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« Chapelet » (1914), second recueil de la poétesse russe Anna Akhmatova représente avec "Soir" (1912) l'essentiel de l'oeuvre de jeunesse d'Akhmatova et de sa contribution à l' "akméïsme".

Akhmatova, qui commença à écrire à onze ans, rejoignit en 1910 le mouvement "akméïste" (du grec "akme" -sommet), qui s'opposait au mouvement symboliste. L'akméïsme, à l'époque des débuts littéraires de la poétesse, était animé par Nicolas Goumilev, qu'Akhmatova allait bientôt épouser. La théorie de l'akméïsme distinguait en poétique quatre disciplines principales. D'abord celle qui concerne les mots qui sont pour la poésie ce que la chair est pour l'organisme et qui constituent la matière d'une "réflexion stylistique"; puis la "composition" qui forme l'ossature autour de laquelle se distribuent les éléments d'une oeuvre poétique. La "phonétique" s'occupe du rythme, des rimes, des voyelles et des consonnes, que Goumilev compare au sang qui circule dans un organisme vivant. L'image mentale ou la motivation profonde de l'acte créateur sont le "système nerveux du poème" qui fait l'objet d' eïdologie".

Certains critiques se sont demandé en quoi, ainsi défini, l'akméïsme était différent du classicisme, lequel requérait, tout autant, un équilibre dans la distribution de matériaux verbaux et un tempérament poétique qui tend à une vision d'ensemble du monde. "En 1910, dit Anna Akhmatova dans une courte préface au recueil de ses poèmes paru en 1961, la crise du mouvement symboliste a été suffisamment marquée et les poètes débutants n'adhéraient plus à ce mouvement. Certains rejoignaient le futurisme, d'autres l'akméïsme. Je suis devenue akméïste." C'est donc sous la bannière de ce courant que la poésie d'Akhmatova se révèle héritière du classicisme russe. Mais le trait le plus personnel de l'écriture d'Akhmatova c'est sa force sous-jacente, c'est le lyrisme contenu qu'elle enferme avec un rare sens de la mesure dans des formules poétiques aussi succintes qu'évocatrices.

Fait de précision et de clarté, le discours poétique de la jeune Akmatova est harmonieux. La source d'inspiration du "Chapelet" et du "Soir", c'est le monde des émotions intimes, son sujet central est le destin de la femme. Dans ses toutes premières oeuvres, Akhmatova est déjà capable de donner une résonance universelle à un autoportrait lyrique, et ceci avec une exquise économie de moyens, avec une finesse et une précision du dessin qui font penser à une épure, bien plus qu'à un croquis. Dans une de ses poignantes poésies de la dernière époque, "l'épilogue", du recueil "Requiem", on lit: "Oui, je connais les traits qui se déforment, / Sous les paupières vient nicher la peur, / Et le profil devient cunéiforme / Sous le stylet pointu de la douleur." C'est avec "le stylet pointu de la douleur" que sont ciselées plutôt qu'écrites, toutes les poésies d'Anna Akhmatova, dont le sens inné du tragique a trouvé une matière inépuisable dans la réalité de son époque et dans sa propre biographie.

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Commentaires

  • Le vocabulaire d'analyse du texte poétique peut faire sourire par l'emploi de termes approximatifs (ex : "la phonétique s'occupe du rythme") et imagés ( "les mots qui sont pour la poésie ce que la chair est pour l'organisme").
    Depuis, le structuralisme est passé par là et a considéré le poème comme une structure formelle pour laquelle il s'agit de mettre à jour, par une méthode scientifique, une série de jeux sur le signifiant (forme), lesquels vont converger vers un signifié(sens) loin de la paraphrase et de l'analyse impressionniste. Ces jeux sont les suivants : phonique, rythmique, morphologique, lexico-sémantique et... poétique ( tout ce qui diffère de l'écriture normative mais c'est plus compliqué). La convergence du relevé de ces éléments fait apparaître le sens.
    Ce travail n'apporte rien à une analyse de poésie dite "classique", celle dont le sens est déjà là. Par contre, pour des poèmes de la modernité, dont le sens est autant donné par le lecteur que par "l'écrivant", ce type d'analyse peut s'avérer très éclairant.
    Voilà : on vit avec son temps et notre époque, qui éclate un peu dans tous les azimuts, a érigé en dogme la technicité. L'analyse poétique elle-même exige la caution scientifique si elle veut continuer à rendre compte du réel hic et nunc. Mme Akhmatova et Mr Goumilev s'appuyaient sur une exégèse de leur époque. Il n'y a ni à en rire ni à en pleurer !
    D'autes temps viendront...
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