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L'inventaire de l'aube

"Les souvenirs sont du passé qui espère." (Jean Mambrino, le mot de passe)


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Tandis que des ombres usurpent la scène, les êtres de chair et de sang et les belles créations imaginaires se pressent aux marches de la mémoire...

Les amis de l'enfance : le petit prince, Alexis Romanov, la grâce assassinée... Ivan, l'enfant soldat, courageux comme un homme, dont le fier regard bleu de déviait jamais et qui grandit trop vite, dans la nostalgie de l'enfance perdue... Alexandre, l'enfant russe aux cheveux d'or, l'oiseleur pacifique aux épaules de colombe... Franz, qui se baignait nu dans les torrents du Tyrol... Marc, tacheté de rousseur, qui aimait les mystères... Frédéric, le maçon des hirondelles, qui n'apprit jamais à lire... Baptiste, le cancre subtil qui marchait sur les mains... Didier, qui descendait des collines, cheveux au vent... Christian, aux yeux mauves, dont la beauté ne touchait pas terre, John, que sa mère n'aimait pas et l'enfant d'Amérique qui m’offrit un jour Votre Image..." car j'étais un étranger et vous m'avez accueilli."

Richard, qui me regarde tristement de loin...

Anne et Sophie, les deux sœurs, qui m'accordèrent, par une belle après-midi d'été, à Versailles, dans les allées fraîches du château royal, leur amitié enchantée...

Et Jean-Jacques, dont le sida vola la vie magnifique.

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Les plages infinies du Nord dans la blancheur brumeuse des vols d'éoliennes...

La splendeur du hêtre rouge sous son diadème de pluie...

L'innombrable blancheur orfévrée du cerisier en fleurs...

L'odeur métallique de la pluie...

Le baume suave et citronné d'éternel printemps des fleurs d'acacias...

La pluie contre les vitres, les nuits d'orage...

L'aube, l'innombrable et forcenée jubilation du fracassant gazouillis de ces gosiers ponctuels à inaugurer la lumière !

 

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Les héros de l'enfance : Tom Sawer, Huckleberry Finn, Old Shure Hand, Long John Silver... et tous les autres.

Les desserts de l'enfance : l'île flottante, la gâteau de Savoie, le clafoutis aux cerises...

Les amis de l'âge mûr : Gilles et Katarzina, en vêtements de noces, dans la lumière bleutée de la mer Baltique, quelques mois avant la démission du général Jarulevski.

Michel Velmaens, le guérisseur de Rochesauve, qui vit Eluard pleurer sur le mépris des poètes...

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... Mon grand-père...

Dans les sous-bois embaumés des fées du Limousin, parmi les fraîches jaseries des geais aux livrées éclatantes, un enfant ramasse les champignons délicieux : le cèpe de Bordeaux, épais et ambré, le pied bleu, la délicate chanterelle qui porte aussi le nom de la corde la plus fine du violon, la rose des prés et le mousseron de Saint-Georges, gracile et timide.

Quand la nuit tombe, pour la première fois sur la vieille Europe, il part, à 17 ans, vers le grand casino de la mort. De la Galicie, du Chemin des Dames, des Dardanelles, il ne dit rien. Il n'est pas de ces anciens combattants qui ressassent "leur" guerre. Il ne parle que de la souffrance des chevaux. Il porte au cou la cicatrice d'un coup de baïonnette. Ses poumons lui font mal : le gaz moutarde.

Pendant les grandes grèves ouvrières de 1936, sa femme, la souris de Cendrillon, lui passe son casse-croûte à travers les grilles de l'usine. Il est mal vu quai de Javel. Il fait partie des meneurs. Il sera bientôt licencié.

Quand la nuit tombe pour la deuxième fois sur la vieille Europe, l'ange de la dignité le tient toujours par la main.

Il arpente Les falaises de marbre, il cherche dans le grand livre de Dieu le sens de tant de malheurs.

Il flâne au bord de la Seine, le long des échoppes ombragées des bouquinistes, sous la vieille horloge de Saint-Germain l'Auxerrois, sous les arcades de la rue de Rivoli, dans la cour mal pavé des rois, dans le frais silence de Saint-Eustache où repose la mère de Mozart, sous les poutrelles métalliques des Halles de Baltard, parmi les cris joyeux des marchands de légumes, rue Berger, rue du Roule, rue des Prouvaires... Sur le vieux Pont Neuf du bon roi Henri, où Molière enfant découvrit la comedia dell'arte...

J'ai dix ans. Je me promène avec lui dans le Paris d'autrefois. Il me tient par la main.

Je porte en moi sa transparence énigmatique.  

                         
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L'ange qui monte la garde à la porte du cœur s'amuse à changer le mot de passe : "La Beauté, l'enchanteresse, l'indéchiffrable"... "La justesse de l'âme"... "L'oxygène de la possibilité"... "La vie espérante"... "La flèche empourprée du désir"... "Renoncer à soi, consentir à l'inattendu"... "Tout est déjà, mais rien n'est encore"...

"Seul l'instant parfait est digne d'être offert" :

Au bout de la presqu'île, l'arbre solitaire se dissout dans la lumière...

Il entra dans le grenier silencieux où flottait une odeur de poussière...

Le bébé corbeau grimpa sur son épaule et frotta son bec contre son cou...

Il s'assit dans la clairière au milieu des anges...

Ils nagèrent nus dans le phosphore des étoiles, le sel brûlait ses bras d'or...

Ma solitude porte la nuit.

Vide, le ciel pourtant s'incline...

Une odeur de poussière et de pluie éclaircit ma douleur...

Oiseaux, archers des nuages, fous jubilants, acrobates enfiévrés d'azur, de la plus haute joie, messagers. Salut !

...Giration d'un grand hortensia bleu ocellé de pluie, rincé de lumière, le ciel de Cornouailles agrandit nos rêves.

Un brouillard d'oiseaux blancs jubile... Éperdus, nous courons vers la mer...

Les enfants jouent, les martinets sont fous, le jour s'en va...

Fumée d'herbe sèche, je respire et me réjouis, buvant le vin de la nuit...

Mon cœur est une grange aux vitres brûlantes.

Je te parle dans la clarté, comme le tremble au chemin d'eau.

Les grandes carpes lentement tournent en rond et montent se réchauffer au pâle soleil de février, réjouissance du cœur profond !

 

Obstinément, la lune persiste dans la nuit.

 


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La douce brûlure de L’embarquement pour Cythère, automnale et saturnienne... Ses perspectives cavalières, ses clairières lointaines, ses masques et ses bergamasques, ses amoureux improbables et extravagants... L'accord inattendu d'une nostalgie douloureuse et d'une secrète allégresse.

Bartleby, l'inconsolable, "qui dort avec les rois et les conseillers".

Sur la plage de Venise, l'adolescent sublime, l'ange de la mort, dans le couchant...

La mort de Bergotte... Le petit pan de mur jaune... Vermeer... La palpitation de l'invisible, la suave imbibition du bonheur... La prunelle, semblable à une perle, d'une jeune fille en bleu, à demi retournée... Les visages et les choses rayonnant de l'éclat précieux du mystère...

La beauté douloureuse, semblable aux envols d'Allegri et les larmes de Mozart mourant murmurant les premières mesures du Lacrimosa...

François Couperin, Henri Purcell, Marin Marais, Jacques Duphly... Les barricades mystérieuses, le bracelet ocellé, le miroir d'argent, les orangers sous la pluie...

Tout ce que l'on porte en soi...

 

Les initiateurs...


Fraternels, terribles, proches et lointains, souvent cassés par la tempête, ils reviennent de tous les combats et nous disent : "Voici ce que j'ai vu, regarde à ton tour !"

Friedrich Hölderlin, chantant la patrie perdue, pleurant la terre dévastée, l'errance, préservant ce qui sauve à mesure que croît le danger, car "les poètes, seuls, fondent ce qui demeure."

Frédéric Nietzsche, veillé, dans l'extrême enfance de sa raison dévastée, par l'ange de la compassion.

Piotr Illich Tchaïkovski, noyant son secret  dans la Néva.

Vladimir Maïakovski dont l'espoir ressuscite chaque printemps.

Nicolas Gogol, écrasé par sa vocation : contribuer au salut de la Russie... Son silence, sa maladie, sa "stérilité créatrice"... Les manuscrits brûlés. Il s'excuse, il voudrait rester "poli", "enjoué", mesuré, humble... Il sent qu'il ennuie tout le monde, qu'il en fait trop.. Mais il voit des choses si terribles ; il a des choses si terribles à dire...


Stefan Zweig, l'homme de subtile civilisation, rendant son billet, un soir d'hiver 1942, au plus noir de la nuit.

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Marcel Proust, aux yeux cernés de nuages, la bouche offerte, le camélia alangui, écrevisse protégée par une carapace irisée de politesse parfaite... L'analyse délectable, la lucidité précoce, l'obsession de la précision, la force paralysée, vouée tout entière à la contemplation désirante... La fuite hors du monde et du temps, qui ne sont que songes embellis d'art et de mémoire.

Arthur Rimbaud, le voleur de feu.


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... Les suites pour violoncelle seul de Bach...

Des crépuscules de soie s'allument
Le violoncelle crépite parmi les blés
Marcel Bardon célèbre
Le baptême des coquelicots




Sur une œuvre de Claude Pasquer intitulée "Silence"

La lumière coule dans l'interstice... La lumière coule à travers les persiennes des paupières, la blessure du regard... Un tombeau de basalte couvre l'ivoire des os ; le goudron obscurcit le froment.

La lumière recouverte persiste cependant, prisonnière de la mort, prise dans le silence.

Au plus noir de la nuit luit l'ensevelie.



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Écoledu soir

Ma jeunesse étincelle au feu des oiseaux qui passent
Et l'instant sans retour
S'enfuit
Dans le crépuscule d'or pourpre,
Parmi les jeux et les cris.

Le soir est tendrement penché sur ton visage,
Douce douleur, flèche-hirondelle
Dans l'espace bleu.

Je dormirai longtemps
Et quand je m'éveillerai
Il n'y aura plus que la Beauté

Partout.


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"Un poète ne vit guère que de sensations, aspire aux idées et, en fin de compte, n'exprime que des sentiments." (Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord)

Nuit penchée


S'attarder à l'immobilité frissonnante, aux murmures des feuilles, à la fraîcheur métallique de l'air, au parfum poivré des arbres vivants, à l'épaisseur indéchiffrable.

Et puis fermer les volets, non pour se protéger des voleurs, mais pour ne plus sentir peser sur la vitre un mystère trop lourd pour le sommeil.

(Bourges, le 24 juillet 2008)

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Villandry

Les ombres s'allongent
Au chandelier du soir
Les hirondelles s'affairent.
Assis sous la tonnelle,
Un homme attend.
La rose thé rappelle
Les jours anciens.
De la bouche de pierre,
Du cœur de la rose,
Coulent des paroles
Qu'il ne comprend pas...
L'eau descend les marches.
Nul remède à sa douleur
Au jardin des simples,
Mais l'apaisement de la fraîcheur.

(Le 5 août 2008)


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Hauteur du soir

Avec les derniers rayons clairs égarés dans les herbes folles, les martinets siffleurs habitent enfin l'espace limpide.





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Le cimetière d'hiver


Les morts ne sont pas plus morts que nous ne sommes vivants... Un jour, la vraie vie viendra.

Dans le cimetière d'hiver, les naufragés sont endormis... Au firmament, l'étoile polaire et le souffle du Dieu vivant dans les grands arbres. Ce sont les mâts d'un navire d'étoiles.

Voici l'urne où la nuit verse des violettes.

Au baume du pardon, ils ont guéri leurs blessures. Ils ne connaissent plus ni soucis, ni rancune et leur esprit n'est plus à l'étroit, car ils savent et la grandeur leur a été donnée.

Sous le phosphore lunaire, ils reposent. Lumière de neige, dans la nuit calme et la douce blancheur se délivre en silence.

Des saules, il ne demeure que le squelette d'or, comme un sourire sur le sommeil des morts...

Et malgré l'hiver, ils bourgeonnent.

"Que dans la mort
Je ne m'endorme pas
illumine mes yeux, Seigneur,
Eveille-moi !"

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Déploration d'Olvier Larronde

La rose du chemin de givre,
Ronde, douce comme une bouche,

A versé d'amoureux sanglots
Sur son miroir miraculeux.

La voilà en grand désarroi,
Étonnée qu'elle s'en prenne à elle,
cette douleur qui est en nous.

Les yeux ourlés des hirondelles
Contemplent la pure blessure
de naître au milieu des saccages.

Quand ferons-nous encore la ronde
Avec les jeunes dieux de la vie
dans le verger des jours heureux ?

Le voilà l'olivier béni,
le bel arbre de l'éclair qui luit...
L'huile du poète à sa table,
Qui brûle dans nos corps aussi.

O Olivier, mon bon Larronde,
Si loin tenu, si malmené,
Si fulgurant de drôlerie,

Sur la croix des mots incendiés
Fleurit le sourire de la nuit.



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Colloque imaginaire :

Julien Green :
"Pour certaines âmes, tout est tentation !"

Le diable :
"Succombe !"

saint Ephrem :
"Roule-toi dans les épines !"

Le talmudiste :
"Interpose une haie de roses !"




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Le soir, au crépuscule, dans une lointaine église, une flamme s'allume...

"Que ma prière vers Toi, seigneur
S'élève comme l'encens
Et mes mains devant Toi
Comme l'offrande du soir..."

Le parfum de la terre
Sous la chanson du vent,

Le sommeil de la pierre
Et les douces collines,

Le haut vol de la buse
Et l'écho du coucou...

Qu'ils s'élèvent vers Toi, au cœur de ma prière !


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Automne

Le froid sur la joue
La fourrure du renard
La profondeur du ciel
Les feuilles cristallisées
Le soleil sec
Très loin, au centre du monde,
dans la lumière qui se creuse,
Je m'appartiens.

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Printemps de février

L'hiver a perdu la mémoire
Et le printemps s'est invité
Dans les tristes maisons des hommes.
Je me suis assis simplement
Sur les marches de mon enfance,
Pour mieux respirer le soleil
Et l'ivre parfum du buis
Et j'ai crié dans la douceur

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Dégel du cœur

C'est comme un soulèvement léger
c'est quelque chose au fond du cœur
C'est l'oiseau du matin
Dans l'ombre des feuillages


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Dites-moi

Par-delà la vitre musicale, la statue ailée
Et le store vert du vieux café,
J'épie le jardin bleui, le kiosque naïf,
Et la blancheur des églantines...

Mon corps et cet instant ne font qu'un,
Même le silence se réjouit...
Dites-moi que le printemps revient
Et que la mort n'existe pas.

(Bourges, le mercredi 24 mars 2004 à 17 heures)


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J'attends

Nulle part de s'ouvre l'orée
Si ne chuchote encore dans l'ombre
La bouche de lumière

Si l'Ange au luth
Ne sourit Sur ma peine

Si la cerise éclatée de soleil
Ne brille
Au seuil du parvis...

Une giboulée de lumière
A blanchi le chemin

J'attends le sourire des violettes...

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Le vieux chevalier

Il sortit de la nuit des arbres et des ronces
La voie lactée brillait sur son armure meurtrie
Créneaux et pont-levis luisaient dans la nuit bleue

Le temps avait mangé son visage et ses mains,
Le Graal n'aimantait plus son cœur depuis longtemps,
Il ne voulait qu'un peu de pain et de repos

Un enfant lui ouvrit et le prit par la main...

Le Graal de douceur chantait dans la pénombre.


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Crépuscule

La rose du sang versé du soir
Est couchée dans le vent d'automne
Et je bois les vendanges des dernières fêtes
Le malheur n'a pas eu raison
De mon chant
Pas plus que les grandes gelées.
L'oiseau transi de froid n'hiberne pas,
Il s'en va vers les simples cieux,
Vers les nuages inviolés
Du ciel intime.


Je mange le pain de l'exil
Mais Tu es là où je demeure
Et je demeure avec Toi
Dans mon exil.

 

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