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Sous le titre « Nous autre francais » sont réunis des pamphlets de Georges Bernanos écrits en 1938 et 1939. C'est un nouveau chapitre de la violente campagne engagée par Bernanos depuis 1936 contre la "Croisade" du général Franco (voir "Les grands cimetières sous la lune"), contre son ancien maître Charles Maurras, et en général contre les milieux catholiques réactionnaires et conservateurs. Ce livre ajoute peu aux "Grands cimetières sous la lune" et au "Scandale de la Vérité". Plus que ces ouvrages, il s'est engagé dans la polémique quotidienne et parfois le ton baisse. Le dialogue Bernanos-Maurras, qui emplit plus de la moitié du livre, est cependant passionnant, et le portrait de Maurras qui nous est ici donné constitue un chef-d'oeuvre de satire, qui rappelle la grande discussion politique de "L'Imposture". Bernanos rappelle à ce dernier qu'il s'est, après la condamnation de l' "Action française" par le Vatican, privé de recevoir les sacrements. L'attaque se tourne alors vers les gens d'Eglise; vers le clergé et non vers l'Eglise; Bernanos en effet proclame sa fidélité inébranlable à cette Eglise, où, si on l'en chassait, il rentrerait, dit-il à genoux. La collusion de l'Eglise politique avec Maurras et avec Franco est, pour Bernanos, le signe même de la profonde crise de l'Esprit qui désole le monde moderne: l'Eglise elle-même verse dans le nominalisme; elle s'attache au signe plus qu'à la réalité; sa diplomatie n'a plus confiance dans la grâce et ne voit plus la profondeur surnaturelle de la vie des sociétés. En bref l' honneur se perd, c'est-à-dire le sentiment que la vie d'une nation se déroule d'abord sous le regard de Dieu, le sentiment qu'il y a des valeurs absolues de justice, de respect de la dignité humaine et de la vérité, qu'on n'a pas le droit de sacrifier à des fins politiques, mêmes prétendues bonnes: "Je ne crois pas à la Ruse, voilà ce que je voulais dire. La Ruse est de ménager les puissants; mais si ceux que nous nommons les Puissants ne l'étaient que grâce à la complicité des hommes mûrs et des vieillards qui les ménagent". L'Eglise diplomate et politique fait cause commune avec la bourgeoisie, elle considère les pauvres comme les farouches ennemis de l'Evangile, alors qu'ils sont la Face déchirée du Christ: ainsi l'Eglise elle-même force-t-elle les pauvres à perdre le sens de leur honneur, qui tient à cette ressemblance privilégiée qu'ils ont avec le Christ souffrant. La grande colère de Bernanos n'est pas loin de refuser tout l'ordre des causes secondes, des fins et des moyens propres de la politique. Mais c'est justement la critique morale -et combien nécessaire – de la politique qu'elle institue. Le prophétisme de Bernanos nous fait sentir la présence effrayante du Dieu d'amour et de justice et, à chaque page presque de ce pamphlet, le lecteur se répète la parole de Savonarole: "Et si le Ciel allait s'ouvrir...".

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