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Sainte Fatima de Molem par Ben Hamidou, très beau spectacle

Petit billet de Molem.... rive gauche!

Molem : « Le seul pays arabe qui ne soit pas en guerre ! » Tout est humour et amour dans ce texte bienveillant pour tout le monde. Nous découvrons dans ce seul en scène la véritable sein-biose d’un kid de Molem qui a tout compris... avec sa grand-mère. Il est le petit prince, à jamais. Cette femme battante porte encore ses vêtements du désert, elle est tatouée de haut en bas pour dire son appartenance, son visage de sphinx tyrannique est tout amour jaloux et exclusif. Avec elle il a appris l’art de scène depuis la plus jeune enfance…. Ce plaisir de l’imaginaire le transcende et lui forge peu à peu une identité, une dignité, des choses à dire. « Une fois les rôles attribués, on coupait le son de la télé et on jouait ensemble les westerns façon berbère ! ».Ensuite il se laissait enivrer par les parfums d’une cuisine faite de recettes d’amour fou et de citrons confits.

Adolescent, il rêve d’embarquement pour les grands élans, recherche éperdument ce qui le rapprocherait de l’amour, mais les murs protecteurs dressés par l’auguste ancêtre sont presque infranchissables. Voici un chapelet savoureux de souvenirs d’enfance, tendres, très émouvants…et drôles, loin des errances des barons désœuvrés arpentant superbement les pavés de la rive gauche du canal!

Un premier mensonge, à 19 ans, lui ouvre enfin la porte de la liberté : l’école d’art dramatique. Il est doué, pour le mime, les imitations, le jeu corporel, il fait rire….il déborde de sensibilité. La vie et le spectacle se mêlent dans l’écriture, le voilà celui qui sur 300.0000 immigrants va saisir sa chance, toujours aussi tendre avec sa vieille Hanna mythique, son égérie, sa patrie, et il va réussir -pas - à la grâce de Dieu, mais par son assiduité, sa ténacité et le rêve qui l’habite.

Point de discours hostiles ou agressifs, c’est un bonheur pour l’occidental sans cesse culpabilisé… le jeu de l’humour fait mouche, la salle n’en peut plus d’applaudir et de rire, et l’acteur s’envole dans l’univers plein d’étoiles du plaisir de dire, de conter, de séduire et d’enchanter. Tandis que veille là-haut, la grand-mère, éternelle, pareille à elle-même, brillante sentinelle du bonheur. Un conte ?

-le 20 août à 20h -Festival des Théâtres Nomades - Grand Chapiteau -Parc de Bruxelles
http://www.festivaldetheatredebruxelles.be/

Réservations :

-le 25 septembre à 20h - Festival du Rire d'Anderlecht - Café Théâtre des 2 Gares 124b rue des deux gares 1070 Anderlecht
-du 30 novembre au 5 décembre à la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek-St-Jean
-du 7 au 18 décembre, au Théâtre Varia

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administrateur théâtres

l'art de la fête foraine...

Les Baladins du Miroir, théâtre forain musical et poétique, nous présentent des contes et légendes délectables : « Le chant de la source »

L’arbre aux trésors de Henri Gougaud nous chuchotte : "Non point changer la vie, mais l’aider à éclore. Voilà pourquoi sont au monde ces récits parfois millénaires qui ont atteint à la gloire insurpassable des œuvres : l’anonymat. Car je ne suis pas l’auteur de ceux qui sont dans ce livre. Je n’ai fait que les raviver, les ranimer, les restaurer, comme d’autres restaurent de vieux châteaux. J’ignore qui en sont les premiers auteurs. D’ailleurs, qu’importe ? Ils sont au monde parce qu’ils sont nécessaires, comme l’air, comme la lumière du jour, comme les arbres. "

Et l’arbre à soleils de renchérir :"Les légendes sont ce que nous avons de plus précieux en ce monde. Elles ne sont pas une pâture puérile. Elles ne sont pas une manière d’oublier le réel, mais de le nourrir. S’insinuer tendrement en elles c’est apprendre la liberté, éprouver le bonheur parfois douloureux de vivre".

Après des cascades de rires et une ovation générale digne de nos concours royaux de musique, le public quitte à regrets le chapiteau, ruisselant d’émotion, applaudissant encore la fanfare de bonheur des comédiens qui se sont remis à chanter et jouer sur leurs instruments de musique !.... Tous les cœurs sont à l'unisson, on a apprivoisé le murmure de la source. Ce murmure fait d’humour, de rires, de musique, de poésie, de danse, de supplément d’âme.

Grâce à une fabuleuse distribution et une metteuse en scène divine, ces 12 contes et légendes du monde se sont emboîtés comme les pièces d’une pyramide, toujours plus stupéfiants, tendres, philosophiques, et drôles. Les costumes, pastels de ciel et de terre, semblaient moulés sur chaque personnage, et vivre, vibrants eux aussi, de tous les possibles. Et voilà entre les bribes d’histoires contées, dans une atmosphère de moyen âge doré, les chants ancestraux, polyphonies aux accents slaves, turcs, napolitains qui mobilisent l’harmonie, et c’est le silence ému dans toute la salle.

L’universalité de ces contes qui ont traversé les âges, les contrées, les mers, sans papiers, dans l’oralité et la tradition ancestrale nous chatouille le ventre, nous met des paillettes dans les yeux et force notre écoute sans partage ! Les personnages bien campés dans leurs accents et leur parler parlent vrai. Sortent-elles des mille et une nuits ou des contes de Canterbury? Ces histoires racontent, la terre, la femme, la mère, l’enfant, la vie, la mort, Dieu, l’esprit, l’âme et la bonté… et plein d’autres filigranes intimes que seuls nous pouvons entendre ou percevoir. La Joie, peut-être.

La musique, la danse et poésie virevoltent, personnifiées devant nous par enchantement et nous bercent notre essence originelle, sensible aux histoires mythiques qui ravissent le corps et l’âme. Question de chant et de source.

Et la violoniste n’a rient dit, mais a tout dit.

http://www.festivaldetheatredebruxelles.be/

Du jeudi 19 au dimanche 22 août 2010 au Parc Royal de Bruxelles 4ème édition

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ADMINISTRATEUR GENERAL

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Le très renommé restaurant le Yen à Ixelles va ouvrir sa mezzanine à l’Art dès le mois de septembre 2010 pour sa rentrée culturelle et cela d’une manière permanente.

En effet s’est formé un partenariat artistique avec l’Espace Art Gallery rue Lesbroussart, 35 à 1050 Bruxelles. Pour cette première de l’Espace Yen une grande exposition sur la collection « Espace Art Gallery II » sera présentée aux clients du restaurant.

Ce nouvel Espace d’exposition réunit avec subtilité l’Art de la table et les Arts plastiques.

Le Yen est l’un des restaurants vietnamiens les plus délicats de Bruxelles. Les mets raffinés sont proposés par Mme Nguyen Thi Thu Hong, formée dans les plus grands hôtels de Saïgon.

La « rose de Chine » (chaussons de pâte de haricots fourrés, cuits à la vapeur), le « bœuf dans la flamme sacrée » (flambé à la citronnelle et aux arachides), le « régal du mandarin » (canard grillé à la sauce de prune), le « diamant de Saïgon » (porc en chapelure aigre-doux, poireaux et ananas) et de multiples autres spécialités, dont plusieurs plats végétariens, vous sont proposées dans un cadre alliant les matériaux bruts (béton et acier) avec des patines chaleureuses et des couleurs tendres, imposant une atmosphère paisible propice à la dégustation de mets raffinés.
Luxe suprême, le Yen vous offre de la place. Vous ne serez pas comprimé contre votre voisin et pourrez pleinement vous consacrer aux plaisirs de la table, seul ou accompagné : amateurs de saveurs naturelles fines et délicates, soyez les bienvenus.

Le restaurant Yen est situé rue Lesbroussart, 49 à 1050 Bruxelles. La mezzanine est ouverte aux heures d’ouvertures du restaurant : de 12 h à 14 h 30 et de 19 h à 22 h 30.

Plus Infos : Tel : 02/649.95.89. Fermeture le dimanche et samedi midi.

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L'art du XVIIIe siècle, ouvrage critique des frères Edmond et Jules de Goncourt, fut publié en 1859-1865, puis avec des suppléments successifs et des variantes, en 1874 et en 1881-1882. Dans cette étude d'une société si froide et intellectuelle en apparence, mais au fond toute pénétrée de sensibilité et d' idéalisme, les deux auteurs s'attachent à mettre en valeur l'importance documentaire et poétique des arts plastiques de l'époque, en particulier de la peinture, de la gravure et du dessin. Ils y retrouvent la douceur estompée et charmante si caractéristique de ce siècle, plein d'oppositions et de luttes spirituelles. L'abandon à la volupté, la négation d'inutiles préjugés moraux, la recherche des intrigues amoureuses et des aventures se reflètent dans les portraits, les scènes représentées, les décors: c'est toujours une ivresse de vivre qui tantôt s'abandonne à la galanterie la plus raffinée, tantôt s'exprime par la lutte contre tous les obstacles, entraînant dans la crise même de la Révolution l'affirmation des nouvelles valeurs bourgeoises.

Le souci de juger les oeuvres en fonction des boulversements sociaux qui préparaient la société moderne, n'empêche pas les Goncourt de s'attarder heureusement à l'examen des formes d' art, à l'étude de cette peinture si exquise. Dans un monde étrangement composite, où se mêlent les "arcadismes" et les bavardages de Cour, la volupté et les mouvements de révolte, des artistes géniaux créent des chefs-d'oeuvre inimitables, depuis Watteau "le grand poète du siècle" jusqu'à Chardin (si fin qu'on peut le considérer comme un initiateur) et Boucher, le représentant typique du goût de son temps, puisque la grâce est l'âme du temps et son génie. De la même façon, à côté du libertinage, Greuze exprime un besoin d'idylle et de sentimentalisme bien caractéristique, et Fragonard avec sa puissance représentative et son exaltation de la vie se révèle comme le Chérubin de la peinture amoureuse. Des pages d'une grande richesse de documentation sont consacrées à La Tour, Saint-Aubin, Gravelot et Cochin, à Eisen, Moreau, Debucourt et Prud'hon.

Tout en s'attardant à décrire, en un commentaire respectueux et plein de goût, la sensibilité nouvelle qui se fait jour chez les artistes de ce temps, les frères Goncourt n'oublient pas de replacer leurs créations dans le cadre social de l'époque; l'interprétation psychologique, bien que freinée par un certain maniérisme que l'on pourrait qualifier de décadent, revêt la forme d'une narration qui se rapproche des monographies consacrées à la société française du XVIIIe siècle.

Retenons de cette analyse critique, l'intention -qui pour la première fois se manifeste-de donner sa pleine valeur, à ce que la France négligeait à tort, et de montrer parmi les artistes, quels étaient les vrais maîtres, ceux qui, ayant rompu avec une longue tradition académique, étaient dignes de diriger la recherche du vrai chez les jeunes générations. Les premières pages sur Chardin sont significatives: les Goncourt y reprochent à la France de ne pas avoir su reconnaître les meilleures expressions de sa grandeur picturale, et affirment que Watteau fut, avec Fragonard, le seul poète vivant et créateur de son siècle.

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Les odes au jardinet, un extrait.

Les semis

Quand on laboure, ce n’est pas grave si on est de mauvaise humeur. Il m’arrive même de frapper des grosses mottes de terre sur le sol en jurant. C’est du travail de force, on commence en chemise et on termine noir comme de la fumée. Par contre, pour ce qui est des semis, il vaut mieux penser à de belles et bonnes choses. Les semis bourgeonnent mieux lorsqu’on les entoure de nuages de senteurs douces. À quoi où à qui pensez-vous que le commandant Danofsky pense lorsqu'il sème ses magnifiques plantules ?
Tout d'abord, le commandant nettoie ses oreilles et ses cheveux, se frotte la barbe avec de la teinture d’ortie et saute nu dans le puits, une, deux, trois fois de suite. Tout au fond du puits il y a une valise avec des ustensiles réservés à la cuisine des grands jours. L’eau garde les petites cuillères bien propres et les casseroles brillantes et lisses.
Voici pour vous, une pensée cuite du commandant Danofsky. D'abord, il prépare un plat délicieux, un plat qu'il adore : les carbonnades flamandes au pain d'épice et au miel. Le plat doit mijoter une journée entière et lorsqu'une odeur brûlante de sucre mou et de viande marinée sort de la casserole, il se penche et respire un grand coup. Il hume le plat et fait ressortir par ses oreilles des notes de musique qui vont s'enrouler autour des bourgeons nouveaux nés. Il faut très vite les récupérer, les rouler dans la farine et les faire dorer de chaque côté pour qu’elles gardent leur sonorité de beurre bien doré.
Ne vous inquiétez pas si vous entendez pleurer les jeunes floraisons aux extrémités de l’arbre, ils ont faim, ils ont grand faim d’harmonie et de contrepoints. Voici des quintes qui s’accrochent, des duos de triolets qui s’ouvrent au vent, des quartes, des octaves minuscules qui se hissent sur la pointe des nouveaux jets.
Tout n’est que symphonies et ballets au grand jour des semaisons. Si ça vous fait rêver et vous donne envie, dites-vous bien qu’on n’arrive pas à un tel résultat en une saison. Il faut des années et des années pour accorder tous ces violons et toutes ces harpes dans le jus d’une chlorophylle bien verte et juteuse. Et jamais de gros mots en cas de malheur, ni de semence de datura sur la pointe de la langue. Vous ne connaissez pas le datura ? Allons donc ! C'est le passé d'une rature qu'on a joué aux dés.




Le réveil de la salade

La salade s’est réveillée de bonne heure au son de la limace. Un drame se joue sous mes yeux et je me sens impuissant. Je vois. Une limace et son oncle qui digèrent lentement le vert tendre de la feuille et progressent vers l'intérieur du corps. À quelques mètres de là, un troisième baveur se presse pour les rejoindre. Le combat, inégal, se déroule en silence. Personne n’interviendra dans l’issue de la lutte, car la loi importe plus que la vie des combattants.
J’ai connu l’époque où dans une situation pareille nous aurions tenu conseil avec les habitants les plus proches et aurions sacrifié un sachet de sciure bien sèche que nous aurions dispersé sur leur route. Elles se seraient engluées, seraient mortes dans d’atroces souffrances, et pourquoi, pour qui, pour où ? Pour une feuille de salade qui fait tout un plat de ses chemises alors qu’elles repoussent, repoussent et repoussent encore.
Rien de plus lassant que ces êtres sans fleurs qui sous l’apparence d’un cœur tendre dissimulent des radicaux amers. Régalez-vous limaces ! D'ici quelques jours, la salade ne sera plus que feuilles froissées qu'elle me tendra en disant : voici mon testament autographe. Je lègue ma chlorophylle à la lumière et mes nuances de vert et de blanc au commandant Danofsky. Je pardonne à mes bourreaux ainsi qu'au chat qui vient de me pisser dessus. Laissez moisir en paix mon cœur tendre, à l'abri des pluies de juin.




La marguerite

Il ne faut pas écraser sans arrêt par manque d'attention les choses qu’on croise sur son chemin. Je sais bien que les fleurs refleurissent si on les laisse faire, mais je sais aussi que ce n’est pas difficile de faire un pas sur le côté et de marcher sur les cailloux de l’allée. Ils ont l’habitude eux. Ils sont durs et ne sont pas dans l'obligation de fleurir. Tout ce qu’ils ont comme devoir, c’est crissoter légèrement sous la semelle lorsqu’on passe. Pour le reste, les cailloux ressemblent à de très vieilles fleurs qui ont passé l’âge de se déguiser. Ils aiment la chaleur, mais supportent sans effort apparent les plus grandes neiges qui leur permettent de reprendre du brillant pendant la saison d’hiver. Mes marguerites, quant à elles, je les appelle mes œufs sur le plat. Rien à voir avec les cailloux si ce n'est la forme du jaune. Mous cailloux font trempette à mou pain. Et molle tartine font cuisine à matines.
Tenez, puisque nous parlons des marguerites, ce qui est amusant, c'est qu'il y en a toujours beaucoup les années ou les poules pondent bien. Lorsqu'on en voit une, c'est qu'il y en a plein qui s’apprêtent et se font belles sous la terre. Blanches sous bruns, c'est pas aussi facile d'en sortir propre. Elles sortent volontiers sans me prévenir et bougent toutes en même temps, à gauche le matin et à droite le soir. La nuit elles replient leurs pétales et on ne les voit plus. Et c'est ça qui est dangereux, car on risque facilement de les écraser si on ne fait pas attention. Ce n’est pas parce qu’elles ne servent à rien qu’il faut les ignorer.
Chaque fois que vous cueillez une marguerite, je vous conseille de faire ce qui suit. Vous lui parlez d’amour et vous tournez autour de sa corolle en sifflotant. Certaines personnes s’embrassent et arrachent les pétales une à une en priant. Elles prient d’amour. Elles prient pour ce qu’elles ont maintenant, mais qui va s’en aller. Mais si vous devenez l’ami des marguerites, rien ne s’en ira. C’est cela leur trésor, le trésor des marguerites. Un amour qui ne s'en ira pas.

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L'art est un Pays ou l'on se faufile

Ce qui est vrai pour l'art l'est souvent pour la vie, cette chose quotidienne jusqu'au jour ou..!

Flo minaude 80x60 acry et marouflage sur toile

flo du 28 07

MOi , je renoue avec les chairs de Flo, je la titille du bout des lèvres, ses dentelles ronronnent sur ses épaules. Réceptive jusqu'au bout du mamelon, elle pose son corps face à mon regard. Légèrement asymétrique, elle minaude sur la pointe d'un pied..


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Ainsi parlait Zarathoustra, par-delà le bien et mal


Friedrich du néant par Eric Migom

C’est en 1883 que parut « Ainsi parlait Zarathoustra » de Friedrich Nietzsche. C’est l’oeuvre philosophique et poétique capitale de Nietzsche, celle où les grandes idées du "Surhomme" et de "L'éternel retour" atteignent leur forme la plus achevée, leur signification la plus joyeusement positive.

Après dix années de préparation dans la solitude des Alpes, Zarathoustra éprouve le désir de faire don aux hommes du miel de sa sagesse et descend à la ville: mais le peuple n'écoute pas sa voix inspirée, car il ne pense qu'à applaudir les acrobaties d'un danseur de corde et rit des paroles qu'il ne comprend pas. Zarathoustra devra donc se chercher des disciples auxquels il pourra adresser ses "Discours", défis belliqueux aux anciens idéaux, conçus en un style biblique.

Le premier de ces discours est une parabole intitulée "Les trois métamorphoses": on y apprend quelle doit être l'évolution de l'esprit humain, depuis l' obéissance, symbolisée par le chameau, jusqu'à la négation violente personnifiée par le lion et enfin à la pure affirmation dont l'enfant est l'image. Les discours suivants abordent les sujets les plus divers: ils s'élèvent contre la pusillanimité des médiocres qui se réfugient dans la tranquille somnolence de la morale; contre la métaphysique qui discrédite le monde en prêchant l' abstraction; contre l'aridité livresque d'une culture trop formée sur elle-même; contre l' ascétisme qui fait penser à la mort; contre le culte de l' Etat qui étouffe les hommes en faisant d'eux les esclaves d'un organisme impersonnel; enfin contre la vulgarisation de la pensée. D'autres discours contiennent par contre d'exaltantes affirmations: l'un glorifie la guerre comme stimulant des énergies humaines; un autre reconnaît, dans le dédoublement de soi, fruit de la solitude et de la méditation, la forme la plus belle d' amitié; un autre encore oppose aux valeurs abstraites la valeur de la vie, qui porte en elle-même son but; un dernier enfin enseigne la débordante générosité de la vertu saine qui aime à se donner.

Zarathoustra se retire à nouveau dans la solitude de la montagne; après "des mois et des années", il revient à sa prédication contre les "idéalistes": la Vie doit triompher et l'homme se libérer, par la victoire sur lui-même, du pernicieux instinct d' obéissance, pour se hausser à l'affirmation joyeuse de sa propre volonté. De nouvelles polémiques sont alors engagées contre les faibles prosternés dans la crainte de Dieu, contre les altruistes, les prêtres et les vertueux, contre ceux qui prêchent l' égalité, contre les savants, les poètes qui enseignent des chimères, contre les politiciens.

En opposition avec ces polémiques, Nietzsche nous donne en intermède les trois magnifiques chants de Zarathoustra: le "Chant nocturne" où est exaltée la plénitude du bonheur qui aspire à donner sans cesse; la "Ballade" qui fête la vie dans sa spontanéité; le "Chant funèbre" qui est un hymne magnifiant la volonté de puissance. Enfin Zarathoustra, après avoir célébré la sagesse humaine comme divine imprévoyance et confiance dans la vie, délaisse une fois encore ses amis.

Ayant compris la doctrine de l' "Eternel retour", forme la plus haute de l'affirmation, il se présente pour la troisième fois aux hommes et glorifie maintenant l' inconscience du bonheur: il chante les puissances naturelles dont le déchaînement est une forme violente et merveilleuse de consentement, célèbre la victoire sur la mélancolie et invite les humains à se dépouiller de leur gravité: car pour la sagesse de Zarathoustra, il faut avoir "le pied léger". Il dicte enfin ses "nouvelles tables" des valeurs qui, en honneur de l' amoralité constructive de la vie, boulversent les antiques concepts fondés sur le principe du bien et du mal. Mais déjà Zarathoustra est retourné à sa solitude: après un pénible égarement dans le doute, il chante la plénitude de son âme et de la vie, invoquant l' éternité au nom de la joie.

C'est enfin la dernière partie du livre, une sorte de "tentation de Zarathoustra". Dans la solitude, il est surpris par l'appel d'un cri d'angoisse: s'étant mis en quête, il rencontre successivement sept créatures qui figurent symboliquement la survivance des antiques valeurs ou le travestissement des valeurs nouvelles: un devin qui incarne le dégoût de la vie; deux rois, écoeurés de la fausseté du pouvoir; un "scrupuleux d'esprit" empoisonné par son propre positivisme; un magicien, esclave de sa propre fantaisie inépuisable; le dernier pape, errant sans but depuis que "Dieu est mort"; l'homme le plus laid du monde qui par rancoeur a tué Dieu; le mendiant volontaire en quête de la félicité sur terre. Ces hommes supérieurs se sont réfugiés auprès de Zarathoustra. C'est ainsi que commence le banquet en l'honneur du "Surhomme" qui, surgissant de la masse, lui imprime une nouvelle vigueur. Mais aussitôt que Zarathoustra s'est éloigné, ses hôtes se sentent saisis d'une espèce d'angoisse équivoque: eux qui ne peuvent vivre sans Dieu, s'inclinent pour adorer un âne. Mais Zarathoustra revient à l'improviste, balaie cet opprobe, puis entonne le "Chant de l' Ivresse", ultime affirmation de la foi dans l'Eternel Retour; il termine par le "Rondo de Zarathoustra", intense et brève poésie dans laquelle est invoquée, comme dans le chant de minuit, la profonde, profonde Eternité". Ainsi prend fin, dans le matin radieux, l'histoire de Zarathoustra et ce sera bientôt l'avènement de vrais disciples.

Nietzsche a appliqué dans sa fable la loi du "talion", en voulant que ce soit ce même Zarathoustra, "qui créa l'illusion d'une organisation morale du cosmos", qui enseigne aux hommes à se libérer du moralisme. Quant au mythe du "Surhomme" il jaillit des plus pures profondeurs de la pensée nietzschéenne; cependant ce nom que l'auteur dit avoir "récolté dans la rue", lui vint de Goethe (voir "Faust", I, 1 et "Dédicace" des "Poésies").

La valeur artistique de Zarathoustra n'est pas toujours égale: un symbolisme lourd n'en est pas absent; des jeux de mots allant jusqu'au calembour douteux, une éloquence trop chargée, d'autant plus emphatique qu'elle est moins persuasive, se rencontrent souvent dans l'ouvrage. Tel quel, c'est néanmoins un chef-d'oeuvre poétique et, malgré la multiplicité des sources (qui vont de la Bible aux poésies de Goethe, de la prose de Luther aux aphorismes des moralistes français), il conserve une originalité totale. Nietzsche put à bon droit se vanter, comme il le fit auprès de son ami Rohde, d'avoir, avec "Ainsi parlait Zarathoustra", porté la langue allemande à sa perfection.

Cette oeuvre de Nietzsche inspira directement Richard Strauss (1864-1949) qui, en 1896, donna un poème symphonique intitulé: "Ainsi parlait Zarathoustra" (op. 30) qui est des plus brillants.

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« Chapelet » (1914), second recueil de la poétesse russe Anna Akhmatova représente avec "Soir" (1912) l'essentiel de l'oeuvre de jeunesse d'Akhmatova et de sa contribution à l' "akméïsme".

Akhmatova, qui commença à écrire à onze ans, rejoignit en 1910 le mouvement "akméïste" (du grec "akme" -sommet), qui s'opposait au mouvement symboliste. L'akméïsme, à l'époque des débuts littéraires de la poétesse, était animé par Nicolas Goumilev, qu'Akhmatova allait bientôt épouser. La théorie de l'akméïsme distinguait en poétique quatre disciplines principales. D'abord celle qui concerne les mots qui sont pour la poésie ce que la chair est pour l'organisme et qui constituent la matière d'une "réflexion stylistique"; puis la "composition" qui forme l'ossature autour de laquelle se distribuent les éléments d'une oeuvre poétique. La "phonétique" s'occupe du rythme, des rimes, des voyelles et des consonnes, que Goumilev compare au sang qui circule dans un organisme vivant. L'image mentale ou la motivation profonde de l'acte créateur sont le "système nerveux du poème" qui fait l'objet d' eïdologie".

Certains critiques se sont demandé en quoi, ainsi défini, l'akméïsme était différent du classicisme, lequel requérait, tout autant, un équilibre dans la distribution de matériaux verbaux et un tempérament poétique qui tend à une vision d'ensemble du monde. "En 1910, dit Anna Akhmatova dans une courte préface au recueil de ses poèmes paru en 1961, la crise du mouvement symboliste a été suffisamment marquée et les poètes débutants n'adhéraient plus à ce mouvement. Certains rejoignaient le futurisme, d'autres l'akméïsme. Je suis devenue akméïste." C'est donc sous la bannière de ce courant que la poésie d'Akhmatova se révèle héritière du classicisme russe. Mais le trait le plus personnel de l'écriture d'Akhmatova c'est sa force sous-jacente, c'est le lyrisme contenu qu'elle enferme avec un rare sens de la mesure dans des formules poétiques aussi succintes qu'évocatrices.

Fait de précision et de clarté, le discours poétique de la jeune Akmatova est harmonieux. La source d'inspiration du "Chapelet" et du "Soir", c'est le monde des émotions intimes, son sujet central est le destin de la femme. Dans ses toutes premières oeuvres, Akhmatova est déjà capable de donner une résonance universelle à un autoportrait lyrique, et ceci avec une exquise économie de moyens, avec une finesse et une précision du dessin qui font penser à une épure, bien plus qu'à un croquis. Dans une de ses poignantes poésies de la dernière époque, "l'épilogue", du recueil "Requiem", on lit: "Oui, je connais les traits qui se déforment, / Sous les paupières vient nicher la peur, / Et le profil devient cunéiforme / Sous le stylet pointu de la douleur." C'est avec "le stylet pointu de la douleur" que sont ciselées plutôt qu'écrites, toutes les poésies d'Anna Akhmatova, dont le sens inné du tragique a trouvé une matière inépuisable dans la réalité de son époque et dans sa propre biographie.

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administrateur théâtres

Notre Dame veille

Envoi dans l'illumination.

Patrick Virelles s'en est allé aujourdh'ui, à 70 ans. Je regrette qu'il ne soit plus là pour partager avec nous son amour des mots. Leur rondeur, leur 'fumet' comme il disait. Les mots doivent avoir du 'noyau', de la texture. La vérité est dans le vin capiteux des mots. Encore faut-il savoir vendanger et vinifier. il y a tant de mots qui n'ont pas d'odeur, des mots aseptisés, des mots - les plus terribles - ceux de la langue de bois qui nous donnent froid dans le dos et ne disent que leur contraire. Que de scories sur notre chemin et dans nos oreilles rabattues, les mots politically correct, si énervants d'hypocrisie. Les mots qui tuent et nous assourdissent. Les mots, cela doit être la fête, la vibration, la lumière, même s'ils font dans le sombre. Ils sont rares ces écrivains qui fabriquent des perles qui parlent et luisent dans leur robe de nacre au fil des phrases, des MOTS QUI FONT NAîTRE LE PLAISIR ET LES CONVERGENCES, des mots sculptés, des mots d'humour qui réveillent l'amour.

J'avais enfoui dans mon jardin ce petit bijou:' Les pigeons de Notre-Dame' comme un vrai trésor de gaité et d’humanité, je vais me précipiter pour lire ses autres écrits, à la recherche des pains perdus.

Comme épitaphe, je souhaite partager une très belle phrase, la dernière du livre 'Helena Vannek' d'un autre écrivain belge, Armel Job. "L'éclair de Guido t'aveugla, chère maman. J'espère que la lumière ardente de cet autre Fils de l'homme, tellement plus mystérieux, a rendu la clarté à tes yeux qu'une lueur trompeuse consuma." Envoi dans l'illumination.

Que la terre lui soit légère et le souvenir vif et tendre.

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administrateur théâtres

La paix des poissons rouges installés dans leur bocal lumineux sur le piano dénonce silencieusement les vastes angoisses qui étranglent chacun des acteurs. Quand la pièce devient un peu ‘lourde’, cela fait plaisir de les regarder et d’écouter le pianiste impassible. Plus que le passage brutal de monologues intérieurs en bulles, aux dialogues sans cesse avortés, (tiens les poissons… !) c’est justement ces non- transitions abruptes, dans le même souffle, bourrées de violence, qui sont géniales et vous coupent le souffle. Tous les acteurs se figent dès qu’une bulle éclate : belle trouvaille. Les adresses iconoclastes et blasphématoires où chacun crie son étouffement semblent ruiner toute communication et pourtant elles disent enfin la vérité de chacun. Magistral ! Les apparences sont si pacifiques, le discours à autrui est tellement recomposé et tricheur, ad nauseam! Le vocabulaire fort cru peut certes déconcerter certains spectateurs, mais il semble que cela fasse partie de la pièce… soyons ouverts ! Constat : quel que soit le kvetch, maîtrisé ou non, ce dernier finit toujours par avoir le dernier mot, quelles que soient les ruptures, les remises en question, les nouveaux départs. Pourquoi ne pas le reconnaître quand il vient, ce kvetch, l’accueillir et ne le considérer que comme une simple ombre au tableau. Ou trouver quelque recette anti-kvetch , comme s’intéresser d’abord aux autres , plus qu’à soi-même, le nombrilisme est omniprésent. L’altruisme est en effet totalement absent dans la pièce : comme « l’absente de tout bouquet»? Qui sait! La clé peut-être ! La scénographie est habile et bien menée, mais on se serait passé de certaines longueurs, les passages lutins qui sont tout, sauf lutins, plutôt tristes comme le kvetch! Mais on rit car les acteurs sont bons!

Kvetch, Atelier 210, Théâtre, Bruxelles

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Les Lettres à Sophie Volland, c'est l'abondante correspondance adressée par Diderot à sa grande amie et confidente.

Diderot fit la connaissance de Sophie Volland en 1755: il avait alors 42 ou 43 ans et elle de 39 à 40 ans. Bien que nous ne sachions rien d'elle, il est certain que Sophie Volland avait une très forte personnalité, un esprit fort cultivé et fort juste. Grimm dit d'elle, répétant le mot du célèbre médecin Tronchin, que c'était "une âme d'aigle dans un corps de gaze". Cette rencontre fit naître une grande passion réciproque, dans laquelle intervint malencontreusement la mère de Sophie, envers qui Diderot semble avoir eu à la fois de l'affection et une irritation qu'il ne peut dissimuler. Les deux amis prirent l'habitude de se voir deux fois par semaine, exception faite pour les fréquents séjours de Diderot à la campagne chez les d' Holbach, ses voyages et les longs mois que Sophie passait avec sa mère dans leurs terres. Ce sont justement ces absences qui nous ont valu les "Lettres", enflammées au début, puis tendres, affectueuses, confiantes, qui nous permettent de suivre l'évolution de cet attachement qui ne se termina que par la mort des deux amants, disparus à quelques mois l'un de l'autre (1784).

Les premières lettres sont de 1759 et, immédiatement, elles nous donnent des renseignements précieux sur l' "Encyclopédie". La crise qui manqua d'en arrêter définitivement la parution vient de se terminer: d' Alembert s'est retiré de l'entreprise et c'est à Diderot, poursuivi par les libraires et seul responsable, qu'incombe toute la tâche, d'autant plus difficile à mener qu'elle est maintenant clandestine. Le voilà qui s'occupe, le plus souvent nuitamment, de l'impression des fameuses planches dans l'atelier de Le Breton, qui rassemble et compile les documents, qui écrit lui-même des articles de philosophie, d'histoire et surtout de sciences appliquées. Une lettre datée du château du Grand Val, résidence des d' Holbach (3 octobre 1759), est particulièrement intéressante, car elle nous montre dans quelle ambiance Diderot composait ses articles. Il en expose au salon les grandes lignes (il s'agit ici de l'article sur les sarrasins) et nous fait grâce d'aucun des commentaires humoristiques, cyniques, voire burlesques, des différentes personnes présentes et surtout des dames. Ainsi revit devant nous ce cadre dans lequel fut conçu le grand ouvrage, cette société qui poussait l' irrespect jusqu'au blasphème et la liberté d'expression jusqu'à la trivialité. Dans sa correspondance, Diderot tient également Mlle Volland au courant des travaux littéraires qu'il menait de front avec l' "Encyclopédie", et particulièrement de sa collaboration à la "Correspondance" de Grimm. C'est ici que nous prenons la vraie mesure de Diderot, de son dévouement et même de son héroïsme, à l'égard de l' "Encyclopédie", pour laquelle il sacrifia, sans en escompter de bénéfices, la meilleure partie de sa vie et de lui-même. A côté de cet immense travail, les oeuvres personnelles comptent peu: Diderot écrit à la hâte des articles pour Grimm, il commence ou reprend ses propres oeuvres seulement quand l' "Encyclopédie" lui en laisse le loisir. A partir de 1769, Diderot, toujours accablé de travail, donne plus de temps à ses oeuvres, c'est alors qu'il écrit le fameux "Entretien entre D'Alembert et Diderot" et qu'il fait jouer "Le Père de famille", qui connaît immédiatement un succès triomphal.

Enfin en 1772, l' "Encyclopédie" est entièrement parue; après plus de vingt ans d'un labeur acharné, Diderot peut enfin profiter de sa liberté, mais il n'est plus jeune. Néanmoins, il entreprend ce voyage en Russie, auquel Catherine II le conviait depuis si longtemps, ceci malgré les conseils de la famille Volland à laquelle il reste toujours très attaché; il entretient maintenant d'excellentes relations avec Madame Volland; quand à ses rapports avec Sophie, ils ont toujours le même caractère passionné, la même tendresse impétueuse.

Enfin nous pouvons, grâce aux "Lettres", suivre les étapes du voyage. Diderot séjourne d'abord à La Haye, de mai à août 1773 chez l'ambassadeur de Russie, le prince Galitzin, et ce n'est qu'en octobre qu'il arrive à Moscou. L'amie des philosophes, l'impératrice lui fait un accueil chaleureux, elle traite Diderot comme un ami et celui-ci refuse ses présents pour conserver son franc-parler. "J'ai vu la Souveraine, je l'ai vue tous les jours, je l'ai vue seul à seul, je l'ai vue depuis trois heures, toujours jusqu'à cinq, souvent jusqu'à six." Le philosophe ne tarit pas d'éloges sur celle que Voltaire appelait la "Sémiramis du Nord"; pour lui, "c'est l'âme de Brutus sous la figure de Cléopâtre; la fermeté de l'un et les séductions de l'autre", "Si elle règne jusqu'à quatre vingt ans, comme elle me l'a promis, soyez sûre qu'elle changera la face de son empire". C'est du retour à La Haye où Diderot séjourne de nouveau quelques mois avant de regagner Paris, qu'est datée la dernière lettre de cette correspondance (3 septembre 1774). Nous ne savons rien des rapports des deux amants au cours des dix dernières années de leurs vies, sinon par ce témoignage de la fille de Diderot, Mme de Vandeul, à propos de Mme Volland: "Il prit pour sa fille une passion qui a duré jusqu'à la mort de l'un et de l'autre."

Non seulement les "Lettres à Sophie Volland" nous aident à mieux comprendre quels furent le rôle et l'influence de Diderot en son temps et comment il mena à bien cette tâche énorme qu'était l' "Encyclopédie", mais elle nous font pénétrer dans son intimité, dans sa vie de tous les jours: ses rapports avec les Encyclopédistes, sa vie de famille traversée de scènes continuelles avec sa femme, Diderot ne cache rien de ses fautes, de ses folies, il déplore son caractère brouillon; mais sa franchise qui va jusqu'à l'inconséquence, sa spontanéité, la passion qu'il met en toutes choses nous le rendent fort sympathique. Cependant ses "Lettres" sont alourdies par d'interminables tirades où Diderot expose inlassablement son amour. Quelques jugements esthétiques fort singuliers nous surprennent et nous montrent selon quels critères, exclusivement littéraires et sentimentaux, Diderot jugeait des oeuvres d'art; ils confirment ainsi l'impression qu'on retire de la lecture des "Salons". Diderot écrit au courant de la plume et son style est le plus souvent débraillé, voire incorrect, les répétitions et les négligences sont fréquentes dans les "Lettres" généralement fort longues, dont le caractère direct s'en trouve d'ailleurs renforcé. Cette correspondance n'était pas destinée à la publication. Les "Lettres" sont non seulement un document irremplaçable sur l'époque, ce sont de véritables Mémoires de Diderot ou plutôt son Journal intime. Ecrites seulement pour lui-même et pour celle qu'il aimait, elles nous peignent, sans retouche, le véritable et vivant portrait du grand homme.

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administrateur théâtres

Au jardin de ma soeur

Damien Valère et 14-18. Petites Séquelles d'une Grande Guerre.

Arthème, le fils de François Champdeblés, l’auteur de 27 pièces décoiffantes, nous attend ce soir au Jardin de ma sœur. Esprit de famille ? L’estaminet est charmant et témoigne par son exiguïté, ses tables usées et ses éclairages dorés, de l’ancienne vie de village du quartier du Vismet ! Pompon L’ancien chat noir y répandit ses grâces et ses maléfices pendant 17 ans de connivence avec les artistes, jusqu’en mars dernier. Et son âme nous hante encore toujours lorsque l’on caresse les jeunes minets Mariette et Gaspard… de la nuit , les nouveaux maîtres des lieux !

Le spectacle commence : Jean Champdeblés, un grand-père placide assis à une table qui recèle un tiroir secret se redit une lettre d’amour. Est-ce la magie des chats qui réveille le personnage ou une pompeuse ouverture musicale qui fait apparaître sur la cheminée les tranchées, les soldats, toute la misère de la grande guerre. Et l’homme se transforme en jeune enfant de village qui pose ses questions innocentes sur la guerre, la patrie, son père disparu. Tout s’enchaine, ponctué de fragments musicaux de Prokofiev. Pour l’époque, pour l’enchantement qu’est l’enfance, pour la peur du loup… et la victoire sur la déraison des dictatures ? Pourtant Damien, nom d’emprunt, le père aux cheveux d’or, ne revient pas. Le drame s’installe. L’enfant devient otage. Il se console avec un chat roux débordant d’amour qui vient de quelque part. La suite du spectacle est magnifique… allez écouter avec ravissement un conteur vrai, un auteur, une histoire vraie. Celle de son grand-père. Ce n’est pas Bruges mais Ypres avec son cortège d’atrocités… au cœur de laquelle, un amour splendide est né, plus beau que tous les châteaux et les bijoux de la vicomtesse, marraine de guerre.

Tout est dit, du début jusqu’à la fin avec une immense tendresse, des silences éloquents, et un regard dans lequel brille le bonheur. Les silences lourds et le mépris ont perdu la partie, le jeune Jean a tout compris même s’il n’a jamais défié ses parents avec la moindre question embarrassante. Du vrai, passé par le filtre de la création pour en extraire un élixir de vérité émouvante. Et la voix de Maria Callas pour l’amour fou.

Au Jardin de ma sœur jusqu’au 10 juillet, les vendredis et samedis soirs

A l'angle du Quai au Bois à Brûler et de la Rue du Grand Hospice, à 1000 Bruxelles
(Marché au Poisson,
Métro Sainte Catherine
)
Tel: +32.2.217. 65.82
E-mail:
info@leJardindemaSoeur.be

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l'âme plutôt que l'image

Flo sort du Prado nue, un tableau sous ses bras qui n'existent pas, plus de bras et l'histoire s'arrête là sur les marches de l'escalier de pierres patinées. Ecrasées de soleil, les pierres brûlent les pieds nus de ces touristes venus voir les Velasquez, Goya et autres horreurs picturales.



Flo Ménine acry et marouflage sur toile 1er état

80x60

flo ménine 1er état

Pourtant parmi ce Flot incessant, quelques amoureux de la peinture ont encore les yeux humides, remplis de Ménines, monstres et gens de la couronne.

Ces gens qui aiment la peinture au delà de l'objet sont rares. Ceux qui aiment l'âme plutôt que l'image, le fond plutôt que la forme.

Ils sont ceux qui savent encore rêver.

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ADMINISTRATEUR GENERAL

Du Clair-obscur aux Couleurs de la vie

L’Espace Art Gallery a le plaisir de vous présenter du 09/06/2010 au 27/06/2010 l’exposition « Du Clair-obscur aux Couleurs de la vie ». Le VERNISSAGE a lieu le 09/06 de 18 h 30 à 21 h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11 h 30 à 18 h 30.

Monique Jansen (Be)

Monique Jansen a délibérément sélectionné un nombre limité de photos en vue d’obtenir un impact maximum.

Ce que l'observateur constatera c’est, l'interaction entre la lumière et l'ombre, les zones sombres dans les images. Elle demande donc au visiteur plus qu'un regard oblique sur les images, mais de poser des questions, faire réfléchir le spectateur. Cette omission délibérée de certains éléments crée une atmosphère mystérieuse.

La plupart des photos ont été prises lors de ses voyages en Asie, y compris des destinations telles que l'Inde, le Tibet, le Myanmar (anciennement Birmanie). Monique Jansen n'a pas seulement une fascination pour la culture de ces régions où elle a vécu des contacts chaleureux avec les populations locales. C'est aussi la principale force qui émane de ses tableaux: une histoire derrière chaque image.

Elle participe à de nombreux projets, comme par exemple une collaboration avec Globereports.be et la coopération pour un livre pour enfants. Malcolm Arnold, un artiste australien qui vit au Bangladesh est l'inspirateur de ce livre.

Chanon Lauffer (Nl)

Chanon est une autodidacte. Elle est née et a grandi à Amsterdam, le 1er avril 1979.

C’est une peinture du cœur, une artiste expressive. Ce que son cœur lui dit se reflète dans sa vision de la vie et son identité.

Elle crée un art personnel, sans règles ni restrictions. Chanon veut s’émanciper de toutes les restrictions techniques et créer un espace pour le sentiment. Son travail puise son inspiration dans sa propre vie.

Au cours des 6 dernières années Chanon a raconté son histoire, principalement en utilisant l'acrylique, sur différents supports : carton, papier, résine acrylique, papier de couleur à l'eau, etc…

Kristeen Van Ryswyck (Fr)

« Quelques mots sur mon œuvre . . . .

Je peins les couleurs de mon âme avec mon tempérament, mes émois, mes ressentis, ma passion ...

Je tiens à captiver votre regard afin que vous puissiez me rejoindre dans mon univers fait d'ambiances poétiques, énigmatiques, surprenantes, curieuses, troublantes...

Univers imprégné de passion, de vie, d'amour, de joie, d'énergie, de rires, de soleil, de lumières...

Je vous ouvre la porte de l'irréel afin que votre sensibilité puisse y enfanter les plus belles histoires, les plus beaux voyages de votre imagination ...

Que vous ressentiez par mes harmonies colorées, mieux que par des mots, les émotions, les sens, les perceptions, les troubles, les réactions, les émois qui me sont propres...

Je vous ouvre la porte de voyages ensorcelants au plus profond de votre âme...

Laissez-vous guider, oubliez les mots "comprendre" et "expliquer"...

Simplement, laissez-vous imprégner, y être sensible, réceptif, perméable ...

Si ces œuvres vous parlent, vous touchent, vous troublent, vous captivent et vous attirent....

Alors laissez votre âme s'imprégner...

Laissez-vous porter...

Rejoignez-moi dans mon imaginaire... »

Sophie Raine (Fr)

« Je désire créer des figures humaines qui dansent et vous entrainent, communiquer ma joie de vivre en saisissant, l'espace d'un instant, l' « arrêt-sur-image » du mouvement. Je découpe, tords, polis, soude l'acier inox à mon rêve d'éternité ».

Ses dernières expositions :

2005

Exposition personnelle - Bouchemaine -Angers (France)

Exposition « L'Art du Trot » Vincennes – Paris

Foire de Paris – (France)

Art Fair International - Shanghai – (Chine)

Exposition Art Libre - Toit de la Grande Arche- Paris (France)

2006

Exposition « La Galerie » - Tourgeville (France)

Exposition « Art Cité » - Paris (France)

La Sculpture en Liberté- Roquebrune/Argens – (France)

Exposition personnelle Abbaye de Bouchemaine – Angers (France)

2009

« La Galerie » - Tourgeville (France)

Exposition de sculptures – Cogolin – (France)

L'art Abordable – Paris (France)

2ème prix du Concours « Art monumental » château d'Aine (France)

Art Shopping – Carré du Louvres – Paris (France)

GMAC – Paris (France)

Galerie Référence – New-York (USA)

Réalisation de Trophées

Pour « l'Art en Direct « pour :

Danone, Peugeot, Renault, BNP, Spie Batignolles, Total, Skoda, BMS SNAAM, Capital Image......

A voir donc du 09/06/2010 au 27/06/2010 au 35 rue Lesbroussart à 1050 Ixelles.


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Piazza del Campo

Autre jeu:

Passer du corps et de ses courbes à l'authenticité des façades de la ville de Sienne.

Je ne dis pas que les courbes d'un corps ne sont pas authentiques.

Les courbes incitent à la générosité.. les courbes sont naturellement "Italiennes"


Piazza del Campo 80x60 acry et marouflage sur toile

Gegout©2010

piazza-del-campo

La piazza del Campo n'a pas besoin de courbes pour séduire.. je suis encore une semaine après notre retour sous l'emprise de cette place.

Cette place s'impose par sa force sans coquetterie.

Ici la beauté se situe au delà du joli..

Je garderai longtemps le choc avec cette rencontre, ce premier regard lorsque l'on tourne au coin d'une rue et on se retrouve nez à nez face à ces façades.

J'en frissonne encore..!


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L'Amour fou d’André Breton (1937), mêlant le récit à la méditation et à l'imaginaire poétique, relate des événements vécus par l'auteur entre 1934 et 1936: la rencontre avec Jacqueline, qui devient bientôt sa deuxième femme, leur voyage à Tenerife et la naissance de leur fille Aube. Dans cet ouvrage, l'auteur renoue avec le type d'inspiration et d'écriture qui avaient présidé à Nadja.

Le texte de l'Amour fou est, tout comme l'était celui de Nadja, accompagné d'illustrations. L'ouvrage s'ouvre sur l'évocation d'une scène fantasmatique qui conduit Breton à une méditation sur l'amour et sur la beauté, cette dernière étant explicitement placée dans la continuité de l'ultime phrase de Nadja: «La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas» (I). L'auteur rappelle ensuite une enquête de la revue Minotaure qui interrogeait les participants sur «la rencontre capitale de [leur] vie». Cela lui inspire une réflexion sur le hasard, défini comme «la rencontre d'une causalité externe et d'une finalité interne»: «Il arrive cependant que la nécessité naturelle tombe d'accord avec la nécessité humaine d'une manière assez extraordinaire et agitante pour que les deux déterminations s'avèrent indiscernables» (II). La découverte de certains objets, véritables «trouvailles» dont le sens s'éclaire peu à peu, participe de ce hasard (III).

La rencontre décisive d'une femme «scandaleusement belle» a lieu le 29 mai 1934. Breton reçoit alors la fulgurante révélation de la dimension prophétique d'un poème, intitulé "Tournesol", qu'il avait écrit en 1923: l'aventure imaginaire du texte poétique trouve son «accomplissement tardif, mais combien impressionnant par sa rigueur, [...] sur le plan de la vie» (IV). Le poète séjourne ensuite aux Canaries avec sa nouvelle épouse. La description de l'exubérance sensuelle du paysage volcanique, foisonnant d'espèces végétales, exprime métaphoriquement la jouissance amoureuse du couple, en pleine harmonie avec les grandes forces primitives de la nature (V). Après cette expérience des sommets, symboliquement marquée par l'ascension du pic du Teide à Tenerife, le couple s'installe dans la durée d'un quotidien où l'amour semble susceptible de s'user. Cette fois, c'est la platitude d'une plage bretonne qui, le 20 juillet 1936, sert de décor symbolique à une sinistre promenade durant laquelle Breton et sa femme éprouvent un «sentiment de séparation». Le poète montre toutefois que de telles dépressions sont provisoires et illusoires et que l'amour fou, qui résiste à l'érosion du temps, en triomphe (VI). Breton adresse enfin à sa fille une lettre qui se termine par ce voeu: «Je vous souhaite d'être follement aimée» (VII).

L'Amour fou est un hymne superbe à l'amour: «La recréation, la recoloration perpétuelle du monde dans un seul être, telles qu'elles s'accomplissent par l'amour, éclairent en avant de mille rayons la marche de la terre. Chaque fois qu'un homme aime, rien ne peut faire qu'il n'engage avec lui la sensibilité de tous les hommes. Pour ne pas démériter d'eux, il se doit de l'engager à fond.» L'ouvrage tient à la fois du récit autobiographique, de la méditation philosophique, de la poésie et du conte magique. La réflexion y côtoie la relation d'anecdotes et le lyrisme; l'analyse et la description du sentiment y voisinent avec le fantasme et l'évocation érotique.

L'Amour fou s'inscrit dans la continuité du Second Manifeste du surréalisme qui donnait pour «mobile» fondamental à «l'activité surréaliste» «l'espoir de détermination» «d'un certain point de l'esprit» où les contradictions «cessent d'être perçu[e]s contradictoirement». Breton précisera les contours de cet idéalisme dans les Entretiens (1952): «Il va sans dire que ce point, en quoi sont appelées à se résoudre toutes les antinomies qui nous rongent et que, dans mon ouvrage l'Amour fou, je nommerai le "point suprême", en souvenir d'un admirable site des Basses-Alpes, ne saurait aucunement se situer sur le plan mystique. Inutile d'insister sur ce que peut avoir d'hégélien l'idée d'un tel dépassement de toutes les antinomies.» L'image poétique, dans son énigmatique fulgurance, met ainsi le verbe en fusion: «La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas.» De même, l'amour fou réalise la synthèse entre l'amour unique, exalté par le romantisme, et les amours multiples. Toutes les femmes aimées avant elle annoncent la femme suprêmement aimée dont la figure résume en quelque sorte celles qui l'ont précédée.

Pour Breton, la femme aimée est la fée médiatrice. Elle lui ouvre la voie vers une relation privilégiée au monde qu'elle magnifie et transfigure: «Cette profusion de richesses à nos pieds ne peut manquer de s'interpréter comme un luxe d'avances que me fait à travers elle, plus encore nécessairement à travers vous, la vie. [...] Vous ne faites qu'un avec cet épanouissement même.» La femme révèle au poète les secrets enfouis, ceux qui échappent à la logique et relèvent d'une sorte de concordance universelle et magique. La promenade initiatique effectuée à ses côtés la nuit de la rencontre donne sens tant à la vie qu'à la poésie de Breton, les deux aspects étant d'ailleurs indissociables. Ainsi, une anecdote passée, survenue «le 10 avril 1934, en pleine "occultation" de Vénus par la Lune», prend soudain une dimension prémonitoire. Alors qu'il déjeune dans un restaurant, Breton capte cette scène entre le plongeur et la serveuse: «La voix du plongeur, soudain: "Ici, l'Ondine!", et la réponse exquise, enfantine, à peine soupirée, parfaite: "Ah, oui, on le fait ici, l'On dîne!" Est-il plus touchante scène?» Il y a là comme une prophétie de la venue prochaine de Jacqueline, ondine ou sirène tant dans l'imaginaire mythique que dans la réalité: «Le "numéro" de music-hall dans lequel la jeune femme paraissait alors était un numéro de natation.» L'exemple le plus frappant de ces coïncidences miraculeuses réside bien sûr dans le sens tout à coup révélé, à travers les événements de la première nuit, d'un poème automatique écrit onze ans plus tôt.

Le monde devient ainsi un vaste et sidérant univers de signes. L'amour fou est bien l'expérience surréaliste suprême dans la mesure où il réunit le réel et l'imaginaire, la poésie et la vie.

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On a pu voir à l'exposition organisée à la Bibliothèque royale, en mai 1932, quelques mois après la mort du poète, une partie de l'outillage dont Max Elskamp se servait pour établir la composition matérielle de ses livres: le banc de menuisier où il préparait les bois à graver, -la table de graveur avec ses multiples burins, couteaux, rifloirs et gouges, -le pupitre à composer dont les tiroirs contenaient un choix de caractères typographiques, -et enfin cette presse à imprimer que le poète avait surnommée "l'Alouette" et dont il avait souligné la marque de ce charmant distique:

Tirelant l'alouette
Tire à lire clair et net.

Ce matériel qui, dans l'étrange et quelque peu mystérieux "atelier" du boulevard Léopold, à Anvers, voisinait avec des instruments de physique, d'astronomie, de musique, des souvenirs de voyage, des portraits de famille, des oeuvres d'art et des bibelots de toutes espèces, n'était pas une fantaisie d'artiste; ces établis, ce pupitre à composer, cette presse étaient bien des outils d'un artisan, les instruments de travail quotidiens d'un bon ouvrier du livre.

Et cet ouvrier n'était pas un improvisateur; il avait appris son métier, -et il en était fier.
"Je connais le métier à fond, écrit-il à un ami d'enfance (1), et je pourrais même gagner ma vie en le pratiquant; le brave père Buschmann, il y a 20 ans, et chez lequel j'ai travaillé pendant 6 mois, m'a tout appris, y compris la trempe de papier. J'ai commencé par le commencement, remettre les caractères retirés des formes, "tête en haut" dans les "casses"; puis cette chose très difficile à faire: le "noeud", c'est-à-dire de réunir les lignes composées au moyen d'une ficelle, pour les mettre dans les formes; cela se fait d'une seule main et rien ne peut tomber. -Je connais tous les secrets des serrages, des hausses, de la mise en train, qui est ce qui coûte le plus cher dans la typographie soignée. "Et c'est pour cela que j'aime à contrôler le tirage de mes livres moi-même."
Si l'élève était reconnaissant à son maître des leçons qu'il en avait reçues, celui-ci se plaisait, de son côté, à reconnaître la part de collaboration du poète dans le travail d'édition de ses oeuvres. Quelques mois après la publication du "Jeu de loto dans les Flandres", l'imprimeur Buschmann communique à Max Elskamp la lettre de félicitations qu'il a reçue de M. Thibeaudeau, directeur de l'atelier de composition et d'impression de la Fonderie Peignot de Paris, et il ajoute: "Je ne puis en aucun cas agréer, sans vous en transmettre la grosse part, toutes les flatteuses appréciations que M. Thibeaudeau réserve au petit volume" (2).

Ce "petit volume" était en effet un petit chef-d'oeuvre élaboré avec quelle patience, quel goût, quel souci minutieux et délicat de l'ornementation et de l'exécution typographique! On a trouvé dans les papiers du poète deux manuscrits autographes du "Jeu de loto", quatre copies dactylographiées par l'auteur (la dernière réservant la place des bois), sans compter de multiples essais de couleurs et de mises en page et plusieurs suites d'épreuves corrigées. En vérité, Max Elskamp n'abandonnait rien à la fantaisie de l'imprimeur; il tenait à tout combiner lui-même, à tout prévoir, à tout essayer. C'est ce qu'il appelait "contrôler" le tirage de ses livres.

Ce souci de la présentation, Max Elskamp l'a eu dès le début de sa carrière d'écrivain. Ses premiers vers, reproduits par le procédé de la pâte à polycopier, n'a-t-il pas imaginé de les présenter sur des fonds d'estampes japonaises? Tiré à 15 exemplaires et dédié à son "bon ami en couleurs douces et frêles Henri Vandevelde", L'Eventail japonais, fantaisie de jeunesse -il date de 1886- que le poète semble avoir désavoué par la suite (3), est aujourd'hui à peu près introuvable.

Les trois premiers recueils de vers imprimés par J.-E. Buschmann, sont "rehaussés à la couverture d'une ornementation par Henry van de Velde" (Dominical, 1892, -Salutations dont d'angéliques, 1893, -En symbole vers l'apostolat, 1895).

C'est Henry van de Velde qui imprime, en 1895, les "Six chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre", mais cette fois, c'est l'auteur lui-même qui s'est chargé de graver les bois qui ornent le petit livre, -livre exquis dont la présentation provoque l'enthousiasme d'Emile Verhaeren. "Les dessins que l'écrivain tailla dans le bois, écrit-il dans l'Art moderne (4), sont d'une naïveté savoureuse et si adéquate au texte et si artistement puérils qu'on n'imagine aucun professionnel qui es eût pu traiter ainsi."
Dès lors, le poète n'abandonne plus à d'autres le soin d'orner ses livres. Pendant de longues années et, pour ainsi dire, jusqu'à la fin de sa carrière, le labeur du graveur rivalise chez lui avec celui de l'écrivain. Et c'est par centaines que les bois sortent des mains de l'artiste pour aller fleurir les pages du poète (5).
Enluminures (1898), l'Alphabet de Notre-Dame la Vierge (1901), les Commentaires et l'idéographie du jeu de loto en Flandre (1918), Sous les tentes de l'exode (1921), Chansons désabusées (1922), la Chanson de la rue Saint Paul (1922), les sept Notre-Dame des plus beaux métiers (1923), Chansons d'amures (1923), Maya (1923), -chacune de ces oeuvres est pour Max Elskamp l'occasion de multiples recherches tant au point de vue de l’ornementation que de la présentation typographique. Sur sa table de travail s’accumulent les essais de mise en pages, les épreuves de bois et quelquefois de feuilles entières tirées sur « L’Alouette », les recherches de couleurs, et ce n’est que lorsqu’il a établi de son œuvre une véritable maquette, qu’il consent à la livrer à l’imprimeur. On pourrait suivre dans les papiers que les héritiers du poète ont généreusement offert à la Bibliothèque royale les étapes successives de l’élaboration de presque tous ses livres, depuis le manuscrit original jusqu’à la maquette définitive que le travail d’impression modifiera à peine. Certaines œuvres de petites dimensions, telles que « Les sept œuvres de miséricorde » ou « Le petit dictionnaire de médecine judiciaire » de Charles Dumercy, ont été entièrement tirées sur « L’Alouette » par le poète lui-même.

Max Elskamp avait sur ce qu’il appelle « l’architecture du livre », des idées très arrêtées. Il considérait la typographie comme une « forme de matérialisation plastique de la pensée ». Partant de cette donnée que le point typographique règle tout l’établissement du livre, il en déduisait que la décoration de celui-ci doit être soumise à des règles étroites. Il n’admettait pas « l’illustration ». Le mot comme la chose lui faisait horreur. « La plus grande erreur de « l’illustration » dans le sens d’ « histoires », dit-il dans ses notes est de n’être que la compréhension d’un passage du livre par « l’illustrateur » seul. Flaubert l’avait si bien compris qu’il répudia toujours les offres « d’illustrations » qui lui furent faites. Seul l’auteur d’un livre pourrait « illustrer » son livre et encore reste à voir s’il y trouverait profit ; il matérialiserait la notation de sa pensée, lui donnerait une forme absolue dans une autre plan de notation où, pour cette raison même, il y aurait une grande difficulté d’adéquation. Seule une « illustration » qui serait un symbole de la pensée pourrait être acceptable et alors encore, il ne s’agirait plus ici que d’une ornementation et non une illustration. D’une façon générale, l’illustration donnant une précision graphique à la formulation de la pensée, ne semble être justifiée que pour les ouvrages de science, anatomie, géographie, architecture, en d’autres termes chaque fois qu’elle prend le titre de « planche » au sens étroit du mot » (6).

Ailleurs, parlant de l’ornementation de la page, l’auteur d’ « Enluminures » formule les règles suivantes : « Le bas de page doit être considéré comme le sol permettant de bâtir en élévation. C’est un point d’appui d’où l’ornementation logiquement prend racine. Pour être plus logique, c’est la dernière ligne d’une page justifiée qui est la limite de ce sol. Il y a une erreur à ce propos souvent commise, c’est d’insérer dans les livres des planches oblongues en les mettant dans le sens vertical. La décoration du livre ne peut être entendue que dans un seul sens, elle doit être vue dans la position de lecture des pages, c’est-à-dire qu’on ne doit pas pouvoir voir une illustration retourner ou pencher le livre ; le point de vue est fixé (comme en perspective) par le texte qu’on doit considérer comme l’horizon de lecture. »

Il n’est pas moins catégorique quand il parle des procédés de reproduction.
« Toute reproduction mécanique qui exige pour le tirage de l’épreuve une presse autre que la presse typographique doit être rejetée. Toute reproduction mécanique permettant pour le tirage de l’épreuve l’emploi de la presse typographique, mais exigeant pour ce faire le subterfuge d’un papier spécial, tel le papier couché pour la simili-gravure, doit être rejetée. En d’autres termes, nous considérons comme ne répondant point à la plastique typographique du livre, tout procédé ne permettant pas d’imprimer d’un même tirage l’ornementation avec le texte du livre. »
Ces notes et d’autres retrouvées dans les papiers du poète, étaient destinées à une étude sur la typographie du livre, à la publication de laquelle Max Elskamp paraît avoir renoncé par crainte de déplaire à ses « confrères ». « Quant au travail que j’ai préparé sur la typographie du livre, écrit-il à l’éditeur Van Oest (7), il n’est terminé qu’en partie, bien que tout à fait construit. Je ne crois pas qu’il soit de nature à intéresser beaucoup le public, et quant aux imprimeurs, ils n’en seront pas enchantée, pour le motif que je tombe leurs procédés les plus chers… »
Ne regrettons pas outre mesure que le poète n’ait pas cru pouvoir donner suite à son projet. Les réalisations sont là qui peuvent nous consoler de la perte de la théorie : elles attestent suffisamment que Max Elskamp fut « un des artisans du livre les plus originaux que notre pays ait produits ».
C. G.

1) M. Henri Damiens, cousin du poète. Lettre datée d’Anvers, le 9 mars 1921.
(2) « Laissez-moi en terminant, dit M. Thibeaudeau, vous exprimer toute mon admiration de technicien pour l’ensemble si artistique de votre édition. Bois des lettrines et des illustrations, caractères, mises en pages, cadre harmonieux, teintes, format, papiers, cartonnages, sont réunis là pour satisfaire pleinement la joie raffinée et délicate de l’élite de la bibliophilie. »
(3) « L’Eventail japonais » n’est rappelé dans aucune de ces listes d’ouvrages « du même auteur » que le poète aimait à placer en tête de ses livres.
(4) 12 janvier 1896.
(5) Max Elskamp a légué l’ensemble de ses bois gravés au musée du « Vleeschhuis » à Anvers .
(6) Pas plus que « l’illustration », Max Elskamp n’aimait la « mise en musique ». « J’ai toujours trouvé bon accueil chez les compositeurs de musique, écrit-il à un ami. Ils m’ont souvent demandé de mettre en musique de mes vers et je me suis souvent refusé à cela, parce que je crois que le commentaire musical ne peut rien ajouter à une pièce de vers, qui doit être complète par elle-même et doit avoir sa propre musique. »
(7) Lettre datée du 1er mars 1919.

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12272661101?profile=originalLa Fleur en Papier Doré, rue des Alexiens à Bruxelles

Maria CaunusPropos de Maria Caunus sur "La poésie portugaise"

Le livre de référence, paru aux Editions de l'Arbre à paroles, un anthologie par Robert Massart

Poésies d'Amelia Militao lues par Isabelle Bielecki

Amelia Militao évoqua également des textes de Florbela Espanca et de Miguel Torca

Une séance sous les auspices du Grenier Jane Tony, 29ème saison du cercle (Dir. Piet Lincken) au beau printemps 2010.

(Photos Arts et lettres)

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