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Georg Trakl, une vie magistralement ratée

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                               Georg Trakl (1887-1914)

 

"Une vie ratée, mais le plus magistralement du monde." (Marc Petit)

 

"Sentiments dans des instants où la vie est semblable à la mort : tous les êtres sont dignes d'amour. Au réveil, tu sens l'amertume du monde ; il y a là toute la dette que tu n'as pas rachetée : ton poème, une expiation incomplète." (G. Trakle)

 

"A celui-là qui méprise le bonheur, sera donnée la connaissance." (G. Trakle), écrit à l'âge de 17 ans.

 

"Mais qui donc pouvait-il être ?" (Reiner-Maria Rilke)

 

 

A Georg Trakl

 

(puisqu'il est désormais plus facile de parler avec les morts qu'avec les vivants)

 

"Am Abend tönen die herbstlichen Wälder

Von tödlichen Waffen..."

 

Dans l'eau stagnante sombrent les étoiles,

Les tournesols fanés

Tournent vers la terre leur unique oeil noir,

Des larmes d'or

S'accrochent à leur splendeur déchue...

 

S'approchent les compagnons d'infortune :

L'Etranger, L'enfant Elis et le pauvre Kaspard

Et les morts de Grodeck qui jouaient jadis,

 

"Garçons étourdis de rêve,

Le soir doucement là-bas à la fontaine"...

 

Un oiseau bleu appelle

Dans la clairière des anges

Et des hyacinthes,

Grete, la tendre soeur,

Eclaircit la douleur

De ton front  couronné de ronces

"Où saignent en silence

Des légendes immémoriales

Et le présage obscur

Du vol des oiseaux"

Et ferme tes yeux de lune.

 

"Sur tes tempes goutte de la rosée noire,

 Le dernier or d'étoiles déchues"...

 

Le suc fatal du pavot

 

Ton esprit et ton cœur ont quitté le pressoir...

 

"Tu vas, toi, d'un pas lisse vers la nuit

Toute chargée de raisins pourpres,

Et tu bouges les bras plus beaux dans le bleu..."

 

O wie lange bist, Elis, du verstorben...

 

 Mais quel est donc ce monde où l'on assassine les archanges ?

 

 

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Bouche au ciel,

Les chevaux forcenés des fontaines

Pleurent

Dans leurs prisons de pierre...

Une couronne rayonne en entrelacs compliqués...

Les parcs exhalent la vaste fraîcheur des valses...

Des fantômes tristes et anciens

Hantent la gloire abolie des palais déserts...

Comme un triste bruissement de fontaine,

Comme la joie inaccessible

D'une claire matinée de neige,

Comme une barcarolle désaccordée,

Comme une jubilation secrète,

Prisonnière du gel et du temps...

Vieille Europe, je te porte en moi...

"Oui, je suis vieille,

J'ai trop porté le poids de la douleur,

Mais je suis belle encore...

 

Priez pour que le printemps revienne !"

 

R.G.

 

Georg Trakl, né le 3 février 1887 à Salzbourg, Autriche et décédé le 3 novembre 1914 à Cracovie, est un poète autrichien. Il est l'un des représentants majeurs de l'expressionnisme. Georg Trakl laissa comme témoignage de sa vie tout aussi brève qu’intense - il est mort à l'âge de 27 ans - une œuvre sulfureuse composée de poèmes dont l'importance fait de lui un des poètes majeurs du XXème siècle.

 

Il se lance dans des études de pharmacie le 5 octobre 1908 et passe ses premiers examens en chimie, en physique, chimie et botanique l'année suivante. Sa jeunesse est fortement marquée par ses attitudes anti-bourgeoises et provocatrices, ainsi que par la drogue, l’alcool, l’inceste et la poésie qui resteront les piliers de son existence. On sait qu'il s'adonne à la drogue dès 1905 alors qu'il commence un stage dans la pharmacie À l'ange blanc de Carl Hinterhuber dans la Linzer Gasse à Salzbourg.

 

Il écrit à son ami von Kalmar : « Pour surmonter la fatigue nerveuse à retardement, j'ai hélas encore pris la fuite avec du chloroforme. L'effet a été terrible ». L’amour incestueux de Trakl pour sa sœur va profondément influencer son œuvre. L’image de « La sœur » s’y retrouve de façon obsédante, et c’est cette relation charnelle et amoureuse qui va devenir une source d’angoisse et de culpabilité profonde pour le poète. On sait toutefois peu de choses directes sur leur relation, la famille ayant fait disparaître leur correspondance.Trakl publie son premier poème en 1908 dans la Salzburger Volkszeitung : Das Morgenlied.

 

En mai 1914, Trakl est invité au château de Hohenburg à Innsbruck par le frère de Ludwig von Ficker. Le 27 juillet 1914, Ludwig Wittgenstein autorise von Ficker à donner 20 000 couronnes à Trakl en les prenant de la somme qu'il avait mise à disposition pour soutenir les artistes autrichiens dans le besoin. Mais Trakl, qui depuis plusieurs mois cherchait vainement un emploi pour assurer son existence matérielle, n'aura pas le temps d'en profiter.

 

Lorsque la guerre éclate, Georg Trakl est mobilisé dans les services sanitaires. Il quitte Innsbruck pour le front de l'est la nuit du 24 août 1914. Le détachement sanitaire dont il fait partie est stationné en Galicie et participe du 6 au 11 septembre à la bataille de Gródek.

 

Trakl a pour mission de prendre en charge, dans une grange et sans assistance médicale, pendant deux jours, les soins d’une centaine de blessés graves. Il fait quelques jours plus tard, à la suite des horreurs dont il vient d'être témoin, une tentative de suicide au moyen d'une arme à feu. Il est transféré le 7 octobre à l’hôpital militaire de Cracovie.

 

Les 24 et 25 octobre, Ludwig von Ficker rend une ultime visite au poète dans la cellule de la section psychiatrique. Trakl y exprime toute sa crainte, toute son angoisse. Déjà un an auparavant, il avait fait part à von Ficker de sa dépression et de sa peur de la folie : « Ô mon Dieu, quelle sorte de tribunal s'est abattu sur moi. Dites-moi que je dois encore avoir la force de vivre et de faire le vrai. Dites-moi que je ne suis pas fou. Une obscurité de pierre s'est abattue. Ô mon ami, comme je suis devenu petit et malheureux". Trakl donne lecture à Ficker de ses derniers poèmes, Klage (Plainte) et Grodeck. Dans une lettre du 27 octobre, il les lui envoie et fait de sa sœur son unique légataire.

 

À l’âge de 27 ans, dans la nuit du 2 au 3 novembre Trakl décède d’une overdose de cocaïne. Les autorités médicales de l’hôpital militaire concluent à un suicide. « Mais qui donc pouvait-il être ? » se demandera Rilke juste après la mort de Trakl sans parvenir toutefois à répondre. Georg Trakl est enterré au Rakoviczer Friedhof de Cracovie le 6 novembre. Son amie Else Lasker-Schüler lui dédie alors un poème intitulé Georg Trakl publié en 1917 :

« Georg Trakl succomba à la guerre, frappé par sa propre main.
Et ce fut tant de solitude dans le monde. Je l'aimais. »

 

 

Grodek

 

(le dernier poème écrit par G. Trakl)

 

Le soir, les forêts automnales résonnent

D'armes de mort, les plaines dorées,

Les lacs bleus, sur lesquels le soleil

Plus lugubre roule, et la nuit enveloppe

des guerriers mourants, la plainte sauvage

de leurs bouches brisées.

Mais en silence s'amasse sur les pâtures du val

Nuée rouge qu'habite un dieu en courroux

le sang versé, froid lunaire ;

Toutes les routes débouchent dans la pourriture noire.

Sous les rameaux dorés de la nuit et les étoiles

Chancelle l'ombre de la sœur à travers le bois muet

pour saluer les esprits des héros, les faces qui saignent ;

Et doucement vibrent dans les roseaux les flûtes

sombres de l'automne.

Ô deuil plus fier ! autels d'airain !

La flamme brûlante de l'esprit, une douleur puissante

la nourrit aujourd'hui,

les descendants inengendrés. 

 

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Georg Trakl

Die schöne Stadt

 La belle ville

Alte Plätze sonnig schweigen.
Tief in Blau und Gold versponnen
Traumhaft hasten ernste Nonnen
Unter schwüler Buchen Schweigen.
 
De vieilles places se taisent au soleil.
Absorbées dans le bleu et l'or
Se hâtent, rêveuses, de douces nonnes.
Sous le silence de hêtres lourds.
 

Aus den braun erhellten Kirchen
Schaun des Todes reine Bilder,
Großer Fürsten schöne Schilder.
Kronen schimmern in den Kirchen.

 

Dans les églises éclairées de brun

Regardent les images pures de la mort,

Les beaux écussons des grands princes,

Des couronnes étincellent dans les églises.

 

Rösser tauchen aus dem Brunnen.
Blütenkrallen drohn in Bäumen.
Knaben spielen wirr von Träumen
Abends leise dort am Brunnen.

 

Des chevaux émergent de la fontaine.

Sur les arbres des fleurs sortent leurs griffes.

Des garçons jouent, étourdis de rêve,

le soir doucement là-bas à la fontaine.

 

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 Mädchen stehen an den Toren,
Schauen scheu ins farbige Leben.
Ihre feuchten Lippen beben
Und sie warten an den Toren.

 

Des filles se tiennent au portail,

Timidement regardent la vie aux couleurs vives.

Leurs lèvres humides tremblent

Et elles attendent devant le portail.

 

Zitternd flattern Glockenklänge,
Marschtakt hallt und Wacherufen.
Fremde lauschen auf den Stufen.
Hoch im Blau sind Orgelklänge.

 

Des sons de cloches volent, frémissants,

Une cadence de marche résonne, et des appels de

sentinelles.

des étrangers écoutent sur les marches.

Haut dans le bleu il y a des sons d'orgue.

 

Helle Instrumente singen.
Durch der Gärten Blätterrahmen
Schwirrt das Lachen schöner Damen.
Leise junge Mütter singen.

 

Des instruments clairs chantent.

A travers le décor de feuilles des jardins

Frémit le rire de belles dames.

Des jeunes mères à voix basse chantent.

 

Heimlich haucht an blumigen Fenstern
Duft von Weihrauch, Teer und Flieder.
Silbern flimmern müde Lider
Durch die Blumen an den Fenstern
 
Familièrement passe devant des fenêtres fleuries
Une odeur d'encens, de goudron et de lilas.
Argentées scintillent des paupières lasses
Au milieu des fleurs, aux fenêtres.
 
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                         An den Knaben Elis

 

Elis, wenn die Amsel im schwarzen Wald ruft,

Dieses ist dein Untergang.

Deine Lippen trinken die Kühle des blauen Felsenquells.

 

Laß, wenn deine Stirne leise blutet

Uralte Legenden

Und dunkle Deutung des Vogelflugs.

 

Du aber gehst mit weichen Schritten in die Nacht,

Die voll purpurner Trauben hängt

Und du regst die Arme schöner im Blau.

 

Ein Dornenbusch tönt,

Wo deine mondenen Augen sind.

O, wie lange bist, Elis, du verstorben.

 

Dein Leib ist eine Hyazinthe,

In die ein Mönch die wächsernen Finger taucht.

Eine schwarze Höhle ist unser Schweigen,

 

Daraus bisweilen ein sanftes Tier tritt

Und langsam die schweren Lider senkt.

Auf deine Schläfen tropft schwarzer Tau,

 

Das letzte Gold verfallener Sterne.

 

 

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A L'enfant Elis

 

Elis, quand le merle appelle dans la noire forêt,

C'est là ton déclin.

Tes lèvres boivent la fraîcheur de la source bleue des

rochers.

 

Laisse, quand de ton front saignent en silence

des légendes immémoriales

Et le présage obscur du vol des oiseaux.

 

Tu vas, toi, d'un pas lisse vers la nuit

Toute chargée de raisins pourpres,

Et tu bouges les bras plus beaux dans le bleu.

 

Un buisson d'épines sonne,

où sont tes yeux de lune.

Ô il y a si longtemps, Elis, que tu es mort.

 

Ton corps est une hyacinthe

dans laquelle un moine plonge ses doigts de cire.

Une caverne noire est notre mutisme,

 

D'où sort parfois une bête douce

et abaisse lentement ses paupières lourdes.

Sur tes tempes goutte de la rosée noire,

 

Le dernier or d'étoiles déchues.

 

Georg Trakl, Sebastien en rêve

(Traduit par Marc Petit et Jean-Claude. Schneider, NRF, Poésie/Gallimard)

 

 

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                                           Egon Schiele, Herbstsonne, 1914

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Les éditeurs le savent-ils?

 

Ceux que l'on nomme les aînés,

Se réfugient dans le silence.

Souvent atteints d'inappétence,

Ils pensent aux plaisirs surannés.

...

Se réfugient dans le silence,

Pour ne pas être importunés.

Ils pensent aux plaisirs surannés

Vont vers un ailleurs, en errance.

...

Pour ne pas être importunés,

Les regrets ne sont que nuisance,

Vont vers un ailleurs, en errance,

Parfois, la poésie renaît.

...

Les regrets ne sont que nuisance!

Chacun le sait, le reconnaît.

Parfois, la poésie renaît,

Fait oublier torts et offenses

...

Chacun le sait, le reconnaît,

La poésie est jouissance,

Fait oublier torts et offenses.

Y ont recours nombreux aînés.

...

La poésie est jouissance.

Leur service enfin terminé,

Y ont recours nombreux aînés,

Témoigant avec élégance.

...

24 août 2012

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Songe calédonien

12272824073?profile=originalSonge calédonien

 

Surface lisse, peau serpentine

De ton cortex se dessine

Un front barré de rides

S'écoulant dans leur sablier

Creusant un regard vide

Qui se fixe au-delà du limier

Cherchant dans ses larmes colloïdes

Une bouche esquissée, livide

Un rire à jamais étreint

Dans une gorge nouée

Pétrifiée, aphone, garrottée

Masque de boue énucléé

D'une beauté figée au pilori

Née du hasard, au biribi

Pureté minérale, primidi

Terre oubliée, paradis ?

Aucune lueur ne s'éteind

Dans deux yeux ocelles

Devant tes yeux oscille

Une nuée de mouches noires

Nul vent, miroir de moire

Jardin zen que tu contemples

Qui te cultive et qui te hante

Pierre-aux-masures, improbable temple

Où tes mains jointes, implorantes

Cherchent la trace devinée

De ta propre destinée.

 


Illustration : serpentine métamorphisée (péridotite/dunite) de Nouvelle-Calédonie. J'ai malencontreusement brisé cette belle roche, qu'importe. Qu'en sera-t-il de nos os ?

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L'inventaire de l'aube

"Les souvenirs sont du passé qui espère." (Jean Mambrino, le mot de passe)


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Tandis que des ombres usurpent la scène, les êtres de chair et de sang et les belles créations imaginaires se pressent aux marches de la mémoire...

Les amis de l'enfance : le petit prince, Alexis Romanov, la grâce assassinée... Ivan, l'enfant soldat, courageux comme un homme, dont le fier regard bleu de déviait jamais et qui grandit trop vite, dans la nostalgie de l'enfance perdue... Alexandre, l'enfant russe aux cheveux d'or, l'oiseleur pacifique aux épaules de colombe... Franz, qui se baignait nu dans les torrents du Tyrol... Marc, tacheté de rousseur, qui aimait les mystères... Frédéric, le maçon des hirondelles, qui n'apprit jamais à lire... Baptiste, le cancre subtil qui marchait sur les mains... Didier, qui descendait des collines, cheveux au vent... Christian, aux yeux mauves, dont la beauté ne touchait pas terre, John, que sa mère n'aimait pas et l'enfant d'Amérique qui m’offrit un jour Votre Image..." car j'étais un étranger et vous m'avez accueilli."

Richard, qui me regarde tristement de loin...

Anne et Sophie, les deux sœurs, qui m'accordèrent, par une belle après-midi d'été, à Versailles, dans les allées fraîches du château royal, leur amitié enchantée...

Et Jean-Jacques, dont le sida vola la vie magnifique.

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Les plages infinies du Nord dans la blancheur brumeuse des vols d'éoliennes...

La splendeur du hêtre rouge sous son diadème de pluie...

L'innombrable blancheur orfévrée du cerisier en fleurs...

L'odeur métallique de la pluie...

Le baume suave et citronné d'éternel printemps des fleurs d'acacias...

La pluie contre les vitres, les nuits d'orage...

L'aube, l'innombrable et forcenée jubilation du fracassant gazouillis de ces gosiers ponctuels à inaugurer la lumière !

 

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Les héros de l'enfance : Tom Sawer, Huckleberry Finn, Old Shure Hand, Long John Silver... et tous les autres.

Les desserts de l'enfance : l'île flottante, la gâteau de Savoie, le clafoutis aux cerises...

Les amis de l'âge mûr : Gilles et Katarzina, en vêtements de noces, dans la lumière bleutée de la mer Baltique, quelques mois avant la démission du général Jarulevski.

Michel Velmaens, le guérisseur de Rochesauve, qui vit Eluard pleurer sur le mépris des poètes...

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... Mon grand-père...

Dans les sous-bois embaumés des fées du Limousin, parmi les fraîches jaseries des geais aux livrées éclatantes, un enfant ramasse les champignons délicieux : le cèpe de Bordeaux, épais et ambré, le pied bleu, la délicate chanterelle qui porte aussi le nom de la corde la plus fine du violon, la rose des prés et le mousseron de Saint-Georges, gracile et timide.

Quand la nuit tombe, pour la première fois sur la vieille Europe, il part, à 17 ans, vers le grand casino de la mort. De la Galicie, du Chemin des Dames, des Dardanelles, il ne dit rien. Il n'est pas de ces anciens combattants qui ressassent "leur" guerre. Il ne parle que de la souffrance des chevaux. Il porte au cou la cicatrice d'un coup de baïonnette. Ses poumons lui font mal : le gaz moutarde.

Pendant les grandes grèves ouvrières de 1936, sa femme, la souris de Cendrillon, lui passe son casse-croûte à travers les grilles de l'usine. Il est mal vu quai de Javel. Il fait partie des meneurs. Il sera bientôt licencié.

Quand la nuit tombe pour la deuxième fois sur la vieille Europe, l'ange de la dignité le tient toujours par la main.

Il arpente Les falaises de marbre, il cherche dans le grand livre de Dieu le sens de tant de malheurs.

Il flâne au bord de la Seine, le long des échoppes ombragées des bouquinistes, sous la vieille horloge de Saint-Germain l'Auxerrois, sous les arcades de la rue de Rivoli, dans la cour mal pavé des rois, dans le frais silence de Saint-Eustache où repose la mère de Mozart, sous les poutrelles métalliques des Halles de Baltard, parmi les cris joyeux des marchands de légumes, rue Berger, rue du Roule, rue des Prouvaires... Sur le vieux Pont Neuf du bon roi Henri, où Molière enfant découvrit la comedia dell'arte...

J'ai dix ans. Je me promène avec lui dans le Paris d'autrefois. Il me tient par la main.

Je porte en moi sa transparence énigmatique.  

                         
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L'ange qui monte la garde à la porte du cœur s'amuse à changer le mot de passe : "La Beauté, l'enchanteresse, l'indéchiffrable"... "La justesse de l'âme"... "L'oxygène de la possibilité"... "La vie espérante"... "La flèche empourprée du désir"... "Renoncer à soi, consentir à l'inattendu"... "Tout est déjà, mais rien n'est encore"...

"Seul l'instant parfait est digne d'être offert" :

Au bout de la presqu'île, l'arbre solitaire se dissout dans la lumière...

Il entra dans le grenier silencieux où flottait une odeur de poussière...

Le bébé corbeau grimpa sur son épaule et frotta son bec contre son cou...

Il s'assit dans la clairière au milieu des anges...

Ils nagèrent nus dans le phosphore des étoiles, le sel brûlait ses bras d'or...

Ma solitude porte la nuit.

Vide, le ciel pourtant s'incline...

Une odeur de poussière et de pluie éclaircit ma douleur...

Oiseaux, archers des nuages, fous jubilants, acrobates enfiévrés d'azur, de la plus haute joie, messagers. Salut !

...Giration d'un grand hortensia bleu ocellé de pluie, rincé de lumière, le ciel de Cornouailles agrandit nos rêves.

Un brouillard d'oiseaux blancs jubile... Éperdus, nous courons vers la mer...

Les enfants jouent, les martinets sont fous, le jour s'en va...

Fumée d'herbe sèche, je respire et me réjouis, buvant le vin de la nuit...

Mon cœur est une grange aux vitres brûlantes.

Je te parle dans la clarté, comme le tremble au chemin d'eau.

Les grandes carpes lentement tournent en rond et montent se réchauffer au pâle soleil de février, réjouissance du cœur profond !

 

Obstinément, la lune persiste dans la nuit.

 


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La douce brûlure de L’embarquement pour Cythère, automnale et saturnienne... Ses perspectives cavalières, ses clairières lointaines, ses masques et ses bergamasques, ses amoureux improbables et extravagants... L'accord inattendu d'une nostalgie douloureuse et d'une secrète allégresse.

Bartleby, l'inconsolable, "qui dort avec les rois et les conseillers".

Sur la plage de Venise, l'adolescent sublime, l'ange de la mort, dans le couchant...

La mort de Bergotte... Le petit pan de mur jaune... Vermeer... La palpitation de l'invisible, la suave imbibition du bonheur... La prunelle, semblable à une perle, d'une jeune fille en bleu, à demi retournée... Les visages et les choses rayonnant de l'éclat précieux du mystère...

La beauté douloureuse, semblable aux envols d'Allegri et les larmes de Mozart mourant murmurant les premières mesures du Lacrimosa...

François Couperin, Henri Purcell, Marin Marais, Jacques Duphly... Les barricades mystérieuses, le bracelet ocellé, le miroir d'argent, les orangers sous la pluie...

Tout ce que l'on porte en soi...

 

Les initiateurs...


Fraternels, terribles, proches et lointains, souvent cassés par la tempête, ils reviennent de tous les combats et nous disent : "Voici ce que j'ai vu, regarde à ton tour !"

Friedrich Hölderlin, chantant la patrie perdue, pleurant la terre dévastée, l'errance, préservant ce qui sauve à mesure que croît le danger, car "les poètes, seuls, fondent ce qui demeure."

Frédéric Nietzsche, veillé, dans l'extrême enfance de sa raison dévastée, par l'ange de la compassion.

Piotr Illich Tchaïkovski, noyant son secret  dans la Néva.

Vladimir Maïakovski dont l'espoir ressuscite chaque printemps.

Nicolas Gogol, écrasé par sa vocation : contribuer au salut de la Russie... Son silence, sa maladie, sa "stérilité créatrice"... Les manuscrits brûlés. Il s'excuse, il voudrait rester "poli", "enjoué", mesuré, humble... Il sent qu'il ennuie tout le monde, qu'il en fait trop.. Mais il voit des choses si terribles ; il a des choses si terribles à dire...


Stefan Zweig, l'homme de subtile civilisation, rendant son billet, un soir d'hiver 1942, au plus noir de la nuit.

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Marcel Proust, aux yeux cernés de nuages, la bouche offerte, le camélia alangui, écrevisse protégée par une carapace irisée de politesse parfaite... L'analyse délectable, la lucidité précoce, l'obsession de la précision, la force paralysée, vouée tout entière à la contemplation désirante... La fuite hors du monde et du temps, qui ne sont que songes embellis d'art et de mémoire.

Arthur Rimbaud, le voleur de feu.


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... Les suites pour violoncelle seul de Bach...

Des crépuscules de soie s'allument
Le violoncelle crépite parmi les blés
Marcel Bardon célèbre
Le baptême des coquelicots




Sur une œuvre de Claude Pasquer intitulée "Silence"

La lumière coule dans l'interstice... La lumière coule à travers les persiennes des paupières, la blessure du regard... Un tombeau de basalte couvre l'ivoire des os ; le goudron obscurcit le froment.

La lumière recouverte persiste cependant, prisonnière de la mort, prise dans le silence.

Au plus noir de la nuit luit l'ensevelie.



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Écoledu soir

Ma jeunesse étincelle au feu des oiseaux qui passent
Et l'instant sans retour
S'enfuit
Dans le crépuscule d'or pourpre,
Parmi les jeux et les cris.

Le soir est tendrement penché sur ton visage,
Douce douleur, flèche-hirondelle
Dans l'espace bleu.

Je dormirai longtemps
Et quand je m'éveillerai
Il n'y aura plus que la Beauté

Partout.


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"Un poète ne vit guère que de sensations, aspire aux idées et, en fin de compte, n'exprime que des sentiments." (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord)

Nuit penchée


S'attarder à l'immobilité frissonnante, aux murmures des feuilles, à la fraîcheur métallique de l'air, au parfum poivré des arbres vivants, à l'épaisseur indéchiffrable.

Et puis fermer les volets, non pour se protéger des voleurs, mais pour ne plus sentir peser sur la vitre un mystère trop lourd pour le sommeil.

(Bourges, le 24 juillet 2008)

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Villandry

Les ombres s'allongent
Au chandelier du soir
Les hirondelles s'affairent.
Assis sous la tonnelle,
Un homme attend.
La rose thé rappelle
Les jours anciens.
De la bouche de pierre,
Du cœur de la rose,
Coulent des paroles
Qu'il ne comprend pas...
L'eau descend les marches.
Nul remède à sa douleur
Au jardin des simples,
Mais l'apaisement de la fraîcheur.

(Le 5 août 2008)


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Hauteur du soir

Avec les derniers rayons clairs égarés dans les herbes folles, les martinets siffleurs habitent enfin l'espace limpide.





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Le cimetière d'hiver


Les morts ne sont pas plus morts que nous ne sommes vivants... Un jour, la vraie vie viendra.

Dans le cimetière d'hiver, les naufragés sont endormis... Au firmament, l'étoile polaire et le souffle du Dieu vivant dans les grands arbres. Ce sont les mâts d'un navire d'étoiles.

Voici l'urne où la nuit verse des violettes.

Au baume du pardon, ils ont guéri leurs blessures. Ils ne connaissent plus ni soucis, ni rancune et leur esprit n'est plus à l'étroit, car ils savent et la grandeur leur a été donnée.

Sous le phosphore lunaire, ils reposent. Lumière de neige, dans la nuit calme et la douce blancheur se délivre en silence.

Des saules, il ne demeure que le squelette d'or, comme un sourire sur le sommeil des morts...

Et malgré l'hiver, ils bourgeonnent.

"Que dans la mort
Je ne m'endorme pas
illumine mes yeux, Seigneur,
Eveille-moi !"

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Déploration d'Olvier Larronde

La rose du chemin de givre,
Ronde, douce comme une bouche,

A versé d'amoureux sanglots
Sur son miroir miraculeux.

La voilà en grand désarroi,
Étonnée qu'elle s'en prenne à elle,
cette douleur qui est en nous.

Les yeux ourlés des hirondelles
Contemplent la pure blessure
de naître au milieu des saccages.

Quand ferons-nous encore la ronde
Avec les jeunes dieux de la vie
dans le verger des jours heureux ?

Le voilà l'olivier béni,
le bel arbre de l'éclair qui luit...
L'huile du poète à sa table,
Qui brûle dans nos corps aussi.

O Olivier, mon bon Larronde,
Si loin tenu, si malmené,
Si fulgurant de drôlerie,

Sur la croix des mots incendiés
Fleurit le sourire de la nuit.



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Colloque imaginaire :

Julien Green :
"Pour certaines âmes, tout est tentation !"

Le diable :
"Succombe !"

saint Ephrem :
"Roule-toi dans les épines !"

Le talmudiste :
"Interpose une haie de roses !"




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Le soir, au crépuscule, dans une lointaine église, une flamme s'allume...

"Que ma prière vers Toi, seigneur
S'élève comme l'encens
Et mes mains devant Toi
Comme l'offrande du soir..."

Le parfum de la terre
Sous la chanson du vent,

Le sommeil de la pierre
Et les douces collines,

Le haut vol de la buse
Et l'écho du coucou...

Qu'ils s'élèvent vers Toi, au cœur de ma prière !


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Automne

Le froid sur la joue
La fourrure du renard
La profondeur du ciel
Les feuilles cristallisées
Le soleil sec
Très loin, au centre du monde,
dans la lumière qui se creuse,
Je m'appartiens.

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Printemps de février

L'hiver a perdu la mémoire
Et le printemps s'est invité
Dans les tristes maisons des hommes.
Je me suis assis simplement
Sur les marches de mon enfance,
Pour mieux respirer le soleil
Et l'ivre parfum du buis
Et j'ai crié dans la douceur

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Dégel du cœur

C'est comme un soulèvement léger
c'est quelque chose au fond du cœur
C'est l'oiseau du matin
Dans l'ombre des feuillages


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Dites-moi

Par-delà la vitre musicale, la statue ailée
Et le store vert du vieux café,
J'épie le jardin bleui, le kiosque naïf,
Et la blancheur des églantines...

Mon corps et cet instant ne font qu'un,
Même le silence se réjouit...
Dites-moi que le printemps revient
Et que la mort n'existe pas.

(Bourges, le mercredi 24 mars 2004 à 17 heures)


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J'attends

Nulle part de s'ouvre l'orée
Si ne chuchote encore dans l'ombre
La bouche de lumière

Si l'Ange au luth
Ne sourit Sur ma peine

Si la cerise éclatée de soleil
Ne brille
Au seuil du parvis...

Une giboulée de lumière
A blanchi le chemin

J'attends le sourire des violettes...

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Le vieux chevalier

Il sortit de la nuit des arbres et des ronces
La voie lactée brillait sur son armure meurtrie
Créneaux et pont-levis luisaient dans la nuit bleue

Le temps avait mangé son visage et ses mains,
Le Graal n'aimantait plus son cœur depuis longtemps,
Il ne voulait qu'un peu de pain et de repos

Un enfant lui ouvrit et le prit par la main...

Le Graal de douceur chantait dans la pénombre.


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Crépuscule

La rose du sang versé du soir
Est couchée dans le vent d'automne
Et je bois les vendanges des dernières fêtes
Le malheur n'a pas eu raison
De mon chant
Pas plus que les grandes gelées.
L'oiseau transi de froid n'hiberne pas,
Il s'en va vers les simples cieux,
Vers les nuages inviolés
Du ciel intime.


Je mange le pain de l'exil
Mais Tu es là où je demeure
Et je demeure avec Toi
Dans mon exil.

 

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Alvéoles (21)

Milos s'était levé. Il tournait lentement autour des six caisses vides de Château Pavie 1989 qui, placées en rang comme des écolières au milieu de son appartement, faisaient office de table de salon. Il les avait appelées ses « pionnières » : le premier acte de piratage qui portait vraiment sa signature. Dès le début de sa vie d'étudiant, il s'était essayé aux fraudes en tout genre : détournements de moyens de paiement, fausses commandes auprès de sites marchands, pénétration de systèmes de gestion de titres. Mais très rapidement il s'était détourné de ce type d'agression. Donner l'assaut aux bases de données les mieux protégées constituait la meilleure manière de se faire arrêter. De plus, s'attaquer à une entreprise – ou un particulier – pour lui voler quelque secret ou richesse était souvent une entreprise très peu rentable.

En revanche, Milos éprouvait un malin plaisir à observer la vie de certains secteurs d'activité, leur processus, ce qui faisait que certaines sociétés se montraient plus ou moins performantes que les autres. L'étude minutieuse d'un secteur pouvait se révéler passionnante, beaucoup moins risquée, et très lucrative dès lors qu'une faiblesse pouvait y être exploitée. C'est ainsi que Milos avait mis sous sa cyber-loupe un site web de vente de vins en ligne. La société venait d'être cédée au leader européen de la distribution de produits de luxe, mais son fonctionnement n'avait pas encore été harmonisé avec les processus bien maîtrisés de son acquéreur. Depuis des années, nombre de grands crus étaient distribués partout dans le monde, mais leur acheminement était assuré par une société de transport dont Milos avait réussi à pénétrer les bases de données sans grande difficulté. En l'espace de quelques secondes, six caisses de grand cru avaient été déviées de leur destination initiale et pour se retrouver à un point de dépôt (une station-service non loin de la frontière germano-belge) où elles avaient été récupérées par la petite amie de Milos. À peine le produit réceptionné, le pirate avait à nouveau modifié l'adresse de destination des précieuses bouteilles. Les coordonnées de leur acheteur initial étaient de retour dans la base de données du transporteur.

Milos et sa petite amie avaient bu et fait l'amour trois jours durant.

Et voici qu'à son tour il s'était fait voler, presque de la même manière. Ni vu ni connu ? Pas du tout. Il connaissait le nom de sa pirate. Sabrina. Juste le nom, en fait, car à changer de téléphone portable et de lieu de mission à longueur de temps – jamais il n'était allé chez elle, comment avait-il négligé ce détail ? – Sabrina semblait avoir œuvré à chaque instant pour s'offrir une porte de sortie au moment où elle le souhaiterait.

Exactement comme lui-même avait conçu sa « chute des dominos ». Et c'était justement le modus operandi utilisé pour lui dérober son invention qui posait problème.

Il avait eu beau retourner les hypothèses dans tous les sens, quelque chose ne collait pas du tout dans cette histoire. Si le Centre voulait disposer de la « chute des dominos », pourquoi Sabrina ne lui avait-elle pas tout simplement volé son portable ? C'était une femme intelligente. Jamais elle n'aurait pu s'imaginer pouvoir copier le contenu de son disque sans que, tôt ou tard, Milos s'en aperçoive. Et en lui envoyant des messages contradictoires ce matin, elle n'avait rien fait d'autre que lui mettre la puce à l'oreille. Qu'elle ait l'intention ou non de revenir vers lui – pour quoi faire d'ailleurs ? Lui glisser un couteau sous la gorge, histoire de lui arracher un mot de passe ou une adresse électronique ? – son attitude n'avait rien de cohérent.

Et cela ne cadrait pas avec ce qu'il avait perçu d'elle.

Les yeux dans le vide, Milos échafauda encore quelques hypothèses. Sabrina avait peut-être doublé Morhange et le Centre. Ou bien ils servaient tous deux leurs intérêts personnels. Ou des intérêts contradictoires. Au jeu du « qui baise qui », toutes les options restaient ouvertes. Sauf qu'aucun scénario ne lui permettait d'expliquer pourquoi il était toujours en possession de son portable.

Milos regarda sa table de salon improvisée.

Une des caisses portait encore sur le côté le code-barre qui avait permis à sa petite amie de récupérer la marchandise.

C'est à ce moment qu'il comprit.

Que Milos s'aperçoive ou non du vol de « la chute des dominos » était tout à fait secondaire.

Il se leva et se prépara à quitter son appartement, où il ne reviendrait plus. Ce n'était jamais que la vingt et unième fois depuis le début de sa carrière de pirate, mais cette fois-ci, il n'aurait pas le temps de prendre ses caisses avec lui. Ni même quelques vêtements, et surtout pas son portable. On devait l'observer depuis l'instant où Sabrina avait mis le pied en-dehors de son lit ce matin-même, et peut-être même depuis bien plus longtemps.

 

 

Alvéoles est disponible en texte intégral ici...

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Pas bête d’avoir pensé à des pétroglyphes, cette gravure puise ses sources dans des temps immémoriaux et confus avant même que se dessine l’aube de nos civilisations, elle m’a été inspirée par les traces sédimentaires laissées sur la paroi de l’Aven Noir (souvenez-vous) par les crues successives de la rivière primitive qui l’a creusé, et que les diverses actions du temps ont transformées en merveilleux graphismes dans la nuit du paléokarst  …

Présences pariétales

Elle est aussi symbole «de chemins, de sentiers, de venelles qui se croisent, s'entrelacent, s'enchevêtrent comme toiles d'araignées, se recoupent, se poursuivant, se séparant pour finalement continuer et aller on ne sait où, peut-être à la rencontre de ces êtres fantastiques, animaux, oiseaux, êtres humains» que nous n’avons pas connus, dont nous n’avons même pas conscience ...
En tout cas cette gravure fait partie d’un ensemble de peintures que pourront très bientôt découvrir les Millavois, et dont vous avez ici la primeur .
Je vais les mettre en parallèle avec des extraits du carnet d’exploration (non encore édité car en cours de finition) que j’ai en partie réalisé au fond de ce gouffre de l’Aven Noir en compagnie de mon camarade spéléologue Roland Pélissier .
Si vous êtes ou passez par Millau c’est donc avec plaisir qu'avec Monsieur le Maire et son adjointe déléguée à la culture je vous invite au vernissage de cette exposition :
Invitation exposition Millau 1

Mais avant, son titre : elle aurait donc pu s’appeler «Futur antérieur» car il ne s’agit que de la première phase d’un projet plus ambitieux (une action future, avant une autre action future) ou même «Futur d’un passé simple» tant la conjugaison de mes descentes au fond de cette extraordinaire cavité m’amena à revenir sur ma démarche picturale, mais je lui donnais finalement le nom de «Démarches créatives autour d’un carnet d’exploration» car cela résume mieux mon propos et celui qui m’amène à vous en faire part .
Vous savez que je relate depuis plusieurs années (7 ans déjà !) dans un «carnet d’exploration» la reconnaissance des nouveaux réseaux «Macary - Pélissier» de l’Aven Noir, cet important gouffre du causse du même nom visité pour la première fois par Louis Balsan dont les plus récentes extensions sont le fruit des découvertes du spéléologue Roland PÉLISSIER ?
J’ai donc régulièrement accompagné R. Pélissier et ses camarades (un carnet de ce type ne se fait pas en quelques jours) en notant lors de chaque descente les avancées et travaux effectués sur le terrain par mes compagnons, prenant croquis et aquarelles de la cavité autant que temps forts des explorations, complétant mon carnet de terrain par de nombreuses photos et vidéos réalisées in situ.
S’en est suivi une réflexion débouchant sur des peintures sur toile et gravures monotypes inspirées par les profondeurs du karst et la vie préhistorique des régions caussenardes, qui viennent s’ajouter à un travail antérieur évoquant déjà cette thématique (souvenez vous de la petite jument magdalénienne, des chevaux oranges dans la prairie bleue, et d’autres «visions artistiques» plus anciennes …)  .
L’exposition «Démarche créative autour d’un carnet d’exploration» n'est donc pas la présentation du carnet de l'Aven Noir en tant que tel mais de quelques-uns des principaux extraits de ce carnet associés à un choix de peintures et de gravures qui ont rapport à la géologie, à la préhistoire, et par-là même à l'évocation des régions karstiques autant qu'à la "mémoire" dont elles sont le réceptacle .
Les sentinelles 2

Cette toile (acrylique, pigments et sable de dolomie sur toile 20 F) fait partie de l’exposition et se nomme « Sentinelles » .
- Y avait-il des sentinelles autour de l’Aven Noir au cours de son histoire récente ? … Certainement y en avait-il au moment des «caps barrés», (ces enceintes protohistoriques érigées sur les promontoires des causses environnants dès le fin du néolithique), sans aucun doute au temps des Camisards lorsque les protestants des Cévennes et d'une partie de la plaine du Bas-Languedoc entrèrent en lutte armée contre le pouvoir royal de 1702 à 1705, et qu’ils y descendaient avec une hardiesse inimaginable pour y fabriquer secrètement du salpêtre destiné à de la poudre à canon !
L'exposition reprend aussi des travaux dont certains sont bien plus anciens que le début du carnet, mais celui-ci permet de les revoir avec une approche et une signification particulières.
En faisant allusion au gouffre, à la découverte de ses dernières extensions (et indirectement aux richesses cachées du causse et de la vallée auxquels il est associé) à travers les réalisations graphiques et picturales qui sont présentées dans l'exposition (aussi bien formelles - figuratives, qu'informelles), c'est un autre aspect du monde souterrain et de ses influences culturelles anciennes que j’ai ainsi voulu aborder, nous découvrirons dans le prochain article d’autres travaux exposés et leur raison d'être …
Salpêtriers

Vestiges d’un four à salpêtre dans la Fosse au Ours de l'Aven Noir et croquis explicatifs (page 184 du carnet) : la peinture «Les sentinelles» est à mettre en relation avec cette page (entre autres) et ma correspondance à ce sujet avec le spéléologue auteur et historien spécialiste des Grands Causses Daniel ANDRÉ que j'ai aussi eu le plaisir de côtoyer dans ce gouffre …

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FANTASME...

Partir, partir comme un oiseau

Et traverser tous les nuages...

Atteindre ce ciel où tout est beau

Sans qu'il soit besoin de langage!

Planer, planer avec ivresse

Pour de loin admirer la terre

Ne plus ressentir de détresse

Ni mettre la tête à l'envers!

Frôler, frôler le soleil d'or...

Se réchauffer à ses rayons

Ne plus jamais craindre la mort

Apprendre à vivre sans ce poison!

Aimer, aimer avec distance...

En connaissance de solitude...

Ensuite gérer nos différences

Ainsi créer une fortitude!

Chanter, chanter même si c'est faux!

Et faire entendre une voix claire...

Et puis oublier tous les maux

Penser à vivre, non plus à plaire!

J.G.

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Le velouté de l'existence

 

À Rébecca Terniak

Prendre le temps de méditer,

De s'inspirer de la beauté,

De rendre grâce à la nature,

Peut être un besoin qui perdure.

...

Or, d'incontournables contraintes,

Qui peuvent engendrer des craintes,

La turbulence, la vitesse,

Entament certes l'allégresse.

...

Se sentent souvent dérangées,

Et certaines découragées,

Les personnes, âgées surtout,

Nostalgiques de l'ancien goût.

...

Les doux tissus des pantalons

Sont remplacés par le coton,

Inélégant mais si commode!

Chacun, très tôt s'en accommode.

...

Les jeunes gens des temps nouveaux,

Portant casquette pour chapeau,

Adoptent des façons de vivre,

Excitantes, qui les enivrent.

...

Le velouté de l'existence,

Apprécié dans le silence,

Le lyrisme qui endormait,

Seront-ils goûtés désormais?

...

                                                                             23 août 2012

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http://lelivresurlesquais.ch/

http://lelivresurlesquais.ch/invite-dhonneur-wallonie-bruxelles

Invité d’honneur : Wallonie-Bruxelles

Située, pour le meilleur et pour le pire, au centre de la construction européenne, la Belgique reste une nation fragile dont le territoire fut jadis régulièrement labouré par les confrontations incessantes entre les grands Empires. Dans ce jeu permanent des dominations étrangères, les villes ont toujours constitué un espace de résistance et d’identité. Il n’est dès lors pas étonnant de constater la place qu’elles tiennent dans la littérature belge depuis ses origines (Charles De Coster, Georges Eekhoud, etc.).

Une série importante d’auteurs contemporains, de William Cliff à Bernard Quiriny, s’inscrivent dans cette tradition revisitée par la découverte d’une dimension urbaine élargie à l’Europe entière. À ce titre, on peut penser que le principe d’identité faible souvent utilisé lorsqu’il est question du sentiment national belge, a acquis le statut de modèle pour cette Europe qui peine à rassembler les éléments d’une culture partagée qui ne soit pas strictement économique.

Invité d'honneur : Le Québec
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Il est bon de temps à autre de lire des auteurs qui remettent un peu les montres à l'heure, par l'humour, la dérision.

J'appellerais cela de l'hygiène. Merci donc à Franz Bartelt de nous donner l'occasion de rire (sourire) de nous-même !

J’ai toujours pensé que le talent est secondaire, qu’il peut même compromettre l’équilibre d’un homme, en l’entraînant sur les pentes périlleuses de la gloire et de la fortune. Le tout, c’est de se croire formidablement doué et de s’estimer trop en avance pour que notre temps sache en profiter. Le mythe de l’artiste maudit contribue énormément au bonheur de créateurs de trente-sixième rang. Il les soutient dans l’épreuve, renouvelle chaque jour leurs espérances et finit par les convaincre qu’ils œuvrent pour la postérité. Donc, qu’ils ont de l’avenir. Et beaucoup plus que si leur célébrité s’usait contre le présent, ce temps vulgaire, instable, qui coule comme du salpêtre sur un mur, alors que le véritable artiste aspire au temps érigé, au temple, au monumental. Les artistes maudits attendent la mort avec confiance, sûrs qu’elle ne pourra être que le commencement de ce qu’ils laissent derrière eux. 
Jean Quartonnier allait plus loin encore. Il vivait comme s’il était mort depuis longtemps déjà et que le monde des amateurs d’art se fût prosterné à ses pieds. Il prenait un acompte sur ce qui se passerait immanquablement plus tard, quand il aurait disparu. Il posait sur les petits enfants un regard affectueux, conscient qu’il travaillait pour ce public qui croissait et multipliait et dont les parents étaient si bêtes. Jamais il ne voyait un bébé sans songer que ce petit bout d’innocence avait de la chance d’être né à l’aube d’une ère qui serait celle de Jean Quartonnier, grand peintre. Les femmes enceintes l’émouvaient particulièrement, car elles contenaient tous ses espoirs d’artiste provisoirement maudit. Il les conduisait devant ses tableaux, leur demandaient de s’en nourrir, de s’en repaître. Ainsi pensait-il influer le cours des ventes futures. Et, devant les ventres arrondis, il soupirait, non sans ivresse.

Franz Bartelt, Les Bottes rouges (Gallimard, p. 72) 

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Les espèces menacées

Billet d'humour pour les espèces les plus menacées de la littérature:

Courage les vagabonds charmants,  les dandys aux riches soies, les doux rêveurs des bords de Loire (ou d'ailleurs )et les muses ingénues, vous avez encore de belles pages blanches devant vous! Et des bons amis pour vous faire voyager sur la Toile !

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Alvéoles (20)

Denis Auger était satisfait des ses premiers contacts. Pas moins de cent personnes s'étaient inscrites sur le site de son entreprise fictive, et après vérification, il en avait rappelé plus de trente. Cinq porteurs avaient déjà accepté le travail et s'étaient vus confier une couveuse, que, pour cette fois, il avait choisi de nommer EMMA (Engin Mobile de Mesure Atmosphérique).

Peu à peu, Denis avait oublié ses craintes, et s'était concentré sur l'essentiel : évaluer la capacité du candidat porteur, gagner sa confiance, conclure un accord, et dans la foulée, lui confier son chargement. Son discours était bien rodé. Denis rencontrait ses contacts dans un café. Il expliquait ses responsabilités dans le projet de déploiement de sondes EMMA pour le compte de Météo France. Sa société était un sous-traitant local de l'organisme public, et agissait dans le cadre d'un projet pan-européen de mesure de la qualité de l'air et de la dispersion des polluants dans la basse atmosphère. Denis observait à chaque fois avec beaucoup de plaisir l'expression de son interlocuteur lorsqu'il évoquait la portée écologique de sa démarche. C'était sans aucun conteste un scénario très valorisant aux yeux des candidats. Certains porteurs avaient même proposé de s'acquitter de leur tâche gratuitement – mais une fois leur devoir accompli, ils avaient tous accepté la somme proposée.

Nombre de candidats avaient manifesté un grand intérêt pour le projet, et avaient questionné Denis sur sa durée, sa finalité, la date à laquelle les résultats seraient publiés, s'ils seraient sollicités pour aller récupérer le matériel, etc. C'est là que le faux chef d'entreprise prenait le plus de plaisir à exercer ses talents d'improvisation. Il parlait sans discontinuer, expliquait, détaillait, faisait tout pour paraître pleinement engagé dans sa noble cause. Le flot de ses paroles ne diminuait que lorsque son interlocuteur commençait à manifester un signe de désintérêt, fût-il discret. Denis concluait avec une petite tape sur l'épaule :

— Mais je dois vous ennuyer avec tous ces détails. Que voulez-vous, quand on est passionné par ce que l'on fait...

L'accord était ensuite très rapidement conclu. S'il voulait travailler pour la Science, chaque candidat devait présenter une pièce d'identité. Denis en prenait une photo avec son téléphone portable, puis ajoutait :

— Ceci est pour notre assureur. Vous êtes intégralement couvert pour tout dommage corporel que vous auriez à subir entre le moment où je vous remettrai votre EMMA et le moment où je vous réglerai vos indemnités.

Denis sortait ensuite son iPad et montrait une page de texte :

— Voici les termes du contrat d'assurance. Si vous acceptez la mission que je souhaite vous confier, vous n'avez qu'à poser votre index en bas à droite de la page. Votre empreinte fera office de signature.

Le texte était copié d'un contrat-type trouvé sur le site Internet d'un assureur en ligne, et le nom de la société mentionné dans le contrat était tout aussi fictif que le soit-disant employeur de Denis. Mais dans l'immense majorité des cas, le simple fait de signer le document grâce à son empreinte digitale impressionnait suffisamment le candidat pour qu'il survole à peine les deux premiers paragraphes du document.

Venait ensuite un moment plus difficile. Denis serrait chaleureusement la main de son nouvel employé, le remerciait en le regardant droit dans les yeux, tout en s'efforçant de noyer dans un grand sourire ses pensées qui, à chaque fois, s'envolaient vers l'image du tube numéroté qu'il avait manipulé auparavant. Il n'aimait pas du tout cet instant. Baratiner son futur porteur ne lui posait aucun problème : Denis savait parfaitement ce que chaque couveuse contenait, à quoi elle servait. Mais les tubes restaient pour lui un mystère complet. Serrer la main de chaque porteur, c'était comme protéger un secret dont il ne savait rien.

Denis consulta sa messagerie électronique. Parmi les vingt nouvelles demandes de candidats porteurs, un message signé DK attira son attention.

Merci de me communiquer le statut des déposes avant demain midi. La couverture du département doit être achevée sous 48 heures. En cas de difficulté, prévenez-nous. Nous vous fournirons les ressources nécessaires.

Denis laissa s'échapper un long soupir. Deux jours seulement. Ce n'était pas le première fois qu'il devait forcer le mouvement, mais là, c'était vraiment très court. Il passa en revue la liste des personnes dont il avait déjà eu une bonne impression. À supposer qu'il fasse confiance à chacun d'entre eux – ce qui n'arrivait pas toujours, en cas de mauvaise impression, il s'arrangeait toujours pour poser dans son discours quelque chose de dissuasif (comme le poids de l'engin, ou l'horaire à respecter) qui entraînait rapidement un refus – il lui manquait encore cinq porteurs. Peut-être se cachaient-ils dans les mails qui venaient d'arriver. Peut-être pas. Denis prit le parti de répondre immédiatement.

Manque potentiel sur ce département de 1 à 5 porteurs. Vous disposerez d'un chiffre définitif demain midi. Bien cordialement.

Denis s'empressa ensuite de consulter les autres mails. Pour sa dernière opération de dépose, il ne tenait vraiment pas à trimbaler une couveuse lui-même au beau milieu de la nature.

 

*

 

Dominique avait trouvé la canule de Guedel. Il avait aussi fait glisser le canapé en direction du hall d'entrée, afin de pouvoir téléphoner tout en restant près de Judith. En tendant le câble au maximum, il put déposer le combiné juste aux pieds de sa femme.

Les oreilles de Dominique bourdonnaient, mais il n'aurait pu dire s'il entendait les abeilles en-haut, ou si c'était l'effet de l'adrénaline. Lorsque le téléphone sonna, il fit un tel bond que la question lui parut tout à coup dérisoire.

— Docteur ?

— Je suis en route. J'ai aussi appelé les pompiers. S'ils arrivent avant moi, ils pourront vous aider. De toute façon ils vous débarrasseront de l'essaim.

— J'ai la canule.

— Ouvrez la bouche de votre femme.

— Attendez. J'ai besoin de mes deux mains.

Dominique coinça l'écouteur contre son épaule.

— Voilà.

— Vous allez présenter le tube tourné vers le haut. Introduisez-le dans la bouche de votre femme jusqu'à ce que vous sentiez une résistance. Tournez ensuite à 90 degrés pour présenter l'embout contre sa joue et avancez encore. Évitez de faire reculer la langue, même si vous êtes obligé d'appuyer dessus. Lorsque l'extrémité du tube sera à la hauteur de ses amygdales, tournez à nouveau le tube de 90 degrés et laissez son extrémité descendre doucement au fond de sa gorge. À l'extrémité opposée du tube se trouve un élément plat : il doit arriver à la hauteur des dents.

Dominique avait entendu, mais restait paralysé. La gorge de sa femme était de plus en plus gonflée.

— Monsieur Mastrochristino ?

Sa poitrine semblait ne plus se soulever.

— Vous êtes toujours là ?

Ma femme est en train de s'étouffer.

— Allô ?

Dominique sursauta.

— Oui, pardon. Redites-moi tout cela lentement, je vais le faire.

— Ok. Attention, lorsque vous atteindrez la gorge, cela pourrait gêner votre femme, et elle pourrait avoir un réflexe, peut-être violent. Elle pourrait aussi reprendre conscience.

Pourvu qu'il dise vrai.

Dominique utilisa l'index et l'annulaire de sa main gauche pour maintenir la mâchoire et la langue de Judith, et introduisit la canule. La voix du médecin se perdit de temps à autres dans le bruit de fond de sa voiture, mais Dominique comprit l'essentiel. Le tube se fraya un chemin entre les amygdales gonflées de Judith, et vint buter avec lenteur contre sa trachée. Il regretta l'absence de réaction de sa femme. Il acheva de tourner la canule, et à sa grande surprise celle-ci s'enfonça presque d'elle-même vers le bas. Il entendit l'air s'engouffrer dans le tube et vit avec soulagement les poumons de sa femme se soulever.

— J'y suis. Elle n'a pas repris conscience.

— Vous l'entendez respirer ?

— Oui.

— C'est déjà ça. Allez chercher le Solu-Medrol et dites-moi ce que vous lisez sur le flacon.

Dominique s'exécuta. Sous les instructions du médecin, il lui fit une seconde injection.

— Et maintenant ?

— Vous m'attendez. Surveillez sa respiration. Si elle devient irrégulière, soufflez dans la canule, comme si vous lui faisiez du bouche-à-bouche. Je suis chez vous dans une demie-heure.

— Entendu.

Dominique raccrocha et regarda sa montre. À peine vingt minutes s'étaient écoulées depuis qu'il avait entendu crier Judith. Trois fois rien, à l'échelle d'une vie.

Trois fois rien et pourtant assez pour que tout bascule.

Il regarda le visage gonflé de sa femme. Sans trop savoir pourquoi, les pensées de Dominique lui échappèrent soudain. Il se rendit fugitivement compte qu'elles s'envolaient, mais il fut incapable de les retenir. Au loin, il entendit sa voix répéter tout doucement « ça va aller, ça va aller », mais le temps autour de lui se mit à se déformer, à s'étirer comme un chewing-gum. Dominique saisit la main de sa femme comme pour retenir ses pensées auprès de lui, mais elles étaient déjà trop loin. Elles reculaient dans le temps.

C'était un soir où ils avaient parlé jusque tard dans la nuit.

Cela avait commencé comme à chaque fois qu'ils faisaient l'amour : Judith avait murmuré « Je t'aime, mon homme ».

— Moi aussi, ma femme. Tu sais, ça fait drôle de se dire que dans trois jours nous serons mariés. En fait, tu es déjà ma femme.

— Et toi mon mari... et c'est vrai, je ressens la même chose. Même si en étant mariés nous ne serons pas plus unis qu'avant, il y aura un avant et un après. J'aime bien me dire qu'un nouveau chapitre de notre vie va s'écrire.

— Moi aussi. Et je ressens... comment dire ? Je vois ça comme un basculement, vers le haut, tu vois ? Enfin, j'ai du mal à exprimer cela avec précision, mais c'est l'idée.

— Moi j'ai l'impression qu'on arrive à un col en montagne, mais que derrière ce col, on ne redescend pas en vallée : ou que la vallée n'est pas aussi basse que celle que l'on vient de quitter.

L'image suggérée par Judith était venue se présenter derrière les yeux clos de Dominique. Il n'avait pas l'expérience de sa femme en matière d'alpinisme, mais il pouvait sans trop de mal imaginer ce que cela signifiait.

La main de Judith dans la sienne, Dominique imagina un lac d'altitude, à la surface bleu nuit. Il imagina ses eaux tièdes, pures et accueillantes. Sa femme était à ses côtés, les yeux mis-clos face au soleil couchant.

Plonger tous les deux, main dans la main. Sombrer doucement.

Je suis épuisé.

Dominique ferma les yeux et suivit ses pensées avec lenteur.

 

*

 

C'est probablement par excès d'impatience que Morhange sursauta lorsque le combiné téléphonique fit retentir sa musique de synthèse.

— Bonsoir, cher ami, lui dit d'emblée une voix très distinguée.

— Bonsoir, monsieur, dit Morhange.

— Vous avez donc plus de précisions à me donner ?

— En effet, monsieur. La « chute des dominos » devrait être sous contrôle dans très peu de temps.

— Voilà une bonne nouvelle. Son concepteur a-t-il été éliminé ?

— Pas encore.

— Pourquoi ? Il constitue un risque.

— Nous le surveillons. À l'heure actuelle, notre pirate a probablement deviné qu'il avait été lui-même piraté, mais nous n'en sommes pas sûrs. Tant que nous n'aurons pas la certitude de pouvoir utiliser son arme à notre guise, il peut nous être utile.

— Ah bon ? Expliquez-moi cela.

— S'il nous manque un élément, nous pourrions le faire parler.

— Vous croyez ? Et s'il refuse ? Ou si les renseignements qu'il vous donne sont destinés à saborder son système ?

— Nous en aurons fait autant de copies que nous le souhaitons entre temps. Mais je doute que cela soit nécessaire. De plus, s'il a parlé à qui que ce soit de son invention, le bruit va finir par courir que l'attaque sur Émosson porte sa signature. S'il y a d'autres opérations à prévoir, autant que les recherches des autorités s'orientent vers lui.

Morhange laissa le silence s'installer. Un bruit de fond régulier laissait entendre que son interlocuteur était une fois de plus en déplacement. Lorsque la voix revint au premier plan, elle s'était teintée de mécontentement.

— Je ne partage pas votre avis. Il constitue un danger trop important. S'il est pris, il parlera. C'est un pirate, pas un agent du renseignement. Il ne résistera pas à un interrogatoire bien mené. De plus, si nous nous servons de la « chute des dominos » alors qu'il est aux mains de la police – en admettant qu'elle l'arrête – il pourra clamer son innocence.

— Il pourra toujours tenter d'impliquer le CILTI s'il est arrêté, mais il lui sera impossible de remonter jusqu'à notre projet.

— Il est hors de question de vous exposer, Morhange ! Si votre nom est cité dans n'importe quel média à cause de cet individu, vous pouvez dire adieu à vos indemnités.

— Monsieur...

— Réglez-moi ce problème sans délai.

— Je ne pense pas...

— Et bien, moi, plus j'y pense, et plus je vous trouve bien imprudent. Je vous ai demandé de me fournir les moyens technologiques utiles à une des phases de notre projet. Pas d'y greffer de nouvelles incertitudes.

Morhange sentit de désagréables frissons lui parcourir l'échine en entendant la voix dans le combiné. Il se raisonna rapidement, car tout restait encore à faire : décrypter l'image de disque dur de Milos, tester le fonctionnement de son arme, et envoyer le tout à cet homme, dont la voix pouvait si rapidement passer de la salutation polie à la menace la plus noire. Il reprit :

— Bien, monsieur. Nous allons faire le nécessaire.

— À la bonne heure. Au revoir, cher ami.

La communication fut coupée avant que Morhange n'ait pu saluer son interlocuteur.

 

 

 

 

Alvéoles est disponible en texte intégral ici...

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Un résultat époustouflant sur mon blog Amicalien

Sont pour être lus mes poèmes,

Chargés d'allégresse et d'amour,

Offerts quasiment chaque jour.

J'existe, m'enrichis et sème.

...

Quand je vis un instant heureux,

J'essaie d'en capturer la grâce,

Dans la poésie me prélasse,

Le mets en vers mélodieux

...

J'ai conservé les commentaires,

Qui me stimulaient autrefois.

Tant de lecteurs auprès de moi,

Goûtaient mes plaisirs littéraires!

...

Arriva le temps du silence,

Mes amis ailleurs dispersés.

Cependant, je n'ai pas cessé

De témoigner en leur absence.

...

Présentement, dans mon jardin

Qui viendra y faire des pauses?

Chacun est pris par bien des choses.

Or le hasard surprend soudain.

...

Qui a pris le temps de me lire?

Un nombre énorme me confond.

Sans équivoque, il me répond,

Mais je n'oserais rien prédire.

...

22 août 2012

 

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administrateur théâtres

Evénement musical majeur désormais incontournable en Hainaut, le domaine du Château de Seneffe a accueilli majestueusement  la 11e édition de la Nuit Musicale le 11 août dernier.

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Imaginez-vous... Un château prestigieux, une cour d'honneur accueillante, une orangerie, un magnifique petit théâtre, un jardin baroque, un jardin à la française, un autre à l'anglaise, des plans d'eau, des cascades, une volière... Et avec ça ? Près de 350 artistes qui parsèment un parcours artistique de premier choix.

Cette année, le parcours proposé conjuguait avec passion la musique classique et la littérature  dans un cadre de rêve avec des conditions estivales inattendues. On a vécu le bonheur complet à folâtrer de scène en scène, le pique-nique à la main et d’aller écouter poésie, musique, chants et vibrations du chant de la terre. Des voix, des souffles, des doigtés, des palpitations, des sonorités exquises, lointaines et proches se sont entremêlées pour fabriquer une émotion indélébile au gré de la flânerie. Emotion subtile, joyeuse, foisonnante de citations et de souvenirs musicaux.   Ajoutez à cela un accueil particulièrement chaleureux et une organisation méticuleuse qui fait que l’on glisse harmonieusement  entre les pages de partitions et de textes bien dits. L’impression féerique de flotter au cœur de l’esthétique, de parcourir les lieux au gré de sa fantaisie et chaque fois l’émerveillement attend le spectateur gourmand.

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  Le programme de papier glacé était accompagné d’un CD souvenir qui mêle Victor Hugo, Sir Walter Scott, Goethe, Schiller, Voltaire, Shakespeare et Charles Perrault. Mais dans la mémoire intime on se souvient avec émoi du duo BIz’Art, un quatre mains juvénile et souriant à la recherche du temps perdu, Bizet et Ravel enchanteurs. On retient  l’histoire du soldat de Stravinsky (Eliane Reyes, Jean-Luc Voltano , Elisabeth Deletaille) en duo avec Bruno Coppens, conteur. Le songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten est une vraie découverte pleine de malice et de fluidité musicale surprenante. D’aucuns se seront arrêtés aux chansons galantes du temps de François Premier. D’autres auront préféré s’attarder avec Frédéric Chopin et les textes choisis de George Sand dits par Jacques Mercier. Daniel Blumenthal faisant « l’ange déguisé en homme ». Passion littéraire et musicale avec le couple Franz Liszt et Marie d’Agoult mise en scène par Brigitte Fossey, la voix inoubliable d’Alain Carré et Yves Henry au piano.  Programme éclectique s’il en est, car on a pu écouter aussi Porgy & Bess sous les étoiles comme si on était en Louisiane et Casse-noisette comme si on était à Noël.

12272829680?profile=originalIl est doux aussi,  de regarder les autres spectateurs qui écoutent dans les  parterres ou assis,  façon déjeuner sur l'herbe, transfigurés par la musique et entourés d'enfants très sages. Clotûre lumineuse avec feu d’artifice gigantesque. Séduction totale.

http://www.ideefixe.be/lanuitmusicale/le-domaine/presentation/

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AUGUSTIN ma bataille de Loigny est paru

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J'ai le plaisir de vous présenter mon roman AUGUSTIN ma bataille de Loigny paru aux Editions Dédicaces.

 

Ce livre est en vente aux Editions Dédicaces : http://www.dedicaces.ca/

 

 

L’auteur :

Jean-Louis Riguet est né en 1947 dans le Poitou. Autodidacte, il embrasse sa vie professionnelle à l’âge de 15 ans. Pendant 50 ans, de la Vienne jusqu’à Orléans en passant par l’Eure-et-Loir et Paris, il reste au service du notariat français avant de se consacrer à l’écriture. Il est l’auteur d’un roman La Vie en Archives d’un petit gars (Editions Dédicaces, 2012).

Jean-Louis Riguet est Membre du Bottin International des Professionnels du Livre

 

Le sujet :

1870, Loigny la Bataille. La guerre franco-prussienne fait rage. En décembre, Loigny la Bataille est le théâtre d’une bataille meurtrière. Le Château de Villeprévost, réquisitionné par les bavarois, est transformé en hôpital de campagne.

« Les Prussiens se sont, côté nord, déployés de La Maladrerie à Lumeau en passant par Fougeu, Beauvilliers, Goury. Côté sud, les Français font front sur Nonneville, Villepion, Villours, Faverolles, Terre Rouge. Au milieu de ces deux lignes : Loigny est prise en étau. La bataille dans Loigny se fait pour une rue, un passage, une impasse, un quartier, une maison, une cave, pour rien. On se bat, c’est tout. Il faut avancer, ne pas reculer, mourir s’il le faut. »

« Cela fait quand même en une seule journée environ 15000 victimes soit environ 100 par kilomètre carré. … Quand même... une victime par cent mètres carrés ! »

L’ancien régisseur, Augustin, vit avec les siens au château cet épisode guerrier de l’histoire locale. Sa petite fille adoptive, Louise, rencontrera-t-elle l’amour ? S’en sortiront-ils ?

 

 

La Préface par Hervé Fougeron propriétaire du château de Villeprévost :

Cher Maître,

C’est avec grand plaisir que je vous fais part de ma réaction tout à fait admirative devant le manuscrit que vous m’avez si obligeamment adressé.

L’Histoire, dont vous décrivez un épisode avec une précision d’une impressionnante richesse, a écrit en effet en ces lieux l’une des pages les plus sanglantes et les plus héroïques du XIXème siècle finissant. La cérémonie annuelle de commémoration, émouvante par sa fidélité autant que par sa simplicité, habituellement tenue dans les conditions météorologiques assez exécrables que le vent de la plaine en décembre a coutume d’accentuer, nous permet d’imaginer les efforts et la souffrance endurés par les combattants des deux fronts.

Villeprévost, où vous situez votre nouvelle, ne se trouve à vol d’oiseau qu’à deux kilomètres du champ de bataille. Il s’agit d’une gentilhommière, agrandie et modifiée au siècle précédent, lieu de villégiature estivale d’une famille originaire de Tillay, que la charge de Conseiller du Roi au Châtelet d’Orléans au XVIIIème siècle retenait la plus grande partie de l’année dans cette ville. Les événements que vous relatez l’avaient transformée durant quelques semaines en hôpital de campagne de l’Armée bavaroise.

Il se trouve que le propriétaire de l’époque était mon arrière-arrière grand-oncle Émile Fougeron, marié mais mort sans postérité. Ce dernier était effectivement très bon et généreux pour tous ceux qui avaient une raison de le côtoyer ; on rapporte même que les employés des Chemins de Fer d’Orléans et d’Orgères en Beauce l’appréciaient particulièrement pour la largesse avec laquelle il distribuait ses cigares lorsqu’ils attelaient son wagon personnel... Ce qui est certain, c’est qu’il a laissé le souvenir d’un homme de devoir dont la fortune n’avait pas altéré l’abord avenant et ouvert. Son épouse, Marie-Amélie, était d’une santé fragile et ne partageait pas de ce fait l’intrépidité que vous attribuez à son mari dans votre récit.

La vie menée par mes aïeux dans cette maison que j’habite aujourd’hui avec bonheur était, en dehors de la période ténébreuse que vous évoquez, et à en croire les récits et souvenirs familiaux, emplie de la paisible agitation d’une grande maison vivant en quasi-autarcie. Après la fin de la guerre de 70 et la construction de la chapelle érigée en action de grâce, elle était rythmée, durant ma jeunesse, par la cloche appelant le hameau à la prière du soir. L’aisance financière de mes aïeux leur permettait de recevoir avec facilité et leur foi profonde les rendait proches du clergé dont les représentants prenaient souvent place à leur table, d’où les fréquents séjours des évêques d’Orléans ou de Chartres à Villeprévost.

La piété ambiante de l’époque et le respect réciproque entre personnes de conditions sociales différentes qui imprégnait manifestement alors les rapports humains dans cette petite communauté de Villeprévost, contribuaient certainement comme vous le décrivez, à maintenir une relation paisible et confiante entre ses habitants.

C’est pourquoi, si le récit n’apparaît, dans la nouvelle ou le roman, qu’au prix de quelques entorses à la réalité de certains faits, la vérité de l’environnement social et historique de votre récit me semble parfaitement restituée.

C’est donc à la fois avec gratitude et amusement que j’ai pris grand plaisir à cette lecture, en témoin captivé par le romanesque d’un récit en un lieu et en un temps qui me sont familiers.

                                                                                                                             Villeprévost,

                                                                                                                             25 février 2012

 

 

Un extrait :

Au hasard de ma progression, je sens bien une effervescence monter dans la région. Il y a des mouvements de troupes de chaque côté. Les Prussiens occupent de plus en plus le côté ouest de la route qui va d’Artenay à Allaines-Mervilliers un peu plus au nord. Les bruits sourds et lourds des combats qui font rage dans les confins de Toury, Bazoches-les-Gallérandes, Pithiviers, Beaune la Rolande, nous parviennent assourdis à cause de la distance. Nous apercevons au loin, ou plutôt nous percevons le tumulte, des Bavarois qui font route vers l’ouest en direction de Bazoches-les-Hautes, où passe une ancienne voie romaine reliant Paris à Blois, Santilly, Baigneaux, Poupry. La grande effervescence se rapproche de notre petit havre de paix pour l’instant.

Ferdinand, qui est allé de grand-matin plus loin que moi vers Brandelon, au nord de Bois-Tillay, est revenu avec la mine triste des mauvais jours. Il a vu des troupes faire mouvement en direction du château de Villeprévost. Les lanciers et les hussards s’avancent suivis de fantassins et de plusieurs batteries de canons. Ce n’est pas étonnant, cela correspond bien à ce que j’avais observé les jours précédents quand j’avais remonté le petit chemin jusque vers Bois de Tillay.

            – Ça sent le roussi, a-t-il déclaré. Les Prussiens s’organisent. On sent qu’ils vont passer à l’attaque dans les prochains jours. Est-ce que tu sais, Augustin, ce que font les Français ?

            – Oui et non. On croit que l’armée de la Loire fait mouvement vers le nord à partir d’Orléans, le long de la ligne de chemin de fer qui passe par Bricy et Patay. Cependant, le gros de l’armée arrive par l’ouest, de Châteaudun, et par le sud-ouest, d’Ouzouer-le-Marché, Beaugency. Mais, les bruits sont contradictoires. En tout cas, ça se rapproche dangereusement de chez nous et notre région pourrait bien être le théâtre d’une prochaine bataille.

            – Bon, je rentre à la maison. Je vais aller voir ce qu’Ernestine nous a fait à manger ce midi.

            – Bon appétit, Ferdinand.

            – À toi aussi, Augustin.

            Les heures qui suivent apportent des renseignements plus ou moins contradictoires, mais tous concordants sur un point : les soldats s’affairent de plus en plus dans notre région, ce qui augure de jours sanglants. Je n’ose pas remonter le petit chemin de l’autre jour mais je m’aventure jusque vers Goury et même un peu plus loin en laissant sur ma gauche le petit bois. Je suis toujours en admiration devant le « Mazurier » qui s’élance au-delà des douves sèches, dans un grand rectangle dont chaque angle est terminé par un pavillon. Je m’assieds au pied d’un arbre et admire cet édifice. Je laisse aller mes pensées dans une danse inimaginable où je vois des robes habillant de belles dames danser avec des messieurs élégants au son d’une musique entraînante. Au bout d’une demi-heure, je me lève, reprends ma marche en laissant sur ma droite, le château de Goury. Cette fois-ci, je ne vois pas de lièvre ni de lapin. Je n’ai pas non plus entendu de cris ni aperçu un vol d’ « ouésieaux ». Mes pas me guident ensuite vers Champdoux et de là je peux voir des mouvements de troupe bavarois tout autour de Baigneaux. Je ne me suis pas appesanti sur le chemin et m’en suis retourné le plus rapidement que j’ai pu. Ce que j’ai vu a renforcé mon inquiétude, ma peur du lendemain.

 

 

Liens :

http://libresboniments.blogspot.fr/  jean-louis riguet

http://dedicaces.org/2012/08/05/augustin-ma-bataille-de-loigny-chez-dedicaces/

http://librebonimenteur.wordpress.com/

 

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LA FENETRE AUX HORTENSIAS

12272827270?profile=original"Entre une rose qui fait tapisserie au bal des éphémères

et le clin d'oeil de l'Eternel pour attraper son ombre

...Que ce jour soit un jour donné

Un jour de passage

qui traîne un peu les pieds dans ta vie..."

Guy Goffette  (Le pêcheur d'eau)

Hommage à la fenêtre de la cuisine de la maison des Champs

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Je n'en aurai jamais fini avec Pierre Reverdy

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Pierre Reverdy (1889-1960)

 

"Je vis d'abord, j'écris parfois ensuite, mais il m'arrive de sentir davantage ce que veut dire vivre en écrivant."

 

"J'ai fait un pacte avec le silence." (pendant l'Occupation)

 

 

Pierre Reverdy venait d'une famille de sculpteurs, de tailleurs de pierre d'église. Toute sa vie en sera marquée par un sentiment de religiosité profonde. Il poursuivit ses études à Toulouse et à Narbonne.

 

Il arrive à Paris en octobre 1910. À Montmartre, au célèbre Bateau-Lavoir, il rencontre ses premiers amis : Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Louis Aragon, André Breton, Philippe Soupault et Tristan Tzara.

 

Pendant seize ans il vit pour créer des livres. Ses compagnons sont Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse. Toutes ces années sont liées de près ou de loin à l'essor du surréalisme, dont il est l'un des inspirateurs. Sa conception de l'image poétique a en particulier une grande influence sur le jeune Breton et sa théorisation du mouvement surréaliste.

 

Le 15 mars 1917 paraît le premier numéro de sa revue Nord-Sud à laquelle collaborent les poètes du dadaïsme puis du surréalisme. Le titre de la revue lui est venu de nom de la compagnie de métro qui avait ouvert en 1910 la ligne reliant Montmartre à Montparnasse. Il signifiait ainsi sa volonté de « réunir ces deux foyers de la création ». Joan Miró a représenté la revue dans un tableau qui porte son nom : Nord-Sud en hommage au poète et aux artistes qu'il admirait.

 

Au début des années 20, il fut l'amant de Coco Chanel à qui il dédicaça de nombreux poèmes. En 1926, à l'âge de 37 ans, annonçant que « libre penseur, [il] choisi[t] librement Dieu », il se retire dans une réclusion méditative près de l'abbaye bénédictine de Solesmes où il demeure - jusqu'à sa mort, à 71 ans en 1960. Là sont nés ses plus beaux recueils, tels Sources du vent, Ferraille, Le Chant des morts.

 

Dans la dernière année de sa vie, il écrit Sable mouvant, testament poétique dans lequel il dépouille ses vers et où la voix reste en suspens (son dernier vers ne comporte pas de point final). Il veut qu'il ne demeure de lui qu'un portrait symbolique, dépouillé des détails de l'existence, et ramené à l'essentiel.

 

René Char a dit de lui que c'était « un poète sans fouet ni miroir ».

 

 

 

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  "On ne peut plus

dormir tranquille

quand on a une fois

ouvert les yeux..."

 

Je n'en aurai jamais fini avec toi, Pierre Reverdy

Avec tes mots que je relis sans cesse

à mesure qu'ils s'effondrent

et qu'ils glissent hors du monde...

 

Ta vie à Solesme,

me rappelle l'enfance

quand les moines m'offrirent le pain et le cidre,

quand j'entendis dans la nef

résonner la louange 

puis rien

et que je compris ce qu'était le silence

 

Je n'en aurais jamais fini avec toi, Pierre Reverdy,

ni avec celui qui te faisait signe et

que je ne connais pas plus que je ne te connais

et que je ne me connais moi-même...

 

A cause de qui (mais était-ce à cause de lui ?)

tu es resté trente-quatre ans

dans ce petit village sans éclat et sans joie,

"Un trou noir ou le vent se rue..."

lové dans la solitude

avec pour seuls amis

tes humbles outils 

de poète

rescapés du silence,

 

Avec  des mots,

simples comme les cailloux de la Rougeanne,

la rivière de ton enfance,

en terre d'exil

dans la pauvreté essentielle

toi, l'enfant du soleil...

 

"Toutes les raisons de ne plus croire à rien

les mots se sont perdus tout le long du chemin

Il n'y a plus rien à dire

le vent est arrivé

Le monde se retire

L'autre côté...."

 

"Un homme, dès qu'il marche, est un passant.

Or il marche. Le vent le pousse.

Puis il meurt, lacéré."

 

R.G.

 

"Le caractère évident de la poésie est d'être toujours semblable et de ne se répéter jamais. La monotonie du chant exige des variations incessantes : la surprise jaillit d'un domaine connu comme une source au milieu du désert. Dans ce lieu de la voix, ce qui est nouveau ne rend pas périssable ni n'abolit ce qui est ancien.

 

Le poète est bien l'homme le plus englué de tous ceux qui peuvent être sur la terre, dans la pâte épaisse de la vie...  

 

... Vivre quand même, bien qu'on n'ait pu s'insérer dans la vie - que l'on sentait tellement plus merveilleuse que les autres, voilà la dureté de l'ouvrage, l'essentielle pauvreté qui fut dite, presque au seuil de l’œuvre, inoubliablement :

 

"En ce temps-là le char-

bon était devenu aussi

précieux et rare que des

pépites d'or et j'écrivais

dans un grenier où la neige, en tombant par

les fentes du toit, deve-

nait bleue."

 

Extrait de la préface à Plupart du Temps (1915-1922) d'Hubert Juin

 

 

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Toujours là

 

J'ai besoin de ne plus me voir et d'oublier

De parler à des gens que je ne connais pas

de crier pour être entendu

Pour rien tout seul

Je connais tout le monde et chacun de vos pas

Je voudrais raconter et personne n'écoute

Les têtes et les yeux se détournent de moi

Vers la nuit

Ma tête est une boule pleine et lourde

Qui roule sur la terre avec un peu de bruit

 

Loin

Rien derrière moi et rien devant

Dans le vide où je descends

Quelques vifs courants d'air

Vont autour de moi

Cruels et froids

Ce sont des portes mal fermées

Sur des souvenirs encore inoubliés

Le monde comme une pendule s'est arrêté

Les gens sont suspendus pour l'éternité

Un aviateur descend par un fil comme une araignée

Tout le monde danse allégé

Entre ciel et terre

Mais un rayon de lumière est venu

De la lampe que tu as oublié d'éteindre

Sur le palier

Ah ce n'est pas fini

L'oubli n'est pas complet

Et j'ai encore besoin d'apprendre à me connaître

 

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Alvéoles (19)

Milos s'était rapidement calmé.

Il se connaissait très bien. Il s'était couché, et avait d'abord laissé ses pensées partir dans tous les sens. La rage d'avoir été doublé techniquement s'était disputée avec la frustration d'avoir été méprisé par le Centre. Sa vie de pirate l'avait bien entendu exposé à nombre de déconvenues, mais c'était la première fois qu'un enjeu personnel y était lié. Il ne quitterait pas la clandestinité de si tôt.

Très vite, Milos était passé au plus urgent. Était-il en danger ? Probablement pas dans l'immédiat. Mais si le Centre éprouvait des difficultés à faire fonctionner le fruit de ses travaux, cela pourrait rapidement changer. Une visite musclée à son domicile serait très certainement le meilleur moyen d'obtenir les pièces manquantes.

Bien entendu, toutes les sources permettant le fonctionnement de la « chute des dominos » ne se trouvaient pas sur son ordinateur portable. Milos avait fait en sorte que certaines parties de son logiciel soient téléchargées à partir de sources laissées sur l'une ou l'autre des machines virtuelles dont il avait le contrôle. Pour garantir que lui seul puisse utiliser ces parties de code, certaines des adresses des serveurs étaient codées sur sa machine, d'autres étaient introduites manuellement, au moment même où il procédait à une opération de piratage. Le problème, c'est qu'il pouvait toujours rester une trace de ces adresses quelque part sur son disque, fût-elle cachée et cryptée. Avec du temps, le Centre finirait par avoir raison de toutes ces protections.

Pendant longtemps Milos s'était montré bien plus rapide que d'autres pirates : non seulement dans ses actes de pénétration de systèmes ultra-protégés – tels que le « power grid1 » nord-américain – mais aussi par sa capacité à maîtriser les technologies les plus avancées, parfois même avant qu'elles ne sortent officiellement des laboratoires de la Silicon Valley. Mais dans la situation présente, il savait qu'il ne tirerait aucun avantage de cette vélocité. On l'attendait déjà au tournant. À tous les tournants, en fait.

Milos avait pensé à tout cela en nettoyant son petit appartement. C'est ce qu'il faisait habituellement pour calmer ses nerfs. Pour la première fois, il avait astiqué chaque pièce à deux reprises. Il se coucha à nouveau et plongea dans un demi-sommeil. Milos appelait cela « la sieste qui cherche ». Bien souvent, alors qu'il était bloqué dans la recherche d'un bug caché parmi les milliers de lignes de code d'un de ses programmes, il laissait son cerveau travailler en roue libre durant la sieste, et se réveillait avec la solution, ou du moins une bonne indication de l'endroit où il lui fallait chercher.

Si le Centre avait volé une copie de son disque dur, il y avait fort à parier que tous les « renifleurs », après avoir observé les remous suite à l'opération sur le barrage, tenteraient entre autres choses de détecter le moindre de ses mouvements à lui. Inutile de donner l'éveil. Ceci excluait notamment de vérifier le statut de ses machines virtuelles. Le Centre avait très certainement téléchargé les pièces manquantes de la « chute des dominos ». Tenter d'accéder à ces machines ne lui aurait de toute façon rien appris.

De plus, Milos savait bien que chaque machine virtuelle qu'il avait créée pouvait disparaître du jour au lendemain. Il suffisait pour cela qu'un responsable d'une salle des machines se rende compte de son existence suspecte, et la supprime purement et simplement. Pour réduire ce risque, Milos avait joué sur le nombre : il avait copié chaque morceau de programme constituant une pièce de son puzzle sur des dizaines de machines virtuelles différentes. Milos n'avait qu'à vérifier régulièrement que celles-ci étaient toujours accessibles. Ainsi, à chaque fois qu'il s'apprêtait à pirater un système, Milos prenait en toute quiétude le temps d'assembler son arme avant de tirer.

La « chute des dominos » devait donc être considérée comme désormais aux mains du Centre, mais il n'y avait pas là de quoi craindre le pire. D'une part, Milos pouvait encore l'utiliser à tout moment. Il lui suffirait pour cela de tisser une nouvelle toile de machines virtuelles. D'autre part, le Centre ne pouvait pas utiliser cette arme contre lui, ni l'empêcher de la vendre à d'autres organismes susceptibles de lui offrir un retour à la légalité.

Il avait juste perdu son temps avec Morhange et Sabrina, voilà tout.

L'image de la jeune femme vint brouiller le mode « roue libre » de ses pensées. Milos aurait dû se méfier. Il l'avait bien trop rapidement rangée dans son rôle de surveillante-amante inoffensive. Mais la beauté sauvage de la jeune femme avait engourdi sa paranoïa naturelle de pirate. À tel point qu'il n'arrivait pas vraiment à lui en vouloir.

Elle avait fait son métier. Lui, avait baissé sa garde.

Tout cela parce Sabrina était une femme fascinante. Tout cela parce qu'elle ne fermait jamais les yeux en faisant l'amour, et que ses prunelles noires exerçaient un pouvoir hypnotique sur Milos tandis que son ventre agissait avec maestria. Tout cela parce qu'il y avait dans son regard autant de volonté et de désir lorsqu'elle se déchaînait que de reconnaissance et d'apaisement lorsque le calme revenait. Tout cela parce que Sabrina était irrésistible.

Milos se demanda combien d'hommes, soumis à une telle vague de sensualité, avaient commis la même erreur que lui.

Beaucoup, probablement.

 

*

 

Franz Kettenmeyer s'éveillait, confortablement installé dans le siège en cuir de son Falcon. Le whisky lui avait fait supporter le décollage, et contrairement aux vols précédents, il avait aussi contribué à le mettre d'excellente humeur. Son assistante lui proposa un thé, qu'il accepta, et lui tendit un dossier en annonçant son contenu.

— Le message de Bruxelles, monsieur.

— Merci. Combien de temps avant le rappel ?

— Environ une demi-heure. Il sera 17:55, heure locale.

— Parfait.

L'assistante s'éloigna. Kettenmeyer se demanda avec lequel de ses deux frères elle avait dû coucher pour qu'ils la lui recommandent si chaudement. Peut-être les deux, peu importe. Il ouvrit le dossier.

Vous devriez disposer dans les prochaines 48 heures de la technologie demandée. Je vous confirmerai ceci de vive voix lors de notre prochain entretien.

 

C'était tout. Le message était imprimé au beau milieu d'une feuille de format A4 à en-tête de MeyerLintz. Le même logo orangé figurait sur le fuselage du Falcon. Kettenmeyer pensa fugitivement que la température des deux logos devait différer de quelque 60 degrés, alors que moins d'un mètre les séparaient. Ses vieux réflexes de scientifique revenaient à la charge moins souvent que dans sa jeunesse, mais il ne savait pas vraiment s'il devait ou non s'en trouver attristé.

Il était temps pour lui de planifier la suite des opérations. Il faudrait bien un mois pour tout organiser, mais un premier essai pourrait probablement être tenté dans les prochains jours. La première cible était toute choisie. Il n'y aurait pas la moindre victime, mais l'attentat – car c'en serait un – ferait paniquer bien du monde. Les titres seraient aussi gros que ceux du 11 septembre 2001, la mort en moins. Et lorsque tout le monde – citoyens, entreprises et gouvernements – serait au niveau d'alerte maximum, un grand coup serait frappé. Un seul. Après lequel une bonne partie du monde serait obligé de modifier fondamentalement son fonctionnement.

 

*

 

Faustine écoutait avec une angoisse croissante le rythme cardiaque de son mari. Après de longues heures passées à compléter les analyses – lesquelles étaient assez rassurantes, car elles démontraient que la lutte contre le virus H1N1 battait son plein – Daniel s'était vu transférer aux soins intensifs, où on l'avait équipé pour prévenir tout problème cardiaque.

La procédure était pour le moins inhabituelle : il était rare que l'on atterrisse dans ce service de manière préventive. De plus, rien ne permettait de déterminer avec certitude si Daniel allait ou non présenter les mêmes symptômes que l'infortuné patient de Montpellier. Les deux manifestations n'étaient probablement pas liées. Mais a priori la cécité et la grippe ne l'étaient pas plus.

Depuis dix minutes, hélas, tout le monde dans la petite chambre pensait le contraire.

Le cœur de Daniel, dont la cadence au repos était aux alentours de 60 pulsations à la minute, avait progressivement accéléré. Il battait maintenant à 115 pulsations à la minute. Le tensiomètre, lui, restait stable, à 11/7.

— Essayez de vous détendre, monsieur, dit le cardiologue à son chevet.

— Je suis détendu, vous savez. Je sens que mon cœur cogne fort et vite, mais je ne panique pas.

— C'est bien. Il y a dans votre perfusion de quoi contrôler tout emballement.

— Il n'empêche...

— Oui ?

— Il n'empêche que je ne comprends pas ce qui se passe.

— À vrai dire, monsieur, nous non plus. Vos analyses n'ont tout simplement rien révélé qui puisse nous aider.

Daniel ferma les yeux et respira profondément.

— Chérie ?

Faustine s'approcha et lui prit la main.

— Je suis là.

— J'ai une sale tête ?

— J'ai déjà vu mieux. Mais elle est moins effrayante que celle que j'ai découverte hier soir.

— Valérie va bien ?

— Tout est stable. Elle dort la plupart du temps.

Le rythme cardiaque augmenta encore. Faustine demanda :

— Tu t'inquiètes pour elle ?

— Oui. Je me sens coupable.

— Tu n'as rien à te reprocher, Daniel.

— Si. J'aurais dû prendre des précautions. Je suis sûr que c'est ce type qui m'a refilé cette saloperie. Et je n'ai même pas pensé à me laver les mains avant de m'occuper de notre poupée, de lui préparer son repas, lui donner le bain, et tout le toutim.

— N'y pense pas. Ce n'est pas de ta faute.

— Vous avez dit, intervint le médecin, que cette personne vous paraissait en bonne santé ?

— Oui. Mais il avait les mains moites. La première fois que je l'ai vu, et la deuxième aussi.

— Il sera difficile d'établir que c'est vraiment cette personne qui vous a transmis le virus, dit le médecin en modifiant le réglage du goutte-à-goutte. Pour l'instant c'est votre cœur qui est au centre de nos préoccupations. Ressentez-vous quelque chose de particulier ?

— Cela cogne, exactement comme si je faisais un jogging.

— Je viens de faire le nécessaire pour calmer le jeu. Vous devriez vous sentir mieux dans un instant.

— J'ai mal à la tête, à nouveau.

— Nous devons attendre avant de soulager votre douleur. Nous devons nous concentrer sur votre cœur. Désolé.

Le rythme cardiaque de Daniel commença à ralentir. Faustine poussa un soupir et serra la main de son homme.

— Ma température remonte ? demanda-t-il.

— Vous êtes stable à 38.5°C, répondit le médecin. Et votre cœur se calme. Vous vous sentez mieux ?

— Un peu. Je peux vous poser une question ?

— Je vous en prie.

— Je présente exactement les mêmes symptômes que le type de Montpellier ? Je veux dire : température, cécité, rythme cardiaque... C'est exactement le même scénario ?

— En effet. Ce sont les informations qui nous ont été transmises. Seulement, à Montpellier, ils n'ont pas vu arriver le problème cardiaque. Il est probable que le patient n'ait pas exprimé immédiatement ce qu'il ressentait. L'augmentation du rythme cardiaque a précédé l'arythmie, et la crise. Avec vous, nous avons pu anticiper.

Le médecin regarda l'écran de contrôle avec satisfaction avant de poursuivre :

— Vous en êtes à 95 pulsations par minute. C'est déjà bien mieux. Nous allons continuer à surveiller cela.

— Au fond, intervint Faustine, vous ne nous avez pas dit si le patient de Montpellier était vivant ?

— Mon confrère ne vous l'a pas dit ?

— Non.

— Il a pris un taxi pour rentrer chez lui. C'est en arrivant à son domicile qu'il a eu le malaise. Le taxi a fait demi-tour mais il est décédé en arrivant aux urgences.

Le cardiologue se concentra à nouveau sur les paramètres de Daniel en laissant un silence épais s'installer dans la pièce. Faustine le brisa quelques secondes plus tard. Elle semblait sortir d'une longue prière.

— On n'est pas sortis de l'auberge.

— N'ayez crainte, madame. Vous êtes à l'hôpital, pas à la porte de chez vous.

— Vous ne comprenez pas, docteur. Mon mari a d'abord eu de la fièvre, ensuite il est devenu aveugle, mais cela s'est arrangé. Maintenant il faut réguler son rythme cardiaque.

— Oui, dit le médecin avec une pointe d'irritation, mais comme vous pouvez le constater, nous maîtrisons cela.

— Ce n'est pas de cela que je vous parle, docteur. Le patient de Montpellier est mort.

— Parce que qu'il n'est pas revenu à temps à l'hôpital. Ici...

— Rien ne nous dit qu'un nouveau truc ne va pas nous tomber dessus demain, ou plus tard. C'est cela que je veux dire : rien ne dit que c'est fini.

Le médecin hésita. Faustine comprit qu'il n'avait pas pensé à cette éventualité. Un vague malaise remonta de son souvenir, où, dans le même hôpital, elle avait mis Valérie au monde : chaque chambre lui était apparue comme un petit monde isolé et indépendant, où l'on n'envisageait qu'un seul problème à la fois.

La voix du médecin la ramena sur terre.

— D'un point de vue purement logique, vous avez raison.

Mais Faustine n'entendit qu'à moitié ce qu'il dit. Son mari venait de lui serrer la main, d'un seul coup, très fort. Il avait les yeux révulsés.

Juste avant que le signal sonore ne vint vriller les oreilles, de Faustine, elle regarda l'écran de contrôle. Le rythme cardiaque de Daniel venait de tomber à zéro.

 

1Réseau de production et de distribution d'énergie électrique couvrant les États-Unis et le Canada

Alvéoles est disponible en texte intégral ici...

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Amours d'insectes.

Je suis Léon le p’tit frelon,

autour d’une gelée de melon,

je tourbillonne, je fredonne, je fonds,

pour Mireille la p’tite abeille qui dans

une rose vermeille, batifole, se désaltère

d’un nectar or et rare.

Sang des fleurs, ambré, sucré.

J’ai le bourdon sans elle !

Bien au dessus de nous, la tenture et

les embrases bleues vertigineuses,

palpitent, s’enchantent de notre amour

inhabituel et mixte ; un frelon noir, un peu gros,

 avec une abeille svelte, dont la robe est dorée,

avec une pointe d’ébène, veloutée.

Piqué en plein cœur je suis !

Depuis,

Léon le p’tit frelon et Mireille la p’tite abeille,

en une étreinte aérienne et légère,

ensemencent leur amour dans le cœur

de toutes les fleurs du monde.

 

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A U B E

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Toujours de nouveaux chants se compose le monde

Tu es la chambre seule et noire dans la nuit

Le papier que tu griffes la lueur du jour

A peine rutilant au lointain pur de l'ombre

 

 

 

Autour de toi au loin passent les avions

Les bateaux les autos les espoirs et les rêves

Les humains à tout faire à tout vivre s'ébrouent

Et tu les suis de loin calme vie isolée

 

 

 

Tu feras le chemin inverse des araignes

Détissant de ta toile une absence de règne

Vers ton futur sanglé de divine harmonie

 

 

 

Point du jour Le matin - Une paix infinie

Berce tes yeux meurtris de veille et de sanie

Les rayons du soleil sont des bras qui s'étreignent

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