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Ô, quelle gloire..!

Tout le monde cherche la gloire des temps perdus

La peine de perdre le sens du grand regard

Fuir le jour de rendre le compte rendu

Revivre comme brebis sous la peau d’un vieux renard

Faire jouir la destiné d’un avenir vendu

Pour que la chose nous devienne un pur hasard

Ceci, pour que tout le monde dit : ce n’est qu’un malentendu !

Ceci, pour que tout le monde dit : Ô, quelle gloire..!

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Dans sa « Théorie esthétique » (1970) –ouvrage d’ailleurs inachevé- Adorno l'auteur pose la question du statut de l' art moderne: il ne va pas de soi, ni en lui-même, ni dans son droit à l'existence, ni dans son rapport à la société. L'élargissement des possibilités de création entraîne, à l'inverse, un rétrécissement de leurs effets sur les oeuvres. L'irruption du "nouveau" en art a effacé jusqu'à la notion même de la tradition. L' art moderne est à l'image de la ruine; il exprime une détresse dont l'archétype est Rimbaud, qui finit par abandonner l'écriture. L'émancipation de l' art aurait-elle sapé les conditions de possibilité de toute création?

L'auteur constate, par ailleurs, que l' art moderne s'identifie à la société de consommation de l' Occident capitaliste, mais pour s'y opposer. Sa fonction originelle est donc remise en question: autrefois, l'oeuvre d'art promettait un monde meilleur. Cette intention objective était et reste théoriquement le "contenu de la vérité" de l'oeuvre, tel que la réflexion philosophique peut le mettre au jour (car, en se déployant, le "contenu" devient le "concept" philosophique). Ainsi le contenu de vérité lutte contre la souffrance et la mort, véhiculant ainsi la promesse d'un autre monde. Mais l' art moderne a oublié la souffrance; il trahit la promesse: n'est-il pas en train de signer l'arrêt de mort de l' art? Néanmoins, la nature fondamentalement contestataire (négative) de l'oeuvre pourrait sortir l'art de cette impasse. Tout n'a pas disparu après la déchéance de la beauté formelle; le sublime a survécu, intimement lié au pouvoir qu'a l'oeuvre de dire "non". Adorno est le tenant d'une esthétique du jugement de valeur, qui serait le critère de compréhension de l' art. C'est cette attitude critique qui l'amène à formuler l' aporie de l' art moderne. La "Théorie esthétique" tourne autour de cette aporie, et développe, dans une orientation formaliste, une esthétique de l'objet. L'ouvrage s'inscrit dans un projet global d'origine marxiste, d'après lequel la forme de l'oeuvre d' art est son critère de perfection. En outre, cette orientation de pensée postule le dépassement du système capitaliste. C'est dans ce sillage que se situe l'école de Francfort, dont Adorno est l'un des principaux représentants. La "Théorie esthétique" illustre le malaise de toute une époque devant un art qui boulverse jusqu'à ses présupposés, et les questions soulevées par l'auteur n'ont, aujourd'hui, rien perdu de leur actualité.

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Voltaire à Ferney

Les œufs sont tous ou presque ramassés.. ceux qui sont oubliés seront mangés par les moutons qui paissent dans le parc du château.. de Voltaire à Ferney-Rousseau.. oups.. Voltaire..! Rousseau c'est le douanier, le "gabelou.. Rousseau"

Le douanier Voltaire n'existe pas encore.. mais bon, on sait jamais avec ces artistes qui veulent devenir à tout prix quelqu'un..

Et donc pourquoi pas douanier ?

En l'an 1760 Voltaire peaufine, met la dernière touche à l'aménagement de sa demeure Ferneysienne.

Son château à de l'allure perché sur le haut du village. Il domine Genève ou ne règne pas encore le jet d'eau..

Voltaire entre dans la postérité, il se porte bien habillé de rouge pour faire le "kakou" diraient certains..!


Dessins de Lutopic pour Voltaire à Ferney

Gegout©2010

voltaire et sa canne1voltaire oublie sa canne


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« Chapelet » (1914), second recueil de la poétesse russe Anna Akhmatova représente avec "Soir" (1912) l'essentiel de l'oeuvre de jeunesse d'Akhmatova et de sa contribution à l' "akméïsme".

Akhmatova, qui commença à écrire à onze ans, rejoignit en 1910 le mouvement "akméïste" (du grec "akme" -sommet), qui s'opposait au mouvement symboliste. L'akméïsme, à l'époque des débuts littéraires de la poétesse, était animé par Nicolas Goumilev, qu'Akhmatova allait bientôt épouser. La théorie de l'akméïsme distinguait en poétique quatre disciplines principales. D'abord celle qui concerne les mots qui sont pour la poésie ce que la chair est pour l'organisme et qui constituent la matière d'une "réflexion stylistique"; puis la "composition" qui forme l'ossature autour de laquelle se distribuent les éléments d'une oeuvre poétique. La "phonétique" s'occupe du rythme, des rimes, des voyelles et des consonnes, que Goumilev compare au sang qui circule dans un organisme vivant. L'image mentale ou la motivation profonde de l'acte créateur sont le "système nerveux du poème" qui fait l'objet d' eïdologie".

Certains critiques se sont demandé en quoi, ainsi défini, l'akméïsme était différent du classicisme, lequel requérait, tout autant, un équilibre dans la distribution de matériaux verbaux et un tempérament poétique qui tend à une vision d'ensemble du monde. "En 1910, dit Anna Akhmatova dans une courte préface au recueil de ses poèmes paru en 1961, la crise du mouvement symboliste a été suffisamment marquée et les poètes débutants n'adhéraient plus à ce mouvement. Certains rejoignaient le futurisme, d'autres l'akméïsme. Je suis devenue akméïste." C'est donc sous la bannière de ce courant que la poésie d'Akhmatova se révèle héritière du classicisme russe. Mais le trait le plus personnel de l'écriture d'Akhmatova c'est sa force sous-jacente, c'est le lyrisme contenu qu'elle enferme avec un rare sens de la mesure dans des formules poétiques aussi succintes qu'évocatrices.

Fait de précision et de clarté, le discours poétique de la jeune Akmatova est harmonieux. La source d'inspiration du "Chapelet" et du "Soir", c'est le monde des émotions intimes, son sujet central est le destin de la femme. Dans ses toutes premières oeuvres, Akhmatova est déjà capable de donner une résonance universelle à un autoportrait lyrique, et ceci avec une exquise économie de moyens, avec une finesse et une précision du dessin qui font penser à une épure, bien plus qu'à un croquis. Dans une de ses poignantes poésies de la dernière époque, "l'épilogue", du recueil "Requiem", on lit: "Oui, je connais les traits qui se déforment, / Sous les paupières vient nicher la peur, / Et le profil devient cunéiforme / Sous le stylet pointu de la douleur." C'est avec "le stylet pointu de la douleur" que sont ciselées plutôt qu'écrites, toutes les poésies d'Anna Akhmatova, dont le sens inné du tragique a trouvé une matière inépuisable dans la réalité de son époque et dans sa propre biographie.

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Chanson aux Pommes



Pom Pom Pom

Pomme de terre

Pomme de l’air

Pomme d’enfer

Une pomme


Pomme d’amour

Pomme au four

Pomme toujours

Une pomme


Pomme d’Adam

Pomme d’antan

Pomme des champs

La pomme


Une pomme de cœur

Une pomme vapeur

Une pomme au beurre

Une pomme !


Patate germée

Patate râpée

Patate comblée

Patati Patata !


Une pomme frite

Une pomme cuite

Une pomme d’élite


Pomme de confiance

Une pomme d’errances

Je te la lance,

La pomme !


Pomme biblique

Pomme énergétique

Pomme pratique



Pomme sauvage

Pomme volage

Pomme de ménage


Pomme d’Afrique

Pomme d’Asie

D’Australie

Pomme d’Europe

Pomme d’Amérique

Pomme d’Api

Pommes unies

Philanthrope

Pomme pleurote


Une pomme miscible

Une pomme en cible

Et, Guillaume Tell,

Sa pomme !


Pomme arborée,

Une pomme volée

Tombée

Ridée


Pomme d'argile

Pomme fossile

Pomme fragile

Fertile


Patate enfouie

Patate pourrie

Patate avertie

...Deux Pommes !


Une pomme à la mer !

Une Pomme lunaire

Une pomme d’affaire

Tomber dans les pommes !


Pomme compote

Pomme qui barbote

Pomme et crottes !

Gros sur la patate !


Pomme croquante

Pomme craquante

Pomme filante

Chausson aux pommes !


Pomme farineuse

Pomme savoureuse

Pomme amoureuse

Charlotte aux pommes !


Patate chaude

Patate rôde

Patate fraude

Haute comme

3 pommes !


Pomme ou patate

Patati-patata

C'est pour Vot' pomme

Pom Pom !

Fabienne Coppens Sabam 2008



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Présent depuis la première édition, le Centre Wallonie-Bruxelles participe cette année encore au festival Textes & Voix. Lors de ce rendez-vous en Ile de France (6-12 avril), des comédiens renommés lisent des extraits d’œuvres faisant l’actualité éditoriale en présence de leurs auteurs.


- LE 10 AVRIL 2010 À 19 H: Marie-Christine Barrault lit Corinne Hoex.


Marie-Christine Barrault lit des extraits de Décidemment, je t’assassine et du Grand menu (réédition) publiés aux Impressions Nouvelles, en présence de l’auteur Corinne Hoex.

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Balade insolite - Musiques à Saint-Gilles

On chante derrière les fenêtres dans la rue où passe le tram 81. Et les mélodies des harpes dominent les klaxons.

Dimanche 02 Mai 2010
avec Anne Borlée, Marie-Rose Meysmans et Bernard Tirtiaux


C'est au bout du couloir !... Oui, là, vous entendez ?... Un courant d'air, une corde qui vibre ... Ne vous étonnez pas : ici, les murs ont vu passer plus d'un artisan du son, plus d'un explorateur de la voix ! La porte s'ouvre : nous voici au Harp Center, nous voilà à l'atelier voix et chansons de Marcelle de Cooman. Alors ouvrez vos écoutilles, car ici, c'est certain, les murs ont des oreilles...

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2 Départs : 15h00 et 16h00
Durée : 1h30
Prix : 6 € / adulte, 4 € / enfant
Balade sur réservation: 0497/78 20 75

contact: info@conteursenbalade.be
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Transport : Bus 48 (Parvis de Saint-Gilles) Tram 81 ( Bethléem) 3, 4, 97 (Parvis de Saint-Gilles)


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Proposition de spectacle

Bonjour à toutes et à tous!

Je suis l'auteur d'une pièce de théâtre intitulée Enquête sur Inconnu. Elle aborde, sans tabous, un problème d'actualité brûlante, celui du terrorisme. Plus précisément sous deux aspects. D'abord,comment un jeune intellectuel brillant et plein d'avenir, non fanatisé religieusement ou politiquement, est-il amené à devenir membre, en toute lucidité, d'une organisation "terroriste"? Et quelles dérives graves cette qualification entraîne-t-elle dans nos sociétés en matière de droits humains?

Cette double problématique est abordée dans un récit où le suspense est omniprésent au fil des éléments révélés.

Enquête sur Inconnu a fait l'objet d'une lecture-spectacle au Théâtre Royal du Parc, à Bruxelles, à l'initiative du Magasin d'Écriture Théâtrale de Jean-Claude IDÉE, en mai 2009.

Pour celles et ceux (metteurs en scène, directeurs de théâtre, acteurs professionnels ou amateurs...) qui seraient intéressés, je suis à leur disposition pour leur donner toutes les précisions désirées et, bien sûr, leur envoyer par courriel le texte de ma pièce.

A bientôt peut-être?

C. Du Pré


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Moment fugace ...


C'est un regard d'acier qui a tranché mon cœur,

Quelques mots endiablés, langage de caresses,

L'horizon qui s'enflamme en parfumant les heures

Qui viennent épeler des milliers de promesses...


Lumières tant espérées qui éclairent mon âme,

Envoûtante chaleur, brasier de sentiments,

Morsures involontaires venues marquer ma chair

Et transmettre à mon corps ce désir si violent...


Mais l'absence est venue, morbide fatalité

Quand les braises s'éteignent et que le froid prend place,

Incandescente plaie inventant ce passé

Qui vient pour envahir et restera en place...


Farandole de perles, douces larmes de pluie,

Tirez votre rideau de tendre humidité,

Faites naître à mes jours un impossible oubli

Pour ce moment d'amour et de sensualité...


KVR

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Extraits du CD-ROM "Le Testament des Poètes" de Robert Paul sur la poésie de William Cliff:

C’est de vivre qu’il s’agit, sinon de survivre. Avant tout le reste, toute autre occupation, tout autre souci, ou désir, il y a cette nécessité-là, quotidienne, impérieuse souvent, urgente parfois. Manger, boire, dormir, se loger : voilà, jour après jour, année après année, tout au long de l’itinéraire ici déroulé, les priorités et, en un sens, les préalables à toutes les autres activités. Importants, certes, pour William Cliff, l’amour, la rencontre, le voyage, la lecture, d’autres choses encore, mais alors, pourrait-on dire, secondairement, relativement aux impératifs précités qui toujours les précèdent, les accompagnent, les conditionnent. Importante aussi, bien sûr, l’écriture, comme expérience, et expérience majeure, mais néanmoins secondaire encore, ou plutôt subséquente, puisque mise en mots et en forme d’une expérience antécédente qui la nourrit et lui donne sens.

Bref, la donnée première ici, répétons-le encore, insistons-y bien, c’est la vie. « Il part de la vie, note très justement Roland Jaccard après sa lecture d’un des premiers recueils de Cliff, pas des mots. » Proposons à notre parcours, après avoir peut-être fait dans la lecture le chemin inverse, le même point de départ. Demandons aux mots du poète de nous conduire, si l’on peut dire, jusqu’à sa vie. Tâchons de remonter jusqu’à certains moments de cette vie à travers les mots qui les disent. Attachons-nous à tenter de ressaisir, dans sa spontanéité, dans son originalité, dans sa formulation mais donc aussi en-deçà ou en amont de celle-ci, la façon d’être au monde propre à William Cliff. Sachons gré au poète de nous faciliter ici grandement la tâche en faisant précisément de sa vie, sans détour, sans masque, la matière même de sa poésie. Une vie qu’il revendique, assume, assure, et avec des moyens qui apparaissent volontairement modestes. Il semble bien en effet que la précarité de ses conditions d’existence soit plutôt choisie par lui qu’imposée du dehors. Pour diverses raisons sans doute, liées à l’histoire personnelle. Peut-être aussi pour s’empêcher précisément d’éluder les réalités, les contraintes de la seule présence au monde. Une présence toute simple, immédiate, très concrète, on l’a compris, mais néanmoins problématique, et pas seulement matériellement. Étroitement lié aux circonstances ponctuelles de la présence, le malaise le serait aussi déjà à cette présence même, laquelle prend ici, au-delà de ses modalités particulières, toutes les apparences d’une obligation, d’une charge, d’un fardeau. Vivre ne va donc pas pour notre poète sans difficultés, quotidiennes et existentielles, pratiques et ontologiques, physiques et métaphysiques. À l’écouter, être ne va pas sans s’accompagner même, de son propre aveu, d’une « horreur d’être là ». On pourrait sans doute parler, avec un philosophe de notre temps, d’un « inconvénient d’être né ». Et, circonstance aggravante peut-être, d’être né à un certain moment, en un certain lieu, dans un certain contexte et dans certaines conditions. « Peut-être le fait que ma mère m’ait transporté dans son ventre, en évacuation, en 1940, a eu des incidences sur mon caractère, et sur ma vie postérieure. » Tentation, tentative d’interroger sa propre préhistoire, d’aller chercher dans la vie prénatale, fœtale, les « clés » d’une attitude fondamentale d’existence ? Cliff lui-même y semble assez peu disposé. Pas d’existence plus concrète, plus consciente même, en un sens, que la sienne. Être, c’est se découvrir en train d’être, ici et maintenant, et éprouver très authentiquement, dans son corps, le poids (et quelquefois peut-être aussi la grâce) de l’être-là. On devine l’importance, dans cette existence et dans cette œuvre qui refusent manifestement l’une et l’autre d’en faire l’économie, de l’expérience sensible. Vivre, à n’en pas douter, pour William Cliff, ainsi qu’il l’écrit quelque part à propos d’un tiers qu’il regarde vivre, c’est d’abord « être seul avec ses seuls cinq sens ». Le plus simple alors, le plus commode sera sans doute encore de le prendre au mot, d’emprunter la voie qu’il semble ainsi lui-même nous indiquer, de l’observer dans ses textes tout simplement sentant, entendant, voyant, touchant, goûtant. Le plus éclairant même, croyons-nous, ou en tout cas le plus tentant et le plus gratifiant pour nous, serait donc de regarder vivre le poète sur un mode pré-réflexif, de le saisir (ou d’essayer de le saisir) d’abord, comme nous l’a si magistralement montré Jean-Pierre Richard, au « niveau de la sensation pure », brute, immédiate.

Le bonheur ou le plaisir ici décrit est en quelque sorte déjà miné par la certitude de sa rareté et de sa fugacité, par la conscience très lucide qu’il n’est qu’une exception, qu’il ne durera pas, et qu’après cet instant vécu comme « hors du temps » la durée ordinaire, quotidienne, pesante, reprendra ses droits sur notre vie. Si l’on a échappé, le temps d’une étreinte ou d’une caresse, à la temporalité, au temps qui « (nous) presse, (nous) happe et (nous) avale tout entier », c’est pour y être bientôt, bien trop tôt, presque aussitôt replongé, exposé derechef. À lire ses poèmes, pas de conscience peut-être plus aiguë de notre éphémérité que celle de Cliff. Peu d’êtres plus doués que lui, si l’on peut dire, pour « regarder le temps fuir à toutes voiles ». Et non seulement pour le regarder fuir, mais pour éprouver aussi très consciemment, physiquement, concrètement, en soi-même, dans sa chair et dans tout son être, cette fuite implacable. Car « le temps dans sa mouvance entraîne l’âme humaine », et affecte aussi le corps. « Le bourreau du temps nous frappe », et s’acharne même ensuite, si l’on peut dire, sur la chair ainsi meurtrie, s’obstine sur l’enveloppe corporelle avec l’intention de la pénétrer, l’ambition d’en entamer patiemment l’épaisseur, la volonté entêtée d’en attaquer activement la substance interne : « j’en ai assez ô temps ta dent me ronge ». Extérieur et intérieur sont donc l’un et l’autre, on le voit, touchés, agressés, affectés. Et le poète alors de « sentir le temps passer dans ses artères » pour l’acheminer vers la mort : « je sens qu’elle entre et me pénètre / pour m’ancrer son Mal Majuscule ». Dans de telles conditions, que peuvent valoir les moments de grâce décrits plus haut ? On s’en doute, « la minute heureuse / qui fut celle goûtée sur un lit hasardeux » ne pèse pas bien lourd face à l’appétit du « temps atroce dans sa pente ». On ne s’étonnera donc pas de voir le poète attendre peut-être encore la venue de quelque chose, mais alors « sans conviction », sans trop y croire vraiment :

« et moi sans conviction je suis là et j’attends

j’attends le grand amour

auquel depuis longtemps je ne crois plus du tout »

Que faire alors ? Errer, sans doute, « courir le nez au sol », comme on l’a vu plus haut, « renifler pour sentir quelque promesse / de bonheur », en feignant peut-être d’y croire encore, pour se donner la force, le goût, ou des raisons d’avancer. Mais il y a les moments, les longs moments, les longues périodes de lucidité. Les moments où l’on sait s’acheminer (trop) rapidement vers l’anéantissement. Ceux où l’on assume aussi ce que nous avons appelé la néboïté, les moments où l’on regarde en face non seulement les difficultés mais aussi l’impossibilité où l’on se trouve de vivre en permanence à la hauteur de notre rêve d’amour, d’asseoir ce dernier dans la durée, de faire de lui notre pain quotidien. Reste peut-être pourtant quelque chose comme une compensation, sinon une dernière issue, déjà évoquée plus haut :

« Je désirais certaines choses de tout mon être et jamais je ne rencontrais une moindre parcelle de satisfaction. Alors j’ai écrit ce texte. »

L’écriture : voilà, à en croire ici William Cliff, l’issue. Ou tout au moins le soutien, ou une consolation. Je ne puis peut-être pas saisir et conserver ce que je désire, mais en manière de compensation j’ai ce texte, ces poèmes, ce recueil (Ecrasez-le), ceux qui suivront. Je ne puis sans doute pas accéder pleinement, durablement, mais je puis écrire. Et j’écris précisément parce que le bonheur finalement m’est toujours refusé, parce que la terre promise ne m’est jamais offerte, parce qu’elle ne m’est que prêtée, très éphémèrement, très momentanément, parce qu’elle ne m’est peut-être présentée que pour m’être aussitôt reprise, retirée. Écrire donc, comme d’autres l’ont fait avant moi, comme ils m’ont montré qu’il était possible de le faire, et de se consoler par là, d’une certaine manière, de l’interdiction d’accéder et de demeurer. Chance, ici, d’avoir rencontré sur son chemin quelques livres, et pas n’importe lesquels. Indolent, solitaire, rêveur, on l’a vu, le jeune Cliff. Pas trop bon élève peut-être. Mais cette solitude, cette indolence, cette passivité disposaient aussi à la rencontre, à la découverte de la littérature. À l’accueil des mots, de la voix d’autres solitaires, d’autres « souffrants » :

« un jour j’eus la révélation de la littérature

dans le récit que fait Chateaubriand de son enfance

de la terreur qu’il eut devant son père et de sa dure

condition d’enfant à Combourg dont la sinistre ambiance

le soir avec ce père qui n’arrêtait pas de faire

armé d’un bonnet dressé sur sa tête les cent pas

me rappelait celle qui aussi me terrorisa

dans mon enfance avec un père aussi autoritaire

j’appris par ce récit n’être plus tout seul à souffrir

ce fut comme un voile levé sur mon âme sauvage

écrire alors devint pour moi le geste qui relie

tous ceux qui ont senti au fond d’eux-mêmes ces messages

graves que le monde méprise et tourne en dérision

mais dont par la littérature on a révélation »

On songe ici à la « définition » que donnait naguère de la littérature Charles Du Bos, qui voyait en elle « le lieu de rencontre de deux âmes ». Lire, pour le jeune Cliff, selon ses propres mots, c’est « n’être plus tout seul ». C’est rencontrer autrui dans ses mots, dans les mots de lui qui sont parvenus jusqu’à nous pour nous permettre de reconnaître dans cet étranger un frère, pour que l’inconnu qu’il était encore pour nous l’instant d’avant cesse soudain de l’être. C’est donc, à la faveur de cette rencontre, faire la connaissance de l’autre, mais c’est aussi acquérir, si l’on peut dire, dans le même temps, une meilleure connaissance de nous-même. Car lire, c’est en effet aussi voir ou entendre un autre homme mettre des mots non seulement sur sa propre vie, mais aussi sur la nôtre. Et lire, c’est alors encore vouloir prolonger en quelque sorte par l’écriture le mouvement ou l’événement intérieur initié ou provoqué par la lecture, éclairer peut-être toujours plus notre vie à la faveur de la révélation ou de la lumière jetée sur elle par l’écriture d’autrui. Lire, pour Cliff, c’est donc aussi tôt ou tard, on l’a bien compris, se mettre soi-même à écrire, avec la conscience plus ou moins nette de faire de cet acte, de l’acte de lire et d’écrire, un « geste qui relie ». Peut-être cette découverte n’est-elle pas exactement contemporaine de cette lecture de Chateaubriand faite au temps de l’adolescence. Peut-être son importance n’est-elle apparue que rétrospectivement, beaucoup plus tard, avec la conscience approfondie, accrue, de la solitude, de la différence, de la néboïté. Mais la chance pour le futur poète a été de trouver sur sa route de tels livres, de faire de telles rencontres, d’entendre de telles voix et de telles confidences :

« l’auteur de la Recherche en ces années m’a révélé

que notre intime vérité c’est la littérature

Du côté de chez... c’est-à-dire où le voile est levé

sur ce qui toujours est couvert de commune imposture

et qu’on ne vienne pas me parler de “ science humaine ”

et dégrader à des concepts le chant ou la douleur

qui fut le lot de notre enfance et dont la trace hautaine

continuera de nous tenir jusqu’à la dernière heure

près du collège se trouvait un château à tourelles

hissé sur un piton rocheux qui dominait la Meuse

quand j’allais là me promener et remuer mes rêves

j’étais comme un second René dont l’âme ténébreuse

se perdait à travers pareil château ou vers des landes

mouvantes pour y prendre le poison de ses tourmentes »

Autrement dit, ce qui dans l’ordre de l’amour ou du désir m’est (ou semble m’être) refusé, ne l’est peut-être pas dans l’ordre littéraire. Si je ne puis pas rencontrer l’autre dans le monde, dans ma vie, comme je désirerais le rencontrer, cette impossibilité serait levée dans cette autre vie qu’est la littérature. Il faut lire ici ces quelques mots d’Ecrasez-le dictés à Cliff par l’échec, dans sa vie d’homme, dans sa vie quotidienne, de son désir amoureux :

« Aucune vie pourtant ne veut se confondre à la nôtre :

c’est en vain qu’on se jette dans les pas des autres. »

À moins de se jeter dans les « pas » que sont aussi, en un sens, les mots des autres. Car en lisant, constate William Cliff, je suis aussi un autre. En lisant Chateaubriand, se souvient-il, j’étais « comme un second René ». Sur le piton rocheux de mes promenades, je pouvais mettre, par la grâce de ma lecture, mes pas dans ceux de celui dont je lisais l’aventure, dont j’écoutais les confidences, avec qui je me sentais, par-delà les distances spatiales et temporelles, des affinités secrètes, une communauté de sentiments et d’expériences. Il n’est même pas exclu de joindre, d’une certaine manière, l’acte à la pensée. Les lieux où ont vécu les poètes, les écrivains, ne deviendront-ils pas pour Cliff des lieux de pèlerinage ? Ne le verra-t-on pas chercher à mettre ses pas dans les empreintes laissées par Cavafis à Alexandrie, par Conrad Detrez à Montevideo, par Rousseau à l’île de Saint-Pierre, par d’autres encore en d’autres endroits du globe ?

« dans les cuadras de Montevideo

j’ai reniflé les traces de ton être »

« j’ai vu la chambre où Cavafis est mort

dans la misère »

Une telle démarche, faut-il le dire, n’est pas dictée par on ne sait quelle curiosité. Elle a véritablement valeur de visite, de rencontre. Être présent, là, aujourd’hui, où a été présent autrefois un de mes écrivains élus, c’est en quelque sorte nouer avec lui un lien spécial, particulier, plus fort peut-être, ou en tout cas différent de la relation immédiate, concrète, physique, que je pourrais par ailleurs établir avec lui si la vie faisait se croiser ou se recroiser nos chemins. Quand Cliff, à Montevideo, « renifle les traces » de Conrad Detrez, celui-ci vit toujours, et Cliff l’a rencontré, ils ont passé de longs moments ensemble, ils sont amis, ils se reverront après le retour du pèlerin, ils parleront, ils échangeront souvenirs et expériences. Mais tout ce compagnonnage, toute cette proximité, cette intimité, on le sent bien, ne dispensent pas de l’expérience susdite, ne rendent pas le voyage, l’éloignement, la distance inutiles, superflus. Ceux-ci, à lire Cliff, étaient même sans doute indispensables. Si la lecture est rencontre, la recherche et la visite du lieu où a vécu, où est passé autrui sont elles aussi rencontre. Rencontre ici encore toute mentale. Ce qui importe, ce n’est sans doute pas tant le lieu lui-même, la terre, la maison, les briques, qu’un état d’esprit, une disposition d’accueil. On s’est préparé, disposé mentalement à accueillir, à recevoir l’autre, le souvenir ou l’essence de l’autre. On s’est rapproché de lui au-dedans de soi. Peu importe alors, en un sens, que le décor ait changé, que les maisons aient disparu.

Écrire donc, encore et toujours, inlassablement, quoi qu’il en coûte, vers après vers, poème après poème, recueil après recueil, pour dire tout « ce que (l)a vie (nous) rend de banale expérience », cette vie même et la mort, l’espoir et la détresse, la rencontre et la solitude, l’amour et sa privation, le bonheur rare et le malheur plus sûr, la terre promise et l’exil, le monde et le désert, la beauté et la laideur, la jeunesse et la décrépitude, l’être et le néant. Dire tout cela, l’écrire, le mettre dans des mots, le coucher, si l’on peut dire, sur le papier, sur la page, et en même temps le dresser, l’ériger, l’élever, un peu comme les stèles de Segalen, ou, pour prendre une image peut-être suggérée par Cliff lui-même, comme une falaise. Le moment est sans doute en effet venu de s’aviser que telle est la traduction du mot anglais choisi comme pseudonyme par le poète. Un poète dont la tâche alors serait de faire de l’œuvre, des poèmes, cette verticalité nette, d’un bloc elle aussi, debout devant l’océan, les pieds dans l’eau peut-être, prête à répondre à l’appel du large, impatiente de céder à l’attrait de cette immensité liquide et plane. Et s’y abandonner peut-être en effet, s’autoriser l’avancée favorisée par la falaise quand elle devient de surcroît promontoire, autre mot certainement lourd de sens, on vient encore de le voir, sous la plume de Cliff. Et poursuivre alors, prolonger le mouvement heureusement amorcé en glissant ensuite sur cette horizontalité lisse. Un glissement non pas exactement superficiel, épidermique, mais, en un sens, déjà profond, en quelque sorte enrichi d’emblée dans l’épreuve d’une réalité sensible, d’une consistance, d’une épaisseur. S’éprouver au contact de celle-ci, dans son accueil et dans sa résistance. Fendre l’eau comme le faisait, sous les yeux du voyageur, la coque du cargo, l’étrave du « Talavera ». Sans exclure bien sûr l’immersion, la plongée lente ou la chute brutale, « à pic », sous la surface, dans des profondeurs abyssales, ténébreuses, inhospitalières, menaçantes, effrayantes, mais desquelles on pourrait néanmoins remonter les bras ou les vers chargés de trésors ou de trouvailles. Sans écarter non plus, dans notre traversée de l’existence, à côté des freins et des obstacles divers qui balisent notre route, les adjuvances, les interventions extérieures, les soutiens venus en quelque sorte d’ailleurs, les « grâces » peut-être, bref les invitations à se tenir dans une disposition d’accueil à l’égard de ce que le ciel peut aussi dispenser comme bienfaits : tous les « souffles », vents, pluies, chaleurs, orages, lumières et autres offrandes qui tour à tour, au fil des ans, au gré des saisons, jour après jour nous frôlent, nous caressent, nous rafraîchissent, nous réchauffent, nous revigorent, « renourrissent » à la fois le corps, l’âme et l’écriture, ou nous maintiennent en vie, tout simplement.

Christian Schoenaers

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Le jury reconnaît dans un communiqué que Crowther est "une maîtresse du trait mais également de l'atmosphère", soulignant la sympathie et l'empathie dont sont empreints ses personnages.
Le président du Jury a déclaré : "C'est une véritable conteuse, sa façon de raconter promène les lecteurs entre l'imagination et la réalité".
Kitty Crowther est l'auteure de plus de 35 livres pour enfants principalement en français, parmi lesquels la série Poka et Mine, Scritch scratch dip clapote !, Annie du lac, etc.
Le prix Astrid Lindgren a été créé par le gouvernement suédois après la mort de la créatrice du personnage de Fifi Brindacier en 2002. Il se présente comme le principal prix de littérature pour enfants et pour la jeunesse dans le monde.
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Le projet initial d'un vaste roman ayant pour titre les Ténèbres dut, pour diverses raisons, être scindé en deux: "L'Imposture" (1927) de Bernanos, forme la première partie du diptyque; "La Joie", publiée en 1929, en constitue la suite. On y retrouve l'abbé Cénabre, et Chantal dont il est devenu le confesseur.

Première partie. Pernichon, chrétien médiocre, folliculaire ambitieux, s'entretient avec l'abbé Cénabre. Chanoine admiré, celui-ci est un être supérieur sur le plan de l'intelligence - mais dévoré par l'orgueil et l'hypocrisie, il ne croit plus depuis longtemps. Dans un geste satanique, il appelle en pleine nuit l'humble abbé Chevance, ancien curé, destitué, de Costerel-sur-Meuse. Il prétend vouloir se confesser; en fait il souhaite se moquer de cet être fragile dont la pureté l'inquiète. A la suite de leur entrevue, il tente de se suicider, mais en vain: son revolver s'enraye.

Deuxième partie. Chez Mgr Espelette, évêque de Paumiers, sont réunis des notables de la IIIe République et des catholiques bien-pensants. Avec une politesse sournoise et beaucoup de diplomatie, ils s'acharnent tous contre Pernichon qu'ils veulent perdre maintenant qu'il ne leur sert plus. Désespéré, Pernichon, l'ex-rédacteur de la Vie moderne, va retrouver Guérou chez lui. Auteur à la mode, cet infirme cacochyme qui entretient avec son domestique (un ancien légionnaire) des rapports homosexuels est pris d'une horrible crise qui achève d'ébranler Pernichon.

Troisième partie. Au cours d'une de ses errances nocturnes, Cénabre rencontre un misérable clochard. Il joue avec ce "pauvre diable" un jeu pervers sans que l'on puisse savoir lequel des deux incarne le plus l'esprit du mal, du mensonge, de la veulerie.

Quatrième partie. Chevance est mourant. Il souhaite revoir Cénabre mais n'a pas le temps de parvenir jusqu'à lui: ses forces l'abandonnent. Le délire de l'agonie est entrecoupé de visions qui témoignent de la profondeur de son sentiment religieux. Chantal, une jeune fille qui admire son mysticisme et partage l'ardeur de sa foi, est à son chevet.

On apprend, dans une sorte d'épilogue, que Pernichon s'est donné la mort.

Aucune intrigue, à proprement parler, ne guide le lecteur dans ce roman composé de plusieurs fragments indépendants où apparaissent deux personnages résolument opposés, Cénabre et Chevance, et une galerie de portraits traités par Bernanos avec une magistrale ironie. Un drame spirituel unique se joue pourtant: celui d'un prêtre et peut-être aussi de toute une société qui a perdu ou qui n'a jamais connu la foi. La déchéance du chanoine - semblable à celle de Clamence dans la Chute d'Albert Camus - est décrite avec une délectation complaisante. Elle symbolise tous les vices d'une bourgeoisie assoiffée de pouvoir et prête aux pires compromissions pour satisfaire son vain besoin de gloire. Bernanos trouve, pour décrire cette jungle où les moins aptes sont acculés à l'autodestruction, les paroles les plus cinglantes. Autour de "Sa Grandeur", l'évêque Espelette, gravite une coterie qui n'a rien à envier, sur le plan du ridicule, au clan des Verdurin que Proust met en scène dans Un amour de Swann (voir A la recherche du temps perdu): entichés de leurs succès mondains ou de leur notoriété littéraire, les êtres les plus vils s'y disputent la palme de la fatuité. Parmi eux, une poétesse vieillissante, Mme Jérôme, brûle d'impressionner l'évêque de Paumiers et tire de son sac, avec une fébrilité de jeune fille, une mince plaquette: "C'étaient là ses dernières poésies, éditées grâce à la générosité d'un amant. Elles s'intitulaient A mon vainqueur et étaient dédiées à son mari!"

Respecté de ses pairs, candidat à l'Institut, le cauteleux abbé Cénabre est un historien illustre. Il se meut avec aisance dans cet univers de farce où les apparences de la religion suffisent à vous donner une place, et personne ne semble lui reprocher d'être notoirement incrédule: "Il remplit à la lettre les devoirs de son état." Cela suffit à lui garantir une excellente réputation. A l'opposé, Chevance, "l'abbé des bonnes", comme s'amusent à le surnommer les beaux esprits, est un personnage hors du commun. Il rayonne d'une lumière surnaturelle dont seules des âmes d'exception, telle la jeune Chantal, savent percevoir l'éclat et l'authentique sainteté. Réduit à une longue agonie dans un galetas misérable, abandonné de tous, l'abbé Chevance revit à son insu les différentes phases de la passion du Christ: désespoir, doute, solitude. Le souffle du divin y traverse parfois la souffrance humaine en des images fulgurantes qui donnent tout son sens au sacrifice, et annoncent ainsi le thème de la rédemption qui sera développé ultérieurement par Bernanos dans "La Joie".

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Sous le titre « Nous autre francais » sont réunis des pamphlets de Georges Bernanos écrits en 1938 et 1939. C'est un nouveau chapitre de la violente campagne engagée par Bernanos depuis 1936 contre la "Croisade" du général Franco (voir "Les grands cimetières sous la lune"), contre son ancien maître Charles Maurras, et en général contre les milieux catholiques réactionnaires et conservateurs. Ce livre ajoute peu aux "Grands cimetières sous la lune" et au "Scandale de la Vérité". Plus que ces ouvrages, il s'est engagé dans la polémique quotidienne et parfois le ton baisse. Le dialogue Bernanos-Maurras, qui emplit plus de la moitié du livre, est cependant passionnant, et le portrait de Maurras qui nous est ici donné constitue un chef-d'oeuvre de satire, qui rappelle la grande discussion politique de "L'Imposture". Bernanos rappelle à ce dernier qu'il s'est, après la condamnation de l' "Action française" par le Vatican, privé de recevoir les sacrements. L'attaque se tourne alors vers les gens d'Eglise; vers le clergé et non vers l'Eglise; Bernanos en effet proclame sa fidélité inébranlable à cette Eglise, où, si on l'en chassait, il rentrerait, dit-il à genoux. La collusion de l'Eglise politique avec Maurras et avec Franco est, pour Bernanos, le signe même de la profonde crise de l'Esprit qui désole le monde moderne: l'Eglise elle-même verse dans le nominalisme; elle s'attache au signe plus qu'à la réalité; sa diplomatie n'a plus confiance dans la grâce et ne voit plus la profondeur surnaturelle de la vie des sociétés. En bref l' honneur se perd, c'est-à-dire le sentiment que la vie d'une nation se déroule d'abord sous le regard de Dieu, le sentiment qu'il y a des valeurs absolues de justice, de respect de la dignité humaine et de la vérité, qu'on n'a pas le droit de sacrifier à des fins politiques, mêmes prétendues bonnes: "Je ne crois pas à la Ruse, voilà ce que je voulais dire. La Ruse est de ménager les puissants; mais si ceux que nous nommons les Puissants ne l'étaient que grâce à la complicité des hommes mûrs et des vieillards qui les ménagent". L'Eglise diplomate et politique fait cause commune avec la bourgeoisie, elle considère les pauvres comme les farouches ennemis de l'Evangile, alors qu'ils sont la Face déchirée du Christ: ainsi l'Eglise elle-même force-t-elle les pauvres à perdre le sens de leur honneur, qui tient à cette ressemblance privilégiée qu'ils ont avec le Christ souffrant. La grande colère de Bernanos n'est pas loin de refuser tout l'ordre des causes secondes, des fins et des moyens propres de la politique. Mais c'est justement la critique morale -et combien nécessaire – de la politique qu'elle institue. Le prophétisme de Bernanos nous fait sentir la présence effrayante du Dieu d'amour et de justice et, à chaque page presque de ce pamphlet, le lecteur se répète la parole de Savonarole: "Et si le Ciel allait s'ouvrir...".

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