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Publications de Valériane d'Alizée (100)

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Cinquième Rencontre « Mots Passants »

de Livre passerelle

« Ne mépriser la sensibilité de personne.

La sensibilité de chacun, c'est son génie. »

Charles Baudelaire

Livre Passerelle,

C’est relier les ils et les elles.

C’est allier le singulier au pluriel.

C’est conjuguer regard, parole et écoute sensibles, de l’aube au soir des destinées,

dans le dessein de rompre l’isolement, l’un des plus grands fléaux

de notre société si fréquemment déshumanisée,

et, tel le colibri de la fable[1] faisant sa part, concourir à renverser le sablier de l’illettrisme,

terme péjoratif, empreint de honte, d’inhibition, d’enfermement et donc, de souffrance

pour les plus fragiles de nos frères atteints de cette faille, les démunis, les blessés de la vie,

ô combien sujets à l’exclusion, lorsqu’ils se trouvent dépossédés d’un apprentissage assimilé,

mémorisé, de notre lexique via le déchiffrage des lettres.

Accès à la connaissance dont celle de l’écrit, devant conduire à de fructueux acquis,

inhérents à la formulation du langage, à défaut d’user d’une langue raffinée,

source d’une saine éloquence, d’une palette de sentiments et d’émotions à traduire !

 

Aussi, les actives de Livre Passerelle, mûrement actrices de leur existence,

dotées d’un savoir-faire sensitif aux antipodes du paraître factice,

n’ont de cesse de se positionner au profit d’un qualificatif laudatif

de discrimination positive afin que puisse germer nombre d’îles à lettres et à être

 

Or, vous l’aurez sans doute déjà compris, pénétrer au sein des mille et un univers

de ces lectrices-diseuses privilégiant d’abord « l’art de la rencontre » cultivé par leur

(et notre) cher Albert Jacquart[2] grâce au biais de la médiation culturelle,

d’albums jeunesse consacrés à être autrement dits constituant un florissant corpus dédié

tant aux jeunes graines qu’aux chanceux qui ont su conserver leur faculté d’émerveillement,

leur âme d’ancien enfant, en dépit des épines, de semences stériles

jonchant les sentiers broussailleux de leur cheminement,

c’est rejoindre, à tire d’ailes de plumes stylistiques d’un encrier virtuel,

l’Ile heureuse, l’Ile joyeuse [3] enchantées et enchanteresses des histoires de papier

prenant soudainement corps par la magie de l’oralité qu’instaure un tel rituel,

et se laisser transporter par ces voix hautes engagées,

gorgées de fréquences vibratoires à l’élan contagieux

donnant vie et chair au souffle des créateurs, qui seraient, ne leur en déplaise,

astreints de manière inexorable, au blanc marmoréen du silence[4], sans elles…

 

Je connais un pays où chaque printemps

à naître sait qu’il aura raison du plus rude

des hivers. La neige sait sous son poids

les brins d’herbe à venir.

L’arbre sait la graine infime qu’il fut un jour,

Avant de pouvoir offrir sa ramure aux oiseaux […]

 

Il est au cœur du monde.

Il est au cœur de nous.

Il est au point du cœur.

C’est le pays que j’aime. [5]

 

Ainsi, répondre à l’invite de Livre Passerelle,

c’est sans conteste, entrer en signifiance,

voguer de paysage en paysage, de pays sage en contrée fantasmagorique,

de verbe en verbe, de prose en vers, de rimes féminines en rimes masculines,

de rimes riches en rimes pauvres, qu’elles soient croisées, embrassées, redoublées, métissées,

sans rien de plat, de bébête ou de mièvre, au fil des pages effeuillées du calendrier.

Saisons, métaphores des quatre âges de la vie[6], de l’innocence primitive à la sagesse de l’âge mûr…

 

C’est avant toute chose, assumer convictions, plaisir nourricier et sensuel, à la façon

d’envoûtantes Shéhérazade épousant une noble cause, relevant le défi de faire évoluer

les mentalités, afin d’offrir en priorité aux laissés-pour-compte,

ainsi qu’à leurs conciliateurs-porte-voix, un questionnement qui brûle les lèvres :

«Pourquoi  perdre son temps à écouter des histoires ? »

Si ce n’est dans l’intention clairement avouée, digne d’être adoptée, qu’un jour prochain,

ils en soient eux-mêmes le vivant relais, en mesure de les raconter à leur tour, de leur plein gré, 

selon la définition légèrement transposée des protagonistes, initiatrices de l’idée,

guère adeptes de dilettantisme, prohibant la tiédeur,

état quasi latent avoisinant ce non sentiment : l’indifférence…

 

Parole dénouée, déliée, déroulée à bouche que veux-tu, libérée à bouche que voilà,

par de ferventes gardiennes d’un intarissable feu de joie,

sorte de sorcières comme les autres[7], enfin pas tout à fait quand même, soyons francs et loyaux,

passeuses de Mots Passants détentrices d’un passe-partout dévolu

à entrouvrir la porte de l’imaginaire, du je-jeu, enjeu fondamental à la construction de l’enfant,

à la formation de ses goûts oscillant entre le j’aime et le je n’aime pas fort salubres,

 

figures féminines éprises de beauté-bonté[8], portées en concomitance,

du généreux désir d’essaimer, de transmettre le flambeau aux générations montantes,

autant au service perpétuel de l’essence du texte, qu’à celle de l’ouïe fortunée qui l’entend,

et qui, par leur quête de sens, de geste d’offrande et de partage adressé à qui aspire à l’accueillir,

s’illustrent, excellant à tisser du lien, du tendre murmure,

bercement-caresse affluant au bord des lèvres en provenance du centre et du bout du cœur[9],

suivant les dispositions et sensations de l’instant, au message militant judicieusement proféré.

 

Respiration poétique, parenthèse salutaire attendue, en tout cas, ressenties comme telle

par ceux qui savent que leur quotidien prosaïque est rythmé grâce à ces rendez-vous ponctuels,

vécus comme un temps suspendu, un épisode privilégié venant rompre l’effet de monotonie,

esprit qui traduit la foi et inspire confiance dans l’instant présent, mieux, nous ouvre le champ

de nouveaux horizons, et qui par cette projection, contribue à voir refleurir

notre Espérance en l’Homme[10], à entendre sourdre la tonalité harmonieuse de la « note bleue [11]

 

Mais Livre Passerelle, ce n’est pas pour autant, sombrer dans l’angélisme

sous prétexte que l’humanisme y affleure au concret, loin de là !

Car c’est aussi accepter, au-delà de la remarquable et rare bienveillance

envers autrui, la part d’ombre à laquelle chaque commun des mortels est confronté,

c’est relever de nouveaux défis susceptibles d’engendrer, en contrepartie

maints fruits doux et amers significatifs des contrastes d’une Vie ardente, de l’Ombre des jours[12],

semblables à l’émergence de désaccords déstabilisants

enclins à oser briser les accords au préalable établis,

capacité peu commune associée à une soif constante de remise en cause des plus sensées,

ne pouvant qu’enrichir davantage cet humus fertile, gage de ressourcement.

 

Attitude de franchise allant de pair avec intégrité et sincérité,

témoin de la bonne santé de ce quintette composé de fleurons appartenant au deuxième sexe [13],

soutenu par une fine équipe attentive, efficace, de volontaires opiniâtres,

est-ce là ce qui constituerait l’une des clés de la réussite de Livre Passer’elles ?

 

Alors, dites, que pouvons-nous souhaiter de plus, à l’égard du devenir de ces  « belles rebelles

épanouies », outre que ces dernières parviennent à renforcer leur entrée en résistance,

agrémentée d’une florissante pérennité, que ces elles aient le bonheur indicible de continuer

heure après heure, à œuvrer, à tracer le sillon sacré,

et à faire florès dans leur mission de pratique culturelle prépondérante ?

 

Oui, ne doutons point, que tant que la prairie verdoie, nul désert gagne du terrain,

bref, que là où la culture perdure à fleuronner, en bonne espèce protégée,

la barbarie, cette mauvaise herbe, tende à se faner,

et que le monde, sans pour autant se transformer en un éden idyllique, puisse s’ouvrir

sur tout un jardin d’odeurs/Comme en avaient les fleurs/Que l'on avait cru disparu[14].

Du moins, tâchons, de grâce, de nous en persuader, en adéquation du chant nougaresque :

 

Au cours d'une vie

Qui fut mouvementée

Il suffit d'une voix

D'un certain regard pour qu'on voit

Un espoir toujours recommencer

 

Que l'on croit en l'amour planté sans cesse être planté

Dans le cours d'une vie mouvementée

Tout s'pardonne tout se gomme

Il arrive qu'un jardin

Ou qu'un simple visage humain

Une main ouvre un nouveau chemin

Tout se gomme se pardonne

Et l'on voit soudain reverdir

Refleurir notre espérance en l'homme ...

 

Valériane d’Alizée

Tours, le 12 Août 2014

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le livre chrysalide papillon fécond
de Vladimir Kush, 1965


[1] : Fable amérindienne reprise par Pierre Rabhi,  ce « semeur d’espoir », fondateur du mouvement Colibri et dont voici une version : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

[2] : Le regretté Albert Jacquart fut à deux reprises l’invité de Livre Passerelle, d’abord en 2004, puis l’année suivante, le 11 octobre 2005, pour une conférence à Tours intitulée « Doué ou non doué, c’est quoi l’intelligence ? » et dont les organisatrices conservent un souvenir ému... (http://livrepasserelle.blogspot.fr/2008/05/confrence-dalbert-jacquard-octobre-2005.html)

[3] : En référence à l’œuvre pour chant et piano d’Emmanuel Chabrier sur un poème d’Ephraïm Mickaël ainsi qu’à la pièce pour piano de Claude Debussy.

[4] : Bien qu’ici on se réfère à ce que le silence peut dégager comme atmosphère inexpressive voire glaciale, comment ne pas aussi l’envisager, animé d’une autre vision philosophique : en tentant de l’apprivoiser, d’en faire son complice, en ne perdant pas de vue qu’il symbolise la pureté originelle précédant tout acte, toute création sortant du néant :"Le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement" nous énonce Vassili Kandinsky .

[5] : Extraits tirés d’Au point du cœur, album de littérature jeunesse de Rascal (éditions Ecole Des Loisirs- Pastel)

[6] : Citation due à Pythagore, faisant école au Moyen-âge grâce à Philippe de Novare (XIIIème siècle)

 [7] : Détournement d’un texte signé Anne Sylvestre : http://www.paroles.net/anne-sylvestre/paroles-une-sorciere-comme-les-autres

 [8] : Formule qui nous est chère née de la plume de François Cheng au cœur de son ouvrage : « Cinq méditations sur la beauté » présenté par l’auteur comme ceci : «  En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourrait paraître incongru, inconvenant, voire provocateur. Presque un scandale. Mais en raison de cela même, on voit qu'à l'opposé du mal, la beauté se situe bien à l'autre bout d'une réalité à laquelle nous avons à faire face. Je suis persuadé que nous avons pour tâche urgente, et permanente, de dévisager ces deux mystères qui constituent les extrémités de l'univers vivant : d'un côté, le mal ; de l'autre, la beauté. Ce qui est en jeu n'est rien de moins que la vérité de la destinée humaine, une destinée qui implique les données fondamentales de notre liberté. »

[9] : Au bout du cœur, formule empruntée à Barbara, chanson intitulée Du Bout Des Lèvres : http://fr.lyrics-copy.com/barbara/du-bout-des-levres.htm

[10] : Allusion au titre de la chanson de Claude Nougaro issue de l’album : La Note Bleue : http://musique.ados.fr/Claude-Nougaro/L-Esperance-En-L-Homme-t43281.html

 [11] : Expression musicale couvrant la période romantique, notamment attribuée à George Sand parlant des compositions de Frédéric Chopin : « Nos yeux se remplissent peu à peu des teintes douces qui correspondent aux suaves ondulations saisies par le sens auditif. Et puis la note bleue résonne et nous voilà dans l'azur de la nuit transparente. » (George Sand, Impressions et souvenirs, p.86.) et concernant le genre plus tardif du blues et du jazz : http://www.cooperation.net/lanotebleue/qu-est-ce-qu-une-note-bleue

 [12] : Citations dues  pour la première à Émile Verhaeren (poème « la Vie ardente » in Les flammes hautes), pour la deuxième à Anna de Noailles, titre de son recueil poétique publié en 1902.

[13] : Trouvaille de la philosophe Simone de Beauvoir tirée de son fameux essai existentialiste et féministe, paru en 1949.

[14] : Emprunt au troubadour jongleur de mots des Temps modernes, alias Claude Nougaro, op.cit

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 I) Résumé de ma "causerie" du Vendredi 23 Mai 2014 :

 

Je vous transmets que j'aurai le plaisir de saluer la mémoire de la figure féminine prépondérante d'Anne de Bretagne, pour son action en faveur des arts, en ce millésime 2014 commémorant sa disparition, par une causerie- conférence d'un genre historico-littéraire « inédit », puisque la poésie y sera conviée, outre des chroniques de l’histoire source de l’odyssée botanique .

La manifestation se déroulera le 23 mai prochain, au cœur de son fief des domaines d'Amboise, du Clos-Lucé au château Gaillard, et comme, naturellement, certains d'entre-vous brûlent, n’en doutons pas, d'en connaitre le thème, le voici :

 « Évocation de la flore à l’aube de la Renaissance

 ou

Promenade dans un Jardin des Délices retrouvé

sous la guidance de la reine-mécène Anne de Bretagne »...

Pour la circonstance, je m’appuierai en l’occurrence, sur ce splendide manuscrit signé du peintre enlumineur Jean Bourdichon, qui nous offre un témoignage incomparable d'espèces végétales acclimatées en val de Loire, ce « Jardin de la France », ancré au cœur du pays  de rabelaisie, mais pas seulement, étant donné que les coutumes florales héritées du Moyen-âge y sont aussi célébrées, telle la fameuse fête de Mai.

L'une des miniatures,folio7r du manuscrit représentant le mois d'Avril, dépeint entre-autres, la reine Anne de Bretagne au cœur de l’un de ses enclos castraux, s'adonnant à l'art de tresser un « chapel de flors » (chapeau entremêlé de fleurs) passe temps significatif de l’art courtois, fort prisé sous la période médiévale des « gentes dames et gentils seigneurs », parure portée en couvre chef, confectionnée ici des mains de la reine, de roses vermeilles et blanches...

Quel est mon dessein ? Tout simplement de jouer un rôle de passeuse, suscitant l’intérêt en faveur d'une assemblée curieuse, amoureuse du beau et de messages à « décrypter ».Bref, il me tient à cœur, de parler d'un monde disparu riches de traditions florales et poétiques, en ayant le moins de frontières, de cloisonnements possibles, et tout en conservant à l'esprit de « vulgariser »mon propos, au sens noble du terme, afin de le rendre accessible sans pour autant le dénaturer !

À l’intention de ceux qui auraient donc, le loisir de rejoindre ce Colloque portant sur l'Art des Jardins, faisant intervenir une pléiade de personnalités qui ont toutes comme dénominateur commun d’œuvrer pour le patrimoine ligérien, veuillez trouver ci-joint le pré-programme de ce dernier, dans l’attente de vous communiquer le programme complet.

Je me ferai un grand plaisir de vous y retrouver, réservant le meilleur accueil à vos interrogations d’auditeurs qu’elles soient érudites ou néophytes…

Mais, j’entends déjà les préparatifs des réjouissances sonner le carillon, soit, qu'il me faut me recueillir dans ma tour d'ivoire, afin de commencer à composer ce texte, et vous dis ainsi peut-être à bientôt.

 

Valériane d’Alizée

 

II) Premier jet du Programme de la journée

COLLOQUE : «  HONNEUR À L’ART DES JARDINS »

VENDREDI 23 MAI 2014

organisé

 

par l’association la Ligérienne du patrimoine

(Président Carol Geoffroy guide conférencier)

 

sous le haut patronage des propriétaires du Clos Lucé (François Saint Bris)

et de château Gaillard (Marc Lelandais)

 

THÈME DU COLLOQUE 

ARCHITECTURE VERDOYANTE

ET CULTURE DES LIEUX DE PLAISANCE EN VAL DE LOIRE :

SOUVENIRS ANTIQUES ET RENAISSANCE

 

CHATEAU DU CLOS LUCE DE 10H15 A 12H00

 

10h15 : Introduction par François Saint Bris, propriétaire du château du Clos Lucé.

10h20 : Le substrat antique : aspects artistiques et religieux, par Jean Nicolas Corvisier,

professeur d’histoire à l’université d’Arras.

10h50 : « Une renaissance des jardins et une restitution réussie au château de Chamerolles »,

par Florence Vassal, responsable de ce Château

11h20 : Léonard et la nature : création des jardins de Léonard au Château du Clos Lucé,

par François Saint Bris.

 

CHATEAU GAILLARD DE 14H15 A 17H30

 

14h15 : Introduction par Marc Lelandais, propriétaire de château Gaillard 

14h20 : Évocation de la flore à l’aube de la Renaissance ou Promenade dans un jardin des délices retrouvé

sous la guidance de la reine-mécène Anne de Bretagne,

par Valériane d’Alizée, créatrice-passeuse de verbes et d’Arts.

14h50 : Apport de l’exotisme méditerranéen dans l’espace ligérien par Pacello da Mercogliano :

Château Gaillard : un laboratoire à ciel ouvert, par Marc Lelandais

15h20: :Questions suivies d’une pause  

15h 45: La touche personnelle de Pacello de Mercogliano dans les jardins du roi et de la reine

au château de Blois, par Pierre Gilles Girault, conservateur adjoint du château de Blois 

16h15 : Villandry, histoire d’une double renaissance, par Henri Carvallo, propriétaire de ce château.

 

17h15 : DÉBAT AVEC LE PUBLIC

 

 

INFORMATIONS PRATIQUES :

CES DEUX CHÂTEAUX SONT SÉPARÉS DE SEULEMENT 300 MÈTRES

TRÈS IMPORTANT : PRIÈRE D’EFFECTUER LES  RÉSERVATIONS

UNIQUEMENT PAR TÉLÉPHONE : AU 06. 33. 51. 58. 18

ou me contacter personnellement en message privé via ce réseau.

 

APRÈS CONFIRMATION DE VOTRE VENUE, RENDEZ-VOUS POUR

REJOINDRE LA RENCONTRE DE L’APRÈS-MIDI SE DÉROULANT A CHÂTEAU

GAILLARD, DEVANT LE PORTAIL DU DOMAINE DU CLOS-LUCÉ À 13H45 PRÉCISE.

Lien vers un condensé historique de Château Gaillard, résidence royale :

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Ch%C3%A2teau-Gaillard_%28Amboise%29

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Au cœur de hautes murailles castrales abritant un jardin secret protégé, une suivante de la reine,

cueille au dessus de la palissade de treillages en bois rehaussés d’or, roses « candides et vermeilles »

destinées à être confectionnées en couronne, tandis qu’en compagnie de sa dame de parage,

Anne de Bretagne, s’adonne à l’art raffiné de tresser un « chapel de flors » reposant sur un tapis verdoyant

semé de mille et une flourettes  auprès d’une banquette d’herbe tendre…

 

Le Mois d'Avril, folio 7r, issu des« Grandes Heures d'Anne de Bretagne »

de Jean Bourdichon (1457 ou 1459-1529)

manuscrit enluminé réalisé entre 1503et 1508 sur commande de la reine

par le« peinctre et valet de chambre ordinaire du roy » officiant sous les règnes successifs de Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier.

 

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Marche doucement car tu marches sur mes rêves.

William Butler Yeats


Écrire, c’est aussi interroger, embrasser le Monde, être disposé à se porter à son écoute, à être ébranlé par son bouillonnement qu’il soit fructueux ou dévastateur, c’est se mettre en état de réceptivité sensorielle, d’ouverture d’esprit et de cœur, afin de goûter, sentir, explorer, mesurer autant que faire se peut, le sens de la vie profonde…

 

Écrire, c’est en outre, proclamer ses admirations, gages d’inspiration, c’est émettre de perpétuels questionnements [1]soulevant moult problématiques, demeurant, non pas pourvus d’une seule et unique réponse, mais d’un éventail de « vérités »…

 

Écrire, c’est respecter les créatures peuplant cette planète bleue, notre Terre-Mère, Gaïa, en s’ingéniant à instaurer un dialogue passerelle avec une pléiade de Sages généreux une once responsables, dotés d’une essence visionnaire, rare, hors du commun !

 

Écrire, c’est se plonger dans les abîmes du temps …

Temps passé, temps présent éphémère, qui s’écoule sans que nous ne puissions jamais le retenir, temps angoissant d’un demain pétri d’incertitudes mais enluminé, néanmoins, d’espérances, de promesses !

 

Écrire, c’est ne pas avoir peur d’affronter ses propres houles épousant la cadence des vagues de la marée intérieure du souffle humain…

C’est se révéler à soi-même, oser une introspection au tréfonds de son âme, si ce n’est s’autoriser le doute, ce pas vers la liberté, vers nos fiançailles avec la métamorphose…

Or, il est aisé d’entrevoir les conséquences, si par malheur, en similitude de nombre d’unions de raison, vous vous efforcez de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Trop de compromis d’importance et vous voilà réduits en esclavage, pauvres pantins privés de décisions fondamentales relevant de « grands départs inassouvis », de la quête de l’existence :

 

« Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi.

Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer.[2] »

 

Écrire, c’est faire front au clair-obscur[3] caravagesque, à la matière gémellaire dont chacun d’entre-nous est composé à l’origine, pour mieux en savourer ensuite l’évolution, le dépouillement, la reviviscence et l’envol, après le bouleversement de la mue que génère tout cheminement…si l’on en croit l’illustre légende du Phénix renaissant de ses cendres !

 

Écrire, c’est accueillir en conscience l’inconnu, cet autre soi-même mystérieux qui s’invite au miroir de notre raison, fruit de notre vie ardente intrinsèque, dans le dessein de le laisser infuser longuement en nous, pour mieux jaillir ensuite, telle une source intarissable, onde pure désaltérante, Fontaine de jouvence intemporelle bienfaisante et révélatrice…

 

Car « Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit », nous préconise le démiurge des « Nourritures terrestres »[4]

 

Écrire, c’est accepter que parle l’intellect en tant que reflet des affects qui nous traversent, et ambitionner, sinon souffrir, de dévoiler des bribes de cet « étrange étranger », à autrui…

 

Écrire, c’est se soustraire à la morosité sclérosante du quotidien, c’est sortir de son enveloppe corporelle quelquefois ressentie comme basse et lourde, végétative, c’est s’évader de la geôle où la société[5] nous maintient fréquemment contre notre gré, emprisonnés[6], se plaisant à nous museler, à faire de nous des impuissants, en soutenant des arguments des plus prosaïques, ne serait-ce que celui qui consiste à subvenir à « l’ordinaire » !

 

Écrire, c’est aller à la rencontre des multiples facettes polychromes de notre personnage d’Arlequin en habit d’apparat rapiécé, c’est se délester parfois d’un déguisement encombrant superflu en mettant à bas quelques masques, et ce, en usant « d’humour, cette politesse du désespoir »[7]

 

Écrire, c’est s’émerveiller devant les fibres à tisser de l’étoffe concernée, qu’elles soient constituées de jute, de bure rugueuse ou de velours et laine de soie afin qu’inlassablement, chaque jour que Dame Nature, fasse, centimètre par centimètre carré, les fils de la tapisserie se nouent sous les mains amoureuses, savamment déliées, de l’artisan créateur[8] chérissant les nobles matières…

 

Écrire, c’est se faire passeur-ciseleur de verbes, de mots émaux sculptés sans maudire ni fuir la difficulté, au prix de maladresses avouées, à la manière du tailleur de pierre ou de l’orfèvre apprenant à marteler son ouvrage au burin, le modelant et remodelant sans cesse envers et contre tous, en dépit des « tendances » du moment et maints effets de mode mercantiles d’un commercialement correct, non équitable !!!

 

 

Écrire, c’est reconnaitre qu’une fois enfantée sa géniture, le parent n’en n’est plus « maitre » et que libéré d’une telle gestation conduisant à la naissance de son fragile enfançon, il se doit une fois ressourcé, à l’aube d’un jour nouveau, de s’adonner à faire fructifier d’autres graines en germination, méritant ô combien de s’émanciper de leur sort d’inertie, de pauvres plantes stériles ou menaçant de le devenir !

 

Enfin, puisque écrire, c’est assurément procréer, spirituellement s’entend, et se reconquérir, n’est-ce pas en conséquence, échanger avec ses « Frères humains » quelque idéal sain et saint, tout en cultivant le jardin de sa singularité, se découvrant tantôt des « Affinités électives » goethéennes, aux détours de sentes escarpées, semées d’embûches où croit une corolle à nulle autre pareille, nommée fleur d’humilité ?

 

Mais au fait, dites-moi, amis qui affectionnez cet univers, est-ce bien raisonnable tout ce remue méninges au sujet du duo fétiche écrivain-chuchoteur de lexique portant le sceau de la langue de Molière ? Oui, franchement, quelle fonction utilitaire, quel rôle vital peuvent jouer dans le parcours du commun des mortels, ces protagonistes, sinon de découvrir et de sonder la nature de la gente humaine, en allant à sa rencontre ?

 

Jeu inévitable de question-réponse touchant au superflu, à ce luxe continûment assimilé à la création artistique et pourtant indispensable à l’équilibre, à la dignité de notre condition,  suivant notre simple regard :

« À quoi ça sert de lire. À rien ou presque. C'est comme aimer, comme jouer. C'est comme prier.

 Les livres sont des chapelets d'encre noire, chaque grain roulant entre les doigts, mot après mot.

 Et c'est quoi, au juste, prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi dans le silence. »[9]

 

Et puis, « La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver » repartit Jean Guéhenno, à travers cette phrase clé du Carnets du vieil écrivain…Ce à quoi, Henry Miller rebondit en nous interpellant : « A quoi servent les livres s’ils ne ramènent pas vers la vie, s’ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d’avidité ? »

 

Puissent-ils seulement être exaucés, ces visionnaires !

Puissent-ils seulement nous inciter à creuser en nous un sillon opportun à faire éclore une moisson prospère afin de percevoir ce qui vaut la peine de l’être :

 

« Notre ciel du dedans nous parle sans cesse, mais nous ne l’entendons pas, absorbés par le vacarme du quotidien.

Berceau de la création, écrin de la pensée, le silence est aussi le terreau de la beauté du monde.  Il est cette larme qui perle après “Nantes” de Barbara.

Qu’il s’appelle émulation, inspiration, Il est riche et fécond,  jamais  vide.

Il faut oser le courage du silence. Face à soi-même, on ne trompe personne.

C’est à sa source qu’on puise la force et  la raison de notre folie douce. Son murmure imperceptible nous offre les signes de piste de notre propre boussole intérieure, celle qui nous montre le Nord quand on se croit perdu… »[10]

 

Valériane d’Alizée

Le 4 janvier 2014,

En ce jour de commémoration de la disparition tragique

d’Albert Camus, il y a 54 ans

©Tous droits de reproduction réservés

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Le Combat de Jacob avec l'ange de Gustave Doré

détail, d’après une scène de la Genèse, 1865

 



[1] : Propos appuyés ici de la devise suivante de Roland Barthes : « Écrire c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté.. »

[2] : Fragment de Christian Bobin trouvé au sein de « La plus que vive », coll. L'un et l'autre chez Gallimard

[3] : « Plus on s'approche de la lumière, plus on se connaît plein d'ombres » affirme une sentence de C.Bobin issue de La plus que vive (coll. L'un et l'autre Gallimard)

[4] : Emprunt à André Gide, Journal 1889-1939, Septembre 1894

 

[5] : « La vie en société c'est quand tout le monde est là et qu'il n'y a personne. La vie en société c'est quand tous obéissent à ce que personne ne veut. »Christian Bobin, L'inespérée, coll. folio

[6] : "J'ai conscience de vivre dans une jolie prison, de laquelle je ne peux m'échapper qu'en écrivant" certifiait Anaïs Nin…

 

[7] : Citation malaisée à attribuer mais probablement due à la plume de Georges Duhamel au sein de son œuvre la « Défense des Lettres »…

[8] : À propos de la création, Albert Camus disait : «Créer, c’est vivre deux fois. » (citation extraite  du « Mythe de Sisyphe »)

[9] : Citation due à Christian Bobin « Une petite robe de fête », coll. folio

 

[10] : Passage provenant du dernier ouvrage d’Yves Duteil, « La petite musique du silence » (Médiaspaul) 

 

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Introspection d’après le principe de l’anaphore, « écrire, c’est… »

 

 « Créer, voilà la grande délivrance de la souffrance,

voilà ce qui rend la vie légère.[1]»

Friedrich Nietzsche

 

 

Écrire, c’est exercer une mission de cœur, avec une ferveur comparable à celle du mystique entrant en religion, faisant de ses failles un atout majeur, sacerdoce qui parfois peut vous conduire jusqu’à éprouver un état d’exultation indescriptible, surtout si l’on est convaincu que la formule imaginée est judicieuse, embrassant l’idéal du père de la « Fabrique des mots » et de «La révolte des accents » :

« Le bonheur de l’écrivain, c’est le mot juste, l’adéquation miraculeuse entre la pensée encore vague et l’expression qui la fait venir au jour. Il s’agit d’une vraie naissance, avec la part de surprise, d’émerveillement et de découverte qu’implique toute naissance. »[2]

 

Écrire, c’est faire fi d’un savoir faire au profit d’un savoir être, c’est ôter les oripeaux préfabriqués encombrants de l’artifice en lieu et place de l’authentique, de la « substantifique moelle » chère à François Rabelais, s’efforçant d’adopter ce conseil éminent :

 « il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n'est pas pareil [...][3] »

 

Écrire, c’est consentir à un certain abandon, c’est être animé du trouble obsessionnel, compulsif que suppose sa genèse, en adéquation de toute œuvre créée avec ferveur et loyauté. Et ce n’est certes pas Jean Grenier, intime d’Albert Camus, qui me démentirait, lui, le géniteur de ce pertinent aphorisme : 

« Écrire, c’est mettre en ordre ses obsessions. »

Et c’est, faisant montre de semblable profession de foi, avouer sa vulnérabilité, son hyperesthésie, c’est s’autoriser à se laisser submerger par la griserie engendrée par cette action lorsqu’elle se révèle féconde et à l’opposé, c’est également admettre la tourmente délétère, les heures fades et creuses qui nous semblent stériles mais dont « les racines avides travaillent les déserts »[4]

 

Écrire, c’est répondre à un désir irrépressible de pérégrination, d’échappatoire de l’entendement, en adéquation de la devise colettienne suivante : « Le voyage n'est nécessaire qu'aux imaginations courtes » ; c’est méditer dans sa cellule de recueillement, loin de l’agitation factice, violente et vaine, à laquelle se prête notre multitude humaine ; c’est d’abord s’attacher à penser isolément, à fleur de chair, puis à fleur d’encre confidentielle, limpide ou chaotique[5], comme si les aiguilles de l’horloge étaient frappées d’arrêt, dégagé, dans l’idéal, du « commerce  de la séduction » que présume l’offrande à un hypothétique liseur, vœu un brin chimérique, concédons-le, assumant autant que faire se peut, notre propension aux musardises de l’esprit, riches d’enseignements, de vertus nutritives à nulle autre pareille, à l’instar d’une certaine « vagabonde[6] »

 

« Écrire ! Pouvoir écrire ! cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient ; les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu'à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé de papillon-fée […].

Écrire... C’est le regard accroché, hypnotisé par le reflet de la fenêtre dans l’encrier d’argent, la fièvre divine qui monte aux joues, au front, tandis qu’une bienheureuse mort glace sur le papier la main qui écrit. Cela veut dire aussi l’oubli de l’heure, la paresse aux creux du divan, la débauche d’invention d’où l’on sort courbatu, abêti, mais déjà récompensé, et porteur de trésors qu’on décharge lentement sur la feuille vierge, dans le petit cirque de lumière qui s’abrite sous la lampe...

Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide... et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d’or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée... »

 

Écrire, c’est faire « l’éloge du rien [7]» autant que de l’essentiel ; c’est encore s’épancher en confidences, revêtant, il est vrai, une forme d’impudeur, tant la subjectivité, l’engagement sous-jacent de l’auteur, y affleurent, le tout sans préméditation destinée à servir nos intérêts, sans songer en amont, qu’un lecteur pourrait un jour pénétrer le raisonnement énoncé, au risque de le déflorer par une interprétation erronée, et donc de trahir notre perception :

 

 

« Mais tu sais je suis pauvre, et mes rêves sont mes seuls biens

Sous tes pas, j'ai déroulé mes rêves

Marche doucement car tu marches sur mes rêves. »

 

nous adjure William Butler Yeats[8]

12272988683?profile=originalRéflexion d'Odilon Redon



[1] : Aphorisme tiré d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » 

[2] : Axiome signé Erik Orsenna

 

[3] : Conseil reçu de la plume de Christian Bobin provenant de « La plus que vive », coll. L'un et l'autre chez Gallimard

 

[4] : Libre adaptation de vers issus de « Palme » de Paul Valéry (recueil « Charmes », 1922) dont l’origine est : Ces jours qui te semblent vides/Et perdus pour l'univers/Ont des racines avides/Qui travaillent les déserts. Pour se reporter au texte entier : http://www.lesarbres.fr/index.php?page=texte-valery2.php

 

 

[5] : En référence à ce si évocateur adage de Christian Bobin : « Ecrire, c'est se découvrir hémophile, saigner de l'encre à la première écorchure, perdre ce qu'on est au profit de ce qu'on voit. »

[6] : Allusion au titre de l’ouvrage de Colette dont est issu l’extrait mentionné, roman datant de 1910, publié chez P. Ollendorff.

[7] : Allusion à un titre d’œuvre de Christian Bobin

[8] : Vers traduits du recueil « He Wishes For The Cloths Of Heaven ».

 

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D’après l’ébauche de texte envoyé à Béatrice J. rédigé

en l’honneur du jour anniversaire de sa naissance datant de Novembre 2013

 

Et alors, j'ai pris feu dans ma solitude car écrire c'est se consumer...

 L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées

et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire

en braises crépitantes et en cendres retombantes.

Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse.

 Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres. »

Blaise Cendrars

 

 

I.

Préambule :

 

 

« Écrire, c'est avoir une très haute conscience de soi-même, et c'est avoir conscience que l'on n'est pas à la hauteur, que l'on n'y a jamais été[1] » déclare « l’Homme joie », le lumineux Christian Bobin, sorte de Merlin l’Enchanteur de notre chère langue française empreinte de beauté-bonté à la François Cheng[2], renforçant son propos par ce précepte « C'est même chose que d'aimer ou d'écrire. C'est toujours se soumettre à la claire nudité d'un silence. C'est toujours s'effacer», apportant ainsi, un autre éclairage à cette aspiration d’un devenir meilleur, l’espoir de toute conscience un peu haute, surenchérissant sur la pulsion et motivation initiale de telles confessions intimes délivrées à son prochain, cependant qu’elles pourraient demeurer éternellement silencieuses, dévoilant leurs secrets à l’aide de l’encrier virtuel, qu’en faveur de la page soudainement noircie, censée combler une insatisfaction… :

 

« On commence à écrire. Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit. C’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. C’est pour rejoindre le sauvage, l’écorché, le limpide. On écrit une langue simple. On ne fait aucune différence entre l'amour, la langue et le chant.

Le chant c'est l'amour. L'amour c'est un fleuve. Il disparaît parfois. Il s’enfonce dans la terre. Il poursuit son cours dans l'épaisseur d'une langue. Il réapparaît ici ou là, invincible, inaltérable. »[3]

 

La traduction de la pensée allouée par la graphie- « l’esprit cherche est c’est le cœur qui trouve », devisait en elle-même George Sand- n’est-ce pas là un procédé pour conjurer l’effroi du vertige provoqué par l’évocation du retour au néant qui précède à la germination de notre entité, au sein du cocon-giron maternel, le premier lieu de vie nous offrant l’hospitalité ?:

 

 « On écrit pour ne pas mourir entièrement, pour ne pas mourir tout de suite puisque tout dépérit. Et je crois que parmi toutes ces raisons, les deux raisons les plus fortes d'écrire sont bien celles-ci : Faire partager aux autres l'étonnement, l'éblouissement d'exister, le miracle du monde et faire entendre notre cri d'angoisse à Dieu et aux hommes, faire savoir que nous avons existé. »[4]

 

Oui, écrire, n’est-ce pas une figure de discrimination à fleur de mots, des plus florissantes, l’un des exutoires, antidotes des plus puissants participant à résister à la haine, afin de tenter d’évacuer ressentiments et frustrations de nos actes manqués ou susciter son versant opposé, l’amour, tout en congédiant la tiédeur, sans autre forme de procès, à l’instar du conseil d’Anton Tchekhov qui tend à nous instruire, en parlant à ce qui nous reste d’humanité, réitérant que : « l’indifférence est une paralysie de l’âme, une mort prématurée » ?

 

Pour ma part, et bien que souscrivant à ces allégations sagaces, il me tient à cœur de témoigner, en livrant mon parti pris des choses[5], brodant à loisir sur ce thème et variation de l’acte de l’écriture, activité qui, selon ma perception ne constitue pas nécessairement une vocation, ni encore moins un « métier » à proprement parler, dont il nous faut apprendre les rudiments, mais un credo jaillissant de son for intérieur, de sa psyché, geste de spiritualité, « feu sacré » inhérents à la vision d’un porte parole littéraire de valeur, notre géniale « Faunesse de Saint Sauveur en Puisaye », la sensitive Colette :

 

« Cette répugnance, que m'inspirait le geste d'écrire, n'était-elle pas un conseil providentiel ? Il est un peu tard pour que je m'interroge là-dessus. Ce qui est fait est fait. Mais dans ma jeunesse, je n'ai jamais, jamais, désiré écrire. Non, je ne me suis pas levée la nuit en cachette pour écrire des vers au crayon sur le couvercle d'une boîte à chaussures ! Non, je n'ai pas jeté au vent d'ouest et au clair de lune des paroles inspirées ! Non, je n'ai pas eu 19 ou 20 pour un devoir de style, entre douze et quinze ans ! Car je sentais, chaque jour mieux, je sentais que j'étais justement faite pour ne pas écrire. […] Quelle douceur j'ai pu goûter à une telle absence de vocation littéraire ! Mon enfance, ma libre et solitaire adolescence, toutes deux préservées du souci de m'exprimer, furent toutes deux occupées uniquement de diriger leurs subtiles antennes vers ce qui se contemple, s'écoute, se palpe et se respire… »[…][6]

 

 

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Détail de l'Énigme de Gustave Doré


[1] : Formule extraite de « Lettres d'or » de Christian Bobin coll. folio

[2] : Évocation de l’ouvrage de F. Cheng « Cinq Méditations sur la Beauté »…

[3] : Citation provenant de l’ouvrage La Part manquante de Christian Bobin

[4] : Devise d’Eugène Ionesco tirée de son ouvrage « « Antidotes »

[5] : Détournement d’un titre de recueil poétique de Francis Ponge

 [6] : Fragment issu du texte de « La chaufferette », Journal à rebours de Colette, Arthème Fayard, 1941

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Introduction personnelle :

 

Il y a déjà quatre ans de cela, venait au monde, le 31 Janvier 2010, un quintette d’attendrissants  museaux de babies cats, fruits des nobles amours on ne peut plus légitimes, de Dame Chana d'Angora'mour de L'Arc de Lune et de Messire Cyrano dit Le Magnifique, ayant convolé en justes noces pour le plus grand plaisir de certains humains reconnaissants...

Or, reconnaissants, oui, il y a vraiment de quoi l'être, puisque de cette union chattesque "assistée",  notre protégé, le Farfadet Florestan est né, accompagné de sa "quasi jumelle", Princesse Fantine, "ma filleule", qu'il me fut offert pendant un temps précieux de fréquenter, avant qu'elle n'élise domicile, hélas, en terres de chouannerie !

Voici donc maintenant trois ans et demi, que notre adorable "Petit Prince", "Prince Charmant" et charmeur de la gent féline nous a rejoint, nous accordant la joie de sa tendre présence rayonnante,  s'acclimatant en un rien de temps à ses nouveaux compagnons, le vénérable "Oncle Cyrus" de Sainte Sophie de Constantinople des Rives du Bosphore de la Vallée ligérienne, avec lequel il n'a de cesse d'échanger maintes chatteries et son cadet de quelques semaines, le "Petit Poucet", Lord Finley du Domaine d'Elgar, déraciné du pays de Freyja la blonde ; mais de ces trois  Mousquetaires à longues vibrisses partageant notre quotidien, dont chacun d'entre-eux possèdent ses traits de caractère propres, nul doute, que le plus tendre, le plus expressif, devrais-je préciser, est bien notre héros du jour, placé sous la constellation du verseau !

 

Et quel modèle d'équilibre sur le plan du caractère : est-il seulement possible de trouver plus doux ? Oh, certes pas du côté "mouvement physique", non ! Car alors, là, le joli-cœur en demande perpétuelles de cajoleries, aimant aussi s'épancher en "roucoulant", ponctuant le moindre de ses actes, par des commentaires, et n'aimant rien tant que de conquérir  le visiteur venu déposer ses hommages et faire allégeance aux pattes de velours gantées d'un fourreau ébène, en lieu et place d'être un modèle de "gymcat" accompli, se meut en gros pataud, détenteur d'une force ... de Brutus, charpente de ses abattis oblige !

 

Aussi, gare à vous, amis, qui foulez le seuil des pénates de ces messieurs ; ne vous avez-je pas prévenu et conseillé de vous munir d'une armure isolante, si vous ne vouliez point que la chair de votre chère anatomie soit griffée non pas Christian Lacroix, mais de notre petite terreur aux antipodes d'un poids plume, doté d'une appétence gargantuesque, de surcroit, malgré les repas diététiques que nous lui concoctons sur mesure !

C'est bien l'unique reproche que l'on puisse formuler à son encontre, tellement notre irrésistible bête s'ingénie à déployer à  notre égard de touchants témoignages .

 

Gageons que notre aristochat nous réserve le privilège de couler encore de longues heures sereines, parmi sa famille composée de bipèdes et de quadrupèdes, et que semblablement au poète Torquato Tasso, dit le Tasse, nous puissions nous exclamer : 

 

"Je me tourne,
Ô beau chat, vers tes prunelles sacrées
Et il me semble que j'ai devant moi deux étoiles."

Félinement vôtre,

Valériane d'Alizée,

le 31 Janvier 2014,

heureux jour de naissance du Farfadet Florestan.

 

Le CHAT de THÉODORE DE BANVILLE.

 

Tout animal est supérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui de divin, c'est-à-dire par l'instinct.

Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême. Il n'y a pas de condition si humble et si vile qui arrive à le dégrader, parce qu'il n'y consent pas, et qu'il garde toujours la seule liberté qui puisse être accordée aux créatures,c'est-à-dire la volonté et la résolution arrêtée d'être libre. Il l'est en effet, parce qu'il ne se donne que dans la mesure où il le veut, accordant ou refusant à son gré son affection et ses caresses, et c'est pourquoi il reste beau, c'est-à-dire semblable à son type éternel. Prenez deux Chats, l'un vivant dans quelque logis de grande dame ou de poète, sur les moelleux tapis, sur les divans de soie et les coussins armoriés, l'autre étendu sur le carreau rougi,dans un logis de vieille fille pauvre, ou pelotonné dans une loge de portière,eh bien ! tous deux auront au même degré la noblesse, le respect de soi-même, l'élégance à laquelle le Chat ne peut renoncer sans mourir.

 

En lisant le morceau si épouvantablement injuste que Buffon a consacré au Chat, on reconstruirait, si la mémoire en était perdue, tout ce règne de Louis XIV où l'homme se crut devenu soleil et centre du monde, et ne put se figurer que des milliers d'astres et d'étoiles avaient été jetés dans l'éther pour autre chose que pour son usage personnel. Ainsi le savant à manchettes, reprochant au gracieux animal de voler ce qu'il lui faut pour sa nourriture, semble supposer chez les Chats une notion exacte de la propriété et une connaissance approfondie des codes, qui par bonheur n'ont pas été accordées aux animaux. "Ils n'ont,ajoute-t-il que l'apparence de l'attachement ; on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques ; ils ne regardent jamais en face la personne aimée ; soit défiance ou fausseté, ils prennent des détours pour en approcher,pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur font." O injuste grand savant que vous êtes ! est-ce que nous cherchons, nous, les caresses pour le plaisir qu'elles ne nous font pas ?Vous dites que les yeux des Chats sont équivoques ! Relativement à quoi ? Si tout d'abord nous n'en pénétrons pas la subtile et profonde pensée, cela ne tient-il pas à notre manque d'intelligence et d'intuition ? Quant aux détours,eh ! mais le spirituel Alphonse Karr a adopté cette devise charmante : "Je ne crains que ceux que j'aime," et, comme on le voit, le Chat, plein de prudence, l'avait adoptée avant lui.

 

Sans doute, il se laisse toucher, caresser, tirer les poils, porter la tête en bas par les enfants,instinctifs comme lui ; mais il se défie toujours de l'homme, et c'est en quoiil prouve son profond bon sens. N'a-t-il pas sous les yeux l'exemple de ce Chien que le même Buffon met si haut, et ne voit-il pas par là ce que l’homme fait des animaux qui consentent à être ses serviteurs et se donnent à lui sans restriction, une fois pour toutes ? L'homme fait du Chien un esclave attaché,mis à la chaîne ; il lui fait traîner des carrioles et des voitures, il l'envoie chez le boucher chercher de la viande à laquelle il ne devra pas toucher. Il le réduit même à la condition dérisoire de porter les journaux dans le quartier ; il avait fait du Chien Munito un joueur de dominos, et pour peu il l'aurait réduit à exercer le métier littéraire, à faire de la copie, ce qui,pour un animal né libre sous les cieux, me paraîtrait le dernier degré de l'abaissement. L'homme oblige le Chien à chasser pour lui, à ses gages et même sans gages ; le Chat préfère chasser pour son propre compte, et à ce sujet on l'appelle voleur, sous prétexte que les lapins et les oiseaux appartiennent à l'homme ; mais c'est ce qu'il faudrait démontrer. On veut lui imputer à crime ce qui fit la gloire de Nemrod et d'Hippolyte, et c'est ainsi que nous avons toujours deux poids inégaux, et deux mesures.

 

En admettant même que l’univers ait été créé pour l'homme, plutôt que pour le Chat et les autres bêtes, ce qui me paraît fort contestable, nous devrions encore au Chat une grande reconnaissance, car tout ce qui fait la gloire, l'orgueil et le charme pénétrant de l'homme civilisé, il me paraît l'avoir servilement copié sur le Chat. Le type le plus élégant que nous ayons inventé, celui d'Arlequin, n'est pas autre chose qu'un Chat. S'il a pris au Carlin sa face vicieuse, sa tête noire, ses sourcils, sa bouche proéminente, tout ce qu'il y a de leste, de gai,de charmant, de séduisant, d'envolé, vient du Chat, et c'est à cet animal caressant et rapide qu'il a pris ses gestes enveloppants et ses poses énamourées. Mais le Chat n'est pas seulement Arlequin ; il est Chérubin, il est Léandre, il est Valère ; il est tous les amants et tous les amoureux de la comédie, à qui il a enseigné les regards en coulisse et les ondulations serpentines. Et ce n'est pas assez de le montrer comme le modèle des amours de théâtre ; mais le vrai amour, celui de la réalité, celui de la vie, l'homme sans lui en aurait-il eu l'idée ? C'est le Chat qui va sur les toits miauler,gémir, pleurer d'amour ; il est le premier et le plus incontestable des Roméos,sans lequel Shakespeare sans doute n'eût pas trouvé le sien ?

 

Le Chat aime le repos,la volupté, la tranquille joie ; il a ainsi démontré l'absurdité et le néant de l'agitation stérile. Il n'exerce aucune fonction et ne sort de son repos que pour se livrer au bel art de la chasse, montrant ainsi la noblesse de l'oisiveté raffinée et pensive, sans laquelle tous les hommes seraient des casseurs de cailloux. Il est ardemment, divinement, délicieusement propre, et cache soigneusement ses ordures ; n'est-ce pas déjà un immense avantage qu'il a sur beaucoup d'artistes, qui confondent la sincérité avec la platitude ? Mais bien plus, il veut que sa robe soit pure, lustrée, nette de toute souillure.Que cette robe soit de couleur cendrée, ou blanche comme la neige, ou de couleur fauve rayée de brun, ou bleue, car ô bonheur ! il y a des Chats bleus !le Chat la frotte, la peigne, la nettoie, la pare avec sa langue râpeuse et rose, jusqu'à ce qu'il l'ait rendue séduisante et lisse, enseignant ainsi en même temps l'idée de propreté et l'idée de parure ; et qu'est-ce que la civilisation a trouvé de plus ? Sans ce double et précieux attrait, quel serait l'avantage de madame de Maufrigneuse sur une marchande de pommes de la Râpée,ou plutôt quel ne serait pas son désavantage vis-à-vis de la robuste fille mal lavée ? Sous ce rapport, le moindre Chat surpasse de beaucoup les belles, les reines, les Médicis de la cour de Valois et de tout le seizième siècle, qui se bornaient à se parfumer, sans s'inquiéter du reste.

 

Aussi a-t-il servi d’incontestable modèle à la femme moderne. Comme un Chat ou comme une Chatte,elle est, elle existe, elle se repose, elle se mêle immobile à la splendeur des étoffes, et joue avec sa proie comme le Chat avec la souris, bien plus empressée à égorger sa victime qu'à la manger. Tels les Chats qui, au bout du compte, préfèrent de beaucoup le lait sucré aux souris, et jouent avec la proie vaincue par pur dandysme, exactement comme une coquette, la laissant fuir,s'évader, espérer la vie et posant ensuite sur elle une griffe impitoyable. Et c'est d'autant plus une simple volupté, que leurs courtes dents ne leur servent qu'à déchirer, et non à manger. Mais tout en eux a été combiné pour le piège,la surprise, l'attaque nocturne ; leurs admirables yeux qui se contractent et se dilatent d'une façon prodigieuse, y voient plus clair la nuit que le jour,et la pupille qui le jour est comme une étroite ligne, dans la nuit devient ronde et large, poudrée de sable d'or et pleine d'étincelles. Escarboucle ou émeraude vivante, elle n'est pas seulement lumineuse, elle est lumière. On sait que le grand Camoëns, n'ayant pas de quoi acheter une chandelle, son Chat lui prêta la clarté de ses prunelles pour écrire un chant des Lusiades. Certes,voilà une façon vraie et positive d'encourager la littérature, et je ne crois pas qu'aucun ministre de l'instruction publique en ait jamais fait autant. Bien certainement, en même temps qu'il l'éclairait, le bon Chat lui apportait sa moelleuse et douce robe à toucher, et venait chercher des caresses pour le plaisir qu'elles lui causaient, sentiment qui, ainsi que nous l'avons vu, blessait Buffon, mais ne saurait étonner un poète lyrique, trop voluptueux lui-même pour croire que les caresses doivent être recherchées dans un but austère et exempt de tout agrément personnel.

 

Peut-être y a-t-il des côtés par lesquels le Chat ne nous est pas supérieur ; en tout cas, ce n'est pas par sa charmante, fine, subtile et sensitive moustache, qui orne si bien son joli visage et qui, munie d'un tact exquis, le protège, le gouverne,l'avertit des obstacles, l'empêche de tomber dans les pièges. Comparez cette parure de luxe, cet outil de sécurité, cet appendice qui semble fait de rayons de lumière, avec notre moustache à nous, rude, inflexible, grossière, qui écrase et tue le baiser, et met entre nous et la femme aimée une barrière matérielle. Contrairement à la délicate moustache du Chat qui jamais n'obstrue et ne cache son petit museau rose, la moustache de l'homme, plus elle est d'un chef, d'un conducteur d'hommes, plus elle est belle et guerrière, plus elle rend la vie impossible ; c'est ainsi qu'une des plus belles moustaches modernes, celle du roi Victor-Emmanuel, qui lui coupait si bien le visage en deux comme une héroïque balafre, ne lui permettait pas de manger en public ;et, quand il mangeait tout seul, les portes bien closes, il fallait qu'il les relevât avec un foulard, dont il attachait les bouts derrière sa tête. Combien alors ne devait-il pas envier la moustache du Chat, qui se relève d'elle-même et toute seule, et ne le gêne en aucune façon dans les plus pompeux festins d'apparat !

 

Le Scapin gravé à l'eau-forte dans le Théâtre Italien du comédien Riccoboni a une moustache de Chat, et c'est justice, car le Chat botté est, bien plus que Dave, le père de tous les Scapins et de tous les Mascarilles. A l'époque où se passa cette belle histoire, le Chat voulut prouver, une fois pour toutes, que s'il n'est pas intrigant, c'est, non pas par impuissance de l'être, mais par un noble mépris pour l'art des Mazarin et des Talleyrand. Mais la diplomatie n'a rien qui dépasse ses aptitudes, et pour une fois qu'il voulut s'en mêler, il maria,comme on le sait, son maître, ou plutôt son ami, avec la fille d'un roi. Bien plus, il exécuta toute cette mission sans autres accessoires qu'un petit sac fermé par une coulisse, et une paire de bottes, et nous ne savons guère de ministres de France à l'étranger qui, pour arriver souvent à de plus minces résultats, se contenteraient d'un bagage si peu compliqué. A la certitude avec laquelle le Chat combina, ourdit son plan et l'exécuta sans une faute de composition, on pourrait voir en lui un auteur dramatique de premier ordre, etil le serait sans doute s'il n'eût préféré à tout sa noble et chère paresse.Toutefois il adore le théâtre, et il se plaît infiniment dans les coulisses, où il retrouve quelques-uns de ses instincts chez les comédiennes, essentiellement Chattes de leur nature. Notamment à la Comédie-Française, où depuis Molière s'entassent, accumulés à toutes les époques, des mobiliers d'un prix inestimable, des dynasties de Chats, commencées en même temps que les premières collections, protègent ces meubles et les serges, les damas, les lampas antiques, les tapisseries, les verdures, qui sans eux seraient dévorés par d'innombrables légions de souris. Ces braves sociétaires de la Chatterie comique, héritiers légitimes et directs de ceux que caressaient les belles mains de mademoiselle de Brie et d'Armande Béjart, étranglent les souris, non pour les manger, car la Comédie-Française est trop riche pour nourrir ses Chats d'une manière si sauvage et si primitive, mais par amour pour les délicates sculptures et les somptueuses et amusantes étoffes.

 

Cependant, à la comédie sensée et raisonnable du justicier Molière, le Chat qui, ayant été dieu, sait le fond des choses, préfère encore celle qui se joue dans la maison de Guignol,comme étant plus initiale et absolue. Tandis que le guerrier, le conquérant, le héros-monstre, le meurtrier difforme et couvert d'or éclatant, vêtu d'un pourpoint taillé dans l'azur du ciel et dans la pourpre des aurores, l'homme,Polichinelle en un mot, se sert, comme Thésée ou Hercule, d'un bâton qui est une massue, boit le vin de la joie, savoure son triomphe, et se plonge avec ravissement dans les voluptés et dans les crimes, battant le commissaire,pendant le bourreau à sa propre potence, et tirant la queue écarlate du diable; lui, le Chat, il est là, tranquillement assis, apaisé, calme, superbe,regardant ces turbulences avec l'indifférence d'un sage, et estimant qu'elles résument la vie avec une impartialité sereine. Là, il est dans son élément, il approuve tout, tandis qu'à la Comédie-Française, il fait quelquefois de la critique,et de la meilleure. On se souvient que par amitié pour la grande Rachel, laplus spirituelle parmi les femmes et aussi parmi les hommes qui vécurent de l’esprit, la belle madame Delphine de Girardin aux cheveux d'or se laissamordre par la muse tragique. Elle fit une tragédie, elle en fit deux, elle allait en faire d'autres ; nous allions perdre à la fois cette verve, cetesprit, ces vives historiettes, ces anecdotes sorties de la meilleure veine française, tout ce qui faisait la grâce, le charme, la séduction irrésistible de cette poétesse extra parisienne, et tout cela allait se noyer dans le vague océan des alexandrins récités par des acteurs affublés de barbes coupant la joue en deux, et tenues par des crochets qui reposent sur les oreilles.

 Comme personne ne songeait à sauver l'illustre femme menacée d'une tragédite chronique, le Chat y songea pour tout le monde,et se décida à faire un grand coup d'État. Au premier acte de Judith, tragédie,et précisément au moment où l'on parlait de tigres, un des Chats de la Comédie-Française (je le vois encore, maigre, efflanqué, noir, terrible,charmant !) s'élança sur la scène sans y avoir été provoqué par l'avertisseur,bondit, passa comme une flèche, sauta d'un rocher de toile peinte à un autre rocher de toile peinte, et, dans sa course vertigineuse, emporta la tragédie épouvantée, rendant ainsi à l'improvisation éblouissante, à la verve heureuse,à l'inspiration quotidienne, à l'historiette de Tallemant des Réaux merveilleusement ressuscitée, une femme qui, lorsqu'elle parlait avec Méry,avec Théophile Gautier, avec Balzac, les faisait paraître des causeurs pâles.Ce n'est aucun d'eux qui la sauva du songe, du récit de Théramène, de toute la friperie classique et qui la remit dans son vrai chemin ; non, c'est le Chat !

 

D'ailleurs, entre lui et les poètes, c'est une amitié profonde, sérieuse, éternelle, et qui ne peut finir. La Fontaine, qui mieux que personne a connu l'animal appelé : homme,mais qui, n'en déplaise à Lamartine, connaissait aussi les autres animaux, a peint le Chat sous la figure d'un conquérant, d'un Attila, d'un Alexandre, ou aussi d'un vieux malin ayant plus d'un tour dans son sac ; mais, pour la Chatte, il s'est contenté de ce beau titre, qui est toute une phrase significative et décisive : La Chatte métamorphosée en femme ! En effet, la Chatte est toute la femme ; elle est courtisane, si vous voulez, paresseusement étendue sur les coussins et écoutant les propos d'amour ; elle est aussi mère de famille, élevant, soignant, pomponnant ses petits, de la manière la plus touchante leur apprenant à grimper aux arbres, et les défendant contre leur père, qui pour un peu les mangerait, car en ménage, les mâles sont tous les mêmes, imbéciles et féroces. Lorsqu'à Saint-Pétersbourg, les femmes, avec leur petit museau rosé et rougi passent en calèches, emmitouflées des plus riches et soyeuses fourrures, elles sont alors l'idéal même de la femme, parce qu'elles ressemblent parfaitement à des Chattes ; elles font ron-ron, miaulent gentiment, parfois même égratignent, et, comme les Chattes, écoutent longuement les plaintes d'amour tandis que la brise glacée caresse cruellement leurs folles lèvres de rose.

 

Le divin Théophile Gautier, qui en un livre impérissable nous a raconté l'histoire de ses Chats et de ses Chattes blanches et noires, avait une Chatte qui mangeait à table, et à qui l'on mettait son couvert. Ses Chats, très instruits comme lui, comprenaient le langage humain, et si l'on disait devant eux de mauvais vers, frémissaient comme un fer rouge plongé dans l'eau vive. C'étaient eux qui faisaient attendre les visiteurs, leur montraient les sièges de damas pourpre, et les invitaient à regarder les tableaux pour prendre patience. Ne sachant pas aimer à demi, et respectant religieusement la liberté, Gautier leur livrait ses salons, son jardin, toute sa maison, et jusqu'à cette belle pièce meublée en chêne artistement sculpté, qui lui servait à la fois de chambre à coucher et de cabinet de travail. Mais Baudelaire, après les avoir chantés dans le sonnet sublime où il dit que l'Erèbe les eût pris pour ses coursiers si leur fierté pouvait être assouplie à un joug, Baudelaire les loge plus magnifiquement encore que ne le fait son ami, comme on peut le voir dans son LIIe poème,intitulé : Le Chat.

 

Dans ma cervelle se promène,

Ainsi qu'en son appartement,

Un beau Chat, fort, doux et charmant.

Quant il miaule, on l'entend à peine,

 

Tant son timbre est tendre et discret;

Mais, que sa voix s'apaise ou gronde,

Elle est toujours nette et profonde.

C'est là son charme et son secret.

 

Cette voix qui perle et qui filtre

Dans mon fond le plus ténébreux,

Me remplit comme un vers nombreux

Et me réjouit comme un philtre.

 

Loger dans la cervelle du poète de Spleen et idéal, certes ce n'est pas un honneur à dédaigner, et je me figure que le Chat devait avoir là une bien belle chambre, discrète,profonde, avec de moelleux divans, des ors brillants dans l'obscurité et de grandes fleurs étranges ; plus d'une femme sans doute y passa et voulut y demeurer ; mais elle était accaparée pour jamais par ces deux êtres familiers et divins : la Poésie et le chat, qui sont inséparables. Et le doux être pensif et mystérieux habite aussi dans la plus secrète solitude des cœurs féminins,jeunes et vieux. Dans l'École des Femmes de Molière, lorsqu'Arnolphe revient dans sa maison, s'informe de ce qui a pu se passer en son absence et demande anxieusement : "Quelle nouvelle ?" Agnès, la naïveté, l'innocence,l'âme en fleur, encore blanche comme un lys, ne trouve que ceci à lui répondre: "Le petit Chat est mort." De tous les évènements qui se sont succédés autour d'elle, même lorsque le rusé Amour commence à tendre autour d'elle son filet aux invisibles mailles, elle n'a retenu que cette tragédie :la mort du petit Chat, auprès de laquelle tout le reste n'est rien. Et connaissez-vous un plus beau cri envolé que celui-ci : "C'est la mère Michel qui a perdu son Chat !" Les autres vers de la chanson peuvent être absurdes, ils le sont et cela ne fait rien ; en ce premier vers sinistre et grandiose, le poète a tout dit, et il a montré la mère Michel désespérée,tordant ses bras, privée de celui qui dans sa vie absurde représentait la grâce, la caresse, la grandeur épique, l'idéal sans lequel ne peut vivre aucun être humain. Tout à l'heure elle était la compagne de la Rêverie, du Rythme visible, de la Pensée agile et mystique ; elle n'est plus à présent qu'une ruine en carton couleur d'amadou, cuisant sur un bleuissant feu de braise un miroton arrosé de ses larmes ridicules.

 

Le Chat peut être représenté dans son élégante réalité par un Oudry, ou de nos jours par un Lambert ; mais il partage avec l'homme seul le privilège d'affecter une forme qui peut être miraculeusement simplifiée et idéalisée par l'art, comme l'ont montré les antiques égyptiens et les ingénieux peintres japonais. Le Rendez-vous de Chats d’Édouard Manet, donné par Champfleury dans son livre, est un chef-d'œuvre qui fait rêver. Sur un toit éclairé par la lune, le Chat blanc aux oreilles dressées dessiné d'un trait initial, et le Chat noir rassemblé,attentif, aux moustaches hérissées, dont la queue relevée en S dessine dans l'air comme un audacieux paraphe, s'observent l'un l'autre, enveloppés dans la vaste solitude des cieux. A ce moment où dort l'homme fatigué et stupide,l'extase est à eux et l'espace infini ; ils ne peuvent plus être attristés parles innombrables lieux-communs que débite effrontément le roi de la création,ni par les pianos des amateurs pour lesquels ils éprouvent une horreur sacrée,puisqu'ils adorent la musique !

 

La couleur du poil, qui chez le Chat sauvage est toujours la même, varie à l'infini et offre toute sorte de nuances diverses chez le Chat domestique ; cela tient à ce que, comme nous, par l'éducation il devient coloriste et se fait alors l'artisan de sa propre beauté. Une autre différence plus grave, c'est que le Chat sauvage, ainsi que l'a observé Buffon, a les intestins d'un tiers moins larges que ceux du Chat civilisé ; cette simple remarque ne contient-elle pas en germe toute la Comédie de la Vie, et ne fait-elle pas deviner tout ce qu'il faut d'audace,d'obstination, de ruse à l'habitant des villes pour remplir ces terribles intestins qui lui ont été accordés avec une générosité si prodigue, sans les titres de rente qu'ils eussent rendus nécessaires ?

 

Le CHAT par THÉODORE DE BANVILLE.

 (1823-1891) , pièce datant de (1882).

Un couple de tourtereaux de Susan Herbert

Un couple de tourtereaux capté dans l'intimité de leur idylle

de Susan Herbert

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Colette vous parle ».

(Chronique pour la TSF – 12 mai 1940)

 

Est-ce que vous saviez que la Pentecôte s’appelait « la fête des 1ers fruits » il y a très très longtemps chez les anciens Hébreux ? En tous cas je ne le savais pas, moi.

J’ai tant de plaisir à apprendre une chose que j’ignore et j’ignore tellement de choses que je suis assurée de ne jamais manquer de ce plaisir-là.

 

Nous célébrons donc aujourd’hui, sans fruits, la fête des 1ers fruits   …

Pentecôte est beaucoup moins joli à l’œil et à l’oreille, et tout anguleux de son origine grecque. Pentecôte n’est un joli mot que lorsqu’il devient le nom populaire d’une orchidée sauvage,mauve, qui fleurit les prés humides.

 

Il est bien rare que les noms populaires des plantes n’aient pas, chacun, leur poésie particulière.

Je n’ai jamais voulu connaître, de la botanique, que son intimité rustique, et son vocabulaire le plus familier. La fleur des prés, en forme d’étoile blanche et verte, qui s’ouvre quand le soleil est au plus haut, qui se ferme lorsqu’un nuage s’interpose entre elle et son astre bien-aimé, ne venez pas me dire que la science la nomme Ornithogale !Tant qu’il y aura des enfants, des paysans et des poètes, elle s’appellera« la Dame de onze heures »

 

Je n’admets pas que le printemps,enfin éclos, s’exprime en grec ou en latin !

Avouez qu’au lieu d’Alchemilla vulgaris, le nom de « Mantelet des dames », dépeint mieux une feuille veloutée, en forme de cape ? Et que vous aimez bien cueillir la« marguerite rosée » et non la Bellis perennis ?

Et qu’est-ce qui nous resterait du délicieux muguet, si nous le traitions de Convallaria maialis ?                                                                                                                                              

 

J’ai l’air de vous promener dans un jardin hérissé, jonché exprès de syllabes épineuses. Peut-être le fais-je un peu exprès, en effet. Les autres années, pour la Pentecôte, loin ou près, j’étais hors de Paris. Mais les autres années, il n’y avait pas la guerre …

Beaucoup d’entre vous, chères femmes qui m’écoutez, n’avaient pas le souci d’écouter la T.S.F., les autres années, à cette heure-ci.

 

Mais les autres années… ce n’était pas cette année-ci …

Solitaires, vous n’avez pas le cœur à rire. Combien d’entre vous se sont refusé, aujourd’hui, un divertissement que pourtant j’aurais été la première, pour la bonne hygiène du cœur et du corps, à vous conseiller ?

 

Mais vous ne voulez accepter, aujourd’hui, demain, que la solitude, et la fidélité.

Vous avez, enfermées avec un souvenir et ses images, contemplé, dehors le peu qui se découvre de votre fenêtre, et dedans, les murs, les meubles, le décor élus avec amour par l’amour …

 

Il y a beaucoup de chances pour que cette contemplation finisse dans une sorte de satiété. La vue de votre jolie commode galbée vous donne des bâillements nerveux, et vous tournez le dos à la table-bureau qui, tout d’un coup, comme ça, sans raison, vous soulève le cœur. Dégoûtée de ce qui vous plut, vous allez vous jeter sur le lit, le nez au mur,- et dans le dessin du papier de tenture, vous retrouvez les mauvais petits démons qu’il enfanta pendant certains jours de fièvre et de maladie … Tout est gâté, perdu. Une chambre d’hôtel serait moins maléfique. Oui, oui, j’ai connu de pareilles heures, où tout ce qui vous porta secours fermente et vous devient nausée morale. Vos lettres, chères femmes, m’en font la multiple confidence.C’est que vous passez un dur moment où la nature entière chuchote de renaître,d’étreindre, de se parer, de changer, de partir … Eh bien, n’hésitez pas,changer ! Vous à qui tous les liens, y compris la gêne matérielle,imposent l’immobilité, changez, déménagez. Déménagez sans rien dépenser, partez sans bouger. Je l’ai essayé vingt fois, et jamais sans succès.

 

Vous qui vivez dans un intérieur dont vous avez, seule ou aidée de votre raison de vivre, élaboré les détails, depuis combien de temps respectez-vous vos décisions désuètes? Les deux fauteuils confortables, la petite table à tout faire qui les sépare, est-ce qu’ils n’ont pas pris racine, là où ils sont ? La bibliothèque ? Je vous entends d’ici :

« Oh c’est bien simple, la bibliothèque, on  ne peut pas y toucher,il n’y a pas dans l’appartement d’autre panneau assez large pour elle ! »

 

Et le lit, donc ! Vous en avez dépensé, de la logique géométrique et décorative, avant de le caser !

Et ce gentil petit arrangement du coin, le coin bien féminin, petit bureau, ou table basse à ouvrage, lampe,T.S.F., quelques livres à portée de la main… J’en ai honte pour vous, tant sa négligence étudiée est immuable depuis votre emménagement ! Et … et tout le reste !

Retroussez vos manches,mesdames ! A vous la blouse de ménage, et fichez-moi tout ça en l’air ! la bibliothèque d’abord ! Elle ne tient pas dans le panneau d’en face ? Mettez-la dans l’antichambre, on n’en parlera plus, et la pièce qu’elle opprimait devient, du coup, immense et aérée.

 

Votre coin  si féminin, secouez-le un peu, mettez-y le bureau qui fera sérieux, sur lequel vous écrirez à l’aise de longues lettres à M. Quelque-part-en-France. La table à ouvrage ? Oui, c’est agréable, une table à ouvrage en merisier. Amenez-la donc où nos mères et nos grands-mères la mettaient, en pleine lumière de la fenêtre. Et quant à la jolie commode,fourrez-la dans la chambre à coucher. Une commode, c’est un meuble intime. Là,ça va !

 

A moins que … Attendez, j’ai une idée : si vous mettiez la chambre dans le salon, et inversement ?

Comme ça vous auriez le soleil sur votre lit en vous éveillant. Et quant à la salle à manger … Comment, vous avez une salle à manger ? Mais c’est un luxe complètement inutile ! La meilleure pièce du logis consacrée à vos repas de 10 minutes ?  Vous allez faire cadeau de la salle à manger à vos 2 enfants. Leur table de travail, leurs jouets, leurs livres,cantonnez-moi tout ça là-dedans, et peut-être même leurs 2 petits lits. Ils vivront là, ils goûteront là, ils y satisferont l’instinct de propriété (qui est très vif chez les enfants), et ils vous laisseront la paix chez vous, dans cette sorte de garçonnière de 2 pièces que je suis en train d’aménager avec vous dans l’appartement conjugal.

 

Je vous en prie, n’attribuez à ce remue-ménage aucun caractère définitif. Essayez. Secouez la poussière, et les microbes de l’ennui et de la neurasthénie qui s’étaient établis chez vous. 

Prenez chaud, tapez-vous sur les doigts avec le marteau. Couchez-vous en contemplant votre œuvre, éveillez-vous complètement perdue. Si, au bout de 8 jours de villégiature dans un logis inconnu, vous voyez que ça ne se tasse pas, eh bien ! Vous recommencerez.De ce cataclysme en cataclysme, vous arriverez à un arrangement idéal – provisoirement idéal, bien entendu – et à la permission de l’absent. Ici, nous entrons dans l ’incertain… Qu’est-ce qu’il dira, l’absent ? Il n’a guère le choix. Ou bien il criera au miracle, ou bien il va jurer et sacrer, ou bien il prendra un air méditatif et il dira :

 

« Ce n’est pas mal, mais … mais ce n’est pas encore ça…J’ai une idée, viens donc m’aider … »

Alors il tombera la veste, roulera ses manches de chemise, et tout sera à recommencer, et ça, soyez tranquille, ça sera très amusant !

 

Colette

Prose issue de Paysages et Portraits

Transmise par Solange Boulanger,
comédienne
...

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L'Été de  Galileo Chini

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Pour une Étoile lyrique à l’étoffe flamboyante

              

  Florilège de textes destiné

   à accompagner notre hommage

Suite et Fin

                                     Prière amérindienne

                                            Ou

                                         Conseil aux âmes souffrantes

                                 de la disparition de l'un des leurs...

 « À ceux que j’aime.

      Et ceux qui m’aiment

 

Quand je ne serai plus là, lâchez-moi !

Laissez-moi partir

Car j'ai tellement de choses à faire et à voir !

Ne pleurez pas en pensant à moi !

Soyez reconnaissants pour les belles années

Pendant lesquelles je vous ai donné mon amour !

Vous ne pouvez que deviner

Le bonheur que vous m'avez apporté !

Je vous remercie pour l'amour que chacun m'a démontré !

Maintenant, il est temps pour moi de voyager seul.

Pendant un court moment vous pouvez avoir de la peine.

La confiance vous apportera réconfort et consolation.

Nous ne serons séparés que pour quelques temps !

 

Laissez les souvenirs apaiser votre douleur ! Je ne suis pas loin et la vie continue !

 

Si vous en avez besoin, appelez-moi et je viendrai !

Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là,

Et si vous écoutez votre coeur, vous sentirez clairement

La douceur de l'amour que j'apporterai !

Quand il sera temps pour vous de partir,

Je serai là pour vous accueillir,

Absent de mon corps, présent avec Dieu !

N'allez pas sur ma tombe pour pleurer !

Je ne suis pas là, je ne dors pas !

Je suis les mille vents qui soufflent,

Je suis le scintillement des cristaux de neige,

Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,

Je suis la douce pluie d'automne,

Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,

Je suis l'étoile qui brille dans la nuit !

N'allez pas sur ma tombe pour pleurer

Je ne suis pas là, je ne suis pas mort.

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Réflexion d'Odilon Redon

Extrait de «Lettre ouverte» de Julos Beaucarne

(Pièce écrite dans la nuit qui suivit la mort de sa femme nuit du 2 au 3 février 1975)

 

Amis bien-aimés,

 

Ma loulou est partie pour le pays de l'envers du décor. Un homme lui a donné neuf coups de poignards dans sa peau douce. C'est la société qui est malade. Il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre, par l'amour, et l'amitié, et la persuasion.

C'est l'histoire de mon petit amour à moi, arrêté sur le seuil de ses 33 ans. Ne perdons pas courage, ni vous ni moi, je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et mes deux chéris qui lui ressemblent.

Sans vous commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir, il faut reboiser l'âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien-aimée ; il n'est de vrai que l'amitié et l'amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses. On doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller en paradis. Ah ! Comme j'aimerais qu'il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles.

En attendant, à vous autres, mes amis d'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : Je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tort et à travers.

Julos Beaucarne

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Pour une Étoile lyrique à l’étoffe flamboyante

             Florilège de textes destiné

         à accompagner notre hommage

 

a)     

Ce quatrain en mémoire d'une « souris » qui mordait la vie à pleines dents, et qui avait marqué de son empreinte deux millésimes successifs de l'Académie Francis Poulenc de Tours, 2008- 2009 avec ce cycle de mélodies de Francis Poulenc évoqué ci-dessus, qu'elle avait interprété en complicité  avec l'Ensemble instrumental de Touraine :

 

 

« Belles journées, souris du temps,

Vous rongez peu à peu ma vie.

Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans

Et mal vécus, à mon envie. »

 

Guillaume Apollinaire

 

(Le Bestiaire

Ou

 Le Cortège d'Orphée)

 

b)

En souvenir d'une musicienne admirable mélodiste...

Mélodie

Comme un couteau dans un fruit

Amène un glissant ravage,

 La mélodie au doux bruit

Fend le coeur et le partage

Et tendrement le détruit.

– Et la langueur irisée

Des arpèges, des accords,

 Descend, tranchante et rusée,

 Dans la faiblesse du corps

Et dans l’âme divisée…

 

Anna de Noailles

(In Les Forces éternelles,1920)

 

c)

Œuvre chantée par la regrettée Éva Ganizate

Au cours du Concert de clôture offert par les stagiaires de l'Académie Francis Poulenc

et l'Atelier Musical de Touraine le 27 août 2009 en l'église de Noizay

 

Couple amoureux aux accents méconnus

Le violon et son joueur me plaisent.

Ah ! j’aime ces gémissements tendus

Sur la corde des malaises.

Aux accords sur les cordes des pendus

À l’heure où les Lois se taisent

Le cœur en forme de fraise

S’offre à l’amour comme un fruit inconnu."

 

Louise de Vilmorin

(Fiançailles pour rire, 1939)

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Le Violoniste bleu de Marc Chagall

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Pour une Étoile lyrique à l’étoffe flamboyante

 

       I)                          

Impressions personnelles

 

 

En dehors de cette douloureuse épreuve dont souffrent les proches dÉva Ganizate, et qui n’est certes pas des moindres, car comment ne pas compatir à l’affliction de ceux qui l’aiment tendrement et qui vont se sentir ad vitam aeternam, orphelins de sa présence charnelle, permettez-moi de déplorer sur un plan purement artistique, l’extinction d’une étoile montante, hélas, filante, que nous avons à subir en cette aube de l’an nouveau, Voix humaine enchanteresse promise, étions-nous encore persuadés hier, à enluminer nos scènes européennes !!!

 

Je me souviens nombre d’années plus tard, avec précision et non sans trouble (« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur, elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries », préconisait Marcel Proust) d'une certaine église de Noizay en Touraine, où lors du récital de clôture de l’Académie Francis Poulenc, cru 2009, résonnèrent les modulations langoureuses subjuguantes d'une belle parée d’un timbre solaire, douée d’une sensualité exquise, appelée étant le donné le potentiel pressenti, à un avenir artistique radieux, qui nous laissa captifs par l'interprétation de la mélodie de Camille Saint-Saëns « La Madonna col Bambino », sans omettre celle enjôleuse, signée Francis Poulenc intitulée « Violon », texte écrit par sa chère complice Loulette alias Louise de Vilmorin ...

 

Et que dire du cycle du Bestiaire, Cortège d’Orphée du même compositeur dû cette fois à la plume de Guillaume Apollinaire, interprété en compagnonnage avec l’Ensemble instrumental de Touraine, sinon que, déjà remarquée durant les masterclasses par ses multi facettes, son charisme, la toute jeune femme finit de conquérir l’assistance, du moins, la majorité des membres qui participaient aux cours magistraux matinaux délivrés par la fine équipe pédagogique, placée sous la houlette du baryton François le Roux  !

 

Or, oserai-je l’avouer, depuis la soprane Ingrid Perruche qui, elle aussi, au commencement de cette « Invitation au voyage » de l’univers mélodique, m’avait profondément marquée, si ce n’est transportée, parce que dotée d’une nature« vibrant de toutes ses cordes », « brûlant de toute sa flamme », et ce, bien en amont de sa reconnaissance par la profession, sans oublier de mentionner quelques rares figures féminines venant s’adjoindre à mes admirations, Éva Ganizate représente à mes yeux, l’une des sources d’émotion les plus prégnantes, s’inscrivant dans ma mémoire sélective d’auditrice, plus éprise, il est vrai, de retenir le sensitif palpitant que la raseuse et « stricte technicité » du langage musical servi par le porte-parole du créateur, nommé communément artiste.

 

Et pourtant dieu sait combien elle est fréquemment galvaudée cette appellation d’artiste décernée vainement, à tous crins, attribuée, insisterai-je, sans en respecter véritablement le sens originel, les lettres de noblesse !

 

Nul doute, cependant, que ce titre ne saurait être ici remis en cause, tant il était loin d’être usurpé par celle qui en était une incarnation, avec une grâce innée !

 

Pas plus qu’il est n’est besoin d’ailleurs, pour appuyer ces dires, de se référencer à l’opinion de l’un des critiques musicaux parisiens réputés, redouté pour son exigence, voire son esprit « vachard », afin d’attribuer cette qualité à celle dont il nous plait aujourd’hui de saluer la souvenance.

 

Alors, pourquoi, Fatum, triste sire, as-tu décidé de nous ravir si tôt, sans autre forme de procès, l'un de nos plus précieux fleurons du chant lyrique français, tempérament singulier riche de sensibilité, d’expressivité, qui par l’intensité de son engagement vocal et théâtral, contribuait à faire rayonner cet art, et sur lequel nous nous réjouissions de pouvoir compter au cours des saisons à venir, afin de porter haut son flambeau ?

 

Assurément, en similitude de force interrogations que le simple commun des mortels se pose au sujet de l’existence, il est illusoire de chercher à comprendre la signifiance d’un tel enlèvement ourdi par la fatalité, excepté le fait que ce drame nous conforte une fois de plus dans notre certitude de la précarité, de l’absurdité et surtout de l’iniquité de certaines destinées, blessure et angoisse d’un départ qui devraient nous inciter à n’en goûter que davantage au Carpe diem, nanti de gratitude, savourant à chaque aube renouvelée ce privilège que constitue de pouvoir« cueillir le jour » fugace, nous efforçant de ne pas oublier semblable philosophie en corrélation de cette sentence poétique, qui consiste à déclarer que « Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force/Ni sa faiblesse ni son cœur. [1][…]

 

« Profitons bien de la jeunesse »nous invite la voluptueuse Manon de Massenet au cours de sa Gavotte entonnée dans l’allégresse préfigurant un dénouement tragique, obéissant en cela, aux exhortations pertinentes, intemporelles, des bardes de la poésie.

 

Gageons que cette fille d’Apollon, aura su entendre ce conseil prééminent, fondamental avant de rejoindre les Champs-Élyséens[2], ces « Champs bienheureux »« tout nous sera rendu [3]», pour peu que l’on consente à cette croyance du faune habillé de bure, le « Poète rustique »d’Orthez…  

Tel était le sort inexorable que réservait la Roue de la Fortune à ce joyau : le briser en plein essor, en ayant recours à l’inflexible et immuable Atropos qui, mieux que quiconque, est passée maitresse en dextérité dans l’art de trancher le fil de la vie, joyau, qui en plus de faire la joie de son cercle de familiers, aura imprégné une kyrielle de cœurs, car en adéquation de la vocation des arts, celle de la divine Euterpe ne doit-elle pas avant tout éveiller un ressenti chez l’élu qui reçoit l’offrande, en adéquation de la devise d'Emmanuel Kant qui énonce ce truisme :

« La musique est la langue des émotions » ? ...

Ainsi, au lendemain de votre partance digne d’un argument dramatique d’un librettiste

de Puccini, au lendemain de la cérémonie destinée à vous honorer, je pense à vous jeune météore

qui menaçait de votre ascension, la voûte céleste de l’Opéra, montant toujours plus haut à

chaque représentation ou prise de rôle d’héroïne du répertoire, dans « l’enivrement de la

mêlée »[4]; je pense particulièrement à ceux qui vous chérissent et doivent déjà regretter d’être privés de votre aura.

 

« Pleurez mes yeux, pleurez toutes vos larmes! Pleurez mes yeux ! […]

Mais qui donc a voulu l'éternité des pleurs?

O chers ensevelis,

trouvez-vous tant de charmes

à léguer aux vivants d'implacables douleurs? »

 

implore la Chimène du Cid de Massenet dans son aria de l’Acte III…

Mais les pleurs sont une bien piètre consolation en regard de la perte infligée aux vôtres ! Famille de sang, famille de cœur de « saltimbanques » guère épargnées par votre cruelle éclipse et qui ont néanmoins trouvé la force de s’unir dans le dessein de vous concocter une cérémonie, reflet de leurs sentiments, dont vous pouvez vous enorgueillir.

Que grâces leur soient rendues !

Ceci en gage de témoignage d'une simple auditrice qui conservera en elle le doux souvenir de ce frais bourgeon gorgé de sève, vie ardente parvenue au printemps de son efflorescence mais non point à sa pleine quintessence, puisqu’elle venait seulement de célébrer ses vingt huit ans ...

 

Le 8 Janvier 2014,

 en ce jour de vibrant hommage d’Éva Ganizate,

 disparue le 4 Janvier 2014,

date anniversaire de ses 28 ans…

 

Valériane d’Alizée

© Tous droits de reproduction réservés
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La Mort d'Eurydice d'Ary Scheffer


[1] : Illustre formule provenant d’une œuvre de Louis Aragon « Il n’y a pas d’amour heureux » in « La Diane Française », Seghers, 1946)

[2] : Lieu mythique de l’Antiquité : Dans la mythologie grecque, les Champs Élysées représentent l’endroit propice où les héros et les gens vertueux goûtent le repos après leur trépas. .Sous Hésiode, Pindare en fait l’île des Bienheureux, tandis que Virgile (Chant VI de l’Énéide) en donne une description positive, liée aux « mystères orphiques » destinés aux initiés. Là sévit un éternel printemps éclairé de son propre soleil et ses propres étoiles…Quelques plumes de l’Occident chrétien sont loin d’avoir dédaigné ce mythe fondateur au sein de leur ouvrage, tels Dante Alighieri, et chose plus singulière, notre « Faune habillé de bure », Francis Jammes.

[3] : Citation issue de l’Élégie seizième de Francis Jammes, in « le Deuil des Primevères» ; pour lire le poème intégral :

http://www.paradis-des-albatros.fr/?poeme=jammes/elegie-seizieme--les-roses-du-chateau-de-x

[4] :Formule empruntée au poème « La Vie ardente » d’Émile Verhaeren, in recueil les « Flammes hautes » :

http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/mile_verhaeren/la_vie_ardente.html

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Petite Badinerie sans queue ni tête, n’ayant rien de sage

ou Variation buccale dentesque, et non point dantesque …

 

 

Avertissement satiste en guise de Préambule :

« Bien que nos renseignements soient faux, nous ne les garantissons pas. » [1]

C’est la raison pour laquelle, cette nouvelle inspirée de la réalité ne saurait être pure fiction ! Toute coïncidence, ressemblance ou homonymie avec des personnages de chair et de sang, n'est par conséquent, ni fortuite ni involontaire. Et pourtant… l’imaginaire prévaut, tout en se nourrissant de péripéties manifestes glanées de ci de là, au gré de l’existence humaine et ne saurait en aucun cas engager la responsabilité de son auteur !

 

Oh combien la vie peut parfois être cocasse…et combien savent être savoureuses les facéties de celles-ci, lorsqu’elles se présentent à nous et que nous savons les distinguer !

Il semblerait que j’ai fait un songe un rien étrange, en cette nuitée étoilée de jour finissant, glorifiant une Sainte, l’ « égale aux apôtres » ignorée des Latins mais révérée des Orientaux…

Oui, tandis que la fête de Marianne instituée par le calendrier grégorien s’apprêtait à s’éclipser, en cette vingt et unième journée du mois de Messidor, correspondant pour l’éphéméride républicain cocardier, « au jour de la menthe », quelle ne fut pas alors mon ébahissement de distinguer en sourdine, des voix qui tissaient un dialogue insolite, dont il me sied de vous révéler, dépouillée de fausse pudeur,  quoiqu’il soit intime, puisque, toutes esgourdes en alerte, aiguisée par la curiosité ( qui ne constitue pas « un vilain défaut » ne vous en déplaise, contrairement à ce qu’un certain dogme manichéen prêche, mais représente plutôt à mon sens, une source d’enrichissement...), j’eus le privilège d’ouïr un échange des plus baroques, mettant en scène deux protagonistes, que je vais m’attacher à vous dévoiler.

« Quels étaient donc ces personnages formant un duo qu’il me fut loisible de surprendre », m’interrogerez-vous, piqués au vif par un intérêt évident ? 

-Tout simplement des hôtes profondément enracinés dans l’antre secret où siègent mes papilles gustatives, aux antipodes, hélas, d’un palais princier, hébergés de concert par mes mandibule et maxillaire, se faisant face, côté cour et côté jardin, telles deux loges d’un Opéra dit à l’Italienne situées en vis à vis, « dents de sagesse » ou « dents de l’amour » m’ayant causé, jadis, bien des palpitations, si ce n’est des ravages, les démones, et par conséquent, n’ayant rien, mais vraiment rien de sage, je puis vivement vous en témoigner,

Et c’est ainsi qu’avec pour auditeurs libres, incisives, canines et prémolaires entrant dans la danse de la confidence, je fus conviée à ce « Colloque sentimental » particulier, défrayant la chronique,  donné mezza voce par celles désignées en langage un brin « savant », sous le titre de « troisièmes molaires »:  

 

« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !

N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie? […]

Ô cruel souvenir de ma gloire châtiée ! […]

Et ne suis-je blanchi dans les travaux passés

Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »[…]

Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? »[…][2]

 

se lamentait la forcenée ouvrant le bal des « réjouissances », révoltée de ce que ce coquin de sort lui avait délivré !

Ce à quoi, la deuxième, orgueilleuse au demeurant, son pendant de l’autre bord, tendance « rive gauche », l’admonesta formellement, en vertu du critère probant qu’elle n’avait jamais eu à faire au terrible « arracheur de dents » patenté, contre lequel, ma gencive supérieure « conserve une dent », le bien nommé Docteur Rabatjoie, chantre d’instruments de torture dentaire, maniant Daviers, Ciseaux, Fraises, Fouloirs, Pelles, Polisseuses à froid, comme il conduirait un rouleau compresseur, voire un bulldozer, soit, dénué de la plus infime dextérité digitale, de délicatesse à fleur de peau ou soyons précis, à fleur de tire-nerf, à l’inverse d’un affable praticien de notre connaissance, doué d’une fine psychologie,  salué présentement par l’une de mes « cassantes », antithèse de ce « faux frère » de sa confrérie, exerçant sa vocation avec délectation, et une aisance rayonnant d’une chaleur solaire revigorante fondée sur des valeurs de l’anthroposophie[3], le subtil et humaniste Docteur Àcoeurjoie, également adepte éclairé de l’Hypnose ericksonienne …

Mais reprenons si vous le voulez bien, le fil conducteur de notre historiette, là où nous avons abandonné celui-ci un peu plus tôt, à l’endroit de la scénette où l’offensée se prévalait d’une ambition démesurée : demander réparation à « ce Diafoirus de l’écarteur », sa farouche ennemie, dédaigneuse des vains trémolos et sanglots boursouflés subis, déterminée à couper la chique à cette larmoyante coreligionnaire,  ayant en amont préparé sa prédication :

 

« De quoi, oses-tu te plaindre, ingrate en furie ?

N’as-tu point la primeur, d’être la mieux servie ?

Allons, scélérate harpie, foin, je te prie

De tes vaines Lamentations de Jérémie !

Quelle honte pour notre grande fratrie réunie !

Diantre, tu me fais perdre mon flegme, legs d’Olympie !!! »

 

Interloquée, devant la violence de cette échauffourée truffée de vilenies, je fus sitôt incitée à m’efforcer d’apaiser de semblables dissensions entre ce faux couple d’alliées de ma denture, issu cependant de la même origine, se fréquentant depuis le berceau, une fois les « dents de lait » ayant pris la poudre d’escampette, appelé désormais à se côtoyer au quotidien, désirant le sermonner sur le champ pour user de ce ton par trop offensif, n’appréciant que modérément le précepte traduit de la « Peine du Talion » : « œil pour œil, dent pour dent » !

Qui de l’une ou l’autre avait conservé une dent contre sa « sœur », n’était certes pas la question, comme l’aurait professé le Seigneur Hamlet, Prince de nos mélancolies ! Car, de part et d’autre, sévissait une « dent dure », et les donzelles antagonistes semblaient loin de désirer sceller une esquisse de pacte de paix ! Savoir laquelle d’entre-elles avait déclenché ces hostilités importait, en l’occurrence, fort peu ! Ces nouvelles rivales fraichement déclarées, étaient incontestablement aussi avides d’affrontements sanguinaires que Caïn et Abel, géniture de nos Premiers Parents, Adam et Ève, chassée du Paradis pour avoir eu la tentation de croquer à belles dents le fruit défendu et j’avouerai franchement à quel point il me répugnait à les départager, refusant de jouer au juge assesseur assigné à instruire pareil féroce combat !

Orage, tourmente, tornade, désespérance, quoiqu’il en soit de la définition exacte du sentiment généré par ce duel annonciateur de rixe fratricide, nous ne pouvions que nous positionner en obsédés textuels dans le dessein d’admettre le fait suivant : «  le vent se lève, il faut tenter de vivre »[4].

Animée de cette saine détermination, nous prîmes la ferme résolution de nous « armer jusqu’aux dents » (j’emploie volontairement le pluriel en tant que personnalité double née sous la constellation zodiacale de figures gémellaires aériennes, dignes émissaires des Dioscures Castor et Pollux) du moins, celles décidées à nous emboiter le pas, quitte à nous faire menaçants et à les montrer…ces fameuses dents, n’étant pas du genre « à claquer des crocs » à la moindre intimidation ! Que diable, on a de la trempe, ou on n’en a pas !

Sans pour autant, « prendre le mors aux dents » ou encore moins « être sur les dents », il nous fallait montrer une part de notre tempérament et ne pas nous laisser nous en conter par ces réfractaires à l’harmonie, se plaisant perfidement à plomber l’atmosphère, « dents creuses ou chicots en dents de scie », « branlantes » faisant une concurrence déloyale aux mines de charbon, au sombre Pic du Midi ou au Mont Perdu !

Ainsi, nous engageâmes avec ces bougresses de « claquantes » entrées en rébellion, claquemurées dans leur habitat troglodytique, un âpre entretien afin de leur faire entendre raison !

Peine perdue ! Notre harangue moralisatrice crânement énoncée dévolue à leur faire entrevoir à quel point le ridicule émanait de leur lutte intestine pour le pouvoir, fit « beaucoup de bruit pour rien », et fini par pitoyablement échouer !

Nous eûmes beau dire et beau faire, en brandissant par exemple, l’ultimatum de leur couper les vivres, leur promettant qu’elles auraient à se mettre sous leur « nicotte », qu’un régime drastique composé de pain sec et d’eau, il nous fallu nous résoudre à lâcher prise devant la ténacité de ce conflit « dentesque » de nos « tabourets de la gargote » incriminées !

Bref, acidité et rancune étaient au menu, étant donné que ces pestes y allèrent de leur défense en ne manquant pas de nous remémorer notre part de responsabilité dans la déliquescence de la noble matière originelle de leur constitution, faute d’équilibre nutritif, oblige ! …

Hallucinant ! Du rôle d’agressées subissant l’assaut de leur déchainement, nous fûmes en quelques minutes catapultées dans la position  inconfortable de celles que l’on pointe du doigt ! Tout juste, si nous ne discernions pas le ministère public prononcer la phrase clé rebattue, à l’aide de dentales affutées :

 « Accusées, levez-vous ! »

Pour l’heure, nous ne saurions occulter le concret de ces tribulations qui nous faisait ressentir le danger imminent sous-jacent et qui nous obligeait à admettre que nous n’en menions pas large (nos « canettes » apparentes, de vraies perles, convenons-en, participant à faire tout le charme de notre exquis souris prenant dans ses rets force loups transformés en agneaux, s’entrechoquant à l’envi, esquissant une sorte de branle de Bourgogne...) tandis qu’une seule et unique aspiration nous animait : rétablir un semblant d’ordre et de quiétude au sein de ce logis exigu et confidentiel, la suite de notre « mobilier » surnommée « touches de piano » acquiesçant à ce dessein, ô combien salutaire !

Comment nous vînmes à bout de cette sotte escarmouche, en exigeant des belligérantes qu’elles enterrent ad vitam aeternam, la hache de guerre ?

 

Mon Dieu, ne l’avez-vous point déjà pressenti ? Donneriez-vous votre langue au chat ?

Désolées de vous décevoir, sinon de froisser votre susceptibilité, mais notre trio de Mousquetaires régnant du haut de leurs pattes de velours sur nos cœurs de grisettes chattesques, fauves miniatures apprivoisés, condescendant à partager leurs appartements avec les bipèdes que nous sommes, ne se régalent que de viande de volailles extra « élevées » aux grains et minéraux, estampillée d’un label fermier…

Moralité : reprenez, nous vous en prions instamment, votre langue concédée prématurément aux beaux sires à longues vibrisses, car nul doute, que nos aristochats en délicats gastronomes de l’Ancien Régime, nantis d’un palais éduqué digne d’un Prince ou à la rigueur d’un Duc ou du Marquis de Carabas, bouderont votre offrande, préférant la disette à ce type de chair, « abats » qu’ils daignent consommer qu’à titre exceptionnel, sous forme de foies de gallinacées, ayant, de surcroit, « les dents trop longues » pour se contenter d’un morceau carné à l’échelle minimaliste !

Trêve de badinages ! Vous brûlez d’apprendre, nous le devinons, comment ce tableau à deux personnages, s’est achevé ? Ah, si seulement nous le savions nous-mêmes !

Imaginez-vous qu’au moment suprême, où nous nous apprêtions à rabattre le caquet de ces broyeuses de denrées comestibles transformées en véritables pièces d’artillerie, comme fait exprès, les aiguilles de l’horloge marquèrent 7 heures, réveil matin que nous aurions pour une fois, tellement voulu voir « grippé », et qui néanmoins, retentit, nous rappelant, plus que jamais implacable, les astreintes au programme de notre agenda…

Nous nous surprîmes à Maugréer « entre les dents », du moins celles qui nous restaient, un vague :

« Divin Morphée, ô inconstant et cruel Amant, pourquoi veux-tu déjà nous délaisser ?»…

Dorénavant, il ne nous restait plus qu’à« Serrer les dents », du moins celles exposées en vitrine, jusqu’à en gricher afin de maitriser de dérisoires vociférations, puis à nous extirper de notre litière à la romaine, contre notre gré, est-il nécessaire de le relater, en ne les desserrant pas… « les dents », vaincues de reconnaitre, la bouche desséchée et pâteuse, que nous devions renoncer à bénéficier de l’épilogue de cette bouffonnerie, variante de la Farce de Maitre Pathelin, remettant aux calendes grecques l’espoir d’une intrigue heureuse ou plutôt lorsque « les poules auront des dents », répondant par automatisme et donc, « toutes dents dehors » à la question immuable inaugurant la fin de nos chimères, formulée par notre prévenant compagnon… n’attendant, même pas notre réponse :

« Avez-vous bien dormi, chérie, ma belle au bois dormant » de mes songeries éveillées les plus folles ?

Vous semblez, comme à l’accoutumée, fraiche comme un bouton d’églantine, Mignonne, mieux, comme « une rose, qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au Soleil » [5]!

C’est votre éternel « Prince charmant » et charmé à la Charles Perrault qui vous le déclare ma mie, et croyez m’en, « votre teint au sien pareil », à l’opaline de cette Rosacée, ne saurait souffrir nulle autre comparaison, excepté, peut-être avec son altesse le Lis candide, dit Lis de la Madone, qui, de sa tunique immaculée de noble gentilhomme, semblant se substituer aux Trompettes de Salomon, eût pu soutenir de vous être confrontée, « mon enfant, ma sœur [6]», ma Fiancée du Cantique des Cantiques[7] »…me complimenta, soucieux de m’amadouer, sourire ultra Bright de rigueur affichant en devanture ses incisives triangulaires non retouchées, à l’émail atteint par la jaunisse, le « Prince Charmant » en question, prêt à chevaucher son destrier pour affronter, si ce n’est terrasser, le dragon concurrent ennemi, tout au long de la sainte journée.

Oui, apparemment satisfait de sa saillie on ne peut plus spirituelle, mûrement improvisée…durant son insomnie inaugurée au crépuscule par les hululements de l’altière chouette effraie qui l’effrayait au plus haut point, le galant cogitait depuis sa veillée forcée jusqu’au lever de Monseigneur l’astre solaire, quelle stratégie efficiente à adopter afin de parvenir à nous charmer dès le saut de notre couche amorcé.

Et c’est ainsi, qu’il cru judicieux et de bon aloi, l’innocent, de déployer ce qu’il prétendait être ses meilleurs atouts de séducteur, en mettant à contribution ses zygomatiques, se fendant d’un rictus chargé de lever le rideau sur son aimable denture, riant de tout son « râtelier », n’ayant cure de se casser les quenottes, ou de tout autre incident de parcours !

À l’instar de ses semblables de son signe du zodiaque, pourquoi voulez-vous, que cette bête à cornes non châtrée de l'espèce Ovis aries bêlant à ravir, faisant ainsi frémir un cœur de pierre, se résigne à abdiquer, puisque aucune créature humaine ne saurait lui résister, était-il persuadé dans son for intérieur…

Qu’avait-il donc bien à perdre en « prenant la lune avec ses dents »[8] ?

Nous vous laissons le soin de le deviner

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Le 9 Juillet 2013,

Valériane d’Alizée,

© Tout droit de reproduction réservé


[1] : Axiome du compositeur Érik Satie, qui partageait avec Alphonse Allais, lui aussi honfleurais, un esprit affûté et d’une grande finesse…

[2] : Pastiche de l’illustre Monologue de Don Diègue du Cid  de Pierre Corneille (Acte I, scène IV de la Tragédie)

[3] : Le terme anthroposophie largement repris par Rudolf Steiner féru entre-autres, de la pensée goethéenne et nietzschéenne, provient au niveau de l’étymologie de anthropos et Sophia,  représente une philosophie de l’existence qui s’appuie sur l'observation et le penser, deux piliers fondamentaux de toute connaissance ; état d’esprit, manière d’appréhender la vie qui proposent, par une intensification conjointe aller-retour de ces deux activités, de faire l'expérience de l'essence du penser, qu'il nomme le penser pur. De ce dernier, l'homme doit pouvoir tirer en toute autonomie le motif de ses actions et agir alors librement. C'est ce que Rudolf Steiner a appelé « l'individualisme éthique ». L'anthroposophie se fonde sur l'affirmation d'un dépassement possible de la vision matérialiste de la nature et du monde en y ajoutant les niveaux suprasensibles de l'existence : processus vitaux, âme et esprit. Selon Steiner :

L'interprétation correcte du mot « anthroposophie » n'est pas « sagesse de l'homme », mais « conscience de son humanité », c'est-à-dire : éduquer sa volonté, cultiver la connaissance, vivre le destin de son temps afin de donner à son âme une orientation de conscience, une sophia4. »

L'anthroposophie cherche à développer en l'homme les forces nécessaires pour appréhender ce qui existerait au-delà des sens : monde éthérique ou monde des forces formatrices, monde psychique ou astral, monde spirituel. Pour Kant, l'homme ne peut pas connaître ce qui est au-delà des perceptions sensorielles. Pour l'anthroposophie, l'homme peut développer en lui les facultés qui lui permettent de dépasser cette limite.

Sur ce chemin, la connaissance de soi et le développement des forces morales sont présentés comme indispensables pour éviter les « décollements » et prévenir les dérapages. La règle d'or est celle-ci : Quand tu tentes de faire un pas en avant dans la connaissance des vérités occultes, avance en même temps de trois pas dans le perfectionnement de ton caractère en direction du bien. »

[4] : Fameuse devise extraite du « Cimetière marin » de Paul Valéry

[5] : Emprunt à la célèbre « Ode à Cassandre » de Pierre de Ronsard, in les Odes ,1550

[6] : Allusion aux premiers vers de « l’Invitation au Voyage » de Charles Baudelaire, poème tiré des Fleurs du Mal, 1857

[7] : En référence au livre de la Bible dont le titre en hébreu est שיר השירים, Chir ha-chirim, « Cantique des Cantiques », dit aussi Cantique de Salomon revêtant une forme de longs poèmes, « Chants lyriques d’amour » échangés entre un homme et une femme. Il fait partie des autres écrits au cœur de la Bible hébraïque et des Livres poétiques de l'Ancien Testament (la première partie de la Bible chrétienne Il représente une part de la littérature sapientiale (de sagesse), sans doute l'une des raisons qui font qu'on a voulu le relier au roi Salomon. Cependant, malgré la présence de certains archaïsmes dans le texte, la langue et le style sont assez tardifs et font penser à l'époque perse ou même hellénistique (IIIe s. av. J.C.). Comme pour tout livre vétéro-testamentaire, la rédaction du Cantique des Cantiques a probablement une très longue histoire.

[8] : Expression signifiant »tenter l’impossible…

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Un Noël floral...

Message à l'attention des amis de notre réseau Arts et lettres,

J'ose espérer que chacun de votre côté, vous vous apprêtez à vivre une chaleureuse célébration de Noël, que vous en fassiez une festivité profane, ou au contraire sacrée, loin de l'aspect mercantile qu'est devenue cette fête, et surtout que personne parmi vous ne restera solitaire en cette veillée du 24 Décembre et jour du 25 inclus.

Je vous présente également tous mes vœux les plus florissants à l'aube de ce nouvel an.
Que les souhaits qui vous tiennent à cœur s'accomplissent, et que notre seul vrai trésor, la santé, nous permettent la réalisation de nombreux projets...
Et surtout, surtout, soyons un brin utopistes, que l'année 2014 soit le moins possible éprouvante en barbarismes de par le monde...

Floralement vôtre,
Une Valérianacée

Post-scriptum : Je vous ai concocté un court dossier concernant cette corolle hivernale, à partir de mon impulsion de vous faire partager un texte de Colette nous livrant un portrait de la Rose de Noël.

J'espère qu'il suscitera votre intérêt.

À propos de la Rose de Noël.pdf

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Évocation Naturaliste :

(I ère Partie) 

Qu'il me soit permis de dédier ce texte déjà ancien,

riche de toutes les maladresses d'un verbe se voulant amour,

à l'une de mes plus belles rencontres humaines et artistiques,

l'interprète singulière Solange Boulanger...

 

 Regards Croisés sur le " Règne Végétal

et Celui des " Aristochats "

Prologue de l'Intermède Poétique :

 

Voyage en Pays Connu " [1]:

 

de Jean de La Fontaine à Colette

 

Introduction

 

Question d'Interprétation, de Visions subjectives

à propos de la Défense d'une Œuvre Littéraire :

Chimère ou Réalité ?

L’Interprète," Miroir Fidèle " de la Pensée de l'Auteur ? 

 

 

"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,

polissez le sans cesse et le repolissez ".

Nicolas Boileau.

 

 

 

                              Le réel est une partie de l’art : le sentiment complète… Si nous avons réellement été

touchés, la sincérité de notre émotion passera chez les autres ",

clamait avec feu, un illustre inclassable,[2] précurseur du mouvement impressionniste, qui allait

incessamment éclore, bousculant bien des traditions établies, bien des archétypes picturaux.

                                Encore faudrait-il pour cela ne pas tout livrer d’emblée, dans un accès de générosité

impulsive, en adéquation de la philosophie de Colette, qui affirmait :

                               " Le difficile, ce n'est pas de donner, c’est de ne pas tout donner"[3]".

                                 Aussi, lorsque herbier et bestiaire dans un élan spontané et fructueux s'épousent pour

le meilleur, avec à la clé, le clair objectif de nous livrer une palette polychrome étincelante de mille et un

joyaux, s'échappant d'une myriade de pages enluminées de la littérature , union d'une grande sagesse

certes , mais surtout "amoureuse", un tant soit peu promulguée selon nos desiderata subjectifs , avouons-le

sans fausse pudeur, puisque depuis notre plus tendre enfance, guidée à la fois par nos sens en alerte, à la

fois par des mentors bienveillants soucieux d'approfondir notre éveil, accompagnant sciemment ou non

notre quête initiatique tournée vers le monde merveilleux de la faune et de la flore, nous ne cessons de

rendre grâce à ces derniers, d'exister !

                                Oui, comment en outre, ne pas nous sentir infiniment redevables au tréfonds de notre

âme envers cette prodigue Natura, l’alliée inséparable de Gaia, qui travaille à nous offrir une telle floraison

d'émotions, œuvrant continuellement au fil des saisons ,afin que celles-ci soient," belles et bonnes ", c'est-

à-dire fécondes (ou à l'opposé, austères, en latence, quasiment infructueuses en fonction du calendrier

effeuillé), d'après notre opinion d'humains pragmatiques, avides de récoltes, regardant la terre, notre mère

nourricière, à la façon d'une Corne d'abondance inépuisable, parmi laquelle il est" naturel de puiser

"jusqu'à son " épuisement total ", tandis que nous devrions considérer ce don généreux que Dame Nature

nous octroie, comme un privilège inestimable !

                               Au cœur de notre assemblée d’acteurs spectateurs solennellement invités à assister, de

la première loge d'un resplendissant théâtre de verdure en perpétuel mouvement, à d’infinies

scénographies de génie exaltant la double évolution de forces vulnérables, éphémères, fraternité

complémentaire si ce n’est duo complice indissociable, fondamental au rayonnement de l'écosystème, à la

biodiversité foisonnante de milliers de vies en germination, une interrogation majeure s'impose, s'emparant

alors de notre esprit en ébullition, assorti d 'un affect "frémissant":

                              Comment trouver le juste équilibre, l'harmonie souhaitée inhérente à l’adoption d’un ton

adéquat, soit, de contourner une aridité mesquine purement analytique, soit, d'éviter de tomber dans le

piège de l'outrance ?

                              Comment traduire notre fervente inclination naturaliste, transmettre notre message, en

usant de la tonalité appropriée, du bon dosage, dans le cadre d’une rencontre ou lecture animée collectant

un florilège de textes poétiques (vers et proses confondus),destiné à être dit en public et voué à exalter les

sonorités de notre patrimoine littéraire florissant, d’une luxuriance absolue oserions-nous préciser,

s’attachant, autant que faire ce peut, à en capturer les nuances, de la monodie traçant une ligne épurée, à

la polyphonie recelant de voix chatoyantes... ?

                             

                             Ne pas s'abandonner plus que de raison à un lyrisme exacerbé grossissant le trait,

dénaturant le propos de l'auteur, ce qui reviendrait à le trahir, voilà pour l'interprète "passeur de mots et de

sens", au service du créateur, une gageure à relever !

                             Être fidèle, dans la mesure du possible ,à un style d'écriture, ciselant le verbe en

déployant des moyens savamment soupesés, ni trop" économes", " ni trop démonstratifs ", tenter de

retranscrire l'atmosphère intrinsèque, l'intimité originelle d'une œuvre(dépouillée d’effets extérieurs

ostentatoires faciles, donc gratifiants), œuvre en étroite correspondance avec une époque de l'histoire des

civilisations, voilà une autre source de motivation élevée, car s'attacher à restituer la quintessence d'une

pièce lyrique, non sans l'avoir au préalable étudiée, est bien du "devoir" du "diseur conteur" chargé de la

faire vivre, qu'il s'adresse à un auditoire néophyte ou averti !

                             Quant à la sélection du programme par elle-même, confessons, que c'est un choix tout à

fait cornélien et partial, mais mûrement réfléchi, puis assemblé judicieusement dans le but avoué que le fil

conducteur ne soit jamais rompu et que chaque texte puisse se répondre, s'éclairer et se magnifier

mutuellement.

                             Or, à notre humble avis, il ne saurait être question d'éloquence forcée, préfabriquée et

superfétatoire en matière d'interprétation et le temps de la déclamation pompeuse, ampoulée à la manière

des tragédiennes du siècle dernier ou du XIX ème siècle finissant, est désormais révolu, n'est-ce pas ?

                            

                              Faut-il s'en réjouir pour autant, puisque, en lieu et place de cet ancien art de déclamer,

privilégiant l’emphase, concédons-le, il semble que nous sombrons malheureusement, dans l’effet inverse,

acceptant dès lors, qu’un ton général monocorde dégageant bien des platitudes vienne se substituer à cette

dite emphase, sous le fallacieux prétexte qu'il nous faut impérativement, à l'heure actuelle, paraître

" naturel "dans l'expression de nos inflexions, lorsque nous autres ambassadeurs, sommes appelés à porter la bonne parole (ou la Bonne Chanson  [4]) de nos chers écrivains, grâce à la magie de leur lyre ressuscitée,

toujours vivante, nous faisant l'écho de leurs chants incantatoires profanes et sacrés .

                             Il nous appartient ainsi, de trouver un compromis entre le grandiloquent et la banalité,

afin de faire jaillir vocalement leur vérité, et forts de ce défi dont il nous faut être dignes, nous consacrer

pleinement à cette vocation initiale : conquérir une nouvelle audience, adeptes fraîchement sensibilisés ,

voire convertis , alors qu'ils étaient auparavant plus que réservés, sur la défensive, presque hostiles et

récalcitrants à se laisser bercer et pénétrer par le cortège séculaire des Hymnes de Polymnie, à tort réputés

pour être hermétiques et lassants !

                             En tant que "fiers amants "de l’une des neuf compagnes d’Apollon, vénérant ô combien

ceux qui "taquinent "encore et "taquinèrent jadis, la muse", il est de notre ressort, à notre modeste

échelon, assurément, d'atténuer ces idées préconçues, à défaut d'être en mesure d'éradiquer cet inique

quiproquo !!!

                            À travers les âges, les continents, nos chantres ont, il est vrai, continûment transcendé le

quotidien à l'aide d'un vocable recherché, d'une plume d'une stylistique plus précieuse que le mode de

l'oralité emprunté, convenons-en, seulement, il nous revient de ne point nous méprendre, leurs

préoccupations étaient d’une toute autre veine, il nous semble : parvenir à dévoiler la profondeur de leurs

sentiments et émois, se révélant parfois un véritable abime de désolations nécessitant une libération

thérapeutique par l’écriture, témoigner de leurs propres expériences jonchant leur cheminement parsemé

de "dédales et labyrinthes".

                           Patrimoine au langage multiple que nos civilisations n’ont que trop tendance à mépriser

(l’oubli n’est il pas synonyme de mépris ?), que nous devrions pourtant recevoir, non comme un dû mais

comme un bien incommensurable, qu’il nous faudrait apprivoiser au quotidien et inlassablement

reconquérir, doublement armé du vertueux dessein de passation, legs, qui, souhaitons-le, infusera à son

tour, les générations futures (ou du moins certaines âmes délicates prédisposées à en saisir certaines

nuances), allant ravies, de découvertes en découvertes, et de joies ineffables à de douces voluptés, lignées

éprises de raffinement, d’un profond humanisme, proches en cela, de l’Homme sensible du siècle des

Lumières, conscientes, selon les fibres de leur tempérament propre, du "fardeau "créatif dont ces disciples

d’Orphée ont éprouvé le besoin vital de se délester, en s'inscrivant ainsi (à leur insu?) dans la pérennité et

que l'humanité reçoit en héritage pour son plus grand plaisir d'hédoniste !

                           C'est la raison pour laquelle il nous sied de nous positionner à contre-courant, de faire

front à la morosité ambiante concernant ce subtile Art poétique [5], estompant, à notre niveau, l'indifférence

très en vogue à son sujet, envahissant notre société matérialiste, nous insurgeant, suivant nos modestes

pouvoirs, une action concrète de diffusion, contre la profanation que nous lui infligeons fréquemment

(annonciatrice peut-être de précoces funérailles?), en analogie de l'univers botanique et animalier que

nous malmenons allègrement en cette aube du XXI ème siècle, dénués du moindre remords, d’une noble

éthique !

                          Cependant, reprenant à notre compte un adage intemporel placé en exergue du sonnet nervalien [6] et fruit de la doctrine de Pythagore, nous pouvons à l'unisson professer :

                          "Eh quoi ! Tout est sensible" !

                          Interpellation remontrance nous sermonnant sur notre fâcheuse manie à manifester

légèreté et insouciance, et qui nous remémore combien nous, les "Hominiens" sommes ingrats et pervers,

pétris surtout de suffisance en maltraitant à l’envi la fameuse Fontaine de Jouvence que représente notre

Alma mater terrestre :

 

" Homme ! Libre-penseur – te crois-tu seul pensant

Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?           [... ]

Respecte dans la bête un esprit agissant ...

Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;             [... ]

Tout est sensible ; et tout sur ton être est puissant" !

 

                             Perception romantique d'une Nature divinisée, exagérément encensée dites-vous ? Non

pas, simplement une "ode solaire", ardente, signée en hommage aux "êtres obscurs" cachant maints

trésors, purs "chefs-d’œuvre en péril", ponctuant notre verdoyant environnement !

                            Sensiblerie ? Que nenni ! Hyperesthésie ? Qu'importe, si vous voulez, même !

                            Néanmoins, quelle que soit la définition exacte, convenant à cette flamboyante

conception dénotant une sensibilité extrême "à fleur de peau", il nous revient indubitablement la "mission",

en tant qu’interprètes doués de raison, portés à faire retentir, sonner la voix splendide et spirituelle du

poète, de nous plonger au cœur même de la substantifique moëlle de sa composition afin de la propager,

pour reprendre une locution du Docteur François Rabelais, nous adonnant par cette circonstance, au pur

objectif d’une transmission de la plus grande honnêteté possible, soit, en l’occurrence, de nous évertuer à

nous effacer devant la puissance de convictions, les intentions à énoncer, ou plutôt à prononcer, émanant

de leurs géniteurs (sans pour autant les altérer en sombrant dans une neutralité d’une fadeur insipide…)

constamment habités du vœu de "servir leur pensée" et non de "nous en servir"(avec en filigrane, l’intérêt

opportuniste de nous valoriser)" savoir faire "immanent à tout bon "diseur "qui se respecte, chargé de "faire

savoir "à ses interlocuteurs les idéaux et langage d’un maître de la littérature.

                            Engagement subtilement mesuré donc, participant à ce que nous conservions la foi

originelle, la chair nue de l’émotion  [7], nantis en toile de fond d’une approche de la perfection, vaste

projet utopique, embrassant ad vitam aeternam, la morale de Nicolas Boileau placée en ouverture de notre

"Évocation naturaliste", qui préconisait de faire montre de pugnacité, ciselant et reciselant encore, tel un

orfèvre, le fruit de son labeur…

                           Et ce n’est certes pas, notre fascinante Faunesse, sorte de  "dryade "ou de "prêtresse

vagabonde" éperdument éprise de sa contrée natale bourguignonne de Saint Sauveur en Puisaye, en

similitude de sa "payse", la Fée d'Auxerre [8], et de ses personnages intègres, typiques, savants à leur

façon, c’est à dire, par empirisme, en glanant quelques recettes concrètes issues de traditions ancestrales,

guérisseurs et autres pratiques ou " petits métiers", qui faisaient alors "le sel " de nos chères provinces

françaises, qui apporterait un démenti à nos propos " militants", si elle était encore de ce monde, elle qui

fut durant tout le long de son existence, animée d’un "feu sacré", bref, qui su toujours se sustenter ,

s’enivrer à la source même des choses, en conservant le goût de la découverte, d’éternels Apprentissages,

pour ne pas la citer !!!

                          Ce qui constitue un bonheur providentiel pour nous autres interprètes, n’aimant rien tant

qu’à s’abreuver auprès d’une onde pure!       

                          En l’occurrence, embrassons dès lors, si vous le voulez bien , la pensée de notre femme de

lettres , fervente naturaliste se régénérant constamment à la flamme des Nourritures terrestres, exhortant à

travers son œuvre prolifique, les splendeurs fugaces des Vrilles de la Vigne, d'une part, et celles de la

Ronde des Bêtes, de l'autre, étant donné qu'il nous a semblé évident de dédier cette thématique riche en

variations "chattesques" (veuillez nous pardonner ce néologisme ) reposant sur un tapis chlorophyllien,

ayant pour cadre tant de sites agrestes enchanteurs, à une figure unique, singulière du   XXème siècle,

volontiers iconoclaste, à la fois fière et profondément enracinée dans son berceau d’origine ou d’élection,

sans pour autant sombrer dans les pièges du régionalisme à outrance, ce qui aurait pu contribuer pour la

" Nuit des temps", à faire de Colette, un auteur de terroir, avec toute la connotation péjorative que cela suppose !

                         Personnalité incontournable, particulièrement intarissable en matière de bestiaire et

d'herbier, que notre radieuse " Immortelle", sur le plan de l’Académie … s'ingénia à étroitement entremêler

au centre de ses récits, à tel point, que l'on ne saurait songer à les séparer, en les citant indépendamment

l'un de l'autre, et lorsque, chassant cet Yver qui n'est qu'un villain, d'après une locution médiévale du

Prince des poètes, Charles d'Orléans, l'immuable printemps, resurgit en robe émeraude, émaillé de vives

couleurs, présidant au détour du jardin et de la campagne rutilants, à l'apparition enchanteur des buissons

odorants du lilas, à l'éclosion de cascades de glycine, annonçant sureaux et chèvrefeuilles, il n'est pas rare

qu'un bataillon de rouges-gorges et de merles siffleurs nargue en son jargon, qui, Nonoche,  chatte

distinguée de Perse, hautement titrée, qui, "le Greffier" en mal d'idylles ou d'aventures belliqueuses avec

ses rivaux.

                        Elle fit sienne, mieux que quiconque, cette illustre devise du Petit Prince, qui professe ceci à

autrui : "Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as apprivoisé", saisissant toute l'ambivalence, la

mystérieuse complexité habitant la multitude de créatures vivantes, en ne s'épanchant pas exclusivement

que sur leur enveloppe, leur aspect esthétique flattant les prunelles, scellant avec ses protégés, un pacte de

soutien et d’attention infinis.

                        Appréhendant la  sève du Règne végétal   [9] d’une tendre acuité, sondant avec une assiduité sans faille le Cœur des bêtes  [10], leurs faits et gestes, en observatrice fine et zélée, inlassable,

douée d'une délicatesse insigne, reflet de son infinie bonté et, ce qui n'est pas rien, d'une justesse de

regard d'une précision incisive, découlant sur une alchimie d'écriture à nulle autre pareille, identifiable

entre toutes, il est irréfutable que sa faconde stylistique ou plutôt son art de portraitiste et de coloriste innée

su dépeindre de touchants tableaux, empreinte marquante transparaissant dès les premières lignes de

lecture ou de déchiffrage à l'aveugle, de l’une des pages de son œuvre intemporelle...

                       Ainsi sa maîtrise dialectique (miroir nous réfléchissant sa jouissance d'esthète et d'érudite

émérite) ne nous éclaire t’elle pas instamment sur son étoffe viscérale, son idéologie foncière à l'écoute du

cosmos ? Car, est il nécessaire de souligner une telle évidence, vous ne trouverez, chez notre Ingénue

libertine et libertaire, nulle trace de tentatives de séduction préméditée destinée à conquérir un public

facile, friand de produits formatés, coquetterie synonyme de charme factice, artificieux, pas plus que vous

ne sauriez y débusquer un effet " tendance ", à l’instar de Jean Cocteau, qui prônait l’indépendance

d’esprit, en déclarant ce truisme :

                      "Il n’y a rien qui se démode plus vite que la mode"!

                       Seul, réside, le désir manifeste de retranscrire troubles et émois d’un instant, captés sur le

vif, à l’aide d’un vocable qui lui est propre, fleurant bon maintes fragrances.

                       Qui d'autre que notre subtile et truculente héroïne, transposant elle aussi, ses sensations ou Rêveries d'une promeneuse solitaire [11], en descriptions hautes en couleurs, d'une somptueuse sensualité,

miniatures ou fresques affranchies de toutes conventions, aurait pu prétendre, en parallèle de ses affections

félines ," herboriser "avec ce talent d'épicurienne patentée, au gré du calendrier floral, propice à distiller

un cortège d’effluves envoûtants, interceptant leurs sortilèges par touches impressionnistes, inégalées,

désireuse de nous les restituer dans leur intégralité ?

                     Aptitudes et convictions entrelacées au plus intime de son être, nous contant les annales de

fleurons gorgés de substances vitales, (médicinales de surcroit, concernant la botanique) adresse défrayant

la chronique, Pur et Impur  [12] sortant des sentiers battus et rebattus et qui nous fait sitôt nous exclamer :

                     "Ces témoignages sont estampillés Colette" !

                      Notre  Poète rustique   [13] par excellence,(éminente sœur spirituelle de Francis Jammes, son

confrère misanthrope et l'un de ses nombreux admirateurs ...) foulant, selon l'inspiration de sa fantaisie,

prairies et allées ornées de folles herbes médicinales, ou contemplant De sa fenêtre [14], l'enclos privatif

renaissant de ses cendres après un long endormissement et incontinent constellé de tendres corolles aux

nuances "pastel ", ne revendiquait-il pas avec une fougue, et surtout, une flamme inextinguible "constante", la tutélaire amitié des fleurs  [15] ? Renchérissant sur sa captivante inclination au

"développement durable "à l'intention du Dieu félin, au sens générique du mot (son presque "double", sa

"référence ", si l’on entend ses aveux, défiant les normes austères des conventions):

                     "À fréquenter le chat, on ne risque que de s'enrichir", promettait-elle [16] !

                      Lors de ses déambulations d'herboriste amateur féru de Blé en herbe  [17],au cœur de l'Île-

de-France ou de l’hexagone, notre tempérament de sensitive n'aimait rien tant , que ce soit aux aurores ou

à l'heure vespérale, à palper de près, et à se délecter de souples ramées au port altier odoriférantes ou

non, essences végétales procurant bien des évasions inespérées, s'imprégnant de sujets au visage familier

ou sauvage de notre planète, en les restituant sur le papier dans leur contexte, d'un côté sous le sceau

favorable, fertile de la liberté (allusion au recueil Le Paradis), de l'autre, sous celui néfaste, que représente

la privation de ce bien irremplaçable aboutissant à la claustration, (en référence à la suite du volume

précédant Prisons...)

                       De  la "Retraite sentimentale"  à la "Naissance du jour" (titre de son roman composé au sein

de son refuge méridional au nom  évocateur et savoureux de la "Treille muscate",) sans omettre une

pléiade d'ouvrages de veine similaire célébrant ses Affinités électives, relevant d'un mysticisme païen

d’insatiable "Bacchante "où affleure une cocasserie irrésistible, un respect et une foi inaltérable en faveur

de l’univers végétal et animal, notre portraitiste attitrée, de La Chatte [18], inconditionnelle de Kiki la

doucette chat des chartreux (l'un des glorieux matous de sa fratrie animalière, immortalisé au sein de son

corpus Dialogue de bêtes,) s'attarda au-delà de sa dextérité d’enlumineur d'envergure, à soigner également

le pourtour, c'est-à-dire la forme.

                       Ce n'est pas  l'éventail de blasons parlants, magistralement réalisés à la gloire de nos amies les plantes (herbacées et ligneuses incluses ...), Histoires naturelles [19] que n'aurait probablement pas

dédaigné un autre "chasseur d'images", le fantaisiste Jules Renard, qui viendra désavouer notre

allégation! 

                      Encline à la compassion envers des êtres innocents en état de dépendance, soumis aux lois

du "grand manitou" ("bipède" de race soit disant supérieure ...), elle confirma d'années en années, de

recueils en recueils, un amour philanthropique rehaussé de serments tangibles tenus à leur endroit, nous

révélant au passage la complicité magnétique les reliant, réciprocité confiante d'une telle ampleur que le

terme communion serait plus adapté !

                     D'une manière générale ou individualisée, elle eut le courage de dénoncer les cruels méfaits

exercés à leur encontre par une gent humaine s'arrogeant trop fréquemment le droit de les enchaîner,

dispensant le droit de vie ou de mort à sa guise, et qui, du haut de son pouvoir absolu de tyran (que voulez-vous, la raison du plus fort est toujours la meilleure  [20] ) s'applique à trahir, en les asservissant, les

héros de sa foucade qu'elle a auparavant élus !

                     Quant à notre partisane de la probité, (vénérable Orphée moderne, auquel nul ne saurait

rester totalement indifférent), elle se plut à cultiver une liaison affective d'une constance exemplaire,

ignorant l’engouement, cet inconstant, s'efforçant, incité en cela par son instinct, son intuition, à les aimer

pour elles-mêmes ces créatures, tissant avec elles, une relation privilégiée, dénuée d'affectation ou de

sentimentalité mièvre, un rien sucrée, en un mot franchement " bébête", tandis que le commun des mortels

pétri d'une souveraine condescendance dans son for intérieur, et prêchant, orgueilleux, pour sa paroisse, c'est-à-dire en faveur de la Possession du Monde  [21], fait preuve d'une fâcheuse disposition à dénaturer

l'essence originelle de celles-ci, s'égarant même, en allant jusqu'à leur prêter une psychologie ridicule,

réservée à ceux que notre auteur surnommait à l’égard de son prochain, "les Deux pattes."

                    Baignant dès son apparition en ce bas monde, dans l’omniprésence florale et "faunesque ",

elle eut, en l'occurrence, la prescience, que, pour nous accomplir, il nous faut dépasser la seule apparence

des choses, puisque :

          " On ne voit bien qu'avec le cœur,             et que

l'essentiel est  invisible pour les yeux [22]",

 

afin de vivre en accord avec notre frère le pampre et notre sœur la groseille (pour paraphraser la poétesse

Anna de Noailles) et d’être capable de goûter au bonheur de jouir de la présence charismatique de sa

seigneurie "chat", "objet" d'une prédilection clamée envers et contre tout à la face du monde, ou plutôt,

crânement assumée.

                     Ne proféra-t-elle pas à nombre de reprises son assuétude proche de "l'assujettissement

frénétique" pour la chatte, son modèle, la chatte, son amie  13  bis, incarnation, transposition de l'éternel

féminin, qui la fit sacrifier au culte de l'espèce Felis Catus, détentrice d'inaliénables qualités, élan admiratif

surpassant, et de loin, l’entourage réconfortant d’un "fidèle" entre les fidèles, le chien, en dépit de son

penchant servile, que d’aucuns se complaisent à juger admirable, ne cessant de s’esbaudir sur la constance

de l’attachement du dit Canidé, sans doute en corrélation de la maxime suivante :

" Les chiens ont des maitres,

       Les chats des serviteurs [23]." 

                  

                    Faisant fi d'un égoïsme (ou égocentrisme) inhérent à notre genre, ainsi qu'abstraction de tout

calcul personnel servant ses intérêts, notre héritière de Sido (mère non pas" idéalisée" mais à laquelle elle

se réfère, louant sa bonté, sa grâce de " thaumaturge" attentive aux opprimés, au sort funeste des

démunis ... ), sut se montrer d'une prodigalité inouïe, en étant digne des petits compagnons fleurissant la

sente de sa destinée d'artiste, chérissant avec un véritable altruisme, tant les Aristochats blasonnés se

prélassant comme des princes dans les intérieurs de leurs luxueux appartements ... mondains, que les

"Gavroches "de faubourgs, "gouttières "de la roture juchés en équilibristes sur les toits des bâtisses de nos

cités ou villages...

                   Nanties d'une vivacité et d'une acuité de raisonnement, bon sens et amour désintéressé qui la

firent se pencher au hasard d'une étape providentielle sur les déshérités (et cela, soulignons-le une fois de

plus, au risque de nous répéter, sans rien attendre ou quémander en retour !), elle persévéra dans son rôle

de protectrice, en recueillant quelques miséreux la "démêlant" d'emblée parmi une foule d'anonymes,

" Poulbots" des rues errant sans "domicile fixe", victimes, la plupart du temps, de lâches abandons de nos

congénères soit disant civilisés, dont elle eut l'opportunité, mais surtout, la bienveillance, d'adoucir les

jours !

                  Nous en voulons pour preuve de son abnégation, qu'elle répugna à prétendre à quelque

contrepartie que ce soit, en échange "du gîte et du couvert" – et plus si entente cordiale ou affinités – que

nous leur assurons, s’insurgeant volontiers contre de froids pragmatiques appartenant au cercle de ses

amis, qui avaient l'audace de répéter sempiternellement, indéfiniment, le semblable questionnement:

                 "Cet animal est joli, mais ... est-il affectueux [24]" ?

et notre "sage" de commenter :

                "Je les trouvai bien osés de poser si crûment la question, leur question toujours la même  

question. Que d'exigences, et quel bas commerce avec la  bête ... Donnant, donnant et que donnons-nous?

Un peu de nourriture, et une chaîne."

                 Voilà, en quelques phrases lapidaires de Colette, toute sa philosophie résumée en analogie de

sa pratique de vie. Elle ne se contenta pas de cultiver de grands principes ... théoriques, mais les mit en

application au rythme du quotidien, dès qu'elle le put.

                 En vérité, elle aurait pu faire graver en exergue de toute la somme monumentale de ses

bouleversants écrits qui s'inscrivent à jamais dans la postérité, la sensible pensée du "père" du Petit Prince

au préalable mentionnée, où il est question de s’acclimater à l’essence d’autrui, sans jamais le délaisser,

une fois devenu notre familier.

                 Encore faudrait-il pour ce faire, "d’abord avoir soif", selon la magnifique expression d’une

mystique médiévale, Sainte Catherine de Sienne…Soif  d'apprivoiser pour tenter d'approcher sans doute, si

ce n'est d'atteindre (une utopie !) les voix intérieures de son congénère ou d’un "Étrange étranger" à la

Prévert, quel louable et noble dessein !

                 Ne s'était-elle pas assignée, en "missionnaire naturaliste" émule du Panthéisme, la charge, de

servir la cause animale, associée à une authentique déférence éprouvée à l'égard des "fleurs de simples"

de notre continent, formulant le souhait :

               " D'aller à la rencontre de la perfection d'une vie végétale et animale qui proclame : je resplendis

encore. Déjà, je me fais active, avide [25]..."

                Avide de reviviscence salvatrice, programmée par le gentil Primavera [26] au sortir d'une longue

hibernation, de "l’Ombre des Jours"[27]relative à toute forme de vie.

                Écoutons un chantre de Lutèce nous dessiner une pléiade d'exquis Portraits de famille dont celui

de notre Bourguignonne, se métamorphosant également en Parisienne "pur jus" :

 

             " Adorable  Colette, qui savez tenir un porte-plume comme personne au monde, renifler

le mensonge, reconnaître un melon honnête, un vrai bijou, un cœur d'or ... Colette pour vous

particulièrement, la nature a travaillé dans le genre génie.

              Vous êtes une reine des abeilles. Toutes les abeilles françaises, de la grande dadame 

à la modiste, sentent comme vous sur le plan de la confiture, de la confiance, du confort, et

vous êtes la seule qui sachiez l'exprimer dans les siècles et des siècles [28]"

            

                 Visions profondes, et non fugitives, qui ne firent guère hélas, l'unanimité, étant donné qu'à

quelques temps de là, en amont, et surtout, en pleine ère baroque précisément, un certain Maître des Eaux

et Forêts, auteur du Chêne et du Roseau, poursuivit un autre projet ...

             Or, si Messire Jean de La Fontaine (vous aviez naturellement deviné, j'espère, de qui il s'agissait...) 

sut nous décrire et célébrer avec justesse, l’éclat de la nature, quel que soit son destin implacable, notre

savant fabuliste de Château-Thierry, aspira, pour sa part, à emprunter le costume ou le déguisement

fantasque de force membres du bestiaire, afin, sous ce masque de convention le libérant des entraves de la

royale censure d'un monarque ne badinant pas avec les règles de sa politique au règne absolutique ... de

dépeindre le caractère bien souvent malfaisant de ses semblables (comportement aux antipodes des

Hommes de Bonne Volonté de Jules Romains) ne cherchant jamais, au grand jamais, à les humaniser,

s'adonnant entre autre, à brosser une esquisse peu louangeuse de notre affectionné "Mistigri", n'hésitant

pas à l'affubler de surnoms parlants d'eux-mêmes (repris de la facture de Rabelais ou sortis de son

imaginaire ...) sobriquets chattesques répondant à la dénomination de Grippeminaud, le bon apôtre, de

Raminagrobis,  vivant comme un dévot ermite faisant  la chattemite (contraction de chatte et de Mitis : ce

qui signifie, doux en latin ),un saint homme de chat bien fourré (allusion rabelaisienne évoquant les juges),

"gros et gras", bref, usant à son endroit d'un vocable abondant en superlatifs de circonstance, teinté

indéniablement d'une ironie caustique, satire frôlant la caricature, égratignant quelque peu ce pauvre mal

aimé de Minet, en droite lignée d'us et coutumes séculaires, du Moyen Age occidental, où notre souricier

exterminateur, dit aussi mignard sourien  [29], la terreur des rongeurs, vécut un abominable martyre,

souffrant d'une réputation sulfureuse le conduisant "sans autre forme de procès", au bûcher.

                Perdurant à le croquer dans une sombre effigie, le desservant notre narrateur du Voyage en

Limousin persiste et signe sa critique préjudiciable, redoublant de pittoresque ... méprisant, afin de mieux

discréditer notre  « raticide » salutaire, le noircissant à souhait en le taxant de fourbe notoire, commettant

force tartufferies, fieffé coquin arborant un air patelin, tramant avec une  adresse de dissimulateur né, une

pléthore de complots maléfiques !

                Traversant les âges, telle se répand la légende du genre félin, légende encore abondamment

tissée de nos jours, de clichés stéréotypés, d'images d'Épinal ou autres vignettes abusives, accréditant que

trop une rumeur ô combien ancrée dans l'imagerie collective populaire !

                Égérie encensée par les uns, les mystiques initiés adorateurs se dévouant à le réhabiliter, désigné

du doigt comme un diable et honni par les autres, ses détracteurs, persévérant, hélas, dans une haine

immémoriale contre notre chat bien aimé, le Chéri de Colette, et heureusement, de tant d’autres !!!

                Que de procédés diplomatiques, de subterfuges industrieux, devons-nous à fortiori mettre au

point, afin d'atténuer, de temporiser les exagérations fétichistes ou digressions anthropomorphiques,

nuisant gravement à sa renommée, ainsi qu'à la pertinence de ses traits de caractère !

                Pour clore cet entretien  naturaliste, où nous devisions tant du Règne végétal que de celui de nos

favoris d'Aristochats, nous avons formulé le vœu de vous présenter une moisson de maximes et pensées

illustrant notre dernier propos les concernant (" Pauvres bêtes" suffisamment accablées d’une multitude d’

imperfections, pour que nous nous consolions en chœur, leur dédiant cet hommage), citations d'écrivains

les saluant avec ferveur et entendement, dans un "unanimisme" de rigueur, suivant leur penchant commun,

semblant nous murmurer cette invite en préambule :

 

"Suis ton cœur, pour que ton visage

    rayonne durant ta vie  [30]."

 

                 Ainsi, avant de nous séparer, feuilletons ensemble cette floraison de sentences "chattesques"

liée, nous semble- t- il, à l'état d'âme et d’esprit de notre narratrice intrinsèquement animée du monde du

vivant, qui, déchirée, par les tourments que celui-ci endure, déclarait :

 

       "C'est toujours pitié que de voir détruire par la violence,

            ce qui implore seulement la permission de vivre  [31]" !

 

    

Florilège de Devises félines

       Signées de la plume

   

      de Théophile Gautier :

 

            
               " Conquérir l'amitié d'un chat est chose difficile.           [... ]

Il veut bien être votre ami si vous en êtes digne,

mais non pas votre esclave.

Dans sa tendresse, il garde son libre arbitre et il ne fera pour vous ce qu'il juge déraisonnable ;

mais une fois qu'il s'est donné à vous, quelle confiance absolue, quelle fidélité d'affection"!

       

à celle d'Ernest Hemingway :

 

" Le chat est d'une honnêteté absolue :

 les êtres humains cachent pour une raison ou pour une autre leurs sentiments.

Les chats, non".

    

ou bien encore de celle de Mark Twain :

 

"Si l'on pouvait croiser l'homme et le chat, cela améliorerait

       l'homme mais dégraderait le chat".

 

de celles traitant de notre inaptitude à cerner

ces "Félidés miniatures" composées par :

 

I     Paul Morand :

 

"Les chats sont incompris parce qu'ils dédaignent de s'expliquer.

Ils ne sont énigmatiques, que pour qui ignorela puissance expressive du mutisme".

 

II  : et Georges Bernard Shaw:

 

"L'homme est civilisé dans la mesure où il comprend le chat".

 

 

Texte de Valériane d’Alizée

Collectrice-raconteuse de l'histoire de la flore

 et Auteur interprète du patrimoine littéraire naturaliste.

 

Tous droits de reproduction réservés.

 

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Œuvre de Susan Herbert d'après La Ghirlandata

de Dante Gabriel Rossetti



[1] : Emprunt au titre d’un ouvrage de Colette.

[2] : Allusion au peintre Camille Corot

[3] : Citation reprise par Maurice Goudeket au sein de son témoignage "près de Colette", 1956

[4] : Allusion au recueil de Paul Verlaine, datant de 1871.

[5] : En référence à l'œuvre poétique de Verlaine portant ce titre, tirée du corpus : "Jadis et Naguère".

[6] : À propos de Vers dorés de Gérard de Nerval, in " les Chimères".

[7] : Expression empruntée au compositeur Claude Debussy.

[8] : En référence à la poétesse Marie Noël.

[9] :   Titre d’un ouvrage de Georges Ribemont Dessaignes.

[10] :   Nouvelle de Colette éditée au sein de "Journal à rebours",1941.

[11] : Détournement d'un titre dû à Jean-Jacques Rousseau, grand connaisseur de botanique.

[12] : En référence à l’un des recueils de Colette.

[13] : Emprunt à l’œuvre de Francis Jammes portant ce titre, surnom qu’il s’était lui-même délivré !

[14] : Ouvrage éponyme de Colette.

[15] : Citation extraite de "Belles Saisons" de Colette.

[16] : Extrait d’un de Colette paru au cœur du corpus "Les Vrilles de la Vigne", (1908).

[17] : En référence à l’un des fameux romans de notre auteur.

[18] : Allusion à l’un des succès littéraires de Colette.

[19] : Proses de Jules Renard célébrant la nature, datant de 1896.

[20] : Fameuse morale provenant du "Loup et de l'Agneau", fable de Jean de La Fontaine.

[21] : Titre d'une œuvre signée Georges Duhamel.

[22]   Devise d'Antoine de Saint -Exupéry issue du "Petit Prince".

[23] : Maxime fort explicite signée de Dave Barry, résumant combien le genre félin dans son entité, ne saurait devenir l’esclave de l’homme !

[24] : : Citation provenant de la nouvelle consacrée à "Pitiriki", L'Écureuil  du Brésil que l'on avait offert à l'écrivain ; émue de

       son sort, Colette lui dédia cette histoire appartenant à "Prisons et Paradis", publication datant de 1932.

[25] : Formule extraite de "Belles Saisons "de Colette.

[26] : Allusion à la divinité latine, fertile du printemps.

[27] : Titre de recueil poétique d’Anna de Noailles, employé ici en guise de métaphore.

[28] : Citation de Léon-Paul Fargue au centre de son livre "Portrait de famille".

[29] : Locution renaissance empruntée à un admirateur adorateur de notre félin de prédilection, Joachim du Bellay, qui à la

     disparition de son "cher Belaud", lui consacra en guise d'épitaphe, un poème émouvant.

[30] : Adage oriental anonyme.

[31] : Citation extraite de l'ouvrage " Pour un Herbier " (l'Arum) 1947.

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« Jardinière-Diseuse de mots émaux » du patrimoine littéraire

 

Voir aussi le Dernier Portrait artistique pluridisciplinaire de Valériane pour Arts et Lettres.pdf

 

« L’art doit développer l’état poétique qui est en nous. »

Novalis

 

 

 

12272816081?profile=original                 Dès le jardin d’enfants, Valériane d’Alizée est attirée de manière innée par l’univers des arts et de la nature, (herbier et bestiaire confondus).

               Guidée par un précieux mentor en herbe, sa mère, qui lui dévoile, tant au détour de sentiers bucoliques au pays de Flaubert, dignes des « Rêveries d’un Promeneur solitaire » rousseauistes, les merveilles botaniques, lui apprenant à les contempler avec soin, et non à les regarder sans les voir, l’enjoignant au respect des fleurs de simples aux mille et une vertus et de toute autre créature vivante, que celles, pareillement florissantes mais fécondées par l’esprit et la main de l’homme, une inclination artistique se fait jour, en harmonie avec son goût naturaliste.

                 Hormis le fait qu’elle évolue très tôt au milieu d’objets d’art, se plaisant à jouer en novice à l’hôtesse recevant l’assistance, afin de « seconder » l’organisatrice lors d’inaugurations d’expositions de prestige telles que les Fêtes johanniques de Chinon sous la présidence de hautes personnalités dont Anne-Aymone Giscard d’Estaing ou de visites en galerie, baignant dans un environnement source de ravissement, propice à que son imaginaire fleurisse, celle-ci bénéficie aussi d’un éveil musical précoce, découvrant notamment « la vie » d’un florilège de compositeurs grâce aux

livres-disques du « Petit Ménestrel » Mozart, Schumann, Chopin, Tchaïkovski…, prenant ses premières leçons de piano à l’âge de quatre ans, méthode Martenot entre-autres (à tel point qu’elle est pressentie à être présentée à différents « prix musicaux », dont celui section junior, Léopold Bellan) inclination pour la musique qu’elle cultivera par l’audition et la pratique de cet instrument, et qui l’incitera ensuite à vouloir s’exprimer par le geste, épousant inconsciemment la devise balanchinienne qui professe :

                            

                              « La seule raison du mouvement est la musique - La danse doit sembler de la musique. »

                             C’est donc dans sa sixième année qu’elle est initiée aux rudiments de Terpsichore par un pédagogue réputé, Alain Davesne, Inspecteur de la danse en France qui lui fait entrevoir ses dispositions, l’encourageant et parrainant son vœu d’admission au Conservatoire National de région Francis Poulenc de Tours.

                             Dès lors, une préparation destinée à la formation de professionnels est inaugurée à partir de ses douze ans, apprentissage quotidien d’une matière exigeante lui faisant rapidement appréhender le « spectacle vivant » sous forme de concours et de représentations, tandis qu’elle émet le souhait d’élargir à d’autres horizons la « rigueur académique » par trop rigoriste et formatée de l’enseignement reçu d’un professeur du C.N.R. de sa région, explorant d’autres types « d’écoles » grâce au biais de stages de haut niveau dispensés de mains de Maîtres par les membres de l’illustre fratrie des Golovine (Paris)

                            Désirant poursuivre son émancipation d’une doctrine un rien rigide, embrassant en cela la philosophie de Solange Golovine qui proclamait : "Je souhaite que la rigueur académique ne noie pas la sensibilité, mais lui permette au contraire de s'exprimer librement selon la personnalité de chacun", ayant ainsi le déclic de cette synthèse stylistique « Franco-Russe », riche à la fois de technique, d’expressivité et de musicalité, qui préconise que chaque spectateur devrait être convié à « voir la musique et écouter la danse », selon une formule de Balanchine, philosophie convenant davantage à la nature et quête d’idéal de Valériane, elle intègre, toujours sur audition, en tant que « petit rat », les rangs d’aspirants danseurs de la très prisée Académie Internationale de Danse et des Arts « Princesse Grace » de Monaco basée sur la méthode russe Vaganova, dirigée par Marika Besobrasova, où sont prodiguées, de multiples disciplines reliant les Muses d’Apollon entre-elles, dans la filiation des Ballets Russes de Diaghilev.

                          C’est sur ce modèle de symbiose des arts porté à son paroxysme au temps où brilla l’illustre compagnie que la directrice s’appuie, afin de faire s’entremêler l’art chorégraphique (ballets du grand répertoire classique, néo-classique, danse hindoue…), la musique (chant, solfège) en partenariat avec l’Académie de Musique Prince Rainier III, l’histoire générale de l’art par un professeur de l’École du Louvre qui remarque son potentiel alors qu’elle n’est âgée que de quatorze ans (elle obtient les meilleures notations de la classe), l’histoire de la musique et de la danse occidentale, hindoue, etc.

 

 

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                          Distinguée pour ses qualités d’interprétations scéniques au cours d’examens de cycles sanctionnés par un jury composé d’éminentes personnalités de ce milieu, participant en parallèle aux œuvres chorégraphiques « remontées » (salle Garnier de l’Opéra de Monte-Carlo, Auditorium Rainier III de Monaco, Théâtre de San Remo en Italie, captations pour la télévision française, émissions d’Armand Jammot …) sans omettre une expérience en tant que figurante pour la saison lyrique de l’Opéra de Monte-Carlo, elle décide au bout de deux années intensives, de renouer avec la grande dame du Studio parisien, la pédagogue Solange Golovine (Ière danseuse et Maitre de ballet au « Grand Ballet du Marquis de Cuevas »), mentor d’une palette de grands danseurs (dont Mickaël Denard, Mireille Nègre et Jean-Christophe Paré) témoin des chorégraphes musiciens de génie de son époque, tels Georges Balanchine et Serge Lifar, se perfectionnant simultanément, auprès d’une pléiade de figures majeures de la danse, étoiles et solistes de l’Opéra de Paris, de l’Opéra de Varsovie, partageant « barre, barre à terre, milieu, » et Master classes, cours d’interprétation-passation d’un rôle du répertoire, avec Zizi Jeanmaire, Patrick Dupond, Claire-Marie Osta, Delphine Moussin .

                         Une commande du Festival de Carpentras, Comédie-Ballet retraçant la biographie du créateur de « l'Après-midi d’un Faune », Vaslav Nijinski, parmi laquelle elle est sélectionnée d’emblée en tant que benjamine de la troupe, par le chorégraphe Jean Golovine et le metteur en scène André Colonna-Césari, aux côtés de solistes internationaux, de chanteurs lyriques, de comédiens dont Magalie Noël, la conforte dans son engagement en faveur de cette voie, lui confirmant des aptitudes théâtrales auparavant pressenties.

                         Tous les espoirs lui sont permis concernant son devenir professionnel de ballerine, jusqu’au jour où en plein « training » de perfectionnement destiné à la présentation d’auditions dans la perspective de rejoindre une compagnie européenne, elle est victime d’un accident ligamentaire (déchirure partielle) qui la contraint à un arrêt conséquent ; elle ne saurait pour autant se résigner à abandonner sa vocation, et, pugnace, au mépris de ses lésions, reprend d’arrache pied l’entrainement afin de reconquérir son niveau, ce qui lui vaut, quelques mois plus tard, Salle Pleyel, Institut international de Danse Janine Stanlowa, d’être à nouveau remarquée et distribuée par le Maître de ballet diligenté à fonder sa troupe en l’honneur d’une saison estivale sur les planches berlinoises dans le cadre de l’alliance Franco-allemande.

                          Hélas, un autre accident survient, provoquant la rupture totale du dit ligament, ce qui lui impose d’interrompre définitivement ce début de carrière prometteur et de renoncer à sa passion : la danse.

                          La pratique scénique lui étant irrévocablement refusée, elle porte en elle très longtemps le projet d'envergure de se consacrer à la formation en étant à l'initiative de la fondation d'une Académie des Arts en Touraine, arts pluridisciplinaires embrassant danse, musique, théâtre, mime, peinture, histoire générale de l'art etc..., sous le parrainage de hautes personnalités artistiques du monde du spectacle, telles que Daniel Mesguich, Jean-Marc Luisada, Laurent Cabasso, Philippe Cassard, incluant en complément, la production d'artistes révélés et de "jeunes talents".

                          Le voeu de Valériane d'Alizée resta inassouvi devant l'impossibilité de concrétiser matériellement une création de cette dimension nécessitant des fonds de grande ampleur (manque de partenariat financier substantiel).

                          La suite des événements devait lui donner raison sur le plan concret, puisque sa déficience physiologique (hyper-laxité ligamentaire) n'eut de cesse de lui provoquer des répercussions sous forme notamment de trois entorses, séquelles suffisamment invalidantes pour envisager l'enseignement de la danse.

                          Après mûres réflexions, elle s'oriente vers l'une de ses dispositions artistiques et décide de toucher le public, en particulier celui des collectionneurs, en ouvrant au coeur du quartier historique du "Vieux Tours", une galerie" d'art moderne"(XIX et XXème siècle) baptisée "Jean Dufy", avec l'aimable autorisation des héritiers du peintre, galerie dédiée principalement aux oeuvres dites "sur papier" (dessins, aquarelles, pastels et autres techniques...) ainsi que quelques huiles dont celles du "Primitif" du XXème siècle, André Bauchant.

                         La" Guerre du Golfe" sévissant alors, le contexte économique eut raison de ses ambitions de galeriste, mais Dieu merci,  toujours atteinte du virus inguérissable des « feux de la rampe », son attrait pour les lettres, son Amour du verbe, de ses sonorités riches de sens, lui fait songer, en ancienne disciple de Terpsichore, à transposer langages corporels et expériences scéniques au profit de Thalie et parvient à que cette double expression soit conjuguée, la danse infusant le théâtre, effectuant ainsi la « rencontre » de l’art dramatique en la personne de Jean-Laurent Cochet, comédien réputé, pensionnaire de la Comédie française, metteur en scène et professeur de renom, surnommé par Maurice Druon «le jardinier des âmes», pygmalion notamment des « Monstres sacrés » Michel Duchaussoy, Gérard Depardieu, Fabrice Lucchini, Isabelle Huppert et d’une pépinière de talents, personnage intègre sur le plan artistique, qui pourrait faire sien, cet aphorisme du compositeur Charles Kœchlin dédié à Claude Debussy : «Faire de l’art une religion, mais sans dogme préétabli. »

                          Ce Maître, au sein de son fameux « cours Cochet » parisien, basé sous cette période au Théâtre du Petit Montparnasse, animé en matinée par son assistant, l’auteur-interprète Jacques Mougenot, ne tarde pas à détecter ses différentes facettes contribuant à faire s’épanouir autant «  la nonne que la bacchante », soit, son double gémellaire de tragédienne et de comique, et lui offre de faire ses premières armes lors de récitals poétiques rares, se déroulant au Théâtre du Montparnasse, au Centre culturel de Saint Cloud, tel l’Hommage aux poétesses Anna de Noailles et Marie Noël …tout en approfondissant l’œuvre de poètes « anciens »(François Villon, Louise Labé, Jean de La Fontaine, Jean Racine etc. …) et « modernes » (de Jean-Jacques Rousseau à Marceline Desbordes-Valmore, Francis Jammes, Colette…)

                         Appréhendant les sonorités de la langue littéraire, les profondeur et vérité à faire jaillir de la parole poétique des auteurs, de leurs écrits intemporels ciselés aussi en prose, s’imposent alors à Valériane d’Alizée comme une nécessité et une évidence, et loin de se satisfaire de ses acquis scéniques, associés conjointement à des recherches en histoire de l’art et lettres françaises (« département » poésie en prime) elle s’engage pour une longue période dans « une mission » qui lui tient à cœur : développer et creuser le thème inédit de " La flore dans l’Art et l’Histoire à travers les siècles"  (étude de l’odyssée des découvertes et introductions des spécimens botaniques, annales antiques et symbolismes mythologiques, chrétiens…)

 

                       Cheminement qui la conduit au cours des ans, à vivre d’autres expériences avec un auditoire, dans le cadre par exemple, du cinq centième anniversaire de la naissance du « Roi Chevalier », « le Père et Restaurateur des Lettres », François Ier, organisée par le Musée d’Art et d’Histoire de la Ville de Cognac, de Fêtes médiévales en territoire périgourdin, bastides d’Eymet et de Monflanquin, au cœur de remarquables citées classées parmi les plus Beaux Villages de France, telles que Collonges la Rouge et Moncontour, sans oublier le domaine de Trévarez, où s’entremêlent tant de riches chroniques sacrées et profanes qu’elle su conter, venant ainsi appuyer l’évocation figurative représentée par l’ornementation « fleuristique ».

                        C’est la raison pour laquelle, en tant qu’historienne-chercheur, il lui est alloué de se vouer aux collectages d’œuvres historiques et littéraires destinés à l’élaboration de recueils promis à la publication, ayant assurément pour objet la même thématique appuyée d’une iconographie parlante, ouvrages parfaitement transposables en expositions documentaires illustrées, dont elle s’offre à être « le commissaire » en l’honneur de centres culturels prépondérants et hauts lieux patrimoniaux de l’hexagone.

                        Elle a d’ailleurs, dans un proche passé, réalisé les textes de tout un « Parcours promenade floral » et ce, en étroite collaboration avec une styliste « floraliste d’art », élaboré sur mesure pour le somptueux décor du château royal d’Amboise, signant les écrits du catalogue d’art ainsi que les dépliants résumant ce dernier. Quelques temps auparavant, elle est intervenue, de manière analogue, effectuant la composition de panneaux documentaires, lors des Journées européennes du Patrimoine, dans le cadre de la somptueuse Chapelle Saint Hubert commanditée par le couple de souverains, Charles VIII et Anne de Bretagne.

                        Au sein de ce luxuriant domaine amboisien, d’où s’élève également une perle, le château du Clos-Lucé, dernière demeure de Léonard de Vinci, elle officie à diverses reprises, répondant à l’appel de cet initiateur en événements ponctuels, qui, sensibilisé par ce qui lui a été donné de voir au préalable, accueille ce « tandem » en lui confiant la scénographie historique de manifestations réparties sur deux temps forts de son calendrier, renouvelées au cours de plusieurs saisons : le rendez-vous étéal de Septembre et la période phare de la célébration de Noël, fête de la Lumière, riche de traditions séculaires. « Mises en scène » ornementales de style conçues comme des scènes picturales, dites « Natures-Mortes » ou « Corne d’abondance » assignées à valoriser architecture et mobilier du logis, rehaussées d’une documentation, de visites commentées, et de sessions poétiques thématiques.

                       Valériane d’Alizée s’attache désormais, en plus d’une activité « solitaire », la création de Nouvelles littéraires, à entremêler écrit et oralité, en présentant un éventail de programmes façonnés quasiment à la commande, ayant trait au sujet majeur du « Règne végétal » et animal, et suggère au gré de ses propres « Affinités électives » et vision, suivant les desiderata des autorités concernées, en harmonie avec elles, des lectures poétiques vivantes « À voix haute », dégageant une atmosphère proche du récital, qui se veulent de véritables tableaux enluminés accessibles à tous, adoptant cet adage d'un poète-troubadour des temps modernes, Claude Nougaro, qui professe ceci : "Le mot est un son qui devient sens.".

                       Outre ces productions scéniques, et forte de captivants cycles de stages organisés au profit d’une jeunesse défavorisée en Avignon, volonté d’une association œcuménique « les Jeunes croyants pour la Paix » fondée par le Père de Beauvillé ainsi qu’en partenariat avec une Maison dépendant de la Fondation des « Apprentis d’Auteuil », Saint- Jean- Sannois, il y a maintenant quelques années de cela, aujourd’hui, se souvenant de cet échange enrichissant de part et d’autre, elle tient particulièrement  à jouer un rôle de « passeur », qui la conduit à mener de front une action pédagogique ludique, où seule la notion du plaisir exerce sa « tyrannie », animant en tant que « jardinière de mots » des ateliers inter actifs baptisés « À fleur de mots » et « Voix au chapitre » destinés à faire ressortir la saveur et vertu des « mots émaux » contribuant à apprivoiser, sinon à apaiser les « maux de l’existence».

                     « Savoir faire » qu’elle tend à « faire savoir » dans le cadre d’un enseignement au service des rhapsodes, ces‘ « Poémiers » nommés ainsi par le « Prince des poètes » Paul Fort, où chacun est convié à participer et qui lui tient à cœur de vulgariser, au sens noble du terme, ou art se voulant une forme de thérapie, de « nourritures cérébrales », voire de rééducation, comprenant la diction, le placement vocal, et surtout l’agrément de mettre en bouche les dits mots afin d’apprendre ou de réapprendre à nouer un dialogue en s’appropriant le vocable de nos hommes de lettres et de se libérer de sentiments négatifs… aspirant à leur faire découvrir le « Chant intime » orphique lié à chaque voix poétique, en adéquation de l’état d’esprit de partage du chantre Pierre de Ronsard, qui, en sage, professait à l’égard de son prochain le conseil suivant :

« Tu converseras doucement et honnêtement avec les poètes de ton temps.

Tu honoreras les plus vieux comme tes pères, les pareils comme tes frères,

Les moindres comme tes enfants et leur communiqueras tes écrits,

car tu ne dois rien mettre en lumière qui n'ai été premièrement vu de tes amis. »

 

                          Valériane d’Alizée s’offre d’adjoindre à ces maintes propositions polymorphes de transmission placées sous « l'Empire de Flore »,  des conférences débats, et autres échanges florissants auxquels elle désire s’adonner en tant que « diseuse », sous le sceau d’une union poétique et musicale, faisant rimer « musique des mots et musique des notes » au sein de maisons d’écrivains, de peintres… et de certains musées, suggérant par exemple une alliance en duo, en trio, et autres formations et ensembles chambristes, telles que voix déclamée-piano, voix déclamée-chant lyrique- piano etc., sans omettre l’opportunité de l’enregistrement sonore par le biais du livre-audio, ainsi que la rédaction d’articles pour la presse spécialisée Arts et Nature …

 

 

                          Ci-joint, voici à titre indicatif, quelques prototypes « d’Invitations aux Voyages » littéraires à l’adresse des auditeurs et participants touchant à cette thématique de prédilection, la botanique (sans omettre son indissociable pendant, la Faune) mise en « miroir », en étroite relation avec l’art d’Apellanire, la peinture :

Projet :

  • Animations d’Ateliers pédagogiques

et Rencontres autour de la nature, Enfants et adultes …

  • Lectures poétiques vivantes proches du récital
  • Commissaire d’expositions documentaires et iconographiques
  • Réalisation de scénographies avec visites commentées
  • Ouvrages destinés aux Éditions d’art, livres pour enfants
  • enregistrement de livres-disques autour de textes

du patrimoine littéraire

  •  Composition de nouvelles, et autres formes d’écrits

réservés à la publication…

Modèles de ces Ateliers pédagogiques d'initiation naturaliste

« À Fleurs de Mots » et « Voix au Chapitre »

 

(Écrit et Oralité

Vers et Prose)

liés aux rythmes des saisons,

thème tant sacré que profane enluminé de scènes picturales :

 

Interventions ponctuelles en milieu scolaire, foyers sociaux culturels

Centres spécialisés, Musées, Maisons de l’Environnement,

ainsi que sous forme de stages,

et selon option, proposition de cours particuliers,

 

Sessions organisées tant au service des « Anciens »,

 que de « pousses juvéniles » introverties, jeunes en difficulté,

individus souffrant d'handicaps légers, de troubles cognitifs,

de déficience visuelle, d’instabilité émotionnelle, de troubles bi polaires,

de pathologie d’Alzheimer, d’autisme, sans oublier les malades

en longue hospitalisation, les détenus … etc. :

En finalité d’un cours ou d’un cycle, possibilité pour l’apprenant

à exprimer son ressenti, par le mode de l’écriture.

Brève rencontre introductive afin de tenter de faire prendre conscience à chacun des participants, de la valeur fondamentale de la Terre, notre Mère universelle, et de sa fille, la Nature…

1. Évocation des grands botanistes explorateurs de l'histoire…

2. Valorisation d’une noble essence végétale ce « géant » qui nous survit : l'arbre, rameaux persistants ou caduques, lierre, laurier noble et autres feuillages symboliques…

3. Valorisation de la « Reine des fleurs », la Rose, et son pendant tout aussi royal, le Lis candide, de la Vigne, des Vergers présidés par Pomone et récoltes fructifères semblables aux céréales…

4. Hommage à notre Mère universelle à tous, Gaïa, Hommage à l'art d'Hortésie (les jardins), qu’ils soient bouquetiers, à vocation utilitaire…

5. Aux plantes potagères, médicinales, « Fleurs de simples » et autres espèces florales méconnues, rares ou en voie de disparition, telle la violette double dite de Parme cultivée à Toulouse, sans oublier les « fleurs à parfum » du pays de Grasse, chantées par Maurice Maeterlinck (« l’Intelligence des Fleurs »)…

6. Aux fêtes découlant du calendrier chrétien, telle la « Célébration de Noël3 ponctuant « l'Hiver, saison de l'art serein », selon une formule de Stéphane Mallarmé…

7. Mise en lumière du corpus ou d’une pièce d’un auteur, ses accords majeurs et correspondances stylistiques noués avec l'un de ses « frères de plume » ou d’art… tel que le mythe d’Ophélie…

8. Études naturalistes portant sur Colette : « Regards croisés » mêlant Herbier et le genre félin, sur Francis Jammes, ce « Faune habillé de bure » et maintes personnalités ambassadrices louant le culte de Natura…

 

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 Bouquet de roses et de fleurs de myrthe en entablement

de Johan-Laurentz Jensen (1800-1856)

 

Gerbe composée, hormis des feuilles de chêne (Quercus robur L.) emblème de la Force,

de deux espèces florales, symboles de la Beauté et de l'Amour, legs de l'Antiquité :

attributs de la divinité mythologique grecque Aphrodite, devenant Vénus pour les Romains ...

 

Exemples de pages à consulter via le numérique,

grâce au concours de ce cher réseau « Arts et Lettres » fondé par Robert Paul,

regroupant quelques textes, albums photographiques et vidéos personnels :

A) Albums photographiques :

1. Souvenirs d'un Parcours Promenade floral étéal pour les journées du Patrimoine,Volume II :

https://artsrtlettres.ning.com/photo/albums/souvenirs-d-un-parcours-promenade-floral-t-al-pour-les-journ-es

2. Florilège de Mises en scènes florales historiques en l'honneur de la Noël , Fête de la Lumière I :

https://artsrtlettres.ning.com/photo/albums/floril-ge-de-mises-en-sc-nes-florales-historiques-en-l-honneur-de

B) Vidéos :

1. Célébration de la Noël :

 https://artsrtlettres.ning.com/video/art-floral-historique-d-expression-profane-ou-parcours-promenade-

2. Expression sacrée :

 Art floral: quand de nobles fleurons dotés d'un langage mystique chrétien jouent aux ambassadeurs selon des documents de Valériane d'Alizée

C) Textes historiques et littéraires :

1. Å propos d’Art Floral : Hommage à la Vision d’un Interprète Bouquetier…

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/respect-une-floraliste-d-art-s-vissant-au-coeur-du-jardin-de-la

2. En accompagnement des reportages photographiques :

Cheminement Historique de la Célébration de Noël, Fête de la Lumière Au château du Clos-Lucé, : Avant-Propos préparatoire et parcours floristique Ier et IIème Volumes

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/cheminement-historique...

3. Au sujet de l’interprétation poétique…

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/hymne-au-culte-de-natura-dans-le-cadre-d-une-rencontre-po-tique-1

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/cheminement-historique...

 

4. Spécimen de Nouvelles : Évocation d’un personnage fantasque : l’écrivain Louise de Vilmorin

a) Ier Volet : https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/nouvelle-en-hommage-l-extravangante-et-divine-dame-de-verri-res

b) IIème Volet : https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/nouvelle-en-hommage-l-extravagante-dame-de-verri-res-ii-me

5.Concernant la protection animale :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/plaidoyer-en-faveur-du-respect-d-nos-amies-les-b-tes-ou-un

 

 

 

 

                           

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Lorsqu'il est question d'acquisition de langage et de facilité d'expression,

d'une élocution synonyme d'Art oratoire, et de liberté...

par le biais de la "Mise en bouche" goûteuse de textes

ou

Comment chercher à épanouir les personnalités en germination

en respectant leur singularité

J'ai le plaisir de vous présenter, amis du réseau Arts et Lettres, le tout premier atelier-laboratoire aux teintes automnales que j'ai eu l'honneur d'animer, durant la matinée, conçu sur mesure en faveur d'une École pratiquant la pédagogie de Maria Montessori, principalement axé sur le mode de l'oralité, associé à quelques références historiques et artistiques enrichissant cet apprentissage littéraire, dans le dessein, de familiariser ces quelques  membres composant les futures générations, au patrimoine littéraire avec le riche vocabulaire que celui-ci génère,  et surtout dans le dessein de susciter en eux le plaisir que procure de donner à voix haute les œuvres choisies...

Rien de fastidieux, de purement "intellectuel", dans cette nouvelle expérience tentée par mes jeunes élèves, mais au contraire, la sensation de découvrir tout un monde inconnu, gage d'échanges et peut-être de révélations sur des dispositions dont ils étaient loin, de se douter...

Bref, j'escompte bien les aider à développer des aptitudes enfouies, comme un trésor !

Heures Automnales :

Ou

« Le Temps des Vendanges »

 

Atelier « Jeunes graines » et «Jeunes Pousses»

 

Duo de Fables :

 

I)                           Le Renard et les Raisins

 

Certain renard gascon, d'autres disent normand [1],

Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille [2]

Des raisins mûrs apparemment[3],

Et couverts d'une peau vermeille[4].

Le galand [5]en eut fait volontiers un repas;

Mais comme il n'y pouvait point atteindre:

«Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.[6]»

 

Fit-il pas mieux que de se plaindre?

 

Jean de La Fontaine

(1621-1695)

(Fable Xl du Livre III inspirée d’Ésope et de Phèdre)

12272973471?profile=originalLe renard et les raisins de Calvet-Roignat.

Quelques clefs de compréhension du texte dépeignant la scène :

 

Tandis que notre renard à la fierté exacerbée de Gascon doué en même temps d’une indécision légendaire de Normand et que la faim tenaille, au point d’en quasiment défaillir, jette son dévolu sur les fruits d’une haute treille (pied de vigne grimpante comestible cultivée pour le plaisir au sein du jardin d’agrément) treille d’où pendent des grappes de raisins parvenues à maturité, il s’aperçoit que son appétit est démesuré puisqu’il ne peut atteindre les grains convoités dont il se réjouissait de faire son régal.

Que trouve-t-il alors comme parade censée masquer son erreur d’appréciation de ses capacités ? Il joue tout simplement au précieux dégouté, avisant en pure mauvaise foi que l’objet de sa tentation n’est pas suffisamment de qualité pour son fin palais pourvu de papilles gustatives et afin de sauver la face, en lieu et place de reconnaitre son erreur, fait apparaitre un mépris de mauvais aloi, justifiant son renoncement forcé (impossibilité d’atteindre ce repas frugal de gourmet…°), par un dédain illégitime, se plaisant à se tirer de ce mauvais pas en exécutant une pirouette qui lui fait invoquer le faux prétexte de la non maturité du produit devenu soudainement à ses yeux médiocre, d’où la citation « bons pour les goujats », personnes de condition modeste, inférieure à la sienne qui elles, sauront se satisfaire de ce piètre mets si l’on en croit son argument et qu’il considère de haut depuis que messire Renard a compris qu’il lui fallait renoncer à sa récolte inaccessible !

Ainsi son honneur est quitte et son amour-propre préservé, bien qu’il sache pertinemment qu’il ne fait que se mentir à lui-même !!!

Enfants, l’espoir du devenir de notre race humaine, écoutez le poète, je vous en prie !

Écoutez ce fabuleux fabuliste de l’époque baroque lié au règne de Louis XIV dit le Roi Soleil, légendaire par son amour des arts, certes, mais aussi par son pouvoir absolu, qui par le biais des conventions, du masque, c'est-à-dire du « déguisement » que revêtent les personnages en prenant le contour de nos « amies les Bêtes », brosse les travers du genre « bipèdes » auquel nous appartenons !

Car, ne nous y trompons pas, les défauts sur lesquels s’attarde notre plume bienveillante, jamais gratuitement odieuse, s’attache bien à dessiner notre portrait, quelque soit notre tempérament…

Faisant confiance à votre intelligence sensible, je ne doute pas que vous avez su deviner à quelle faille, Jean de La Fontaine fait appel au cœur de ce récit, ainsi que la morale qu’il nous faut en tirer !!!

 

II)              Le Renard et les Raisins

 

Un Renard ne pouvant atteindre aux Raisins d’une treille,

dit qu’ils n’étaient pas mûrs, et qu’il n’en voulait point.

Quand d’une charmante beauté,

Un galant fait le dégoûté,

Il a beau dire, il a beau feindre,

C’est qu’il n’y peut atteindre.

 

Charles Perrault

(1628 – 1703)

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Raisins verts à la noix de Jacob Foppens Van Es

© Tout droit de reproduction réservés



[1] : Il ne s’agit pas, chez La Fontaine, de vouloir à tout prix préciser l’origine du renard mais bien plutôt de faire allusion à certaines caractéristiques régionales le Normand ne peut s’engager clairement (« P’ être bin qu’oui, p’têt bin qu’non), tandis que le Gascon ne veut pas perdre la face.

 

[2] : L’ensemble des ceps qui grimpent le long d’un treillis, d’un mur,... Cf. « L’Ivrogne et sa Femme » « Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille / ... » (Livre III, fable 7, vers 9).

 

[3] : Selon toute apparence.

[4] : Vermeille exprime la couleur or en langage littéraire…

[5] : Mot  s’orthographiant au XVIIème de deux façons, Galand ou Galant,  ici  employé dans le sens de malin, mais peut aussi vouloir dire amant dans la signification de l’amour courtois…

[6] : Valets employés dans l’armée (voir le Littré…) de mœurs peu raffinées, d’où l’extension de son appellation dans la vie courante désignant un  homme vulgaire et grossier dans ses manières.

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L'un de mes vibrants credo , auquel il me plait de croire encore et toujours...
Merci Albert Camus, votre vision
intemporelle, est loin de m'être étrangère, et bien que je sache pertinemment à qu'elle point, elle est reconnue, je la publie aujourd'hui, rien que pour le plaisir de rafraichir nos mémoires  et en vertu du fait, que mon élan actuel, m'incite à épouser  ceci :

"Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n'ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et s'ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d'une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel."

Chose promise, chose due, voici à présent le texte dans son entièreté :

 

 

Sire, Madame, Altesses Royales, Mesdames, Messieurs,

En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m'honorer, ma gratitude était d'autant plus profonde que je mesurais à quel point cette récompense dépassait mes mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, tout artiste, désire être reconnu. Je le désire aussi. Mais il ne m'a pas été possible d'apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, riche de ses seuls doutes et d'une œuvre encore en chantier, habitué à vivre dans la solitude du travail ou dans les retraites de l'amitié, n'aurait-il pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le portait d'un coup, seul et réduit à lui-même, au centre d'une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-il recevoir cet honneur à l'heure où, en Europe, d'autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps même où sa terre natale connaît un malheur incessant ?

J'ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m'a fallu, en somme, me mettre en règle avec un sort trop généreux. Et, puisque je ne pouvais m'égaler à lui en m'appuyant sur mes seuls mérites, je n'ai rien trouvé d'autre pour m'aider que ce qui m'a soutenu tout au long de ma vie, et dans les circonstances les plus contraires : l'idée que je me fais de mon art et du rôle de l'écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d'amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.

Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n'ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et s'ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d'une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel.

Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas. Mais le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence, et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l'art.

Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d'hommes possible, elle ne peut s'accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression.

Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi : par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment où s'installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui furent confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d'Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l'univers concentrationnaire, à l'Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd'hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d'être optimistes. Et je suis même d'avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l'erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l'époque. Mais il reste que la plupart d'entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d'une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l'instinct de mort à l'œuvre dans notre histoire.

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d'établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu'elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d'alliance. Il n'est pas sûr qu'elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l'occasion, sait mourir sans haine pour lui. C'est elle qui mérite d'être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C'est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l'honneur que vous venez de me faire.

Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, sans cesse partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain, dès lors oserait, dans la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu ? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent, dans le monde, la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.

Ramené ainsi à ce que je suis réellement, à mes limites, à mes dettes, comme à ma foi difficile, je me sens plus libre de vous montrer pour finir, l'étendue et la générosité de la distinction que vous venez de m'accorder, plus libre de vous dire aussi que je voudrais la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n'en ont reçu aucun privilège, mais ont connu au contraire malheur et persécution. Il me restera alors à vous en remercier, du fond du cœur, et à vous faire publiquement, en témoignage personnel de gratitude, la même et ancienne promesse de fidélité que chaque artiste vrai, chaque jour, se fait à lui-même, dans le silence.

Albert Camus,

Le 10 décembre 1957,

From Les Prix Nobel en 1957, Editor Göran Liljestrand, [Nobel Foundation], Stockholm, 1958

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Agathon ceint d'une couronne de gloire

composée de la ramée du Laurus nobilis dit laurier noble ou laurier des poètes

d'Anselm Feuerbach

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« O douceur exquise, ô vertige, ô félicité !

Suis-je dans un songe ou suis-je éveillée ? »

Quelle étrange ironie du sort ! Ainsi, il pourrait être consenti à mi, d’aspirer à être dégustée, littérairement s’entend, assurément !

Diantre, voici une promesse irrésistible de pâmoison, tandis que se pâment pour ma pomme, une pléiade de chevaliers servants dont je suis devenue à mon insu, la coqueluche, à tel point qu’ils menacent d’en faire une jaunisse, si je ne parviens à fondre, telle la calotte glaciaire, devant leurs émouvants abattis !!!

Oh, Dame Béatrice, bigre, vous allez contribuer à me faire damner pour cause de suffisance…Ne suis-je pas infiniment, suffisamment vaniteuse pour tant de qualités dont Dame Nature a eu la bienveillance de me parer, que je vous ferai la grâce ici, d’énumérer ? Déjà, la beauté incarnée, baptisée « la chétive pécore » s’enfle, menaçant d’éclater de toutes parts, à l’instar de la malheureuse grenouille de notre fabuliste baroque de Château-Thierry !

Voyons, un éloge de la sorte, et de la part d’une élue du « Pays de Papouasie » de votre envergure, est-ce bien raisonnable ma chère, est-ce bien sérieux, je vous le demande… un peu !

Assurément, il ne m’appartient pas de m’immiscer dans votre ressenti, ma jolie, désireuse de laisser au lecteur toute la subtile liberté d’interprétation qu’il lui revient, et bien que je ne saurais faire la précieuse étonnée » au risque de tourner au ridicule, franchement là, ma face émotionnée vire au cramoisi devant ces louanges, bien que cela soit une chaude tonalité qui m’agrée parce que fétiche de l’époque du bas Moyen-âge affectionnée.

Non, là, permettez-moi de vous dire, ma mie, qu’un tel lyrisme au profit de cette fabulette au genre hybride, d’où sans doute l’impression de nouveauté, mais qui n’est malgré tout, qu’une amusette un rien fantasque dénuée de prétentions, me semble, me semble (ah, comment formuler cela sans vous blesser…) légèrement immérité (oui, légèrement, car, soyons honnête, je ne vais pas non plus jouer à la prétendue perpétuelle insatisfaite, allant jusqu’à renier mon « enfant » amoureusement fécondé et porté ne serait-ce que quelques heures en gestation! )

Quant à votre invocation de divin et auguste parrainage, comment ne pas l’accepter ? Je le fais mien, volontiers, l’appréciant à sa juste valeur, d’autant plus que parmi notre maisonnée présidée par la fratrie aristochattesque composée de Trois Mousquetaires légendaires, règne, vous n’êtes pas sans l’ignorer, un noble représentant épris de mythologie nordique à l’égal de votre Dorian (veuillez, je vous prie, ne pas y voir une quelconque allusion wildienne, soit à l’œuvre romanesque du Portrait de Dorian Gray…), j’ai l’honneur de nommer le très respectable sujet de sa gracieuse majesté, la reine d’Angleterre, Lord Finley du Domaine d’Elgar de la cité d’Asgard…

Que Freyja la splendide, grande déesse-Mère par excellence, protectrice de sa seigneurie féline, et en particulier du chat des Forêts norvégiennes, s’assemble donc, au puissant Bragi associé à son épouse Idunn, déesse Asyne de l’éternelle jeunesse, détentrice des fameuses « pommes de jouvence », afin de me permettre, selon votre vœu des plus touchants, que quelques fructueuses productions parviennent à maturité au cœur de mon verger des délices qu’il me sied de planter constamment d’essences à vocation prodigue, dans le dessein avoué et avouable, de les faire goûter à mes compagnons, Amie, du moins autant que faire se peut, autant que leur appétence, non exempte de répulsion pour le mets proposé, y répondra !

Tant qu’à Ogma, malgré l’espérance du sentier conducteur qu’il nous offre, sous la forme de l’inspiration féconde, j’ose vous avouer ma réticence d’implorer son secours, étant donné que sa fonction principale de dieu de la guerre, l’emporte auprès de la secondaire, l’éloquence.

Je sais que vous partagerez ma profonde conviction, suivant laquelle, la Paix doit primer sur toute chose ! Et puis, comme l’énonce si justement Christiane Singer :

«  Notre devoir le plus impérieux

Est peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille. »

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La déesse Freya cueillant les pommes d'or

de Susan Herbert

d'après le tableau original d'Arthur Rackham

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Fabulette un rien follette,

sinon des plus sérieuses sans pied ni tête,

A prendre pourtant au pied de la lettre,

Ou

L’Espérance en une Métamorphose…

Une Galatée des Temps modernes à sang chaud… et froid,

libre adaptation ivoirine bien en chair et entre deux âges,

dotée d’un myocarde palpitant, sage déterminée à affiner, par son choix,

son identité et, animée du désir d’effeuiller, d’un passé, la page,

se persuadait que le Pygmalion de ses rêves était enfin à sa portée,

et que, de le convaincre, serait ma foi, autant une gageure, que jeu aisé, quasi d’enfant,

Si de sa fantaisie débridée, une fois la rencontre ébauchée, répétée

préluderait en continuo la mélopée, résonnerait de Calliopée, le doux chant,

chassant la laideronne Discorde au bénéfice du Verbe, du souffle incarné,

égrené ad libitum grâce à la lyre orphique vermeille de mages poètes,

« étranges étrangers »[1] chérissant comme la prunelle de leurs mirettes, la liberté,

en ces temps pollués où l’ont veut exterminer Sans papier et Papouètes[2],

les rangeant commodément dans l’abominable catégorie des pertes et profits…

 

Aussi, créatures corrompues privilégiant le paraitre à l’essence véritable de l’être,

oyez ceci : ne méprisez pas tant, je vous prie, la sensibilité d’autrui,

celles des génies comme des démunis ; ne disposez plus à votre gré, de votre sentence tout prête,

sentence-couperet préétablie où règne le droit de vie… ou de mort !

Dites, si vous deveniez plutôt« les exaltés du monde »entretenant les « hautes flammes »,

et vibrant essor d’une « Vie ardente »[3], faisant rougeoyer le grand feu d’or,

de nos destinées fraternelles de simples anonymes ou superbes âmes,

tel l’allié anobli des muses, Jean-Marie, sacrifiant au culte de la « beauté-bonté » souveraine,

héros digne de respect, à tel point qu’il peut s’enorgueillir d’être, ad vitam aeternam, adoubé

Maitre en l’art du modelage passant par la force de la pensée fécondant la voix humaine,

conduisant à évincer la tiédeur, tandis que prévaut le vertige de « l'enivrement de la mêlée »…

 

Moralité :

 

 « Requête, requête, vous avez dit requête », m’interrogerez-vous, perplexes, Amis ?

 « Ne vous en seriez vous point un tantinet éloigné », insisteriez-vous ? »

Que nenni ! Ne vous mettez donc pas martel en tête, mes chéris,

Tout n’est-il pas affaire de décryptage du propos, de l’éloquence supposé de mon bagou ?

Vertuchou ! Vous dites, mes loulous, loups-garous, mes hiboux hindous,

mes youyous mandchous,  mes matous grigous au doux licou,

mes mérous papous, mes zazous tatous, mes zoulous au doux froufrou,

 mes têtes de chou au boubou andalou, mes caribous foufous,

oui, vous dites, vous dites, mes minous voyous au cœur d’amadou ?

Je suis peu ou prou casse-cou, car il me faudrait être Sorcier vaudou un brin filou

pour parvenir à convaincre ce grand manitou de devenir mon gourou ?

Peut-être bien que oui, peut-être bien que non, c’est selon…mes bijoux !!!

 

Le 1er Novembre 2013,

Valériane d’Alizée

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Le Char d'Apollon
d'Odilon Redon,1908


[1] : Détournement du fameux poème de Jacques Prévert (Recueil « Grand Bal du Printemps », éd. Gallimard)

[2] :En référence au quatrain de Léon-Paul Fargue in « les Ludions » publié en 1930 : « Au pays de Papouasie/J'ai caressé la Pouasie.../ La grâce que je vous souhaite/C'est de n'être pas Papouète. »

[3] : La Vie ardente, en référence au poème d’Émile Verhaeren in « les Flammes Hautes » http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/mile_verhaeren/la_vie_ardente.html

 

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 Avant-Propos

La légende du Colibri

Initialement appelé Mouvement pour la Terre et l'Humanisme, Colibris tire son nom d’une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi :

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »

Chères amies et chers amis,

"Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont le temps est venu." Nous avons tendance en toute modestie à appliquer cette formule de Victor Hugo au mouvement Colibris. Parmi mes engagements, ma fonction de conférencier implique de nombreux déplacements en France et à l’étranger. Cette itinérance me permet de constater avec une grande satisfaction la multiplication de groupes se réclamant du mouvement. Ainsi, des femmes et des hommes sont en train de préparer des oasis comme autant de réponses concrètes à la désertification sociale, économique et humaine qui affecte la société contemporaine. En effet, la conjoncture actuelle marque les limites du modèle sur lequel a été édifié le vivre ensemble national et planétaire. Nous avons beaucoup réfléchi à la pertinence ou la non pertinence du modèle qui a suscité une réflexion libre de toute autre considération que l’urgence d’un principe plaçant l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations. Cela résume tout ce qui nous motive depuis quelques décennies.

Pris comme tout le monde dans le marasme d’une société qui, selon la formule de Alain Fournier "ne sait ou elle va, mais elle y va", on se sentait comme impuissant avec la menace la plus grave qui soit, à savoir la résignation.

En ces circonstances, la tendance est à la désignation de boucs émissaires : l’État et ses institutions, la finance, et bien d’autres responsables. Cela n’est pas inexact mais ne peut suffire à nous dédouaner de notre responsabilité individuelle et collective. Finalement, la réponse la mieux ajustée en la circonstance nous a été inspirée par une légende amérindienne* : la part du colibri. Cette légende se passe de commentaires, elle exprime une incontestable vérité. Cependant, elle serait restée comme tant d’autres une belle légende, une belle métaphore stérile s’il n’y avait eu la volonté de la rendre socialement opérationnelle. C’est ici que commence l’histoire du mouvement Colibris avec l’engagement d’une petite équipe déterminée, soutenue financièrement par des donateurs confiants et solidaires. Le succès de cette initiative a dépassé nos espérances.

Aujourd’hui, plus de 70 000 personnes se reconnaissent dans les valeurs de Colibris et suivent nos actions, des dizaines de groupes locaux se sont créés partout en France et constituent aujourd’hui une réelle force citoyenne. Dans les domaines de l’économie, l’éducation, l’agriculture, l’énergie, la démocratie... des centaines de projets ont émergé suite au lancement des forums citoyens et de la (R)évolution des colibris : une monnaie locale à Strasbourg, un éco-village près de Lorient, une plateforme de co-voiturage en Dordogne, une association de recyclage textile à Lille, une école à pédagogie coopérative dans le Périgord, sans compter les effets positifs qui, pour n’être pas visibles, n’en sont pas moins importants comme nous en avons de nombreux témoignages.

Nous sommes en quelque sorte heureux d’être victimes de notre succès. Cependant, ce succès engendre encore plus de sollicitations, qui pèsent davantage sur l’équipe et provoquent même un déséquilibre financier. Notre engagement renforcé par la demande quasi exponentielle de citoyens en "transition" prend peu à peu la tonalité d’une politique de société, hors de toute appartenance politique partisane. Il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin en ces circonstances. Poursuivre et donner force à nos engagements devient un devoir. Pour ce faire, nous avons besoin que le soutien dont certains parmi vous nous honorent déjà se renouvelle et s’amplifie pour être ajusté aux exigences suscitées par le succès. Il n’y a aucun doute que, dans la sphère politique, de belles consciences tentent de faire le mieux qu’elles peuvent, mais dans une logique dont les fondements sont incompatibles avec une réalité devenue implacable. Nous sommes de plus en plus convaincus que certaines initiatives de la société civile sont porteuses d’avenir. Le mouvement Colibris les révèle et les révèlera encore plus largement.

Nous sommes, je suis personnellement convaincu que notre appel sera entendu. Avec notre profonde gratitude, soyez assurés de notre détermination pour que les valeurs que nous partageons puissent être servies comme elles le méritent.

Pierre Rabhi 

pour Le Mouvement Colibri

http://www.colibris-lemouvement.org/

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« Ne mépriser la sensibilité de personne.
  La sensibilité de chacun, c'est son génie.
                                        Charles Baudelaire


« Élève les êtres ; nourris-les sans chercher à les asservir ;
 œuvre sans rien revendiquer ;
sois un guide et non pas un maître : voilà la Vertu mystérieuse. »
Lao Tseu


Il était une fois Jean-Marie Lardeau...

Il était une fois, un amoureux goûteur de mots émaux de notre patrimoine littéraire, qui, par pur altruisme, œuvre en leur faveur, se faisant un vibrant passeur de consonances et de sens, au pays du "Jardin de la France", berceau de notre cher Honoré, celui de la Comédie humaine...

Il était une fois un lumineux capitaine de vaisseau qui se plait à conduire son équipage pour quelques "Invitations au Voyage" poétiques, dépourvu de la moindre autocratie ou autres dangereuses manifestations de pouvoir absolu dans lesquelles se complaisent certains tyrans de ma connaissance...

Et lorsque pour une fois, la providence se manifeste, que l'on a le privilège de rencontrer l'antinomie du despotisme, l'on se dit, ma foi, que l'exigence ne saurait rimer avec la dite tyrannie mais avec patience et délicatesse, dans le respect de son prochain, à l'instar de cette formule de Roland Barthes que je m’approprie volontiers afin de saluer l'action de vrais mentors spirituels qui contribuent à nous réconcilier avec l'action pédagogique :
 

"Il est un âge où l’on enseigne ce que l’on sait ; mais il en vient ensuite un autre où l’on enseigne ce que l’on ne sait pas : cela s’appelle chercher. Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversées. Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que j’oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie :
Sapienta : nul pouvoir, un peu de sagesse, un peu de savoir et le plus de saveur possible."
 [...]

Il ne nous reste plus qu'à mettre en application nos aspirations profondes d'harmonie incluant une longue maturation, saison après saison, adoptant cet adage nietzschéen issu du "Gai Savoir":

"Que dit ta conscience ? Tu dois devenir l'homme que tu es."

 

Et vienne le temps de l'éclosion succédant à celui des semences, d'une terre en perpétuelle germination, afin que la parole orphique puisse perdurer à fleurir, fructifier, en essaimant la "Bonne Chanson" apollinienne :

« Le langage est une peau: je frotte mon langage contre l’autre. C’est comme si j’avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. L’émoi vient d’un double contact : d’une part, toute une activité de discours vient relever discrètement, indirectement, un signifié unique, qui est « je te désire », et le libère, l’alimente, le ramifie, le fait exploser (le langage jouit de se toucher lui-même) ; d’autre part, j’enroule l’autre dans mes mots, je le caresse, je le frôle, j’entretiens ce frôlage, je me dépense à faire durer le commentaire duquel je soumets la relation. »*

 

Avec les vifs remerciements,
d'une Valérianacée


*Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes

la Muse sur Pégase d'Odilon Redon

la Muse sur Pégase d'Odilon Redon
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