C’était un 23 septembre aux couleurs de la Saint-Michel, l'illustre Archange qui pourfend le dragon et qui inspire notre courage…
7Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, 8mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. (Apoc 12 ;7)
Ainsi donc la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles se mit à résonner sous le brillant souffle musical de Georg Friedrich Haendel. Au fait, à choisir, entre Bach et Haendel, vous prenez quoi ? Sous les voûtes gothiques où la lumière se faisait économe, un programme rutilant et porteur prenait place, avec des interprètes inspirés mais vivant leur musique dans la simplicité.
Au centre, la soprano Sophie Karthäuser, enfant de Malmedy devenue muse et chanteuse de renommée internationale. D’emblée, elle a capté l’assemblée par son Salve Regina d’une clarté bouleversante. Que l’on croie ou non à la Vierge, qu’importe, chaque syllabe jaillissait avec une articulation précise, débordante de ferveur. Et cette phrase : « Ad/ te/ sus/pi/ra/mus » scandée comme des sanglots, c’est toute l’humanité qui s’agenouille: au pied de l'orgue Gerhard Grenzing qui, accroché en nid d'hirondelle dans la nef de la Cathédrale en l'an 2000, jouit d'un emplacement idéal du point de vue acoustique. Les trilles et vocalises harmonieuses vibrent sans relâche dans le transept comme des oiseaux avides de lumière. On n’est plus dans une nef, on est à une magnifique croisée de chemins. La voix sublime en fusée lumineuse de la chanteuse opère, mais toujours nourrie de son sourire intérieur et de son regard pétillant.
À ses côtés, les voix limpides du chœur Voces Desuper, enracinées dans la tradition grégorienne de la cathédrale, s’ouvrent au compositeur baroque avec souplesse et heureuse connivence. Leur dialogue avec l’ensemble La Penserosa, créé en 2022 par Maïa Silberstein, démontre une entente chaleureuse pour souligner que la musique parle là où les mots ne suffisent pas.
Et puis, il y a l’incontournable majesté des orgues ! Sans lâcher des yeux les Trois majestueux buffets, une Trinité musicale, on découvre l'organiste en action. Bart Jacobs, aux commandes. Mains et pieds dansant avec grâce sur 4 claviers et pédales, portés par la caméra qui projette leur virtuosité en grand écran. Les concertos pour orgue, tantôt méditatifs, tantôt enjoués, semblent des mosaïques de lumière : Bach semblant souffler au-dessus de Haendel, pour faire de la cathédrale un théâtre céleste.
Quelle belle cour de créations ! On a vu défiler Water Music, Athalia, Jephta, Theodora, An Occasional Oratorio… Chaque air jouant les contrastes. Chaque texte, scrupuleusement articulé. Tour à tour, supplique fervente, méditation sur l’exil, ode à la paix, perles de jubilation, élans de foi et de confiance. La sincérité du texte et la limpidité des voix rendent sensible l’espérance baroque : même dans la douleur, la musique ouvre au ciel.
Et bien sûr, le feu d’artifice attendu à détonné comme une bombe d’amour : L'« Hallelujah » final du Messiah, devenu liturgie populaire, remplit l’assemblée de cette fameuse Joie… Béthovienne! King of Kings, and lord of lords... Soutenus par les deux orgues, en plus, l'orgue positif de l'organiste titulaire, Xavier Duprez sur le podium, chœur et musiciens vibraient presque comme un très antique gospel sous le regard rayonnant de la chef. Laquelle ? Toutes deux, Sophie et Maïa, unies dans la magie musicale avec le glorieux créateur de l’œuvre et les auditeurs émus. Devant cette proclamation de joie universelle : And HE shall reign for ever and eee eeever... Un souffle de beauté, qu’il convient de garder au fond du cœur, que l'on essaie de coucher sur papier, pour le retenir quelque peu. En partant, n'éteignez surtout pas la lumière !
Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour le réseau Arts et lettres
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