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Le chemin de l'oubli

 

Soliloque

Le voeu de tout vivant est que l'on se souvienne,

Quand il ne sera plus, que nous l'avions aimé.

Il laisse des pensées qui quelque temps reviennent,

S'estompent, disparaissent. Ô passé abîmé!

L'inévitable oubli nous aide à rire encore,

Après avoir souffert, accueilli la douleur.

Celle-ci, lentement, s'atténue, s'évapore;

La vie a tant de charmes et de vives couleurs!

Parfois, subitement, on se fait des reproches.

On avait le désir de sauver son esprit,

De sentir sa présence animée, toujours proche.

Mais qu'importe pour lui le chemin qu'on a pris?

Parce qu'il nous aimait, il surveillait la chance,

Espérant ardemment qu'elle nous comblerait.

Il aimerait nous voir recevoir l'espérance.

La sagesse rassure et apporte la paix.

13 mars 2014

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Charlot

 

Avant Bibig, nous avions un autre teckel qui portait le nom de Charlot. C’était un chien superbe à la poitrine large et aux pattes arquées comme des pieds de chaise Louis XVI.

Nous l’aimions beaucoup malgré une singularité assez gênante : il ne supportait pas le mouvement des volets de fenêtre. Chaque matin et chaque soir, pendant que je tournais la manivelle, il hurlait à la mort.

Lorsque nous étions en voiture, à chaque fois que nous avions le malheur de passer devant le magasin d’un commerçant qui ouvrait sa devanture métallique, Charlot se précipitait sur le pare-brise, par-dessus la tête de ma femme,  et se mettait à hurler une fois de plus. Ma femme était obligée de détourner la tête parce que nos voisins de colonne nous regardaient avec mépris. Avec d’autant plus de mépris que nous avions collé sur la vitre arrière une affichette qui disait : votre chien, c’est votre enfant, ne l’abandonnez pas durant  vos vacances !

A part ce trait de caractère, Charlot était charmant. Il était affectueux et ne se plaignait pas trop de la présence de nos enfants et de nos chats. Nous en avions quatre. Deux enfants et deux chats. Serge, Catherine, Nabuchodonosor

Et Puce que dans le langage familier des parents, nous appelions Sergeot, Cathy, Nabu e Pupuce .

Avez-vous remarqué ? Dans les familles aimantes, le prénom des proches subit toujours de curieuses altérations. Ma femme, je l’appelais mon petit poulet alors qu’aux premiers temps de notre mariage, c’était petit castor puis coco qui est assez commun. Plus tard, ce fût chou et enfin petit poulet. Je me demande si je l’ai jamais appelée : mon chéri !

Charlot et nos chiens s’entendaient très bien. Ils dormaient ensemble, ils jouaient ensemble et ils mangeaient ensemble. En fait, lorsque je dis qu’ils mangeaient ensemble, ce n’est pas tout à fait vrai. C’est Charlot qui mangeait avec eux.  Dès qu’il avait achevé son repas, il se ruait sur celui des chats. Néanmoins, parce qu’il n’était pas assez rapide pour vider à lui seul les trois écuelles à la fois, chacun des chats achevait tout de même un repas par jour.

A la mort de Charlot, Pupuce qui était maigre et farouche, nous pensions que c’était là sa nature, prit du poids et devint plus sociable. Il est probable que trois animaux, deux enfants et deux adultes constituent une population excessive pour l’épanouissement des chats et qu’il suffit que cette population se réduise pour que tout rentre dans l’ordre. A en croire les psychologues, il n’en va pas autrement pour l’espèce humaine. Dans un grand nombre de couples, il se produit des phénomènes analogues. L’un des deux est de trop.

Charlot était un chien plein de vitalité, il courait toujours. Dans les escaliers, dans la cuisine, dans les chambres, il passait d’un point à un autre à la vitesse de l’éclair. Lorsque vous souhaitiez vous rendre dans les waters, à peine aviez-vous ouvert la porte qu’il y était assis avant vous. Nous y étions habitués.

Malheureusement, il courait aussi dans la rue après tout ce qui le dépassait de la taille. Dobermans, Bergers allemands, facteurs, voitures, il les poursuivait tous, aveuglé par l’instinct du chasseur. Pour ce qui était des chiens et des facteurs, ce n’était pas trop grave, un peu d’intimidation suffisait à le calmer. En revance, il les pourchassait jusqu’à ce qu’elles aient tourné le coin de la rue. Ce n’est qu’alors qu’il revenait, heureux, persuadé je suppose qu’elles ne repasseraient plus devant lui. Pauvre Charlot !

C’était au début du mois de Mai. Il faisait chaud, la porte-fenêtre du jardin était ouverte. Les cerisiers du Japon étaient en fleurs et, sur les trottoirs, l’éclat du soleil était tout rose. C’était une journée bénie pour le repos. Maggy travaillait dans la cuisine et moi, à moitié somnolent, je lisais dans le salon.

Soudain, nous avons entendu les hurlements d’une voiture, les aboiements rageurs de Charlot, des crissements de frein. Puis plus rien. Le temps d’arriver en courant, la rue avait retrouvé son calme et son éclat.

Charlot était étendu au beau milieu de la rue, irrémédiablement immobile sans l’apparence d’une blessure. Parfois, lorsque le soleil était trop fort, c’est dans la même position qu’il s’abandonnait dans le jardin pour dormir.

Que fallait-il faire ? Ce que chacun d’entre vous auriez fait. Nous avons décidé de reporter sur un de ses frères, l’affection que nous portions à Charlot.

 

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Neuf ans JGobert

J’ai neuf ans et les préparatifs pour mon départ se font.  Un petit sac de toile où maman entasse mes quelques affaires. Dans ce bourg écrase de soleil l’été, je joue dehors avec les gamins de mon âge. Notre terrain de jeu est rocailleux, poussiéreux et notre cabane, un vieux véhicule décharné, abandonné sur le côté d’une route. Mon village est miséreux avec une petite école et sa cour.

Des chèvres malingres vivent en liberté. Les maisons aux toits plats sont tristes. Les habitants désertent cet endroit. Il fait si chaud l’été que la végétation s’étiole, la flore pousse le temps de verdir la nature et grille.  Après ce printemps de courte durée, une chaleur suffocante s’abat sur nous et  nous colle à la peau.  Dans le village, les anciens, assis à l’ombre boivent du thé et dans un geste machinal chassent les mouches. Ils regardent passer l’invisible.

Aujourd’hui je pars pour le pensionnat dans une grande ville, j’ai été sélectionné parmi les élèves de mon âge pour faire des études. Toute la famille est fière de moi et c’est en bon petit soldat que j’attends le bus qui va m’emmener vers l’inconnu. Droit devant moi, mon père, lettré, érudit, sait que l’éducation peut me sortir de ma misère et prétendre à une vie meilleure.  Sous ce ciel aride, seuls les instruits ont une chance.  Fier que son fils ainé parte pour le pensionnat, les larmes sont interdites, il ne montre pas son émotion et balayait d’une main ferme les femmes qui pleurent.

Dans le bus qui me conduit dans ce nouveau monde, je ne suis pas seul. D’autres gamins sont là, eux aussi choisis sur leurs petites compétences. Un grand garçon au fond du bus fait déjà figure de caïd, de chef. Il parle haut et les autres, intimidés le regardent avec respect. Dés neuf ans, la loi du plus fort s’applique. Prés de moi, un petit garçon malingre avec de grosses lunettes, un autre avec le regard triste et un plus petit qui pleure. Quelques rangées plus loin, un garçon au visage d’ange que sa maman a habillé d’un col blanc et qui me sourit. Le bus est presque plein et cette fois, le voyage nous emmène dans la grande cité où nous allons vivre.

 Apeuré et fébrile après des heures de route, j’attends que le bus s’arrête, ramasse mon petit sac en toile et arrive devant cette porte grande ouverte et donnant sur une immense cour. Des bâtiments à étage se profilent au fond et la hauteur des étages me fascine.

Bien rangés comme des petits soldats de plomb, chacun a reçu son affectation, le numéro de son étage, de sa chambre et de sa classe. Deux heures pour s’installer, rendez vous au réfectoire et ensuite premier cours pour faire connaissance avec le personnel.

Mon petit copain  au visage d’ange ne me quitte plus. Il est tellement apeuré qu’il en trébuche. Quelques uns déjà se moquent de lui. Je me sens aussi un peu à l’écart. Les découvertes sont nombreuses, l’eau courante, les éviers, les douches, les lits superposés et chacun une armoire de fer. Le luxe pour nous qui ne possédons rien.

La rencontre avec le personnel dans la cour sous un soleil de plomb fait un peu retomber notre euphorie et notre excitation. Alignés sans bouger pour entendre le règlement, nous comprenons qu’ici, un seul mot prédomine : « Etudier »  

Après avoir reçu cette batterie de renseignements sur ce que ma vie sera les prochaines années, c’est assis dans un coin que mes pensées rejoignent mon petit village là-bas au bled. Les amis restés au village me manquent. Ma rue couverte de caillasses, de poussière, mon ennui, ma misère me manquent. Et toujours dans mon cœur, cette famille, mon père droit et inaccessible,  ma mère et mes petits frères et sœurs.

Mon compagnon de misère n’a pas résisté longtemps et a dû partir, souffrant d’une maladie sans nom.

J’ai donc étudié pour moi, pour lui.  Je m’en suis bien tiré. Quand j’ai reçu le certificat, c’est vers l’adolescence que je pars en changeant d’établissement. Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ma vie.

JGobert

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Le Grenier Jane Tony

A tous ceux qui ont beaucoup donné pour que le Grenier Jeanne Tony soit ce qu'il est,
je pense d'abord - et pourquoi pas ? - à Jeanne Tony elle-même et au regretté Emile,
à tous les membres du Grenier, ceux d'aujourd'hui et ceux d'hier, j'aimerais dire qu'il n'est pas pensable que cette aventure se termine ainsi au prétexte que quelques uns se sont permis de mettre en doute la qualité de ce qui s'y passait, de salir sa réputation. 
La Poésie n'a vraiment pas besoin de ce qu'à Bruxelles nous nous privions de ce relais alors que par ailleurs tout le monde se plaint du peu d'intérêt que notre société marchande lui accorde.
Un Conseil d'administration se réunira bientôt. J'espère qu'il donnera tort à ceux qui voudraient un peu vite effacer le Grenier Jane Tony du paysage de la Poésie à Bruxelles.

Claude Miseur

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Le nom d'un chien.

 

Bibig n’est pas son véritable nom. Bibig est le diminutif de Big Boss. Big Boss non plus n’est pas son véritable nom. Nous le lui avons donné par modestie. Et parce que dans la rue, les enfants se moquaient de lui. Son patronyme véritable, en effet, avait une connotation aristocratique qui, il faut le reconnaître,  fait toujours envie  aux gens du peuple.. Il se nommait : Xander des Agasses.

 Bibig est un teckel à  poils courts qui est avec nous depuis près de dix ans.

Nous l’avons adopté à la mort de Carlot.

Adopter un enfant est une tâche compliquée et grave. Si on réfléchissait autant au moment de le concevoir pour son propre compte, un grand nombre de nuits ne seraient pas ce qu’elles sont.

Faut-il s’en plaindre ou s’en réjouir ? Serait-il souhaitables que des institutions philanthropiques, des assistants sociaux et des magistrats assistent les jeunes mariés au soir de leur nuit de noce, je ne sais pas. Mais, il y a là une sorte de discrimination à une époque où il paraît naturel de rendre compte aux autorités de tant d’aspects de notre vie privée.

Qoiqu’il en soit, s’il est moins compliqué d’adopter un chien que d’adopter un enfant, c’est cependant une démarche qui demande beaucoup de sérieux.

 Qui choisir ? Des psychologues prétendent que le compagnon à quatre pattes est le fidèle reflet de son maître. A moins que ce soit le contraire ? Cela signifie que le choix d’un chien implique d’abord de bien se connaitre soi-même.

Les Romains qui ont tout dit, à moins qu’il ne s’agisse des Grecs ?, disaient que ce n’était pas fréquent de leur temps. Ce ne l’est pas davantage aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, vous l’avez remarqué, ce sont les chiens qui choisissent leur maître. Plus perspicaces d’instinct, ils pèsent les avantages et les inconvénients d’une liaison avec tel ou tel individu dont aucun C .V. ne leur a été soumis.

J’ai souvent vérifié que lorsque l’être humain se montre dans son plus grand naturel devant un groupe de chiens, et qu’il accepte d’être élu par l’un d’entre eux, il se fait un ami qui de toute évidence lui était destiné. Bien plus que son épouse lorsqu’il se marie pour dieu sait quelles raisons frivoles, le nombre élevé des divorces le démontre tous les jours.

Maggy et moi, comme des adultes conscients, nous avons évoqué ce que nous attendions de lui. Il devait être gentil pour vivre en bonne entente avec les enfants et les chats. Grand et vigoureux pour effrayer les voleurs et nous défendre.

Ce pouvait être un batard, nous n’étions pas vaniteux. Toutefois, il fallait songer à certains de nos amis qui pourraient trouver étrange que nous n’ayons pas un chien de race. D’autre part, j’avais vu à la T.V. des chiens français très amusants, des Briards qui rassemblaient les moutons sans qu’il soit nécessaire de leur en donner l’ordre. Un Briard, me disais-je, ce serait bien !

Maggy me fit remarquer :

  • Il y a peu de chances que nous ayons un jour des moutons.

Nous en avons discuté quelques heures sans grande conviction. C’est comme pour le choix d’une voiture. On joue avec l’idée de choisir une marque différente de celle que l’on a et finalement, on achète la voiture qu’on possède déjà.

C’est Cathy, notre fille, qui résolut la question après avoir longtemps pleuré dans sa chambre. Elle ouvrit la porte du salon en disant :

-J’en veux un comme Charlot.

Le choix était fait.

Madame Vansteen était la présidente du Teckel Club. Nous lui avons téléphoné. Elle comprenait l’importance de la décision que nous allions prendre et elle nous félicitât pour la gravité avec laquelle nous l’envisagions. Elle était confrontée quotidiennement avec les mêmes problèmes de conscience mais elle ne trouvait pas toujours en face d’elle notre pondération chez des couples bien intentionnés, certes, mais un peu légers. Ils choisissent leur Teckel en fonction de sa taille mais ils ignorent tout de sa psychologie. Puisque nous avions eu un teckel, elle nous encouragea à en adopter un autre. Ce n’était pas dire du mal des autres chiens que de dire que le teckel est particulièrement attachant. Sans parler de son intelligence qui est exceptionnelle malgré, parfois, des aspects troublants.

C’est vrai mais, à en croire madame Vansteen, c’était le signe d’une spiritualité quasi humaine. Je n’ai pas compris ce qu’elle entendait par spiritualité quasi humaine. Personnellement, je n’aurais pas songé à faire ce rapprochement.

Bref, elle connaissait un petit éleveur qui venait d’avoir une portée de champions. Il ne s’en défaisait qu’à contre coeur mais puisque nous étions des gens honorables, madame Vansteen était sûre qu’il nous confierait un chiot sans regret.

Le soir même, tous les quatre, Maggy, Serge mon fils, Cathy et moi, nous étions chez l’éleveur en question.

A la périphérie de la ville, il occupait une petite maison comme en occupent les retraités. Elle était constituée d’une salle à manger qui fait office de hall d’entrée et de salon, d’une cuisine et, la partie essentielle de la maison, d’un appentis ouvert sur le jardin.

Chez la plupart des retraités, l’appentis sert d’atelier de bricolage. En réalité, c’est une sorte de réserve où les épouses relèguent leur mari pour ne pas l’avoir dans les pieds toute la journée ou, au contraire, un refuge pour les maris que la vie professionnelle  n’a pas habitué à vivre en commun avec celle qu’ils ont conquise lorsqu’ils étaient encore des jeunes gens sans expérience.

Les parents de Bibig quant à eux concentraient leur passion sur les trois chiens qu’ils possédaient. Trois teckels qu’ils élevaient comme on élève des enfants. Peut-être mieux. Il faut dire que ces enfants-là leur procuraient de nombreuses satisfactions. Lauréats de concours internationaux, chacune de leur saillie représentait un petit capital. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

La mère de Xander, par exemple, était une chienne dont l’arbre généalogique avait de quoi faire pâlir d’envie des familles humaines à la noblesse souvent moins prestigieuse. Quant à ses  performances, ses diplômes étaient là pour en attester, si notre Serge, il n’est pourtant pas sot, voulait un jour les égaler, c’est le Prix Nobel qu’il devrait s’efforcer d’obtenir.

Au bout d’une demi-heure durant laquelle chacun d’entre nous parlât des siens, nous pûmes enfin voir les enfants.

J’avoue que je fus un peu déçu. Je ne sais pas très bien à quoi je m’attendais mais de voir côte à côte dans un panier, deux chiots pas plus gros que de grosses souris, les yeux fermés, pas plus longs qu’une paire de saucisses de Francfort sur une assiette m’inquiétait. Etaient-ce là les descendants d’une grande famille ? Et si la mère s’était mésalliée, nos éleveurs le reconnaîtraient-ils ?

Maggy les trouvaient ravissants tous les deux. Elle prétendit qu’on voyait rarement des chiots si beaux à leur naissance. Elle avait dit la même chose à la naissance de chacun de nos enfants. Je reconnais qu’en l’occurrence, elle ne s’était pas trompée mais je restais troublé. En outre, le problème était de savoir qui choisir des deux, de Xander ou de sœur jumelle ? Après les avoir réveillés, on les fît marcher. Ils étaient aussi patauds l’un que l’autre. Ils ressemblaient à de petits boudins en mouvement. Moi, je guettais les yeux. Je me disais : je prendrai celui dont le regard pétillerait d’intelligence, celui dont le regard en croisant le mien se ferait complice.

Ils n’avaient pas l’air de s’intéresser à nous. Leur seule préoccupation était de retrouver leur panier.

Cependant, l’un d’entre eux avait quelque chose que l’autre n’avait pas, c’était Xander. Lorsque  Catherine le prit dans ses bras, il eut cet air qu’il conservera, je présume, toute sa vie. Celui d’un être accablé par la fatalité et qui porte sur son visage toute la désolation du Monde. Est-ce qu’un si jeune chien pouvait éprouver de tels sentiments ? Cette expression de nature quasi métaphysique me mit mal à l’aise. 

Vous voyez comment sont les gens ? Ce qui me gênait était précisément ce qui attendrissait ma fille. Je me disais : est-ce qu’il n’a pas l’air bête ? Et Cathy pensait : Comme il a l’air malheureux. Peut-être avions nous raison tous les deux ? On peut être malheureux de se savoir bête.

Naturellement, je gardai mes réflexions pour moi tout en me demandant s’il était sage de s’encombrer d’un être qui à vos propres embêtements ajouterait les siens. Je tentai de dire :

-Une petite chienne nous apportera plus de joie. Elle sera plus caline, plus docile aussi.

Maggy haussa les épaules.

-Tu as toujours été sensible au beau sexe, voilà tout.

Quant à Catherine, il y a longtemps qu’elle éclatait de rire lorsque je parlais de docilité féminine. Ce fut Xander qui gagnât.

Je signai un chèque au porteur, je mis Xander dans la poche intérieure de mon imperméable et nous rentrâmes à la maison.

Nous nous assîmes tous les quatre dans le salon et Xander fut déposé entre nous sur le tapis.

Nous regardions Xander, assis sur son petit derrière qui ne regardait personne.

-Je me demande s’il se plaira parmi nous ?

Serge qui n’avait rien dit de la soirée remarqua soudain une petite flaque qui mouillait le tapis. 

  • Mais il fait pipi.

Il était offusqué.

-Tu vois, triompha Cathy, tu avais tort de t’inquiéter. Il vient de marquer son territoire, il accepte de rester.

 

 

 

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Temps nouveau, autre style

 

Terza rima

 

Les muses, fort longtemps, ont offert aux poètes

Des genres harmonieux pour combiner les mots.

Ces formes, aujourd’hui, paraissent désuètes.

Les pantoums berceurs demeurent certes beaux,

N’utilisant toujours, seulement, que deux rimes.

Les phrases s’y répètent comme dans un rondeau.

Certains anciens poèmes atteignent le sublime

D'autres donnent, parfois, le goût de les chanter.

Les sonnets sont troublants, délicats et intimes.

La poésie propulse en des aires enchantées,

À moins de se vouloir ambiguë et secrète.

Peu ressentent, je crois, l’envie de détecter.

Les muses continuent, fidèles et discrètes

À oeuvrer pour créer de l’émerveillement.

Leurs élus, en émoi, les écoutent, les fêtent,

Transcrivent leurs propos dans le recueillement.

21/9/2005

 

 

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chimères

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Suce-moi ma peine, mon temps,

Suce-moi mes joies, mon rang,

Nous côtoierons les dieux,

Partirons vers d’autres cieux,

Découvrir d’autres horizons,

Nos folies auront raisons,

Je te verrais alors en rire,

J’admirerais ta joie de vivre.

 

Suce-moi mes chairs, mon sang,

Suce-moi mon coeur, mon gland,

Loin des dogmes indéniables,

Nous côtoierons les diables,

Je te rendrai sûrement la pareille.

Nos jours, nos nuits merveilles,

Arriveront à briser tes chaînes,

Feront envoler tes peines.

 

Suce-moi ma peau, ma vie,

Suce-moi mon âme, j’envie,

Nous partagerons au fil des jours,

Les instants appelés amours.

Nul fantôme ne parviendra

Aucun vampire ne saura

Nous empêcher de le crier

Combien il est bon, d’aimer !

 

Toute reproduction même partielle interdite © 

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ma polonaise

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Venue d’un pays où les loups deviennent chiens,

Venue d’une région où l’hiver t’appartient,

Tu es prise dans cette étrange et écarlate spirale,

Tu es arrivée à une étape que j’espère finale.

Venue où moi, cet être épris essaie et te retient

Venue où pourtant, je n’y mets là, aucun lien,

Tu es même libre de corps et d’esprit,

Tu es là, malgré tout, tu y restes et y vis.

Venue sans intention et te voilà aimée,

Venue sans ambition et te voilà rêvée,

Tu es devenue ma seule et unique égérie

Tu es ma polonaise, tu fais partie de ma vie !

 

L’amour ne connaît pas les frontières !

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Partie carrée

 

Pierre avait épousé Cécile tandis je me mariais avec Marie. Le même jour. Tous les quatre, nous nous étions promis une amitié et un amour éternels. Cinq ans plus tard, Pierre qui était un coureur né avait une maitresse.

Je l’ai répété à Marie, elle était au courant de tout ce qui concernait nos amis.

Elle m’a regardé avec cet air moqueur qui me désarçonnait.

- Pierre se partage entre elle et Cécile qui n’en sait rien. De toute manière, le jour où elle l’apprendra  Pierre en aura déjà une autre. Cécile aura toujours une maîtresse de retard.

- Belle comme elle est, elle devrait se prendre un amant. J’en connais beaucoup qui seraient disposés à faire un effort.

Je le disais en riant mais cela ne faisait pas rire Marie.

- Tous les hommes sont l’esclave de ce qu’ils ont entre les jambes.

- Moi excepté, bien sûr.

Quels que soient les sentiments que m’inspiraient Cécile, il en est que je n’aurais pas confessés à Marie, je l’avoue. J’en rougissais intérieurement. Pierre était mon ami. Il m’aurait confiée sa femme dans le plus simple appareil, je n’aurais pas levé les yeux sur elle. Enfin, c’est tout comme. Enfin, je crois.

Je n’approuvais pas l’attitude de Pierre. Plus encore, je ne l’excusais pas. Quelque soit l’amitié qui nous liait, une amitié de toujours, je trouvais son attitude indigne. Pierre, Cécile, Marie et moi nous formions tous les quatre un carré d’amis qui s’étaient voulus digne de notre adolescence. Cette période de formations, de serments d’honneur et de résolutions qui marquent la vie tout entière. Je pris la résolution de lui parler. C’était un problème d’hommes. Un problème d’hommes que je souhaitais régler sans heurts, sans cris, dans le souci d’être celui qui comprend et qui rassemble.

Un après-midi, je me rendis chez Pierre. Pierre devait être au bureau. Cécile serait seule. Je m’efforcerais de la ménager.

Elle me reçut sans être surprise. Nos relations étaient celles de parents qui chez les uns ou chez les autres étaient toujours chez eux.

- Bernard ! Je suis contente de te voir. Et Marie ?

- Elle est à la maison, je lui ai dit que je me rendais à mon bureau.

- Elle ne sait pas que tu es ici ?

- Je voulais te parler. Seul à seul.

C’est vrai qu’elle était belle. Une chemise ouverte sur la poitrine dénudée à moitié, le jean serré, je comprenais qu’elle suscite la concupiscence de ses interlocuteurs masculins. Il y a cinq ans, c’est elle peut être que j’aurais du épouser. Mais aujourd’hui c’est peut être Marie que j’aurais désirée.

Qui a dit que les hommes devraient disposer de deux femmes pour être des maris fidèles. Une femme pour le jour et une autre pour la nuit.

C’est Pierre, le coureur de jupons, qui avait raison ?

Je me demandais si j’avais l’air suffisamment grave. Il faut une certaine solennité à l’annonce des mauvaises nouvelles.

- Je suis ennuyé Cécile. J’ai longtemps réfléchi. Si je n’avais pensé qu’à moi, je ne serais pas ici maintenant. Mais l’amitié impose des devoirs.

Elle s’était assise sur le divan, les jambes écartée, et me regardait en souriant.

- Tu me fais peur. Je ne te savais pas si solennel.

- Pierre te trompe.

- Tu m’as fait peur.

Son sourire s’était fait ironique.

- Tu sais avec qui ?

- Non.

- Je croyais que tu le savais.

Son regard s’était fait tendre.

- Avec Marie. Avec Marie, ta femme.

C’est drôle, la manière dont le temps passe. Je venais de vieillir d’un seul coup. Ce qui était plus drôle encore, c’est que je n’en éprouvais aucune tristesse.  C’est elle que j’aurais du épouser.

Elle s’est levée et elle s’est approchée de moi.

Elle me le répéta un peu plus tard tandis que je serrais son corps nu contre le mien.

- Avec Marie. C’est mieux avec Marie ou avec Moi ?

Finalement, nous étions restés fidèles à ce carré que nous formions au jour de notre mariage. Et qui s’était promis amour et fidélité. 

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Le temps des retrouvailles.

 

Cinq ans s’étaient passés mais Pierre se souvenait de tout. Comme si c’était hier, dit-on dans les romans d’amour. La grille n’était pas fermée, il n’avait eu qu’à la pousser. Elle devait attendre derrière la porte. Les nouvelles vont vite en province.

- J’étais en ville.

- Je sais.

Est-ce qu’elle avait changé ? Il lui semblait que son regard était moins brillant. Ou bien c’est la lumière jaune du hall qui lui assombrissait le visage. La lumière est un fard cruel.

Elle l’avait fait entrer dans  le petit salon. Ils s’étaient assis face à face. Muets. C’était peut être pour cette raison qu’elle lui avait posé la question. Il y a des questions qui ne servent qu’à cela. Les paroles, à certains, sont plus significatives que les silences. A tort souvent.

- Tu veux boire quelque chose.

Il ne savait plus qui s’était levé le premier. Mais elle avait plongé sa langue dans sa bouche en se serrant contre lui. C’est elle qui l’avait conduit à sa chambre en le tenant par la main. Il y a cinq ans, c’était déjà elle qui le conduisait tandis qu’il lui serrait la taille en montant. 

Elle avait demandé le lendemain matin :

- Tu vas rester ?

- Tu veux que je reste ?

- Oui.

Ils étaient étendus côte à côte. Après l’amour, elle aimait rester étendue, la main sur la cuisse de Pierre.

Il se rhabilla.

- Tu ne veux pas manger ?

Elle s’était levée. Il l’avait embrassée à la base du cou, et il était parti.

Il y avait beaucoup de monde en ville. Le samedi, c’est le jour du marché. Il regardait les gens avec curiosité. C’était probablement les mêmes que ceux qu’il croisait cinq ans plus tôt.  Plus souriants. Ce devait être son sourire qui suscitait le leur. Le visage de celui qui vient de faire l’amour le dénonce et lui entoure le crâne d’une aura de lumière.

Une autre vie commençait une fois de plus. Est-ce qu’on meurt d’abord à chaque fois qu’on recommence à vivre ? Il se sentait bien, il était heureux.

Il retourna chez Julie. Il n’y avait personne mais la porte n’était pas fermée. Il entra dans le petit salon mais il ne s’assit pas,  c’est Julie à son retour qui le lui fit remarquer en riant.

- Pierre, on dirait que tu es en visite.

Il la prit entre les bras et le désir physique qu’il avait d’elle se manifesta comme aux premiers jours de leur liaison.

- Viens.

Physiquement Julie avait à peine changé. D’ailleurs, ce n’était plus son corps qui le séduisait, c’est d’elle tout entière dont il avait envie.   

Le lendemain, il était encore au lit lorsqu’elle se rendit au bureau. Il lui demandait :

- Tu rentres pour déjeuner ?

Elle lui embrassa le front, elle répondit oui, et sortit.

Elle était à peine rentrée qu’il la serrait entre les bras, le ventre en avant. On eut dit qu’il prenait une revanche. Peut être en était-ce une. A la pensée qu’un autre homme avait pu lui faire l’amour, la rage le saisissait.

C’est lui qui avait voulu déjeuner aux abattoirs, un restaurant dont elle avait cité le nom.    

- Bonjour, madame Julie.

Pierre souriait mais il avait été heurté par la familiarité dont le patron avait fait preuve. Quelques bouchers, des habitués, debout devant le comptoir, les avaient salués de la tête.

Pierre avait eu le sourire crispé.

En sortant du restaurant, il arrêta la voiture sur une aire d’autoroute et se pencha sur Julie dont il écrasa la bouche. Elle s’était abandonnée effrayée par cet homme qu’elle ne reconnaissait pas mais dont le corps suscitait avec brutalité l’avidité soudaine du sien.

- L’odeur du sang, ça t’excite ? Dis-le que ça t’excite.

Elle était comme un jouet entre ses mains.

Ils rentrèrent sans dire un mot. Au moment de se glisser sous les draps,  il s’excusa :

- Je ne sais pas ce qui m’a pris. 

 Elle secoua la tête et la posa sur sa poitrine.

Le lendemain, il se promit de réfléchir à ce dont il allait s’occuper pendant qu’elle était au bureau mais il n’éprouvait pas de besoin particulier. Il était parfaitement heureux, il attendait Julie pour des retrouvailles de chair. Elle était son obsession au point qu’un jour, il s’était demandé si elle se rendait réellement au bureau tous les matins. Il s’en rendait compte, il était jaloux. Une nuit, il  avait presque violé Julie en criant :

- C’est moi que tu veux, hein !

Julie avait fait semblant de n’avoir rien entendu. Lui n’avait pas pu se rendormir.

Certains jours, ils étaient trois.  Liliane, une amie de Julie, lui rendait visite régulièrement. Durant l’absence de Pierre, la vie avait continué.

Un jour que Julie attendait Liliane, elle lui avait dit :

- Elle vient souvent me rendre visite. Elle m’a dit qu’elle te connaissait depuis votre adolescence. C’est vrai ?

Il la connaissait en effet.

Il avait seize ans lorsqu’il avait emmené Liliane le long du chemin de halage à proximité du Soleil Radieux, une maison de rendez-vous située à hauteur du fleuve mais invisible de la route. On y accédait par un étroit chemin. Ils s’étaient assis sur l’herbe. Il lui avait pris la main et il l’avait posée sur son sexe. Il avait joui presque immédiatement. Il avait été tellement honteux qu’il avait voulu mourir sur le champ. Ils étaient rentrés sans dire un mot.

Ce jour-là, il n’y avait eu ni sourire béat ni aura sur le front. Beaucoup de honte au contraire dont il mit longtemps à se relever.   

Julie le regarda avec curiosité.

- C’est vrai que tu la connaissais bien ?

C’était vrai. Il avait revu Liliane à la fin de leurs études secondaires. Elle avait failli le violer à la sortie d’une boite où les jeunes gens allaient danser les samedis soir. Et il avait été honteux une fois de plus de ne pas avoir été à la hauteur. Il n’avait pas envie d’en parler. Mais cela avait créé entre elle et lui une sorte de complicité dont elle tirait parti en le dévisageant avec ironie lorsqu’elle le voyait.

Un jour que Liliane se rendait chez Julie, Marc l’accompagnait. Un homme qui avait fait du stop et que Liliane avait invité. Liliane aimait à exposer ses proies. Il semblait à Pierre que Julie le regardait avec curiosité. Dès que Marc parlait, Julie l’écoutait avec attention. Elle le disait probablement par politesse.

- Enfin Pierre ! Tu l’empêches de parler.

Liliane éclatait de rire.

- Enfin, Pierre !

Quand un homme émeut une femme, d’autres femmes sont prêtes à lui ouvrir les bras.

Pierre se serait levé et serait sorti tant la jalousie lui étreignait la poitrine. Mais il ne voulait pas les laisser ensemble. Il est des signes qui éclairent alors même que le comportement ne change pas. Ils sont imperceptibles aux yeux de ceux qui n’ont jamais aimé. Où qui n’ont jamais aimés qu’eux-mêmes. Cette nuit-là, il s’était demandé si c’est à lui qu’elle pensait pendant qu’il la caressait.

Marc désirait se rendre au Club Méditerranée, avait-il dit. Pierre l’avait déposé devant les bureaux du Club. Il avait téléphoné à Julie qui lui avait demandé si les choses s’arrangeaient pour Marc.

- Oui, ne t’inquiète pas.

Liliane et Julie souhaitaient le contraire sans le dire à haute voix, il en était convaincu. Il était le seul à souhaiter réellement son départ.  

Ils étaient repartis le lendemain. Pierre le haïssait de plus en plus.

Un jour que Liliane devait s’absenter pour la journée, Marc avait été invité à venir l’attendre chez Julie. Julie avait dit:

- C’est la moindre des choses. C’est un ami, non ?

A cinq heures de l’après-midi, il n’était pas encore arrivé.

Julie était inquiète.

- Je suis certaine que quelque chose lui est arrivé.

- Il doit y avoir une raison. Que veux-tu qu’il lui soit arrivé ?

- Je ne sais pas mais je suis certaine qu’il est arrivé quelque chose.

Elle était nerveuse, son visage était tendu.

- Prenons la voiture, Pierre. J’ai trop peur. Liliane ne me le pardonnerait pas.

Ils avaient pris la voiture. Il l’avait conduite à l’immeuble où Marc avait sa chambre. Elle  ne lui avait même pas demandé de monter avec elle ou de l’attendre. Elle était revenue au bout d’une bonne demi-heure, pas loin d’une heure.

- Il lisait. Il m’a dit qu’il avait oublié.

Puis, elle n’avait plus rien dit. Chez elle, ils étaient restés seuls. Ni Liliane ni Marc n’étaient venus, Liliane avait téléphoné pour s’excuser.  

-Tant mieux. Je ne sais pas ce que j’ai, je suis très fatiguée ce soir.

Lorsque Pierre lui avait demandé si elle souhaitait qu’il aille passer la nuit ailleurs pour qu’elle puisse se reposer, elle n’avait pas tenté de le retenir. Ils s’étaient embrassés comme de vieux amis. Sur les deux joues.  Pierre bouillait de rage.

C’est Liliane, elle était passé le prendre comme à chaque fois qu’il ne dormait pas chez elle, qui avait découvert le corps inanimé de Marc. Il gisait sur son lit uniquement vêtu d’un t-shirt. Sur la table de nuit, il y avait un verre dont l’odeur ne révélait rien et un second verre auprès d’une bouteille de whisky à moitié vide. L’analyse du premier verre par les services spécialisés de la police judiciaire conclurent que Marc s’était suicidé.

L’enquête dévoila ce que personne ne s’était ingénié à savoir. Le nom de famille de Marc, son origine et son métier. Il n’était pas issu de nulle part. Le suicide de sa femme, rongée par le cancer, expliquait sa décision. Peut-être que la perspective du Club ne lui était-elle plus apparue comme une solution suffisante. Ni la sympathie que lui portaient Liliane et Julie. Pierre s’était réjoui de sa mort.

Depuis la mort de Marc, Pierre et Julie ne se  parlaient plus beaucoup. C’est souvent le cas, les propos importants s’échangent durant la nuit. Julie faisait l’amour en pleine lumière mais pour parler, elle éteignait. L’obscurité donne aux mots une profondeur particulière.

- Tu ne crois pas que c’est Liliane qui aurait  tué Marc? Elle est pharmacienne. Le poison.

- Pourquoi l’aurait-elle fait.

- Peut-être qu’elle pensait qu’il était amoureux de moi.

C’étaient les mots qu’elle souhaitait prononcer devant lui. Peut-être qu’elle souhaitait qu’il lui réponde qu’elle avait raison. Que Liliane avait tué Marc parce que Marc était amoureux de Julie. Elle l’aurait aimé comme aux premiers jours. Finalement, ce qu’ils se disaient n’était qu’une autre forme du silence.

Il avait voulu la toucher un soir, elle s’était excusée, elle ne se sentait pas bien.

- Je ne sais pas ce que j’ai.

Elle avait repoussé sa main. Elle s’était levée.

- Je ne veux pas t’empêcher de dormir. Je vais me coucher dans l’autre chambre.

C’était la première fois qu’elle se refusait. Elle était venue le rejoindre à la levée du jour. Lorsqu’il s’était levé pour préparer le petit déjeuner, il s’était promis de la quitter. Même s’il pensait qu’un  mort aurait pu les rapprocher davantage.

 

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Chère Amie,

Mais n'as-tu pas la relaxation ; cet espace situé dans "l'entre-deux", cette élasticité de l'esprit et du corps à la fois ? Tu sais l'écriture est un travail que j'associe volontiers à ma psychanalyse, c'est une façon de respirer plus largement. Je ne sais pas s'il s'agit d'un outil, mais c'est comme un arbre à l'intérieur de moi, qui pousse et grandit de plus en plus, jusqu'à un jour frôler le ciel en même temps que son roi, le soleil. C'est drôle, car lorsque j'étais enfant, je ne voulais pas grimper aux arbres, j'avais toujours peur de tomber.

 L'écriture je dirais, m'a rendu téméraire et audacieuse.

 Mais toi ma chère amie, tu n'imagines même pas, toutes les richesses, les ressources que tu recèles en toi ; tu es un rayonnement, dès que tu souris, que tu dis un mot, même lorsque le silence t'occupe.

L'écriture fait "sauter" bien des verrous, te renomme à chaque fois, t’anoblis presque ; imagines les gens qui ont pu écrire lorsqu'ils étaient dans les camps de la mort, dans les prisons etc ....... grâce à elle, ceux-là n'ont jamais perdu leurs identités, leurs visages, tout ce qui faisait d'eux, des êtres d'exception.

L'écriture est une personne immatérielle, une compagne de chaque instant, murmurante, hurlante ou silencieuse.

Alors oui, écrire est toute ma vie, le reste en fait partie, mais bon .......
Je t'embrasse bien bien fort.
Bien amicalement.
 

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Le chant du cygne

Un endroit hors de la civilisation, sur un coin de terre où la nature sauvage se couvre de beauté, d’éclat, de bonheur. Des forêts, des lacs à en perdre le sens du temps. Ils s’étendent là sur des espaces vierges, intactes d’innocence.

 Au petit matin, une brume légère couvre la terre, le soleil apparaît timide et les nuages se cachent pour ne pas léser le bleu du ciel.  Un joli lac est posé dans ce coin de paradis, couvert de bleu, entouré de roseaux se balançant au gré du vent. Il vit là, immuable.  Le léger bruit de son remous ne dérange personne. Il est  seul, un peu  isolé dans cette grande forêt protectrice.

Les voisins, des batraciens lui rendent visite et en font leur nid quand le besoin s’en fait sentir. Alors le destin se met en mouvement et le bruit de la vie renaît. A la saison des amours, ils sont parfois des centaines à revenir chez lui et lui rendre la vie qu’il leur a donnée. Dans son sein vivent des poissons centenaires qui disparaissent aux moindres bruits, aux moindres murmures..

Souvent des oiseaux s’arrêtent le temps de reprendre leur souffle avant de continuer leurs migrations.  Des oies sauvages, des canards, des cols verts, des hérons, tous sur le chemin de l’exode annuel, salvateur,  cherchant la chaleur des pays lointains et fuyant le froid et le gel. 

Chaque année, à la même époque se posent des cygnes migrateurs, gracieux, augustes, par leur éclat parfait, d’un blanc immaculé, irréprochable.  La beauté éthérée à l’état angélique. Seul le bec, les yeux, les pattes  montrent un peu de couleur. La grâce dans ce qu’elle a de plus beau. Leur long cou à la fois souple et royal  tient la tête à bonne distance et le regard fier, il regarde au loin, se déplaçant chaque jour comme dans une chorégraphie digne de Tchaikovsky...

Le soir, à la tombée de la nuit, le soleil couchant couvre le petit lac d’un voile scintillant d’étoiles, faisant  balancer les ombres, les silhouettes. Dans la pénombre de la nuit dansent les ballerines blanches des ballets de jadis.

Cette année encore, un couple royal de cygne majestueux vient se poser sur ce coin de lac gardé par les dieux. Ils ne sont plus jeunes, les années sont là, déjà lourdes à porter. Leurs regards s’associent encore, facilement. Ils vivent ensemble pour la vie. Un trait de caractère à cette espèce d’oiseau monogame qui trace ainsi son chemin.

La vie en communauté se veut discrète, réservée.  Le cygne  est un animal silencieux et sa vie est faite d’herbage, de petite pêche et de voyages. Il émet un cri  dans une et seule circonstance. Un cri, un chant qui lui vient de la nuit des temps. Certain l’appelle le chant du cygne.

L’histoire se grave dans les mémoires comme un avertissement,  comme une affirmation que la vie est toujours un mystère ainsi que l’amour.   

Après une vie bien remplie, le  grand cygne se meurt. Dans un cri venant de ses entrailles, il rompt le silence et se met à chanter. On peut l’entendre à des kilomètres. Un son poignant comme celui d’un cor, d’un instrument symphonique. Il entame alors une lamentation plaintive, un hymne encore plein de ferveur et de tristesse.  Sa compagne le regard, le cou baissé, les yeux dans l’eau. Les autres membres du clan se sont éloignés. A l’écart, ils l’observent sans bouger, sans se déplacer.

 Sa compagne de vie sait que le dernier rite commencé ici sera funeste. Un rite à la vie, à la mort. Le son  de ce chant devient pénétrant, cruel, inéluctable même. Il perce les oreilles et les cœurs.

Dans cet étrange chant d’adieu à la vie, le cygne meurt et rejoint son étoile. Sa fidèle compagne le regarde une dernière fois et  s’éloigne des lieux, laissant le corps de son ami seul et à la dérive pour disparaitre à jamais. Elle-même à sa part de tradition dans cette mort, et à son tour, après avoir jeté un dernier regard derrière elle,  prend son envol et quitte le lac maudit. Le cœur triste, elle part et se sépare de sa communauté pour toujours. L’histoire le veut ainsi.  Elle ne reviendra plus.

 

 

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Printemps déjà là !

                                                                

Cerisiers en fleurs, avant l'heure,

un bijou blanc dans un jardin,

sous le léger châle de l'hiver encore,

devenu impuissant,

tout en haut, une tenture toute bleue, lisse,

printemps trop tôt tombé du ciel,

mars sans la pluie ;

déboutonnage d'un blanc corsage,

dentelle grège, chaude neige ;

nuage végétal, trouble !

lèvres rouges ébahies,

s'égaie l'arborescence embaumée et pastelle ;

blanche comme neige, tourterelle !

Cerisiers en fleurs, avant l'heure,

un bijou blanc dans un chemin,

sous le léger châle de l'hiver encore,

devenu impuissant,

tout en haut, une tenture toute bleue, lisse,

nos mots orangés, audacieux,

parfum citron,

senteur de limonade dans l'air,

baptême au dessus de la terre,

sans pluie, sans bruit ;

ensoleillement inouï et  bleu !

 

 

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Une épouse modèle

 

Agathe  était la fille unique du quincailler du quai Notre-Dame. C’était ce qu’on appelle un beau parti. Agathe était loin d’être laide, bien au contraire. Ses traits étaient harmonieux, ses yeux bleus avaient la candeur supposée de l’innocence et dès qu’elle souriait, son visage s’illuminait au point que les jeunes gens regrettaient qu’elle manifestât tant de retenue et qu’elle ait toujours l’air triste alors qu’elle souhaitait seulement avoir cet air réservé qui convient à une jeune fille en âge de se marier.

Le père, un notable membre de la fabrique d’église, fortuné et veuf, était fier de ce que personne en ville ne puisse répandre le moindre ragot au sujet de sa fille. Son futur mari, disait-il, la recevrait pure comme au sortir  du berceau, et elle ne sourirait que pour lui.

 Sauf lorsqu’elle reprendrait les affaires de son père et que, comme c’est l’usage, elle sourirait aussi à la clientèle.

De leur côté, Jérôme et Julien Delporte étaient les fils jumeaux du minotier qui avait sa grosse maison rue des Jésuites, 

Bien que ce ne soit pas à lui qu’il pensait mais à ses fils, monsieur Delporte avait des vues sur la fille de son ami, la jolie Agathe. Le problème, c’était : à qui la marier, Jérôme ou Julien ? A part la couleur des chaussettes, rouge pour Jérôme et jaune pour Julien, rien ne les distinguait.

Leur ressemblance était si grande que s’il n y avait eu la couleur des chaussettes personne n’aurait été  en mesure de les distinguer. Leur caractère, leur comportement, jusqu’aux tics, tout chez eux était identique.

Un miracle de la nature, disait monsieur Delporte en soupirant et en jetant vers le ciel un regard de reproche. Finalement, ce fût Julien après que les deux pères se furent mis d’accord sur le montant de la dot, des espérances des uns et des autres, de la prime prévue si Agathe accouchait d’un garçon, et de la situation professionnelle du futur mari.

- Ne pense-tu pas qu’il faudrait demander à Agathe de donner son avis quant à celui qu’elle préfère ?

- Ils se ressemblent si fort.

Le soir même, monsieur Delporte dit à son fils Jérôme que monsieur Lecrinier souhaitait le rencontrer «seul à seul ».

- Je pense qu’il veut te parler d’Agathe. Qu’est ce que tu penses d’Agathe ?

- Oui ; répondit Jérôme en rougissant.

- Oui ; répéta  monsieur Delporte en soupirant. Après tout, pensa-t-il, on ne demande pas à de futurs fiancés de s’exprimer comme des orateurs. Il suffit qu’ils s’aiment. Et lui, en tout cas, on sait qu’il dira: oui.

Il aurait pu ajouter : et comme Julien, en tout, est comme son frère, inutile de l’interroger, ils seraient deux à dire: oui. 

Monsieur Lecrinier, parce qu’il avait parlé avec Julien, eut le sentiment qu’il avait agi en père aimant soucieux de l’avenir de sa fille. Agathe, quant à elle, accepta d’épouser Jérôme ou Julien.

Certains dirent peu après que c’est une malédiction qui avait frappé ces familles. Malédiction ou non, ce mariage, célébré avec pompe, précédât de peu toute une série de malheurs pour ceux qui en furent les victimes. Monsieur Lecrinier d’abord qui mourut trois mois après le mariage de sa fille. Monsieur Delporte qui le suivit dans la tombe deux mois plus tard.

Tous les trois occupaient la maison paternelle. Jérôme et Agathe dormaient dans la grande chambre, Julien dans celle qui était la sienne depuis son enfance.

Durant deux ans leur vie à tous les trois se passât sans problème majeur. Ils formaient aux yeux de leurs relation un couple parfait sinon qu’ils étaient trois plutôt que deux. En général ce genre de situation existait lorsqu’auprès d’un couple marié il y avait, clandestinement ou non, un amant ou une maîtresse.  

Si bien qu’on trouvât tout naturel au décès de Jérôme, un stupide accident de voiture, qu’après un veuvage convenable, Agathe épousât Julien, elle n’avait même pas à changer de patronyme ni d’adresse, et Julien ne dût déménager que son pyjama tandis que la chambre au bout du couloir redevint une chambre d’amis avant de devenir, si Dieu le voulait, une chambre d’enfants.

Par contre, pour le nouveau couple un autre problème se posa. Lorsque Jérôme vivait il ne serait pas venu à l’idée de Julien de convoiter sa belle-sœur. Agathe était belle mais une barrière psychologique lui interdisait de la désirer. Et il ne la désirait pas.

Même après leur mariage, et l’occupation du même lit, il éprouva des difficultés à reconnaitre qu’Agathe n’était plus sa belle-sœur, qu’elle était devenue sa femme et que ses rapports avec elle durant la nuit devaient être repensés.

Agathe ne s’y serait pas opposée. Au contraire il arrivait à Agathe de penser que c’eût été plus confortable, plus conforme aux relations entre époux et vraisemblablement plus agréable. Et puis, pourquoi ne pas le dire, si Julien, physiquement, ressemblait à son frère, c’est avec une curiosité un peu perverse qu’Agathe se demandait comment Julien se comportait au lit.

Un jour, à la fin de la matinée, après avoir renvoyé ses trois employés pour la pause de midi, alors qu’elle s’apprêtait à fermer le magasin, le représentant d’un fournisseur, sa voiture à peine immobilisée devant sa porte, lui fît de grands signes de la main.

- Madame Agathe, je suis en retard.

Monsieur Guy était un représentant de ce qu’on appelle aujourd’hui l’ancienne école. Lorsque les firmes exigeaient de leurs représentants qu’ils soient avenants avec les clients. Si le client était une femme il n’était pas interdit, bien au contraire, de lui faire la cour. Monsieur Guy le faisait autant pour la firme qu’il représentait que pour lui.

Agathe ouvrit la porte.

- J’allais fermer.

Elle le fit entrer. Ils se dirigèrent tous les deux vers la pièce arrière. Agathe s’assit devant le bureau tandis que monsieur Guy, derrière elle, feuilletait le lourd catalogue qu’il avait déposé devant elle pour lui présenter, penché au dessus de son épaule, les dernières nouveautés.

-Ce n’est rien, dit Agathe à monsieur Guy qui s’excusait de l’avoir touchée en tournant les pages. Ce n’est rien, répéta Agathe, mais elle avait été troublée parce que la main de monsieur Guy avait par mégarde touché un de ses seins.

Les psychiatres vous le diront, le trouble que ressent un homme ou une femme se transmet à celui ou à celle qui en est la cause. La plupart des adultères naissent de cette sensation partagée bien plus que de la curiosité, la séduction, l’ennui ou d’autres raisons plus ou moins romantiques.

Elle devait l’avouer, l’incident avait été court mais pas désagréable. Lorsqu’elle rentra chez elle après la fermeture du magasin, elle regarda Julien avec affection.

Cette nuit-là, en se retournant sur elle-même, Agathe toucha le ventre, et peut-être le sexe de Julien. Elle dit :

- Excuse-moi,

Il répondit : ce n’est rien, ce n’est rien.

Mais les mains en avant, il saisit le derrière de sa femme. Elle dit que c’était par inadvertance mais Julien ne l’écoutait plus.

Ils eurent un enfant un an plus tard.

 

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SERENITE

Quelle sérénité j’ai acquise ! Au fil des séances de sophro, des introspections, du travail fait sur moi-même, j’ai grimpé peu à peu les échelons vers la sphère des pensées positives quoi qu’il arrive.

Que pourrait-il d’ailleurs m’arriver de pire, sinon la mort ? Et elle ne me fait pas peur. Je suis croyante et je sais que je retrouverai mon Amour ainsi que tous ceux pour qui mon cœur a pleuré. J’espère aussi des retrouvailles avec tous mes petits compagnons qui m’ont aidée à surmonter les douleurs que les humains m’ont causées.

Il y a deux ans, on me promettait six mois de vie… Je suis aujourd’hui on ne peut plus vivante, de cette vie intense qui brûle dans mes veines. Au début, ce combat était une absolue nécessité et puis, il s’est transformé en force vive. Celle dont je me sers pour aider mes semblables à aller mieux. J’ignore si je deviendrai un bon sophro-conseiller, mais chaque personne que je rencontre me dit que notre entrevue lui fait du bien et lui rend espoir… Que faire de plus, sinon continuer dans cette voie ?

Je vis avec la douleur de l’arthrose au quotidien, j’ai une côte fissurée… et pourtant, cela ne m’empêche plus de faire de ma vie une fête perpétuelle. Je m’adapte. Il est des jours où cela va moins bien. Peu importe, je me repose et voyage dans mes livres, mes pensées ou sur internet… Et puis, cette douleur n’est-elle pas la meilleure des preuves que je suis bel et bien vivante ? Qu’est-ce que ça peut bien représenter face à un cancer rare qui vous menace de récidive ? Et ce, jusqu’à la fin de vos jours… Je fais confiance à mon super médicament, la dextérité d’un chirurgien qui n’a pas hésité à prendre ses responsabilités et qui pourrait encore venir à mon secours, au bataillon de spécialistes en tout genre qui prend soin de mon petit corps, mieux qu’une voiture à l’entretien au garage… Et en mes capacités d’avoir le dessus sur tout ennemi viral grâce à  l’activation de mes « petits soldats de la paix » que sont mes anticorps.

Quand au chagrin qui m’a habité pendant trop longtemps face à l’incompréhension, à l’in amour et l’éloignement d’êtres chers, il est devenu sérénité. Je n’en veux à personne, j’espère qu’un jour nouveau éclairera les cerveaux, je respecte leur volonté… Je ne suis pas celle qu’ils souhaiteraient… Tant pis pour eux, je suis enfin en accord avec moi-même et c’est ce qui importe. On ne peut plaire à tout le monde.

Et pour le reste, ce n’est que matériel… Il est inutile de me mettre la pression pour une décision qui ne viendra que l’année prochaine ou plus tard encore. Beaucoup de choses peuvent encore se produire d’ici là et je fais confiance en ma bonne étoile… En attendant, je profite de mon foyer tel que je l’ai aménagé.  J’ai aussi quelques idées pour colorer mon jardinet et profiter d’un printemps qui s’annonce radieux.

 

 

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Une énergie miraculeuse

 

À Michèle Corti, rejointe pat télépathie

 

Il existe un hasard d'une nature étrange

Nommé télépathie. Il enchante, troublant.

Et reste inexplicable. Est-ce le fait d'un ange

Venu on ne sait d'où? Ô pouvoirs envoûtants!

Parmi les mystères qui charment et médusent

Il en est un incomparable, il met en jeu

Une grâce semblant émaner d'une muse.

Or les muses sont-elles assistantes d'un dieu?

Parfois une pensée reçoit une énergie

Qui la dirige au loin avec exactitude.

L'esprit qui la reçoit sent soudain, resurgie,

Une complicité demeurée certitude.

La mémoire répond à nos voeux, lors souvent

Elle peut nous sembler puissance, fabuleuse

Mais ne peut cependant emporter dans le vent

Une énergie qu'on sait être miraculeuse.

8 mars 20142014

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l'ascenseur



Julie était mariée depuis vingt ans, elle en avait quarante-cinq, et éprouvait pour son mari un amour qu’elle qualifiait de profond. Ils vieilliraient ensemble, disait-elle, parce-qu’elle n’imaginait pas qu’elle pût vivre avec quelqu’un d’autre. C’était un homme affectueux, riant, qui aimait la vie et la bonne chère, et ce qu’elle appréciait plus encore, c’est qu’il était un amant qui excitait ses sens et qui lui avait appris à aimer son corps, c’est important, disait-elle, et elle avait appris auprès de lui à donner du plaisir et à en recevoir davantage à mesure qu’elle en donnait.
Tu n’es pas jolie, disait son mari, tu es belle. Julie avait conservé de son adolescence des traits que n’entamait aucune ride, des joues lisses et des lèvres pleines qu’elle soulignait soigneusement de son rouge à lèvres. Le corps à peine épaissi aux hanches, elle n’en était que plus désirable. Elle était heureuse de son corps. 
Mais un jour quelque chose avait changé. Ils s’étaient rendus chez un couple dont ils avaient fait la connaissance durant les vacances et qui les avait invités pour le week-end. Les amitiés de vacances se dénouent généralement avec la fin des vacances, si bien qu’ils avaient été surpris quand les Peraux leur avaient téléphoné pour leur dire qu’ils avaient conservé de leur rencontre un souvenir si plaisant qu’ils souhaitaient les revoir. 
Georges Peraux était un homme d’affaires prospère avec lequel, durant leurs vacances, ils avaient passé la plupart de leurs soirées. Sa femme était charmante, enjouée, et Julie et elle s’étaient raconté un tas de choses, même des choses intimes qu’on ne raconte d’habitude qu’à des amies de longue date. 
C’était des gens chaleureux. Ils étaient à peine arrivés que Georges avait entouré les épaules du mari de Julie pour faire, comme il disait, le tour du propriétaire et lui montrer sa cave. Pendant ce temps, dit-il, Sylviane montrerait leur chambre à Julie, cela leur permettrait de se faire jolies, et eux, les hommes, choisiraient les vins qui accompagneraient leur repas. Un repas de retrouvailles.
A la fin du repas, Julie avait voulu se rafraîchir. Sylviane et le mari de Julie parlaient cuisine, et le mari de Julie avait à ce sujet une compétence de gourmet qui surprenait toujours la femme de ses hôtes. Georges dit qu’il allait la conduire à la salle de bains, il était inutile que Sylviane se dérange, après tout lui aussi savait où elle se trouvait. 
Il entra dans la salle de bains avec Julie, prit une serviette de bain pour la lui donner mais la conserva dans la main.
Tu sais que tu es jolie, dit-il en s’approchant d’elle. Je l’avais déjà remarqué au bord de la piscine, et j’avoue que je te regardais souvent. Je le dis comme je le pense, j’enviais ton mari. Oui, dit Julie en souriant, mais c’est mon mari.
Georges s’était approché d’elle, il avait voulu l’embrasser sur la bouche, elle avait détourné la tête et elle avait mis la main sur sa poitrine pour le repousser. Il avait cherché son cou et il avait retiré la main de Julie de sa poitrine pour la poser sur son sexe tendu. Julie ne voulait pas créer un scandale, elle n’était plus une enfant, mais elle ne savait pas ce qui aurait pu arriver si on n’avait pas frappé à la porte. C’était Sylviane, et Georges, le visage en feu, avait dit qu’il cherchait une serviette propre pour Julie, et il était sorti en riant.
Cette nuit-là, Julie n’avait pas voulu que son mari l’approche, elle avait la migraine, avait-elle dit, c’était peut-être le vin, elle pensait qu’il valait mieux qu’ils rentrent chez eux, peut-être qu’elle avait un début de grippe.
A peine rentrés chez eux, Julie avait entraîné son mari dans la salle de bains, et elle lui avait fait l’amour comme l’aurait fait une putain, avait-elle pensé. Mais, et ça lui était venu à l’esprit comme à peine l’ombre d’une pensée, que, peut-être, c’était à Georges aussi qu’elle avait songé.
Julie n’avait jamais trompé son mari. C’est vrai qu’il lui arrivait d’être troublée lorsque en dansant son cavalier la serrait de trop près, sa poitrine était particulièrement sensible, mais elle s’écartait sans aigreur. N’était-ce pas un hommage à sa beauté et à cette attraction qu’elle exerçait sur les hommes ? Elle avait d’ailleurs le sentiment que son mari en était fier, et elle était heureuse qu’il le soit. Ce qu’elle lui réservait, pensait Julie, le don de son corps, plus encore que son corps, n’en avait que plus de valeur. Parfois, elle était tentée de le lui dire pour pimenter ces jeux où ils trouvaient leur plaisir tous les deux.
Julie et son mari formaient un couple heureux. Leur vie, Julie pensait parfois qu’elle était trop routinière. Adolescente elle avait rêvé de rencontres inédites, d’actions qui la porteraient à prendre des risques dont elle ignorait la nature mais dont son entourage serait surpris. Mais leur vie se déroulait selon un schéma bien réglé. Trop bien? Sereinement, pensait-elle. Que peut-on souhaiter de plus de la vie ?
Autre chose avait changé encore après un voyage qu’ils avaient fait en amoureux pour fêter l’anniversaire de leur première rencontre.
Au retour, ils s’étaient arrêtés dans une auberge de campagne pour y passer la nuit. Ils avaient fait l’amour pendant longtemps. Puis, elle avait eu envie de descendre dans le hall pour demander elle ne savait plus quoi, et son mari était resté allongé sur le lit. La chambre se trouvait au troisième étage, elle avait pris l’ascenseur vêtue d’un manteau qu’elle avait enfilé sur son pyjama.
Un homme se trouvait dans l’ascenseur. Le col de sa chemise ouvert, les cheveux dépeignés; manifestement il sortait de son lit. Ils se regardèrent un moment puis, gênés, ils détournèrent la tête. Mais Julie sentait sur eux, et il devait le sentir lui aussi, cette odeur épicée qu’ont les couples après avoir fait l’amour. C’était une sensation curieuse et excitante. Il venait de faire l’amour, elle en était certaine, et c’était comme s’ils avaient fait l’amour ensemble. Et elle imaginait que sa compagne l’attendait dans leur chambre comme l’attendait son mari dans la sienne. L’ascenseur s’était arrêté, l’homme était sorti mais Julie avait changé d’avis. Elle remonta dans la chambre. Son mari était toujours étendu sur les draps rabattus. Elle se coucha auprès de lui, elle posa la main sur sa jambe et, tout en le caressant, elle lui raconta sa rencontre de l’ascenseur. Ils avaient ri de cette coïncidence et de la jouissance singulière qu’elle leur procurait.
Depuis, est-ce qu’on sait pourquoi et comment ces idées-là vous viennent, comme si une main vous saisissait le bas du ventre, elle s’était mise à penser à des gestes que des inconnus pourraient avoir envers elle dans un ascenseur ou ailleurs. Et à ce qu’elle ferait s’ils le faisaient en réalité, et non pas dans ce jardin obscur de l’imagination. Par exemple, ça pourrait arriver, si elle se trouvait dans une voiture avec un conducteur de rencontre. Au début, ils se tairaient tous les deux, puis parce-que ce silence serait devenu de plus en plus lourd, une sorte de tension indéfinissable se serait emparée d’eux et, tout en roulant et sans la regarder, son conducteur lui aurait entouré le cou, l’aurait obligée à baisser la tête jusqu’à son sexe, et aurait exigé d’elle qu’elle le mette à nu. Devait-elle se débattre ? N’était-ce pas une question de vie ou de mort ? Ou bien encore, elle se trouvait dans une salle de conférence avec quelqu’un qui était son patron, un patron autoritaire. Elle n’avait jamais eu de patron mais c’était imaginable, non ? Ils avaient beaucoup travaillé et tard, tous les autres employés étaient partis. Le dos appuyé à la table de conférence, elle le regardait. Il s’était approché d’elle, il avait saisi ses hanches et, sans dire un mot, il avait soulevé sa jupe. Naturellement, elle n’aurait pas encore été mariée, et finalement ce n’était qu’un fantasme comme en ont la plupart des femmes

Julie avait rencontré Michel par hasard Elle se trouvait dans le bar d’un hôtel pour prendre un café avant de rentrer chez elle.
Michel était un homme d’une cinquantaine d’années, pas particulièrement séduisant et d’allure maladroite. Elle ne l’aurait pas remarqué d’ailleurs sans cette allure maladroite avec laquelle il cherchait une table où s’asseoir. Le bar était plein et il était passé deux fois auprès de celle de Julie. C’est elle qui d’un sourire et d’un geste courtois l’avait invité à prendre place. Il l’avait remerciée, il avait dit que le bar était plein, ce qu’elle avait constaté elle aussi, avait-elle répondu.
Sans l’avoir cherché son pied avait rencontré celui de Michel. Il n’avait pas retiré le sien mais il avait dit qu’il faisait chaud. Puis, il avait avancé l’autre pied si bien qu’il avait le pied de Julie entre les siens.
Il y avait eu un moment de silence, elle voyait qu’il hésitait, elle ne savait pas ce qu’elle souhaitait elle-même, il se redressa et il dit qu’il allait demander une chambre. C’était autant une affirmation qu’une question. Et quand il était revenu de la réception, une clef à la main, elle l’avait suivi vers l’ascenseur, curieuse de sa propre réaction, en vérité elle n’en avait pas, et ils prirent l’ascenseur jusqu’à l’étage de leur chambre.
- Est-ce que tu es marié ?
Il avait paru surpris de la question de Julie. Puis, il avait dit que ça paraissait ridicule mais qu’il n’avait jamais trouvé chaussure à son pied, non il ne voulait pas le dire dans le sens où elle l’entendait mais affectivement, le travail, les voyages, enfin tout ce qui fait qu’on passe peut-être à côté de sa vie, tu vois ?
Elle voyait, avait-elle répondu, est-ce qu’on sait qui passe à côté de sa vie ? Et ils s’étaient promis de se revoir. 
Les premières fois, ce fût dans le même hôtel. Parfois, elle arrivait avant lui, et elle l’attendait dans la chambre, déjà nue, étendue sur les draps. Elle aimait le regarder ôter ses vêtements selon une sorte de rituel érotique. Je suis le mâle, disait-elle en riant. Après s’être aimés, elle partait la première, la tête baissée afin qu’on ne puisse pas la reconnaître, et s’émerveillait du plaisir qu’elle éprouvait du caractère clandestin de cette aventure. Au bout de trois semaines, il lui avait demandé de venir chez lui puisqu’il vivait seul, et elle avait accepté, étonnée de ce que le sentiment de culpabilité qu’elle en ressentait, Dieu sait où ça la mènerait ?, lui était agréable et, de manière étrange, lui donnait, pour la première fois, le sentiment de construire sa vie. C’est Michel qui préparait le repas qu’ils prenaient avant ou après s’être aimés. Parfois même, en même temps. Ce fût un temps délicieux et exaltant.
Un jour, il lui offrit un cadeau, un parfum, celui qu’elle utilisait, et une surprise, avait-il dit, la clé de son appartement, tu pourras venir quand tu voudras 
Elle venait sans prévenir dès qu’elle le pouvait. C’était une étrange sensation que d’avoir deux foyers. C’est drôle, avait-elle pensé, elle aimait toujours son mari. Et il lui avait même semblé lorsque Michel, peu à peu, se mit à l’attendre avec de plus en plus d’impatience que c’est à son mari qu’elle pensait en se mettant au lit. Peut-être n’aurait-il pas dû lui remettre sa clé ? Peut-être auraient-ils dû continuer de se rencontrer à l’hôtel ?
La dernière fois qu’elle était venue, elle avait déposé sur la table du salon, bien en évidence, la clé de l’appartement. Et, sans se retourner, elle avait repris l’ascenseur.

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