'a fait que grandir, il a pris à sa charge le crime des autres, il est aussi coupable que les autres, il est plus coupable qu'eux, car il a été le maître de faire justice, et il n'a rien fait. Comprenez-vous cela! Voici un an que le général Billot, que les généraux de Boisdeffre et Gonse savent que Dreyfus est innocent, et ils ont gardé pour eux cette effroyable chose! Et ces gens-là dorment, et ils ont des femmes et des enfants qu'ils aiment!

Le lieutenant-colonel Picquart avait rempli son devoir d'honnête homme. Il insistait auprès de ses supérieurs, au nom de la justice. Il les suppliait même, il leur disait combien leurs délais étaient impolitiques, devant le terrible orage qui s'amoncelait, qui devait éclater, lorsque la vérité serait connue. Ce fut, plus tard, le langage que M. Scheurer- Kestner tint également au général Billot, l'adjurant par patriotisme de prendre en main l'affaire, de ne pas la laisser s'aggraver, au point de devenir un désastre public. Non! Le crime était commis, l'état-major ne pouvait plus avouer son crime. Et le lieutenant-colonel Picquart fut envoyé en mission, on l'éloigna de plus en plus loin, jusqu'en Tunisie, où l'on voulut même un jour honorer sa bravoure, en le chargeant d'une mission qui l'aurait sûrement fait massacrer, dans les parages où le marquis de Morès a trouvé la mort. Il n'était pas en disgrâce, le général Gonse entretenait avec lui une correspondance amicale. Seulement, il est des secrets qu'il ne fait pas bon d'avoir surpris.

A Paris, la vérité marchait, irrésistible, et l'on sait de quelle façon l'orage attendu éclata. M. Mathieu Dreyfus dénonça le commandant Esterhazy comme le véritable auteur du bordereau, au moment où M. Scheurer-Kestner allait déposer, entre les mains du garde des Sceaux, une demande en révision du procès. Et c'est ici que le commandant Esterhazy paraît. Des témoignages le montrent d'abord affolé, prêt au suicide ou à la fuite. Puis, tout d'un coup, il paye d'audace, il étonne Paris par la violence de son attitude. C'est que du secours lui était venu, il avait reçu une lettre anonyme l'avertissant des menées de ses ennemis, une dame mystérieuse s'était même dérangée de nuit pour lui remettre une pièce volée à l'état-major, qui devait le sauver. Et je ne puis m'empêcher de retrouver là le lieutenant-colonel du Paty de Clam, en reconnaissant les expédients de son imagination fertile. Son œuvre, la culpabilité de Dreyfus, était en péril, et il a voulu sûrement défendre son œuvre. La révision du procès, mais c'était l'écroulement du roman- feuilleton si extravagant, si tragique, dont le dénouement abominable a lieu à l'île du Diable! C'est ce qu'il ne pouvait permettre. Dès lors, le duel va avoir lieu entre le lieutenant-colonel Picquart et le lieutenant-colonel du Paty de Clam, l'un le visage découvert, l'autre masqué. on les retrouvera prochainement tous deux devant la justice civile. Au fond, c'est toujours l'état-major qui se défend, qui ne veut pas avouer son crime, dont l'abomination grandit d'heure en heure.

On s'est demandé avec stupeur quels étaient les protecteurs du commandant Esterhazy. C'est d'abord, dans l'ombre, le lieutenant-colonel du Paty de Clam qui a tout machiné, qui a tout conduit. Sa main se trahit aux moyens saugrenus. Puis, c'est le général de Boisdeffre, c'est le général Gonse, c'est le général Billot lui-même, qui sont bien obligés de faire acquitter le commandant, puisqu'ils ne peuvent laisser reconnaître l'innocence de Dreyfus, sans que les bureaux de la guerre croulent dans le mépris public. Et le beau résultat de cette situation prodigieuse est que l'honnête homme, là- dedans, le lieutenant-colonel Picquart, qui seul a fait son devoir, va être la victime, celui qu'on bafouera et qu'on punira. ^O justice, quelle affreuse désespérance serre le cœur! On va jusqu'à dire que c'est lui le faussaire, qu'il a fabriqué la carte-télégramme pour perdre Esterhazy. Mais, grand Dieu! pourquoi? dans quel but? donnez un motif. Est-ce que celui-là aussi est payé par les juifs? Le joli de l'histoire est qu'il était justement antisémite. Oui! nous assistons à ce spectacle infâme, des hommes perdus de dettes et de crimes dont on proclame l'innocence, tandis qu'on frappe l'honneur même, un homme à la vie sans tache! Quand une société en est là, elle tombe en décomposition.

Voilà donc, monsieur le Président, l'affaire Esterhazy: un coupable qu'il s'agissait d'innocenter. Depuis bientôt deux mois, nous pouvons suivre heure par heure la belle besogne. J'abrège, car ce n'est ici, en gros, que le résumé de l'histoire dont les brûlantes pages seront un jour écrites tout au long. Et nous avons donc vu le général de Pellieux, puis le commandant Ravary, conduire une enquête scélérate d'où les coquins sortent transfigurés et les honnêtes gens salis. Puis, on a convoqué le conseil de guerre.

Comment a-t-on pu espérer qu'un conseil de guerre déferait ce qu'un conseil de guerre avait fait?

Je ne parle même pas du choix toujours possible des juges. L'idée supérieure de discipline, qui est dans le sang de ces soldats, ne suffit-elle à infirmer leur pouvoir d'équité? Qui dit discipline dit obéissance. Lorsque le ministre de la Guerre, le grand chef, a établi publiquement, aux acclamations de la représentation nationale, l'autorité de la chose jugée, vous voulez qu'un conseil de guerre lui donne un formel démenti? Hiérarchiquement, cela est impossible. Le général Billot a suggestionné les juges par sa déclaration, et ils ont jugé comme ils doivent aller au feu, sans raisonner. L'opinion préconçue qu'ils ont apportée sur leur siège, est évidemment celle-ci: "Dreyfus a été condamné pour crime de trahison par un conseil de guerre, il est donc coupable; et nous, conseil de guerre, nous ne pouvons le déclarer innocent; or nous savons que reconnaître la culpabilité d'Esterhazy, ce serait proclamer l'innocence de Dreyfus." Rien ne pouvait les faire sortir de là.

Ils ont rendu une sentence inique, qui à jamais pèsera sur nos conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel. Son excuse, je le répète, est que le chef suprême avait parlé, déclarant la chose jugée inattaquable, sainte et supérieure aux hommes, de sorte que des inférieurs ne pouvaient dire le contraire. On nous parle de l'honneur de l'armée, on veut que nous l'aimions, la respections. Ah! certes, oui, l'armée qui se lèverait à la première menace, qui défendrait la terre française, elle est tout le peuple, et nous n'avons pour elle que tendresse et respect. Mais il ne s'agit pas d'elle, dont nous voulons justement la dignité, dans notre besoin de justice. Il s'agit du sabre, le maître qu'on nous donnera demain peut-être. Et baiser dévotement la poignée du sabre, le dieu, non!

Je l'ai démontré d'autre part: l'affaire Dreyfus était l'affaire des bureaux de la guerre, un officier de l'état- major, dénoncé par ses camarades de l'état-major, condamné sous la pression des chefs de l'état-major. Encore une fois, il ne peut revenir innocent sans que tout l'état-major soit coupable. Aussi les bureaux, par tous les moyens imaginables, par des campagnes de presse, par des communications, par des influences, n'ont-ils couvert Esterhazy que pour perdre une seconde fois Dreyfus. Quel coup de balai le gouvernement républicain devrait donner dans cette jésuitière, ainsi que les appelle le général Billot lui-même ! Où est-il, le ministère vraiment fort et d'un patriotisme sage, qui osera tout y refondre et tout y renouveler? Que de gens je connais qui, devant une guerre possible, tremblent d'angoisse, en sachant dans quelles mains est la défense nationale! Et quel nid de basses intrigues, de commérages et de dilapidations, est devenu cet asile sacré, où se décide le sort de la patrie! On s'épouvante devant le jour terrible que vient d'y jeter l'affaire Dreyfus, ce sacrifice humain d'un malheureux, d'un "sale juif"! Ah! tout ce qui s'est agité là de démence et de sottise, des imaginations folles, des pratiques de basse police, des mœurs d'inquisition et de tyrannie, le bon plaisir de quelques galonnés mettant leurs bottes sur la nation, lui rentrant dans la gorge son cri de vérité et de justice, sous le prétexte menteur et sacrilège de la raison d'état!

Et c'est un crime encore que de s'être appuyé sur la presse immonde, que de s'être laissé défendre par toute la fripouille de Paris, de sorte que voilà la fripouille qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C'est un crime d'avoir accusé de troubler la France ceux qui la veulent généreuse, à la tête des nations libres et justes, lorsqu'on ourdit soi-même l'impudent complot d'imposer l'erreur, devant le monde entier. C'est un crime d'égarer l'opinion, d'utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu'on a pervertie jusqu'à la faire délirer. C'est un crime d'empoisonner les petits et les humbles, d'exaspérer les passions de réaction et d'intolérance, en s'abritant derrière l'odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l'homme mourra, si elle n'en est pas guérie. C'est un crime que d'exploiter le patriotisme pour des œuvres de haine, et c'est un crime, enfin, que de faire du sabre le dieu moderne, lorsque toute la science humaine est au travail pour l'œuvre prochaine de vérité et de justice.

Cette vérité, cette justice, que nous avons si passionnément voulues, quelle détresse à les voir ainsi souffletées, plus méconnues et plus obscurcies! Je me doute de l'écroulement qui doit avoir lieu dans l'âme de M. Scheurer-Kestner, et je crois bien qu'il finira par éprouver un remords, celui de n'avoir pas agi révolutionnairement, le jour de l'interpellation au Sénat, en lâchant tout le paquet, pour tout jeter à bas. Il a été le grand honnête homme, l'homme de sa vie loyale, il a cru que la vérité se suffisait à elle- même, surtout lorsqu'elle lui apparaissait éclatante comme le plein jour. A quoi bon tout bouleverser, puisque bientôt le soleil allait luire? Et c'est de cette sérénité confiante dont il est si cruellement puni. De même pour le lieutenant- colonel Picquart, qui, par un sentiment de haute dignité, n'a pas voulu publier les lettres du général Gonse. Ces scrupules l'honorent d'autant plus que, pendant qu'il restait respectueux de la discipline, ses supérieurs le faisaient couvrir de boue, instruisaient eux-mêmes son procès, de la façon la plus inattendue et la plus outrageante. Il y a deux victimes, deux braves gens, deux cœurs simples, qui ont laissé faire Dieu, tandis que le diable agissait. Et l'on a même vu, pour le lieutenant-colonel Picquart, cette chose ignoble: un tribunal français, après avoir laissé le rapporteur charger publiquement un témoin, l'accuser de toutes les fautes, a fait le huis clos, lorsque ce témoin a été introduit pour s'expliquer et se défendre. Je dis que ceci est un crime de plus et que ce crime soulèvera la conscience universelle. Décidément, les tribunaux militaires se font une singulière idée de la justice.

Telle est donc la simple vérité, monsieur le Président, et elle est effroyable, elle restera pour votre présidence une souillure. Je me doute bien que vous n'avez aucun pouvoir en cette affaire, que vous êtes le prisonnier de la Constitution et de votre entourage. Vous n'en avez pas moins un devoir d'homme, auquel vous songerez, et que vous remplirez. Ce n'est pas, d'ailleurs, que je désespère le moins du monde du triomphe. Je le répète avec une certitude plus véhémente: la vérité est en marche et rien ne l'arrêtera. C'est d'aujourd'hui seulement que l'affaire commence, puisque aujourd'hui seulement les positions sont nettes: d'une part, les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse; de l'autre, les justiciers qui donneront leur vie pour qu'elle soit faite. Je l'ai dit ailleurs, et je le répète ici: quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. on verra bien si l'on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.

Mais cette lettre est longue, monsieur le Président, et il est temps de conclure.

J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d'avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.

J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit, d'une des plus grandes iniquités du siècle.

J'accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse- humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l'état-major compromis.

J'accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus complices du même crime, l'un sans doute par passion cléricale, l'autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l'arche sainte, inattaquable.

J'accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d'avoir fait une enquête scélérate, j'entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.

J'accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d'avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue et du jugement.

J'accuse les bureaux de la guerre d'avoir mené dans la presse, particulièrement dans L'Eclair et dans L'Echo de Paris, une campagne abominable, pour égarer l'opinion et couvrir leur faute.

J'accuse enfin le premier conseil de guerre d'avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j'accuse le second conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable.

En portant ces accusations, je n'ignore pas que je me mets sous le coup des articles 3O et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c'est volontairement que je m'expose.

Quant aux gens que j'accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n'ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l'acte que j'accomplis ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la vérité et de la justice.

Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme. Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l'enquête ait lieu au grand jour!

J'attends.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect.

EMILE ZOLA

Tout à coup Zola craint et doute. Il trouve lourde la partie dialectique, amphigourique la partie véhémente. Il a toujours été un féroce critique de lui-même.
Les dreyfusards, jusqu'alors timides et inquiets, sont atterrés par la violence révolutionnaire calculée de ce pamphlet qui va les entraîner très loin. Mais Clemenceau estime J'accuse dans sa valeur d'arme. Le journaliste de combat qui est en lui apprécie surtout cette fin qui frappe à coups redoublés, cette fin qui rejoint les Catilinaires : "Je n'aime pas le titre, Zola, pas assez mordant. "Et Clemenceau écrit en grosses lettres : J'ACCUSE
Le jeudi 13 janvier1898, la vie quotidienne est déchiqueté par l'explosion du brûlot de Zola. Trois cent mille exemplaires de L'Aurore sont arrachés aux camelots. A Mantes, la foule demande la démission d'un agent des postes nommé Dreyfus. On traque systématiquement tous les Dreyfus. A Montmartre, la foule chante. On vend des affichettes imprimées : La seule réponse des Français à l'Italien Zola : Merde.
Dans l'indécision des pouvoirs suffoqués par le choc, dans le désarroi des dreyfusards eux-mêmes qui réprouvent tactiquement la violence du pamphlétaire, les troubles s'aggravent.
Les Pouvoirs, suffoqués autant par la lettre de Zola que les Dreyfusards l'avaient été par l'acquittement d'Esterhazy, tergiversent. Il se décident enfin à porter plainte sur la base des quinze lignes seules par lesquelles Zola accuse le conseil de guerre d'avoir acquitté Esterhazy et condamné un innocent. L'accusation n'est lancé que le 20 janvier.
Le 22 janvier, Zola répondait à l'assignation par une seconde lettre au ministre de la Guerre, de même ton et de même coupe que J'accuse.
Le 7 février après quinze jours de débats houleux, Zola est condamné à un an de prison et à 3.000 francs. La foule exulte.

Il est évident que les socialistes, les anarchistes, les antimilitaristes profitent de la trop belle occasion pour entramer les amoureux de la justice vers des objectifs politiques plus précis. La seconde affaire Dreyfus, conquête du pouvoir, commence.
Méline, tente de reprendre l'initiative par la surenchère : "On appliquera (aux dreyfusards) toute la sévérité des lois. 420 votes contre 40 le récompensent. On destitue Grimaux de ses fonctions de professeur à Polytechnique parce qu'il a témoigné pour Zola au procès. On ressort les dossiers de M. Viguié. L'avocat Leblois est relevé par Barthou de ses fonctions d'adjoint à la mairie du VIII. On réclame la radiation de Zola de la Légion d'honneur. Les fonctionnaires suspectés de dreyfusisme sont déplacés. La "chasse aux sorcières" est ouverte.
La loi veut qu'un accusé acquitté ne puisse plus être inquiété pour le même crime, même s'il avoue. Esterhazy laisse à entendre publiquement qu'il est bien l'auteur du bordereau. Les antidreyfusards se retournent instantanément et présentent l'homme qu'ils ont protégé, applaudi, embrassé, comme un provocateur au service des juifs, payé par le Syndicat pour servir d'homme de paille à la place de Dreyfus Le prince d'Orléans regrette sa poignée de main et dément l'avoir donnée
Sur le plan juridique, maître Mornard soutient le pourvoi en cassation déposé par Zola ; la plainte aurait dû émaner, non du ministre de la Guerre, mais du conseil de guerre diffamé. Le 2 avril, l'arrêt est cassé. Manau, de la Cour de cassation, tout en regrettant le par ordre maladroit et excessif de Zola, déclare :
"Une vie tout entière d'honneur et de probité ne protégera donc pas les plus dignes contre des appréciations aussi flétrissantes ?"
Les juges ont beau être appelés immondes, et Méline désavouer Manau, tout est à refaire !
Les officiers du conseil de guerre décident donc de porter plainte eux-mêmes contre l'écrivain. Au lieu de profiter de l'occasion pour vider la plaie, ils vont restreindre encore la plate-forme de l'accusation. Ils ne retiennent plus que trois lignes de J'accuse, celles qui concernent le "par ordre", et l'affaire est renvoyée devant la cour d'assises de Seine-et-Oise. Le 23 mai, le second procès Zola est appelé à Versailles. Maître Labori dépose des conclusions d'incompétence. Zola habite Paris. L'article a paru à Paris. Pourquoi
Versailles ? Elles sont rejetées. Il se pourvoit de nouveau en cassation. Le procès est renvoyé.
Les élections ont eu lieu, en mai. Cette fois, il y a du nouveau. L'axe de la Chambre s'est nettement déplacé vers la gauche. Les dreyfusards gagnent du terrain, même si Jaurès et Guesde ne sont pas réélus dans leurs fiefs, à Castres et à Carinaux. La formidable pression gouvernementale va fléchir avant de se renverser. Henri Brisson, partisan timide de la révision, devient président du Conseil.
Godefroy Cavaignac, est choisi en contrepoids, pour rassurer l'Etat-Major. Il prend l'affaire en main.
Le 7 juillet, Godefroy Cavaignac, interpellé à la Chambre, clame sa conviction de la culpabilité de Dreyfus. Il énumère ses "preuves", extraites du dossier remanié encore une fois par Henry, la fameuse pièce "ce canaille de D." et toujours les "aveux" de Dreyfus, recueillis par Lebrun-Renault.
La Chambre décide l'affichage du discours de Cavaignac. Le dossier secret et ses faux s'étalent sur toutes les mairies françaises !
L'affaire devient un bouillonnement bourbeux. Le juge Bertulus a maintenant la preuve qu'un des faux présentés par Henry a été fait par Petite Secousse. Il avertit le procureur de la République Feuilloley qu'il va signer des mandats d'arrêt contre Esterhazy et la fille Pays. Feuilloley, antidreyfusard, s'y oppose. Tandis que le ministre de la justice autorise tardivement Bertulus à perquisitionner chez Esterhazy, Feuilloley confie au juge Albert Fabre le soin d'instruire l'affaire Picquart.
Bertulus, perquisitionnant chez Petite Secousse, y trouve le képi d'Esterhazy et retourne la coiffe. Il s'en faut d'un millimètre. Sous le carton se trouvait le "document libérateur", dont il menaçait Félix Faure, la photographie de la mystérieuse pièce prétendument volée au ministère de la Guerre, et remise à Esterhazy par la "dame voilée", sa dernière carte, dont l'original a été depuis rendu par lui à l'Etat-Major. Bertulus arrête Esterhazy pour faux et usage de faux. A minuit, la fille Pays est conduite à Saint-Lazare et Esterhazy à la Santé. Le juge d'instruction Fabre envoie Picquart rejoindre Esterhazy !
C'est dans cette ambiance d'un tumulte national que le second procès Zola va s'ouvrir à Versailles, le 18 juillet.
Au Palais de justice, un homme en chapeau melon attend Zola et Labori. C'est Mouquin, directeur de la police municipale.
La cour rejette les conclusions de maître Labori. Aussitôt, maître Labori a posé des conclusions prétendant que cet arrêt était suspensif des débats jusqu'à décision de la Cour de cassation. Le procureur général a protesté et la cour s'est retirée pour délibérer de nouveau." Lorsque l'audience reprend, le président du tribunal décide que le pourvoi n'est pas suspensif. Aussitôt Zola, Clemenceau et Labori quitte l'audience.
Chez Charpentier, Zola retrouve les frères Clemenceau, le graveur Desmoulin et quelques amis. C'est un conseil de guerre. La discussion s'engage. Zola, doit quitter la France. Furieux, il n'est pas du tout décidé à partir. Il n'a même pas envisagé cette hypothèse.
Entre exil et prison, il ne sait plus. Il est assommé par ce retournement de la situation. Enfin, devant l'unanimité de ses conseillers, il cède. Dans la soirée, Coco Zola revenait avec la trousse de toilette d'Emile. Elle n'avait pas osé prendre une valise pour ne pas alerter les policiers. Zola était sombre, rongé par l'angoisse comme par la peur physiologique de l'action :
"Le 18 juillet restera dans ma vie la date affreuse, celle où j'ai saigné tout mon sang. C'est le 18 juillet que, cédant à des nécessités de tactique, écoutant les frères d'armes qui menaient avec moi la même bataille pour l'honneur de la France, j'ai dû m'arracher à tout ce que j'aimais, à toutes mes habitudes de coeur et d'esprit...
A neuf heures du soir, sans valise, emportant une brosse à dents et un encrier, l'argent avancé par Georges Charpentier et la bourse de sa femme, Zola quitte Paris pour Londres. Quand il voit s'éteindre les lumières de la France, ses yeux s'emplissent de larmes. Dans l'ombre qui sent le sel et l'iode, il martèle du poing le bastingage.
Aussitôt arrivé, il écrit à Ernest Vizetelly, son traducteur. Zola est en terrain amical. En attendant, furieux il se promène dans St. James's Park. Il ne sait pas l'anglais. Il n'a pas de linge. Il doit déménager beaucoup de peur d'être retrouvé. Il apprend alors qu'un journaliste s'est servi de la démission de la légion étrangère de son père. Ecœuré, Zola se détache pour un moment de l'affaire.
Le 4 août 1899 il se remet au travail et commence Fécondité.
La vie s'écoule avec de longues plages d'ennui entre les courts séjours des deux femmes et des enfants. A Paris, l'affaire Dreyfus s'enlise dans la procédure et les règlements de compte.
Il s'avère enfin que c'est Henry qui à confectionné de toute pièces de fausses preuves et la fausse lettre pour soit disant le bien de la nation. Il se suicide le 31 août. Esterhazy, brûlé, file à Londres. Zola va enfin pouvoir rentrer en France.
Le 17 septembre, le conseil des ministres décide la révision du procès. Les démission des généraux et des ministres se succèdent. Brisson fait voter un ordre du jour affirmant la supériorité du pouvoir civil sur le pouvoir militaire.
La fièvre passée, l'exilé attend dans l'hiver, le fog et l'ennui. Là encore, il a été victime de ses allusions. Il se voyait déjà de retour à Paris. On en est encore loin !
Le 29 mai 1899, les trois chambres de la Cour de Cassation sont réunies en audience solennelle. Le bordereau a été écrit, non par Dreyfus, mais par Esterhazy. La Cour, le 3 juin annule à l'unanimité le jugement rendu le 22 décembre 1894. Contre Dreyfus et revoie l'accusé devant le conseil de guerre de Rennes. Zola rentre le 5 à Paris et Dreyfus quitte l'île du diable le 9.

Quand Dreyfus revient de l'île, le silence pénitentiaire a si bien pesé sur lui qu'il ignore tout y compris la part prise par Zola. C'est un homme surpris par l'aveuglante lumière d'une actualité qui le dépasse. Les synagogues de Jérusalem, les congrégations israélites de New-York collectent de l'argent. Il ne le sait pas. Dreyfus va se trouver atterré par ses défenseurs. Et eux, par lui.
Le procès en révision à lieu dans la salle des fêtes du lycée de Rennes en septembre 1899. Le conseil de guerre, qui sait que le bordereau est de la main d'Esterhazy, affirme Dreyfus coupable par cinq voix à deux. Et le condamne avec circonstances atténuantes. Comme si on pouvait être traître à moitié. Pour clore l'affaire, le gouvernement entend gracier Dreyfus. Mais les Dreyfusard y sont hostiles. La grâce acceptée apporte avec elle une présomption de culpabilité. Dreyfus, renonçant à se pourvoir en cassation, accepte la grâce, sans abandonner son droit à la révision légale.
Le gouvernement décide l'amnistie pour éteindre les actions en cours de Zola. En effet, il est la première victime. Zola estime sa propre perte - condamnation, chute des tirages, ventes des meubles aux enchères, amendes et frais de procédure… à environ 500.000F (estimation de 1977).
En octobre 1899, paraît Fécondité, qui est bien accueilli. Il écrit Travail qui paraîtra en 1901. En 1900, il écrit trois articles à la mémoire de son père afin de répondre aux articles diffamatoires le concernant parus durant l'affaire Dreyfus. Le 22 décembre 1900 c'est l'amnistie.
Le 6 août 1901, Paul Alexis disparaît. C'est l'ami le plus fidèle. Zola pleure de chagrin et d'angoisse.
Du 17 juillet 1901 au 7 août 1902, il écrit Vérité que L'Aurore commence à publier en septembre. Il n'aura pas le temps d'achevé son dernier cycle, La justice étant restée à l'état d'ébauche.
Le 25 septembre 1902, Zola a mal aux dents. L'automne est là. Le froid des nuits sort du fleuve.
Le dimanche 28 septembre, on alluma un feu de boulets dans la chambre. Les Zola dînèrent seuls, gaiement.
Le domestique s'occupa du feu, et, voyant que les boulets rougissaient, releva le tablier de la cheminée. Mme Zola et son mari se couchèrent dans le grand lit Renaissance, surélevé d'une marche. Vers trois heures du matin, Mme Zola se réveilla, incommodée. Elle sortit de la chambre, alla dans le cabinet de toilette, où elle fut prise de vomissements. Elle y resta près de trois quarts d'heure et revint se coucher. Ses allées et venues avaient réveillé son mari.
Un peu plus tard, Zola se lève, fait quelques pas pour ouvrir la fenêtre.
Un bruit sourd. Sa femme veut se lever, oscille, tente de sonner et perd connaissance.
Le lendemain, les fumistes sont là, vers huit heures. Le concierge les occupe à de petits travaux, en attendant que les Zola soient réveillés. Mais, comme à neuf heures passées les maîtres ne sont pas encore levés, les domestiques s'inquiètent et frappent. En vain. On va chercher un serrurier. La porte est forcée. Sur le lit, Mme Zola râle. Zola est comme il est tombé, près de la fenêtre, la tête contre la marche de bois. On lui jette de l'eau froide au visage. Le corps est tiède, mais le miroir ne recueille aucune buée. Le docteur Marc Berman envoie chercher de l'oxygène. Il pratique la respiration artificielle. Le médecin du commissariat de police arrive. Les tractions rythmiques de la langue sont sans effet. Il faut abandonner tout espoir. Un policier va vers la cheminée. Elle est obstruée de gravats. Pas de doute, l'oxyde de carbone. C'est ainsi que conclut le commissaire Cornette, dans son rapport au préfet de police. Mais les premières dépêches parlent d'un empoisonnement. On transporte d'urgence Mme Zola à Neuilly, dans une maison de santé. Elle ne reprend connaissance qu'au milieu de la journée. Tandis qu'on lui cache la mort de son mari, la nouvelle filtre dans Paris. Zola est mort. Zola s'est suicidé. Comme Henry. Il a été assassiné par le Deuxième Bureau !
Après l'enquête qui conclue à l'accident (malgré une forte possibilité d'assassinat), on pratique l'autopsie. Aucun organe n'est atteint par l'âge, sauf un petit quelque chose aux reins. Les amis veille sur le cadavre que l'on a embaumé pour pouvoir retarder l'enterrement.
L'aube du dimanche 5 arrive. A mesure que le cortège déroule sa pompe, de la rue de Bruxelles au cimetière de Montmartre, la foule grandit sur les trottoirs. Ils sont bientôt une cinquantaine de milliers.
Dreyfus s'est fait exclure de l'amnistie pour que le problème de la révision puisse être encore une fois posée. Jaurès continue le combat de Zola.
Le 03 mars 1906 s'ouvre en audience publique les débats de la Cour de Cassation. Les trois chambres concluent à la cassation du jugement de Rennes. Les officiers Du Paty, Zurlinden et surtout Mercier sont publiquement désavoués.
Dreyfus est réintégré avec le grade de commandant, tandis que Picquart est nommé général de brigade. Il sera bientôt ministre de la Guerre, dans le cabinet de Clémenceau.
Des seconde funérailles de Zola eurent lieu, au Panthéon, en juin 1908. Le cercueil est placé dans le troisième caveau de gauche, partie sud, où repose déjà Victor Hugo. La foule est toujours là.
Dreyfus mourra le 11 juillet 1935, entourés des siens après une carrière modeste et grise.
Jeanne décède le 22 mai 1914 au cours d'une opération dans une clinique de la rue de la Chaise.
Après la mort d'Emile, Mme Zola, réconciliée avec Jeanne, autorisera les deux enfants à porter le nom d'Emile-Zola et elle suivra leur éducation et leur instruction jusqu'à sa mort en avril 1925. Mme Zola a simplement voulu obéir à un désir exprimé nettement de son vivant par son mari : que les enfants portent son nom. L'adoption par Mme Zola ne le permettait pas, et Jeanne n'y eut pas consenti. Restait le procédure de changement de nom. Pour faciliter cette substitution, Mme Zola fut désignée comme tutrice officieuse.
Mme Zola donnera la maison de Médan à l'assistance publique qui sera transformé en un hôpital pour enfant.

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Biographie d'Emile Zola (Partie I)

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Depuis des siècles, il y a des Zola, à Venise, officiers de fortune ou missionnaires. L'arrière grand-père d'Emile Zola, Antoine était capitaine des Fauté, au service de la république. Son fils Demenius-Charles, s'est épris de Nicoletta Bondioli et de cette union est né le 8/8/1795, à Venise, François Zola le père d'Emile.
Toute sa vie, François Zola va balancer du rouge au noir au gré des événements. Il est d'abord élève des écoles militaires de Paris et de Modame. A 17 ans, il est sous-lieutenant d'artillerie à cheval dans l'armée du vice-roi, le prince Eugène-Napoléon. Mais bientôt l'empire bascule et la vénétie devient autrichienne. Zola abandonne l'uniforme, parce que l'empereur vient d'introduire la bastonnade dans l'armée et parce que François est libéral, carbonaro et franc-maçon. Il complète ses études d'ingénieur à l'université de Podone. Il voyage et coopère en Autriche avec le chevalier Gerstner, concessionnaire, et les équipes qui tracent la première ligne de chemin de fer européens, de Linz à Biedweiss, puis de Linz à Gmunder, en tant que géomètre du cadastre de la Route Autriche. La révolution de juillet renverse la banque avec laquelle il était associé. D'Autriche, François Zola passe en Hollande, puis en Angleterre.
Il arrive en France en 1830. L'année d'après, à Alger, engagé comme infirmier, il soigne les cholériques à l'hôpital de Dey. Licencié à la fin de l'épidémie, il s'engage comme lieutenant dans la toute neuve Légion étrangère, à Alger, en juillet 1831. Mais François Zola, qui à volé dans la caisse du magasin d'habillement qu'il contrôle, pour l'amour d'une femme mariée, est découvert. La belle pratiquait l'entôlage à l'abri du Code Civil. Le mari ne fit pas de difficulté pour restituer l'argent, et les autorités militaires sur l'ordre du Duc de Rovigo, conclurent au non-lieu. François démissionne de son grade de capitaine Sa seconde carrière militaire venait de s'achever.
En 1898 lors de l'affaire Dreyfus, la mémoire de François Zola sera diffamée par un journaliste, renseigné illégalement.
Il s'embarque alors pour Marseille le 15 janvier 1833. Il installe un bureau d'ingénieur civil. Le premier, il fait des expériences d'éclairage au gaz. Pour la fortification de Paris, il propose la défense par forts isolés. Il veut aussi s'occuper d'Aix qui manque cruellement d'eau les mois d'été. Mais pour cela il doit convaincre M. Thiers ministre affairiste de creuser un canal. François monte alors à Paris.
Un dimanche, en sortant de la messe à St Eustache, il tombe en arrêt devant une jeune fille qui ressemble à un Greuze. C'est une toute petite bourgeoise beauceronne, fille d'un entrepreneur de peinture, Françoise-Emilie-Orélie Aubert née à Dourdan le 6 février 1819.
Le 16 mars 1839, Zola épouse la belle à la taille fine et l'emmène en Provence, dans un voyage de noce d'une douzaine de mois. Quant il rentre à Paris en 1840, Emilie est enceinte.
De cette union est né Emile Edouard Charles Antoine Zola le 28 avril 1840 à 11 heures au 4è du 10 rue Saint Joseph, meublé perdu, entre le sentier et la rue Montmartre. Il est baptisé le 30 avril et vacciné le 16 mai. Sa mère et son père sont en règle avec l'ancienne religion et la jeune science.
Emile Zola se trouve donc en possession d'un arbre généalogique franco-italien équilibré. Emilie sa mère est tendre, sensible et nerveuse, son père, un bel aventurier stendhalien, passionné et fou de travail.
Emile Zola est mis en nourrice, à Dourdan, à cause de Paris et du lait qui y sont meilleurs, mais on le reprend vite à cause du chagrin.
A deux ans, Emile fait une fièvre cérébrale. Les sangsues ne prennent pas. On craint pour sa vie. Et puis, il se remet à trotter. A 3 ans, il est toujours pâle, fluet et de formes féminines.
En avril 1843, François Zola signe avec la municipalité d'Aix-en-Provence, un traité déclarant d'utilité public la construction d'un barrage et d'un canal d'adduction d'eau potable. Avec enthousiasme toute la famille émigre à Aix. Ils s'installent cours St Anne, puis, bientôt dans la propre maison de famille de Thiers. Cette ville Zola l'évoquera dans son œuvre sous le nom de Plassans. Emile mène la vie d'un enfant gâté et découvre peu à peu la ville riche et solennelle.
A quatre ans, Emile court dans le jardin, sa santé se porte mieux. Il a trouvé son vrai pays.
C'est au cœur de ce calme provincial que se produisit un mystérieux incident. Le 3 avril 1845, à Marseille, un domestique arabe fut chassé par la famille. Emilie Zola s'inquiétant de la mauvaise santé d'Emile en chercha en vain les causes. Quand elle surpris le jeune Arabe qui se livrait à des attouchements sur son jeune maître. Un rapport de police fait foi du fait. Mais on n'en sait pas davantage.
Il revient à Paris pour une année en 1846 : son père était en instance pour obtenir une ordonnance royale nécessaire pour ses travaux, qu'il obtiendra à l'automne 1846.
L'enfant sauvage devient alors un bambin sérieux et pensif. Cependant, l'élocution n'était pas aisé.
En dépit des jeux, du grand air, de l'absence de servitude scolaire, Emile, reste facilement effarouché un peu fille et trop gâté. A sept ans, il ne sait pas encore l'alphabet, et il ne saura lire qu'à partir de huit ans.
Les travaux du canal dans les rochers de Jaumegarde débute le 4 février 1847. En mars, François Zola doit aller à Marseille. Durant le voyage, il attrape une pneumonie et décède le 27. Ce père mort trop tôt laisse ainsi à l'enfant l'image d'un héros du progrès, d'un homme libéral, novateur, audacieux, bâtisseur, d'un de ces conquérants auxquels il donnera dans son œuvre une place capitale.
François ne laisse que des dettes à son fils et à sa jeune femme : comme tous les ingénieurs civils de l'époque, il a dû s'endetter pour mettre au point ses projets. Les parents de Mme Zola, de petits artisans beaucerons désargentés mais courageux, viennent vivre avec elle et leur petit-fils.
Emile doit alors se résigner à entrer à l'école Notre-Dame. Cette institution était tout indiquée pour dégourdir Emile et lui enseigner, en même temps que les rudiments du français, l'école buissonnière.
La pension avait un autre avantage : elle coûtait peu. Il y rencontre Roux et Solari. Rongée par les procès, et les vautours locaux, la famille avait dû s'installer hors de la ville avec les manouvriers, les gitans tresseurs et autres maçons italiens.
A onze ans il fait un nouveau voyage à Paris, où il y passe six à huit mois.
A douze ans, sa mère et sa grand-mère décident à lui faire abandonner la pension Notre-Dame pour le collège Bourbon d'Aix. Mais parmi les enfants déjà policés et cruels, Emile se sent égarés. Au dépaysement s'ajoute sa sauvagerie ; les gamins se moquent à la fois de son défaut de prononciation et de son accent.
Emile considère avec stupeur ce déferlement des cruautés enfantines. Heureusement il rencontre Paul Cézanne - qui le protège - et Baille. Il forme avec eux un trio d'inséparables. les trois adolescent fuient la petite ville endormie et se réfugient dans la nature et la lecture. Zola en gardera la nostalgie qu'il peindra souvent. C'est à ce moment qu'une révolution transforme le potache attardé. Le 10 août 1853, après avoir sauté une classe, il emporte le premier accessit pour le prix d'excellence, le deuxième prix en thème, le premier prix en version, le deuxième accessit en grammaire française, premier prix en histoire géographie, premier prix en récitation classique.
Emile obtint une bourse, à la fin 1854. Il entrait dans cette catégorie d'enfants pauvres et ambitieux qui joueront un rôle considérable dans le siècle, les boursiers. Il montrait maintenant du mordant et de la vivacité d'esprit. Mais il ne travaillait que par intermittence. Se maintenir dans un bon rang était son seul but car il savait le prix de la liberté.
Le nombre de copain augmentait avec eux, ils faisaient partie de la fanfare du collège, où Zola jouait (mal) de la clarinette. Ils participaient aux processions des pénitents encagoulés, aux accueils de parlementaires à la gare et toutes les fêtes.
La famille avait encore une fois déménagé. A mesure que les travaux du canal avançaient, que les prévisions de l'ingénieur se vérifiaient, la gêne tournait à la pauvreté. Mais Emile s'en souciait peu.
Avec Cézanne, il donnait des sérénades à deux petites demoiselles. Les parents exaspérés par le cacophonie des instruments et du perroquet de l'une d'elles, arrosèrent les soupirants mélodieux. "A cette époque, avouera Zola, je n'avais pas du tout l'oreille juste".
Le cœur d'Emile battait pour autre chose que l'amitié maintenant. Il était devenu un gaillard bien pris, musclé, tanné par le soleil et les bains. Il connaît alors ses premiers amours enfantins avec Louise qui était peut-être la jeune sœur de Philippe Solari.
Cependant, la nécessité de s'intégrer à une société, par ses examens et ses concours, commence à peser sur sa liberté. Le baccalauréat l'assombrit. Il a des réactions anti-scolaires. C'est ainsi qu'il écrit une pochade, Enfoncé, le pion ! trois actes et en vers, où deux potaches disputent au pion Pitot le cœur d'une femme sous le règne du principal pingouin, vengeance transparente libération d'une agressivité.
Les amours insatisfaits, les chasses avec poèmes dans le carnier, les premières manifestations de la volonté de puissance constituent la trame de la vie quotidienne.
Avec l'enlisement dans la pauvreté, la famille a du émigrer dans un deux pièces dont les fenêtres donnent sur le "barri", boyau noir et malsain d'épandage et de détritus qui entoure la ville, Emile doit affronter les deux épreuves qui le séparent encore de l'état d'homme, le bachot et la découverte de la femme.
Après la mort de la grand-mère, en novembre 1857, Mme Zola s'estimant lésé par les anciens associés de son mari, décide de venir seule à Paris demander protection au tout petit monsieur Thiers, alors écarté du pouvoir. Emile reçoit une lettre de sa mère lui demandant de la rejoindre à Paris. Pour l'adolescent, ce déménagent est un véritable arrachement, dont les conséquences ont été déterminantes.
A dix-huit ans, le garçon débarque en février 1858, avec son grand-père Louis Aubert, dans un Paris froid et gris. Une insondable tristesse envahit le jeune homme.
La vie de la famille est plus difficile à Paris qu'à Aix. "Etre pauvre à Paris, c'est être pauvre deux fois". Les Zola changeront sept fois de domicile entre 1858 et 1862. Expérience de la pauvreté et des grandes maisons ouvrières, ce qui explique son attitude à l'égard de l'argent qui a choqué des écrivains contemporains : sans relations, sans fortune, il s'est fait seul, sa plume est, comme il le dit, un outil avec lequel il gagne sa vie, non un passe-temps, conception toute moderne.
Le 1er mars, il entre au lycée Saint-Louis en seconde ès science, externe surveillé. Seul succès que sa mère ait remporté dans sa lutte avec les bureaux, la bourse d'Emile a été prolongé. Mais les études vont à une telle allure qu'il ne peut suivre. Par ailleurs, on est plus sensible à la pauvreté à 18 ans qu'à 12 ans. Ses condisciples, petits ou grands bourgeois, s'attardent à cette tare du boursier avec une méchanceté extrême. Zola cherche refuge tous les soirs , 63, rue monsieur le Prince, dans un lit qu'il ne connaît pas et où il se recroqueville. Une seule joie, les lettres des copains, lettres du soleil. Là-bas le désarroi est partagé.
Au cours de ce premier semestre parisien, Zola organise sa vie, à l'intérieur de son désespoir. D'abord submergé, il ne travaille pas. Il ne pouvait pas. Au lycée Saint-Louis il était tout à coup devenu un cancre. Lui qui avait tous les prix à Aix. Il n'avait plus à Paris que le prix de discours français.
Pour les vacances Mme Zola décida de passer l'été à Aix malgré le peu d'argent à la maison. Il retrouva ses compagnons pour des vacances inoubliables. Mais ils avaient beau rire aux éclats, Zola savait que leur jeu n'était plus que survivance. L'absence lui avait appris ce qu'ils avaient perdu.
Quand il revint à Paris, la gorge si serrée qu'aucun mot ne pouvait plus passer, une typhoïde le prit. Six semaines de délire et de rêve éveillé.
Inspiré par l'amour de sa mère, un sursaut de volonté le secoue. Le 19 février 1859, des vers qu'il a composé en hommage à son père sont publiés dans La Provence. Il bûche pour le bac. Il passe l'écrit à la Sorbonne, remet une version médiocre et, persuadé d'avoir manqué les problèmes, ce n'est plus que par un acquis de conscience qu'il va vérifier les listes d'admis, pour s'y trouver second, éberlué.
A l'oral, il répond correctement en science et en mathématiques. Ce sont là ses "matières fortes", que l'écrivain digérera. Mais le dernier examinateur s'irrite parce que Emile fait mourir Charlemagne sous François 1er. En dépit des autres examinateurs, le professeur de lettres maintient son "nul". Recalé.
Emile approche alors des vingt ans et il faut s'en sortir. En novembre 1859, à Marseille où il s'est présenté pour le bac, espérant trouver des examinateurs moins coriace, il tombe, dès l'écrit. Le jeune homme et sa mère conviennent de l'inutilité de continuer. D'ailleurs, la bourse ne serait pas renouvelée. Zola vient de se condamner à "cette vie de bureau, cet égout, cet abîme".
Zola cherche en vain, un emploi qui lui permettrait de concilier ses rêves de gloire poétique et la nécessité de gagner sa vie.1860 et 1861 seront deux années difficiles. Zola travaille désormais dans l'administration des Docks de Paris, à la douane, mais cela ne lui plaire guère. A la fin de l'été Zola qui n'aspire guère à cette vie quitte les Docks.
Mince, râpé, verdâtre, il passe alors quelques temps à fainéanter avec l'insouciance d'un poète. Il se met à lire les grands classiques, tels que ceux de Sand, Molière, Dante, Shakespeare, Montaigne, Michelet... Il est indifférent à la pauvreté. Sa mère réprouve discrètement sans rien dire. Alors il se séparent. Ils se voient souvent. Ils s'aiment… Mais Zola ne veut plus ajouter à ses charges et il frémit de honte quand il la voit veiller sur des travaux de couture. Il a le sentiment d'avoir trahi les espoirs mis en lui par sa mère. Zola habitera des garnis de misère jusqu'en 1864.
Sans ressources, il est contraint d'abandonner son projet d'aller passer quelques semaines à Aix.
Vers la fin d'avril 1861, Cézanne qui sent Zola dépérir, monte à Paris le voir. Ce sont alors de grandes promenades dans la banlieue de Paris. Il fréquente avec de jeunes peintres aixois dont Pissaro qu'il a retrouvés, les ateliers de peinture, visite le Salon, fait "l'expérience de l'amour réel" (selon ses propres termes) avec une fille galante Berthe, tout en composant des contes de fées et des centaines de vers imités de Musset, dans lequel il rêve de créatures éthérées, d'amours idéales, et des esquisses de portrait pour Cézanne. Au cours de septembre Cézanne repart pour Aix.
A la fin décembre 1861, un ami de François Zola, Mr Boudet, membre de l'académie de médecine, voit arriver Emile, couvert de neige, maigre, le teint jauni. M. Boudet s'est entremis pour faire entrer le garçon chez Hachette. Mais il faut patienter encore quelques semaines. L'académicien lui propose alors de déposer ses cartes de visites moyennant un louis. Emile en dépose soixante et une, dans le fantastique Paris de l'hiver. Il pénètre chez Taine, About, Gautier et Feuillet. Il entre dans la littérature par l'escalier de service. Mais il peut manger du pain, du café, du fromage d'Italie. Malgré des problèmes intestinaux, il se remet alors à travailler, une manière d'autobiographie rêvée, Ma confession. Il passe des nuits blanches.
Le 1er mars 1862, il entre comme employé, au bureau des expéditions, à la librairie Hachette. Il restera quatre ans dans cette maison spécialisée dans les livres scolaires, les journaux destinés aux enseignants et la vulgarisation scientifique. Il comprend l'importance de l'enseignement, qui deviendra un des leitmotiv de son œuvre. Il pénètre les rouages du monde de l'édition et de la presse, voit fonctionner de l'intérieur une grande entreprise à la croissance extraordinaire, se fait de nombreuses relation et des amitiés durables, se lie avec les auteurs de la maison : Duranty, Claretie, Taine, Renan, Littré, Sainte-Beuve, Barbey-d'Hautevile, Guizot, Lamartine et rencontra celui qu'il admirait par dessus tout, Michelet.
Le travail chez Hachette et la nourriture le raniment. L'espoir revient. C'est vers cette époque que son poème Le doute paraît dans le travail, malgré l'hostilité du rédacteur en chef. Zola est radieux de se voir imprimé. Mais le journal est suspendu au bout du 8è numéro pour avoir publié un article de Clémenceau, Taule et Carré lançant un appel à l'émeute, place de Bastille. Zola craint alors pour sa place, mais il exagère.
Un jour de 1863, après la sortie des employés, il dépose un manuscrit sur le bureau du patron. C'est L'Amoureuse comédie, recueil de vers dans le sillage de La Divine Comédie de Dante. Pendant quarante huit heures, Zola tremble. Enfin, Louis Hachette reçoit son employé. Ce dernier l'encourage mais dans la voie de la prose et non dans celle du recueil. Le patron lui double ses appointements et le nomme au bureau de la publicité littéraire. Il en devient très vite le responsable. Zola est écarlate. Il écrit des contes, qu'il recueillera avec d'autres en volume en 1864 sous le nom de Contes à Ninon et qui seront publiés par Lacroix. Il reprend une nouvelle, Sœur des Pauvres, et la remet à Hachette. Celle-ci est jugée trop "révoltée".
Zola va alors faire un énorme effort d'objectivité. La remarque brutale du patron catalyse ses réactions obscures. Mi-persuadé qu'ailleurs est sa voie, mi-désireux d'arriver à tout prix, il renonce à la poésie. Il n'écrira plus désormais que des vers de livret.
Durant cette même année, il collabore à différents journaux : le Journal Populaire de Lille, l'Athenaeum français, la Revue du mois.
Cézanne était revenu à Paris en 1863 avec l'intention d'entrer aux beaux-arts, de concourir au Prix de Rome et d'exposer au Salon. Mais il fut refusé au Salon en même temps que Pissaro, Manet, Corot, Courbet. Comme en littérature, le libéralisme avait du mal à percer.
Au cours de l'automne 1864, Cézanne fait connaître à Zola, Gabrielle Eléonore Alexandrine Meley. Gabrielle ne ressemblait pas à l'idéal féminin de Zola. C'était une fille du peuple, orpheline de mère, nièce d'une marchande de fleurs installé près du passage Verdeau, blanchisseuse de son premier état, son aînée d'un an.
Zola naturalisé français fils de veuve, fut dispensé de service militaire. Il avait réclamé sa naturalisation en tant que fils d'étranger né en France le 7 décembre 1861 à la mairie du 5è arrondissement. Elle fut accordée le 31 octobre 1862. Le 3 mars 1863, il tira au sort le n° 495, qui ne fut pas appelé. Il était libéré de tout service.
La vie matérielle était assuré, la vie amoureuse aussi.
Toute sa vie Zola a tenu compte de la question d'argent. Vendre au mieux un manuscrit ne lui a jamais paru déshonorant. Il dira plus tard que "la propriété littéraire est la plus légitime de toutes". Il fera grande attention à la question d'argent quant à ses personnages. En opposition avec l'univers romanesque du temps, où les héros ne travaillaient jamais. Zola montrera toujours le métier et les ressources des siens.
Trois ans après son entrée chez Hachette, Zola donne toutes les semaines un article de 100 à 130 lignes au Petit journal, et tous les quinze jours, un article de 500 à 600 lignes au Salut public de Lyon. A cela s'ajoute quelques articles dans la vie parisienne, la Revue française, le Figaro et Le grand journal.
Ce jeune célibataire, qui gagne entre 400 et 500 francs par mois, n'est pas à plaindre, et il peut aider largement sa mère.
Mais il ne suffit pas de gagner de l'argent. Il a besoin de temps. Il travaille dix heures par jour, six jours par semaine, sans congés. Or il continue à fréquenter les brasseries de peintres, et il travaille à La confession de Claude (roman autobiographique inspiré de son aventure avec Berthe, et qui décrit l'impuissance de l'amour de Claude - Emile - à sortir Laurence - Berthe - de la prostitution). Lors de sa publication, en novembre 1865, les ventes restent faibles.
Cela va le pousser dans la voie qu'ont suivi Balzac, Hugo, Dickens, Tolstoï : le feuilleton.
Cependant, après la parution de La confession, il y avait eu enquête de police, au logement de Zola et chez Hachette, ce qui était plus grave. Zola hésite peu. Depuis longtemps, il a le désir de quitter son emploi pour se consacrer uniquement à la littérature. Louis Hachette est mort et son petit protégé à perdu du crédit dans la maison. Son activité d'avant-garde est mal jugée. Il démissionne le 31 janvier 1866 pour rentrer au journal L'Evénement de Villemesan. En fait il négocie son départ. Il a l'intention de remplacer son travail de bureau "par la rédaction de certains livres commandés chez Hachette".
Ce même jour, le jeune journaliste achète L'Evénement. Son nom éclate en première page, dans un article de Villemesan lui-même dans lequel il vient d'annoncer une nouvelle rubrique qui serait tenu par Zola.
Ce dernier y tient la rubrique littéraire : "Livres d'aujourd'hui et de demain" Sa première chronique est consacrée au Voyage en Italie de Taine.
Pendant trente jours Zola écrit sans savoir quel serait son sort. Il recueille un certain nombre de ces articles sous le titre Mes Haines (1866).
Il fait aussi la critique du Salon mais il est trop acerbe envers la génération traditionnelle et défend trop le nouveau courant : le naturalisme dont Manet en est un des grands défenseurs. Villemesan décide de lui retirer la critique. Zola s'incline. Alors il écrit son dernier article Adieu d'un critique d'art.
Ce texte est capital, par le souffle et la forme, car il amorce nettement cette fois la comparaison essentielle entre l'attitude de Zola défendant les peintres et celle qu'il prendra trente ans plus tard, politiquement.. Cette prise du parti des familles contre les pouvoirs, ce goût de tout risquer sans souci des conséquences. Déjà la voix de l'Aurore se posait. C'était même la coupe syntaxique de la célèbre lettre J'accuse.
Il reprendra tout ces articles pour en éditer un livre sous le titre Mon Salon.
Cependant Zola terminant un feuilleton : Le vœu d'une morte, il le proposa à Villemesan, en contrepartie de son éviction de la critique. Le vœu paraît, en novembre 1866, sans succès. Le roman ne méritait pas un meilleur sort et c'est Zola qui en témoigne.
Pendant ce temps un autre personnage était entré à l'Evénement, Jules Vallès.
Bien qu'il place sans difficulté sa "copie", Zola s'inquiète. Il a des charges : Gabrielle et sa mère.
Le Messager de Provence, de Marseille, lui a demandé un feuilleton, tiré de récents procès criminels qui ont remué le Midi. L'artisan va financer son prochain roman, Thérèse Raquin, avec ce labeur. Il a renoncé au travail nocturne. Il écrit le matin, à jeun, la tête froide. Ce sont ses meilleures heures. Il les consacre à Thérèse. L'après-midi, il brouillonne ses Mystères, pour deux sous la ligne.
Les mystères de Marseille, roman historique contemporain qui retrace l'histoire d'amour entre un plébéien républicain et la riche fille d'un aristocrate tout-puissant sur fond de tripotages financiers et de révolution de 1848, paraît à Marseille, en 1867. Le roman est aussitôt l'objet d'une pièce, en collaboration avec Marius Roux. Premier contact avec la scène, désastreux : la pièce tombe avant le rideau. Zola y attachait cependant une importance d'expérience, car il a fait exprès le voyage de Marseille, où il est resté, du 4 au 11 octobre. Déprimé il revient à Paris en faisant une escale à Aix.
Le 15 novembre 1867, l'Evénement est supprimé. Zola n'est plus que publié irrégulièrement dans Le Figaro.
La première édition de Thérèse Raquin paraît en librairie en décembre 1867, chez Lacroix. Zola savait que son roman était un chef d'œuvre. La presse le traita de pornographe, d'égoutier ou encore de partisan de la "littérature putride".
A 27 ans Zola trouve la cohérence dans sa personne et son style. En effet Thérèse Raquin constitue l'acte d'état civil d'Emile Zola, romancier français né à 27 ans. Il est non croyant, indifférent à la métaphysique, convaincu par Taine, ayant brûlé ses romantismes extérieurs, naturaliste, palpitant du désir d'écrire une œuvre énorme, provocateur et publiciste de soi-même, conquérant le public par la brutalité, prêt à flamber de fureur devant chaque injustice, dressé contre l'empire et sa bourgeoisie, défiant la Procureur, plus grand que nature, adorant son effigie à laquelle il a d'ailleurs collaboré. Il est lui-même. Il est adulte. Il travaille déjà sa statue.
Durant cette même année, il effectue des rencontres au café Guerbois, grande-rue des batignolles, où se réunissent grands peintres (qui deviendront les futurs impressionnistes : tels Pissaro, Guillemet, Oller, Monet, Manet, Sisley et Renoir) et critiques défendant une nouvelle manière de voir en peinture.
En 1868 Zola triomphe. Sa double présence au Salon en effigie, avec le buste de Solari et le portrait fait par Manet, lui semble symbolique. Il en est tout épanoui.
La presse étant libéralisée, de nouveaux journaux d'opposition à l'empire sont crées. Ainsi il collabore régulièrement à La Tribune, mais c'est maigre. Financièrement les années 1867 et 1868 n'ont pas été très bonnes. Il est prêt à tout accepter pour vivre.
Il écrit Madeleine Férat, qui paraît, sous forme de feuilleton, dans L'Evénement Illustré. Il projette également d'écrire l'histoire d'une famille en dix volumes.
Le 14 décembre 1868, il est invité à dîner cher les Goncourt. Edmond était alors un mousquetaire douillet et mélancolique. Il avait quarante-six ans, son frère, Jules, trente-huit. C'est en 1865, que leur amitié épistolaire est née, après que Zola ait défendu avec fougue leur premier roman naturaliste Germinie Lacerteux. Quand il s'en va, il laisse les frères éberlués et hilares, dans leur salon tiède orné de japonaiseries précieuses, car c'est pendant ce repas que Zola à l'illumination de sa fresque historique.
Le moteur premier des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, n'est pas l'hérédité mais la volonté de puissance ; pas celle des héros, comme chez Balzac, mais bien celle de l'auteur. Zola voulait être Zola. S'il avait réussi à se faire écouter avec ses poèmes, il serait parti, toutes voiles dehors, vers le lyrisme. L'œuvre est née de la rencontre d'une volonté de domination avec un certain nombre d'idées flottantes, dont l'écrivain s'est emparé parce qu'il fallait un minimum d'idées pour cimenter le tout.
Zola, dominé par "le malheur d'être né au confluent de Balzac et de Hugo", est hanté par le premier ; il écrase tout le siècle. Zola vit avec l'auteur de la Comédie humaine. Pratique, il note : "Ne pas faire comme Balzac. S'attacher moins aux personnages qu'aux groupes, aux milieux sociaux". Et c'est bien là l'intuition majeure.
De plus, il remarque : il n'y a pas d'ouvrier, chez Balzac. Voilà une issue. Les descriptions sont trop longues, trop compactes. Le lien entre les différents ouvrages a été conçu a posteriori. Pour les Rouchon-Sardat, il faudrait en prévoir un. Lequel ?
Zola connaît ses forces et ses insuffisances. Travailleur enragé, têtu, constructeur, admirablement doué pour la violence, il se sait étranger au subtil, à l'exquis, et ses idées sont souvent courtes. Pourtant, il en faut. Il tâtonne. Il tente de prendre appui sur ses propres livres, cherche en eux ce qu'ils avaient de plus neuf. Thérèse Raquin, sans aucun doute. Mais plus encore, Madeleine Férat, où il s'est servi de la physiologie et de l'hérédité.
Antoine Marion, un ami d'Aix et savant, lui parle sans cesse de l'hérédité. Il avait baptisé "Thorocostoma Zola une petite bête de quelques millimètres". Marion et d'autres ont renseigné Zola sur la philosophie de l'histoire naturelle et "tous les phénomènes si étranges de l'hérédité". Quelle idée admirable que celle de la persistance du sang, pour un romancier qui cherche comment rénover le seul moteur romanesque qui soit, le fatum.
Est-ce vrai scientifiquement, l'hérédité ? Cette jeune hypothèse est-elle rigoureuse ? Zola ne va pas si loin. Pour les idées scientifiques comme pour la peinture, il suit son instinct. Il admet l'hérédité, en postulat, parce qu'elle est de son temps et qu'elle convient à son projet. On s'est beaucoup moqué de l'utilisation qu'il fit de cette théorie. Certes, elle est simpliste. Mais encore une fois, en gros, il avait raison.
Zola se documente. Il lit une traduction de Darwin. La Physiologie des Passions, du docteur Letourneau, L'introduction à la Médecine expérimentale, de Claude Bernard. Zola trouve dans une étude du docteur Lucas (Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle, 1847-1850) les principes de construction c'est-à-dire le lien nécessaire entre les personnage de sa famille des Rougon-Macquart. Selon Lucas, le processus héréditaire peut aboutir à trois résultats différents : l'élection (la ressemblance exclusive du père ou de la mère), le mélange (la représentation simultanée du père et de la mère), la combinaison (fusion, dissolution des deux créateurs dans le produit). Le romancier est ébloui. L'aspect systématique de la détermination génétique le fascine. Il dresse un arbre généalogique dans lequel il établit des correspondances entre les personnages et les romans.
Il élabore sa sociologie. Le circulus social est identique au circulus vital. Dans la société comme dans le corps humain, il existe une solidarité qui lie les différents membres, les différents organes entre eux, de telle sorte que, si un organe se pourrit, beaucoup d'autres sont atteints et qu'une maladie très complexe se déclare. Elle tourne autour de quatre monde qui atteint à la candeur poétique :
Peuple : ouvrier, militaire ;
Commerçants : spéculateur sur les démolitions, industrie et haut commerce ;
Bourgeoisie : fils de parvenus ;
Grand monde : fonctionnaires officiels avec personnage du grand monde, politique ;
Et un monde à part : putains, meurtriers, prêtres (religion), artistes (art).
Il prépare ensuite un premier plan de dix romans se déboîtant les uns des autres.
La stupéfiante déglutition se déroule en même temps que l'affabulation romanesque. La colère contre le Second Empire anime Zola. Les Rougon-Malassigne seront un règlement de compte.
"La famille dont je conterai l'histoire représentera le vaste soulèvement démocratique de notre temps ; partie du peuple, elle montera aux classes cultivées, aux premiers postes de l'état, à l'infâme comme au talent. Cet assaut des hauteurs de la société par ceux qu'on appelait au siècle dernier les gens de rien, est une des grandes évolutions de notre âge..."
Maintenant, le roman doit s'incarner. L'écrivain prend de multiples notes. L'immense roman des Rougon-Macquart - le nom lui même est trouvé - est prêt. Il ne reste plus qu'à l'écrire.
Il faut trouver "le souffle". Le bâtisseur régularise son emploi du temps. Il se lèvera dès huit heures. Promenade, une heure. Puis écriture de neuf heures à une heure. L'après-midi ? Les visites, les articles, la Bibliothèque impériale. Il calcule le nombre de pages qu'il faut abattre par jour pour avoir fini dans dix ans. C'est la conception d'un artiste ouvrier, à la Courbet. "Comme si chaque page n'était qu'une distance à franchir."
En 1869, Zola débute l'écriture de La Fortune des Rougon. Le projet d'écrire l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire est accepté par l'éditeur Lacroix. Zola obtient un contrat fixe de 500 francs par mois à la clé. Il s'installe au 14 rue des batignolles, où il accueille un ami aixois, Paul Alexis, qui lui devint très fidèle.
Nous sommes en 1870 quand parait en feuilleton, dans Le Siècle, La Fortune des Rougon. Ce premier volume, est la base qui justifie tout l'édifice. Ce roman raconte le coup d'État du prince Louis Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, vu d'une ville de Provence, Plassans, que Zola a inventée d'après la ville d'Aix-en-Provence. À la faveur de ce bouleversement politique, les ambitions se déchaînent : deux branches rivales d'une même famille, les Rougon et les Macquart, s'affrontent, les premiers se révélant bonapartistes par calcul, les seconds libéraux par pauvreté et par envie.
Toute la structure interne des Rougon-Macquart est expliquée par la névrose d'Adelaïde Fouque, dont le père a fini dans la démence et qui, après la mort de son mari, un simple domestique nommé Pierre Rougon, prend pour amant un ivrogne, Antoine Macquart. La descendance de celle que l'on appelle tante Dide est ainsi marquée par la double malédiction de la folie et de l'alcoolisme, que l'on retrouve dans tous les volumes. Ainsi, le docteur Pascal, héros du vingtième et dernier volume, s'effraye en comprenant subitement la tragique destinée de sa famille.
Gustave Flaubert, dès la parution du premier volume, écrivit des éloges à Zola. Les critiques littéraires ne partagèrent pas tous cet avis puisque le romancier fut victime de plusieurs campagnes de presse qui dénonçaient sa littérature jugée scandaleuse.
Zola se marie le 31 mai 1870 avec Gabrielle. Le 19 juillet, il apprend que la guerre est déclarée entre la France et la Prusse. Le 5 août 1870, au plus vif du danger intérieur, dans un article intitulé Vive la France, Zola prend parti politiquement, pour la paix, en pleine mobilisation !
Le jeune marié est inculpé "d'excitation au mépris et à la haine du gouvernement et de provocation à la désobéissance aux lois". Mais l'échec de la France dans cette guerre le 4 septembre entraîne la chute du Second Empire. Zola évite ainsi des poursuites judiciaires pour ses propos anti-bonapartiste. Après avoir crié sa conviction, Zola veut s'engager. Il n'est pas admis à servir dans la garde nationale, à cause de sa myopie. Zola, inutile tandis que partent les régiments est désespéré. L'empereur part pour Sedan, la république est proclamée.
Le 7 septembre la famille quitte la capitale pour la banlieue de Marseille. Emile y retrouve Cézanne.
Les grandes cités n'obéissent pas au gouvernement provisoire. Les ouvriers cherchent la revanche de 48. Il faut vivre dans ce tumulte ou agonise un peuple. Zola retrouve Arnaud et fondent La Marseillaise. Malheureusement le journal périclite et il revend l'affaire. Alors Zola rêve de devenir sous préfet, à Aix. Mais Aix en a déjà un. Pour enlever l'affaire Zola décide d'aller à Bordeaux, le 11 décembre, au siège du gouvernement provisoire. Cependant à bordeaux règne un désordre total. Il juge vite et net.
Il n'abandonne pas le projet d'être sous-préfet. Tandis qu'il agit sur le plan gouvernemental, Zola fait intervenir ses amis. La préfecture d'Aix est peut-être libre. Mais la place vient d'être attribué. Le 19 décembre Zola n'a presque plus d'argent. Il rencontre alors Glais-Bizoin qui le prend comme secrétaire.
Le 21 décembre Zola fait venir Gabrielle et sa mère à Bordeaux. Elle n'arrivent qu'après Noël.
Après l'élection de l'Assemblé nationale, le 8 février 1871, qui siège à Bordeaux, il est engagé comme chroniqueur parlementaire à La cloche et au Sémaphore. Il ne sera pas sous-préfet, du moins en fonction.
Il regarde le cancer proliférer sur la France blessée. Dans la médiocrité des cabinets improvisés, des petites manœuvres, des petites démarches, dans la panique de la paix à tout prix, Zola sent l'ampleur du désastre.
Il s'indigne de l'ingratitude des députés provinciaux à l'égard de Garibaldi qu'on ne remercie pas. Il voit Hugo. Cette rencontre avec le dieu de son ancienne mythologie l'émeut.
Il rentre alors à Paris, pour suivre l'Assemblée qui est transférée à Versailles. Tandis que Zola fait ses valises, il apprend que l'imprimerie du Siècle a perdu l'unique manuscrit de La fortune des Rougon, en cours de publication. C'est une catastrophe, une condamnation du sort. Coup de chance, on retrouve le manuscrit oublié sur la table même du correcteur. Le 18 mars 1871, Le Siècle reprend le feuilleton.
Son travail de journaliste parlementaire, il l'assurera jusqu'au 3 mai1872, plus de huit cents articles. Il acquiert une solide connaissance du monde politique, qui lui servira pour ses romans. Pour avoir vu de près dans les équipes de journalistes ou dans les couloirs de l'Assemblée, la cuisine et les luttes entre boutiques, il ne sera jamais tendre à l'égard des hommes politiques, et, particulièrement, à l'égard des républicains qui le déçoivent.
Il a cependant de plus en plus de difficultés à faire son métier. Ses textes deviennent purement informatifs. A partir du 8 avril 1871, il ne signe plus.
Près du château, Zola voyait passer les convois de prisonniers fédérés, déguenillés, furibonds ou gouailleurs, suant la haine contre la bourgeoisie accroupie dans les palais de Louis. Cette haine le déchirait. Une partie de lui-même était pour la paix, l'acceptation de la défaite, et l'autre, la plus obscure, le faisait frère de ces indomptables que Thiers saignait en furet cruel. On les menait par groupes de cinquante chez le jeune commissaire Macé. Zola sursautait au roulement des feux qui fusillaient les captifs. Il entendait toujours une femme qui riait, hystérique.
Après ses pérégrinations picaresques dans l'envers de la guerre, Zola est fou de travail, et se remet sur les second et troisième livres des Rougon-Macquart. Entre 1868 et 1871, il n'a presque rien publié. Il s'acharne dans son pavillon de la rue de La Condamine, loué 1000 francs par an. En tricot et vieux pantalon, il écrit. Il sort peu, sinon pour se documenter ou pour ses travaux de journaliste parlementaire. Ce sont les jeudi qui éclairent sa vie car il reçoit.
Après cette période d'incubation et de documentation, Zola s'acharne à rattacher avec un seul fil toutes ces réminiscences et toutes ces impressions. Et il se met à écrire, trois, quatre, cinq pages par jour. Il pratique assez peu les ratures et les repentirs.
Les événements de la Commune, du 18 mars au 28 mai 1871, lui ont été néfastes. Il est considéré comme suspect, à cause de sa participation au journal républicain La Cloche. Alors que La Fortune des Rougon qui paraît en original chez Lacroix en octobre 1871 passe inaperçu, La Curée, qui préoccupait Zola depuis trois ans paraît en feuilleton dans La cloche en septembre 1871. Aussitôt le ballet des pouvoirs reprend. Les dénonciations s'entassent sur le bureau du Procureur. On accuse l'auteur de pornographie, d'obscénité, d'immoralité. Par décision du parquet, la parution de La Curée est interrompue le 5 novembre 1871.
Et voilà que Lacroix fait faillite, non sans devoir des sommes importantes à son auteur, qui s'est endetté et qui n'aime pas ça ! Un éditeur défaillant, deux titres parus sans succès de vente, et les autres qui attendent ! Théophile Gautier, que son jeune confrère intéresse, a parlé de lui spontanément à son éditeur, Charpentier. Pressenti, Zola va chez Charpentier mal vêtu. Gabrielle fait de fréquentes visites au mont-de-piété. Zola expose sa situation à l'éditeur, qui demande quarante-huit heures de réflexion. Il propose de prendre deux romans par an, pour 500 francs par mois, et rachète La fortune des Rougon et La Curée pour 800 francs. Mais il ne peut consentir de droits proportionnels à la vente. C'est un achat ferme de chaque roman pour dix ans.
Il se lie d'amitié avec Flaubert, Daudet et Tourgueniev. A la fin de l'année 1872, il quitte La Cloche.
En 1873, il publie le troisième volet des Rougon : Le ventre de Paris.
Le livre n'eut que deux éditions en librairie. L'auteur et l'éditeur persistèrent. Les réactions furent surtout épistolaire. Mais on assistait à la naissance du groupe de Médan avec Huysmans, Alexis, Maupassant. Dans le même temps Thérèse Raquin est joué au théâtre. Mais la pièce qui déconcerta le public ne fut pas un succès.
Enfoncé dans son œuvre, Zola ne s'intéresse plus à la peinture. Ses amis peintres ont presque tous renoncé au Salon. Toutefois il assiste à la première exposition impressionniste chez Nadar.
Il se tourne alors vers le théâtre avec Les héritiers Rabourdin, mais c'est l'échec.
En six mois, Charpentier a vendu 1700 exemplaires de La Conquête de Plassans, paru en juin 1874. Paraît également Les nouveaux contes à Ninon. Il fait la connaissance de Maupassant et de Mallarmé.
Zola doute, désespère, mais réagit en augmentant la pression. Cette année l'été est torride, mais il lui permet d'achever La Faute de l'abbé Mouret, récit d'un amour idéalisé. Ce récit paraît le 27 mars 1875, et il plaît. Le chemin du succès s'élargit. C'est la fin définitive des souci financiers. Zola se lie d'amitié avec Huysmans, Céard et Hennique.
Début 1875 Coco est au lit. Le docteur de famille ordonne la mer. En mai Zola écrit à Alexis pour chercher dans le Midi une petite maison. Il renonce, pour raison d'argent , la Normandie suffira. Ils iront à Saint-Aubin, entre l'embouchure de l'Orne et Courseulles.
Zola devient très nerveux, le travail prolongé l'irrite et le tue. Parfois il est obligé de s'arrêter quelques semaines de travailler. Il arrête de fumer brutalement, son cœur commence à battre de manière effrayante. Il publie son sixième volet Son Excellence Eugène Rougon. Ce roman qui est la clef de voûte des Rougon, restera comme l'un des livres les moins populaire.
Zola pense alors à L'Assommoir. Il traîne le long des canaux de la Villette, près de Montmartre et des chemins de fer de l'est et du nord, et la Goutte-d'Or surtout. Il relève les plan d'un bâtiment qui sera celui de Gervaise, il visite un lavoir. Il croise des filles en chignon qui portent des paniers d'osiers, les compagnons serruriers sont en bourgeron bleu, les maçons à cotte blanche et les peintres en blouses. L'hiver s'avance. Il imagine l'intrigue, cherche sa fin. Ce roman relate la déchéance d'une honnête blanchisseuse, Gervaise Macquart.
Le manuscrit terminé, Zola n'avait pas tellement confiance. Il encouragea Guyot, rédacteur en chef du Bien Public de publier son roman. Meunier le patron du journal accepta. On traita pour 10000 francs. La publication commença le 13 avril 1876. Aussitôt les protestations affluèrent. Sous la pression des abonnés le feuilleton est suspendue. Le roman sera finalement édité en Belgique par Catulle Mendès qui en rachète les droits. Et c'est le triomphe.
Après L'Assommoir, les journaux offrent 20 à 30000 francs par feuilleton. Paru en librairie en février 1877, on en vend aussitôt trente-cinq éditions. Charpentier déchire alors le contrat qui le faisait le seul bénéficiaire du succès et remet son auteur au pourcentage sur la vente. Il lui donne 18500 francs. Autant que la totalité des droits des livres précédents.
Du jour au lendemain, Zola devient l'écrivain français le plus célèbre. Il quitte Le Sémaphore et déménage pour s'installer plus confortablement au 23 rue de Boulogne. Il devient le chef de file des naturalistes.
Le 9 août 1878, il acquiert, pour 9000 francs, une maison sur les bords de la Seine à Médan (dans les Yvelines)"une cabane à lapins" à laquelle il ajoutera deux ailes, grâce au droits d'auteur de L'Assommoir. Cette maison à Médan, servit de refuge aux naturalistes. Il était en effet devenu un maître à penser pour une nouvelle génération de romanciers. Entre 1877 et 1880, les plus fidèles de ses visiteurs furent Huysmans, Guy de Maupassant, Henri Céard, Léon Hennique et Paul Alexis. De ces réunions naquit un livre collectif (les Soirées de Médan, 1880), recueil de nouvelles écrites par chacun de ces écrivains, qui constitue une sorte de manifeste appliqué du naturalisme. La nouvelle de Zola avait pour titre l'Attaque du moulin; celle de Maupassant, Boule-de-Suif, rendit son auteur célèbre à trente ans.
Avec l'Exposition Universelle de 1878 coïncidait la présentation d'une nouvelle œuvre. Il avait troussé en trois semaine, en 1876, une pièce drôle, Le Bouton Rose, cocuage écrit pour le Palais-Royal, que Plinkett avait refusé. Le succès de L'Assommoir avait fait changer d'avis le directeur et on avait mis la pièce en répétition. Le public de la première attendait de la comédie naturaliste dont Zola vantait les vertus. Il fut offusqué par une pochade vaudevillesque où des officiers d'opérette chantaient, autour d'une cantinière court vêtue, les couplets du petit tonneau. Il fera le point de ses fâcheuses expériences en publiant, le mois suivant son théâtre.
Pour Zola, l'été 1878 arrive après une année chargé. Une page d'amour a été lancée d'abord en feuilleton, dans Le Bien public, du 11 décembre 1877 au 4 avril 1878, puis en originale dans la Bibliothèque Charpentier, en juin 1878.
Parallèlement à l'œuvre, la maison de Médan et l'appartement parisien prennent de l'importance. Zola et sa femme courent les antiquaires chacun de son côté.
Zola connaît enfin le succès théâtral grâce à l'adaptation de L'Assommoir qui fait courir Paris. La première a lieu le 18 janvier 1879.
Fin septembre 1879, Jules Laffitte, directeur du Voltaire, a demandé Nana, pas encore terminé. Le roman raconte l'ascension sociale et le déclin d'une prostitué et la publication commence le 16 octobre 1879. Une débauche de publicité lance l'ouvrage. En mars 1880, Charpentier vendait, dès le premier jour, à compte ferme 55000 exemplaire et donnait l'ordre de tirer dix éditions supplémentaire.
Le 17 octobre 1880, à six heures et demie du soir, Mme François Zola mourrait. Elle s'était éloignée depuis quelques temps, d'elle-même. Tout cet hiver, Zola s'enferma dans sa campagne. Il parlait à peine à sa femme. Ce fut sans doute leur plus sombre année avec également les décès de Flaubert et Duranty.
Zola connaît le succès depuis quatre ans. Le romancier est en passe de devenir millionnaire.
Cinq recueil critiques voient le jour entre 1881 et 1882 : Le Roman expérimental, Les Romanciers naturaliste, le naturalisme au théâtre, les documents littéraires et Une campagne auxquels se joindront deux recueils de nouvelles, Le Capitaine Burle (1882) et Naïs Micoulin (1884).
Au printemps 1882, il rêve à La Bête humaine. Pot-Bouille paraît en janvier. Le 26 son auteur est assigné par un nommé Duverdy. Il existe un Duverdy dans son roman. Zola est condamné à changer le nom de Duverdy et est condamné au tribunal civil.
Zola achève Au bonheur des dames qui mêle une histoire d'amour à celle d'un grand magasin, confirmait l'intérêt de Zola pour les nouvelles formes de production et de diffusion des biens et plus généralement pour les questions économiques et sociales et qui est édité le 2 mars 1883. La joie de vivre paraît en novembre 1883. Zola a travaillé à ce roman sans arrêt du 25 avril eu 23 novembre. Entre temps les Zola passent leurs vacances d'été à Bénodet.
Zola se met alors au travail pour écrire Germinal. Alerté par Alfred Giard, il se rend à Lille en février 1884, où une grève doit éclater.
Quelle fortune d'être sur place quand l'événement se produit ! Cependant, les mineurs sont méfiants; Giard doit présenter le romancier comme son secrétaire.
A Denain, en face des corons Jean-Bart, Zola entre dans l'estaminet d'Emile Basly.
Zola est saisi. Il sent quelque chose de grand qui se passe. Il parle longuement avec ce mineur évolué que la compagnie a chassé et qui s'est mis dans la limonade. Zola l'interroge. La mécanique de baisse des salaires camouflée par le boisage. Zola s'informe aussi du côté du patronat.
Il descend dans la fosse Renard, accompagné de l'ingénieur Dubus. A cinq cents mètres sous terre, bedonnant et soufflant, il retrouve l'univers de ses angoisses. Taupe halluciné par la réalité sociale après l'angoisse d'adolescence, il circule dans son propre désespoir.
Zola va alors accumulé des centaines de pages de notes
A ce moment là, Zola pèse près de quatre-vingt-quinze kilos. Il a une peur bleue du diabète. En Août au mont-d'or, il marche tant qu'il peut. Il prend des bains de vapeur. Mme Zola fait sa cure. Sa santé est de plus en plus mauvaise et son humeur s'en ressent. Tout le siècle se lave les viscères dans ses étranges villes d'eau pompéiennes. En janvier 1885 Zola a terminé Germinal. C'est un énorme succès, Zola atteint les sommets de la littérature française, il peut se placer aux côtés de Flaubert, Stendhal ou Balzac.
L'été 1885 et tout l'hiver, Zola travaille sur L'œuvre. A Médan, Cézanne est venu. Paul faisait des confidences. Il était amoureux d'une femme rencontré à Aix.
L'œuvre paraît. Le public prévenu, attend un roman à clef sur l'impressionnisme et ses scandales. Dans les premiers jours d'avril 1886, Zola et Cézannes se sépare. En effet Cézannes qui vacille entre des périodes d'euphorie et des périodes de désespoir, se reconnaît dans le personnage principal, Claude Lantier, qui se suicide. C'est la fin d'une longue amitié.
Depuis février il a commencé La Terre. Entre le 3 et le 11 mai, il effectue un bref séjour dans la campagne, en Beauce, pour rassembler des informations sur la vie des paysans. La Terre est publié en 1887. Cette publication soulève un véritable scandale. Emile est renié des Goncourt. Il part en vacances à Royan pour écrire Le Rêve, en espérant calmer les ardeurs. C'est un roman atypique écrit dans une veine plus intimiste et paisible qui fut sans doute inspiré à l'auteur par sa liaison avec Jeanne Rozerot et ses deux enfants.
Au printemps 1888, Zola travail à Médan, à la future Bête humaine. Zola, qui atteint les cent kilos, décide de suivre un régime. En dix mois, il va perdre 25 kilos. Pourquoi ce changement ? Zola était amoureux de Jeanne Rozerot, lingère que Coco Zola avait engagée. Il se produisit entre Emile et Jeanne ce qui s'était produit, un demi-siècle plus tôt, entre Francesco Zola et Emilie Aubert.
Il publie Le Rêve. Ce roman est plus intéressant par rapport à la vie sentimentale de son auteur qu'en lui-même. Il est arrivé à Zola une formidable aventure. Pour se détendre de ses Rougon et pour faire plaisir à Georgette Charpentier, la fille de son éditeur, qu'il aimait beaucoup, pour contraster avec les noirceurs de La Terre et La Bête humaine, un homme gras, essoufflé, morose et seul, a imaginé Angélique comme il avait imaginé antérieurement la Denise du Bonheur des dames.
Le 14 juillet 1888, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur
A l'automne Zola installa Jeanne rue Saint-Lazare. Mais les amoureux sont d'une imprudence qui frise la volonté de s'afficher. Coco est prévenue par lettre anonyme et devient folle de rage. Zola est quant à lui tiraillé entre les deux domiciles, où il vit avec une épouse qui lutte avec la plus insigne maladresse, et le jeune nid de la rue Saint-Lazare.
La présence d'une Jeanne pourtant des plus discrètes va accuser l'orientation de l'œuvre du romancier loin du naturalisme, vers l'idéalisme qui en est le contrepoint. Pour Zola, l'entrée en scène de Jeanne coïncide avec le déclin du naturalisme dont le manifeste des Cinq a sonné le glas. Zola accélère sa révolution physiologique. Exactement, il change de peau.
Le conflit qui oppose Zola et sa femme s'agrandit de jour en jour. Emile cherche donc une solution pour se "débarrasser" de Jeanne. Mais à chaque fois un fait nouveau l'en empêche. Le plus grand est la naissance de sa fille Denise le 20 septembre 1889. Il va alors se partager entre cette naissance et les problème de santé de sa femme.
Peu à peu , la fureur de Coco se canalise. Elle pousse son mari à s'installer dans un appartement plus grand, 21 bis rue de Bruxelles. La femme bafouée va se rattraper sur son personnage social.
Le 1er mai 1890, il effectue sa première demande d'entrée à l'académie française, qui se solde par un échec (il sera candidat vingt-cinq fois entre 1890 et 1897 date du début de l'affaire Dreyfus, où il ne sera plus question de l'habit vert). Il publie cette année là son roman très noir La Bête humaine.
Il entre, le 9 février 1891 à la Société des Gens de lettres avec Halévy et Daudet comme parrain. Deux mois plus tard, l'assemblée générale l'élit membre du comité qu'il présidera du 20 mars 1892 au 8 avril 1894. Cette activité professionnelle devait aussi servir sa campagne académique mais sans succès.
En avril 1891, Zola voyage dans les Ardennes pour y prendre des notes, faire des rencontres et suivre le trajet que les soldats avaient effectué entre Châlons et Sedan, où ils furent vaincus pour son roman La Débâcle.
Juin 1891 Le Rêve est joué à l'opéra comique. Le 25 septembre, Jeanne donne un deuxième enfant à Zola : Jacques. La même année paraît L'argent. L'année suivante, il publie La Débâcle. Les militaires accusèrent immédiatement Zola d'antipatriotisme et de défaitisme. Mais bientôt les attaques s'éteignirent, faute d'aliment et d'écho. L'armée digéra en silence La Débâcle. Mais l'humiliation ressentie était profonde. Quand Zola s'offrira à ses coups, elle s'en souviendra.
Rentré de Lourdes, après un séjour du 20 août au 1er septembre 1892, Zola loue à Cheverchemont, près de Médan, une maison où Jeanne et les enfants passeront les mois d'été. Pourtant, l'équilibre viendra à force d'usure. Coco consentira, non sans pleurer souvent. Dès lors, Zola travaillera le matin rue de Bruxelles et ira retrouver Jeanne dans l'après-midi.
Le 15 mai 1893, il achève Le docteur Pascal. Le 21 juin, ses éditeurs, Charpentier et Fasquelle, organisèrent, pour célébrer l'achèvement du cycle, un grand banquet qui rassembla deux cents écrivains et artistes. Cette vaste somme romanesque transpose sur le plan littéraire les grands changements structurels de la seconde moitié du XIXe siècle, liés à la naissance de l'âge industriel : l'émergence des masses, le développement des grandes villes, l'essor du capitalisme conquérant. Mais, davantage que sa valeur de témoignage (réelle) et sa validité scientifique (tout à fait discutable), c'est la justesse du ton et les dimensions titanesques de l'œuvre qui impressionnent d'abord le lecteur actuel. La principale qualité de cette œuvre, que l'auteur voulait scientifique et réaliste, reste paradoxalement la puissance évocatoire du style, la force et la cohérence de l'imaginaire qui la nourrit, conférant à cette fresque sociale un caractère mythique ainsi qu'une vraie dimension épique et visionnaire.
Le 13 juillet il se fait sacrer chevalier de la légion d'honneur. En septembre, Zola va à un congrès de la presse à Londres.
Zola, qui n'a plus assez de temps probable à vivre pour entreprendre une tâche aussi important qu'il vient d'achever, se sent encore trop fort pour abandonner. Il est condamné à faire plus grand en faisant plus court. La machine de l'œuvre l'emporte sans frein.
Il reprend son idée de cycle et trouve son sujet avec Les Trois Villes, cette nouvelle religion qu'il veut incarner, dans la famille spirituelle de Rousseau et du Hugo du testament. C'est en 1891 et 1892 qu'il a "découvert Lourdes". Il y recueille des témoignages. Il rencontre des docteurs, la famille de Bernadette Soubirou, une photo de celle-ci "à genoux, en robe noire, un foulard noué sur les cheveux". Le premier volume intitulé Lourdes paraît en 1894.
Le 30 octobre 1894, il part pour Rome. Il est reçu par le pape Léon XIII. En décembre, il est à Venise. Pendant ce temps, le capitaine Dreyfus est condamné à la réclusion perpétuelle pour avoir livré des renseignements à l'Allemagne. Il écrit successivement Messidor, Rome et Paris qui paraîtront respectivement en 1895 1896 et 1897.

Biographie d'Emile Zola (Partie II)

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La muse

Quelques lettres assemblées

Forment de jolis mots

Prêts à être envoyés.

C’est l’œuvre de ton stylo.

 

Griffonné sur une page

Du carnet qui est tien,

Ce fabuleux message

Bientôt, il sera mien.

 

Et tu me l’enverras

En ayant l’impression

Que de loin, tu verras

Naître cette émotion

 

Qui en moi grandira

Provoquant de surcroît

Des rires aux éclats,

Quelques frissons d’émoi.

 

De loin, tu récolteras

Les fines perles de pluie

Qui couleront ci et là

De mes yeux éblouis

 

Heureux de découvrir

Ces mots simples et doux

Calfeutrés de sourires,

Partagés entre nous.

 

Qu’il est bon de te lire,

De boire à ta fontaine.

Qu’il est bon de t’écrire

Ce qui saoule mes veines.

 

Chaque lettre reçue

Est source de vive joie.

Je ne serai jamais déçue

De ces mots que tu m’envoies.

 

Ils sont beaux, ils sont doux.

Ce sont des mots « bateau ».

Ils caressent mes joues

Et voguent sur ma peau.

 

Je cueille délicatement

Ces instants de bonheur.

Je les savoure vraiment.

Ils me touchent le cœur.

 

Je suis devenue muse

De toi que je connais peu.

De nos cœurs tendres fusent

Des échanges chaleureux.

 

13/03/2011

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journal de bord, samedi 12 mars 2011

Début de p'tites vacances ? Début de s'maine de congé ?

 

En tout cas ...

 

L'idée, ce matin, de pouvoir rester au lit, à mon rythme, je n'allais pas cracher dessus.

 

Comme par enchant'ment ...

 

Une armoire, avec trois portes entr'ouvertes, me souhaitait le bonjour, quand j'ai ouvert les yeux ... et même ensuite. Un seau d'eau, très bleu, dans un coin plus discret, annonçait les prémices d'un été qui m'était probablement destiné. Des marionnettes, sur une étagère en bois, qui connaissent mes passages par coeur, souriaient, flambantes et neuves, à l'heure du réveil.

 

Que demander de plus ?

 

Evidemment, par souci de rattraper le temps perdu, j'ai voulu prolonger la satisfaction de rester sous les draps.

 

Un détail, pourtant, mettait son halte-là. Dans l'dos, ça tirait un peu. Ca m'arrive souvent, en période de congé, de ressentir des points d'côté, par là, quand je prolonge mon passage sur la couette, aux p'tites heures du matin.

 

En bas, par la suite ...

 

Une orchidée poussait, pas loin d'un évier. Une petite valise, toute mignonne, rendait les honneurs au jardin.

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HISTOIRE COURTE 4.

LE CANARD DE FLORENCE.

 

C'est son bleu intense avec une touche de vert évoquant l'océan ou la Chine.

C'est la fierté de son col, l'élégance de sa pose figée. C'est aussi la lumineuse brillance de son fini qui l'ont fait s'arrêter fascinée devant l'étalage d'une des nombreuses boutiques qui bordent les quais de l'Arno avec le ponte Vecchio en perspective.

Qu'il est beau ce canard, quelle couleur, qu'elle allure! Il me le faut pensa-t-elle.

De retour à l'hôtel, Julie allongée sur son lit, épuisée par la chaleur et par la fatigue des visites en cascade de cette journée, rêve au canard bleu dans une demi torpeur.

Encore quelques minutes, je prends ma douche et j'y retourne! Il doit être fragile, il faudra un emballage adéquat. Je le garderai à portée de main dans la voiture, il faut éviter l'encombrement du coffre.

Fraîche, pimpante même, le chignon lisse comme sa peau, le regard clair, le décolleté plongeant, Julie est prête. La jupe large met en valeur la finesse de sa taille et celle de ses jambes bronzées à point et perchées sur des talons déraisonnables dans les ruelles italiennes aux revêtements chaotiques! Qu'importe, il faut qu'elle soit belle! Elle sourit ironique, il faut être à la hauteur du canard bleu...

La porte en s'ouvrant réveille un carillon cristallin. Bonjiorno Signora?

-Parlez-vous le français?

-Mais bien sûr, avec joie.

-Je viens pour le canard bleu, porcelaine ou faïence? Quel est son prix? Pouvez-vous l'emballer pour un long voyage? Il ne faudrait surtout pas qu'il s'abîme.

Volubille, elle est si pressée de tenir le canard dans ses mains que sa peau rosit d'excitation contenue.

Italien jusqu'au bout de ses chaussures, le regard scrutateur et amusé, l'homme sort avec précaution le canard de l'étalage. Il l'attrape du bout des doigts, le fait tourner de gauche à droite...

-Beau, en effet, fragile pas vraiment, mais bien entendu à ne pas laisser tomber! Je peux vous l'emballer très protégé pour demain. Vous revenez le chercher ou voulez-vous que je le dépose à votre hôtel, enchaina-t-il?

-Si ce n'est pas abuser, je préfère la seconde solution, cela me rendrait service.

-Demain 19H après la fermeture du magasin.

La jeune femme griffona l'adresse de l'hôtel sur une carte de visite : Julie Bodricourt, murmura l'homme.

-Marco Pupati lu-t-elle sur le reçu.

 

La journée du lendemain démarra pour Julie au levé du soleil. Sienne et San Geminiano étaient au programme de son dernier jour en Toscane et les lanternes du bord du fleuve étaient allumées quand elle rejoignit son hôtel.

Dans son costume de lin froissé, Marco sirotait un coctail dans le salon baroque.

-Il est plus de 8H, je suis désolée, je pensais que vous laisseriez le paquet à la réception, s'excusa Julie.

-Un canard pour vous si précieux, vous n'y pensez pas, sourit Marco. Le bar est très agréable et le cocktail délicieux, puis-je vous en offrir un?

-Pourquoi pas, dit Julie, qui prit avec délice possession d'un fauteuil confortable. Tous les commerçants sont-ils aussi serviables et charmants à Florence, enchaina-t-elle

-Toutes les femmes sont-elles aussi spontanées et jolies en France? Répliquât Marco.

Aux pieds de Marco, confortable dans son emballage ondulé, le canard bleu s'était mis à rêver...

Depuis qu'il était sorti de la fournaise où il s'était parachevé, il n'avait pas ressenti une telle chaleur ambiante... Moins agréable fut son séjour à la consigne de l'hôtel, mais le lendemain matin, c'est avec tellement de soin qu'il fut callé par deux sacs Vuitton au pied du siège passager, juste à côté des jolies jambes bronzées, malheureusement dissimulées sous un jeans.

Tiens, mais n'est-ce pas Marco qui met la grande valise dans le coffre? Si, et c'est bien son sourire qui se penche et rejoint celui de Julie.

-Faites un bon voyage, soyez prudente, pensez au canard bleu...

 

Celui-ci supporta les 500 km jusqu'à Cannes, jalonnés de plus de 100 tunnels, sans problème.

Julie conduisait vite et bien et arriva à l'appartement au milieu de l'après-midi. Elle aurait sa soirée pour peaufiner les croquis qu'elle présenterait le lendemain pour le nouvel aménagement de l'hôtel dont la décoration lui avait été confiée.

Architecte d'intérieur, la jeune femme désorientait souvent ses clients dans un premier temps, tellement ses idées étaient peu conventionnelles!

Le meilleur exemple était son appartement. Séduite par sa situation au milieu de la Croisette, au quatrième étage avec vue sur mer; il était petit et l'immeuble datait des années 5O; un living en triangle, une cuisine couloir, une salle de bain à l'ancienne, mais une jolie chambre carrée de bonnes dimensions avec une porte fenêtre donnant sur le balcon longeant la façade côté rue de la Tour-Maubourg, et pour couronner le tout, une entrée défigurée par une colonne servant de pieux pour l'immeuble et revêtue d'un affreux crépi!

Il y a du boulot avait pensé la jeune femme en le visitant la première fois!

Ce côté biscornu lui permit toutefois d'acquérir le bien qui mieux conçu eut été impayable.

Et puis, l'imagination de Julie avait fonctionné.

Le pieux de l'entrée, blanchi à l'ancienne, servait maintenant de support à une toile moderne dont la luminosité était encore accentuée par des spots bien dirigés. Le tableau pourtant non figuratif, évoquait comme malgré lui un immense bouquet de fleurs.

Face à la porte d'entrée, la chambre, juste derrière la colonne. Elle a volontairement égaré sa porte et côté rue trône une marine au bleu dominant où tranche un voilier blanc surréaliste. Un des murs aveugles est couvert de miroirs à l'ancienne montés sur portes coulissantes dissimulant un grand placard et reflètant en vis-à-vis la bibliothèque patinée blanche et la table ronde au pied central en fer forgé et au plateau de verre translucide avec ses 4 chaises Louis XV recouvertes de soie bleue. Et puis de côté, le drapé des tentures de gros coton blanc rattrapées par des noeuds de taffetas bleu eux aussi; ils encadrent la porte fenêtre donnant sur le balcon où une chaise longue en osier dirigée vers la mer invite au farniente!

A droite, un mini couloir mène à la porte du living elle aussi recouverte d'un miroir dépoli.

Celle-ci poussée, la surprise : Le salon est aussi la chambre et il est dominé par un très grand sommier carré disposé au fond de la pièce mais face à la vue...

Il est recouvert d'un tissu de coton gris souris de texture artisanale qui tranche sur le sol de marbre blanc et il disparait de moitié sous une multitude de coussins de toutes les formes et de toute la gamme des rouges, réalisés dans des matières précieuses, soie sauvage, taffetas, velours, lin brodé.

Quoi d'autre? Un grand écran plasma, quelques fauteuils anciens, confortables et d'un blanc immaculé dont les assises sont protégées par quelques peaux de moutons, blanches elles aussi. Un cabinet Chinois en laque rouge et une sculpture de femme drapée dans un voile léger qui regarde la mer par la fenêtre... Une série de petits tableaux qui sont tous des marines de différentes époques, regroupés dans des cadres identiques et placés au dessus de ce que l'on est tenté d'appeler : le divan à vivre!

Le coton blanc devant la fenêtre face à la mer est contenu dans un noeud de taffetas rouge grenade et met en scène la vue exceptionnelle. C'est à la fois simple, dépouillé, chaleureux et sophistiqué. En un mot, Julie s'y sent chez elle! La salle de bain, toute blanche, s'est vue privée de sa baignoire qui fut remplacée par une douche et un jacuzzi position assise, face à celui-ci on peut contempler une autre peinture moderne aux couleurs acidulées qui furent reprises par Julie pour le choix des serviettes de bain. Un grand miroir et une luminosité électrique à la fois naturelle et éclatante participent au bien-être que suscitent les lieux.

 

Mais revenons au canard bleu...

Toujours dans son emballage protecteur, posé à la hâte sur la table, il se morfond en contemplant son reflet cartonné dans le miroir de la salle à manger. Qu'est-ce que Julie attend pour le dégarer, s'est-elle déjà désintéressée de son acquisition florentine?

Il va falloir de la patience au canard! Mais quelques jours plus tard, Julie dépose devant la porte-fenêtre du balcon, une colonne corinthienne de bois grisâtre blanchie par endroit.

Alors avec satisfaction, elle dégage le canard bleu de ses entraves, le regarde avec admiration et le pose avec précaution sur le socle de la colonne tourné vers la bibliothèque. Son regard s'allume :

-Parfait, ainsi il est parfait, murmure-t-elle.

Le sourire aux lèvres Julie prend son portable et forme un numéro :

-Marco? Bonsoir... Moi aussi... Je voulais vous dire, le canard bleu, il est magnifique! C'est un souvenir au présent... Merci.

J.G.

 

 

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journal de bord, vendredi 11 mars 2011

Fatigué, fatigué, fatigué.

 

Le sommet de la montagne n'est plus très loin, heureus'ment. Mais ... il faut encore le gravir.

 

Et ... mon nez qui lache ses eaux de Versailles, à n'en plus finir, depuis lundi. Pour moi qui ai l'habitude de dormir sur le ventre et sur l'oreille droite, c'est plutôt difficile.

 

Ce matin ...

 

Vers 5 heures 30 ...

 

J'ai du renoncer à l'oreiller, une fois d'plus, trop vite. Le boulot m'attendait, une fois d'plus.

Et je n'avais plus qu'une "petite" heure devant moi.

 

Pourtant ...

 

Je suis resté, quand même, un quart d'heure, immobile, sur mon lit, au moment du réveil. Mes sinus n'appréciaient vraiment pas cette obligation si soudaine et si rapide de filer hors des couettes. Quant aux tempêtes, aux effets-boomerangs en plein dans l'crâne, n'en parlons pas.

J'étais liquéfié, carrément.

 

Sitôt debout, un quart d'heure plus tard (fallait bien !) ...

 

Oui, oui. Les automatismes sont rev'nus : faire couler l'bain, faire trempette, sortir du bain, se brosser les dents, se raser, s'habiller (en m'arrêtant en ch'min, because ... essoufflements, déjà), prendre la clé de la porte d'entrée, quitter le flat, quitter l'immeuble ...

Bref : le train-train habituel.

 

Comme j'ai du mal, quand je dois m'habiller, en quatrième vitesse, le matin.

 

Quand je finis par me rabattre sur des fringues ...

Je ne me sens pas propre.

Je me sens incommodé, quand mes pieds enfilent une paire de chaussettes, pour la troisième journée consécutive, parfois. J'en suffoque.

 

"Si tu connais le mal, tu dois connaître le remède !", me dirait ... mon père.

 

Oui, il me suffit, sans doute, de fouiller dans mon armoire, la veille, d'effectuer, de programmer un choix "nouveau" de fringues, pour le jour qui va suivre.

Je m'y attèle, je m'y applique souvent.

 

Mais, parfois, même çà ...

Le simple fait qu'il faut fouiller son armoire ...

La simple idée d'installer, dans la salle de bains, une chaise sur laquelle je pourrai poser mes futurs habits ...

C'est la mer à boire, surtout ... quand j'aperçois une multitude de fringues dans l'armoire, que cette multitude à elle seule (rien qu'en la r'gardant) me saoûle, me met KO ou me fait attraper des hauts-le-coeur.

Pire ...

Au moment où mes yeux fixent des fringues corrects, je rechigne encore : un polo, pas question ... des chaussettes épaisses, je dis non, je transpire déjà, visuell'ment.

 

A part ça ...

 

Ce matin ...

 

Je me suis rabattu sur mes fringues habituels.

 

La journée a eu le temps de démarrer.

 

Au boulot, j'ai failli avoir le tournis, rien qu'en apercevant une lettre qui tombait par terre.

 

Onze heures du matin. 

 

J'ai démarré ma tournée.

 

Mon équilibre mental s'accroche.

 

On pourrait très bien me dire, maint'nant : "Hugues, si tu réintégrais ton logis, ta chambre ... si tu prenais le temps qui t'appartient ... pour te laver et t'habiller comme tu le sens, sans être à tout bout d'champ à la merci des censeurs qui te barrent la route". Oui, maint'nant, je le sens. Oui, maint'nant, je pourrais être un peu plus performant dans les domaines vestimentaire et hygiénique. Oui, maint'nant, je pourrais me créer des stratégies concrètes, correctes envers ces réalités si évidentes pour certains (et un peu moins chez d'autres).

 

Mais ... je suis encore obligé de reporter cette envie, cet élan dans un "tout à l'heure après l"boulot" où mes aspirations me guid'ront encore, comme par hasard, vers une autre envie, un autre élan loupé(e).

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Peindre et repeindre

 Peindre dépeindre et repeindre.

flo rouge verte et noir 55x46

Une Flo barbouillée 55x46 acry et beaucoup de marouflage gegout©adagp2011

Ce jeu devrait finir par m'épuiser..

 J'ai la gueule de bois depuis ce matin, je barbouille comme un ivrogne. j'ai aussi le teint bronzé de celui qui passe plus de temps là-haut.

Loin de mon atelier je vis aussi. Je suis un peintre et un homme , un peu artiste.

 Je ne cherche que la plénitude, l'instant magique.

 

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