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Chères amis je vous demande pardon pour mon silence. Je suis de passage en ville pour un jour, mais bientôt je retournerai dans un petite village entre les montagnes de l’Apennine ou… il n’y a pas la connexion Internet !

Je vous souhaite les meilleurs vacances d’été  et aussi je vous remercie pour vos messages !

A bientôt, avec amitié,

Liliana

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Alvéoles (10)

Denis Auger achevait de poster ses petites annonces. Cette fois-ci, il se faisait passer pour le responsable local d'une société de services dont Météo France était cliente. Il avait repris le contenu du site Internet précédent, changé toutes les références, et appliqué une nouvelle feuille de style. En moins d'un quart d'heure, une nouvelle société, sans existence réelle aucune, venait d'apparaître sur la Toile. Le numéro de téléphone fixe et le numéro de fax ressemblaient à des coordonnées régionales, mais en réalité ils correspondaient à un compte Skype, qui lui-même était dévié vers son portable. Pour le reste, tout se passait par courrier électronique. Idem pour toute communication avec son riche employeur.

Si Denis avait autant de chance que pour l'opération menée dans la Drôme et les autres départements, tout serait terminé d'ici une semaine. Il partirait au soleil quelques jours plus tard, jouirait de son argent, et ne reviendrait pas de si tôt.

Un dernier département. Ce n'était pas la mer à boire, mais l'approche de la fin le rendait quelque peu nerveux. Jusqu'ici personne ne semblait s'être mis à sa recherche. Cela ne l'empêchait pas de s'inquiéter, car personne « en haut » n'avait daigné lui confirmer que les porteurs ne pouvaient remonter jusqu'à lui.

La camionnette s'approcha. Un homme en descendit, armé, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois aussi, c'était une nouvelle tête.

— Bonsoir, dit Denis en lui tendant la main.

L'homme ne dit rien. Il était chauve, avait des sourcils blancs, des yeux bleus « fond de piscine ». Il devait avoir la cinquantaine et portait des gants en latex, comme chacun de ses prédécesseurs. Il lui tendit les clés de la camionnette entre le pouce et l'index.

— Merci. Attendez, voici les miennes...

Il tendit la main. L'homme se saisit des clés avec élégance, sans quitter Denis des yeux, ce qui acheva de le mettre mal à l'aise. Il s'écarta pour laisser Denis se diriger vers la camionnette.

La cargaison était là : vingt-quatre cylindres bombés d'où émanait un léger bourdonnement. Impossible de savoir comment l'alimentation en oxygène s'effectuait, mais ce n'était pas son problème.

— C'est bon. Quel est le point de chute ?

Denis avait utilisé un ton volontaire, comme pour montrer à l'inquiétant individu qu'il était à la hauteur, mais cela n'avait eu aucun effet. Pire, la fin de la phrase avait laissé poindre une petite nuance d'angoisse.

Pour toute réponse, ce dernier lui tendit une carte SD, du type de celles que l'on glisse dans les appareils photos numériques. Les réponses à toutes ces questions étaient manifestement stockées sur ce petit support. L'homme conserva la main ouverte.

— Ah, oui, j'allais oublier... Voilà.

Denis remit son téléphone portable à l'inconnu : comme à chaque fois, un autre appareil l'attendait dans sa voiture.

— Merci.

Sa voix n'était guère plus assurée, mais il n'y avait rien à y faire : cet homme lui foutait les jetons. Il embarqua dans la camionnette et tourna le contact. Sur le siège du passager l'attendaient un nouvel ordinateur, le téléphone portable, et une petite mallette contenant vingt-quatre tubes numérotés.

Il démarra immédiatement. Le GPS lui indiqua la route à suivre jusqu'à l'hôtel. Il y serait dans trente minutes environ. Un rapide coup d'œil au téléphone portable lui confirma que toutes ses données y avaient été transférées, jusqu'au moindre détail : touches préprogrammées, carnet d'adresse. Seul l'historique de ses appels et des messages échangés n'avait pas été transféré.

En arrivant sur l'autoroute, il ouvrit son ordinateur portable. Là aussi, tout était à l'identique : couleur du fond d'écran (qu'il avait modifiée sur l'autre portable juste deux heures avant), connexionbluetooth avec le GPS et l'appareil portable. Denis Auger se demanda comment il leur avait été possible de configurer tout ceci avec tant de rapidité et de précision. Il n'aima pas l'idée qui lui vint comme unique réponse : il était espionné en permanence.

Deux sorties d'autoroute plus loin, il prit une départementale vers l'est. Sa chambre d'hôtel l'attendait, et une longue nuit de préparatifs. Autant se mettre au travail tout de suite.

*

Judith n'avait vraiment jamais aimé conduire sur de longues distances jusqu'à ce qu'elle rencontre Dominique. Ce matin, elle était aux anges : elle avait merveilleusement dormi, le réveil avait été d'une douceur extrême, le petit-déjeuner gourmand. Elle avait dévoré trois croissants – ainsi que son mari, tout frais sorti de sa douche.

Le moteur de l'Alfa ronronnait, tout en portant le véhicule bien au-delà de la limite autorisée. Dominique dormait, le visage mangé par les lunettes solaires italiennissimes que Judith avait vues sur son nez lors de leur première rencontre. Elle aurait bien imaginé son mari mis en scène dans un spot publicitaire pour Martini, tourné en noir et blanc.

L'autoroute était déserte : Judith observait loin devant, en quête d'un radar fixe ou d'une unité mobile. Elle était d'humeur taquine et insouciante. Si elle se faisait arrêter – qu'ils y viennent seulement – elle ralentirait sans freiner, et laisserait son homme dormir pensant qu'elle réglerait ses comptes avec les gendarmes. Elle leur dirait : « chut, ne réveillez pas mon homme, on s'est mariés hier ». Elle leur montrerait fièrement leur carnet de mariage. Ainsi elle en aurait le cœur net : faut-il une bonne fois pour toutes considérer que les gendarmes n'ont aucun sens de la tolérance ?

Oui, en ce matin d'insouciance, l'état d'esprit de Judith offrait de nombreuses similitudes avec celui d'un gamin qui se prend pour un super-héros : sa vue portait à des kilomètres, son vaisseau spatial était passé en vitesse supraluminique, et ils seraient arrivés à destination avant que son spatio-chevalier personnel ne soit tiré de sa léthargie artificielle.

Elle se réjouissait aussi de ce qui se passerait une fois à destination. Ils s'installeraient dans la grande bastide, accueilleraient leurs proches – ils seraient une quinzaine environ – et fêteraient leur mariage avec eux, à l'ombre des pins parasol. Plus tard, ils s'offriraient de grandes promenades et de longues siestes, ils oublieraient le reste du monde et s'aimeraient jusqu'à plus soif.

Jamais elle n'avait réellement veillé sur le sommeil d'un homme. Depuis le début de leur relation, Judith éprouvait un sentiment qui jamais n'avait habité son cœur auparavant. C'était quelque chose qui ressemblait à un manque subit, puis aussitôt comblé, mais en plus fort, en plus plein.

Avec ses rares fiancés précédents, Judith avait toujours aimé se sentir protégée. Dans les bras de Dominique, elle n'était pas seulement à l'abri : elle était immortelle. Pour la première fois de sa vie, elle avait envie à son tour de protéger son homme, et cela, c'était vraiment inédit.

Sans vraiment s'en rendre compte, elle avait laissé l'Alfa ralentir progressivement. Les derniers nuages bas qui avaient accompagné le début de leur route s'effilochaient, et laissaient la place à un ciel bleu foncé, comme ceux qu'elle avait tant connu lorsqu'elle pratiquait l'alpinisme. Depuis leur rencontre, elle n'avait eu ni l'occasion ni l'envie de retourner dans les Alpes. Dans quelques dizaines de minutes, ils longeraient le flanc ouest du Vercors, et Judith se demandait avec une pointe d'impatience si elle aurait comme à chaque fois ce petit pincement au cœur en observant au loin les falaises calcaires.

Probablement que non, se dit-elle en jetant un regard sur son homme endormi. L'envie de montagne avait déjà changé, car elle ne se voyait plus y aller seule.

Dominique lui avait dit un jour :

— J'aime beaucoup la montagne : je me souviens d'avoir beaucoup randonné en Sicile quand j'étais petit. Mais pour ce qui est de la grimpe, je n'ai aucune notion technique. Donc si tu veux bien m'apprendre...

— En Sicile ? Sur l'Etna ?

— Oui, entre autres choses. C'est d'ailleurs un terrain assez difficile par endroits.

Judith avait tenté de cacher un petit sourire.

— Qu'est-ce qui t'amuse ?

Elle avait pris un petit air faussement dédaigneux pour lui répondre :

— C'est un volcan, c'est pas une montagne, ça ne compte pas.

*

Faustine sentait comme une armure autour de sa poitrine. Sa fille dormait, une perfusion dans le bras, la température stabilisée à quarante. Ce n'était pas le plus grave pourtant, et Faustine avait honte de ressentir cette oppression principalement vis-à-vis de Valérie. C'était une évidence : dans sa vie, Daniel était le pilier, le pater familias infaillible, et Valérie était sa petite fille à protéger ; elle s'en voulait de réaliser cela si tardivement, alors que père et fille étaient chacun confirmés positifs au virus H1N1.

Gérard avait dû les abandonner à l'hôpital pour s'occuper de ses propres patients. Il était probable que Valérie resterait en observation durant quelques jours.

Faustine passerait de toutes façons la journée à osciller entre la chambre de sa fille et celle de son mari. On lui faisait passer tous les examens nécessaires pour trouver l'origine de sa cécité. Elle décida non sans angoisse d'abandonner Valérie aux bons soins des infirmières, et d'aller aux nouvelles. Dieu merci, les deux services n'étaient pas loin l'un de l'autre.

Elle tomba nez à nez avec le brancardier qui emmenait Daniel pour de nouveaux examens.

— Monsieur sera de retour dans sa chambre dans quelques minutes, dit-il. Je l'emmène faire un scanner, ce ne sera pas long.

Daniel avait levé la tête :

— Tu es là ma chérie ?

— Oui, je suis là. Tu te sens comment ?

— Courbaturé, chaud, froid. Ça dépend des moments. Je distingue vaguement l'éclairage au plafond.

— Je reste près de toi, mon amour.

— Reste près de Valérie, s'il te plaît. Ça va aller. On viendra bien te chercher quand on aura du nouveau.

Une bouffée de gratitude desserra quelque peu l'armure de Faustine ; elle remercia mentalement son mari de la laisser se concentrer sur sa fille.

— Tiens.

Faustine s'était éloignée de son homme. Elle fit demi-tour : Daniel n'avait pas compris qu'elle s'était déjà éloignée. Il lui tendit la main.

— Je ne voulais pas que cela traîne dans ma chambre.

Faustine tendit la main et se saisit de quatre billets de cinquante euros.

— Ok. Je te les garde, dit-elle sans réfléchir.

Cette fois-ci elle laissa s'éloigner le lit, et ajouta un timide « je t'aime » avant de tourner les talons.

Alvéoles est disponible en texte intégral ici...

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Le temps d'une averse

 

 

De l'eau s'abat en abondance

Sur les jardinets assoiffés.

Aura-t-elle un heureux effet?

Les fleurs paraissent en souffrance.

...

Sur les jardinets assoiffés,

Un assaut semblant une offense.

Les fleurs paraissent en souffrance.

Tout remède n'est pas parfait.

...

Un assaut semblant une offense,

Il sera peut-être un méfait.

Tout remède n'est pas parfait.

En décide la providence.

...

Il sera peut-être un méfait,

S'il blesse et laisse sans défense.

En décide la providence;

En cet instant, me stupéfait.

...

S'il blesse et laisse sans défense.

L'incertitude m'agaçait.

En cet instant me stupéfait,

Du soleil, la magnificence.

...

5 août 2012

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Sur une rive

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Parfois, surgissent en un flot

Des grâces demeurées uniques,

Des mots à saveur poétique,

L’éblouissement d’un tableau.

... 

Des grâces demeurées uniques,

Des vers, défiant des sanglots,

L’éblouissement d’un tableau,

Mémoire vraie ou onirique.

... 

Des vers défiant des sanglots.

Créant des cercles concentriques,

Mémoire vraie ou onirique,

Des galets ricochant sur l'eau.

 ...

Créant des cercles concentriques,

Laissant immergés bien des maux,

Des galets ricochant sur l'eau,

Réminiscences nostalgiques.

...

18 0ctobre 2010 

                                                                    

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À une amie du genre félin

et d’Arts et Lettres…

 

 

 

 

« L’homme est véritablement le roi de tous les animaux,

car sa cruauté dépasse celle des animaux.

Nous vivons de la mort des autres. Nous sommes des tombes marchantes ».

Léonard de Vinci

 

 

 

 

 

                            Dites-moi, je vous prie, comment font-ils, ceux qui infligent des mauvais traitements à un être vivant aussi confiant, et qui accorde d'emblée sa foi absolue en l'homme? La réitérant, même, en dépit des sévices endurés, jalonnant leurs parcours... Ceux qui commettent ces coupables gestes, sont-ils donc dépourvus du moindre sentiment, de la plus infime conscience ?

                         Certes, notre capacité de bipèdes animés d’une pseudo âme, est grande, lorsqu’il s’agit de s’illustrer par la perversité, l’apanage des humanoïdes, semble t-il, agissements qui ne sont pas sans me suggérer cette sentence douée de raison signée de l’auteur de « Pygmalion », George Bernard Shaw :

 

« L'homme est le seul animal qui rougisse ;

c'est d'ailleurs le seul animal qui ait à rougir de quelque chose. »

 

                             En cet instant, où Biquet se laisse contempler, par le truchement d’un cliché photographique interposé, pouvant dès lors s’adonner à ses rêves de félin, tout à ses aises, désormais à l’abri d’un odieux et lâche abandon, ô combien traumatisant, pour lui et ses frères de misère, permettez que je me souvienne de chacun d'entre-vous, chats uniques, qui dans votre singularité, m'avait intimement marquée, à chaque fois qu'il nous fut donné de croiser votre chemin.

                           Que de minois irrésistibles, attendrissants me reviennent en mémoire, rien qu’à l’évocation de nos noms, chats bien aimés, qui ont choisi de se donner à nous, par le plus grand des hasards, ou que nous avons élu, mu par une toute autre volonté !

                           Que de grâces inépuisables en vous, en vos positions de « grands sphinx allongés au fond des solitudes », que de beautés en vos prunelles parlantes saupoudrées de mille et une paillettes d’or, de mille et un précieux joyaux, à faire pâlir de jalousie les joailliers de la place Vendôme !

                           Que de trésors cachés en vous, révélés au gré d’une existence partagée, au fil des saisons égrenées ! Que de confiance accordée, de loyauté incarnée, aux antipodes des préjugés répandus concernant votre « race » !

                          Jamais nous n’avons pu déceler dans vos tempéraments et attitudes, et ce en dépit de maladresses exercées à votre encontre, une infime trace, de « rancune », de vengeance, séquelles relatives à vos anciennes trahisons perpétrées par des individus ne méritant guère le titre d'humains !

                           Lequel des deux est redevable à l’autre, le savez-vous ? Assurément !

 

                           Car, pour notre part, nous vous devons de nous avoir offert cet immense privilège de la découverte, puis de subtils rapprochements synonymes d’émotions, et, n’ayons pas peur d’user de lyrisme, de délices ineffables, et lorsque vous nous avez causé quelques chagrins, ce fut bien malgré vous, pauvres chéris, telle la peine engendrée par votre partance prématurée vers la voûte étoilée ! Mais de déceptions ? Point !!!

                          Qui de Duchesse, à Anaïs, Pénélope et Ronsard, Osiris, Roxane, Chérubin, Séraphin le Magnifique, Darius la douceur venue du pays de Freyja, constellations aujourd’hui s’étant fondues dans l’infini mais qui surent avec un charme consommé régner en tyrans sur nos jours d’esclaves consentants dévolus à leurs services, sans omettre les anonymes en désarroi entrevus, et pour lesquels nous sommes demeurés, hélas, impuissants, perdurent au royaume de nos cœurs ?

                          Quelle aberrante et navrante question posée sous forme de truisme, formulée présentement ! Pourquoi vouloir établir une hiérarchie dans l’histoire de nos idylles et nos amours félines ?

                          Or, j'ose vous le déclarer solennellement : que vous soyez de la "roture" ou de "sang bleu", innocents sacrifiés sur l’autel de nos caprices, vous mettant sur un piédestal, pour dès qu’il nous plaira, vous en destituer, votre sort si lié, sinon entièrement dépendant des pouvoirs et bon vouloir du grand manitou à quatre pattes auquel vous vous vouez cependant avec amour, contrairement aux idées reçues, m'émeut profondément !

                         Serait-ce en raison du fait, que nous nous sommes penchées sur vos entités, tentant de discerner et comprendre votre noble langage ? Sans doute, car votre essence complexe ne se livre pas ainsi, au premier du commun des mortels désireux de vous appréhender !

                         En l’occurrence, je vous le demande, membres de l'espèce dite « supérieure », quand évoluerons-nous vers un humanisme impliquant le respect de la condition animale et végétale ?

 

                       Tant que séviront de tels actes, d'une violence inouïe, nous ne pourrons prétendre nous référencer de cette société soit disant évoluée, en similitude de l'adage suivant :

 

« Si la cruauté humaine s'est tant exercée contre l'homme,

c'est trop souvent qu'elle s'était fait la main sur les animaux ».

 

Marguerite Yourcenar

 

 

 

Le 6 Août 2012,

Valériane d’Alizée

 

 

 

 

 

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Quintette de félins dans un carton  de Braldt Bralds

 

 

*1 : C’est en regardant un portrait du dénommé Biquet, que cette réflexion est née… Je laisse maintenant la parole à la maman humaine de ce gentil félin, Anne Renault, qui nous présente la mascotte de son foyer: « Voici Biquet, chat roturier, né dans la rue, recueilli, placé, puis retiré pour mauvais traitements et enfin adopté pour trouver depuis 8 ans le bonheur et faire le nôtre. »


 

 

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Alvéoles (9)

Le médecin conduisait aussi prudemment que possible. Il conservait le contact visuel avec l'ambulance qui le précédait, mais tentait d'adoucir sa conduite sur la petite départementale. Faustine et Valérie étaient installées à l'arrière. Il avait insisté pour que mère et fille restent à la maison. Faustine avait réagi instantanément, tout en posant sa voix une octave plus bas que d'habitude :

— Je viens avec vous, Gérard.

Malgré la fièvre, Daniel avait tout de suite compris que sa décision était sans appel. Le médecin avait bien tenté de ramener Faustine à la raison :

— À quoi cela servirait-il ? Et puis tu ne vas pas laisser Valérie toute seule ?

— Je viens avec vous. Point.

— Faustine, explique-moi à quoi tu seras utile à l'hôpital.

La jeune femme s'était levée, et, tout en montant les escaliers pour aller chercher leur fille, avait ajouté avec un calme froid :

— Laisse tomber, Gérard. J'accompagne mon homme. Il est bouillant de fièvre, et il ne voit plus. J'espère que rien d'autre ne l'attend. Mais tant qu'on n'a pas fait le tour de la question, je ne le quitte pas. Je vais réveiller Valérie.

Une fois Daniel installé dans l'ambulance, mère et fille s'étaient glissées dans la voiture du médecin. Les questions avaient commencé.

— Tu en penses quoi ?

Gérard avait été une fois encore surpris par le ton froid de Faustine. Depuis qu'il connaissait le couple, il avait gardé d'elle une image inébranlable de jeune femme joyeuse et rayonnante : lorsqu'ils s'offraient une soirée entre amis, il ne manquait jamais de la taquiner en l'appelant « l'éternelle fiancée ».

En cette fin de nuit, c'était un visage dur et froid qu'il voyait fugitivement dans son rétroviseur. Il répéta patiemment les paroles raisonnables qu'il avait prononcées en appelant l'ambulance :

— Je te l'ai dit, on dirait bien une très forte grippe, mais il faut absolument procéder à des examens pour trouver l'origine de sa cécité.

— Je ne t'ai pas demandé ton diagnostic, Gérard. Je t'ai demandé ce que tu en pensais.

Gérard pila sur ses freins.

— Holà ! Désolé, Faustine, je te regarde et je perds la route de vue. J'ai failli me payer l'arrière de l'ambulance.

— Ne me regarde pas, réponds plutôt.

— Alors arrête de prendre cette voix froide comme si j'étais responsable de la situation. Bon... Voici ce que j'en pense : la grippe « A » n'a pas dit son dernier mot. On en a suffisamment parlé un peu partout. Il est possible qu'il en soit victime : une fois à l'hôpital, nous serons fixés en moins d'une heure.

— Et pourquoi ne voit-il pas ?

— Je n'en sais rien. Cela n'a peut-être aucun lien.

— Mais peut-être que si.

— En effet.

— Tu connais des cas similaires ?

— Non.

— Tu as lu des choses là-dessus ?

— Non. La grippe A, dont le très médiatique virus H1N1 est responsable, peut entraîner nombre de complications, mais souvent, on ne constate rien de particulier. Je veux dire : mis à part de fort symptômes, précisément ceux dont Daniel souffre.

Gérard n'avait pas été plus loin, car il n'en savait pas plus. Entre-temps, Faustine s'était murée dans le silence. Durant le reste du trajet, il avait de temps à autres jeté un regard à l'arrière du véhicule : la jeune femme regardait dans le vide, caressant la tête de sa fille endormie sur ses genoux.

Au moment où le panneau « Bollène » apparût dans la lueur de ses phares, Gérard rompit le silence :

— Nous y sommes presque. Nous allons pouvoir poser un diagnostic sur tout cela.

Faustine ne dit rien. Une fois à proximité de l'hôpital Louis Pasteur, il ajouta encore :

— Nous ne pouvons pas suivre l'ambulance. Nous allons passer par l'entrée principale et ensuite rejoindre Daniel aux urgences. Ça va, Faustine ?

— Non.

Le médecin se retourna. Son visage s'était encore durci.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Valérie. Elle est toute chaude.

 

*

 

Les locaux du Centre étaient situés dans une zone d'activités banale de la banlieue bruxelloise, non loin du siège de l'OTAN. Une société de services spécialisée dans la réalisation de projets informatiques en assurait une parfaite couverture : il y avait pas moins de cinquante entreprises exerçant les mêmes activités dans un rayon de dix kilomètres.

Depuis que la France avait annoncé son souhait de réintégrer le commandement intégré de l'Alliance, elle avait participé activement à nombre d'initiatives en matière de lutte contre le terrorisme : parmi elles, la modernisation des méthodes d'investigations électroniques avaient donné naissance au Centre Interallié de Lutte contre le Terrorisme Informatique. Officiellement, sa mission consistait à déceler toute tentative d'action terroriste « ayant pour cible des systèmes d'information, ou faisant usage de ceux-ci ». Sa création avait été acceptée du bout des lèvres quelques années plus tôt par l'administration Bush, qui restait accrochée à ses méthodes datant de la guerre froide, dont le système « Échelon » était le digne héritier. Celui-ci consistait à faire digérer des millions de messages sous toutes leurs formes à des ordinateurs surpuissants, en quête de traces d'activités terroristes. En réalité, il se disait un peu partout au sein de l'OTAN que les États-Unis avaient trouvé dans le mandat confié au CILTI un complément idéal au travail de bénédictin automatisé que « Échelon » prenait en charge.

Les méthodes du CILTI différaient radicalement de celles de l'administration américaine : au lieu de lancer une battue systématique sur des millions de messages, emails, échanges « peer to peer », vidéos en flux continu et autres objets électroniques circulant sur les autoroutes de l'information, le Centre privilégiait des opérations plus ponctuelles, destinées à « faire sortir du bois » les échanges litigieux, dont les auteurs ou destinataires étaient ensuite mis sous surveillance. S'en suivait un travail d'espionnage plus classique, pris en charge par les états qui pouvaient en tirer le plus grand avantage. C'est ainsi que quelques libérations d'otages en Afghanistan avaient récemment pu être facilitées. Milos était intervenu dans le cadre de leur dernière opération.

Sabrina fit glisser son badge d'accès dans le lecteur et présenta sa main droite sur la plaque de reconnaissance digitale. Une fois entrée dans le sas, elle s'empara du stylet électronique et apposa sa signature sur le petit panneau gris situé à hauteur de visage. La porte opposée du sas, donnant sur les locaux du Centre, s'ouvrit après cinq secondes.

Elle se dirigea ensuite vers la salle de réunion où l'attendait Morhange.

— Bonjour, monsieur.

— Bonjour, Sabrina. Comment se porte notre pirate ?

— Il récupère, dit la jeune femme en posant son sac à main sur la table. Selon moi il n'a pas dormi ces dernières nuits.

— Je peux comprendre cela.

— Qu'ont donné les renifleurs ?

— C'est un succès. Ils ont trouvé l'origine des chalutiers. Ils ont été lancés depuis la Chine dans leur grande majorité, comme nous l'avions prévu. Venez voir à quoi ressemblent leurs filets de pêche.

Depuis des années, plusieurs pays – principalement l'Inde – bataillaient ferme pour se protéger d'innombrables agressions informatiques. Nombre de sociétés, qu'elles soient conceptrices de logiciels, ou qu'elles aient commandé de nouveaux systèmes informatiques « clé sur porte », sous-traitaient leur mise au point dans des pays où la main d'œuvre était d'excellente qualité mais d'un coût moins élevé qu'en Occident. L'Inde, le Pakistan, Taïwan, l'Indonésie... autant de régions qui luttaient avec difficulté contre le vol de propriété intellectuelle , dont la plupart étaient dus à des actes de piraterie informatique.

Sabrina s'assit en face de son supérieur. Sur le mur écru de la salle de réunion vint se peindre une carte du monde, où des zones plus claires et plus sombres symbolisaient le jour et la nuit.

— Voici la situation à trois heures du matin, dit Morhange.

— Il n'y a encore rien à cette heure.

— Nous allons lancer l'animation. Chaque seconde représente un temps écoulé de cinq minutes.

En Europe, dans la partie ouest de l'arc alpin, un point circulaire jaune vint s'inscrire.

— Voilà le barrage d'Émosson, dit Sabrina.

— En effet. Vous pouvez féliciter notre recrue : nous savions grâce à vous qu'il était en Belgique, et malgré cela nous n'avons pas pu repérer le point d'origine de son attaque sur la centrale de Vallorcine. Regardez ce qui suit.

En quelques instants, une multitude de points rouges s'allumèrent sur le globe, la plupart en Asie, avec une forte concentration dans les grandes villes chinoises.

— Voilà les chalutiers, dit Morhange. Ils sont prêts à jeter les filets. Nos renifleurs ont failli être saturés. Les médias prétendent que la centrale n'est pas reliée à Internet. C'est de la poudre aux yeux : tout ce que la planète compte de « veilleurs de nuit » sur le Net s'est réveillé en à peine quelques minutes. Regardez-ça : même en filtrant les données pour éliminer les hackers à la petite semaine, c'est comme si nous avions donné un coup de pied titanesque dans la fourmilière.

Partout sur la carte, les points naissaient, puis, comme un essaim d'insectes, convergeaient vers l'Europe. Sabrina savait qu'il s'agissait d'autant de coups de sonde destinés à chercher le hacker – ou à défaut, sa victime – et en apprendre le plus possible : qui, quoi, et surtout comment. À peu près un tiers de l'activité, cependant, se concentrait vers l'Inde et le Pakistan. Sabrina enchaîna :

— Pourquoi s'acharnent-ils sur ces pays ? Nous sommes à T + 30 minutes : à ce moment tout le monde devait savoir que l'incident s'était passé en Europe.

— Il y a deux explications à cela. D'abord, il y a beaucoup de trésors industriels à y trouver : les tentatives de pénétration y sont quasi permanentes. Nous les avons mesurées à cette occasion, mais si nous refaisions l'expérience demain sans « opération spéciale » comme celle de cette nuit, il est probable que nous obtiendrons des résultats comparables pour ces pays. Ensuite, nous supposons que certains hackers chinois ont tenté leur coup vers ces pays en imaginant que ces derniers baisseraient la garde pendant l'heure qui a suivi l'incident.

— Et que pouvons-nous en déduire ?

— Nous en avons pour des semaines à analyser toutes les informations que nous avons glanées. Cette nuit, nous avons donné un coup de flash sur une scène : si nous rééditons la chose trop tôt, nous serons repérés, et nous devrons concevoir de nouveaux moyens d'investigation. Nous allons donc utiliser « la chute des dominos », mais avec parcimonie. Mais nous pouvons déjà fournir de précieuses informations à notre commandement.

— Et en ce qui concerne le terrorisme ?

— Je viens de vous le dire, Sabrina, dit Morhange avec humeur. Les analyses ont à peine démarré.

La jeune femme accusa le coup. Son supérieur n'appréciait pas qu'elle lui rappelle le côté « limite » de cette opération. Tous deux savaient que la tentative de cette nuit pouvait leur ramener des informations intéressantes pour la lutte contre le terrorisme, mais il était manifeste que le but poursuivi était tout autre. Il s'agissait de fournir à leur hiérarchie les preuves factuelles de la responsabilité des autorités chinoises dans le piratage informatique organisé. Sans compter que l'opération avait eu des conséquences locales non négligeables dont Morhange n'avait visiblement rien à faire. Sabrina changea de sujet :

— Nous considérons donc que Milos fait désormais partie du Centre ?

Morhange ne répondit pas tout de suite. Il regarda la jeune femme dans les yeux, lui laissant deviner sa réponse :

— Lorsqu'il nous aura livré la « chute des dominos ».

Sabrina protesta :

— Monsieur, nous avions promis...

— Sabrina, vous savez très bien quelle est notre mission. À l'avenir nous devrons impérativement être à même de lancer une opération comparable sans son concours. Milos nous a expliqué le principe de la « chute des dominos » mais pas le détail de son fonctionnement. Nous ne pouvons pas encore le considérer comme fiable.

— Milos est fiable, monsieur, insista Sabrina. Vous m'avez demandé de faire en sorte qu'il le soit.

— Vous avez œuvré à ce qu'il allume un feu cette nuit, pour éclairer le visage de ceux que nous souhaitions démasquer. C'est chose faite, ou presque. J'imagine volontiers qu'il a été satisfait de sa récompense.

Sabrina encaissa le sarcasme sans broncher. Il poursuivit :

— J'admets que Milos a fait exactement ce que nous voulions. Il s'est livré à un acte de piraterie informatique spectaculaire et sans grandes conséquences. Il a obéi aux ordres, ce qui prouve qu'il a assez peu de scrupules, mais au risque de me répéter, cela ne fait pas de lui un homme fiable.

— Demandez-lui de venir travailler au Centre. Il travaillera à documenter « la chute des dominos » et formera notre équipe. Ainsi vous pourrez juger sur pièce.

— Il n'en est pas question. Je ne lui ferai confiance que s'il nous livre d'abord ce que nous lui demandons. Nous prendrons le temps d'analyser le fruit de son travail sans qu'il pose ses mains sur un clavier dans nos propres locaux. Ensuite seulement nous verrons comment collaborer avec lui. D'ailleurs, ne deviez-vous pas nous fournir une copie du disque dur de son précieux portable ?

Sabrina jeta un œil sur son sac à main, puis revint à Morhange :

— Je n'y suis pas encore parvenue. Et pour ce qui est de le convaincre à vous livrer ce que vous voulez... J'ignore si je pourrai obtenir cela de lui.

— Je suis sûr que vous trouverez les arguments.

La jeune femme sentit son dos se raidir. La condescendance de son supérieur la transformait lentement en une statue glacée. Il était temps de conclure cette conversation.

— Il me faut encore quelques jours.

— Je vous donne deux nuits.

— Monsieur ! Je...

— Ne le prenez pas de mauvaise part, Sabrina. J'ai plus de trente ans d'avance sur vous dans l'exercice de la persuasion. Je sais où et comment cela va se régler. Je ne vous juge pas. Je veux « la chute des dominos ». C'est tout.

Morhange lui adressa un petit sourire satisfait. La jeune femme se leva en décidant de ne pas livrer le précieux contenu de sa caméra tout de suite. Il lui donnait deux nuits : il allait attendre deux nuits. Elle lui rendit son regard.

— Je vous raccompagne, dit-il. J'ai envie de respirer un peu d'air frais.

Sabrina fut surprise mais ne cilla pas. C'était bien la première fois que son supérieur l'emmenait jusqu'à la porte du Centre.

Ils se servirent du sas l'un à la suite de l'autre, puis arrivèrent sur le parking. Morhange lui serra la main.

— Bonne chance. Et n'oubliez pas de féliciter notre allié.

— Merci monsieur.

Sabrina tourna les talons, écœurée. Morhange avait osé qualifier « d'allié » un homme vis-à-vis duquel il ne témoignait que du mépris. En s'éloignant, elle entendit les portes de l'entrée s'ouvrir à nouveau. Pour un homme qui voulait s'aérer, il est bien pressé de rentrer, pensa distraitement la jeune femme en serrant son sac à main contre elle.

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Une humilité passagère

 

Une sculpture ou un portrait

Révèlent peu ce qu'est une âme,

Seulement d'éphémères traits,

Sombres ou clairs, des yeux sans flamme.

...

Quand des éloges se répètent

Venant de l'esprit et du coeur

On conserve des noms en tête,

Des émois et de la ferveur.

...

Nombreux êtres, de grand mérite,

Qui furent souvent honorés,

Que l'on admire, que l'on cite,

N'ont laissé d'eux aucun portrait.

...

Parfois, quand l'envie me surprend

De vouloir rendre un tendre hommage,

À un être que je comprends,

Qui m'attendrit par son courage,

...

Ou qui, par son talent, m'enchante,

Je n'ose pas. Or, si des mots,

En s'associant, se présentent,

Je juge pauvres leurs propos.

...

Néanmoins, par pure habitude,

Je les transcris, les mets en vers.

Se transforme ma certitude.

Mon hommage sera offert.

...

5 août 2012

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Alvéoles (8)

Attaques

Un acte de piratage informatique cause d'énormes dégâts au village de Finhaut

Cette nuit vers 03:05, un pirate informatique s'est introduit au sein du système de commande de la centrale électrique de La Bâtiaz, non loin de Martigny. Cette centrale, qui exploite les eaux du barrage frontalier d'Émosson, appartient au réseau qui alimente en énergie une bonne partie du Valais et fournit en été quelque 250 Gigawatts à notre réseau fédéral.

L'intrus a réussi à prendre le contrôle du système complexe de vannes qui régulent le débit du barrage ainsi que son alimentation en eau. Dans un premier temps, il a activé la procédure d'urgence de vidange du barrage principal, ce qui a immédiatement alerté les agents de permanence basés à Vallorcine, où se situe un des deux systèmes de turbines du complexe.

Les opérateurs ont rapidement établi qu'aucun membre du personnel n'avait, ni sciemment, ni par erreur, procédé à l'ouverture des vannes. C'est en donnant l'ordre de leur fermeture que l'hypothèse d'un piratage s'est muée en conviction : en effet lorsque l'ordre de fermer les vannes a été transmis, celui-ci a été interprété a contrario par le système de commandes : non seulement la vidange n'a pas été interrompue, mais en plus, l'alimentation du barrage à partir du bassin des Esserts, commandée depuis Vallorcine, a été déviée directement en direction de la vallée, doublant le débit d'évacuation. La zone située en aval de Finhaut s'est rapidement retrouvée inondée, malgré l'intervention rapide du personnel, qui a interrompu la procédure manuellement et repris le contrôle du débit.

Même si l'incident n'a pas fait de victime, les dégâts sont considérables dans la vallée, juste sous le village, dont l'accès restera coupé tant que le viaduc n'aura pas été inspecté et sécurisé par les Ponts et Chaussées. Plusieurs jours seront probablement nécessaires pour obtenir une estimation du coût global de cet acte de piraterie.

Au-delà des dégâts proprement dits, on peut s'interroger sur le modus operandi utilisé par le (ou les) hacker(s), qui ont réussi à modifier les paramètres de gestion du système de vannes de telle sorte que les ordres donnés par les opérateurs soient interprétés différemment par la machinerie. Plus inquiétant encore : afin de le protéger contre les tentatives d'intrusion, le système de commande informatisé n'est pas relié à l'internet. « Non seulement aucune trace de pénétration n'a été détectée dans les systèmes eux-mêmes, témoigne Erik Netz, le porte-parole de l'Alpiq, propriétaire à 50% de la centrale, mais il n'existe pas de « porte d'entrée » informatique susceptible de livrer le passage à un pirate ». L'enquête promet d'être longue, tandis que le débat se porte déjà sur le plan politique, relayé notamment par (…)

 

Milos en savait assez ; il déposa avec satisfaction son ordinateur sur la table de nuit. Sabrina avait enfilé un de ses survêtements pour aller chercher le petit-déjeuner. Il la trouvait terriblement sexy dans cet accoutrement.

Elle dût le percevoir, car elle projeta avec amusement ses yeux dans les siens, avant d'enlever d'un geste le sweat-shirt, livrant ses seins aux regard de Milos, puis à ses mains.

 

*

 

Dominique avait posé le thé sur la table de nuit, et attendait patiemment que sa jeune mariée se réveille.

Jamais il n'aurait espéré être si heureux.

Ce n'était pas tant leur mariage, ni la délicieuse nuit qu'ils avaient partagée qui contribuait à son bonheur de l'instant : il était tout simplement sûr d'avoir fait le bon choix. Quelque chose de plus fort qu'eux-mêmes les unissait : cette idée s'imposait à lui comme une évidence.

À chaque fois qu'ils en avaient parlé, Judith aussi avait exprimé le même ressenti. Il y avait entre eux, et autour d'eux, quelque chose comme un lien qui les précédait et leur survivrait. Ni l'un ni l'autre n'en étaient au début de leur vie amoureuse : à trente six ans chacun, ils avaient déjà l'un et l'autre aimé, « désaimé », souffert, compliqué bien des choses, pris du temps pour eux, alterné les périodes solitaires et les saisons plus ou moins tumultueuses.

Une amie de Judith leur avait dit un soir : « Certains êtres sont reliés, qu'ils le veuillent ou non : parfois ils passent toute leur vie à se chercher, à peine conscients de l'existence de ce lien. Ils se trouvent parfois dès leur enfance, ou alors bien plus tard, quand ils sont mariés, et mènent chacun leur vie. Mais s'ils se croisent, ils s'accrochent inévitablement, et quelque chose les submerge, une conviction comme : c'est en sa compagnie que je suis moi-même. Un peu comme s'ils étaient mariés avant même de se découvrir».

Elle n'aurait pu mieux dire , car Dominique ressentait exactement cela, au plus profond de son être. Depuis cette nuit, il comprenait aussi à quel point Judith pouvait ressentir la même chose.

Peut-être même en plus fort, si c'est possible, se dit-il.

Leur rencontre ne les avait pas vraiment poussés l'un vers l'autre. Judith avait perdu deux amis dans une affaire criminelle très spéciale : une mort, une disparition. Il enquêtait, elle témoignait. Il avait été dessaisi de l'affaire, qui avait été très rapidement classée – trop rapidement selon Dominique. Il avait eu la mauvaise idée de tenir quelques propos amers en présence de personnes influentes, et d'afficher trop vite sa relation avec Judith. Il avait démissionné quelques semaines plus tard.

Peu après, ils s'étaient retrouvés au cours d'une de leurs soirées en tête-à-tête, à dévorer des tagliatelle au ragoût d'aubergines et copeaux de truffe – une des nombreuses spécialités de Dominique. Judith avait tout à coup perdu le sourire :

— Tu sais, Mimmo, je ne voudrais pas que tu aies un jour un mauvais arrière-goût...

— À quel propos ?

—  À propos de notre histoire.

— Que veux-tu dire ?

Judith, à qui Dominique disait souvent combien il aimait lorsqu'elle était « cash », s'était mise à hésiter.

— Tu comprends, il y a pas mal de gens à qui nous avons caché les circonstances réelles de notre rencontre...

— Je sais cela, Judith, nous avons convenu de ne dire que le strict minimum, ce n'est pas un mensonge pour autant.

— Ce n'est pas cela : ce que je veux dire, c'est... je ne voudrais pas qu'un jour ce passé te pèse, ou que tu imagines que nous avons bâti notre relation sur les cendres de mes amis disparus.

Dominique lui avait pris la main, puis attendu un instant avant de lui demander :

— Tu veux savoir ce que j'en pense ?

Elle avait fait un signe affirmatif de la tête.

— Je pense que nous n'avons pas « bâti » ni « noué » une relation, je pense plutôt que nous la vivons, et qu'elle se nourrit de notre amour. Je pense que cet amour était là avant nous, qu'il n'était qu'un rêve, et qu'il est venu s'inscrire dans le monde réel lorsque nous nous sommes rencontrés. Les circonstances n'ont rien à voir là-dedans.

— Oui, mais tu as démissionné peu après.

— C'est la meilleure idée de toute ma carrière, tu le sais bien. Je suis parfaitement satisfait de mon orientation professionnelle. Et toi, que dire de ta maison qui a failli être détruite ?

— Elle a pu être décorée comme nous le voulions. Nous n'avons eu que des compliments.

— Alors, de quoi devrions-nous nous plaindre ?

— De rien... j'ai juste parfois peur que tu regrettes tes choix, ou les nôtres.

— Tu as peur de les regretter, toi ?

— Non, pas du tout.

Dominique avait levé son verre :

— À la femme que j'aime. Moi non plus je n'ai pas peur. Et j'estime ne pas avoir fait de « choix » : je me suis juste laissé guider par mon bon sens de Sicilien, qui sait toujours comment faire venir le bonheur à lui.

Judith avait repoussé sa chaise, et, le verre à la main, était venue s'asseoir sur les genoux de son homme.

— À l'homme que j'aime, et que j'aime tant rendre heureux.

— Tu peux être fière : personne n'y était arrivé avant toi.

Elle avait fermé les yeux en l'embrassant, dans un signe de confiance et de quiétude qui ressemblait comme deux gouttes de Limoncello à ce qu'exprimait maintenant son visage endormi.

Les parfums de thé avaient envahi la chambre : sa belle n'allait pas tarder à ouvrir les yeux.

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Soif de Lumière


Comme la rosée chaque matin,
J’arrose de larmes mon jardin
Et j’en vois les lettres épanouies.
Leurs pétales colorés accueillent
Les doux baisers de la Lumière.
Les mots gorgés d’amour renaissent,
Mes phrases frémissent sous les caresses
Des regards tendres de cette Lumière

Étincelante et irisée.
O belles caresses tant désirées !
Caresses aimantes, réitérées
Sur le satin de mes pensées
Pour le bonheur de mes rosiers
Offrant leurs bourgeons aux baisers
De la brise échappée au vent !
Passez encore sur mes velours !
Caressez-en dos et contours !
Leurs cœurs n’en battront que prières
Pour que cet amour désaltère
La soif des fleurs à la Lumière.

Khadija, Agadir, Jeudi 02/8/2012
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Article de mon Agent

« Julie Laï-Pei ou l’émergence d’une artiste »



La toute jeune Julie Laï-Pei crée l’événement dès sa première exposition, dévoilant un indéniable talent qui par son âge, 19 ans, laisse augurer un avenir plus que prometteur…

Elève de l’école Pivaut à Nantes, se destinant plus particulièrement à l’illustration, Julie Laï-Pei s’intéresse aux arts plastiques depuis toujours –pourrait-on dire-, tant le dessin fait partie intégrante de son quotidien, ainsi adolescente s’adonnait-elle à l’art du manga, la culture japonaise l’attirant fortement… Ayant choisi la filière arts appliqués, elle a également très tôt croqué scènes et personnages de son environnement sur ses carnets…
Ainsi a-t-elle développé de réelles qualités de dessinatrice, sachant saisir une attitude, appréhender l’instant…

Se documentant beaucoup, étudiant l’histoire de l’art, Julie s’est depuis une pleine année tournée vers la peinture, trouvant dans l’abstraction une forme d’expression propice à une écriture personnelle, en phase avec son univers intérieur riche d’une poétique existentielle libre et plurielle.

Dès ses premières toiles, le geste est là, maîtrisé et spontané tout à la fois.

Travaillant une palette réduite aux noir, blanc, violet et rouge, elle possède un sens instinctif des fondus, crée des évanescences noires, anime la surface picturale de signes qui rappellent la calligraphie orientale (assurément une réminiscence intuitive de ses racines chinoises paternelles), couvre ses toiles de zones colorées grattées, griffées, démontrant l’importance fondamentale de la matière dans ses compositions d’une réelle densité plastique.

Julie investit la technique du dripping, tout en expérimentant tous les possibles du champ pictural, se révélant proche d’un abstrait lyrique mais pas seulement…
Elle réinvente gestuelle et langage, cherche à pénétrer entièrement l’acte créateur, à se l’approprier pour mieux le dominer jusqu’à créer –qui sait… un jour- une voie originale et autre…

La peinture de Julie Laï-Pei est époustouflante de maturité, là où certains mettraient une décennie à apprivoiser technique et traitement, Julie a déjà tout assimilé et peut tendre à une affirmation de son « moi » artistique… mais ce serait bien mal la connaître que s’imaginer qu’elle puisse s’en enorgueillir...
Humilité et travail sont l’apanage des grands…
Julie n’en est qu’à ses débuts, son parcours à ses balbutiements mais je ne doute pas de sa volonté et sa capacité à bâtir une œuvre diseuse d’humanité et de vérité, digne de nos espérances…

Prêtons-lui attention, suivons-la au fil de ses créations et expositions, soutenons son travail et le futur nous donnera raison…

De la chrysalide émerge une authentique artiste, accordons-lui notre confiance…

Julie Laï-Pei nous éblouira !




Nathalie Lescop-Boeswillwald
Docteur en Histoire de l’art
Agent d’art, critique
Directrice de l’espace NLB-Limoges
Et de Espace NLB Galerie en ligne.

 

 

_________

 

 

Remerciements à toi, ma chère Thalie, pour ton soutient, tes encouragements, qui me motive pour aller de l'avant, à me découvrir au travers de mon travail, me découvrir au travers de ces belles rencontres...

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Ailleurs

 

Dans mon salon, chaque matin,

Ma tasse de café en main,

Savourant la dernière goutte,

Je reste immobile à l’écoute.

Ma mémoire, sans me lasser,

Me reconduit dans le passé,

À la rencontre de moi-même.

Je soliloque sur un thème.

Quand la nécessité s’impose,

Je mets fin à ma longue pause,

Sors de mon salon, à regret,

Continuant à palabrer.

Je m'étonne n’avoir plus d’yeux

Pour ce qui le rend chaleureux.

Ailleurs, d'indicibles richesses

Renouvellent mon allégresse.

...

20 juin 2007

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Rencontre,

 

Amour,

homme,

vie,

écoute réciproque,  absolue,

prolongement de mes rires, de mes larmes,

battements de cils à deux, simultanément,

sourires multipliés, doublés,

plein soleil,

rires désaltérants,

ciel de rêve.

Mots dont les peaux complémentaires

s’appellent, s’attendent, se rapprochent,

se touchent, avec délicatesse se goûtent,

bouches nues :

Alphabet tactile ;

recevoir, comprendre.

Être debout, à l’instar d’une jeune pousse,

d’une rose éblouissante,

nouvellement née.

Tout recommencer, regarder l’instant,

toile superbe,

aiguille d’or sur elle passant, caressante,

horloge vivante,

éveil de plus en plus grand,

large et bleu :

Mer traversée à deux,

entre enlacements et baisers,

regards aérés, un peu troublés,

mêlés, donnés.

Géographie secrète, personnelle ;

nouveau monde.

Amour,

homme,

vie,

Nous.

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Alvéoles (7)

Faustine avait mal au ventre. C'est à peine si elle avait mangé : voir son mari dans un tel état lui avait coupé l'appétit. Daniel était monté dans la salle de bains et était resté un long moment silencieux. Il avait vieilli de dix ans en moins d'une heure.

Faustine sortit de la chambre de sa fille et l'interrogea :

— Valérie n'a rien remarqué ?

— Elle ne m'a rien dit. Et de toutes façons lorsque je l'ai couchée, je ne ressentais encore rien.

— Et maintenant ?

— Ma température monte, ça, je le sens. J'ai des courbatures partout, des frissons, la totale, quoi. Pour le reste... rien de particulier.

— C'est ta tête qui m'inquiète.

— Oui, là, je t'avoue que je n'y comprends pas grand-chose. Mais bon, j'ai de l'appétit, je suis lucide. Je vais aller dormir, et...

— Tu n'appellerais pas Gérard ?

— Que veux-tu qu'il fasse ? À part constater que j'ai chopé une grippe ?

— Daniel, tu t'es vu dans le miroir, oui ou non ?

Le petit « bip » émis par le thermomètre que Faustine lui avait glissé sous le bras – presque de force – interrompit la conversation. Daniel lut les chiffres et écarquilla les yeux.

— Alors ? s'impatienta sa femme.

— D'accord. Attrape le téléphone.

Jusqu'ici le thermomètre n'avait servi qu'à Valérie. Comme bien des parents, ils avaient déjà passé bien des nuits à veiller leur fille, et à lui faire absorber de quoi faire redescendre sa température. Trente-neuf, trente-huit... Toutes ces nuits grises, rythmées par les mains passées sur son front, les épisodes de mauvais sommeil, pour découvrir quelques heures plus tard, non sans soulagement, leur coquine en bien meilleure forme.

La migraine prenait lentement possession de la tête de Daniel, tout comme les raideurs enchaînaient progressivement sa nuque. Il avait aussi fort mal aux yeux. Il faillit interrompre sa tentative d'appel lorsqu'il entendit la voix de leur ami. Il prit un air dépité :

— C'est le répondeur.

— Laisse un message.

— Chérie, il n'est peut-être même pas de garde !

Faustine lui prit le combiné des mains, avec une douceur qui contrastait avec la dureté de son regard. Il en profita pour s'allonger dans le canapé. Les maux de tête redoublèrent, mais au moins les courbatures se firent plus discrètes.

— Gérard, pourrais-tu me rappeler dès que possible, s'il te plaît ? Pour une fois, ce n'est pas pour Valérie que je t'appelle : c'est pour Daniel. Je suis inquiète. Il n'est pas bien du tout, et... si je dois croire ce que je vois... il a quarante et un de fièvre.

Elle déposa le combiné et posa à nouveau un regard dépité sur son homme qui frissonnait.

— Je monte voir si Valérie n'a pas trop chaud et je te ramène une couverture. Tu veux quelque chose ? Tu as soif ?

— Non, merci. J'ai juste froid.

Faustine gravit les escaliers et fit un détour par la salle de bains pour se laver les mains. Elle ne savait pas à quel point ce qu'avait attrapé Daniel pouvait être contagieux, mais elle ne voulait courir aucun risque.

Comme à son habitude, Valérie s'était débarrassée de ses couvertures et dormait profondément, sur le dos, jambes et bras aux quatre points cardinaux. Leur fille avait toujours eu un sommeil profond, serein, presque dominateur. Sa maman approcha la main de son front, et poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle sentit la peau tiède de son enfant. Elle la recouvrit et se dirigea rapidement vers leur chambre pour aller chercher la couverture.

En repassant devant la porte ouverte, Faustine entendit sa fille bouger pour se débarrasser à nouveau de sa couette. C'était bon signe : Valérie ne supportait d'être couverte pour dormir que lorsqu'elle couvait quelque chose. Le reste du temps , il ne lui fallait pas plus d'une minute pour se débarrasser de tout ce qui pouvait la gêner ; draps, couvertures, peluches.

En descendant les escaliers elle lança :

— Notre fille a fait comme d'habitude : son lit est un véritable chantier. Et toi, tu te sens comment ?

Elle n'entendit aucune réponse. Elle accéléra sa descente.

— Chéri ? Tu dors ?

Il dormait en effet, en position fœtale, dans le canapé. Elle le couvrit et lui caressa les cheveux. Daniel s'était mis à transpirer. Il remua :

— Excuse-moi, je me suis assoupi. Quelle heure est-il ?

— Eh bien, vingt-trois heures. Je suis montée il y a deux minutes à peine.

— Houlà. J'ai cru que je m'étais endormi pour de bon.

Daniel ouvrit les yeux, jeta un regard vide en direction de sa femme et lui dit :

— Tu as éteint la lumière ?

 

*

 

Sabrina et Milos s'étaient envoyés en l'air deux fois de suite, avec force, presque avec bestialité, et malgré cela dans un silence quasi religieux. Milos avait particulièrement apprécié les fougueuses attentions de sa partenaire, qui avait tout fait pour répondre avec ferveur à son empressement. Après le second assaut, sa partenaire l'avait tenu en elle aussi longtemps que possible, tout en posant une main au creux de ses reins, et l'autre dans le haut du dos. Elle avait souri lorsqu'il avait fermé les yeux avant de s'endormir presque aussitôt.

Sabrina sortit de la douche. Milos ronflait. La partie la moins agréable de la nuit allait commencer : elle aurait tant voulu dormir seule... il lui faudrait supporter le matelas trop mou de son pirate. Sans compter qu'au réveil elle remettrait cela : baisers bouche pâteuse, barbe naissante et menton dans le cou, poids sur vessie pleine... Sabrina n'aimait vraiment pas faire cela avant midi, mais avec Milos, cela avait quelque chose de différent. Il y avait de la reconnaissance dans ses yeux, même au petit matin, et la jeune femme trouvait cela mignon.

Elle s'assit à côté du jeune homme endormi et alluma une cigarette. Son regard parcourut le corps du hacker. Pour une fois qu'elle avait l'occasion de séduire un type dans son genre, elle n'avait pas trop à se plaindre. Dans l'immense majorité des cas, ils étaient bien plus âgés. Ce que ces hommes gagnaient en fierté – Sabrina se savait très attirante, et ils aimaient s'exhiber en sa compagnie – ils le perdaient malheureusement en imagination. À croire que les hommes d'une certaine génération avaient été initiés au sexe par un seul et unique bataillon de soubrettes inhibées.

Tout bien compté, elle vivait de bons moments avec Milos. Il réussissait même souvent à la faire jouir. La première fois, presque par hasard, et sans en avoir le moindre soupçon. En revanche, elle lui avait fait croire sans difficulté aucune qu'elle avait atteint l'orgasme bien plus souvent.

Elle souffla la fumée de sa cigarette dans la direction de Milos. Aucune réaction. Pas même un soupçon de changement dans la mélodie régulière de ronflements. Il était dans une phase de sommeil profond. Elle se mit au travail.

Il aurait été bien imprudent de tenter d'ouvrir le précieux portable de Milos : un bon consultant en sécurité – surtout s'il s'agissait d'un pirate récemment converti – était suffisamment paranoïaque pour truffer son outil de travail de multiples pièges. En revanche, brancher un simple câble sur le port IEEE1394 n'éveillerait probablement pas son attention.

Elle fouilla son sac à main et en sortit une petite caméra vidéo équipée d'un disque dur. Le modèle en lui-même n'était ni récent ni haut de gamme, mais son contenu était pour le moins inédit et exclusif. Sabrina se saisit du portable de Milos sans quitter son propriétaire des yeux. Elle effectua le branchement, puis alluma la petite caméra. Le portable se réveilla en silence, et, sous les ordres du petit logiciel qui venait d'en prendre le contrôle, il entreprit docilement de déverser l'intégralité de son disque dur vers celui de la caméra.

Sabrina jeta un œil sur son pirate endormi. Quelques minutes suffiraient.

 

*

 

Sous les étoiles, le cylindre métallique se mit à vibrer.

Dix-huit heures après que Daniel eut procédé à son armement, la plaque métallique qui constituait sa base tomba sur le sol, juste entre les trois pieds. Durant quelques secondes, la vibration s'intensifia, et les parois brossées de l'engin se mirent à résonner.

La vibration se fit plus désordonnée, plus sèche aussi, au fur et à mesure qu'elle semblait prendre du volume. L'air au niveau du col se mit à vibrer. Quelques ombres noires et bruissantes, issues comme par bouffées au ras du sol, se mirent à tourner en rond à environ un mètre de hauteur, élargissant le cercle à chaque révolution.

S'il y avait eu un témoin à la scène, il aurait pu voir se former un nuage sombre et bruyant, tournoyant dans les airs, déployant progressivement des ailes courbées plus denses, comme la spirale d'une galaxie noire. Il aurait aussi pu voir se former trois branches plus denses, qui elles-mêmes se seraient mises à tournoyer sur elles-mêmes, tantôt plus haut, tantôt plus bas. Il aurait observé les tourbillons noirs s'éloigner et se rapprocher, comme sous l'effet d'une lente respiration.

Un bruit métallique se fit entendre au fond du cylindre, un peu comme un couvercle que l'on pose sur une casserole. Comme s'il s'agissait d'un signal, les trois tourbillons quittèrent la zone du col, se dirigeant chacun dans une direction différente.

C'est à ce moment que le témoin hypothétique aurait enfin pu comprendre ce qui se passait. Mais s'il avait été là à ce moment, il aurait très certainement été attaqué, et serait mort en à peine quelques secondes.

 

*

 

Denis Auger reçut le vingtième message sur son téléphone portable vers minuit trente.

Il rédigea un rapport succinct avant de s'endormir :

100% de réussite pour les couveuses de cette salve (34ème sur 35). J'attends les résultats du ramassage. Je me consacrerai aux deux dernières dans le 84 dès demain. L'échange peut avoir lieu à l'heure prévue.

Je vous rappelle qu'il est indispensable de disposer d'une procédure qui puisse confirmer que chaque porteur a été mis hors d'état de témoigner.

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Une famille attendrissante

 

 

À Dorval, le fleuve s'impose

Aussi vaste qu'un océan.

On n'y voit pas de goélands

Mais des mouettes s'y reposent.

...

Des canards, nombreux, sont superbes.

Ils sortent par groupes de l'eau

Et se mettent en quête d'un lot

De fraîcheur parfumée, sur l'herbe.

...

En glissant, une cane arrive

Suivie de ses huit canetons.

Ils se serrent dans son sillon,

À moins d'un mètre de la rive.

...

Elle se permet une pause.

Tout prés d'eux, s'arrête un passant.

On constate, en s'attendrissant,

Que c'est, pour elle, peu de chose.

...

La confiance est une grâce

Alors que la peur, on le sait,

Pousse à des gestes insensés

Quand elle arrive en une place.

...

Dorval (PQ) 2 août 2012

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Aphorismes de Suzanne Walther-Siksou

 

Quelques mots commençant par la lettre A

 

Adversité:

Face à l’adversité, nous éprouvons notre capacité à subir ou à nous défendre.

Affection:

L’amour rend souvent inquiet, l’affection rassure ou console.

Affection:

Quand notre tendresse déborde, nous nous montrons affectueux.

Affectivité:

Notre affectivité nous lie quelquefois à des choses ou à des lieux d’une façon indéfectible.

Affreux:

Généralement, la laideur ne nous affecte pas vraiment mais ce qui est affreux nous trouble et nous fait nous en détourner.

Affront:

Un affront est toujours ressenti comme une inélégance par ceux qui en sont les témoins.

Affront:

Un affront fait rougir, pâlir ou réagir avec plus ou moins d’à propos celui qui en a été la cible.

Âge:

On a l’âge que l’on sent avoir et le regret de celui que l’on a perdu sans retour.

Âge:

On n’est pas obligé d’avoir son âge mais la plupart du temps c’est tout comme.

Âge:

Quand on a atteint l’âge d’or on ne devient pas plus brillant pour autant.

Âge:

L’âge est du temps vécu d’où la relativité du poids que supporte chacun.

Âge:

L’âge d’une vieille personne a moins d’effet sur son comportement si en le croisant, elle l’ignore.

Agir:

Quand il s'agit de s'engager, agir n’est pas toujours possible.

Agir:

Il ne sert à rien de s’agiter quand il faudrait agir.

Agnostique:

L’agnostique est d’une confiance enviable, il ne craint ni le diable ni le bon dieu.

Agressivité:

L’agressivité habituelle d’une personne se retourne contre elle-même en la rendant antipathique.

Aide:

De moins en moins gratuite, l’aide se change en louage de service.

Aider:

Quand on se voit contraint d’aider, autant le faire de bonne grâce.

Aider:

On aide d’autant plus volontiers que l’on a peu d’efforts à faire.

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"Concentration intérieure", acrylique sur toile, 50x100

La toute jeune Julie Laï-Pei crée l’événement dès sa première exposition, dévoilant un indéniable talent qui par son âge, 19 ans, laisse augurer un avenir plus que prometteur…

Elève de l’école Pivaut à Nantes, se destinant plus particulièrement à l’illustration, Julie Laï-Pei s’intéresse aux arts plastiques depuis toujours –pourrait-on dire-, tant le dessin fait partie intégrante de son quotidien, ainsi adolescente s’adonnait-elle à l’art du manga, la culture japonaise l’attirant fortement… Ayant choisi la filière arts appliqués, elle a également très tôt croqué scènes et personnages de son environnement sur ses carnets…

Ainsi a-t-elle développé de réelles qualités de dessinatrice, sachant saisir une attitude, appréhender l’instant…

Se documentant beaucoup, étudiant l’histoire de l’art, Julie s’est depuis une pleine année tournée vers la peinture, trouvant dans l’abstraction une forme d’expression propice à une écriture personnelle, en phase avec son univers intérieur riche d’une poétique existentielle libre et plurielle.

Dès ses premières toiles, le geste est là, maîtrisé et spontané tout à la fois.

Travaillant une palette réduite aux noir, blanc, violet et rouge, elle possède un sens instinctif des fondus, crée des évanescences noires, anime la surface picturale de signes qui rappellent la calligraphie orientale (assurément une réminiscence intuitive de ses racines chinoises paternelles), couvre ses toiles de zones colorées grattées, griffées, démontrant l’importance fondamentale de la matière dans ses compositions d’une réelle densité plastique.

Julie investit la technique du dripping, tout en expérimentant tous les possibles du champ pictural, se révélant proche d’un abstrait lyrique mais pas seulement…

Elle réinvente gestuelle et langage, cherche à pénétrer entièrement l’acte créateur, à se l’approprier pour mieux le dominer jusqu’à créer –qui sait… un jour- une voie originale et autre…

La peinture de Julie Laï-Pei est époustouflante de maturité, là où certains mettraient une décennie à apprivoiser technique et traitement, Julie a déjà tout assimilé et peut tendre à une affirmation de son « moi » artistique… mais ce serait bien mal la connaître que s’imaginer qu’elle puisse s’en enorgueillir…

Humilité et travail sont l’apanage des grands…

Julie n’en est qu’à ses débuts, son parcours à ses balbutiements mais je ne doute pas de sa volonté et sa capacité à bâtir une œuvre diseuse d’humanité et de vérité, digne de nos espérances…

Prêtons-lui attention, suivons-la au fil de ses créations et expositions, soutenons son travail et le futur nous donnera raison…

De la chrysalide émerge une authentique artiste, accordons-lui notre confiance…

Julie Laï-Pei nous éblouira !

 

 

Nathalie Lescop-Boeswillwald

Docteur en Histoire de l’art

Agent d’art, critique

Directrice de l’espace NLB-Limoges

Et de Espace NLB Galerie en ligne.

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Soliloque sur les aphorismes

 

J’aime lire, restant brillamment exprimées,

Des idées me semblant devenues périmées.

J’actualise alors, en des phrases concises,

Redéfinis des mots d'une façon précise.

....

Nombreuses vérités sont accueillies partout.

Ceux qui osent en douter peuvent passer pour fous.

Pourtant certaines d’elles, semblant incontestables,

Deviendront coquillages, enfoncés dans le sable.

...

Des personnes âgées mais des jeunes aussi,

Se sentent paniquées soudain,  à la merci

D’une accélération qu’ils trouvent détestable.

Comment retrouve-t-on la douceur souhaitable?

...

Pour la plupart des gens adaptés, la magie,

Qu’engendre le progrès, a transformé la vie.

Ils se laissent guider, renoncent au contrôle.

Tout pourrait exploser, avant qu’ils ne s’affolent.

...

2 novembre 2010

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Alvéoles (6)

— Alors, Mimmo ?

— Attends, mon amour, ce n'est pas si facile.

Dominique cherchait ses mots depuis quelques minutes. Elle allait s'impatienter lorsqu'il dit :

— C'était... Comment dire ? C'était « infini ». Je ne peux pas mieux dire. Enfin, si : à la fois infini, et à la fois... jamais je n'ai éprouvé quelque chose d'aussi intime.

Judith était allongée sur son mari, les yeux fermés. Elle écoutait, et se disait qu'elle avait eu raison de se marier avec cet homme. Elle ressentait avec une étrange profondeur tout ce qu'il disait, chaque mot dans sa bouche, chaque nuance dans le ton de sa voix. Elle entendait tout cela avec tout son corps, au plus profond de son ventre, là où elle s'était toujours senti exister, à chaque instant de sa vie, là où les joies comme les douleurs prenaient vie.

Tout était parti d'un jeu. La seconde requête de Judith au maître d'hôtel était restée secrète jusqu'à ce qu'ils soient arrivés. Lorsque Dominique lui avait dit qu'ils pouvaient s'offrir le luxe d'une étape s'ils le souhaitaient, l'idée impertinente avait germé dans son esprit.

Arrivés à la petite maison, Dominique s'était tourné vers sa femme :

— Je peux assouvir un fantasme ?

— À mon avis, les circonstances s'y prêtent, mon amour. Dis-moi...

— J'aimerais non seulement porter ma femme dans mes bras jusqu'à notre lit, mais aussi j'aimerais que ma femme ait les pieds nus.

— C'est tout ?

— C'est mon fantasme.

— Respect, mon mari.

Et elle avait enlevé ses chaussures.

Une fois dans ses bras, elle avait dit à son oreille :

— Moi aussi j'ai un fantasme.

— Quoi donc ?

— Je voudrais te faire l'amour...

— ...Mmmh, jusqu'ici cela me plaît beaucoup.

— ...et au moment où tu jouiras...

— Oui ?

— ...je veux que tu avales...

— Je commence à moins aimer.

— ...une bonne gorgée de velours jaune.

Il s'était arrêté net.

— Tu en as ?

— Absolument !

Au restaurant, Judith avait repéré sur la carte le péché mignon de son mari : un Limoncello élaboré par Giaccomo Polli, son fabricant préféré. Le maître d'hôtel avait offert avec discrétion la précieuse bouteille à la jeune mariée. Ils devaient passer une semaine à proximité de Vaison-la-Romaine : ce serait leur boisson de jeunes mariés durant leur séjour.

Elle lui sourit :

— C'était ça, ma « seconde requête », au resto.

Dominique se tourna vers elle, d'un air faussement désabusé :

— Tu es tordue, tu sais ça ?

— Je suis surtout curieuse de voir ta tête à ce moment précis. « Le mâle dominant et le Sicilien réunis », ça promet d'être grandiose.

— C'est bien ce que je dis : tu es tordue.

— Bien entendu ! Ose me dire que tu l'apprends aujourd'hui.

— Aucun risque ! Que le velours jaune soit avec nous !

Ils avaient rapidement pris possession de la petite maison. Judith avait installé son mari confortablement au milieu du lit, puis l'avait adossé à tous les oreillers et coussins qu'elle avait trouvé dans la petite maison. La bouteille de Limoncello, toute froide contre son genou droit, s'était mise à tanguer doucement, au rythme des sensations partagées par les amants.

Était-ce leur mariage qui, subtilement, avait modifié leur perception des choses ? Était-ce le jeu proposé par Judith ? L'image virginale de sa femme désirée, les pieds nus, et son homme en elle, avec tant de lenteurs qu'ils en dégustaient chaque seconde ?

Lentement mais sûrement, la lueur des bougies avait enveloppé leurs corps, chauffé leur peau. Leurs voix s'étaient mêlées, les mots s'étaient fondus, de plus en plus flous et de plus en plus affirmatifs. La bouteille du précieux liquide fantasmagorique s'était éloignée du couple au moment où ils avaient entamé leur course finale au plaisir.

C'est alors que Dominique s'était souvenu du fantasme de sa femme, et qu'une idée lui avait traversé l'esprit : J'ai probablement une drôle de tête quand je jouis, alors avec un Limoncello dans le gosier... Une bouffée d'auto-dérision l'avait submergé. À la limite fou-rire, il s'était agrippé aux reins de sa femme, qui s'étaient affolés aussitôt. Tour à tour, chacun des amants avait répliqué, nourrissant leur plaisir à la source commune de leurs corps avec une avidité jamais égalée.

Parvenant peu à peu au sommet de cette spirale ascensionnelle, leur esprit avait fini par fusionner, et quelque chose d'unique était venu s'imposer à eux : quelque chose qui touchait au divin, de très puissant, aussi fugitif que lumineux.

Ce n'est que bien plus tard qu'ils avaient pu reprendre contact avec la réalité.

— Je me demande... murmura Dominique.

— Oui mon amour ?

— Je me demande si nous revivrons cela.

— Pourquoi dis-tu cela ?

— Je ne sais pas, c'était renversant, tellement... unique.

— C'était nous, Mimmo. Nous deux, ou... nous deux en un seul, je ne sais pas comment le dire, mais c'était plus fort que nous deux réunis. Et j'étais...

— Oui ?

— J'étais en toi. Je sais que pour une femme, cela peut paraître étrange de dire cela, mais c'est pourtant vrai : j'étais en toi.

 

*

 

Le cuisinier du restaurant était le seul à dormir en altitude ce soir-là : il fut le seul à bondir de son lit, réveillé vers trois heures du matin par un bruit sourd et continu.

Dans un demi-sommeil, il crût d'abord que le groupe électrogène du bâtiment, situé non loin de sa chambre, s'était mis en marche, mais à peine eut-il posé les pieds par terre qu'un chaos d'idées contradictoires envahit son cerveau.

Le sol vibrait.

Il se précipita en-dehors de sa chambre, se rua dans les escaliers, et traversa la salle à manger déserte pour débouler sur la terrasse. Un tremblement de terre. Cela ne pouvait être autre chose. La tête envahie d'images d'apocalypse, il poursuivit sa course vers le parking. Ce n'est qu'une fois arrivé à cet endroit qu'il se retourna.

Dans un instant, il verrait le barrage s'écrouler. Le fracas serait épouvantable, les conséquences sans précédent.

 

*

 

Bien loin de là, Milos jubilait. Même si l'image était quelque peu brouillée par les vibrations, la panique de l'homme était palpable : il avait détalé comme un lapin en direction d'une grande aire noire, en légère pente, qui devait probablement accueillir les véhicules des touristes durant la journée. Après un long moment d'hésitation, il avait décidé de revenir sur ses pas.

— Tu commences à comprendre que ce n'est pas un tremblement de terre ? Voilà... La peur est passée, maintenant la curiosité reprend le dessus, n'est-ce pas ?

D'un clic de souris il coupa l'image.

— Moi aussi, je suis curieux, mais pas de cela.

Il attendit quelques secondes encore. Les nouvelles ne tarderaient pas à arriver.

 

*

 

Le cuisinier s'approcha à nouveau du restaurant. Le sol ne tremblait plus, mais le ronronnement avait gardé toute son ampleur dans l'air frais. Il s'approcha prudemment de la terrasse, y posa un pied, et recula immédiatement.

Il contourna le bâtiment par le nord et s'arrêta au bord de la route, puis recula à nouveau.

Ce n'était pas le sol qui vibrait : c'était le barrage tout entier.

 

Milos vit quelques lignes défiler sur une des fenêtres de son écran : six minutes avaient été nécessaires pour repérer son intrusion.

— Alors maintenant, voyons en combien de temps vous allez réussir à me déloger...

Il laissa ses mains en suspens au-dessus de son clavier, comme en signe de protection. Environ vingt secondes plus tard, deux autres fenêtres disparurent de son écran. Les autres allaient suivre rapidement.

— Pas mal ! Vous ne savez probablement pas encore ce que vous avez déclenché, mais c'est un joli score.

Milos referma son ordinateur portable, le déposa sur le siège du passager, et démarra aussitôt.

Il était temps pour lui de se reposer. Il accueillerait le repos comme un quatorzième mois : il se coucherait après avoir pris une longue douche, et dormirait jusqu'à plus soif. Lorsque, quelques minutes plus tard, il arriva devant chez lui, il changea d'avis en moins d'une microseconde : juste le temps de voir la silhouette de Sabrina surgir dans la lumière de ses phares.

 

*

 

Les vibrations s'étaient arrêtées d'un seul coup, laissant toute la place à un silence compact. Le cuisinier avait patienté quelques minutes avant de prendre pied sur le barrage, puis s'approcher du bord. Plus rien.

Il se dirigea vers le restaurant et se saisit du téléphone, mais celui-ci refusa de fonctionner. La tension remonta d'un cran : s'il ne pouvait pas entrer en contact avec la police maintenant, il se remettrait sûrement à paniquer. Arrivé dans sa chambre, il s'empara de son téléphone portable, composa le 112 et patienta tant bien que mal. On n'entendait plus le moindre bruit venant de l'extérieur. Comme pour compenser ce vide sensoriel, il se mit à observer les environs.

Lorsqu'enfin un opérateur lui répondit, il ne put prononcer un seul mot. Une masse grise et mouvante recouvrait une partie de la vallée.

Alvéoles est disponible en texte intégral ici...

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Message de Séraphin le Magnifique porte-parole des « sans voix »,

dont « Nemo le disparu », fait partie :

à l’adresse des adeptes qui prônent une sacro sainte liberté

à l’égard de ses frères de race féline

 

 

                           Le jouvenceau nous parle depuis une contrée inconnue, soucieux de nous faire partager son credo… :

 

                          « Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as apprivoisé » exhorte un sage, en la « personne » du Renard si poétique du Petit Prince, à l’endroit des humains

                           Or, je vous en supplie, amis du genre félin, si vous éprouvez encore quelques nobles sentiments qui sont censés faire de vous des être pétris d’humanité, n’offrez plus votre compagnon favori en holocauste en le laissant à la merci de barbares à l’affût, tristes sires en maraude qui se font une bien triste spécialité dans l’enlèvement d’innocents, et qui guettent la moindre de nos défaillances, la moindre de notre confiance, pour s’emparer des membres de notre grande tribu composée de nos chers Aristochats et greffiers confondus, à des fins sordides, dignes de la pire des cruautés, n’ayant rien, mais vraiment rien à envier aux atrocités commises sous l’Empire romain décadent, tandis qu’une partie de l’occident revendique, en cette aube du XXIème siècle, l’honneur et l’avantage d’évoluer au cœur d’une société moderne dite civilisée…

                    

                            Oui, combien d’entre-nous sommes sacrifiés sur l’autel de vos idéologies, sous prétexte que notre chimérique image de chats rôdant dans les gouttières, persiste à sévir dans la légende populaire ? Qui, pris dans les mâchoires d’un piège pourtant interdit par la législation, qui, pointé et gravement blessé par un individu irrité de nous voir musarder du côté de ses parterres potagers et d’agréments, qui, nous attirant en ayant recours à un mets délectable dissimulant quelques molécules toxiques, véritable poison mortel, nous conduisant de vie à trépas dans d’horribles souffrances, sans oublier ceux qui nous servent en pâture afin d’aiguiser la férocité de leurs chiens conditionnés à l’attaque et je vous grâce des supplices infligés pour un pseudo progrès de la science, pour des futilités tels, que les cosmétiques, pour enjoliver quelques accessoires du rayon des frivolités, suivant le diktat de la mode, j’en passe et des meilleurs !

                          Quelle honte ! Pourquoi tant d’acharnement contre nous? Pourquoi faire montre d’autant d’hostilités et de perversité à notre égard ?

                          Aussi je vous en conjure, quelques soient les convictions profondes qui vous animent, vous autres, nos ardents protecteurs, et qui vous font, en toute bonne foi, vous exclamer sur la nature de sa seigneurie chat, argumentant que ses instincts la porte à goûter à une sacro sainte liberté, et qu’elle représente, en outre, une créature résolument affranchie que nul n’a le droit d’asservir en la privant d’indépendance, n’est-il pas l’heure aujourd’hui, que vous remettiez en cause vos certitudes, sinon vos idées préconçues, en songeant réellement à la pléiade de périls encourus, si vous perdurez dans ce sens, soit, nous accorder l’autorisation de flâneries qui nous mènent à élargir de plus belle, heure après heure, nos découvertes d’un territoire inconnu, synonymes de leurres ?

 

                           Certes, nous sommes de manière innée, concédons-le, des graines d’explorateurs, étant curieux dans l’âme, et ayant soif d’en apprendre chaque jour davantage sur ce vaste univers, la planète terre… Pour sûr, que dans l’opportunité offerte de balades, citadines ou campagnardes, notre pente de sauvageons apprivoisés parlera d’elle-même, mais si dès le berceau, vous nous élevez avec la ferme intention de veiller sur notre destinée, en nous préservant le plus possible des écueils, c’est-à-dire en nous familiarisant à une existence de casanier, ou à défaut de fréquentation de parcs et jardins clos dépourvus de risques de tentations de partance en vadrouilles, avec la menace sous-jacente de périr en chemin, j’ose prétendre, moi le sédentaire obligé, choyé par ma famille adoptive, que nous sommes parfaitement aptes à nous y acclimater !

                          J’en veux pour preuve irréfutable à ces allégations, que mes congénères qui sont en mesure de témoigner sur leur sort de bienheureux pachas, ne souffrent guère, semble t’il, de devoir se consacrer à se prélasser dans les appartements de leurs logis, sous la vigilance de leurs esclaves, ces « deux pattes » comme les nommait joliment Colette, dévolus à notre service ! Est-ce que leurs attitudes et poses béates, voire langoureuses, n’en traduisent pas long sur leur bien être intime ?

                          Moi-même, baptisé « l’ermite des grottes » par mes deux dames de cœur, au moment de mon adaptation au sein de leur foyer, je n’ai cessé de le proclamer à qui a bien voulu le percevoir, et ce alors que maints experts en félinotechnie jouant aux oiseaux de mauvaise augure, avaient présagé que nul ne pourrait me convertir en « doux lionnin »et bien, ne suis-je pas un probant reflet de réussite, me transformant en moins de temps qu’il n’a fallu pour le miauler, en vagabond défiant la faim, le froid, et les agressions d’ainés dominateurs, un rien bagarreurs, défendant leur fief, au profit d’une vie princière, régnant sur mes favorites en titres, troquant mes griffes acérées de solitaire appelé à lutter pour assurer sa survie, en mille et une pattes de velours et autres caresses expressives destinés à mes tendres aimées…

       

                          Encore ce matin, du lieu mystérieux d’où je réside, et où des instances suprêmes ont missionné votre serviteur afin de me risquer à vous convaincre, en faisant non pas appel qu’à la simple raison, mais de surcroit, à l’amour que vous nous vouez, j’ai eu, figurez-vous, l’insigne privilège d’entendre, en langage félinesque, assurément, seulement audible et décryptable de ma fratrie à « quatre pattes », les confessions de nombre de sujets de notre parenté chattesque, désireux de venir me narrer à tour de rôle, un éventail d’histoires plus pathétiques les unes que les autres !

                          Nous est-il loisible d’espérer en une prise de conscience salutaire ou demeurez-vous donc, inflexibles devant vos arguments prêchant le droit d’agir à notre guise, au mépris de moult méfaits et abominations perpétrés envers notre race, considérée par certains, comme une engeance parasite, démoniaque ?

                           Resterez-vous de marbre à ma supplique relayée par celles des « sans voix » émises dans le silence assourdissant de leurs misères, des atrocités recueillies, commises au cœur de notre hexagone, précisons-le promptement, et non à des milliers de distance nous séparant du continent asiatique constamment pointé du doigt, cependant que la vieille Europe riche de soit disant hautes valeurs morales héritées du Siècle des Lumières, perdure à commettre à notre encontre, une pléthore de tyrannies, additionnant en continu, vilenies et massacres sanguinaires.

 

                           Ah, ma foi, n’ayons pas peur de l’affirmer, notre bienfaiteur bipède possède la particularité d’être également notre plus effroyable adversaire, prédateur ennemi juré numéro un ! Que puis-je ajouter de plus pour vous persuader que nous courrons force dangers en étant livré à nous-mêmes ? Épargnez-moi, s’il vous plait, la redoutable charge de vous relater dans le détail, les épreuves traversées par une kyrielle des miens… Je ne saurai me résoudre à salir leur mémoire, en énumérant les calvaires aboutissant à une atroce agonie que leurs tortionnaires sadiques leur ont fait subir.

                           Cela aurait-il le mérite de réveiller davantage les mentalités ? Je crains fort de n’avoir point besoin de vous souffler la réponse !

 

                           Que puissiez-vous vous unir, divine Bastet avec notre Saint patron, François d’Assise, dans le dessein une once utopique, que la Providence nous accorde ses faveurs, en faisant régresser haines et violences subsistant depuis des siècles, envers nous autres, descendants du genre Felis silvestris catus !!!

                           Telle est la prière de Séraphin le Magnifique s’étant délesté de son enveloppe corporelle à la fleur de sa jeunesse, bien malgré lui…

 

                            Félinement vôtre,

                           Séraphin le Magnifique,

                            un orphelin qui abandonna jadis, son antre de solitaire ainsi que

                            sa sacro sainte liberté par pur attachement pour ses mères nourricières…

 

 

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Bouquet flamand au 7 chats de Braldt Bralds

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