« Féérie nocturne Au Cinéma Paradiso »
ou
« Invitation au Voyage » sous la voûte étoilée
lors d'une Nuit estivale :
Une voix off provenant « d’une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas
connaitre », s’élève de la mythique enceinte et nous convie, par sa narration, à feuilleter quelques pages
de son « Roman d’un tricheur », album de cinéphile éclairé, jusqu’à en friser l’obsession :
Rendons grâce au ciné, cinématographe, l’apanage de « vieux professeurs de province »
selon une expression d’Apollinaire, emblème des Frères Lumière sans lequel nous ne pourrions être ici
rassemblés, avec pour dénominateur commun, cette inclination pour la cinéphilie, voulez-vous, chers amis
cinéphages associés et autres cinévores de fictions gravées sur la « pellicule » ?
« Faisons un rêve », une rêverie parsemée d’astres, de météores … Oh, certes, pas à la
manière de l’auteur de « l’Amour masqué », cet éternel séducteur libertaire et iconoclaste se moquant
comme d’une guigne des tendances et postures « in », voire d’une vogue on ne peut plus éphémère
aujourd’hui à l’affiche, illustre Sacha de génie qui aurait pu faire sien cette devise du Père de « l’Aigle à
deux têtes » : « Rien ne se démode plus vite que la mode » ou bien encore, cet aphorisme du philosophe
Gustave Thibon : « Être dans le vent est une ambition de feuille morte » corroborant celui de Roland
Barthes qui se voulait, lui aussi, dégagé d’une contrainte identique : « Tout à coup, je me suis rendu
compte qu’il m’était indifférent d’être moderne. »
Non, un rêve floréal et fructidor, sorte de « Songe d’une Nuit d’été » idéal, adapté sur « l’écran
noir de nos nuits blanches » par l’inventif auteur de « Meurtre mystérieux à Manhattan » et de « Coups de
feux sur Broadway », vous savez, cet esprit si subtil cultivant l’autodérision, l’humour du désespoir chers à
quelques plumes anti conformistes, qui, plus réaliste que jamais, n’hésite pas transmettre à ses semblables,
le message suivant : « La seule façon d'être heureux c'est d'aimer souffrir. »
Oui-da ! Qui affectionne l’onirisme, l’atmosphère des salles obscures relative au septième art « du muet » comme « du parlant », me suive, si j’ose dire…
Attention, le spectacle va bientôt débuter !
« Demandez le programme », « Embarquement immédiat » pour une « Brève Rencontre » ou
pour «A Star is born », au choix…
Et surtout, n’oubliez pas, rendez-vous durant la pause, juste à l’instant propice du générique où
viendra s’inscrire le mot « Finish », instant clé où l’ouvreuse, subrepticement réincarnée d’une scène d’un
« temps jadis » désormais révolu, vous fera sa réclame, cherchant à vous vendre son article en vantant les
mérites de quelques délicieuses friandises, le régal des becs sucrés : « Caramels mous, bonbons acidulés,
pastilles de menthe, Entr'acte » clamera t’elle tentatrice à l’adresse de nous autres, « Enfants de troupe »,
héritiers de Medrano (celui du fondateur historique Geronimo) empruntant son boniment gouailleur à un
poème des Cocardes de Jean Cocteau, genre de « Chansons populaires » mises en musique par un
Poupoul (alias le compositeur Francis Poulenc… ) ne dédaignant pas à s’encanailler !
Bref, après cette proposition d’Intermède, gage de douceurs alléchantes, reprenons le fil de notre synopsis :
« À nous la liberté », les horizons lointains et autres grands départs inassouvis ! Le chimérique empire cinématographique sur lequel règne votre serviteur, en autocrate patenté, simple commun des
mortels uniquement soumis aux règles de son bon plaisir purement égotiste d’un soir, vous convie, séance
tenante, à le rejoindre dans la « Forêt du rêve et de l’enchantement », en galante compagnie, aux côtés de
son page favori, Naguère, détenant au sein de sa gibecière de chasseur d’images associées à des sonorités
ô combien polyphoniques, d’ensorcelants poèmes, évocateurs de maintes « Liaisons dangereuses » et
moult« Destinées sentimentales ».
Entrez, entrez, bonnes gens, cédez à votre pente naturelle d’insatiable curiosité et vous verrez
par cette nuit magique étoilée ce que vous n’avez jamais eu l’audace d’imaginer, « Visiteurs du Soir », soit,
une programmation inédite, doux délire se prolongeant à l’infini de vos désirs d’épicuriens, amateurs de
cinémascope, au sens noble de son étymologie, animés d’une appétence gargantuesque du feu de Dieu,
alternant « Raison et sentiments » dénués d’« Orgueil et préjugés », tant et si bien que si vous me laissez
jouer ce rôle de Monsieur Loyal, et ce, aux « Portes de la Nuit », je vous fais le serment, un rien fanfaronne,
de vous amener à apprivoiser un pan psychique de notre humanité tellement complexe !
Or, bien que le cinéma ne soit pas un art vivant de la scène, mais plutôt un art recomposé qui
capte le fugace, représentant un témoin de la vision de l’instant du créateur, il reste indéniable qu’il
contribue de par son apport d’émotions, à engendrer la réflexion qu’elle qu’elle soit…
Que diriez-vous si je vous proposais de vous replonger dans la Fontaine de Jouvence de ce
prestigieux patrimoine universel défiant les âges, les classifications et querelles de chapelles engendrant
« Guerre et paix » et les « Raisins de la colère », voir un « Drôle de drame »?
Seriez-vous disposés, « Les Uns et les Autres », « Passante du sans souci », à me suivre, afin de
diriger nos pas de concert, vers le boulevard du crime, du moins, celui dépeint par Jacques Prévert au
cœur des « Enfants du paradis » sans oublier celui de « Monsieur Lange » ? Saurez-vous épouser « La
Règle du jeu » bercés par « Trois petites notes de musique » ? Et bien, téméraire, j’ai l’audace désormais,
de présumer que oui, de faire le pari que vous allez me rejoindre dans cet univers aujourd’hui défunt, une
once nostalgique, de Toto évocateur du « Cinéma Paradiso » …
Ah, j’entends, après la « Leçon de piano » « le silence est d’or », « On connait la chanson » ! Vous
dites ? C’est là faire preuve d’une « Grande illusion » tout en faisant « Beaucoup de bruit pour rien » ?
Vous avez déjà été guidés par des initiés épris des « Temps modernes », certes, je vous le
concède, et me trouvez ainsi fort « Ridicule » et diablement présomptueuse de prétendre concocter pareille
éclectique programmation ? « Comme il vous plaira », me dear, pour rien au monde, je ne voudrais
déclencher les bourrasques de « la Tempête » !
Et bien, soit, je me range à votre aspiration somme toute fort légitime d’organiser vous-même
votre festival miniature, en ce haut lieu tourangeau dénommé les « Studio », pouvant s’enorgueillir de
détenir le label si prisé de cinéma « d’art et essai », hanté par un vénérable parrain (veuillez ne point y
voir, je vous prie, une allusion au titre homonyme de Coppola, mais à un précurseur défrayant la
chronique, l’abbé Henri Fontaine…) escorté, quelques lunes plus tard, d’une prestigieuse figure, en la
personnalité d’Henri Langlois de la Cinémathèque française.
Et puisque, en l’occurrence, la courtoisie implique qu’il me faut faire montre d’une ouverture
d’esprit, de tolérance, je concède volontiers à que vous vous abandonniez à …mes goûts imposés par mon
pouvoir absolu, consentant néanmoins, à écouter certains de vos fantasmes, sous peine de vous voir
développer un égarement digne du « Psychose » ou de « Sueurs froides » du fameux Alfred H. …
Moteur, silence on tourne, ou plutôt, traduction : attention, la projection va commencer !
À vos postes, À vos « Fenêtres sur courts », en z’yeutant nos congénères en prise avec leur
existence, « Âmes rebelles » nous témoignant de leur « Fureur de vivre » et « Affinités électives »… Qu’il
nous soit permis d’appréhender leur profil psychologique par le petit bout de la lorgnette ou bien par la
grande, une fois les lumières de la salle éteintes, tels d’incurables voyeurs que nous sommes tous, plus ou moins :
Et maintenant, « ladies et gentlemans », place au spectacle, aux plans séquences d’une palette de
comédies et mélodrames cultes, interprétée par une brigade de « Bright stars » légendaires … « Tous en
scène » à investir vos fauteuils, comme n’aurait pas eu peur de vous le déclarer l’auguste Vincente,
metteur en scène haut en couleurs de « Gigi » « d’Un Américain à Paris » et de «La vie passionnée de
Vincent van Gogh » !
Honneur, à vous, Mesdames, libérez-vous de vos entraves, de grâce, de vos inhibitions les plus
secrètes, les plus refoulées, les plus inavouables ; n’ayez plus crainte de nous révéler cet « Obscur objet du
désir » qui coule de source « Comme un torrent » ; d’ailleurs, pourquoi vous en faudrait-il rougir,
dites-moi ?
Nul n’aura l’idée de vous reprocher que vous trouviez une respiration salutaire en vous identifiant
à une pléiade de « belles de jour », protagonistes d’étoffe singulière jalonnant l’histoire du cinéma, les
femmes de chair tout droit sorties du ciné club, ou du « Mac Mahon » de Paname (d’avant son acquisition
par le groupe Bolloré) les « Immortelles » nanties d’autres atouts que leur pure enveloppe corporelle,
personnifiées sous les traits de « l’Insoumise » et vénéneuse Bette Davis, qui a à jamais imprégné de sa
griffe, « la Vipère, Femmes marquées, l’Étrangère, Ève, L’Intruse, la Garce, la Lettre », les rebelles entrant
en résistance contre le système, portées par Katharine Hepburn dans « l’Impossible Monsieur Bébé,
Indiscrétions, Madame porte la culotte, L'Odyssée de l'African Queen, Une femme de tête, Soudain l'été
dernier », les vénéneuses illustrées par Gene Tierney surnommée la Magnifique, « Laura, Péché mortel »,
les fatales au souffle envoûtant, fascinants mi-ange mi-démon au destin tragique, victimes de leur aura,
telles Rita Hayworth donnant vie à Gilda, à La Dame de Shanghai, la Divine, Greta Garbo dans la Dame
aux camélias, la Reine Christine, ou bien « sirène fatale aux hanches ondulantes et au décolleté
vertigineux » similaire à la torride Ava Gardner dans « Pandora », « La Comtesse aux pieds Nus », « les
Tueurs », « Les neiges du Kilimandjaro »…
À moins que vous vous projetiez, le temps d’un zoom ou d’un travelling, chères inguérissables
friandes de romances du style « Vacances romaines », « Sabrina » et « Diamants sur canapé », à travers des
tableaux miroirs comblant vos vagabondages imaginaires florissants en fantasmagorie, esquissant la
silhouette de lascives faussement indifférentes, sortes de volcans, de feux couvant sous la glace, une once
manipulatrices, traduisant leurs conflits intérieurs, si ce n’est fêlures ophéliennes comparables à une Vivien
Leigh dans « Un tramway nommé Désir » et « La Valse dans l'ombre », au gracile « Cygne » hitchcockien,
Grace Kelly, dans « Le crime était presque parfait », « la Main au Collet », la captivante et charismatique
Ingrid Bergman nous dévoilant les failles de ses héroïnes campées au sein « des Enchainés », « la Maison
du Docteur Edwardes », les « Amants du Capricorne »et « Casablanca », la féline et spirituelle Audrey
Hepburn au port altier, dans « Comment voler un million de dollars », « Charade », »Drôle de Frimousse »,
ayant de surcroit, une pensée émue envers les sacrifiées ou victimes de leurs attraits esthétiques, en
similitude du personnage de Lara du Docteur Jivago incarné par Julie Christie, pensée attendrie,
reconnaissante à l’égard d’un cortège de ravissantes frimousses, frais minois, et incomparables
charmeresses s’envolant sur les « Ailes de la danse », de Judy Garland, à Barbra Streisand, de Cyd
Charisse à Ginger Rogers, Shirley Mac Laine…
Quant à vous, mes Seigneurs, de quoi oseriez-vous vous plaindre ? N’avez-vous pas déjà atteint le
Nirvana, en tenant entre vos bras à fleur de peau, virtuellement s’entend, d’exquises et pulpeuses
créatures, vilains infidèles ? Vous qui aspirez, en affreux polygames patentés, à leur susurrer au creux de
l’oreille : «Troublez-moi ce soir » ? Heureux élus que vous êtes, d’être le temps d’une capture d’images, du
déroulement de l’intrigue, les favoris de ces dames, de tant de candides ou sulfureuses Vénus, blondes
platines, brunes incendiaires, rousses flamboyantes, faisant de vous, les plus fortunés ou les plus
misérables du sexe dit fort (parfois si faible, que c’est grande pitié que d’assister à votre déchéance,
pauvres pantins dont les maitresses femmes, finaudes, tirent les ficelles à souhait …) car, ne nous y
trompons pas, la puissance n’est pas toujours là où l’on la croit de prime abord, n’est-il pas vrai ?
« Aussi mon Dieu faut-il avoir du goût », pour paraphraser à nouveau le Guillaume de Marie Laurencin…
N’êtes-vous pas sans cesse sur le qui vive, continûment prêts à succomber devant une
représentante de l’Éternel féminin et à lui déclarer tout feu tout flamme votre émoi : « Chérie, je me sens
rajeunir »?
Assurément, « la Vie est belle », quand ce triste sire, le Fatum repose, et ce n’est certes pas Franck
Capra qui viendrait nous contredire, n’est-ce pas ?
Ah, « Tant qu’il y aura des hommes » de la trempe de Burt Lancaster pour nous troubler et nous
inciter à les accompagner, fondant comme neige au soleil, lorsque, de leur organe vocal viril au timbre
ténébreux, ceux-ci nous enjoignent à nous damner pour eux : « Mignonne allons en enfer » …il existera
bel et bien l’opportunité de faire de vous des « Millionnaires », Messieurs, ou à l’inverse, de malheureux
« Désaxés » !!!
Qui vivra verra, « que serra, serra ! »
Cinéphiliquement vôtre,
De la part d’une dénommée Garance
Revenue pour la circonstance de là,
où sont réfugiés « les Enfants du Paradis »
Et puis ce soir on s'en ira
Au cinéma
Les Artistes que sont-ce donc
Ce ne sont plus ceux qui cultivent les Beaux-Arts
Ce ne sont plus ceux qui s'occupent de l'Art
Art poétique ou bien musique
Les Artistes ce sont les acteurs et les actrices
Si nous étions des Artistes
Nous ne dirions pas le cinéma
Nous dirions le ciné
Mais si nous étions de vieux professeurs de province
Nous ne dirions ni ciné ni cinéma
Mais cinématographe
Aussi mon Dieu faut-il avoir du goût
Avant Le Cinéma
De Guillaume Apollinaire
(Recueil Il y a.)
Le 16 Décembre 2012, Valériane d’Alizée
Portrait de Bette Davis
(cliché photographique de source inconnue)