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Charlot

 

Avant Bibig, nous avions un autre teckel qui portait le nom de Charlot. C’était un chien superbe à la poitrine large et aux pattes arquées comme des pieds de chaise Louis XVI.

Nous l’aimions beaucoup malgré une singularité assez gênante : il ne supportait pas le mouvement des volets de fenêtre. Chaque matin et chaque soir, pendant que je tournais la manivelle, il hurlait à la mort.

Lorsque nous étions en voiture, à chaque fois que nous avions le malheur de passer devant le magasin d’un commerçant qui ouvrait sa devanture métallique, Charlot se précipitait sur le pare-brise, par-dessus la tête de ma femme,  et se mettait à hurler une fois de plus. Ma femme était obligée de détourner la tête parce que nos voisins de colonne nous regardaient avec mépris. Avec d’autant plus de mépris que nous avions collé sur la vitre arrière une affichette qui disait : votre chien, c’est votre enfant, ne l’abandonnez pas durant  vos vacances !

A part ce trait de caractère, Charlot était charmant. Il était affectueux et ne se plaignait pas trop de la présence de nos enfants et de nos chats. Nous en avions quatre. Deux enfants et deux chats. Serge, Catherine, Nabuchodonosor

Et Puce que dans le langage familier des parents, nous appelions Sergeot, Cathy, Nabu e Pupuce .

Avez-vous remarqué ? Dans les familles aimantes, le prénom des proches subit toujours de curieuses altérations. Ma femme, je l’appelais mon petit poulet alors qu’aux premiers temps de notre mariage, c’était petit castor puis coco qui est assez commun. Plus tard, ce fût chou et enfin petit poulet. Je me demande si je l’ai jamais appelée : mon chéri !

Charlot et nos chiens s’entendaient très bien. Ils dormaient ensemble, ils jouaient ensemble et ils mangeaient ensemble. En fait, lorsque je dis qu’ils mangeaient ensemble, ce n’est pas tout à fait vrai. C’est Charlot qui mangeait avec eux.  Dès qu’il avait achevé son repas, il se ruait sur celui des chats. Néanmoins, parce qu’il n’était pas assez rapide pour vider à lui seul les trois écuelles à la fois, chacun des chats achevait tout de même un repas par jour.

A la mort de Charlot, Pupuce qui était maigre et farouche, nous pensions que c’était là sa nature, prit du poids et devint plus sociable. Il est probable que trois animaux, deux enfants et deux adultes constituent une population excessive pour l’épanouissement des chats et qu’il suffit que cette population se réduise pour que tout rentre dans l’ordre. A en croire les psychologues, il n’en va pas autrement pour l’espèce humaine. Dans un grand nombre de couples, il se produit des phénomènes analogues. L’un des deux est de trop.

Charlot était un chien plein de vitalité, il courait toujours. Dans les escaliers, dans la cuisine, dans les chambres, il passait d’un point à un autre à la vitesse de l’éclair. Lorsque vous souhaitiez vous rendre dans les waters, à peine aviez-vous ouvert la porte qu’il y était assis avant vous. Nous y étions habitués.

Malheureusement, il courait aussi dans la rue après tout ce qui le dépassait de la taille. Dobermans, Bergers allemands, facteurs, voitures, il les poursuivait tous, aveuglé par l’instinct du chasseur. Pour ce qui était des chiens et des facteurs, ce n’était pas trop grave, un peu d’intimidation suffisait à le calmer. En revance, il les pourchassait jusqu’à ce qu’elles aient tourné le coin de la rue. Ce n’est qu’alors qu’il revenait, heureux, persuadé je suppose qu’elles ne repasseraient plus devant lui. Pauvre Charlot !

C’était au début du mois de Mai. Il faisait chaud, la porte-fenêtre du jardin était ouverte. Les cerisiers du Japon étaient en fleurs et, sur les trottoirs, l’éclat du soleil était tout rose. C’était une journée bénie pour le repos. Maggy travaillait dans la cuisine et moi, à moitié somnolent, je lisais dans le salon.

Soudain, nous avons entendu les hurlements d’une voiture, les aboiements rageurs de Charlot, des crissements de frein. Puis plus rien. Le temps d’arriver en courant, la rue avait retrouvé son calme et son éclat.

Charlot était étendu au beau milieu de la rue, irrémédiablement immobile sans l’apparence d’une blessure. Parfois, lorsque le soleil était trop fort, c’est dans la même position qu’il s’abandonnait dans le jardin pour dormir.

Que fallait-il faire ? Ce que chacun d’entre vous auriez fait. Nous avons décidé de reporter sur un de ses frères, l’affection que nous portions à Charlot.

 

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Commentaires

  • Ici, une petite pointe de larme au coin des yeuls ...Vous êtes sensass. merci pour ces deux histoires de chien qui m'ont beaucoup émue.

    J'ai une forte envie de secouer les puces .... pas des chiens pour que certains d'entre nous vous  lisent.

    Très bonne soirée. Rolande.

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