Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Toutes les publications (79)

Trier par

Avec Jean ROUCH, chez les Fanti.

12273188900?profile=originalCe petit croquis comme celui en dessous, est extrait de l’une de mes pages consacrées aux pêcheurs Fanti. Avec eux, entre deux croquis ou aquarelles, j’ai ramené les filets sur la plage et poussé les pirogues sur le sable…

Mais la quête du petit objet que j’étais venu chercher ici, si elle m’a permis la découverte d’un peuple noble et courageux, m’a surtout apporté la chance d’une rencontre qui allait changer le cours de mon carnet en me révélant la route à la fois merveilleuse et initiatique sur laquelle j’étais sans même le savoir.

12273189269?profile=original

Je vous en reparlerai plus tard, mais avec le soleil qui se couche chaque soir dans une magnificence d’embrasements où l’écume des vagues se mêle au corail du ciel sous le balancement des palmiers, je ne peux m’empêcher de vous amener avec moi voir (ou revoir) ce film magnifique du cinéaste et ethnologue Jean ROUCH « Mammay water ».

Il a su mieux que personne d’autre, nous dévoiler l’âme de ce peuple à travers son sens aigu de la narration dans un récit simple et efficace.

Celui-ci nous plonge dans l’ambiance même où je me trouvais, car depuis l’époque où son film fut réalisé, en 1956, rien sur ces rivages n’a changé : une Afrique authentique et intemporelle, une musique High Life qui est toujours à la mode dans les profondeurs du pays, les jeux de surf des enfants (ces « garçons de l’écume » comme il les appelait, si fiers de nous montrer les morceaux d’écorce de kapokiers sur lesquels ils surfaient), leurs sauts périlleux et autres culbutes sur la plage, sous les remparts des châteaux forts esclavagiste, mémoires silencieuses de très terribles secrets…

Chez les pêcheurs fanti du Ghana, si la pêche est mauvaise, c'est qu'il y a une raison. Au moyen de cérémonies et d'incantations, les pêcheurs du Golfe de Guinée invoquent les génies de la mer. Il faut dire que les villageois ont perdu leur prêtresse, une vielle femme qui incarnait la déesse de la mer et offrait à la communauté la protection des génies. On assiste aux funérailles, on accompagne le cortège funèbre...

Si dans le film nulle pirogue ne prend la mer jusqu’au festival du Roi de Chama, j’ai vu les pêcheurs, entièrement habillés de rouge (couleur de deuil dans ces communautés), remonter sur les pirogues en honorant l’un des leurs qui s’était noyé.

Dans le documentaire de Jean ROUCH, le roi à l’ombre de son parasol est transporté dans sa chaise à porteur, au son d’une fanfare endiablée à l’occasion du festival. On passe devant le fort esclavagiste d’Elmina en allant vers l’embouchure du fleuve Kra où au moyen d’offrandes, de cérémonies et d'incantations, on s’adresse aux génies de la mer…

- Que va-t-il se passer ?

Vous pouvez remarquer que j'ai donné aux images que j'ai prises sur place (en fond visuel derrière moi en introduction vidéo avant le visionnage du film) l'aspect suranné des premiers documents couleur tournés par les prédécesseurs de Jean ROUCH : c'est pour mieux vous faire partager l'impression de "remontée du temps" que j'ai ressentie en arrivant, et rester en conformité avec l'esprit qui se dégage du documentaire du cinéaste.

À présent, deux photos souvenir de mon passage parmi les pêcheurs Fanti, dans celle-ci, je suis à la manœuvre pour tirer les filets, il fallait bien qu'avant chaque séance d'aquarelle je donne un coup de main, c'était plus facile ensuite, d'être accepté...

12273188694?profile=original

Dans celle-là, vous voyez ce que je fais, les croquis du début de ce billet en font partie  :

12273189670?profile=original

Lire la suite...

Le caractère essentiel de la littérature espagnole, comme de toute la culture et de tout le génie de l'Espagne, comme du tempérament des Espagnols, est la singularité. De cette singularité les Espagnols ont conscience et ils lui donnent, d'emblée, une raison géographique: ils se sentent situés au bout de l'Europe. Un de leurs aphorismes favoris est que l'Europe commence aux Pyrénées.

À cette raison se joint une raison historique: huit siècles de coexistence arabo-judéo-chrétienne. Ce fait marque l'histoire de la Péninsule à son début et déjà la distingue très fortement de l'histoire politique et culturelle des autres nations romanes. Cette coexistence a été dramatique, agitée d'événements sanglants. Elle a été aussi, à divers moments et dans diverses régions et villes, pacifique, florissante, féconde. Elle ne pouvait manquer d'influer sur les caractères ethniques des Espagnes, leurs folklores, leurs moeurs, leurs noms de personnes et de lieux, enfin leur esprit et, par conséquent, leur littérature. La prise de Grenade (1492) achevant la Reconquête, l'expulsion des juifs et des morisques, les procès de l' Inquisition ne sont point parvenus à laisser à l'Espagne son intégrale «pureté de sang». Les mélanges sont demeurés vivaces dans la population, jusque chez ses plus illustres figures, celles-là mêmes qui, comme sainte Thérèse, ont revêtu un caractère de symbole populaire et national. Mais le sémitisme se manifeste dans l'esprit même de la littérature considérée comme l'expression la plus significative de la spécificité espagnole. Ainsi Américo Castro signale-t-il comme une des plus saillantes manifestations du génie sémitique l'apparition, dans la littérature espagnole bien avant les autres littératures, de l'autobiographie. Ce genre du récit d'une vie fait par celui qui l'a vécue, et la philosophie que ce genre implique, à savoir une affirmation de la personne dans son originalité, son énergie vitale, son destin, sont propres à la littérature espagnole dès ses origines. Cette affirmation de la personne humaine est celle de sa dignité, mais au-delà des morales reçues; elle peut être réfractaire, asociale, antisociale, anarchique. Le Poème du Cid en est un exemple. Les Lusiades, chef-d'oeuvre national du Portugal (lequel Portugal est partie intégrante de l'Hispanie et participe de son originalité historique et spirituelle), n'est pas un poème épique comparable aux productions du genre qui, sous ce nom, était alors cultivé en Europe: il est le récit d'une aventure vécue. L'un des chefs-d'oeuvre de sainte Thérèse est l'histoire de sa vie. Enfin, la littérature picaresque raconte aussi des vies, raconte des aventures, et beaucoup de ces récits débutent par le mot Yo.

Des conditions particulières ont donc contribué à la création de genres et de structures littéraires propres. Des traces de ce particularisme continuent d'apparaître dans la littérature après la Reconquête, après la victoire et l'établissement des Rois Catholiques, c'est-à-dire à partir du moment où l'on peut parler d'une réalité de l'Espagne en tant qu'État et que nation. Elle entre alors dans l'histoire politique de l'Europe, partant dans son histoire culturelle. Il peut sembler que le développement de sa littérature suive le même cours que celui des autres littératures européennes. Certains phénomènes capitaux de l'histoire littéraire de l'Europe, préciosité, baroquisme, romantisme, se retrouvent dans divers chapitres de l'histoire littéraire espagnole. Mais, en dépit de ces échanges et de ces apparents parallélismes, l'Espagne, fondamentalement, garde quelque chose d'irréductiblement extra-européen.

Pourtant, à l'époque du Siècle d'or, son empire s'étend sur une partie de l'Europe: en fait, il est tout entier de l'autre côté de l'Océan. Encore une fois la géographie, qui détourne vers l'Occident la prodigieuse vitalité des peuples hispaniques, a joué. Une des plus grandes oeuvres de l'humanité s'est accomplie alors: la découverte et la conquête du Nouveau Monde. Et une réalité extraordinaire se manifeste: la puissance expansive de la langue et du génie espagnols. Il en naîtra des littératures nouvelles.

Ce phénomène confirme la singularité de l'esprit créateur espagnol et la fatalité extra-européenne de sa littérature. Celle-ci poursuit désormais une part de son action dans des territoires hier inconnus et entre dans des développements temporels distincts de ceux que nous, Européens, connaissons et sommes appelés à connaître. Certes, les guerres d'indépendance ont détruit l'empire espagnol des Amériques, mais les vingt républiques issues de cette révolution ont gardé la langue et la culture que trois siècles de colonisation y avaient implantées. À leur tour, toutes sortes de conditions américaines réagissent sur cette culture et sur sa langue. Par conséquent, la littérature de langue espagnole vit un avenir auquel coopèrent des facteurs étrangers à l'Espagne même, et où, néanmoins, celle-ci peut reconnaître tels ou tels traits qui viennent d'elle.

Une analogue combinaison de traditions reçues et de virtualités absolument différenciées apparaît dans le parallélisme signalé plus haut, entre les développements de la littérature espagnole et ceux des littératures européennes. Des facteurs exclusivement propres à l'Espagne donnent à la version espagnole des phénomènes européens une coloration toute spéciale. C'est ici le lieu d'insister sur une observation très importante: l'Espagne n'a pas connu la Réforme. Par là encore elle a échappé à l'Europe. Mais les chocs de la Réforme ont eu des effets en Espagne; ne serait-ce que la Contre-Réforme, ainsi que certains phénomènes spirituels et culturels qui doivent être considérés comme des conséquences indirectes de la Réforme. Ces phénomènes ont eu de remarquables prolongements et tels aspects de la renaissance universitaire qui a commencé un peu avant le mouvement de 1898, et le mouvement de 1898 lui-même, surtout sous ses espèces unamuniennes, ne sont pas autre chose que des manifestations retardées et nostalgiques de protestantisme.

Bref, même lorsque l'Espagne semble s'accorder à des réalités européennes, il y a en elle de l'hétérogène, et comme une confrontation de ces réalités avec les siennes, obsédantes, et dont elle ne peut s'abstraire. Elle mesure toujours l'universel à l'aune de son propre problème, lequel reparaît à tous les jalons de son histoire, même quand celle-ci est glorieuse et triomphante. Dans l'un de ces moments-là, Quevedo a su que l'Espagne était détestée à cause de sa grande puissance et l'a déploré. Et dès le XIXe siècle, l'Espagne ne cesse, à propos de tout et de rien, de s'interroger sur le «problème national». Le problème national continue de se mêler à tous les problèmes, fussent-ils ceux de la spéculation la plus libre et désintéressée.

Un des plus remarquables paradoxes de l'histoire de l'Espagne, c'est que cette hégémonie formidable qu'elle a exercée sur le monde a coïncidé avec sa décadence. La domination des mers et les éblouissants afflux d'or n'ont pas aidé l'Espagne à entrer dans le mécanisme du capitalisme alors créé par d'autres nations, et en particulier par l'exécré protestantisme du Nord. Une disposition prédominante de l'homo hispanicus fournirait un éclaircissement à cet échec: l'homo hispanicus met son point d'honneur dans des entreprises sans aucune finalité pratique. Autrement dit, sa disposition principale est pour l'héroïsme et s'avérera d'autant plus forte que la fin poursuivie est démesurée et absurde. Ce trait se retrouve souvent dans l'histoire, la pensée et la littérature de l'Espagne. De là une impuissance à créer des lois, des institutions, des régimes qui assureraient une durée aux prodigieux élans de ce peuple. Une impuissance à accéder à l'histoire et à s'y installer. Par suite de cette impuissance, le problème national est constant, l'Espagne demeure problématique. Et cette problématique occupe et anime toute la littérature espagnole.

Américo Castro et d'autres savants qui poursuivent l'étude des origines arabo-judéo-chrétiennes de la Péninsule tendent évidemment à imaginer une solution humaniste du problème national et à dessiner une Espagne capable de participer efficacement à une oeuvre de civilisation universelle. En ce sens, on se préoccupe de faire valoir les moments où l'Espagne, dans sa quête d'elle-même, s'est trouvée en accord avec des réalités de caractère universel et a accompli un acte historique capable de la transformer dans ses structures politiques, sociales et morales et de fonder une organisation possible. En revanche, d'autres maîtres de l'enquête espagnole situent le départ historique de l'Espagne dans la Reconquête. Par conséquent dans une résistance de son essence, de sa casticité, de son identité à elle-même, identité reconnue, définie, revendiquée et qui, conforme à ses origines wisigothiques et féodales, conforme à sa «pureté» congénitale, ne peut être fondée que sur la foi, ne peut être que religieuse, cléricale, guerrière, centralisatrice et, finalement, assez proche de ce qu'on a appelé España Negra, l'Espagne noire.

Mais où que l'on s'arrête dans cette dialectique, on se trouve en présence d'une même réalité: le peuple. Toutes ces impulsions contradictoires de l'Espagne, les unes tournées vers une révolution à réaliser, les autres vers un repli sur soi, ont pour lieu la conscience populaire. C'est là que cela se passe, là que se situent les raisons de la création littéraire, fussent-elles d'un raffinement et d'un artifice extrêmes, non à la cour ou dans les salons. Cette vérité éclate dans toute la littérature espagnole, d'où l'accent, la saveur de celle-ci, sans doute aussi son abondance, sa prolixité, son désordre. D'autres fois, elle se résume dans une superbe brièveté gnomique: cela aussi est populaire. Le rapport qu'exprime la littérature soit entre l'homme et la réalité, soit entre l'homme et le plus exalté des mondes imaginaires, est toujours un rapport populaire, c'est-à-dire tel que le peuple veut l'entendre et l'exprimer selon ses propres structures mentales. C'est en ces rapports mêmes que consiste la création littéraire. Toute l'histoire littéraire de l'Espagne n'est constituée que de ces rapports. C'est pourquoi on n'y trouve point d'oeuvre dogmatique instituant une doctrine idéologique ou en découlant.

 

 

1. Le Moyen Âge

 

Premiers monuments

 

On laissera de côté les diverses manifestations culturelles qui marquent l'avance des royaumes chrétiens à partir des Pyrénées cantabriques ainsi que celles des Arabes et des Juifs pour saluer les premiers monuments de la langue castillane et d'abord, parmi les oeuvres épiques, le Poème du Cid (milieu du XIIe siècle), contant les pérégrinations de ce chef de bande, tout à tour allié d'autorités chrétiennes ou arabes, occupé de sa famille, menant avec autant de réalisme ses affaires ménagères, politiques et guerrières.

Autre source primitive où se reconnaît une même moralité proprement castillane, d'expression lente, rugueuse, tout à fait concrète, voire terre à terre: les récits de vies de saints, de miracles de la Vierge et de martyres de Berceo, prêtre né à la fin du XIIe siècle. Enfin les maximes, contes et apologues ou exemples du Comte Lucanor de l'infant don Juan Manuel (1282-1348) font entrevoir ce que pouvait être le domaine culturel d'un prince castillan, neveu du roi Alphonse le Savant, pourvu de connaissances arabes et orientales, de riches ressources de langage et ayant le goût de moraliser sur des expériences vécues. Un didactisme plus marqué encore dans l'âpreté et doublé de résonances bibliques désolées se fait entendre dans les couplets des Proverbes du rabbi Dom Sem Tob. Mais la grande figure de cette époque, chez qui cet esprit d'observation et de réflexion brille dans toute sa richesse est Juan Ruiz, archiprêtre de Hita, auteur du Livre de bon amour.

Avec l'archiprêtre de Hita, la langue poétique castillane poursuit cette démarche grave, mesurée, qui était le pas du Poème du Cid et de Berceo. Ceci, chez quelqu'un qui, plus que ces rudes primitifs, a pu développer son observation et son expérience, ne va pas sans une ironie dont il est assez difficile, d'ailleurs, de déterminer l'intention et la portée. En fait, on n'est point arrivé à démêler si l'archiprêtre est un satirique ou un cynique. Sa dévotion est grande et a de très beaux accents de candeur. Mais sa connaissance des malices et des péchés de la vie est profonde et il se pourrait qu'il en tirât une sagesse voisine du détachement. Bref, on constate chez lui une ambiguïté qu'on retrouvera chez bien d'autres illustres auteurs espagnols, à commencer par Cervantès.

On ajoutera encore à l'importance de l'archiprêtre en signalant qu'avec son truculent personnage de l'entremetteuse Trotaconventos, ancêtre de la Célestine et de tant de duègnes, il inaugure l'un des principaux motifs du réalisme picaresque.

 

Le XVe siècle

 

Du règne de Jean II à celui des Rois Catholiques, tous les genres se forment. La poésie reprend les rythmes des chansons populaires ou tourne à une savante rhétorique. Aux recueils des cancioneros s'ajoutent ceux des romances, lesquels formeront le Romancero. L'origine de ces merveilleuses pièces octosyllabiques a été beaucoup discutée: les plus anciennes sont peut-être des éclats arrachés à de vieilles chansons de geste. Ces romances reprennent les fameuses histoires héroïques et chevaleresques de l'Espagne, en particulier, sous une forme plus romanesque et légendaire, celle du Cid. Ils créent ainsi diverses imageries populaires, dont l'une des plus séduisantes est le Romancero mauresque. Plus tard, les plus illustres poètes se plairont à écrire des romances. Ainsi s'accroîtra ce trésor familier, national, oeuvre collective s'il en fut. Et l'une des choses que les romantiques français, à juste titre, ont le plus admirées et aimées.

La prose s'assouplit et s'enrichit avec des productions en tous genres, chroniques, romans. Le roman de chevalerie surgit avec des Amadis portugais, antérieurs à la première édition de l'Amadis de Gaule que l'on connaisse et qui est de 1508. À la fin du siècle, le théâtre commence aussi sa carrière avec les petits dialogues pastoraux de Juan del Encina.

Mais de toute cette époque, deux chefs-d'oeuvre sont à mettre au premier rang. D'abord les Coplas, écrites par un brillant et héroïque gentilhomme, Jorge Manrique (1440-1478), sur la mort de son père. Ce poème, très savamment rythmé, qui, tout du long, sonne comme un glas, a mérité d'être souvent comparé à la Ballade des dames du temps jadis; il en diffère et peut-être le dépasse par l'ampleur de sa mise en scène, par la calme, fière et forte ordonnance finale: entrée de la mort, son discours, la réponse du mourant.

L'autre chef-d'oeuvre est la Tragi-comédie de Calixte et Mélibée, célèbre sous le nom de La Célestine (plus ancienne édition connue: Burgos, 1499). On a été frappé d'y voir un prototype de Roméo et Juliette; de toute façon, la comparaison s'impose entre la puissance dramatique qui l'anime et celle de Shakespeare. Le souffle, le ton, l'autorité sont analogues. Mais l'ouvrage espagnol est en prose. Une prose d'une dureté implacable, péremptoire jusqu'à la brutalité, âpre jusqu'au sarcasme, à la mesure des événements qu'elle rapporte, des caractères et des passions qu'elle dépeint. Ici encore, comme dans les Coplas, le funèbre l'emporte sur tout autre élément de beauté, et le drame conclut son fatal mécanisme sur une déploration liturgique d'une accablante grandeur.

 

 

2. Le Siècle d'or

 

L'humanisme

 

L'Espagne a reçu le souffle novateur de la Renaissance et certaines répercussions de la Réforme, à laquelle elle a résisté. Cela a produit un humanisme espagnol, principalement alimenté par des rapports étroits avec l'Italie. Les historiens, et particulièrement Marcel Bataillon, ont approfondi l'étude de ce vaste remuement de liberté et d'érudition qu'on a en partie résumé sous le nom d'érasmisme. L'influence d'Érasme et de son esprit y joua en effet un rôle décisif. On peut symboliser cet humanisme, entre autres figures importantes, dans celle de Juan Luis Vives, qui enseigna à Paris, Louvain, Bruges et Oxford. L'Espagne, comme alors toute l'Europe, a connu la pensée libre. Elle a eu aussi ses hétérodoxes, esprits religieux en quête, par la critique comme par l'inspiration, de nouvelles voies religieuses. On atteint là l'origine de tout un courant protestataire en même temps qu'avide de civilisation universelle et qui demeurera longtemps sous-jacent aux constructions de la foi et de la monarchie.

Celles-ci, à partir de Charles Quint et de Philippe II jusqu'à la venue du dernier Philippe, français celui-là, de la race des Bourbons, dominent le monde et l'étonnent par leur puissance, par leur impériale étendue, mais aussi par la civilisation qui les accompagne et dont l'éclat est aussi vif dans le domaine de la peinture, de la sculpture et des monuments que dans celui des lettres. Que les Espagnols aient pris conscience de la situation de leur collectivité apparaît dans le développement de traités politiques et d'importants ouvrages d'histoire, intéressants d'abord parce qu'ils montrent le degré d'excellence, de nombre et de clarté auquel est parvenue la prose espagnole, mais aussi parce que s'y manifestent une liberté de réflexion et un souci du droit qui portent encore la marque de l'oeuvre du père Mariana, jésuite, dont le traité, De Rege, sur les origines et les limites du pouvoir royal fut brûlé à Paris, après l'assassinat de Henri IV.

 

La poésie et le conceptisme

 

L'italianisme a introduit en Espagne -malgré la résistance de la vieille muse rustique -des mètres nouveaux, des genres nouveaux, et particulièrement le sonnet. Il s'est formé en Europe toute une esthétique du sonnet, provenant de la tradition pétrarquisante et s'inspirant d'un merveilleux spiritualisme érotique. Cette sorte de composition, aussi parfaite dans son architecture typographique que dans son mécanisme rationnel et rhétorique, offrait aux poètes des chances illimitées de résumer une prise de position lyrique, morale, religieuse, philosophique, etc. Les plus fortes personnalités de la littérature du Siècle d'or ont pratiqué le sonnet, mettant dans ce rigoureux exercice le plus intime, le plus secret d'elles-mêmes et y subtilisant non seulement sur leurs passions amoureuses, mais sur leurs élans religieux, sur l'amertume de leurs méditations quant aux choses du monde, ses vicissitudes, ses succès, ses désastres, quant à leur déclin personnel, quant à la mort.

L'influence italienne s'est manifestée d'abord dans les diverses pièces poétiques de Boscen (1490-1542), puis dans le lyrisme harmonieux, délicieux, virgilien de Garcilaso de la Vega, gentilhomme favorisé de tous les dons, naissance, vaillance, génie, tué à trente-trois ans au siège de Fréjus (1536).

Ce lyrisme musical renouvellera ses accents, atteindra à l'ineffable dans la poésie mélodique, éperdument éprise de nature et de délectable paix, de fray Luis de León (1527-1591), lui aussi tout nourri d'Antiquité. Lope de Vega, dont l'oeuvre lyrique est immense, emploiera aussi la poésie à une réflexion sur les incertitudes de sa fortune personnelle et à l'expression de ses plus ardentes ferveurs religieuses. Mais ce qui domine chez lui, c'est le ton populaire; sa puissance l'emporte sur les recherches savantes. Celles-ci, en poésie, et principalement dans le sonnet, se développent dans la seconde partie du Siècle d'or, à mesure que l'on s'enfonce dans les splendides torsions du baroque, du cultisme et du conceptisme.

Voici, parmi tant de définitions du conceptisme, celle de l'un de ses maîtres et doctrinaires, Baltasar Gracián, dans son traité de l'Art des pointes et du bel esprit (Agudeza y arte de ingenio): «Le concept est un acte de l'entendement qui exprime la correspondance qui se trouve entre deux objets.» Le conceptisme est donc un art de la métaphore, mais poussé à de tels imprévisibles extrêmes et employé de façon si constante et totalisante qu'il produit une image de l'univers prodigieuse et animée de significations infinies. Elle est assez analogue aux correspondances de l'univers baudelairien.

Luis de Góngora (1561-1627) a chanté sur le ton populaire avec un immense bonheur; le même bonheur triomphe dans son oeuvre savante et difficile. C'est un artiste d'une éblouissante virtuosité. La flexibilité et la richesse de la langue espagnole l'ont servi en ce sens. Du côté hermétique de son oeuvre, ses sonnets, son Polyphème (Fábula de Polifemo y Galatea), ses Solitudes composent un fastueux cosmos absolument matériel, physique, mais qui, par sa volonté d'artifice, dequintessenciation conceptiste, peut apparaître comme une métaphysique, et l'une des plus sublimes, qu'ait jamais conçues le génie poétique. Dans un sonnet comme l'Inscription pour le sépulcre du Greco se proclame cette foi en la toute-puissance de l'esprit qu'on peut retrouver dans une tradition allant de Vigny à Poe et à Baudelaire, à Mallarmé et à Valéry.

On vient d'évoquer le jésuite Baltasar Gracián (1601-1658). Impossible de séparer ce maître de toute prose de Góngora, maître de toute poésie. De même que l'esthétique de celui-ci implique une métaphysique, celle de Gracián implique une éthique. «Combien singulier je te désire!» dit-il au lecteur, en préface à son traité du Héros. Ses autres traités et son vaste roman philosophique du Criticón ont instauré une morale de l'action personnelle et de la désillusion totale dont se sont réclamés Schopenhauer (qui traduisit l'Oráculo manual) et Nietzsche. Morale aussi hautaine en son esprit qu'en sa forme, laquelle est à la fois concise et compliquée, somptueuse, fulgurante, tordue comme une ferronnerie et d'un sombre et magnifique éclat.

C'est dans ce même climat de fierté et de solitude que l'on doit situer Francisco de Quevedo (1580-1645), aussi curieux de savoir encyclopédique que d'aventures politiques. Il connut la plus grande fortune et les plus affreuses chutes et mourut dans la mélancolie. Ses Songes, ses poésies burlesques et satiriques sont le sommet de la poésie baroque, tour à tour extravagante, injurieuse, très recherchée dans le subtil comme dans le grossier et le caricatural. Il a écrit sur tout, politique et histoire, et cela dans une prose brève, fulgurante, avec des vues très profondes qui rejoignent Gracián et, par lui, Machiavel. Ses sonnets résument, à la cime du lyrisme conceptiste, toute une âpre expérience humaine.

À considérer des incarnations de la grandeur humaine telles que Góngora, Gracián et Quevedo et la forme d'art véritablement suprême par ceux-ci produite, on comprend que les Espagnols se soient si souvent réclamés du stoïcisme. Sénèque n'était-il pas andalou?

 

Le roman picaresque

 

L'archiprêtre et La Célestine préludent à ce nouveau genre littéraire, d'un schéma rigoureux, dont le modèle est fourni par le Lazarillo de Tormes (premières éditions connues: 1554). L'un des chefs-d'oeuvre en est le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán, dont le succès en Espagne et à l'étranger, surtout en Angleterre, fut énorme. Un autre, le Buscón de Quevedo, sans doute le plus outrancier, celui qui va le plus loin dans la force du style et dans le cynisme, la bouffonnerie, la cruauté, tout cela qu'on appelle aujourd'hui l'humour noir. Entre également dans ce genre toute une part, et non la moins prestigieuse, de l'oeuvre de Cervantès, dont quelques-unes de ses Nouvelles exemplaires et, parmi elles, l'incomparable Rinconete et Cortadillo.

La fièvre de l'aventure transocéanique accumule dans la mirifique cité portuaire de Séville, mais aussi dans d'autres capitales, toute une pègre qui a ses lois, ses moeurs et son argot. Sa morale aussi, à savoir une volonté de puissance qui peut se réduire à une simple volonté de subsistance, mais à tout risque et à tout prix. Le réalisme des romans picaresques est le plus sérieux, sinon le plus délectable des réalismes parce que non seulement peinture objective, mais aussi engagement du lecteur dans une nécessité dramatique, voire tragique. Il s'agit de vivre, et la vie ne peut être rien d'autre qu'une aventure, et l'aventure ne peut être rien d'autre que le fait des coquins.

 

Cervantès

 

Cette vérité, Miguel de Cervantès Saavedra (1547-1616) l'a connue par l'épreuve et l'a méditée en tous sens et avec toutes ses contradictions. Il l'a connue par l'épreuve en la vivant, tour à tour soldat, héros, captif en Alger, littérateur raté, employé besogneux, accablé de charges et de tracas. Quant à la vie imaginaire, celle des fascinants romans de chevalerie, miroirs des exploits que, dans un âge révolu, on aurait pu accomplir pour en tirer gloire, il y faut à jamais renoncer. Il faut se défaire des fantasmagories et, si l'on a l'âme sublime, ce qui est le cas de Cervantès, se retraire dans une amère et souriante sagesse, et réserver les ressources de charité que l'on peut garder aux sites, aux choses, aux bêtes, aux êtres humains, au fidèle Sancho. Car on est entré dans les temps modernes, ceux des grands États politiques et de la force. Une dialectique aussi comique que mélancolique s'impose, celle du Don Quichotte, une des dernières oeuvres de ce génie tardif et qui n'a pu éclater -mais avec quelle puissance, puisqu'il s'agit du plus fameux et peut-être du plus beau livre de toutes les littératures! -qu'au bout d'une expérience.

Les Nouvelles exemplaires paraissent également au crépuscule de cette généreuse et triste carrière. Elles sont de la même encre que Don Quichotte, c'est-à-dire de cette sorte de perfection noble et familière, éloquente et concrète, merveilleusement ironique, qui est le style de l'un des écrivains les plus doués qui aient jamais été, pour dire le vrai de l'homme et de la vie. On est avec Cervantès à l'un de ces moments où la pensée la plus forte s'exprime dans le langage le plus fort, où le génie, sans qu'on ait à chercher ni comment ni pourquoi, s'est fait évidence.

 

Le théâtre

 

Le théâtre espagnol est un phénomène qui, par son abondance, tient du monstrueux. Sa prosodie, essentiellement coulante, orale, propre à s'étendre de la naïveté à l'éloquence, a sans doute facilité cette étourdissante production. Ce théâtre a beaucoup gardé en lui du caractère familier de sa période primitive. Les actes et les sentiments y apparaissent sous leur forme élémentaire. Le thème de don Juan qui, dans toute l'Europe, prendra des formes si diverses, autorisant des interprétations aussi variées que profondes, le voici sous sa première figure, celle du Burlador de Tirso de Molina (1571-1658). Dès ses premières répliques, il présente le problème dans son expression la plus brutalement primaire: «Qu'est-ce? -Eh! que cela peut-il être? Un homme et une femme.» Toute une histoire grosse du plus bel avenir philosophique débute par ce coup de tonnerre. Cette schématisation persiste dans tout le théâtre espagnol, même dans ses comédies de cape et d'épée, de galanteries, d'intrigues, de méprises, d'inextricables complications.

Ainsi apparaît Lope de Vega (1562-1635), personnage hors mesure, tout à fait typique de l'âge baroque, avec sa prodigieuse capacité d'excès en aventures, amours, fécondité littéraire, désordres et sainteté. C'est un génie national parce que populaire, exprimant l'honneur du village, du pueblo, contre l'injustice féodale, accordant son inspiration dramatique et poétique à la fraîche chanson de la rue et des champs et aux sentiments du peuple, à sa bonne et simple dévotion religieuse, à son indépendance, à sa fierté, à son naturel.

Son successeur dans la gloire, Calderón de la Barca (1600-1681), avec ses pièces comme avec ses autos sacramentales, qui sont des représentations liturgiques et théologiques, relève du conceptisme. Aussi sa vigueur dramatique aboutit-elle à tout instant à un lyrisme systématique d'une scintillante beauté. C'est un philosophe, et son plus célèbre drame, La vie est un songe, met en scène le thème de Hamlet et celui de Don Quichotte sur l'ambiguïté du rêve et de la réalité, ce thème fameux de l'ironie et du doute qui éclate dans le monde en ce moment critique entre le Moyen Âge et la raison moderne. Les monologues de Sigismond, le héros de La vie est un songe, sont à compter parmi les pages les plus illustres de la poésie universelle.

 

La mystique

 

Dans cet immense domaine, qui est aussi caractéristique de l'Espagne que celui du réalisme picaresque, sinon du réalisme tout court, on retrouve d'abord fray Luis de León, maître platonisant, voire hébraïsant, plein de sagesse et de rayonnante humanité, auteur, outre ses poésies, de traités comme Les Noms du Christ (1583), d'une prose transparente à l'image d'un cour digne de savoir retrouver Dieu dans toute sa création et toutes ses créatures.

C'est là aussi le pouvoir dont était douée sainte Thérèse d'Ávila (1515-1582), femme profondément attachée à la nature et à l'action, véritablement maternelle et dont le peuple espagnol a fait l'image de la Mère. Dans une prose directe, touchante, effusive, concrète elle raconte avec une égale puissance de communication l'histoire de sa vie, de ses luttes pour sa réforme et ses fondations carmélitaines, de ses rapports humains, de ses itinéraires à travers les demeures de l'âme jusqu'aux extrêmes transports de l'amour divin. Elle est une des plus grandes et chères figures de l'histoire et de la vie du peuple espagnol et un écrivain admirable: ses poésies, à la cime de la passion mystique, et d'une si forte et véridique expression humaine, sont de la même exceptionnelle qualité que sa prose.

Saint Jean de la Croix (1542-1591) fut son frère et comme son disciple dans l'oeuvre réformatrice et spirituelle. Ses commentaires en prose, s'ils ont, sur une expérience mystique, la force d'exposé de ceux de sainte Thérèse, fournissent en outre une méthode et démontrent chez leur auteur un très subtil esprit d'analyse et de système. Mais cet esprit ne gêne en rien le génie expressif du docteur extatique: dans ses poèmes du Cantique spirituel et de la Montée du mont Carmel, il a produit une forme de la beauté poétique où, par le plus sublime mystère, il semble impossible de distinguer les divers éléments -musique verbale, images bibliques et images inventées, signification réelle des termes et leur signification spirituelle -qui concourent au poème. Saint Jean de la Croix est une des plus hautes figures et de la mystique et de la poésie universelles.

 

 

3. Le siècle des Lumières et le XIXe siècle

 

Le siècle des Lumières

 

La prose académique et oratoire se développe pendant le XVIIIe siècle, mais aussi la prose critique. Les travaux de Jean Sarrailh ont révélé l'importance de cette Espagne des Lumières sous le règne du despote éclairé CharlesIII et l'oeuvre de maints écrivains, réformateurs, hommes d'État, inspirés par les encyclopédistes français et les économistes anglais. Une des figures les plus représentatives de ce mouvement est l'écrivain et homme d'État Jovellanos (1744-1811).

L'esprit d'insidieuse malice perce partout, dans les écrits du padre Isla, jésuite, et du padre Feijoó, bénédictin, au théâtre, en poésie, dans toutes sortes d'ouvrages, «à la française». Bon nombre des écrivains de ce temps seront des afrancesados, comme Goya le fut. Enfin, la mode est aux scènes de la rue, aux fêtes populaires, aux corridas. Cela se manifeste avec vivacité dans les saynètes de Ramón de la Cruz.

 

Le romantisme

 

Le romantisme est également une période où les influences et les échanges semblent mêler l'Espagne aux courants européens. Ainsi y a-t-il du byronisme dans le lyrisme passionné d'Espronceda (1808-1842). Ainsi y a-t-il du ton des ballades des romantiques européens dans les poèmes légendaires de José Zorrilla (1817-1893). Mais ils sont aussi de saveur espagnole et le Don Juan Tenorio, comme un rite national, est joué dans tout le pays, au jour des Morts.

Il faut attendre un peu plus tard pour avoir en Gustavo Adolfo Bécquer (1836-1870) le type même du poète romantique mort jeune et dont les accents amoureux demeurent à jamais dans toutes les mémoires. Son oeuvre poétique, à côté de quelques écrits en prose, dont les Légendes, ne tient que dans un mince recueil de très courts poèmes, souvent d'une ou deux strophes seulement, et qui porte le titre modeste de Rimes. La comparaison avec Heine s'impose: ce sont vraiment des lieder qui, comme ceux du poète allemand, racontent, sur un ton tour à tour mélancolique, rêveur, désespéré, sarcastique, tendre, passionné, une histoire d'amour. La prosodie est libre, donc savante et comme s'adaptant à la musique sur laquelle on pourrait faire chanter ces vers, et qui est la musique du coeur. Mais nous pourrions aussi, puisque Bécquer était andalou, né à Séville, réduire cette musique, en notre oreille intérieure, à quelques accords de guitare.

Cette oeuvre si brève n'en est que plus intense. C'est un concentré de sentiment et de poésie dont ne cesse d'émaner un charme extraordinaire.

Une littérature, dans la suite de certaines tendances du siècle précédent, s'intéresse aux moeurs locales, se soucie de situer la peinture de la vie réelle dans son cadre social et régional: on l'appelle le costumbrismo. Elle recherche moins le pittoresque et la couleur que la vérité. Et la préoccupation du problème national est au fond de cette inquiétude. Ainsi Mariano José de Larra (1809-1837), qui se suicide en pleine jeunesse, a-t-il, dans ses chroniques de la vie sociale espagnole, dit avec ironie et mélancolie le vide de cette vie.

 

Le roman espagnol du XIXe siècle

 

L'existence espagnole est, en effet, vide et vaine, provinciale, sans issue. Les plus généreux efforts de l'esprit libéral et démocratique se heurtent à une monarchie fondamentalement régressive. Des pronunciamientos dont certains, d'ailleurs, sont à tendances libérales, jalonnent, comme autant de secousses sans lendemain, la vie politique. Toutes sortes de problèmes propres à l'Espagne, dus à l'énorme emprise cléricale, à de mauvaises conditions économiques et financières, aux revendications autonomistes de provinces aussi nettement tranchées que la Catalogne et le Pays basque, font que cette vie politique ne trouve pas son équilibre, ne réussit pas à suivre un fructueux développement.

Et cependant des esprits de la plus haute qualité, conscients et inquiets de ces problèmes, font du XIXe siècle espagnol une ère de production littéraire de valeur et significative, abondante en romans. Observer et dire la réalité, c'est aussi la critiquer. Donc celui qui veut comprendre le drame de l'Espagne, ses crises, les inhibitions et les obstacles dont elle souffre, mais aussi ses lucides prises de conscience, ses luttes pour la liberté d'examen, ses volontés d'affranchissement et de progrès, doit lire de près les romans du XIXe siècle, ceux de Pedro Antonio de Alarcón, de Juan Valera, de José Maria de Pereda, de Leopoldo Alas, qui écrivit aussi sous le nom de Clarín (1852-1901), et surtout de Benito Pérez Galdós (1843-1920).

Galdós est le type même du romancier du XIXe siècle, l'égal de Balzac, de Tolstoï, Dostoïevski, Dickens. Il y a le Madrid de Galdós comme il y a le Paris de Balzac et le Londres de Dickens. C'est dire que, comme ses émules, il possède le pouvoir de transformer en grandiose épopée toute la réalité d'une ville, d'une société, d'un siècle, d'un monde. Cette réalité se trouve, par une forme du génie créateur, où se conjuguent l'observation et l'imagination, portée à un état supérieur dont on contemple les mécanismes, les mystères et les plus vivantes et significatives figures.

Citons comme grands parmi les plus grands des romans tels que Le Fruit défendu (Lo Prohibido), ou Miau, ou ce chef-d'oeuvre d'une bouleversante richesse affective: Fortunata et Jacinta. Mais la puissance créatrice de Galdós ne s'arrête pas aux réalités qu'elle a révélées et qui sont de tous les mondes, bourgeoisie de tout gabarit, menu peuple des rues, bas-fonds de la pire misère: elle va au profond de l'âme et une ardente charité emporte cet esprit moderne, très XIXe siècle, anticlérical, ouvert au progrès social, vers des régions de la passion qu'on doit qualifier de religieuses. Ceci se révèle dans les pérégrinations tour à tour sublimes et bouffonnes de Nazarín, ce fou de Dieu, et dans Ángel Guerra, l'un des personnages les plus saillants qu'ait créés la littérature espagnole et dont la pathétique trajectoire va de la révolte anarchiste à cette autre révolte: la sainteté.

Toute une partie de l'oeuvre de Galdós a pris la forme d'un cycle de romans historiques, les Épisodes nationaux (Episodios nacionales). Les événements du règne de Ferdinand, de l'invasion napoléonienne, de la guerre d'Indépendance y sont vus, comme dans les romans historiques d'Erckmann-Chatrian, par des témoins naïfs, engagés dans le drame général comme ils le sont dans les péripéties de leur vie privée. On voit donc reparaître là un thème cher à Galdós et fréquent dans le roman espagnol, celui de la formation d'un jeune homme par l'expérience vécue, thème qui a été développé ailleurs sous les noms d'«éducation sentimentale», d'«apprentissage», de Bildung. Ce thème contribue pour beaucoup au naturel, à la vivacité, à la prodigieuse vérité de ces romans qui sont tout ensemble histoire de l'Espagne et histoire des Espagnols.

 

 

4. La génération de 1898

 

Les précurseurs de l'Espagne moderne

 

La nécessité de retrouver la vérité historique de l'Espagne et de lui donner les meilleures chances de s'accomplir se fait de plus en plus manifeste dans les consciences. La volonté de réforme qui, continuellement, est le sel de la vie souterraine de l'Espagne, s'incarne dans la grande figure de Joaquín Costa, promoteur d'une politique hydraulique, historien des origines espagnoles du socialisme avec son Collectivisme agraire en Espagne (1898), et dans les initiateurs d'une grande rénovation universitaire: Sanz del Río et surtout Francisco Giner de los Ríos (1839-1915), fondateur de l'Institution libre d'enseignement. Cette rénovation pédagogique s'élargissait à toute une rénovation morale et politique. Un singulier concours de circonstances a fait qu'elle se réclamait d'un obscur philosophe néo-kantien, Krause, et a pris le nom de krausisme. Il faut toujours un nom à ce que l'on sent être une hérésie. En effet, ce qui se manifestait là, c'était toute la tendance hétérodoxe, protestante, démocratique, universaliste que l'on devine sous l'histoire spirituelle et sociale de l'Espagne.

Le traditionalisme, déjà illustré au XIXe siècle par le penseur catholique Balmes, ne poursuivait pas moins son action à l'Université, par exemple avec l'oeuvre magistrale d'un admirable érudit, un véritable humaniste, Marcelino Menéndez y Pelayo (1856-1912). L'élan est donné, et une volonté de libération transforme le monde des sciences, développe l'érudition dans tous les domaines, pousse vers la recherche des sources spirituelles de l'Espagne, restitue ses valeurs, découvre, avec Manuel B. Cossio, le Greco, fomente le cervantisme ainsi que, avec Menéndez Pidal, les études historiques et philologiques.

Ángel Ganivet (1862-1898), personnalité de la plus péremptoire originalité, donne, avec son bref Idearium espagnol, une lumineuse somme des caractères philosophiques et moraux de l'Espagne. Il est un des premiers à s'enquérir de ce que peut bien être la réalité désignée sous le nom d'Espagne et à s'efforcer de la définir. Son roman Les Travaux de l'infatigable créateur Pío Cid est en fait une enquête analogue, menée, à l'instar de Don Quichotte, comme un départ vers une entreprise, comme une pérégrination, comme une suite de rencontres et d'expériences. Livre animé de cet arbitraire, de ce caprice abrupt qui est le trait principal des Espagnols et va de pair avec leur généreuse richesse morale. Livre admirable, le plus grand peut-être, avec Don Quichotte et certains romans de Galdós, de toute la littérature espagnole.

 

Nouveaux maîtres à penser

 

Ganivet était l'ami de Miguel de Unamuno (1864-1936), le maître de la génération de 1898 et l'une des figures capitales de l'Espagne, devenue légende à cause de sa carrière passionnée de lutteur, sa gloire de recteur de l'université de Salamanque, son exil sous Primo de Rivera, son retour triomphal à l'avènement de la république, sa mort solitaire lors de l'entrée des franquistes à Salamanque. Ayant découvert avec enthousiasme la parenté de sa pensée avec celle de Kierkegaard, il peut et doit apparaître comme le penseur existentiel par excellence. Il a véritablement et de tout son être vécu sa pensée avec ses innombrables essais, dont le fameux Sentiment tragique de la vie (1914), ses poèmes, ses romans, ses articles, sa correspondance, ses propos, toute sa personne.

1898 est la date du désastre colonial, date qui marque la fin d'un empire qui n'était plus qu'un songe, le retrait définitif de l'Espagne sur elle-même. D'où la nécessité d'une méditation à laquelle Unamuno donne sa forme la plus pathétique. Toute une génération de brillants génies apparaît avec lui: Azorín, subtil, exquis, minutieux révélateur des pueblos de Castille et de la route de don Quichotte; Pío Baroja, romancier de l'aventure et peut-être du final néant de l'aventure, et dont la prose, à cet effet, est merveilleusement prompte, sèche, désinvolte, impertinente; Ramón del Valle Inclán, artiste baroque, d'une langue fastueuse; enfin et surtout le poète Antonio Machado (1875-1939).

Poète difficile à analyser, impossible à traduire. Sa solitude, son pouvoir de concentration sentimentale et philosophique le confinent dans une temporalité où le souvenir vécu se transmue en souvenir rêvé. D'où la force de charme incantatoire et mélancolique de sa poésie. Ce poète bouleversant s'est doublé d'un philosophe profond. Lui aussi est entré dans la légende populaire de l'Espagne à cause de son immense bonté, de son rayonnement moral, de sa fidélité au peuple qui l'entraîna, dans le flot de l'armée républicaine en déroute, à Collioure, où il mourut de fatigue et de douleur et où il est enterré.

C'est le lieu d'indiquer que la poésie espagnole avait commencé de se rénover sous l'impulsion du Nicaraguayen Rubén Darío (1867-1916), qui vécut à Paris où il reçut l'influence du symbolisme français et surtout de Verlaine, qu'il combina avec sa sensibilité indienne pour créer un lyrisme d'une tonalité musicale tout à fait inouïe en espagnol. Il est le père de toute la poésie américaine, comme il est l'apôtre et le prophète de la latinité contre l'impérialisme yankee.

Dans ce riche complexe, la poésie espagnole a puisé une vie nouvelle. Une grande liberté lui est désormais offerte, qui se sent chez les poètes de 1898, puis dans l'effusive multiplicité d'images, l'environnement cosmique de Juan Ramón Jiménez (1881-1958).

Avec celui-ci, une nouvelle génération apparaît, qui comprend le romancier, d'un si puissant et profond humour, Ramón Pérez de Ayala, le philosophe et esthéticien Eugenio d'Ors, d'un style aussi précieux que les délicieux méandres de sa subtile pensée; Gabriel Miró, savoureux poète en prose de la côte levantine; Ramón Gomez de la Serna, célèbre par son imagination d'une fécondité effrénée, qui bouleverse toutes les données de l'univers, le réanime en combinaisons disparates jusqu'à l'absurde, le réinvente tel qu'auraient pu le vouloir les plus romanesques et passionnés désir secrets du surréalisme, mais à sa façon à lui, Ramón, selon les conditions et le décor de la rue madrilène. Enfin, la jeunesse a ses maîtres dans une Université digne d'être comparée aux plus savantes et actives des deux continents. Parmi eux se détache la figure souveraine du philosophe José Ortega y Gasset, esprit universel en même temps que très profondément castillan, fondateur et directeur de la Revista de Occidente.

 

La génération de la république

 

Le journalisme, le centre intellectuel de l'Ateneo, que domine l'autorité d'hommes tels que Manuel Azaña, sont en pleine effervescence. Tout est prêt pour une nouvelle vague d'écrivains et de poètes. Ce seront: le paradoxal catholique José Bergamín; Pedro Salinas, poète de l'intimité, humaniste d'esprit ouvert et ingénieux, le critique et professeur Damaso Alonso; trois poètes dont l'exceptionnelle qualité mérite un rang à part: Rafael Alberti, doué au plus angélique degré de la grâce andalouse; Jorge Guillén, scrupuleux, difficile, passionnément épris de pureté, avide de manifester l'évidence de l'univers, sa présence, son présent; Federico García Lorca, dont l'exécution à Grenade, sa patrie, par les troupes franquistes, fera une figure symbolique de l'éternelle condition tragique de l'Espagne, et qui fut un poète d'une force d'invention, d'inspiration, de charme perpétuellement jaillissante. Ce lyrisme a pu également revêtir la forme dramatique: le pathétique des pièces de Lorca atteint dans les profondeurs du spectateur les grandes énigmes du sexe et de la mort.

Cette brillante cohorte de poètes, parmi lesquels on n'aurait garde d'oublier Vicente Aleixandre, Luis Cernuda, Juan Larrea, a connu l'allègre printemps de la république du 14avril 1931, aboutissement d'un long mûrissement. Puis le coup d'État de Franco. Il s'en est suivi la dispersion dans l'exil de toute l'intelligentsia et, en métropole, un brutal arrêt de toute activité littéraire et scientifique. Celle-ci, s'accommodant des conditions et malgré un certain malaise, a fini par reprendre et par produire, en poésie comme en prose, et aussi dans le domaine de la recherche et de l'essai philosophique, des oeuvres qui témoignent de l'inaltérable vitalité du génie espagnol.

 

 

5. Tendances contemporaines

 

Les années noires (1939-1959)

 

La guerre civile et l'instauration du régime franquiste bouleversent totalement les données de la création artistique en Espagne. La mort de Lorca et d'autres écrivains, comme Miguel Hernández, l'exil de beaucoup d'autres (Rafael Alberti, Ramón Sender, etc.) signifient la rupture de la continuité littéraire. Par ailleurs, le régime met en place un système de censure très répressif, et impose à tous les secteurs de la culture une orientation conforme à l'idéologie du parti unique, la Phalange. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'une des premières caractéristiques de la vie littéraire espagnole après la guerre civile soit la remise à l'honneur des écrivains du passé. Ainsi, lorsqu'après quelques années de silence la création poétique semble reprendre, c'est autour d'une revue fondée par le pouvoir et dont le nom, Garcilaso, indique assez la tendance résolument néo-classique. Ses collaborateurs, comme José García Nieto ou Dionisio Ridruejo, pratiquent une poésie intemporelle dont la sérénité est sans rapport avec le climat tendu qui règne dans le pays. Un mot clef, escapismo (fuite devant les réalités, refus de l'engagement), servira plus tard dans les débats autour de la littérature pour caractériser cette attitude qu'on retrouve tout particulièrement dans le théâtre où ce sont les gloires finissantes du début du siècle (Jacinto Benavente, Eduardo Marquina, les frères Quintero) qui tiennent le plus souvent le haut de l'affiche au titre de la modernité. Ces vieux dramaturges, ainsi que des auteurs plus jeunes comme Alfonso Paso, Juan Ignacio Luca de Tena ou Edgar Neville, fournissent un théâtre de distraction, très conventionnel, et d'autant plus inoffensif que le public auquel il s'adresse est de toute façon restreint à la bourgeoisie aisée de Madrid et de Barcelone.

C'est du côté du roman que se manifestent très tôt les signes d'une ouverture possible. Non que la production romanesque ne soit envahie, dans la logique des choses, par des imitations du roman réaliste du XIXe siècle, comme en témoignent les oeuvres de Juan Antonio Zunzunegui et Ignacio Agustí. Mais l'évolution récente des techniques narratives, et en particulier le néo-réalisme pratiqué depuis plusieurs années par des écrivains nord-américains (Steinbeck, Hemingway, Caldwell, etc.), apporte aux romanciers espagnols une échappatoire partielle. Le récit néo-réaliste, qui peut se limiter à la description de lieux ou de comportements et à la transcription de dialogues, permet de rendre compte de la réalité dans ses aspects les plus négatifs sans pour autant se référer à un système de valeurs explicitement formulé. Il y a donc là un moyen d'éviter la censure, très bien exploité par Camilo José Cela (La Familia de Pascual Duarte [La Famille de Pascual Duarte], 1942) et surtout par Rafael Sánchez Ferlosio (El Jarama, [Les Eaux du Jarama], 1956). En même temps, le néo-réalisme littéraire apparaît comme l'expression idéale de la tendance existentialiste sous-jacente dans nombre de romans espagnols de cette époque-là. Il ne s'agit certes pas d'une attitude construite à la manière de Sartre ou de Mounier, mais plutôt d'un existentialisme embryonnaire servant de position obligée face à une situation invivable. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, on sait à Madrid mieux encore qu'à Saint-Germain-des-Prés ce que sont les pressions d'une contingence aveugle, la faillite des systèmes idéologiques, le sentiment de l'absurde et l'angoisse existentielle. Ce n'est pas par hasard si le premier roman de l'après-guerre à obtenir quelque succès fut, en 1944, Nada (Néant) de Carmen Laforêt, et si les titres des meilleurs récits de cette période évoquent une société déshumanisée: La Ruche (La Colmena, 1951) de C.J. Cela; La Noria (1952) de Luis Romero, Le Cirque (El Circo, 1957) de Juan Goytisolo ou Les Fourmis aveugles (Las Ciegas hormigas, 1960) de Ramiro Pinilla. Quant au héros romanesque (là encore le modèle néo-réaliste américain est tout proche), il est le plus souvent, à l'image de Pascual Duarte, un être réduit à ses instincts.

Ce désarroi de la société espagnole, de ses intellectuels et de ses artistes, trouvera sa première expression poétique dans Hijos de la ira (Enfants de la colère, 1944) de Dámaso Alonso. À ce moment-là, la poésie semble sortir de l'impasse néo-classique, d'une manière quelque peu désordonnée avec les surréalistes du mouvement postista mené par Carlos Edmundo de Ory, avec plus de profondeur chez les poètes de la revue Espadaña, notamment Eugenio de Nora (España, pasión de vida, [Espagne, passion de vie   ], 1953). En revanche, le changement est plus difficile dans le domaine de la création dramatique. Si Antonio Buero Vallejo suscite un instant, avec Historia de una escalera  (Histoire d'un escalier, 1949), l'espoir d'un théâtre plus responsable, il lui arrive cependant ce qui arrive à tous les écrivains qui acceptent de composer avec le régime pour pouvoir continuer à s'exprimer    : il dépasse difficilement le niveau de la critique purement morale. Quant à Alfonso Sastre (La Mordaza, [Le Bâillon ], 1954; El Pan de todos, [Le Pain de tous], 1957, etc.), qui est le seul à mener une réflexion approfondie sur le théâtre, son refus radical du compromis le condamne à n'avoir qu'une audience restreinte.

Pourtant, le régime franquiste évolue. La défaite des puissance de l'Axe l'a obligé à abandonner ses tendances fascisantes pour aller peu à peu vers un libéralisme doctrinaire facilitant le rapprochement avec les États-Unis. Quoique modérée, cette évolution a des conséquences favorables pour la création littéraire. En particulier, il va être désormais possible pour les romanciers de dépasser le néo-réalisme de coloration existentialiste et de pratiquer un réalisme de plus en plus explicitement critique, encore que toujours contenu par une censure vigilante. C'est le cas de Carmen Martín Gaite (Entre visillos, [Entre les persiennes], 1957) ou de Ignacio Aldecoa (Gran Sol   , [Grand Soleil], 1957). Et même s'il est encore impossible de se référer ouvertement à une quelconque idéologie de type marxiste, on voit cependant apparaître de purs produits de ce réalisme socialiste dont La Mina (La Mine, 1959) de Armando López Salinas constitue probablement l'archétype. La poésie, elle aussi, devient «sociale» sous l'impulsion de Blas de Otero (Ángel fieramente humano    , [Ange sauvagement humain    ], 1950 ; Pido la paz y la palabra    , [Je demande la paix et la parole], 1955, etc.) et de Gabriel Celaya (Las Cartas boca arriba, [Les Cartes sur table], 1951). Cette attitude clairement engagée, on la retrouvera au théâtre, encore que très minoritairement, par exemple chez A. Sastre ou Lauro Olmo (La Camisa, [La Chemise], 1962).

Le bilan de ces deux premières décennies de l'époque franquiste est incontestablement négatif. Quand la création littéraire n'est pas complètement étouffée, elle doit, à travers un roman de tendance documentaire ou une poésie de combat, se substituer pour l'information et la polémique à une presse inexistante: détournée de son rôle, elle y perd sa qualité.

 

Modernité et postmodernité

 

1959 constitue une date charnière dans l'histoire de la littérature espagnole contemporaine. Sous la pression d'événements essentiellement économiques, l'Espagne est obligée d'ouvrir ses frontières à l'émigration et au tourisme. Même si la société franquiste garde ses structures autoritaires, elle ne peut plus empêcher la circulation des idées d'une manière aussi radicale qu'auparavant. Des brèches commencent à s'ouvrir dans lesquelles s'engouffre aussitôt un psychiatre passionné de littérature, Luis Martín Santos, avec un roman au titre (encore) symbolique, Tiempo de silencio (Les Demeures du silence, 1962), bilan sarcastique et tonitruant de vingt années de franquisme. Dans un panorama littéraire assez terne sur le plan formel, ce roman représente aussi une petite révolution technique, et c'est probablement encore aujourd'hui ce que la littérature espagnole contemporaine aura produit de meilleur. Juan Goytisolo emboîte le pas de Martín Santos avec Señas de identidad   (Pièces d'identité  , 1966). D'autres écrivains surgissent qui semblent annoncer un renouveau de la création romanesque en Espagne: Juan Marsé (Últimas Tardes con Teresa [Dernières Soirées avec Teresa], 1965); Juan Benet (Volverás a Región [Tu reviendras à Région], 1967). Débarrassés d'une conception étroite de l'engagement, ouverts aux formes d'expression nouvelles, ils pratiquent un roman plus authentique et plus personnel. De la même manière, le théâtre espagnol commence enfin à découvrir les révolutions dramaturgiques qui se sont produites dans d'autres pays et auxquelles il est resté jusque-là imperméable. Le phénomène, il est vrai, ne se manifeste guère que chez José Martín Recuerda (Las Arrecogías de Santa María Egipciaca  [Les Recluses de Santa Maria Egipciaca], 1970) et surtout chez un dramaturge qui, exilé par le franquisme, a dû faire sa carrière en France et aux États-Unis: Fernando Arrabal. Son théâtre, d'abord symbolique et surréaliste (El Cementerio de automóviles  [Le Cimetière des voitures], 1957), puis «panique» (El Arquitecto y el Emperador de Asiria   [L'Architecte et l'Empereur d'Assyrie], 1966), puise dans des influences aussi diverses que Valle Inclán, Antonin Artaud, Bertolt Brecht ou Samuel Beckett. Quant à la poésie, elle semble éclater en une multitude de tendances qui vont de la réapparition des «anciens», comme le Prix Nobel Vicente Aleixandre (Poemas de la consumación [Poèmes de l'accomplissement], 1968), jusqu'aux expérimentations d'un Guillermo Carnero ou d'un Vázquez Montalbán, en passant par la poésie «éthique» à la manière de Félix Grande.

Au début des années soixante-dix, on a le sentiment que les conditions sont réunies désormais pour que la littérature puisse à nouveau s'épanouir   : le développement économique de la décennie précédente a contribué à moderniser la société espagnole, la censure s'est considérablement assouplie et va disparaître à la mort du général Franco (1975), et l'Espagne est maintenant ouverte à toutes les influences culturelles. Pour la littérature de l'exil, c'est bien sûr trop tard   : lorsque les Espagnols découvrent ou redécouvrent les récits de Ramón Sender, la poésie de Luis Cernuda ou de Rafael Alberti, ou le théâtre d'Arrabal, il y a un certain décalage entre ce qu'ils attendaient de ces écrivains et ce que ceux-ci leur apportent. Mais on espère beaucoup des générations plus jeunes.

Or c'est un fait que la création littéraire, libérée de contraintes spécifiquement espagnoles, subit alors les conséquences d'une évolution qui touche les modes de production culturelle des sociétés évoluées. En Espagne comme ailleurs, la culture est désormais un objet de consommation, et ce phénomène de commercialisation ignore, bien entendu, les frontières. C'est ainsi que la colonisation du roman de langue espagnole par les Hispano-Américains, amorcée dans les années soixante, est maintenant relayée par l'irruption dans les librairies espagnoles d'une création littéraire internationale. Ce mouvement, certes, favorise les nouveaux auteurs péninsulaires dont les oeuvres sont désormais largement diffusées hors d'Espagne   : Vázquez Montalbán (Les Mers du Sud, 1979; Meurtre au comité central, 1981; La Rose d'Alexandrie, 1984), Eduardo Mendoza (La Vérité sur le cas Savolta, 1975; La Ville des prodiges, 1982), Javier Tomeo (Monstre aimé, 1985), entre autres. Mais la concurrence des écrivains étrangers, soutenus par une promotion médiatique sans précédent, est rude. Par ailleurs, la progression du niveau de vie des Espagnols, quoique spectaculaire, ne suffit pas à donner à ce renouveau littéraire la base économique nécessaire, et le niveau culturel de la population, encore faible, ne permet pas la formation d'un public assez large pour soutenir la création nationale. Enfin, l'Espagne vit dans sa culture la crise d'identité qui la traverse sur le plan politique : alors que se développent depuis quelques années des littératures régionales (catalane, basque, galicienne), comment une littérature espagnole qui est en fait castillane pourrait-elle continuer à connaître l'épanouissement que le centralisme politique lui a assuré pendant des siècles?

Des écrivains déjà connus n'en poursuivent pas moins une honorable carrière marquée par un réel effort de renouvellement   : Juan Marsé (Si te dicen que caí [Adieu la vie, adieu l'amour], 1976), Juan Goytisolo (Juan sin tierra    [Juan sans terre], 1975; Makbara, 1980), Miguel Delibes (Los Santos Inocentes    [Les Saints Innocents], 1981), ainsi que C.   J. Cela (Prix Nobel de littérature en 1989), Gonzalo Torrente Ballester, Juan Benet, Carmen Martín Gaite... Dans les années quatre-vingt se confirme l'apparition d'une véritable relève, avec (outre les noms cités plus haut) Antonio Múñoz Molina (Beatus ille    , 1986), Javier Marías (El Hombre sentimental [L'Homme sentimental], 1986), Julio Llamazares (La Lluvia amarilla    [La Pluie jaune], 1988), Esther Tusquets, Juan José Millás, José María Guelbenzu, Adelaida García Morales, pour le roman    ; Blanca Andreu, Jaime Siles, Luis Antonio de Villena, et bien d'autres, pour la poésie. En revanche, la création dramatique stagne.

Quelque vingt ans après le retour de l'Espagne à la démocratie, on ne peut dresser, en fin de compte, qu'un bilan mitigé, dû en grande partie à la difficulté pour la critique d'identifier des courants, de déterminer des tendances. C'est sans doute que l'Espagne, culturellement fragile, s'est laissé, plus que d'autres pays, rattraper par cette postmodernité dont on trouvera l'expression peut-être la plus pure chez le cinéaste Pedro Almodóvar et dans ce qui gravite autour de ce qu'on appelé la «movida». Ce sont en tout cas les traits dominants du phénomène postmoderne (individualisme, scepticisme, ironie, parodie) qui pourraient à la rigueur caractériser la littérature espagnole la plus actuelle.

Lire la suite...

La grâce suffisante

Mon âme s'exaltant contemple le soleil.
L'astre figé, feu blanc, crée l'émerveillement.
La neige resplendit sous son rayonnement.
Face à l'immense ciel, je demeure en éveil.

Des dessins au fusain apparaissent partout.
Je flotte en un état d'agréable liesse.
La magie naturelle engendre la tendresse.
L'enivrante beauté rend les peintres jaloux.

Lors, je pense aux efforts que font certains artistes,
Travailleurs appliqués, souvent talentueux.
Ils rêvent de pouvoir capter le merveilleux.
Le découragement maintes fois les attriste.

Que soit donnée la grâce active et suffisante
À ceux exerçant l'art d'oeuvrer dans le sublime.
Doit être transcendé ce que le sort abime.
La beauté même simple est toujours apaisante.

17 janvier 2013

Lire la suite...

Nous voici déjà sur la route convoitée...

Cette fois c'est bon, on y est presque !

12273196870?profile=original

Plus que par des images, c’est par des atmosphères, des sons, et des ambiances particulières que je vous invite à la découverte exotique de ce voyage en faisant suivre ici le dernier billet intégral de mon journal personnel.

-  Les aquarelles, les croquis ?

Je vous en reparlerai plus tard. Tout juste aujourd'hui, une simple aquarelle, témoignage d’un rivage battu par l’écume avec le paysage qui se fond dans une brume chaude et humide, et un petit montage que j'avais déjà publié ici…

C’est un premier contact essentiellement sensitif que je partage : celui qui m’a plongé dans l’univers très particulier de ce carnet de voyage. Une rencontre avec la force des symboles, la puissance de la vie, et le mystère des transmutations.

Aussi, c’est par une approche différente de l’image que je vous propose cette découverte : auditive avec ce billet, tant pis pour ceux qui ne prendront pas le temps d’écouter !

D'ailleurs, Internet ne pourrait-il être autre chose qu’une consommation effrénée d’images et de pseudo messages qui défilent à toute vitesse sans qu’on ait le temps de fermer les yeux et de s’immerger dans un rêve qui soit l’espace d’un instant la réalité transcendée, une réalité qui arrête le temps ? - Peut-il aussi être outil de rêve et de sublimation, pourvu qu’on s’en donne la peine ?

Faites une attentive parenthèse dans votre vie de seulement une minute dix secondes, là, maintenant, pour vous en tendant l’oreille et en écoutant, pour moi en vous proposant un enregistrement que je me suis donné la peine d’aller chercher là-bas, et dont je vous explique l’auditive perception.

Car les enregistrements et dessins que j’ai réalisés sur place, je voulais qu’ils soient plus forts que des images, qu’ils nous touchent autrement, avec la puissance de l’intériorité, du rêve et de l’imagination.

Je vous explique : d’abord, on entend au loin, mélangé au bruit de l’océan, des hommes qui halent des filets sur la plage. Les premiers sont dans l’eau presque jusqu’à la taille, ils se donnent du courage en scandant à la voix leur halage. On entend régulièrement un bruit de tambour. Ensuite, je me tourne vers le large : de gigantesques vagues viennent s’écraser sur le sable dans des nuages d’écume. On ne voit pas bien net, car une épaisse brume de chaleur, lourde et humide, donne à toute chose un aspect magique et irréel, tandis que de grandes pirogues monoxyles franchissent les rouleaux en s’éloignant vers le large. Enfin, je me tourne vers l’autre côté de la plage où l’on devine des paillotes sous de hauts palmiers qui se balancent dans le vent. Avec des cris d’enfants qui jouent, qui nous parviennent parfois distinctement…

Allez, fermez les yeux et écoutez, vous verrez, ce n’est pas évident, mais quand « on y entre », c’est envoûtant :

Maintenant, je vous dis où nous sommes : dans le Golfe de Guinée sur les rivages du peuple Fanti au Ghana. C’est une autre Afrique, différente de celle que nous connaissons, autre que celle des savanes, des grandes forêts, des animaux sauvages, loin des drames que nous savons, qui sont pourtant si proches à quelques dizaines de minutes d’avion.

Avant, nous sommes passés par Accra, ses rues animées et ses incroyables marchés. Nous avons pris la route. Une route qui va nous réserver d’étonnantes surprises, mais nous ne le savons pas encore. Pour l’instant, nous découvrons le rivage mythique de la Côte de l’or, comme si nous entrions dans les pages surannées du Tour du monde de Monsieur Édouard Charton…

Voici à présent d’autres sonorités qui traduisent bien l'impression que vous donne la population d'ici, sa jovialité, son enthousiasme, sa spontanéité : là, j'ai pour vous, une pépite musicale !

Il s'agit d'un morceau joué par la troupe "Maa Amanua And Suku" dans les années 70 (musique toujours d'actualité que l’on entend de-ci, de-là, sur les routes, dans les villages, sur les marchés).

Elle illustre parfaitement la musique populaire dite "Ga Cultural Highlife", des airs et sonorités influencés par la musique Ga (région d'Accra), s'inscrivant dans la droite ligne de la musique traditionnelle de la côte ghanéenne. Chants de marins, de travail, repris dans la musique populaire et à placer dans la tradition musicale Akan. Si elle est aussi unique et  fascinante c'est parce que le rythme highlife nous emporte directement dans son univers tout en nous paraissant familier, même si nous n'en comprenons ni les mots ni le sens.

L'atmosphère très joyeuse créée par le mélange des différents instruments est assez universelle. Le rythme est natif parce qu'il est profondément enraciné dans la culture musicale ghanéenne faite de joyeuse spontanéité.

À l'exception d'une guitare amplifiée, jouée dans le style "finger fingering" de cette région d'Afrique, les instruments sont indigènes, avec des flûtes en bambou "atenteben" et beaucoup de percussions locales traditionnelles incluant les tambours géants "gombe" dont j'ai dessiné un exemplaire page 38 de mon carnet de voyage, c'est eux qui fournissent une percussion ronde et profonde.

Je ne sais si comme moi vous tomberez sous le charme de ces sonorités, mais je les trouve tout simplement merveilleuses, parce qu'elle sont l'expression même de la vie.

Dans le prochain billet, je vous emmènerai au cinéma voir un magnifique film de Jean Rouch qui vous plongera dans la vie quotidienne des pêcheurs du peuple fanti comme si vous étiez venus avec moi, car depuis Jean Rouch, presque rien ici, n’a changé…

Lire la suite...

Que feraient de nous ?



Ceux qui badinent tôt dès l'aube le matin,

Ne connaissent pas la lourdeur de la peine,
Ni celle de la kyrielle de ces chagrins
Qui forgent l'âme des bravoures humaines ?

Ceux dont les amours faciles tombés du ciel,
Tristes pluies illusoires d'éternité,
Affichent la ridicule sérénité
Qui les pense mener au " Père éternel " ?

Ce " Père ", que beaucoup, dans l'indifférence,
Cloîtrés en leurs murs légués par la fortune,
Prient, en remerciant le ciel par avance
De ses grâces n'étant au fond qu'opportunes.

Que feraient de nous les avides du pouvoir,
Qui dorment sur la gloire de doux oreillers,
Papotant inlassablement dans les couloirs,
Terminant leurs jours en admirant leurs lauriers ?

Que feraient de nous de tels sinistres gnomes,
Attelés depuis longtemps à la gouverne,
Effarouchant les pendus à la lanterne,
S'ils devaient conduire l'avenir des hommes ?

Que feraient ils de nous, ceux qui se disent grands,
Nous qui pataugeons dans cet espoir infime,
A voir émerger les doux rêves sublimes
Que nous bâtissions lorsque nous étions enfants ?

Lire la suite...

FEMMES... 3 CHANSONS

LA VIEILLE POUPEE (2006)

 

Elle dormait dans une boîte

Bien à l’abri loin des enfants

Avec sa petite main droite

Qu’elle a perdu en s’élevant

 

Elle a cru oublier son âge

Mais dans sa tête c’était cassé

Ses mots sont partis en voyage

Vers l’avenir ou le passé

 

La vieille poupée sur l’étagère

Est là qui dort est là qui dort

Elle est couverte de poussière

Où est son corps où est son corps

 

Elle est devenue quelque part

Une amazone une fille de rien

Une qui vous laisse des regards

Et vous la suivez pauvres chiens

 

Elle a peut-être simplement

Changé de nom changé d’adresse

Dévorée par le sentiment

Qu’il ne reste plus de tendresse

 

Plus de tendresse à l’horizon

Même chez tous ces chevaliers

Qui lui font perdre la raison

Mais lui gardent les poings liés

 

Quand la petite fille arrive

Et prend le jouet dans ses bras

Elle aperçoit sur l’autre rive

Quelqu’un qui lui parle tout bas

 

La vieille poupée sur l’étagère

C’est moi qui dors c’est moi qui dors

Sous mon vêtement la poussière

Se change en or se change en or

 

La vieille poupée sur l’étagère

N’avait pas tort n’avait pas tort

La belle petite grand-mère

En rit encore en rit encore !

IL LES VEUT TOUTES (2010)

La brune / Qui l'éclabousse

La rousse / Qui mange des prunes

La blonde / Dès le matin

Châtain / La toute ronde

La joie / En aparté

Beauté / Donne l'émoi

La nuit / Couvrant le coeur

Douceur / Pleure d'ennui

Toutes toutes il les veut toutes !

La main / Disant peut-être

Fenêtre / Ongles carmin

Saison / Remplie de fleurs

Couleurs / En sa maison

La lune / Qui le repousse

La mousse / Prête à la brune

La ronde / Qui tourne en vain

La fin / De ce vieux monde

Toutes toutes il les veut toutes !

La verte / Plus rien ne bouge

La rouge / Déjà ouverte

La blanche / Fièvre du soir

La noire / Son corps étanche

La libre / Ouvre la gueule

La seule / Envie de vivre

La perle / Se met en boule

La foule / Mais où sont-elles ?

Toutes toutes il les veut toutes !

MES GESTES SONT ECRITS (2004)

 

                      Je pose dès le matin

                   Mes lèvres endolories

                   Sur un désir mal éteint,

                   Et les couleurs endormies

                  

                   Sont ravivées, printanières :

                   Personne ne les a salies.

                   Comme toutes les rivières,

                   Tu quittes parfois ton lit. 

 

                   Tu arrives, c’est une fleur !

                   Pour mes sens, c’est une vie

                   Sans pareille. J’ai dans le coeur

                   Une flèche, un beau défi. 

 

                   Nouveau pour mon âme en fête,

                   Est-elle grande, est-il petit,

                   Est-il fort, est-elle fluette ?

                   Je ne lui ai jamais dit   

 

                   Il faut réchauffer le temps

                   Quand il a froid, c’est ainsi.
                   Il est passé, je l’attends.
                   Je le vois encore transi.   

                  

                   Alors je garde la main

                   De la saison qui s’enfuit.
                   De son corps lourd de chagrin,

                   Je prends des mots je construis  

 

                   Une maison de langage

                   Où le ciel n’est plus tout gris.
                   Je fais soleil, je m’engage,

                   Car mes gestes sont écrits,       

 

                   Une maison de langage

                   Où le ciel n’est plus tout gris.
                   Je fais soleil ! je m’engage,

                   Car tes gestes sont mes cris 

ANNE DAVID    

      

Lire la suite...

J'aime écouter Clément Marot

À Nicole Duvivier

Clément Marot me fait sourire,
Révélant sa légèreté,
Son amour de la liberté,
Son humour gai ou satirique,
...
«Sur mes deux bras ont main posée
Et m'ont mené ainsi qu'une épousée»
...
«Lorsque Maillard, juge d'enfer, menait
A Montfaucon Semblancay, l'âme rendre,
A votre avis, lequel des deux tenait
Meilleur maintien? Pour vous le faire entendre,
Maillard sembla l'homme que mort va prendre
Et Semblancay fut si ferme vieillard
Que l'on cuidait pour vray qu'il menast pendre
A Montfaucon le lieutenant Maillard.»
...
C'est un remarquable conteur
Il brosse de vivantes scènes
Afin de charmer son mécène
Le roi, généreux pourvoyeur.

J'aime écouter Clément Marot,
Poète du terroir de France.
Je l'accueille dans le silence,
Savoure ses brillants propos.

4 novembre 2016

Lire la suite...

Bonheur de vous retrouver après de longs périples !

12273196095?profile=original

Voilà longtemps que je n'ai donné de nouvelles. Que je n'ai eu le temps d'en prendre aussi de mes amis (es) restés ici, pas plus que de celles et ceux des Arts et Lettres. Pourtant, je ne vous oubliais pas, mais quand on bouge beaucoup, qu'il y a mille choses à faire, le temps est compté, plus encore si on ne peut souvent se connecter...

Eh bien, écoutez cette musique :

Elle vous apporte un indice chaud et ensoleillé sur la nouvelle aventure que je vais partager avec vous.

Voyez dans le montage de cette photo, avec ces essais de couleur qui en dévoilent un petit bout, l’un des plus charmants voyages où je puisse vous emmener en cette fin d’année, au moment où l’Europe va être plongée dans le froid hivernal.

Ce voyage, je vais le partager avec vous pendant quelques jours, et j'espère bien qu'il va vous apporter lumière, chaleur, exotisme et évasion...

Lire la suite...

Deux délicieux poèmes de Voltaire

 
 À monsieur Paul


On pense moins souvent à Voltaire hédoniste, aimant l'amour. Il en fit nombreuses fois l'aveu d'une façon charmante.

Les Vous et les Tu

Philis, qu'est devenu ce temps
Où, dans un fiacre promenée,
Sans laquais, sans ajustements,
De tes grâces seules ornée,
Contente d'un mauvais soupé
Que tu changeais en ambroisie,
Tu te livrais, dans ta folie,
A l'amant heureux et trompé
Qui t'avait consacré sa vie ?
Le ciel ne te donnait alors,
Pour tout rang et pour tous trésors,
Que les agréments de ton âge,
Un coeur tendre, un esprit volage,
Un sein d'albâtre, et de beaux yeux.
Avec tant d'attraits précieux,
Hélas ! qui n'eût été friponne ?
Tu le fus, objet gracieux !
Et (que l'Amour me le pardonne !)
Tu sais que je t'en aimais mieux.

Ah ! madame ! que votre vie
D'honneurs aujourd'hui si remplie,
Diffère de ces doux instants !
Ce large suisse à cheveux blancs,
Qui ment sans cesse à votre porte,
Philis, est l'image du Temps ;
On dirait qu'il chasse l'escorte
Des tendres Amours et des Ris ;
Sous vos magnifiques lambris
Ces enfants tremblent de paraître.
Hélas ! je les ai vus jadis
Entrer chez toi par la fenêtre,
Et se jouer dans ton taudis.

Non, madame, tous ces tapis
Qu'a tissus la Savonnerie,
Ceux que les Persans ont ourdis,
Et toute votre orfèvrerie,
Et ces plats si chers que Germain
A gravés de sa main divine,
Et ces cabinets où Martin
A surpassé l'art de la Chine ;
Vos vases japonais et blancs,
Toutes ces fragiles merveilles ;
Ces deux lustres de diamants
Qui pendent à vos deux oreilles ;
Ces riches carcans, ces colliers,
Et cette pompe enchanteresse,
Ne valent pas un des baisers
Que tu donnais dans ta jeunesse.

À Mme Lullin

Hé quoi ! vous êtes étonnée
Qu'au bout de quatre-vingts hivers,
Ma Muse faible et surannée
Puisse encor fredonner des vers ?

Quelquefois un peu de verdure
Rit sous les glaçons de nos champsVoltaire;
Elle console la nature,
Mais elle sèche en peu de temps.

Un oiseau peut se faire entendre
Après la saison des beaux jours ;
Mais sa voix n'a plus rien de tendre,
Il ne chante plus ses amours.

Ainsi je touche encor ma lyre
Qui n'obéit plus à mes doigts ;
Ainsi j'essaie encor ma voix
Au moment même qu'elle expire.

"Je veux dans mes derniers adieux,
Disait Tibulle à son amante,
Attacher mes yeux sur tes yeux,
Te presser de ma main mourante."

Mais quand on sent qu'on va passer,
Quand l'âme fuit avec la vie,
A-t-on des yeux pour voir Délie,
Et des mains pour la caresser ?

Dans ce moment chacun oublie
Tout ce qu'il a fait en santé.
Quel mortel s'est jamais flatté
D'un rendez-vous à l'agonie ?

Délie elle-même, à son tour,
S'en va dans la nuit éternelle,
En oubliant qu'elle fut belle,
Et qu'elle a vécu pour l'amour.

Nous naissons, nous vivons, bergère,
Nous mourons sans savoir comment ;
Chacun est parti du néant :
Où va-t-il ?... Dieu le sait, ma chère.

Lire la suite...

12273193865?profile=originalVierge à l’Enfant

     Une œuvre m’a frappé par sa monumentalité, mais aussi par sa cohésion, son expressivité, sa sensibilité. Elle est le résultat colossal de Teofan Sokerov, un artiste bulgare inconnu chez nous. Et pourtant… Aussi ai-je voulu en savoir davantage. Mais je dois avouer que l’écriture cyrillique m’échappe complétement et que l’information en français manque cruellement. Qu’il me soit pardonné…
      Teofan Sokerov est né en 1943 à Lovech, une ville tranquille du massif du Balkan qui traverse la Bulgarie. Il a étudié à HXA Université de Sofia et à la National Academy of Art, où il enseigna par la suite. Formation classique, qui pourrait donc le qualifier de peintre issu du sérail, officiel presque, ce qui aux yeux des beaux esprits d’aujourd’hui n’est pas la meilleure carte de visite pour ceux qui prétendent bousculer l’art de leurs concepts ravageurs.
D’ailleurs son œuvre majeure vient d’une commande qui devait lui assurer gloire et notoriété. Une œuvre qui, d’une certaine façon, fut conspuée comme nous le verrons, mais pas suffisamment scandaleuse pour attirer l’œil et le soutien de la critique, le feu des projecteurs.
Il vit aujourd’hui paisiblement au pied des monts du Vitocha, paradis des randonneurs, à un jet de pierre de la capitale. Randonnons donc et poursuivons notre enquête.
      Ces fresques magistrales, puisqu’il s’agit de cela, se trouvent à Veliko Tarnovo, Tarnovgrad, capitale du Second Royaume bulgare de 1185 à 1393, rivale à l’époque de Constantinople sur le plan politique ou de Rome. Plus exactement dans l’enceinte de la forteresse de Carevec, dans l’église patriarcale située au sommet de cette butte qui domine la ville et la rivière Jantra. Le tsarevets, « le lieu des rois », abritait la cour, les boyards et le patriarche, jusqu’à sa prise par les troupes ottomanes en 1393.

12273194069?profile=originalLa citadelle de Carevec
et l’ancienne église patriarcale de la Résurrection du Christ

     L’ensemble patriarcal, avec l’Eglise de la Résurrection, de Carevec fut rénové en 1981, pour le mille-trois-centième anniversaire du Premier Royaume bulgare (681 ==> 1018), qui fut reconnu par le traité signé par le khan Asparux avec l’empereur byzantin Constantin IV Pogonat, le Barbu, s’affranchissant ainsi de la tutelle de Constantinople. Pliska en devint alors la capitale.
Les fresques modernes sont confiées au pinceau de Sokenov afin qu’il déploie l’histoire politique et culturelle de la Bulgarie médiévale. Et cela tombe bien car cet artiste considère que la peinture doit raconter une histoire que le peintre traduit par le cœur et par l’esprit. Mais l’histoire de la Bulgarie est complexe, l’histoire d’un peuple que rien n’a pu plier mais qui s’est souvent perdu et retrouvé. Aussi ne vous en raconterai-je que quelques épisodes, afin d’illustrer mon propos de faits marquants aussi bien que d’anecdotes.
      La commande est importante et brillamment honorée, mais l’église ne sera pas consacrée. En effet l’église orthodoxe considère que l’œuvre est par trop impie. La Vierge est fardée et arbore un décolleté provocateur. Avec un modelé… Une perspective que le patriarcat a toujours récusée, s’en tenant à la stricte planéité de l’icône.
Par ailleurs, les motifs païens y abonderaient, comme ce soleil thrace que l’on ne saurait voir ou cette croix discoïdale de l’hérésie bogomile…


« Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »,

                                                                                                                       Molière

Quoi qu’il en soit, par une sorte d’accord sous seing privé, l’église désaffectée est devenue un musée peu fréquenté, mais gardé par une dame qui s’est mise à chanter en ma présence d’une voix céleste, habitée. Il y a vraiment des moments de grâce.

12273194691?profile=originalVierge à l’Enfant, détail
Choquante ? cette nudité qui lui va comme à Gand
dans une soyeuse peau de Florence…

     Qu’en est-il des vierges allaitantes, des vierges souriantes, des vierges au sensuel déhanché, au subtil modelé comme la Vierge en majesté ou Adam et Eve du retable de L’Agneau mystique de Van Eyck (ca 1395-1441) par exemple ? Et que dire de Masacchio (1401-ca 1428) et d’Adam et Eve chassés du Paradis de la chapelle Brancacci de l’Eglise Santa Maria del Carmine de Florence, ou du même thème héroïquement traité par Michel-Ange (1475-1564) pour la chapelle Sixtine, le saint des saints de l’Eglise romaine ?
Savonarole, l’imprécateur fou de Dieu, accusa Botticelli de peindre la Vierge comme une prostituée. S’en suivi le bûcher des vanités.
Van Eyck qui à Gand, pour la peinture de l’Europe septentrionale, et Masacchio, à Florence pour l’Europe méridionale, ont su rompre avec le style byzantin hiératique et millénaire, préparant l’entrée dans la Renaissance, installant la modernité.
Pourtant la Bulgarie est le berceau de la civilisation européenne, mais n’a peut-être pas encore su élever l’homme dans sa maturité, y compris dans la représentation de sa pure nudité.

12273195467?profile=original

« Qu’est-ce que la sainteté ?
Rien d’autre que la résurrection dans l’homme pêcheur de
l’état d’innocence du premier homme »,
                                                                                         Récits d’un pèlerin russe

12273195500?profile=originalMichel-Ange, Adam et Eve
Chapelle Sixtine, Rome

     Bref, je vous en laisse juger. Quoi qu’il en soit il reçut pour cela les félicitations du pape Jean Paul II. Mais le pape de Rome n’est pas le patriarche de l’Eglise orthodoxe bulgare. Et s’il n’est pas prophète en son pays, Sokerov considère que l’artiste développe un sixième sens. Un visionnaire comme le fut un Breughel l’Ancien et son laboureur continuant à creuser son sillon, quand bien même ce dernier reste indifférent à la chute d’Icare.

12273195097?profile=originalNus d’anges déchus ?
ou nues d’anges de la terre dont
« La chasteté rend aptes à agir en toute chose
comme s’ils n’avaient point de corps,
comme si le Ciel leur était échu »,
                                                                                                   Jean Chrysostome 

                                                                                                               (Saint Jean Bouche d'or)

Il ne m’est pas donné de distinguer le sacré du profane, de ramener la brebis égarée dans de droits dessins. Il suffirait toutefois que Sophia*, la Sagesse divine, l’« éternel féminin », la « transfiguration de la matière » pour Soloviev (1853-1900), permette un rapprochement des différentes écoles spirituelles pour tendre vers la réunification universelle. Sophia, emblème d’Athéna, déesse grecque de la Sagesse, protectrice des Arts et Lettres, d’où dérive le nom actuel de la capitale, et celui de la basilique Sofija, qui fut le siège de l’Eglise orthodoxe bulgare jusqu’à la construction de la cathédrale Alexandre Nevski.

12273196072?profile=original

L’art peut-il « éclairer et transfigurer le monde »
comme le concevait Soloviev ?

A suivre…

Michel Lansardière (texte et photos)

* Le hibou est aussi le symbole de la mort qu’il annonce, du triomphe de la nuit sur le jour. Superstition ! Ce n’est pas mon option. La mienne est plus chouette, non ? (De fait, le peintre a représenté un hibou, reconnaissable à son aigrette, et non la chevêche d’Athéna qui en est dépourvue. « La chouette de Minerve ne prend son envol qu’au crépuscule », Hegel, et protège la cité qui connut tant de temps troublés).

Lire la suite...

12272718065?profile=originalLa vie de Voltaire recouvre tout un siècle, ou peu s'en faut : mieux, l'écrivain se confond avec son temps au point qu'on a parlé dès son vivant du siècle de Voltaire . Plus encore, il semble incarner l'esprit même de la France. A quoi tient cette assimilation, quasi unique dans les lettres françaises ? A l'abondance de son oeuvre ? Il a écrit dans tous les genres jusqu'au dernier souffle ; mais, excepté les Contes , l'affaire Calas et la Correspondance  (en extraits), que lit-on, que sait-on encore de Voltaire ? Le reste appartient aux spécialistes,voire à ces maniaques d'une érudition stérile dont il se moquait si bien. Gloire internationale et rétrécie que la postérité a réduite au jardin de Candide. Gloire paradoxale peu conforme à celle qu'il espérait : poésie de Voltaire, théâtre de Voltaire, placements sûrs à ses yeux comme à ceux de ses contemporains, qu'êtes-vous devenus ? « Le superflu, chose très nécessaire », raillait-il : l'avenir l'a pris au mot. Dans le monument qu'il a laissé, c'est l'accessoire qui a survécu. Gloire déconcertante ; car, enfin, à la différence de Diderot ou de Rousseau, Voltaire n'a rien inventé, surtout pas un système de pensée, lui qui détestait les faiseurs de systèmes, pas même un genre littéraire. Sa poétique est morte et bien morte, balayée par le vent des modernismes. Les valeurs auxquelles il s'agrippait de tout son être tout en feignant de les combattre ne sont-elles pas celles sur lesquelles reposait l'Ancien Régime et que l'histoire allait renverser ? Que reste-t-il donc de lui et pourquoi reste-t-il ? Le besoin de connaître, de comprendre et d'expliquer, un talent exceptionnel de clarification, la « passion de penser tout haut », une soif ardente de justice et de vérité, un zèle inépuisable au service de ses convictions, quitte à répéter mille fois les mêmes idées, suffisent-ils à définir la supériorité du génie ? Voltaire aurait-il régné comme il l'a fait s'il n'avait eu le don supplémentaire de capter l'opinion (eût-il tort ou raison) par le tour plaisant qu'il imprimait à sa pensée, au risque de passer pour un écrivain superficiel, et par un influx dont il avait seul le partage ? Jean-Jacques mis à part, il a exterminé tous ses adversaires. Gloire offensive, par conséquent, mais gloire rassurante, celle d'un être qui n'a cessé de donner le change sur sa vraie nature et de vivre en opposition avec lui-même : associant dans un même élan conservatisme et contestation, à l'image du peuple français qui a d'excellentes raisons de se reconnaître en lui.

Ce « mystique inhibé »

G. Desnoiresterres a raconté la vie de Voltaire (résumée par R. Pomeau) en huit volumes plus que centenaires, dépassés mais non remplacés. Le personnage offre des contrastes permanents. Favorisé par le destin qui le fait naître au coeur de Paris (ou peut-être à Châtenay), dans un milieu aisé et riche de relations, François Marie Arouet manifeste d'emblée une fragilité dont il tirera parti pendant quatre-vingt-quatre ans, toujours mourant et ressuscitant, et en tout domaine passant d'un extrême à l'autre. Ce n'est pas duplicité de sa part, c'est le rythme naturel de son tempérament cyclothymique. Dernier de cinq enfants dont deux disparurent en bas âge, orphelin de mère à sept ans, il souffrit, semble-t-il, dans sa famille d'un isolement et d'une frustration de tendresse qui le marquèrent à jamais. Il dut également éprouver très tôt le sentiment d'un retard à rattraper : d'où ce besoin effréné de se classer le premier à la face de la terre en éliminant toute espèce de concurrence autour de lui, et de se faire remarquer par des incartades répétées. Arouet L.I.  (le jeune) est devenu (par anagramme) Voltaire  : manière de se singulariser tout en soulignant son infériorité natale. Il devait s'inventer par la suite une pléthore d'identités postiches. Une tendance obstinée à se fuir, la constante recherche d'appuis extérieurs (les femmes, les grands, notamment le régent ou Frédéric II), la difficulté à se fixer (il ne fonde pas de foyer et attend d'avoir franchi le cap de la soixantaine pour ne plus habiter chez les autres) signalent une évidente immaturité affective, une insécurité maladive, une incapacité congénitale à être soi au sens où Montaigne et Jean-Jacques l'entendaient. Il allait même jusqu'à se croire bâtard. Incarnation de l'Anti-Narcisse, Voltaire se désintéresse totalement de son moi  : Candide n'a rien à envier sur le plan matériel ; ce qui fait sa misère, c'est qu'il ne peut subsister sans l'aide morale d'autrui. Mais cette quête pathétique bute sur des obstacles répétés dont l'intéressé est le premier responsable : Voltaire a le don de se rendre insupportable partout où il passe. Il a enduré dans sa longue vie un bon nombre d'avanies retentissantes (la bastonnade du chevalier de Rohan et l'humiliation de Francfort sont les plus célèbres) : les torts n'étaient jamais entièrement contre lui.

Émile Faguet l'appelait « un chaos d'idées claires » : formule contestée à juste titre. Il fut plus sûrement un noeud de tendances contrariées. « Mystique inhibé », selon les termes de R. Pomeau, courtisan déçu, poète rentré, coeur frustré, cet écorché vif a trouvé le moyen de se faire prendre pour un insensible par excès de sensibilité, mais d'une sensibilité toute « primaire » et très proche de l'impétuosité. Dans sa sexualité, l'inceste exerce une sorte de barrage : la femme est plus ou moins pour lui une mère protectrice (Mme de Rupelmonde), une soeur (Mme du Châtelet), une fille (Mme Denis), une complice ou une compagne, jamais l'épouse et rarement l'amante. Si ses maîtresses le trompent, il entre en furie et, l'instant d'après, badine : ressentirait-il le cocuage comme une libération ? Cet ennemi des convulsionnaires avait de réelles convulsions. « Mon Dieu, qu'il est bête, lui qui a tant d'esprit ! », s'écriait Mme de Graffigny. Avec une intelligence supérieure, Voltaire accumulait bévues, maladresses, mesquineries insignes. D'un héritage médiocre il a su faire une fortune immense : généreux dans les grandes circonstances, il se montrait ladre dans les petites. Il ne lui fallut pas moins de soixante ans pour atteindre la sagesse : car il y avait en lui un fonds d'ingénuité candide, une âme disposée à croire au meilleur des mondes, à la bonne foi des gens, à l'infaillibilité des vérités qu'on lui avait enseignées, et prise perpétuellement au dépourvu par le démenti des événements, quitte à se défendre par des sarcasmes contre l'injustice du sort pour mieux dissimuler sa déconvenue et se punir de sa faiblesse. Tel fut Voltaire, orphelin prolongé, tels furent ses héros de roman.

Un écrivain tout ensemble classique et moderne

Avec le recul du temps, la carrière de Voltaire donne l'impression d'une réussite incomparable. La réalité fut tout autre. Aux difficultés de la condition d'auteur au XVIIIe siècle Arouet le fils ajoutait les risques occasionnés par son impertinence. Dans le système très coercitif de la monarchie absolue, l'auteur d'Oedipe  et des Lettres philosophiques  incarne d'abord une protestation contre les excès et les abus du pouvoir, une aspiration « bourgeoise » (plus que démocratique) à la liberté individuelle, celle qui permet d'avoir les opinions de son choix et de dire tout haut ce que l'on pense, du moment qu'on n'attente pas à l'ordre public. Frondeur, mais non rebelle, Voltaire n'a pris la figure d'un précurseur hardi qu'en raison du retard intellectuel, politique et religieux accusé par la France à la mort de Louis XIV. Homme d'action, son avance est essentiellement d'ordre pratique.

Ce ne fut pas un génie précoce : du moins, chez lui, le génie tarda-t-il à s'éveiller au sein d'un talent qui avait gagné sans peine les hauteurs. Comme Victor Hugo (on l'a souvent remarqué), Voltaire resta longtemps un élève éminemment doué qui imite ses maîtres, et il n'écrivit ses chefs-d'oeuvre (l'Essai sur les moeurs , Candide ) qu'à un âge très avancé. L'Ingénu  (1767 : l'auteur avait soixante-treize ans) étincelle de jeunesse. L'entrée dans la carrière des lettres mettait ce fils de tabellion en conflit avec les siens (son père et son frère aîné) ; à elle seule, elle avait valeur d'affranchissement. Mais le débutant s'engagea dans les voies les plus traditionnelles de l'art, la tragédie et l'épopée. Le succès d'Oedipe  (1719) n'avait pas de quoi faire rougir M. Arouet père ; le sujet choisi eût pu l'inquiéter, mais Freud n'était pas encore passé par là. Quant à La Henriade  (1723), elle vaut surtout par les obsessions qui s'y reflètent : crainte envers les religions génératrices de fanatisme, haine du prêtre, aspiration à un despotisme tolérant. Car Voltaire ne nie pas le bienfait de l'autorité, pourvu qu'elle sache respecter le droit des personnes.

Voltaire, qui tenait au jansénisme par la fibre paternelle et aux milieux libertins par les amis de sa mère, reçut auprès des jésuites le meilleur des enseignements possibles. Les guerres de Religion, c'est un conflit de famille qu'il n'a jamais assumé complètement : l'arrivée de la Saint-Barthélemy lui donnait la fièvre. Esprit réceptif par excellence, il répercutait tous les rayons que la vie lui adressait : il fut un mondain, mais un mondain tourmenté, beaucoup plus proche de Pascal qu'il ne le croyait, alliant le luxe et l'angoisse comme deux pôles de son être. Des jésuites il eut les qualités et les défauts : un goût précoce pour les affaires du temps, un sens éminent de l'actualité, une souplesse d'adaptation, de l'entregent, du flair, l'attrait pour les cimes de la société, des ressources inépuisables de ruse et de méchanceté dans la controverse, un modernisme intellectuel qu'appuyait sans le contredire un humanisme très respectueux des traditions.

Voltaire entre en littérature par la grande porte. Dans l'univers des formes, il n'invente pas, mais toujours « choisit avec discernement la forme littéraire appropriée » (Pomeau). La littérature, par le jeu qu'elle impliquait, par la discipline qu'elle imposait, fut un havre de salut pour lui : elle mit l'unité dans la diversité de ses humeurs et lui permit de se donner la comédie sous mille postures, en multipliant les déguisements. Étudier ses oeuvres par rubriques ou par genres ne présente qu'un intérêt restreint, à moins de se limiter à des remarques d'ordre technique : il importe davantage d'y repérer des lignes de force et des points de convergence. La hiérarchie des styles, les conventions esthétiques, la distinction de la prose et de la poésie sont pour lui des vérités de foi, et il s'accommode en littérature du dogmatisme dont il fait litière en religion.

Voltaire fut-il pour autant « le dernier des écrivains heureux », selon l'expression de R. Barthes ? Il est de ceux pour lesquels le langage qu'ils utilisent ne fait pas problème parce qu'il n'est rien d'autre qu'un outil mis au service de la pensée. A cet égard, il est antérieur au sensualisme des Lumières et l'on ne s'étonne pas de le voir élever Le Temple du goût  (1733), allégorie qui va beaucoup plus loin que l'apologue narquois qui en porte le titre. Voltaire se défie du génie autant que de l' imagination, puissances sauvages et obscures ; il exerce l'apostolat du goût avec une ferveur pointilleuse sans être aveugle pour autant aux beautés d'un Shakespeare ou d'un Milton (qu'il a contribué à populariser en France). Il rêve d'épurer tous les livres de leurs imperfections, même ceux de Racine et de Boileau, ses dieux. Il y a un Voltaire grammairien, qui ne rougit pas de donner des leçons particulières de syntaxe et de versification à Frédéric II ou de rédiger des Conseils à M. Helvétius sur la manière d'écrire une épître morale . Toutefois, il ne s'abaisse à composer ni un Traité de prosodie française  ni un Cours de belles -lettres , et cela le distingue des abbés d'Olivet et Batteux, ou du brave abbé Trublet qui « compilait, compilait, compilait ».

Car Voltaire fuit le pédantisme comme la peste. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, entre Mme Dacier et Houdar de La Motte, il n'est à vrai dire ni d'un côté ni de l'autre, mais tire habilement son épingle du jeu en raillant les excès contraires. Il se gausse des ridicules d'Homère et se pose néanmoins en admirateur des chefs-d'oeuvre du passé, sans épargner pour autant Fontenelle et La Motte, chefs de file des Modernes. A mesure qu'il vieillit, on sent poindre en lui la réticence de l'ancien à l'égard des novateurs, si dénués de goût pour la plupart ! Le goût de Voltaire n'ignore pas cependant que « le beau est souvent très relatif » : pour un crapaud, la beauté, c'est sa femelle, impression plus sûre que le galimatias des philosophes sur « l'archétype du beau en essence, [le] to kalon  ». Comme Pococuranté, le patriarche de Ferney a connu la tentation du dénigrement absolu ; il a éprouvé la satiété liée à la possession des biens. L'humaniste sur le penchant eut-il conscience que son siècle le débordait ?

A bien des égards, pourtant, cet écrivain toujours heureux d'écrire inaugure un style moderne. La prose portative, enjouée, sans rien qui pose ou qui pèse, a pris naissance avec lui (seul le Pascal des Provinciales  l'avait précédé). Voltaire a beaucoup contribué à rapprocher la littérature de la vie quotidienne, à la mettre au service de l'événement : sa correspondance (dix-huit mille lettres !) en témoigne. Irasci celer  : c'est cette promptitude, ce primesaut de l'esprit qui le rendent inimitable. « Reporter de génie » (Pomeau), il est l'ancêtre de tous les journalistes, dans la mesure où le journalisme peut être élevé à la dignité de genre littéraire. Si le XVIIIe siècle a été un âge d'or de la littérature et de la langue françaises, c'est à Voltaire en grande partie qu'il le doit. Après lui, tout Français qui sait écrire a suivi son enseignement. Seuls les écrivains malheureux, dont la race pullulera toujours, osent lui chicaner ce titre de gloire.

La pensée critique

Praticien des belles-lettres, Voltaire lutte à armes égales avec Jean-Baptiste Rousseau dans le haut lyrisme, avec Gresset dans le style gracieux, avec Piron dans l'épigramme, avec Louis Racine dans le didactisme élevé, avec Crébillon dans la tragédie. Certains domaines lui échappent, ceux où l'originalité esthétique est la plus forte et par conséquent la plus déroutante : Marivaux, l'abbé Prévost lui demeurent étrangers. La satire est sa chasse gardée. On soutiendrait un beau paradoxe en affirmant que le meilleur Voltaire est celui de la poésie et du théâtre. Il faut pourtant rappeler, à moins de sacrifier la réalité aux idées reçues, que la qualité d'une oeuvre ne coïncide pas forcément avec son importance. Voltaire n'aurait jamais acquis une telle hégémonie parmi ses contemporains s'ils n'avaient salué en lui le premier dramaturge et le premier poète du siècle. Ses vers sont de la prose rimée ? Ses tragédies un centon de réminiscences et de clichés ? Point de vue à dépasser : « l'expression d'une pensée qui retentit dans la sensibilité exige le grand poème en alexandrins », dit fort bien Pomeau. Voltaire revient aux vers chaque fois que les circonstances l'exigent, par exemple pour traduire l'émotion que lui  procure le désastre de Lisbonne. S'il écrit Le Pauvre Diable  en décasyllabes sémillants, c'est qu'il a ses raisons : au lecteur avisé de les sentir ! J. Van den Heuvel a étudié récemment Voltaire dans ses Contes  (1967) : c'est fort bien fait, mais n'est-ce pas aller au plus facile ? Qu'attend-on pour rechercher « Voltaire dans son théâtre » ? Il a commencé et fini par une tragédie. On ne laisse pas cinquante-deux pièces (plus que Corneille et Racine réunis), on n'est pas soi-même acteur, metteur en scène, entrepreneur, directeur, fournisseur attitré uniquement pour galoper après la mode : combien de retentissements profonds seraient à détecter dans ces produits périmés !

« Ils n'avaient guère que l'esprit de leur temps, et non cet esprit qui passe à la dernière postérité », déclare Voltaire des écrivains de second rang. A quoi donc tient la différence ? Paradoxe surprenant : Voltaire avait éminemment l'esprit de son temps et il est passé à la postérité. Ses détracteurs ont beau jeu de dénoncer la médiocrité du penseur. L'entendement voltairien agit à la manière d'un reflet : il « réfléchit » et donne à voir. La limpidité, le discernement, la justesse du coup d'oeil compensent l'absence de profondeur. Voltaire inaugure le règne des Lumières en faisant rayonner la clarté sur tout ce qu'il aborde. Newton, Locke deviennent grâce à lui transparents. Dieu est une évidence démontrée à la raison. La morale, affirme-t-il, « est la même chez tous les hommes qui font usage de leur raison. La morale vient donc de Dieu comme la lumière. » On le voit, si les bornes de l'esprit humain sont étroites, la certitude sur l'essentiel ne fait pas de doute pour celui qui voulait être « douteur et non docteur ».

Parler de raisonnements à courte vue, c'est oublier que Voltaire en son temps a contribué à élargir l'univers de la connaissance avec une obstination infatigable. Il appartient à un âge « critique » dans l'histoire de la pensée : Bayle, Fontenelle ont ouvert la route, Montesquieu le précède de peu dans cette voie. Il s'agit de crever la croûte opaque des phénomènes pour s'élever à l'intelligibilité des choses. Autant de percées, autant de prises de conscience. Si Voltaire admire tant Newton, c'est parce qu'il a rendu compréhensible le fonctionnement de l'univers : un voile de ténèbres est définitivement déchiré, l'homme connaît les lois de la nature. Quant à Locke, il a écrit « l'histoire de l'âme », alors que tous ses prédécesseurs en avaient écrit le roman. « Après tant de courses malheureuses, fatigué, harassé, honteux d'avoir cherché tant de vérités et d'avoir trouvé tant de chimères, je suis revenu à Locke, comme l'enfant prodigue qui retourne chez son père. » Voilà comment Voltaire résumait, dans Le Philosophe ignorant  (1766), son itinéraire intellectuel. Avant de minimiser le résultat, qu'on mesure le chemin parcouru !

La philosophie de Voltaire procède d'un géométrisme radieux dont il doit, malgré qu'il en ait, l'essentiel à Leibniz et à Pope. « Tout est bien », dit Pope ; « Tout est le mieux possible », dit Leibniz : l'auteur de Candide  était disposé à leur emboîter le pas. Les épreuves l'en empêchent et il corrige : « tout est ce qu'il doit être » (Sixième Discours sur l'homme ). Formule ambiguë. S'il répudie « la naïveté d'un finalisme à courte vue » très répandue vers 1730 (J. Ehrard), Voltaire reste finaliste par conviction profonde : au plus fort du désarroi, il ne peut renoncer à la croyance que le monde a un sens et que ce sens n'est pas mauvais. L'énigme du mal demeurera toujours insoluble : le mal interfère sur l'équilibre providentiel de l'univers comme une absurdité inexplicable. « Dieu existe et l'humanité souffre : la philosophie et les systèmes sont impuissants à accorder ces deux certitudes » (Ehrard). Aussi n'y a-t-il pas pour cet esprit pratique de solutions définitives aux problèmes métaphysiques. Le propre de l'intelligence, c'est de s'élever du mieux possible à la compréhension de toute chose. Mais la grandeur de l'intelligence humaine, c'est d'« admettre l'incompréhensible, quand l'existence de cet incompréhensible est prouvée » (Dialogues entre Lucrèce et Posidonius ).

Le lutteur

Religion et histoire

Voltaire a eu au moins trois passions : la religion, l'histoire et la justice. La première a été magistralement analysée par Pomeau qui conclut sa longue enquête sur ces mots : « La religion de Voltaire fut la rencontre d'un caractère et d'un siècle. » Affrontement intime où se reflète la crise collective du sentiment religieux au XVIIIe siècle. Par quels excès l'Église catholique s'est-elle mise au ban de la conscience européenne jusqu'à laisser déclencher la guerre au surnaturel ? Quel traumatisme a donné à Voltaire, comme à tant de ses contemporains, la haine du prêtre homme de sang ? « Je ne suis pas chrétien, mais c'est pour t'aimer mieux », crie le jeune Arouet à Dieu, et l'on préfère ce cri d'amour au cri de guerre un peu sénile des dernières années : « Écrasons l'infâme ! » Il a compris qu'il fallait enlever à l'Église l'exercice du pouvoir temporel et le monopole des âmes : là-dessus, l'avenir lui a donné raison. Mais son déisme implique un antichristianisme radical puisqu'il nie la divinité de Jésus-Christ. L'Incarnation, la Révélation passent son entendement : elles lui paraissent une atteinte à la majesté de l'Etre suprême. C'est en vertu de son rationalisme farouche que Voltaire réprouve la folie de la Croix, ce qui ne l'empêche pas de garder au fond du coeur une nostalgie de l'infini céleste et de redouter comme un danger pour l'humanité toute forme d'athéisme ou de matérialisme.

Dieu sera pour Rousseau une image de lui-même. Il est pour Voltaire un père retrouvé et l'allégeance à l'Éternel est si forte chez lui qu'elle lui laisse toute disponibilité pour se consacrer à ses frères et jouir des biens terrestres. L'histoire occupe une place d'honneur dans le grand tour de la connaissance auquel se livre cette intelligence assoiffée de sciences concrètes. Elle met l'esprit en contact direct avec le devenir universel. Historiographe par vocation avant de l'être officiellement, Voltaire n'a cessé de tenir la chronique des événements au fur et à mesure qu'ils arrivaient. Sans avoir une « philosophie de l'histoire » à proprement parler (il lui eût répugné d'y prétendre), il a considérablement amélioré la manière d'écrire l'histoire, l'arrachant à la légende pour la rendre à la vérité. Sa méthode, fondée sur une information minutieuse et un raisonnement rigoureux, fait date : « Les nouvelles découvertes ont fait proscrire les anciens systèmes, dit-il. On voudra connaître le genre humain dans ce détail intéressant qui fait aujourd'hui la base de la philosophie naturelle. » De l'Histoire de Charles XII  (1732) à l'Essai sur les moeurs  (1756) , les oeuvres spécifiquement historiques de Voltaire atteignent un volume considérable. Avec le temps, il avait accumulé un savoir prodigieux qui ne laisse pas d'encombrer ses écrits de la vieillesse. Mais la mémoire et l'érudition ne sont que d'humbles servantes à ses yeux : par l'histoire, Voltaire veut rejoindre l'« esprit » des nations et des époques et rendre sensibles à tout lecteur de bonne foi les progrès de la raison, cette lente et irréversible montée vers la lumière. Ainsi se réunissaient deux constantes de son génie : l'empirisme et le culte des valeurs.

Politique

Religion et histoire n'auraient pas suffi à Voltaire si elles ne l'avaient dévoué à son prochain. S'il n'a pas, comme Montesquieu ou Rousseau, une doctrine politique à présenter et à défendre, la politique lui brûle les doigts. Cet arriviste-né a longtemps espéré devenir un grand commis de l'État, ambassadeur ou ministre ; à plusieurs reprises, il est intervenu dans les affaires du royaume. De Zadig  à Candide , il a franchi le seuil de l'inéluctable désillusion : après avoir tant travaillé pour la cause du despotisme éclairé, le patriarche de Ferney renonce à convertir les princes ; il tire sa révérence aux gouverneurs de la terre et se mue en seigneur de village. Il mène, il mènera jusqu'à sa mort à Paris une lutte ardente pour la justice. Le Traité sur la tolérance  est écrit en marge de l'affaire Calas (1763). Voltaire brode un ouvrage entier autour du Livre des délits et des peines  de Beccaria (1766). Arracher la jurisprudence à la barbarie, humaniser la loi chaque fois qu'elle est « injuste, inhumaine et pernicieuse », prévenir les délits pour ne pas avoir à les punir, renoncer à des pratiques affreuses comme la question, la roue, le bûcher, supprimer la vénalité de la magistrature : un tel programme ne vise pas à préparer la révolution, il prouve un désir de perfectionnement dans un domaine où la dignité humaine a voix prépondérante. « Nous sommes tous également hommes, mais non membres égaux de la société. » Telle est la réponse de Voltaire au Contrat social  et à tous les communismes imaginables. Elle débouche sur la Déclaration des droits de l'homme.

Si Voltaire a tant protesté dans sa vie, c'était moins pour changer le monde que pour lui restituer sa perfection naturelle. Volonté de démystification, désir d'épuration, tels sont les traits dominants d'une croisade sur laquelle on s'est parfois mépris. On ne peut sans malentendu assimiler Voltaire aux encyclopédistes. Entre Pascal et Voltaire les découvertes de Newton ont mis un fossé : là où l'un dit « mystère inconcevable », l'autre répond « mystère qu'on peut délimiter ; vérité concevable grâce aux lumières de la science ». Un fossé au moins aussi profond sépare Voltaire de Diderot et Rousseau : ce sont deux conceptions de la philosophie radicalement différentes, là un théocentrisme fixiste, un naturalisme fondé sur la nécessité, une évidence rationnelle, un aristocratisme libéral et cosmopolite, ici « le point de départ vers une grande aventure » où l'homme lutte à mains nues avec le destin (J. Fabre), une confiance présomptueuse dans ses moyens de connaissance, un vitalisme biologique justifié par le hasard chez Diderot, chez Jean-Jacques un sentimentalisme autocréateur, un rationalisme générateur de liberté, chez les deux « frères ennemis » une inéluctable démocratisation de la pensée et du langage. Il a fallu l'éloignement de Paris pour que l'illustre vieillard se retrouve au coude à coude avec ses cadets dans la lutte idéologique, ou plutôt pour qu'il donne l'illusion de participer au même combat. Le XXe siècle se plaît à situer au milieu du XVIIIe « la cassure des Temps modernes » (Pomeau), justifiant ainsi le mot de Goethe : « Avec Voltaire, c'est un monde qui finit. Avec Rousseau, c'est un monde qui commence. »

Sous la Révolution, les voltairiens sont perdants. On serait même tenté de généraliser l'aphorisme et de constater l'échec du voltairianisme en toutes circonstances. Voltaire n'a pas fondé de doctrine capable de lui survivre, mais il s'impose par une universalité rarement égalée. Un « collectif » international, lancé par un Anglais, T. Besterman, a mis en chantier la première édition critique intégrale de ses oeuvres : entreprise fantastique, à la mesure de l'intérêt qu'il continue à susciter dans tous les pays du monde. Les approches trop systématiques ont peu de prise sur lui, mais l'imaginaire voltairien, sa création mythologique, « son art, son lexique, son style restent encore très insuffisamment explorés » (Fabre). Les tréfonds de sa « psychologie » sont inépuisables. Qu'importe qu'il n'ait rien inventé s'il a tout discerné ? Son génie est parodique : il maintient les valeurs acquises pour toujours, éveille l'attention, s'exprime dans un style accessible à tout lecteur, rallie l'assentiment du plus grand nombre, amuse en instruisant, assainit l'esprit. C'est au sortir des cataclysmes, lorsque l'homme retrouve presque intact le trésor qu'il croyait avoir détruit, que Voltaire paraît plus jeune que jamais. Protée joue et gagne, même lorsqu'il se trompe. Le savant Maupertuis avait entrevu les bienfaits de l'acupuncture, la spécialisation médicale, l'hibernation : Voltaire s'esclaffe de ces folies, ridiculise son adversaire, et la postérité retient que Voltaire a rossé Maupertuis. Revanche du littéraire sur le scientifique : elle doit rassurer bien des âmes qu'inquiètent le développement des sciences et la décadence des lettres. Lorsque le monde déraisonne, lorsque les littérateurs jargonnent à qui mieux mieux, lorsque les hommes s'entredéchirent pour des différences d'opinions, lorsque la farce de l'existence menace de tourner à la tragédie par la faute des sots, c'est à Voltaire qu'il faut revenir et à son avertissement : « Tremblez que le jour de la raison n'arrive ! » On peut alors ne pas désespérer de l'humanité.

Lire la suite...

La paix de l'âme


Ô suave saison en cours!
N'est aucunement attristante
La pluie fine de certains jours.
Elle satisfait une attente

.

L'atmosphère demeure pure,
Les arbres restent colorés
Ou tout entièrement dorés,
Bien peu sont devenus sculptures.

Mon quatre-vingt-onzième automne!
Un deux novembre ensoleillé.
J'ai circulé émoustillée
Dans la lumière qui rayonne.

Sereinement, je me repose,
En ne me souvenant de rien.
La paix de l'âme fait du bien,
À l'abri de ce qui explose.

3 novembre 2016

Lire la suite...

Rêverie...

Pouvoir être légère

En conscience d'ignorance...

Les regards en arrière

Troublent notre endurance!

Affleurer les sujets

De caresses offensives.

Il est tant de trajets...

Que j'en reste pensive!

Passer outre à ses peurs

Difficile exercice!

Exprimer son ardeur

Laisser quelques indices...

Rêver d'être comprise

Fantasmer sur demain!

Refuser les emprises

Se forger un chemin...

J.G.

Lire la suite...
ADMINISTRATEUR GENERAL

Nouvelles de la galerie de novembre 2016 :

12273191895?profile=original

12273190700?profile=original

 

L’artiste Me’ Asa Weyo auteur-compositeur et interprète belge d’origine Bruxelloise va organiser dans la galerie une "session acoustique" par rapport à son dernier album. Elle s’est produite récemment au Botanique, la rotonde, à Bruxelles ainsi qu’à l'Acte 3 à Braine l'Alleud. Infos: www.facebook.com/measaweyo/artiste/ Ce concert aura lieu le 03 décembre 2016. Réservations obligatoires par E-mail : measaweyo@gmail.com

 

Une première a été réalisée avec le dernier billet d’art de François Speranza sur l’artiste Rodrigue Vanhoutte. En effet celui-ci a été traduit en espagnol à l’initiative du réseau Arts et Lettres. Voir le lien : http://bit.ly/29pxe9q

 

La galerie a entrepris des travaux de rénovations, durant ses vacances 2016, pour rafraîchir son espace. Le dernier remontait à août 2011 ! Ainsi la rentrée culturelle se déroulera sous les meilleurs auspices. Et les belles expositions programmées dans les mois à venir seront présentées dans un espace complètement remis à neuf.   

 

La galerie vient de créer une nouvelle page « Evénements », qui fait suite à la nouvelle page « Collections », sur son site. Ainsi toutes les activités autres que les expositions dans la galerie seront présentées. Tel que les vernissages événements avec reportage photos sur les  participants présents et les ambiances, concerts, présentations de livres, soirées annuelles de remises des recueils d’art aux artistes présents dans les recueils d’art, présence à d’autres événements extérieurs, partenariats avec d’autres galeries ou associations culturelles, etc…

 

D’autres projets sont dans les cartons et seront annoncé prochainement dans cette même rubrique. Soyez attentif à la lecture de mes prochaines programmations…

Lire la suite...
ADMINISTRATEUR GENERAL

 

Espace Art Gallery vous présente son sommaire :

 

 

1.4 Actuellement à EAG

2.4 Prochainement à EAG

3.4 Informations diverses :

Adresse, nouvelles, projets, liens, …

4.4 En pièce jointe : Bruxelles Culture 1 novembre : page 16 !

 

 

1.4 Actuellement à EAG

 

 

Exposition octobre - novembre :

 

 

Brigitte BORSU (Fr) peintures

« Regards entre formes et couleurs »

 

Odile BLANCHET (Fr) peintures

« Interstellaire »

 

FCRN (Fr) photographies

« Voyage »

 

Jocelyne VERNAY (Fr) peintures

« REGARD – EMOTION »

 

 

Le VERNISSAGE a lieu le 19/10 de 18h 30 à 21h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11h 30 à 18h 30. Et sur rendez-vous le dimanche.

 

Le FINISSAGE les 05 & 06 novembre 2016 de 11h 30 à 18h 30.

 

 

2.4 Prochainement à EAG

 

 

Exposition novembre - décembre :

 

La galerie poursuit son partenariat avec l’association culturelle Com2art (France), la deuxième exposition événement d’artistes internationaux dans toute la galerie du 09/11 au 04/12/2016. La première exposition ayant eu un beau succès l’association a poursuivi sur sa lancée en 2016 et même en 2017 ! Dans un prochain communiqué il en sera fait mention mais nous pouvons déjà dire que l’exposition événement célèbrera les 150 ans de la naissance du canada en 1867. Aura lieu à cette occasion différente animations culturels…  

 

Pierre MORIN, Jacqueline GUIBAT, Alain LE CHAPELIER, Natalia MANDEL, Jean-Pierre NEVEU, Cristian SAINZ MARIN, Bianca TOSTI, Audrey TRAINI, Christine BAZANTAY, Chantal LOMBARDO, Ingrid MATYSIAK, Françoise PATERAC, Carole PAVIO, Christine BOUQUET et  JOS&JAN.

 

Le VERNISSAGE a lieu le 09/11 de 18h 30 à 21h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11h 30 à 18h 30. Et sur rendez-vous le dimanche.

 

Vernissage qui sera agrémenté d’extraits de Musique Celtique interprétés par la harpiste Françoise MARQUET.  

 

Le FINISSAGE les 03 & 04 décembre 2016 de 11h 30 à 18h 30.

 

 

Exposition décembre :

 

 

Christine BRY (Fr) peintures

« Cavalcades »

 

Brigitte BORSU (Fr) aquarelles

« Maroc, scènes de vie »

 

 

Le VERNISSAGE a lieu le 19/10 de 18h 30 à 21h 30 et l’exposition du mardi au samedi inclus de 11h 30 à 18h 30. Et sur rendez-vous le dimanche.

 

Vernissage qui sera agrémenté d’extraits de Musique Celtique interprétés par la harpiste Françoise MARQUET.  

 

Le FINISSAGE les 05 & 06 novembre 2016 de 11h 30 à 18h 30.

 

 

3.4 Informations diverses

 

 

Espace Art Gallery 35 rue Lesbroussart 1050 Bruxelles. Ouvert du mardi au samedi de 11h 30 à 18h 30. Et le dimanche sur rendez-vous. GSM : 00 32 497 577 120

 

Nouvelles de la galerie :

 

L’artiste Me’ Asa Weyo auteur-compositeur et interprète belge d’origine Bruxelloise va organiser dans la galerie une "session acoustique" par rapport à son dernier album. Elle s’est produite récemment au Botanique, la rotonde, à Bruxelles ainsi qu’à l'Acte 3 à Braine l'Alleud. Infos: www.facebook.com/measaweyo/artiste/ Ce concert aura lieu le 03 décembre 2016. Réservations obligatoires par E-mail : measaweyo@gmail.com

Une première a été réalisée avec le dernier billet d’art de François Speranza sur l’artiste Rodrigue Vanhoutte. En effet celui-ci a été traduit en espagnol à l’initiative du réseau Arts et Lettres. Voir le lien : http://bit.ly/29pxe9q

 

La galerie a entrepris des travaux de rénovations, durant ses vacances 2016, pour rafraîchir son espace. Le dernier remontait à août 2011 ! Ainsi la rentrée culturelle se déroulera sous les meilleurs auspices. Et les belles expositions programmées dans les mois à venir seront présentées dans un espace complètement remis à neuf.    

 

La galerie a créé une nouvelle page « Événements », qui fait suite à la nouvelle page « Collections », sur son site. Ainsi toutes les activités autres que les expositions dans la galerie seront présentées. Tel que les vernissages événements avec reportage photos sur les participants présents et les ambiances, concerts, présentations de livres, soirées annuelles de remises des recueils d’art aux artistes présents dans les recueils d’art, présence à d’autres événements extérieurs, partenariats avec d’autres galeries ou associations culturelles, etc…

 

D’autres projets sont dans les cartons et seront annoncé prochainement dans cette même rubrique. Soyez attentif à la lecture de mes prochaines programmations…

 

Infos artistes et visuels sur :

 

Site de la galerie : http://www.espaceartgallery.eu

Le site de l’Espace Art Gallery se prolonge également sur

Le Réseau Arts et Lettres à l'adresse: http://ning.it/KUKe1x

Voir: https://artsrtlettres.ning.com/ (Inscription gratuite)

Les critiques de François Speranza sur Arts et Lettres :

Voir : http://bit.ly/265znvq

La galerie est devenue éditrice d’art pour fêter ses 10 ans :

Voir : http ://www.espaceartgallery.eu/editions/

Présentations des événements dans la galerie :

Voir : http://www.espaceartgallery.eu/category/evenements/

Ma nouvelle page Facebook qui présente toutes mes actualités :

Voir : https://www.facebook.com/www.espaceartgallery.eu/

 

4.4 En pièce jointe : Bruxelles Culture

 

Découvrez en pièce jointe « Bruxelles Culture » le magazine qui facilite la vie culturelle des amateurs d’arts.

 

Au plaisir de vous revoir à l’un ou l’autre de ces événements.

 

Bien à vous,

 

                                                        Jerry Delfosse

                                                        Espace Art Gallery

                                                        GSM: 00.32.497. 577.120

                                                       Voir:         http://espaceartgallery.eu

Lire la suite...
ADMINISTRATEUR GENERAL

Nouvelles de la galerie d’octobre 2016 :

12273189465?profile=original

12273190054?profile=original

La galerie poursuit son partenariat avec l’association culturelle Com2art (France). La deuxième exposition événement d’artistes internationaux dans toute la galerie est du 09/11 au 04/12/2016. La première exposition ayant eu un beau succès l’association a poursuivi sur sa lancée en 2016 et même en 2017 ! Dans un prochain communiqué il en sera fait mention mais nous pouvons déjà dire que l’exposition événement célèbrera les 150 ans de la naissance du canada en 1867. Aura lieu à cette occasion différente animations culturels…   

 

Une première a été réalisée avec le dernier billet d’art de François Speranza sur l’artiste Rodrigue Vanhoutte. En effet celui-ci a été traduit en espagnol à l’initiative du réseau Arts et Lettres. Voir le lien : http://bit.ly/29pxe9q

 

La galerie a entrepris des travaux de rénovations, durant ses vacances 2016, pour rafraîchir son espace. Le dernier remontait à août 2011 ! Ainsi la rentrée culturelle se déroulera sous les meilleurs auspices. Et les belles expositions programmées dans les mois à venir seront présentées dans un espace complètement remis à neuf.   

 

La galerie vient de créer une nouvelle page « Evénements », qui fait suite à la nouvelle page « Collections », sur son site. Ainsi toutes les activités autres que les expositions dans la galerie seront présentées. Tel que les vernissages événements avec reportage photos sur les  participants présents et les ambiances, concerts, présentations de livres, soirées annuelles de remises des recueils d’art aux artistes présents dans les recueils d’art, présence à d’autres événements extérieurs, partenariats avec d’autres galeries ou associations culturelles, etc…

 

D’autres projets sont dans les cartons et seront annoncé prochainement dans cette même rubrique. Soyez attentif à la lecture de mes prochaines programmations…

Lire la suite...

 SI vous vous intéressez à la SPIRITUALITE LAIQUE et à l'EDUCATION MORALE pour demain

Un chercheur, Inspecteur Honoraire de l’Éducation Nationale et Chercheur en Sciences de l’Éducation, souhaite partager sa recherche universitaire afin que chaque enseignant en premier degré puisse télécharger sa thèse afin d’en appliquer les actions et principes proposés dans chacune des classes concernées dont le (ou la) professeur(e) d’école est intéressé. Il s’agit de mettre en place une éthique minimale ayant pour bases l’apprentissage de la démocratie et la laïcité ouverte ,et la citoyenneté favorisant un meilleur vivre-ensemble, et de développer les qualités de cœur des enfants grâce à un éveil aux valeurs humaines, et une spiritualité profondément laïque développée avec des nouvelles actions pédagogiques , telles que : l’apprentissage de la CNV aux enfants, le yoga traditionnel à l’école,  les différents arts martiaux, l’assise silencieuse, une pédagogie bienveillante et coopérative. Des fiches, des références et des suggestions pratiques accompagnent cette thèse dans ses annexes.

Il suffira alors de se rendre sur le site internet ciblé et de télécharger la recherche pour son école , son professeur et sa classe.

Elle a été téléchargée 10800 fois en 4 années sur le site de l'Université de Lyon dans le registre " Archives Ouvertes"

voici le lien pour ouvrir cette page (cliquez sur la fenêtre en haut à droite : "télécharger le dossier" :

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00775897

--------------------------------------------------VOICI LE RESUME DE CETTE RECHERCHE -----------------------------------------
Résumé :

Face au consumérisme et à l'individualisme ambiants, à l'érosion de l'autorité éducative et à des manifestations de violence dans certains établissements scolaires, et parfois d'intolérance religieuse et ethnique, cette thèse propose plusieurs pistes de réflexion et des propositions en lien avec un besoin social d'éthique et la demande de clarification des valeurs pour l'école aujourd'hui.

D'abord, la thèse propose une historiographie des principes moraux enseignés entre les années Ferry et Mitterrand à l'école primaire ; ensuite elle interroge les philosophes et chercheurs afin de proposer une assise théorique sur l'éducation morale et l'éthique scolaire.

Enfin, à l'aide de cet arrière-plan conceptuel et d'un questionnaire national instruit par 120 enseignants, elle développe une réflexion sur les pratiques pour concrétiser dans l'école française deux défis éducatifs :

-La proposition d'une éthique minimale, tissée de démocratie et de laïcité, avec l'apprentissage du respect mutuel, de la nature, des règles sociales ; l'éveil à la communication non-violente, le respect des principes moraux indispensables au vivre ensemble.

-Un éveil à une spiritualité laïque exempte de tout lien avec la religion, permettant l'éveil aux valeurs humanistes et l'organisation d'activités pédagogiques développant un climat de paix et de tolérance, de non-violence et de solidarité.

Redonner du sens à notre existence partagée, dans une école où les savoir-être sont aussi importants que les connaissances à acquérir. Œuvrer pour une " vie scolaire bonne " utile et agréable, où l'attention aux autres et la coopération sont promues, où le respect de valeurs morales est accepté et appliqué par tous les acteurs de l'école!

Lire la suite...

Bonjour à tous,

Au sein de l'exposition MELTIN' ART SPOT organisée par l'Association com2Art de Cannes (avec un collectif d'artistes sélectionné par Bénédicte Lecat) Jos And Jan VanDuinkerk présenteront pour la première fois LES POESIES URBAINES ... quand la poésie rejoint l'art photographique.

Vernissage le 9 novembre 2016 en l'ESPACE ART GALLERY rue Lesbroussart à Bruxelles ... De 18h30 à 21h30... Venez nombreux.


12273191058?profile=original

Lire la suite...

Le rire facile

Très longtemps, je fus rigolote.
J'aimais faire rire mes soeurs.
Peu m'importait de sembler sotte
À un vieil oncle ronchonneur.

Devenue ma seule audience,
N'ayant pas perdu ma gaieté,
Je romps quelques fois le silence
Et laisse mon rire éclater.

Suite à un geste maladroit,
Dont les effets sont réparables
Souvent, je me moque de moi.
Rire me semble préférable.

Avec mon fils aîné, Alain,
En auto, disons des comptines.
Nous en rions avant la fin.
Certaines sont vraiment coquines.

 «Elle a quatre-vingt-dix ans
Celui sautant, sautant la vieille!
Elle a quatre vingt-dix ans
                              Celui sautant, sautant! »                          

1/11/ 2016

Lire la suite...
RSS
M'envoyer un mail lorsqu'il y a de nouveaux éléments –

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles